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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2003, N° 277 (3) 53 BIODIVERSITÉ / LE POINT SUR… Conservation de la biodiversité forestière en Afrique centrale atlantique III. Gestion et priorités d’investissement dans les sites critiques Charles Doumenge Forafri BP 4035 Libreville Gabon Timothé Fomete Nembot Zachée Tchanou Université de Dschang Faculté d’agronomie BP 271 Dschang Cameroun Vicente Micha Ondo Nicanor Ona Nze Ministerio de Forestal y Ambiente Gabinete de Planificación Forestal Apdo. 840 Malabo Guinée équatoriale Henri Bourobou Bourobou Alfred Ngoye Iret-Cenarest BP 13354 Libreville Gabon Le présent article est le dernier d’une série de trois consacrée aux aires protégées et aux sites critiques pour la conservation de la biodiversité forestière du Cameroun, du Gabon et de la Guinée équatoriale (Doumenge et al., 2001, 2003). Il esquisse un bilan de la gestion et présente une méthode d’évaluation des sites, en fonction de leur intérêt biologique et des menaces qu’ils subissent. Cette démarche vise à rationaliser le choix des sites à développer et les priorités d’investissement. L’importante nébulosité baignant les chaînes montagneuses côtières est l’un des facteurs favorisant leur richesse floristique. Permanent cloud cover over coastal mountain ranges is one of the factors of their botanic richness. Photo C. Doumenge.

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Conservation de la biodiversitéforestière en Afrique centrale

atlantiqueIII. Gestion et priorités

d’investissement dans les sitescritiques

Charles DoumengeForafriBP 4035LibrevilleGabon

Timothé Fomete NembotZachée TchanouUniversité de DschangFaculté d’agronomie BP 271DschangCameroun

Vicente Micha OndoNicanor Ona NzeMinisterio de Forestal y AmbienteGabinete de Planificación ForestalApdo. 840MalaboGuinée équatoriale

Henri Bourobou BourobouAlfred NgoyeIret-CenarestBP 13354LibrevilleGabon

Le présent article est le dernier d’une série de trois consacrée aux airesprotégées et aux sites critiques pour la conservation de la biodiversité forestière duCameroun, du Gabon et de la Guinée équatoriale (Doumenge et al., 2001, 2003). Ilesquisse un bilan de la gestion et présente une méthode d’évaluation des sites, enfonction de leur intérêt biologique et des menaces qu’ils subissent. Cette démarchevise à rationaliser le choix des sites à développer et les priorités d’investissement.

L’importante nébulosité baignant les chaînes montagneuses côtières est l’un des facteurs favorisantleur richesse floristique. Permanent cloud cover over coastal mountain ranges is one of the factors of their botanic richness. Photo C. Doumenge.

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FOCUS / BIODIVERSITY

RÉSUMÉ

CONSERVATION DE LABIODIVERSITÉ FORESTIÈRE ENAFRIQUE CENTRALE ATLANTIQUEIII. GESTION ET PRIORITÉS D’IN-VESTISSEMENT DANS LES SITESCRITIQUES

L’article précédent présentait unréseau de « sites critiques » pour laconservation de la biodiversité fores-tière et des systèmes écologiques duCameroun, du Gabon et de Guinéeéquatoriale. Afin de rationaliser lechoix des sites à développer et lespriorités d’investissement, nousexposons, ici, une méthode d’évalua-tion des sites en fonction de leur inté-rêt biologique et des menaces qu’ilssubissent. Les résultats de cette éva-luation permettent d’entamer un pro-cessus itératif de prise de décision etde suivi-évaluation. Malgré une aug-mentation des pressions sur les res-sources forestières, la valeur biolo-gique et écologique du réseau sous-régional de sites critiques restebonne : il est encore temps d’agirpour préserver ce potentiel naturel etle valoriser de manière durable. Cha-cun des pays concernés recèle dessites d’importance régionale – voirecontinentale – pour la conservationde la biodiversité forestière africaine.De par leur importance biologique etleur rôle dans la survie des forêts, lessites critiques et leur périphériedevraient faire l’objet des premièresactions de mise en œuvre des plansde zonage et d’aménagement sur leterrain.

MMoottss--ccllééss :: stratégie de conservation,biodiversité forestière, évaluation,processus décisionnel, Cameroun,Gabon, Guinée équatoriale.

ABSTRACT

FOREST BIODIVERSITYCONSERVATION IN ATLANTICREGIONS OF CENTRAL AFRICA:III. MANAGEMENT ANDINVESTMENT PRIORITIES FORCRITICAL SITES

In our previous article, we describeda network of “critical sites” for theconservation of forest biodiversityand ecosystems in Cameroon, Gabonand Equatorial Guinea. This articleexplains how the method used toassess sites, according to their bio-logical value and the threats to whichthey are exposed, provides a ration-ale for choosing the sites and defin-ing investment priorities. The resultsprovide a basis for an iterative deci-sion-making, monitoring and evalua-tion process. Despite increasing pressure on forest resources, thesub-regional network of critical siteshas retained its high biological andecological value: action is still possi-ble to preserve their natural potentialand use it sustainably. Each of thecountries concerned harbours sites ofregional and even continental impor-tance for the conservation of Africa’sforest biodiversity. Because of theirbiological importance and their rolein forest survival, these critical sitesand their immediate surroundingsneed to become the targets of thefirst practical measures to implementzoning plans and spatial planningmeasures.

Keywords: conservation strategy, for-est biodiversity, assessment, deci-sion-making process, Cameroon,Gabon, Equatorial Guinea.

RESUMEN

CONSERVACIÓN DE LABIODIVERSIDAD FORESTAL ENÁFRICA CENTRAL ATLÁNTICA:III. GESTIÓN Y PRIORIDADES DEINVERSIÓN EN LAS ZONASCRÍTICAS

El artículo anterior presentaba unared de “zonas críticas” para la conser-vación de la biodiversidad forestal yde los sistemas ecológicos deCamerún, Gabón y Guinea Ecuatorial.Para racionalizar la elección de laszonas que deben desarrollarse y lasprioridades de inversión, exponemosaquí un método de evaluación de laszonas en función de su interés bioló-gico y las amenazas que sufren. Losresultados de esta evaluación permi-ten iniciar un proceso iterativo detoma de decisión y de seguimiento-evaluación. A pesar del aumento delas presiones sobre los recursosforestales, el valor biológico y ecoló-gico de la red subregional de zonascríticas sigue siendo bueno: aún estiempo de actuar para proteger estepotencial natural y valorizarlo demanera sostenible. Todos los paísesen cuestión encierran zonas deimportancia regional –o incluso conti-nental– para la conservación de labiodiversidad forestal africana.Debido a su importancia biológica y asu papel en la supervivencia de losbosques, las zonas críticas y su peri-feria deberían ser objeto de las pri-meras acciones de aplicación de losplanes de zonificación y ordenaciónsobre el terreno.

Palabras clave: estrategia de conser-vación, biodiversidad forestal, eva-luación, proceso de decisión,Camerún, Gabón, Guinea Ecuatorial.

C. Doumenge, T. Fomete Nembot, Z. Tchanou, V. Micha Ondo, N. Ona Nze, H. Bourobou Bourobou,A. Ngoye

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Introduction

Dans le précédent article, un ré-seau sous-régional de sites critiquesdestiné à protéger l’essentiel, si cen’est la totalité, de la biodiversité fo-restière de la sous-région a été étudié.Même si l’ensemble de ces sites étaitclassé en aires protégées, la protectionde la biodiversité qu’ils renferment res-terait illusoire sans un ensemble demesures de gestion adéquates et desinvestissements conséquents.

Si les budgets alloués à la ges-tion des aires protégées et de la bio-diversité étaient augmentés, lesinvestissements requis (humains,matériels et financiers) dépasseraientencore les possibilités des gouverne-ments. Ces derniers doivent faireappel au soutien de la communautéinternationale mais aussi, parfois,aux acteurs privés ou à ceux de lasociété civile (organisations non gou-vernementales).

Dans tous les cas, les besoinsdépassant généralement les moyensdisponibles, le souci d’efficacité dansles investissements nécessite d’effec-tuer des choix, d’établir des prioritésd’investissement. Les critères de choixpeuvent être purement politiques ousentimentaux. Ils peuvent aussi dériverd’une analyse plus rationnelle, tellequ’elle est suggérée ici (voir aussi,pour le Cameroun, Culverwell, 1997).

Une méthoded’évaluation

des sites

Afin de rationaliser le choix dessites retenus dans le réseau sous-régional, et d’indiquer par la suite unordre d’importance et d’urgence d’in-tervention, un ensemble de critèreset d’indicateurs leur ont été appli-qués (Doumenge, 1998). Ils sont clas-sés en deux groupes : « valeur biolo-gique et écologique » et « degré dedégradation et de menaces ».

Les indicateurs de valeur

Les indicateurs de valeur sontau nombre de quatre.

Diversité biologique et écologique.Estimation fondée en priorité sur lenombre de grands types de végéta-tion (forêt de basse altitude, forêt demontagne…) et sur leur richesse rela-tive (forêts périodiquement inondéesplus riches que les mangroves…),ainsi que sur la diversité en mammi-fères et oiseaux, les deux groupesanimaux les plus étudiés.Endémisme. Il concerne en prioritéles espèces endémiques à un site(mont Cameroun, par exemple), voireun petit groupe de sites (îles du golfede Guinée). La valeur attribuée auxmammifères, aux arbres et aux

oiseaux a été considérée commesupérieure à celle des batraciens oudes herbacées, par exemple.Rareté de l’habitat et des espèces.Elle concerne la rareté relative, dansla sous-région, d’espèces (lamantin,hippopotame…), d’habitats (forêts denuages…) ou de combinaisons d’ha-bitats (assemblage de forêts allantdes forêts de basse altitude auxzones subalpines).Taille des populations. En règle géné-rale, elle est estimée indirectementpar la taille du site, sauf dans des casparticuliers pour lesquels on disposede quelques chiffres (éléphant, parexemple).

Les indicateurs de dégradation

Les indicateurs de dégradationtouchent, quant à eux, aux aspectssuivants. Degré de dégradation. Des indica-teurs précieux de l’état de dégrada-tion du site incluent la présence devillages et la densité de population,une estimation des superficies souscultures ou recolonisées par desforêts secondaires, l’existence d’ex-ploitations forestières sur tout oupartie du site, l’extension des zonesparcourues par les braconniers…

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Les mangroves : des écosystèmesfragiles adaptés aux eaux salées et saumâtres. Mangroves are fragile ecosystems thathave adapted to brackish and saltwater ecosystems. Photo C. Doumenge.

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(1) C : Cameroun ; G : Gabon ; GE : Guinée équatoriale.

(2) Les indicateurs de la valeur biologiqueet écologique des sites sont les suivants :1. Diversité biologique et écologique.2. Endémisme.3. Rareté de l’habitat et des espèces. 4. Taille des populations.

(3) Les indicateurs de dégradation et demenaces pesant sur les sites sont lessuivants :5. Degré de dégradation. 6. Isolement des habitats. 7. Degré de protection. 8. Isolement géographique.

Les résultats de cette évaluation doiventêtre pris avec précaution, car cetteméthode n’est qu’un premier pas versune tentative de rationalisation duclassement des sites. Le lecteur curieuxet connaissant le terrain ne devrait pas secontenter des résultats affichés dans letableau ci-dessus. Il devrait, au contraire,les confronter à sa propre expérience enrefaisant lui-même l’exercice. La méthodene vaut d’ailleurs pas tant pour leschiffres absolus affectés à chaque siteque pour la comparaison relative dessites qu’elle permet. Pour de plus amplesdétails, on pourra consulter Doumenge(1998) ainsi que les référencesbibliographiques complémentaires.

Encadré 1. Évaluation des sites critiques pour la conservation des forêts du Cameroun, du Gabon et de Guinée équatoriale.

Sites (1) Valeur (2) Menaces (3) Total1 2 3 4 Sous-total 5 6 7 8 Sous-total

Akanda (G) 1 1 3 1 6 3 3 5 1 12 18

Alén (GE) 5 3 3 3 14 1 1 1 1 4 18

Annobón (GE) 3 3 5 1 12 5 3 3 5 16 28

Ayos (C) 1 1 5 1 8 1 3 3 3 10 18

Bakossi-Banyang Mbo (C) 3 5 5 1 14 1 3 5 1 10 24

Basilé (GE) 5 5 5 1 16 1 5 3 5 14 30

Bélinga (G) 3 1 3 1 8 1 1 3 1 6 14

Bere (GE) 1 1 5 1 8 5 5 5 1 16 24

Bioko Sur (GE) 5 5 5 3 18 1 5 3 5 14 32

Boumba Bek-Nki (C) 3 1 3 5 12 1 1 3 1 6 18

Cameroun (mont) (C) 5 5 5 3 18 3 5 3 1 12 30

Campo (GE) 1 1 3 1 6 5 3 3 1 12 18

Campo-Ma’an (C) 5 1 3 5 14 3 1 3 3 10 24

Dja (C) 3 1 3 5 12 1 3 3 3 10 22

Djoua (G) 1 1 1 3 6 1 1 3 1 6 12

Doula-Edéa (C) 3 1 3 3 10 5 5 5 3 18 28

Estuaire Sud (G) 1 1 3 1 6 1 3 3 1 8 14

Gamba (G) 5 3 3 5 16 3 3 1 3 10 26

Ipassa-Mingouli (G) 3 1 3 3 10 3 3 5 3 14 24

Korup (C) 5 3 5 3 16 1 1 3 1 6 22

Kupe (C) 3 3 5 1 12 3 5 3 1 12 24

Liboumba (G) 3 1 1 3 8 1 1 3 3 8 16

Lobéké (C) 3 1 3 3 10 1 1 3 1 6 16

Lokoundjé-Nyong (C) 1 1 3 3 8 3 3 3 3 12 20

Lopé (G) 5 5 3 5 18 3 1 3 3 10 28

Manengouba (C) 1 1 1 1 4 5 5 5 1 16 20

Mawne (C) 1 1 1 1 4 5 5 5 1 16 20

Mayombe (G) 3 3 3 3 12 3 1 3 1 8 20

Mbam et Djérem (C) 1 1 1 5 8 1 1 3 5 10 18

Minkébé (G) 3 1 1 5 10 3 1 3 1 8 18

Mouni (G) 1 1 3 1 6 1 1 3 1 6 12

Mpassa (G) 1 1 1 3 6 1 1 3 5 10 16

Muni (GE) 1 1 5 1 8 3 1 3 1 8 16

Ndote (GE) 3 1 3 1 8 5 3 3 1 12 20

Nlonako (C) 3 3 3 1 10 3 5 3 1 12 22

Nsoc (GE) 3 1 3 1 8 1 3 3 1 8 16

Nta Ali (C) 3 1 1 1 6 1 3 3 1 8 14

Oku (C) 1 3 5 1 10 5 5 3 3 16 26

Ozouri (G) 3 1 3 1 8 1 1 3 1 6 14

Rio del Rey (C) 1 1 3 3 8 1 1 3 1 6 14

Rumpi (C) 3 1 3 1 8 3 3 3 1 10 18

Soungou-Milondo (G) 3 3 3 3 12 1 1 3 5 10 22

Takamanda (C) 3 1 3 1 8 3 3 3 1 10 18

Tchabal Mbabo (C) 3 1 3 1 8 3 3 3 5 14 22

Tchimbélé (G) 3 3 3 5 14 3 3 3 3 12 26

Temelón (GE) 1 1 3 1 6 3 5 3 1 12 18

Uolo-Nzas (GE) 5 1 3 3 12 3 3 3 1 10 22

Wonga-Wongué (G) 3 1 3 5 12 3 3 3 1 10 22

Yaoundé (C) 1 1 3 1 6 5 5 3 5 18 24

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Isolement des habitats. Il concernel’isolement plus ou moins prononcédu site au milieu d’habitats trèsdégradés.Degré de protection. Il est évalué parl’existence d’un statut légal et saforce (parc national, réserve fores-tière…), la présence de gestionnairessur le terrain et le degré d’efficacitéde la gestion, la présence d’un projetinternational, l’inaccessibilité phy-sique (marécages, reliefs abrupts).Contrairement aux autres, ce critèreest évalué en notation inverse (5 pourfaible protection ; 1 pour protectionélevée).Isolement géographique. Il tientcompte de l’éloignement du site vis-à-vis des sites critiques voisins, de lapossibilité d’établissement de corri-dors de liaison.

Une valeur (1, 3 ou 5) est affec-tée à chaque indicateur pour chacundes sites. La somme obtenue est cal-culée pour chacun des critères :valeur biologique et écologique, puisdegré de dégradation et de menaces.Des précisions sur les critères dechoix sont données en encadré 1 ainsique les résultats détaillés de cette

démarche appliquée aux sites cri-tiques d’Afrique centrale atlantique(Cameroun, Gabon et Guinée équato-riale).

Des totaux élevés indiquent,d’une part, une haute valeur biolo-gique et écologique (donc l’impor-tance du site dans le réseau) et,d’autre part, un degré de dégradationet de menaces élevé (donc l’urgenced’intervention pour la protection dusite).

Le total général des deux cri-tères permet de classer les sites encombinant à la fois l’importance bio-logique et l’urgence de protection. Sice total peut être pratique pourmettre en évidence des prioritésnationales ou régionales auprès desdécideurs politiques, il faut garder àl’esprit qu’il combine des informa-tions fondamentalement différentes.

Ces classements sont fondés surla littérature à notre disposition(publications scientifiques, rapportsd’expertise, cartes), sur notre propreexpérience de terrain ainsi que surdes avis d’experts. Ils pourront êtrevérifiés ultérieurement et affinéslorsque les données de base aurontgagné en importance et en cohérence.

État actuel du réseau desites cr it iques

Importance biologique

Chacun des pays concernésrecèle des sites d’importance régio-nale, voire continentale, pour laconservation de la biodiversité fores-tière africaine (encadré 1).

Le plus petit des trois pays, laGuinée équatoriale, renferme ainsi dessites insulaires de grande valeur biolo-gique et dont les ressources fores-tières sont encore bien préservées : lepic Basilé et Bioko Sur, sur l’île dumême nom (figure 1). Sur le continent,il s’agit de l’ensemble forestier allantdu mont Alén jusqu’à l’estuaire dufleuve Muni. De même, au Camerounet au Gabon, quelques sites présen-tent un intérêt particulier du point devue de la biodiversité qu’ils renfer-ment : le mont Cameroun et le parcnational de Korup (Cameroun), laréserve de la Lopé et ses abords ainsique le complexe de Gamba (Gabon).

La diversité biologique et l’endé-misme sont généralement plus impor-tants sur les reliefs (par exemple surle site des monts Bakossi-BanyangMbo, au Cameroun) que dans lesplaines, mais les sites montagneuxsont plus fréquemment isolés aumilieu d’habitats très dégradés(monts Oku et Kupé, au Cameroun,par exemple). Le mont Cameroun(Cameroun), le pic Basilé et Bioko Sur(Guinée équatoriale) font – oudevraient faire – l’objet d’une atten-tion particulière pour la conservationcar ils retiennent en leur sein toute lagradation des formations végétales,depuis les forêts de basse altitudejusqu’aux étages montagnard à sub-alpin. Les sites vastes comme lescomplexes de Gamba et de la Lopé(Gabon) sont aussi particulièrementintéressants, du fait du grand nombrede types d’écosystèmes qu’ils recè-lent, y compris divers écotones, ainsique d’importantes populations ani-males ou végétales, limitant ainsi lesrisques d’érosion génétique.

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Milieux aquatiques et forestiers sont souvent intimement liés. Aquatic and forest environments are often closely intertwined.Photo C. Doumenge.

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Figure 1. Carte des sites critiques du Cameroun, du Gabon et de Guinée équatoriale.Map of critical sites in Cameroon, Gabon and Equatorial Guinea.

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Gestion et aménagement

Si le classement d’un site enaire protégée permet d’asseoir saconservation sur des bases légales,cela ne rime pas forcément avec uneprotection effective sur le terrain.Ainsi, le statut de réserve forestièreet celui de réserve de faune ne sontsouvent pas respectés. Si la situationde la Guinée équatoriale est lameilleure sur le papier, la quasi-absence de personnel formé et l’in-suffisance des moyens de gestionfont que, sur le terrain, la situationest inquiétante.

Ces statuts légaux sont sanseffet s’ils ne bénéficient pas d’unappui des politiques et des popula-tions rurales. Les sites critiques sontconnus et reconnus par les adminis-trations en charge des aires proté-gées mais ne sont soit pas connus,soit pas encore correctement pris encompte par les autres administra-tions, en particulier celles respon-sables de la délivrance des titresd’exploitation forestière… pourtantlogées dans les même ministères.C’est un des aspects les plus mar-quants du manque de coordination,voire des luttes de pouvoir, entre lesservices ministériels.

L’élaboration de plans de ges-tion et d’aménagement n’est en coursque sur un petit nombre de sitesbénéficiant d’un projet de conserva-

tion-développement. Ailleurs, et bienqu’un tel plan soit requis par leslégislations sur les forêts classées oules aires protégées, cette dispositionlégale n’est pas appliquée. Hormisdans les aires protégées bénéficiantd’un apport financier international, lagestion des sites est peu efficace ousouvent inexistante, même dans lesaires protégées déjà classées. Cettefaiblesse tient en particulier aux défi-ciences dans la planification intégréedes territoires nationaux, à l’insuffi-sance des budgets affectés aux ser-vices responsables des aires proté-gées (sans parler des difficultés dedécaissement) et à la faiblesse desservices de gestion.

Diverses formes d’exploitation,peu ou pas réglementées, y ont cours,dont l’exploitation forestière sansaménagement et la chasse commer-ciale. Ce sont les deux principalescauses de la dégradation des res-sources. On peut aussi citer l’exten-sion des zones agricoles (en particu-lier autour des centres urbains etdans les zones montagneuses), ledéveloppement d’infrastructures sanscontrôle de l’accès et de l’utilisationde ces infrastructures, la pêche indus-trielle ou semi-industrielle à outrance,voire l’exploitation des ressourcesminérales (pétrole et minerais). Cela aété évoqué à propos des aires proté-gées (Doumenge et al., 2001), nousn’y reviendrons pas en détail.

Évolution des sites

depuis 1988

Dans les trois pays, les nou-velles politiques et législations met-tent l’accent sur la protection et l’ex-ploitation durable des forêts, maiscette volonté politique tarde à seconcrétiser sur le terrain.

En Guinée équatoriale, tous lessites critiques identifiés en 1988 ontété classés mais la situation ne s’eststabilisée, voire améliorée, que surcelui du mont Alén, bénéficiant del’intervention du projet Ecofac (Éco-systèmes forestiers d’Afrique cen-trale). Certaines parties d’autres sitesont gardé toute leur richesse biolo-gique, mais uniquement à cause desdifficultés de pénétration (relief, iso-lement), tels les inselbergs de larégion de Nsoc.

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Deux régions montagneuses contrastées : les monts de Cristal (Gabon), encore couverts de forêts denses naturelles trèsdiversifiées, et le mont Oku (Cameroun), largement dégradé et replanté en essences exotiques. Two very different mountain regions: the Cristal Range (Gabon), is still cloaked in dense and highly diversified natural forest,while Mount Oku’s forests (Cameroon) have been widely degraded and replanted with exotic species. Photo C. Doumenge.

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Au Cameroun, certains sites cri-tiques identifiés en 1988 ont étéinclus dans le plan de zonage provi-soire du Cameroun méridional. Maisle texte de loi officiel qui permettraitde légaliser ces aires protégées tardeà être promulgué. Les forêts de bassealtitude sont toutefois maintenantmieux protégées, avec la création desparcs nationaux de Campo-Ma’an etMbam et Djérem.

Au Gabon, seuls deux sites ontété classés pour étendre un peu laportée du réseau d’aires protégées :il s’agit des monts Doudou et de laréserve de Minkébé, bien qu’avec desstatuts de protection encore insuffi-sants. Une refonte du système d’airesprotégées est en cours dans ce pays,qui devrait permettre d’améliorer laprotection de la biodiversité natio-nale.

Les sites ayant reçu le soutiende projets de terrain, ou ceux bénéfi-ciant d’une certaine protection natu-relle du fait de conditions géomor-phologiques ou d’un isolementgéographique, sont les seuls pourlesquels la situation sur le terrains’est stabilisée ou améliorée. Dans lagrande majorité des cas, l’exploita-tion des ressources naturelles a aug-menté au cours de la décennie pas-

sée, sans que soient effectivementmis en place les garde-fous néces-saires pour une utilisation raisonnéeet durable des ressources naturelles.Par le passé, des mouvements depopulation ont aussi pu entraîner uneaugmentation des pressions sur lemilieu mais, malgré ces tendances, lavaleur biologique et écologique duréseau sous-régional est encorebonne : il est encore temps d’agirpour préserver ce potentiel naturel etle valoriser de manière durable.

Une partie de ces sites a bénéfi-cié d’investissements internationaux,généralement en appui aux institu-tions nationales déjà présentes surdes aires protégées, mais parfois defaçon relativement indépendante.Ces projets de conservation-dévelop-pement constituent d’importantslaboratoires pour l’expérimentationet l’identification des problèmes ainsique des voies et moyens pour la miseen œuvre des nouvelles politiquesforestières en matière de conserva-tion, d’exploitation durable, de fores-terie communautaire et de cogestion.C’est le cas du Projet mont Camerounpour la gestion communautaire oudes projets Ecofac pour la prépara-tion de plans d’aménagement deréserves.

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FOCUS / BIODIVERSITY

Une superbe aristoloche, liane caulifloredes forêts d’Afrique centrale atlantique. A splendid calico flower, a climber native tothe Atlantic forests of central Africa. Photo C. Doumenge.

Dictyophora phalloidea, champignonspectaculaire de sous-bois forestiers. Dictyophora phalloidea, a spectacularfungus found in forest understoreys. Photo C. Doumenge.

Certaines espèces, tel ce bégonia,s’accommodent fort bien de la faibleluminosité des sous-bois forestiers. Some species, like this begonia, thrive in the dim light of forest understoreys.Photo C. Doumenge.

Éclatante fructification recouvrant le tronc de ce Maesobotrya (Euphorbiaceae). Brilliantly coloured fruits brackets covering the trunk of a Maesobotrya(Euphorbiaceae). Photo C. Doumenge.

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Sites cr it iqueset planification

des terres

Planification des terres

À la fin des années 1980, aucours de la préparation du programmeEcofac, un Plan d’action régional pourl’Afrique centrale (Parac) fut entérinépar les autorités forestières des paysde la région (Uicn, 1989). Ce plan,orienté vers la conservation et l’utili-sation rationnelle des ressourcesforestières, incluait une importantecomposante « Sites critiques ». Lanécessité de préserver ce réseau desites de toute atteinte irréversible yétait affirmée. Toutefois, ce plan ne futpas légalisé dans les textes natio-naux, ce qui a nui à sa prise en comptedans les politiques forestières et lesprocessus d’affectation des terres.

Cette prise en compte s’esteffectuée partiellement dans le cadredes processus nationaux d’affectationdes terres. Chacun des pays a réalisé(Cameroun et Guinée équatoriale) ouprévoit de définir (Gabon) un plan dezonage forestier, avec affectation prio-ritaire de portions du territoire à l’ex-ploitation forestière, à la protectionde la biodiversité, à l’utilisation mul-tiple des ressources naturelles, etc.Ces plans incluent de mieux en mieux,et conjointement, les zones de conser-vation et d’exploitation.

Malgré tout, les systèmes nationauxd’aires protégées ne couvrent pasencore toute la gamme des écosys-tèmes forestiers. Une exception doitêtre rappelée, exemplaire sur de nom-breux aspects : le travail de planifica-tion des terres et de refonte du réseaud’aires protégées effectué en Guinéeéquatoriale, dans le cadre du projetCuref (Conservation et utilisationrationnelle des écosystèmes fores-tiers ; Machado, 1998).

Les forêts incluses dans ces sitescritiques ont vocation à être classéesou soumises à des aménagementspour une utilisation durable des res-sources. Les gouvernements ont ainsil’occasion d’affirmer leur volonté destabiliser légalement le cœur desdomaines forestiers permanents natio-naux et de remplir leurs obligations vis-à-vis des conventions internationales.Le statut des sites pourra être trèsvariable, depuis des aires de protectiontotale jusqu’à des aires gérées pourune utilisation ménagée et multiple desressources forestières. Il seraitd’ailleurs souhaitable que les différentspays s’inspirent des recommandationsinternationales en termes de statut desaires protégées, afin d’harmoniser lesappellations ou de faire ressortir leséquivalences de statut (Doumenge etal., 2001 ; Davey, 1997).

Coordination entre sites

À l’échelle régionale, des organi-sations comme l’Oab (Organisationafricaine du bois), le processus de laCefdhac ou le Sommet des chefs d’État mettent l’accent sur la coopéra-tion entre pays voisins. Un des sec-teurs clés de cette coopération pour-rait être la gestion des aires protégéestransfrontalières. À ce titre, un cadrede concertation et de coordinationdevrait être systématiquement mis enplace entre les pays (commission deconcertation) et entre les gestion-naires des sites transfrontaliers conti-gus (réunions de concertation pério-diques, planification concertée de lasurveillance, organisation de patrouil-les frontalières communes, échangede personnels, etc.).

À l’échelle nationale, il seraittout aussi utile de favoriser la colla-boration entre sites non contigusmais situés dans le même contexteenvironnemental et humain. AuCameroun, par exemple, le gouverne-ment pourrait structurer plusieursréseaux regroupant les sites ou lesaires protégées de zones biogéogra-phiques homogènes : montagnes,zone littorale, blocs forestiers Sud etEst, zone de contact forêt-savane.Cela pourrait constituer un pas vers laplanification stratégique nationaledes aires protégées.

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La stridulation des cigales constitue un bruit de fond inoubliable des forêts de la région (parc national de Korup, Cameroun). In the region’s forests, the background chirring of cicadas is etched into everyvisitor’s memory (Korup National Park, Cameroon). Photo C. Doumenge.

Fougères arborescentes dans une forêt de nuage des monts Bakossi (Cameroun). Tree ferns in a cloud forest in the BakossiRange (Cameroon). Photo C. Doumenge.

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Application des plans de zonage

Les plans de zonage existantsne sont pas encore vraiment appli-qués sur le terrain. Le Cameroun, unpeu en avance sur ses voisins, a tou-tefois entamé la mise en œuvre duPlan de zonage du Cameroun méri-dional. Il n’est encore considéré quecomme un cadre général de négocia-tion et il reste un long chemin à par-courir avant sa concrétisation sur leterrain. En effet, le soutien politiqueet financier est encore insuffisantpour mener ce processus à son termedans les meilleurs délais. Ces difficul-tés et ces délais de mise en applica-tion créent une situation confuse quiprofite à l’utilisation abusive des res-sources, que ce soit dans l’espaceforestier rural ou dans le domaineforestier permanent de l’État.

Cette démarche de planificationrequiert donc des efforts importantsdans différents domaines (formation,information, discussions, négocia-tions, prises de décision, enregistre-ment, contrôle, pénalisation, etc.),afin d’associer effectivement lesacteurs du secteur, de résoudre lesconflits d’attribution de droits d’ex-ploitation, et de mettre en place unprocessus de suivi-évaluation. Enregard des superficies forestières enjeu, des besoins de négociation pres-sentis, du coût et de la relative lon-gueur des processus de mise enœuvre des plans de zonage ou d’amé-nagement, les ressources nationalesaffectées actuellement au secteurforestier paraissent nettement insuf-fisantes. Les gouvernements doiventdonc établir des priorités d’investis-sement.

Quelles prioritésd’investissement ?

Les paragraphes qui précèdentont montré la nécessité d’intégrationdes sites critiques dans les exercicesde planification des terres mais aussile besoin de renforcement de la ges-tion sur le terrain. Tout cela repré-sente des coûts importants qu’il nesera pas possible de couvrir d’em-blée : comment fixer des priorités ?On peut aussi se poser la question dela pertinence des investissementspassés dans tel ou tel site. Ces ques-tions requièrent des réponses argu-mentées ainsi qu’une approche trans-parente et la plus rigoureuse possible.

Afin de procurer une base deréflexion aux décideurs quant à l’af-fectation des moyens humains etfinanciers pour la gestion et l’aména-gement des sites critiques, leur éva-luation a été réalisée selon les deuxensembles de critères présentés pré-cédemment (encadré 1). Le résultatsynthétique de cette évaluation estrepris dans la figure 2. Le premierindicateur souligne donc l’impor-tance biologique des sites, le secondl’urgence d’intervention.

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FOCUS / BIODIVERSITY

Fruit de Lavigeria macrocarpa (Icacinaceae),une liane ligneuse forestière. Fruit of the woody forest climber Lavigeriamacrocarpa (Icacinaceae). Photo C. Doumenge.

Cette fleur d’Aframomum (Zingiberaceae) laissera bientôt place à un fruit rougeapprécié des gorilles comme des humains. This Aframomum (Zingiberaceae) flower will soon be producing a red berry whichis much appreciated by gorillas as well as humans. Photo C. Doumenge.

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Le quart nord-est de la figure 2inclut les sites à la fois plus riches etplus menacés que la moyenne : ceuxqui devraient être dotés en premier,ou dont les actions en cours devraientêtre prolongées jusqu’à stabilisationde l’état des ressources. Le quartnord-ouest renferme les sites devaleur biologique inférieure mais plusmenacés que la moyenne. Le quartsud-est rassemble, quant à lui, lessites plus riches et moins menacésque la moyenne. L’investissementrestant devrait être plus ou moinspartagé entre ces deux catégories,avant d’être éventuellement affectéaux sites du quart restant (sud-ouest).

À titre d’exemple, si on ne dis-pose que de moyens limités et qu’onprivilégie la richesse biologique, nouspouvons suggérer que les actions encours soient maintenues ou de nou-veaux projets développés sur les sitesprioritaires suivants : Bioko Sur, Basiléet Alén en Guinée équatoriale ; montCameroun, Korup, Campo Ma’an etBakossi-Banyang Mbo, au Cameroun ;Lopé, Gamba et Tchimbélé, au Gabon.

Il appartient, toutefois, aux déci-deurs de préciser clairement leurs cri-tères de décision et de convaincreleurs propres instances, comme lacommunauté internationale, de l’im-portance de la sauvegarde de cepatrimoine mondial.

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Une tortue forestière camerounaise. Cameroon forest tortoise. Photo C. Doumenge.

Figure 2. Répartition des sites en fonction de leur valeur et des menaces qu’ils subissent.Distribution of sites by value and scale of threats.

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Conclusion

Coopération internationale

Le redéploiement des moyenshumains et financiers des institutionsnationales vers le terrain constitue unproblème d’actualité qui n’est correc-tement résolu dans aucun des troispays. Si la gestion des sites peut êtredécentralisée en partie au bénéficedes populations rurales ou sous laresponsabilité d’opérateurs privés,l’État doit garder la maîtrise de cer-tains sites et développer des activitésd’appui à ces autres acteurs ainsi quede contrôle et de sanction. Ces activi-tés ont un coût non négligeable.

Du fait de leur importance biolo-gique, et pour assurer la survie desforêts, les sites critiques identifiés etleurs périphéries devraient faire l’ob-jet des premières actions de mise enœuvre des plans de zonage et d’amé-nagement sur le terrain. Les gouver-nements qui ne l’ont pas encore faitdevraient classer ces sites et installeren périphérie, chaque fois que pos-sible, des concessions forestièressous aménagement durable.

Étant donné l’importance desforêts de la sous-région à l’échelleinternationale, la coopération inter-nationale se doit de continuer àappuyer ces processus. Cet appuidoit se poursuivre en priorité sur lessites d’une valeur internationale pourla conservation de la biodiversité.Cela est clairement le cas de certainssites critiques évoqués précédem-ment, en particulier ceux situés lesplus à droite dans la figure 2.

Cameroun, Gabon et Guinéeéquatoriale ont signé diversesconventions relatives à l’environne-ment. Ces instruments légaux, dont laconvention sur les sites du patri-moine mondial, la convention deRamsar ou la convention sur la biodi-versité, devraient servir de cadrelégal à une collaboration internatio-nale renforcée. Ils supposent que lesgouvernements de la sous-régionhonorent leurs engagements maisaussi qu’ils soient appuyés par lesautres gouvernements.

Sur les sites mêmes, l’appuiinternational prend souvent la formede projets de conservation-développe-ment. L’approche par projet présentecertains avantages, comme celui derenforcer la présence sur le terrain desadministrations et de développer uncadre de gestion et d’aménagement.Toutefois, les cadres institutionnels depréparation et d’exécution de ces pro-jets ne facilitent pas toujours leur

bonne intégration dans le contexteinstitutionnel local. La fin des projetspose régulièrement les questions derenforcement des capacités locales,de continuité des activités et de dura-bilité des résultats. Une réflexion com-mune des différents partenaires et,très probablement, une évolution descontextes institutionnels sont néces-saires, afin d’améliorer l’efficacité decet appui international.

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FOCUS / BIODIVERSITY

Fleur d’un Angylocalyx, petite légumineuse arborescente. Angylocalyx flower, a small arborescent legume. Photo C. Doumenge.

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Information et pr ise de décision

La méthode d’évaluation dessites présentée ici constitue un pre-mier pas vers la rationalisation deschoix d’intervention. Elle favorise desprises de décision plus transparenteset mieux argumentées que dansbeaucoup de cas. Les résultatsqu’elle procure permettent d’entamerun processus itératif de prise de déci-sion et de suivi-évaluation.

Elle demande toutefois à êtredéveloppée et automatisée. Les indica-teurs doivent être encore précisés. Parexemple, afin de mieux comparer labiodiversité des sites, il est nécessairede recenser tous les écosystèmesforestiers ou non présents dans lespays concernés. En zone littorale, onpeut par exemple différencier lesplages de sable nu, la végétation her-bacée des plages, les fourrés littorauxenvahissant les hauts de plage, la forêtlittorale à une espèce dominante, laforêt littorale diversifiée, la forêt litto-rale basse sur sable blanc… On pourraensuite pointer systématiquement laprésence de chaque écosystème danschacun des sites, puis comparer letotal des écosystèmes présents.L’évaluation réalisée ici n’a pris encompte que des grands types d’éco-

systèmes (forêt de basse altitude, forêtsubmontagnarde…) ; il est souhaitabled’aller plus loin dans le détail.

Une bonne évaluation requiertégalement des informations aussicomplètes et cohérentes que possible.Ces informations doivent être collec-tées de manière plus systématique.Par exemple, nous ne possédons pasencore de liste détaillée des mammi-fères présents dans tous les sites,même en excluant les groupes diffi-ciles tels que les petits rongeurs et lesinsectivores. Les évaluations réaliséesdans cet article sont souvent fondéessur des estimations et ont mis l’accentsur les grands mammifères, tels queles primates et les antilopes, pour les-quels les données sont relativementcomplètes. Des inventaires systéma-tiques permettraient d’affiner laconnaissance comparative des sites,tant du point de vue des listes d’es-pèces que de l’importance des peuple-ments animaux. Les outils de la télédé-tection, par exemple, devraient aussipermettre d’effectuer une évaluationplus précise des superficies forestièresintactes, exploitées (présence depistes forestières), défrichées (cul-tures, recrûs, jeunes forêts secon-daires) et occupées par des savanes.

Ce ne sont que quelques exemples,mais ils montrent l’ampleur des pro-grès à accomplir si on veut procureraux décideurs et aux gestionnairesdes informations et des outils desuivi et d’évaluation précis et fiables.L’enjeu est de taille dans le cadre del’amélioration de la gestion forestièreet environnementale et de l’évalua-tion de l’efficacité des mesuresprises.

Il restera encore à standardiser,compiler et communiquer aux acteursdu secteur forêt-environnement enAfrique centrale toutes ces informa-tions, par exemple dans le cadred’observatoires thématiques (sur lesforêts, l’environnement côtier etmarin, etc.). Il s’agit d’un enjeu d’im-portance, pour la région, dans toutesles démarches de bonne gouvernanceet de développement durable.

RemerciementsLes auteurs tiennent à remercier J.-E.Garcia Yuste, S. Gartlan, B. Dupuy etH.-F. Maitre pour leurs observationspertinentes qui ont permis d’amélio-rer le fond aussi bien que la forme decet article, ainsi que F. Beurel-Doumenge pour la relecture du texte.

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Comme tous ses confrères, ce grand tradipraticien de la région d’Ovan (Gabon)fait appel en permanence aux plantes médicinales dont il a le secret. Like his colleagues, this famous traditional healer from the Ovan region (Gabon)knows all the secrets of the medicinal plants he uses. Photo C. Doumenge.

Une case pygmée retournant à lanature : un exemple d’habitat nondestructif en forêt. An example of non destructive foresthabitat: a pygmy hut reverts to nature. Photo C. Doumenge.

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Références complémentairesLes documents ci-après procurentdes informations de détail sur lessites critiques, les aires protégées etla situation forestière générale despays concernés par cet article.

BOUROBOU H. B., NGOYE A., 1998. Lagestion des écosystèmes forestiersdu Gabon à l’aube de l’an 2000.Yaoundé, Cameroun, Uicn, rapportprovisoire.

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FA J. E., 1991. Conservacion de losecosistemas forestales de GuineaEcuatorial. Gland, Suisse, Cambridge,Grande-Bretagne, Uicn, XII + 221 p.

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FOCUS / BIODIVERSITY

L’exploitation forestière non planifiéepeut avoir des impacts directs etindirects importants sur les forêts. Unplanned logging can have majordirect and indirect impacts on forestenvironments. Photo C. Doumenge.

Station de recherche de l’Iret (Makokou,Gabon). La recherche a un rôle fondamentalà jouer dans le développement de nouvellespratiques de gestion forestière. IRET research station (Makokou, Gabon).Research is fundamental to the developmentof new forest management practices. Photo C. Doumenge.

Parc à bois flottant d’Owendo(Gabon). Le secteur du bois esttrès important pour les économiesnationales des trois pays. Floating timber yard at Owendo(Gabon). The timber sector is ofmajor importance to theeconomies of all three countries. Photo C. Doumenge.

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SYNOPSIS

FOREST BIODIVERSITYCONSERVATION INATLANTIC REGIONS OFCENTRAL AFRICA: III . MANAGEMENT ANDINVESTMENT PRIORITIESFOR CRITICAL SITES

C. DOUMENGE, T. FOMETE NEMBOT,Z. TCHANOU, V. MICHA ONDO, N. ONA NZE, H. BOUROBOUBOUROBOU, A. NGOYE

This article is the last in a series ofthree focusing on protected areasand “critical sites” for the conserva-tion of forest biodiversity inCameroon, Gabon and EquatorialGuinea. It describes the method usedto assess sites according to their bio-logical value and the threats to whichthey are exposed. This approach pro-vides a rationale for the choice ofsites and the investment priorities foreach.

Site assessment method A set of criteria and indicators,divided into two groups, were appliedto the sites: ▪ Their “biological and ecologicalvalue” based on estimations of theirbiological and ecological diversity,level of endemism, rarity of habitatsand species and size of key fauna andflora populations;▪ The “scale of degradation andthreats”, based on the degree ofhabitat degradation, distance of thesite from degraded habitats, level ofsite protection and distance fromneighbouring critical sites.

Each indicator for each site is given avalue. The total value for each crite-rion is then calculated. High totalsindicate high biological and ecologi-cal value on the one hand (and there-fore the site’s importance) and sub-stantial degradation and threats (andtherefore the degree of urgencyrequired) on the other hand.

Exploitation in most sites is increasing Sites being supported by on-site pro-jects and those which are naturallyprotected to some extent by theirgeomorphological features or geo-graphic isolation are the only oneswhere the situation on the groundhas improved or become stable sincethe late 1980s. In the vast majority ofcases, natural resource exploitationhas increased in the last ten years,with none of the safeguards requiredto ensure that their use is rationaland sustainable. Site managementsystems are often ineffective or evennon-existent. Management and infra-structure plans are only being devel-oped for very few sites for which con-servation and development projectsexist.

Sites are still maintaining their valueDespite these trends, the sub-regional network of critical sites hasnot lost its biological and ecologicalvalue: action is still possible to pre-serve their natural potential and useit sustainably. However, given the sizeof the forest areas concerned, the evi-dent need for negotiations and therelatively lengthy process involved inimplementing zoning plans or spatialplanning measures, national budgetsfor the forest sector are clearly inade-quate. Governments therefore needto set their priorities for investment.

The project’s assessment of thesecritical sites provides a basis for pol-icy discussions as to the human andfinancial resources to be attributed toplanning and management for thesesites. Each of the countries concernedhas sites of regional and even conti-nental importance for the conserva-tion of Africa’s forest biodiversity.Biodiversity and endemism are gen-erally greater in upland than lowlandareas, but the mountain sites are gen-erally more distant from highlydegraded habitats. Some sites cover

every stage of vegetation from low-land forests to montane and sub-Alpine levels. Other particularly largesites harbour a wide diversity ofecosystems, including several eco-tones, as well as large fauna and florapopulations, and therefore help toreduce risks of genetic erosion.

A major issue for central Africa Because of their biological impor-tance and their role in forest survival,these critical sites and their immedi-ate surroundings need to be the tar-gets of the first practical measures toimplement zoning plans and spatialplanning measures. Those govern-ments which have not yet done soshould designate these sites for pro-tection and, wherever possible,establish sustainably managed log-ging concessions around their periph-ery.

The method of assessment presentedhere encourages more transparentdecision-making on clearer grounds.The results form the basis for an iter-ative decision-making, monitoringand evaluation process. However, themethod needs to be further devel-oped, refined and applied systemati-cally in order to provide decisionmakers and managers with accurateand reliable monitoring and evalua-tion tools and information. This is amajor issue for Central Africa, giventhe need to improve forest and envi-ronmental management, to assessthe effectiveness of measures and,ultimately, to establish sustainableforms of development in the region ina sound and productive environment.