Douanier Rousseaus

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Complément en ligne Nouvelle Revue Pédagogique - Lycée / n° 45 / mai-juin 2011 1 Lectures du Douanier Rousseau Rousseau ou le « Rousseau ou le « premier des naïfs premier des naïfs » : » : • Filmographie indicative : Sur la séquence : Henri Rousseau. Le secret du Douanier de Jean-Denis Bonan (26 minutes) BNF / Commercialisé par la Réunion de Musées Nationaux. Et pour développer la culture générale des élèves : Séraphine de Martin Provost (2008) avec Yolande Moreau. Récit de la vie d’un peintre naïf ; Séraphine Louis (dite « de Senlis »), longtemps méconnue. On y voit apparaître le personnage de Wilhelm Uhde, collectionneur et galeriste qui découvrit le Douanier . • Sur le Palais idéal du facteur Cheval : l’art naïf en sculpture Le Facteur Cheval : où le songe devient la réalité / Film de l’INA (26 minutes) Voir le lien ci-dessous http://www.ina.fr/video/CPD01004563/le-facteur-cheval-ou-le-songe-devient-la-relalité.fr.html (téléchargement payant). Frida de Julie Taymor (2002) avec Salma Hayek. Récit de la vie de Frida Kahlo, peintre qui s’inspira de l’art naïf, mais qui n’est pas classée parmi les Naïfs. • Profil des peintres naïfs et canons de cet art. Les Naïfs se caractérisent par leur âge : la plupart d’entre eux sont des gens simples, retraités (on compte parmi eux des septuagénaires), qui s’adonnent à la peinture parce qu’enfin ils ont du temps. S’ils ne sont pas retraités, les Naïfs sont des actifs qui peignent pendant leurs loisirs, ce qui leur a valu le qualificatif de « peintres du dimanche ». Ce sont aussi des ruraux, des pro- vinciaux déracinés et nostalgiques de la vie dans la nature, laquelle prend bien souvent toute la place dans leurs toiles. La plupart sont autodidactes : leur situation sociale ne leur ayant généralement pas permis d’accéder à des études. De fait, ils ne maîtrisent qu’imparfaitement les techniques picturales académiques. Ainsi : leur technique rappelle la fraîcheur des dessins d’enfants, par la simplicité, la candeur ; la spontanéité ; la vive imagination et l’ingénuité que certains tableaux manifestent, mais aussi par le côté malhabile du trait. Avec une minutie qui saute aux yeux, ils survalorisent et stylisent les détails. Et ils ne dominent pas les règles de la perspective ; leurs tableaux n’ont pas de profondeur ; l’arrière plan est aussi net et aussi détaillé que le premier plan ; chaque détail est représenté sous un angle qui lui est propre, sans tenir compte de l’ensemble de la composition. Les couleurs sont souvent remarquables ; très vives et traitée en aplats (sans volume ni matière). Pour autant, leur manque de formation aca- démique n’exclut pas une vraie technique personnelle, rigoureuse et ordonnée. Leurs thèmes, figuratifs et populaires, se démar- quent des sujets académiques : ainsi ils représentent des scènes du quotidien ; des « tranches de vie ». S’ils ont une prédilection pour les paysages de pleine nature d’ici et d’ailleurs, ils n’en négligent pas pour autant les paysages urbains ; ils peignent aussi les animaux ; et le monde du rêve. Pourtant, ils sont tout, sauf des réalistes. Wilhelm Uhde le galeriste et André Breton le poète tombent d’accord sur l’idée que les Naïfs transfigurent le réel. Uhde dira « […] [Leurs tableaux] s’élèvent d’une manière étrange et fascinante au-dessus des réa- lités pour prendre figure d’aventures personnelles ». Quant à Breton, il n’hésitera pas à les classer dans le Surréalisme à cause de leur « […] vertu onirique, cette vérité secrète, cet au-delà des apparences ». • Le Douanier et les canons de la Modernité et de l’Esprit nouveau Les éléments qui suivent étant très théoriques ; on pourra les aborder – rapidement – sur le mode « cours magistral », en les comparant aux œuvres du Douanier étudiées. • La Modernité : La Modernité est un mouvement d’émancipation littéraire difficile à cerner. Comme les Lumières, ce mouvement se détourne de l’irrationnel pour s’ancrer dans la raison ainsi que dans le progrès humain et scientifique. L’argumentation y prend toute sa place. Le moderne est celui qui pense pouvoir dire, pour partie, la réalité du monde, et qui croit aussi à de nouvelles voies d’ex- périmentation, qui lui paraissent nécessaires. Comme dans l’ Esprit nouveau, l’artiste est en recherche. Pour Habermas, ce dernier doit s’orienter « dans un pays dont on ne possède aucune carte ». • L’Esprit nouveau : La lecture de la conférence de Guillaume Apollinaire de 1907 (cf. bibliographie de la séquence) permet d’identifier des points de convergence entre les aspirations de l’Esprit nouveau et l’œuvre du Douanier. CHRISTINE GUILLEMIN [email protected]

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Nouvelle Revue Pédagogique - Lycée / n° 45 / mai-juin 2011 1

Lectures du Douanier Rousseau

Rousseau ou le « Rousseau ou le « premier des naïfspremier des naïfs » : » :

• Filmographie indicative :

Sur la séquence :• Henri Rousseau. Le secret du Douanier de Jean-Denis Bonan (26 minutes) BNF / Commercialisé par la Réunion de Musées

Nationaux.

Et pour développer la culture générale des élèves : • Séraphine de Martin Provost (2008) avec Yolande Moreau. Récit de la vie d’un peintre naïf ; Séraphine Louis (dite « de

Senlis »), longtemps méconnue. On y voit apparaître le personnage de Wilhelm Uhde, collectionneur et galeriste qui découvrit le Douanier.

• Sur le Palais idéal du facteur Cheval : l’art naïf en sculptureLe Facteur Cheval : où le songe devient la réalité / Film de l’INA (26 minutes) Voir le lien ci-dessoushttp://www.ina.fr/video/CPD01004563/le-facteur-cheval-ou-le-songe-devient-la-relalité.fr.html (téléchargement payant).

• Frida de Julie Taymor (2002) avec Salma Hayek. Récit de la vie de Frida Kahlo, peintre qui s’inspira de l’art naïf, mais qui n’est pas classée parmi les Naïfs.

• Profi l des peintres naïfs et canons de cet art.

Les Naïfs se caractérisent par leur âge : la plupart d’entre eux sont des gens simples, retraités (on compte parmi eux des septuagénaires), qui s’adonnent à la peinture parce qu’enfi n ils ont du temps. S’ils ne sont pas retraités, les Naïfs sont des actifs qui peignent pendant leurs loisirs, ce qui leur a valu le qualifi catif de « peintres du dimanche ». Ce sont aussi des ruraux, des pro-vinciaux déracinés et nostalgiques de la vie dans la nature, laquelle prend bien souvent toute la place dans leurs toiles. La plupart sont autodidactes : leur situation sociale ne leur ayant généralement pas permis d’accéder à des études. De fait, ils ne maîtrisent qu’imparfaitement les techniques picturales académiques. Ainsi : leur technique rappelle la fraîcheur des dessins d’enfants, par la simplicité, la candeur ; la spontanéité ; la vive imagination et l’ingénuité que certains tableaux manifestent, mais aussi par le côté malhabile du trait. Avec une minutie qui saute aux yeux, ils survalorisent et stylisent les détails. Et ils ne dominent pas les règles de la perspective ; leurs tableaux n’ont pas de profondeur ; l’arrière plan est aussi net et aussi détaillé que le premier plan ; chaque détail est représenté sous un angle qui lui est propre, sans tenir compte de l’ensemble de la composition. Les couleurs sont souvent remarquables ; très vives et traitée en aplats (sans volume ni matière). Pour autant, leur manque de formation aca-démique n’exclut pas une vraie technique personnelle, rigoureuse et ordonnée. Leurs thèmes, fi guratifs et populaires, se démar-quent des sujets académiques : ainsi ils représentent des scènes du quotidien ; des « tranches de vie ». S’ils ont une prédilection pour les paysages de pleine nature d’ici et d’ailleurs, ils n’en négligent pas pour autant les paysages urbains ; ils peignent aussi les animaux ; et le monde du rêve.

Pourtant, ils sont tout, sauf des réalistes. Wilhelm Uhde le galeriste et André Breton le poète tombent d’accord sur l’idée que les Naïfs transfi gurent le réel. Uhde dira « […] [Leurs tableaux] s’élèvent d’une manière étrange et fascinante au-dessus des réa-lités pour prendre fi gure d’aventures personnelles ». Quant à Breton, il n’hésitera pas à les classer dans le Surréalisme à cause de leur « […] vertu onirique, cette vérité secrète, cet au-delà des apparences ».

• Le Douanier et les canons de la Modernité et de l’Esprit nouveau

Les éléments qui suivent étant très théoriques ; on pourra les aborder – rapidement – sur le mode « cours magistral », en les comparant aux œuvres du Douanier étudiées.

• La Modernité :

La Modernité est un mouvement d’émancipation littéraire diffi cile à cerner. Comme les Lumières, ce mouvement se détourne de l’irrationnel pour s’ancrer dans la raison ainsi que dans le progrès humain et scientifi que. L’argumentation y prend toute sa place. Le moderne est celui qui pense pouvoir dire, pour partie, la réalité du monde, et qui croit aussi à de nouvelles voies d’ex-périmentation, qui lui paraissent nécessaires. Comme dans l’Esprit nouveau, l’artiste est en recherche. Pour Habermas, ce dernier doit s’orienter « dans un pays dont on ne possède aucune carte ».

• L’Esprit nouveau :

La lecture de la conférence de Guillaume Apollinaire de 1907 (cf. bibliographie de la séquence) permet d’identifi er des points de convergence entre les aspirations de l’Esprit nouveau et l’œuvre du Douanier.

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Lectures du Douanier Rousseau

Nous en livrerons synthétiquement les grandes lignes :

• Apollinaire, comme Rousseau, ne rompt pas avec le passé, mais conserve ses meilleurs côtés. En particulier : un solide bon sens, une vue d’ensemble sur l’univers et sur l’âme humaine, les sentiments, la curiosité, l’exploration.

• « Explorer la vérité, aussi bien dans le domaine ethnique, par exemple, que dans celui de l’imagination, voilà les critères principaux de l’Esprit nouveau ».Si le Vrai prime sur le Beau, il n’exclut cependant pas le Beau.

• Apollinaire veut repousser les limites formelles de l’art, c’est-à-dire se libérer de ce qui est contrainte et artifi ce, pour explo-rer d’autres formes d’expression. Mais cela sans pour autant faire table rase de la forme, car l’Esprit nouveau fuit la confusion et le désordre : il obéit à des règles, des devoirs. C’est un travail exigeant.

• L’artiste est un chef d’orchestre qui doit faire fl èche de tout bois pour créer, même en utilisant les matériaux les plus simples et les plus modestes (l’espace du monde ; les machines ; le progrès technique ; l’infi niment petit et l’infi niment grand ; les prophéties), car l’art doit être ancré dans la vie.

• L’artiste se doit d’égaler la science et la technique [« Machiner la poésie comme on a machiné le monde »] ; il ne peut être à la traîne [« L’Esprit nouveau est celui du temps même où nous vivons »]. Il ne peut pas davantage faire comme si l’avancée scientifi que n’existait pas. (On sait qu’Apollinaire, suite à une blessure de guerre à la tête, a subi des examens médicaux ; il sera d’ailleurs trépané). À ce propos, il livre cette réfl exion :

« Mais n’y a-t-il rien de nouveau sous le soleil ? Il faudrait voir. Quoi ! On a radiographié ma tête. J’ai vu, moi vivant, mon crâne, et cela ne serait en rien de la nouveauté ? À d’autres ! »

• Il suit l’ordre de la nature et refuse « tout propos ampoulé ».

• Contre un art cosmopolite, il se prononce pour un art national ; refl et d’un milieu, d’une nation française, qui seul permet, selon lui, de sauvegarder la vérité artistique.

• Il prône la synthèse de tous les arts, mais dans le seul cas où un art parvient à en amplifi er un autre par des recherches nouvelles.

• Il revendique le droit à l’expérience artistique, même hasardeuse, car l’artiste se doit d’être aventureux, inventif et créatif.« L’Esprit nouveau est également dans la surprise » ; « La surprise est le grand ressort nouveau ».

• L’Esprit nouveau « lutte pour le rétablissement de l’esprit d’initiative, pour la claire compréhension de son temps et pour ouvrir des voies nouvelles sur l’univers extérieur et intérieur, qui ne soient point inférieures à celles que les savants de toutes caté-gories découvrent chaque jour et dont ils tirent des merveilles ».

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