Du nouveau dans l’insuffisance aortique

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24/11/2011 DU NOUVEAU DANS L’INSUFFISANCE AORTIQUE Deux papiers ont été récemment publiés dans le JACC et traitant de la prise en charge, toujours controversée, de l’Insuffisance aortique chronique. abord, il y a le travail de Pizarro et al. (1). Les auteurs ont étudiée la valeur pronostique additive et indépendante du BNP dans le suivi de 294 patients porteurs d’une insuffisance aortique chronique avec FE VG préservée et pas de symptôme. Ceci était vérifié par une épreuve d’effort négative à plus de 7 METS. Les patients devaient, pour être inclus, n’avoir pas d’anévrisme de l’aorte ascendante, pas de rétrécissement valvulaire aortique, pas de cardiopathie autre et la fuite devait être quantifiée avec une surface de l’orifice régurgitant > 30mm² et/ou un volume régurgitant > 60ml/ Cycle. Les 160 premiers patients ont permis de valider la valeur du BNP et ceci a été confirmé sur les 134 patients suivants. Le suivi était de plus de trois ans et ceci a permis aux auteurs de démontrer la valeur pronostique d’un taux de BNP > 130pg/ml alors que 28 % des patients ont eu un événement au cours du suivi (insuffisance cardiaque, dysfonction ventriculaire gauche, décès). En analyse multivariée, le BNP > 130 pg/ml est le paramètre le mieux capable de définir le risque d’événement avec un OR de 6,9. Le diamètre télésystolique du ventricule gauche / surface corporelle > 24mm/m² est aussi un paramètre pronostique indépendant avec un OR à 2.4 ; la surface de l’orifice régurgitant a un OR de 4,3 et le diamètre télédiastolique du ventricule gauche / surface corporelle > 35mm/m² est caractérisé par un OR de 2,1. Ces résultats sont importants et pourront sans doute, s’ils sont confirmés, venir compléter la consultation, l’échocardiographie qui est habituellement réalisée dans le suivi d’un patient ayant une insuffisance aortique isolée. Notons tout de même que ces patients sont plutôt rares ; ceux de l’étude ici rapportée avaient une surface de l’orifice régurgitant médian de 48mm et un âge de 53 ans. Il y a sinon le travail publié par Elder et al (2). Nous avions pour l’instant des données contradictoires concernant l’intérêt des bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone dans le traitement médical des insuffisances aortiques. Les IEC permettent pourtant de réduire la post-charge, donc le stress pariétal. Par ce biais, les IEC devraient diminuer la dilatation et l’hypertrophie du ventricule gauche telles qu’on l’observe dans les insuffisances aortiques au fil du temps. A partir d’un registre écossais entre 1993 et 2008, 2 266 patients ont pu être identifiés pour avoir une fuite aortique au minimum moyenne. Ces patients ont été suivis 4,4 ± 3,7 ans. L’âge médian était 74 ans, 31 % des patients étaient traités par un IEC ou un ARA2. Au fil du suivi, il y a eu 25,7 % de décès. Il a ainsi été possible de comparer les patients, qu’ils soient ou non traités par un IEC sur le critère décès, événement en rapport avec la fuite aortique et le résultat de cette enquête est que clairement, la prescription d’un IEC est associée à un risque d’événement ou de décès significativement réduit par rapport aux patients ne prenant pas ces bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone. On se souvient des travaux de Scognamiglio et al (3) et à l’inverse d’Evangelista et al (4) montrant les uns un effet très favorable de la prescription de nifedipine sur le pronostic de patients porteurs d’une insuffisance aortique, et les autres un effet neutre de l’enalapril et de la nifedipine. Il convient donc d’être prudent, et le résultat retrouvé par les collègues écossais mérite très certainement une étude randomisée sur un nombre suffisant de patients pour enfin conclure à l’intérêt ou non des IEC dans le traitement préventif des complications d’une insuffisance aortique chronique. Les deux études précédentes avaient des suivis de 6 et 7 ans, donc bien supérieurs à l’observatoire de Elder et al. Ce dernier travail jouit d’une large population et d’une analyse statistique sophistiquée mais ce travail souffre quand même de la qualification de la fuite aortique qui n’a pas été vérifiée. Un travail prospectif randomisé reste donc sans doute souhaitable. Voici deux papiers récents témoignant de l’intérêt que nous devons porter aux insuffisances aortiques pour mieux les traiter. Il y a l’anévrisme de l’aorte ascendante qu’il faut rechercher et suivre, mais aussi le BNP, la dilatation du ventricule gauche et peut-être aussi un intérêt à prescrire un médicament IEC, à suivre…. Dr Erwan DONAL, Rennes 1. Pizarro R, Bazzino OO, Oberti PF, et al. Prospective validation of the prognostic usefulness of B-type natriuretic Peptide in asymptomatic patients with chronic severe aortic regurgitation. J Am Coll Cardiol 2011;58:1705-14. 2. Nadir MA, Wei L, Elder DH, et al. Impact of renin-angiotensin system blockade therapy on outcome in aortic stenosis. J Am Coll Cardiol 2011;58:570-6. 3. Scognamiglio R, Rahimtoola SH, Fasoli G, Nistri S, Dalla Volta S. Nifedipine in asymptomatic patients with severe aortic regurgitation and normal left ventricular function. N Engl J Med 1994;331:689-94. 4. Evangelista A, Tornos P, Sambola A, Permanyer-Miralda G, Soler-Soler J. Long-term vasodilator therapy in patients with severe aortic regurgitation. N Engl J Med 2005;353:1342-9. D

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24/11/2011

DU NOUVEAU DANS L’INSUFFISANCE AORTIQUE

Deux papiers ont été récemment publiés dans le JACC et traitant de la prise en charge, toujours controversée, de l’Insuffisance aortique chronique.

abord, il y a le travail de Pizarro et al. (1). Les auteurs ont étudiée la

valeur pronostique additive et indépendante du BNP dans le suivi de 294 patients porteurs d’une insuffisance aortique chronique avec FE VG préservée et pas de symptôme. Ceci était vérifié par une épreuve d’effort négative à plus de 7 METS. Les patients devaient, pour être inclus, n’avoir pas d’anévrisme de l’aorte ascendante, pas de rétrécissement valvulaire aortique, pas de cardiopathie autre et la fuite devait être quantifiée avec une surface de l’orifice régurgitant > 30mm² et/ou un volume régurgitant > 60ml/ Cycle. Les 160 premiers patients ont permis de valider la valeur du BNP et ceci a été confirmé sur les 134 patients suivants. Le suivi était de plus de trois ans et ceci a permis aux auteurs de démontrer la valeur pronostique d’un taux de BNP > 130pg/ml alors que 28 % des patients ont eu un événement au cours du suivi (insuffisance cardiaque, dysfonction ventriculaire gauche, décès). En analyse multivariée, le BNP > 130 pg/ml est le paramètre le mieux capable de définir le risque d’événement avec un OR de 6,9. Le diamètre télésystolique du ventricule gauche / surface corporelle > 24mm/m² est aussi un paramètre pronostique indépendant avec un OR à 2.4 ; la surface de l’orifice régurgitant a un OR de 4,3 et le diamètre télédiastolique du ventricule gauche / surface corporelle > 35mm/m² est caractérisé par un OR de 2,1. Ces résultats sont importants et pourront sans doute, s’ils sont confirmés, venir

compléter la consultation, l’échocardiographie qui est habituellement réalisée dans le suivi d’un patient ayant une insuffisance aortique isolée. Notons tout de même que ces patients sont plutôt rares ; ceux de l’étude ici rapportée avaient une surface de l’orifice régurgitant médian de 48mm et un âge de 53 ans. Il y a sinon le travail publié par Elder et al (2). Nous avions pour l’instant des données contradictoires concernant l’intérêt des bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone dans le traitement médical des insuffisances aortiques. Les IEC permettent pourtant de réduire la post-charge, donc le stress pariétal. Par ce biais, les IEC devraient diminuer la dilatation et l’hypertrophie du ventricule gauche telles qu’on l’observe dans les insuffisances aortiques au fil du temps. A partir d’un registre écossais entre 1993 et 2008, 2 266 patients ont pu être identifiés pour avoir une fuite aortique au minimum moyenne. Ces patients ont été suivis 4,4 ± 3,7 ans. L’âge médian était 74 ans, 31 % des patients étaient traités par un IEC ou un ARA2. Au fil du suivi, il y a eu 25,7 % de décès. Il a ainsi été possible de comparer les patients, qu’ils soient ou non traités par un IEC sur le critère décès, événement en rapport avec la fuite aortique et le résultat de cette enquête est que clairement, la prescription d’un IEC est associée à un risque d’événement ou de décès significativement réduit par rapport aux patients ne prenant pas ces bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone. On se souvient des travaux de Scognamiglio et al (3) et à l’inverse d’Evangelista et al (4) montrant les uns un effet très favorable de la prescription de nifedipine sur le pronostic de patients porteurs d’une insuffisance aortique, et les autres un effet neutre de l’enalapril et de

la nifedipine. Il convient donc d’être prudent, et le résultat retrouvé par les collègues écossais mérite très certainement une étude randomisée sur un nombre suffisant de patients pour enfin conclure à l’intérêt ou non des IEC dans le traitement préventif des complications d’une insuffisance aortique chronique. Les deux études précédentes avaient des suivis de 6 et 7 ans, donc bien supérieurs à l’observatoire de Elder et al. Ce dernier travail jouit d’une large population et d’une analyse statistique sophistiquée mais ce travail souffre quand même de la qualification de la fuite aortique qui n’a pas été vérifiée. Un travail prospectif randomisé reste donc sans doute souhaitable. Voici deux papiers récents témoignant de l’intérêt que nous devons porter aux insuffisances aortiques pour mieux les traiter. Il y a l’anévrisme de l’aorte ascendante qu’il faut rechercher et suivre, mais aussi le BNP, la dilatation du ventricule gauche et peut-être aussi un intérêt à prescrire un médicament IEC, à suivre….

Dr Erwan DONAL,

Rennes

1. Pizarro R, Bazzino OO, Oberti PF, et al. Prospective validation of the prognostic usefulness of B-type natriuretic Peptide in asymptomatic patients with chronic severe aortic regurgitation. J Am Coll Cardiol 2011;58:1705-14. 2. Nadir MA, Wei L, Elder DH, et al. Impact of renin-angiotensin system blockade therapy on outcome in aortic stenosis. J Am Coll Cardiol 2011;58:570-6. 3. Scognamiglio R, Rahimtoola SH, Fasoli G, Nistri S, Dalla Volta S. Nifedipine in asymptomatic patients with severe aortic regurgitation and normal left ventricular function. N Engl J Med 1994;331:689-94. 4. Evangelista A, Tornos P, Sambola A, Permanyer-Miralda G, Soler-Soler J. Long-term vasodilator therapy in patients with severe aortic regurgitation. N Engl J Med 2005;353:1342-9.

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