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DEVOIR DE VERITE DUTY OF TRUTH #12 La Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005 : Quelle réconciliation pour l’Algérie ? Fédération Euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED) Euro-Mediterranean Federation Against Enforced Disappearances (FEMED) LE MAGAZINE SEMESTRIEL DE LA FEMED / FEMED’S BI ANNUAL REVIEW

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DEVOIR DE VERITE DUTY OF TRUTH #12 La Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005 : Quelle réconciliation pour l’Algérie ?

Fédération Euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED) Euro-Mediterranean Federation Against Enforced Disappearances (FEMED)

LE MAGAZINE SEMESTRIEL DE LA FEMED / FEMED’S BI ANNUAL REVIEW

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Devoir de vérité est le magazine semestriel de la FEMED. A travers les activités et actualités du réseau de la FEMED, nous revenons sur les enjeux entourant la lutte contre les disparitions forcées dans le bassin euro-méditerranéen, et plus largement, à travers le monde. DEVOIR DE VERITE se veut être un instrument de sensibilisation sur les disparitions forcées mais également des réflexion sur ces problématiques.

Ce douzième numéro a pour sujet le droit à la vérité en matière de disparitions forcées. Aussi bien au niveau individuel que collectif. Le droit à la vérité est une dimension primordiale de la lutte contre les disparitions forcées.

FEDERATION EURO-MEDITERRANEENNE CONTRE LES DISPARITIONS FORCEES (FEMED)

77 bis rue Robespierre, 93100, Montreuil, FRANCE Téléphone : +33 (0) 9 53 36 81 14 Email : [email protected] Web : www.disparitions-euromed.org Facebook : www.facebook.com/disparitions.euromed Twitter : https://twitter.com/FEMEDonline

ONT COLLABORE A CE NUMERO : Nassera Dutour, Rachid El Manouzi, François Gèze, Salima Mellah, Soraya Laribi, Marguerite Keynes

DIRECTRICE DE LA PUBLICATION : Nassera Dutour

CONCEPTION GRAPHIQUE ET MISE EN PAGE : Marguerite Keynes, Ibtissem Benammour

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SOMMAIRE

Éditorial - Nassera Dutour : Passé, présent et avenir de l’enjeu mémoriel en Algérie 4

Quelle réconciliation pour l’Algérie ?

1. Rachid El Manouzi, Mémoire(s) et société(s) 6

2. Algérie : le régime contre la « réconciliation nationale », François Gèze et Salima Mellah 8

3. Le processus de « réconciliation nationale » en Algérie, une brève rétrospective historique, Soraya Laribi 11

4. L’examen de l’Algérie par le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, 4 et 5 juillet 2018 13

Des nouvelles de nos associations membres en Algérie :

1. Collectif des Familles de Disparus en Algérie – SOS Disparus 15

2. Djazaïrouna 16

La Mémoire : un instrument pour garantir la non-répétition des crimes 19

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EDITORIAL N A S S E R A D U TO U R : PA S S É , P R É S E N T E T AV E N I R D E L ’ E N J E U M É M O R I E L E N A L G É R I E

Si un vieil adage dit que « l’histoire appartient

aux vainqueurs », alors la mémoire appartient-elle aux vaincus ?

Le vaincu semble être celui qui est écrasé par l’histoire, qui est réduit au silence par des « vérités » officielles construites sur un fantasme manichéen. En étant ainsi effacé, le vaincu va dans certains cas se confondre avec le « vainqueur », donnant ainsi l’impression à l’observateur extérieur d’une société unifiée. Mais la Mémoire ne peut pas disparaître pour autant, ce que nous rappelle Rachid El Manouzi dans son introduction centrée sur l’importance de la mémoire et son pouvoir guérisseur lorsque celle-ci est reconnue.

Cependant, le processus entamé à des fins d’effacement des individus et de leur mémoire est particulièrement prégnant dans le cas de l’Algérie, qui avec la Charte dite « pour la paix et la réconciliation nationale » et son ordonnance d’application de 2006, institutionnalise une mémoire voulue unique des évènements algériens des années 90 (voir à ce propos l’article écrit par François Gèze et Salima Mellah, et le rappel des provisions de l’article 45 de la Charte).

La division de la société résultant de telles politiques et l’impossible oubli des victimes confrontées à des politiques brutales d’amnésie et d’impunité se trouve illustrée dès 1999 dans une seule phrase du président Abdelaziz Bouteflika à l’égard des mères et femmes de disparus, frappante par sa brutalité : « les disparus ne sont pas dans mes poches […] vous me faites honte dans le monde, comme des pleureuses, avec vos photos ».

Cependant, comme le rappelle Soraya Laribi dans sa rétrospective historique du processus de « réconciliation nationale », des politiques pouvant être assimilées au processus de justice transitionnelle ont pu être mises en œuvre en Algérie. Mme Laribi cite ainsi à cet égard la Commission ad hoc créée en 2003

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afin de comptabiliser le nombre de disparus algériens et ainsi répondre au droit à la vérité que faisaient valoir les familles de victimes de disparition forcée. Mais cette réponse algérienne s’est vue au final davantage se rapprocher de politiques d’oubli et d’impunité. L’Algérie n’a pas instauré de réelles politiques à même d’aboutir à un apaisement de la société, ce qui a eu pour conséquence une société divisée dans laquelle les familles de victimes de la sale guerre tentent toujours de faire entendre leurs voix, malgré les efforts des autorités publiques pour recouvrir ces voix. Les actions se multiplient ainsi, d’année en année, de la part du Collectif des Familles de Disparus en Algérie (CFDA), de SOS Disparus, de Somoud, de Djazairouna ou encore d’organisations internationales luttant pour les droits de l’homme, afin que toutes les mémoires soient écoutées et entendues, et que les droits à la vérité et à la justice des familles soient enfin reconnus.

Mais ces actions, même si elles se multiplient, doivent faire face à des politiques de plus en plus répressives des autorités algériennes, qui par là même se retrouvent en porte-à-faux des engagements internationaux pris par l’Algérie. C’est ainsi que la FEMED et son association membre Djazairouna ont rédigé à l’intention du Comité des Droits de l’Homme un rapport alternatif sur les multiples violations de l’État algérien au Pacte

International relatif aux Droits Civils et Politiques, pourtant ratifié dès 1989. Ce rapport, qui a été transmis au Comité à l’occasion de l’examen de l’Algérie par celui-ci, servira dorénavant de base de travail à nos deux associations pour suivre les éventuelles évolutions des politiques algériennes qui pourraient un jour mener à une reconnaissance pleine et entière de toutes les mémoires associées à la sale guerre des années 90. Elles pourront pour cela également rappeler aux autorités algériennes les réponses que celles-ci ont pu apporter au Comité lors de cet examen, la délégation algérienne officielle ayant souligné que l’Algérie actuelle était « une Algérie pacifiée, tournée vers l’avenir» et que « la question de l’amendement de la Charte [était] à poser à la population algérienne » . 1

La société civile algérienne va continuer son combat pour faire reconnaître ses droits et entendre sa mémoire. Et c’est pour contribuer à ce combat de longue haleine que la FEMED a tenu en fin d’année 2018 une importante table ronde sur le sujet « la Mémoire : un instrument pour garantir la non-répétition des crimes », rappelant ainsi que si la mémoire est intrinsèquement assimilée au passé, ses ramifications dans le présent sont omniprésentes tandis que le rôle qu’elle a à jouer pour l’avenir n’est rien d’autre que primordial.

https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23336&LangID=F1

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Quelle réconciliation pour l’Algérie ?

1. R A C H I D E L M A N O U Z I : M É M O I R E ( S ) E T S O C I É T É ( S )

Discours tenu lors de la table-ronde

organisée à Alger le 1e décembre 2018 sur le thème « La mémoire, un instrument pour garantir la non-répétition des crimes »

La question mémorielle est absolument primordiale pour tout État, groupe de personnes ou individu ayant subi ou ayant été témoin d’un préjudice. La mémoire engendre la réconciliation lorsqu’elle est complète et réelle, et la réparation lorsque cette dernière est reconnue. Les difficultés encore aujourd’hui pour aboutir à une « mémoire apaisée» ne font que souligner la complexité des conflits et la survivance de douloureux souvenirs.

La politique de mémoire peut susciter l’essor d’un esprit de repentance, d’une reconnaissance officielle des « responsabilités », pour déboucher parfois sur une démarche active de réparation.

Respecter et reconnaître les mémoires ne revient cependant pas à nier leur caractère éminemment

subjectif, la mémoire étant le fruit d’un souvenir passé lu au prisme du présent. Les mémoires fonctionnement ainsi comme des discours de légitimation, étant à la fois rappel d’évènements et miroir déformant. Elles sont l’évocation d’un vécu passé ainsi qu’un discours sur le contemporain. De plus, les mémoires ne s’organisent pas comme un tout explicatif, et leur écoute peut ressembler à une véritable rhapsodie

de plaintes. Mais entendre et écouter les mémoires est un processus absolument primordial.

Tzvetan Todorov souligne dans son ouvrage les Abus

de la mémoire « La vie a perdu contre la mort mais la mémoire gagne dans son combat contre le néant »1. Et lorsqu’un fait extraordinaire est vécu, il doit être recouvert : par exemple lorsqu’il s’agit de massacres ou d’un génocide, c’est pour lui une obligation de rétablir les disparus dans leur dignité humaine.

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« La mémoire ne cherche à sauver le passé que pour servir au présent et à l’avenir.

Faisons en sorte que la mémoire collective serve à la libération et non à

l’asservissement de l’homme ». Jacques le Goff

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De la même manière, le processus du deuil se réalise grâce à un travail de mémoire. Après une première phase de rejet total et immédiat d’un fait douloureux, l’individu entre dans une seconde phase qui est l’acception, petit à petit, des images attachées au disparu. C’est par la modification de ces images avec le temps que le processus d’éloignement peut commencer.

Dans les sociétés marquées par une douloureuse histoire, les questions mémorielles sont intimement liées à la refondation de la communauté.

Une politique, ou des politiques, de la mémoire sont alors essentielles pour entamer un réel processus de réconciliation, passant par une reconnaissance officielle des responsabilités. Rejoignons alors Jacques le Goff dans son invitation à faire « en sorte que la mémoire collective serve à la libération et non à l’asservissement de l’homme ».

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2 . A L G É R I E : L E R É G I M E C O N T R E L A « R É C O N C I L I AT I O N N AT I O N A L E » PA R F R A N Ç O I S G È Z E E T S A L I M A M E L L A H , A L G E R I A - WAT C H , F É V R I E R 2 0 1 9

Depuis les années 1980, de nombreux

pays ont instauré, avec des résultats certes variables, le principe d’une « justice transitionnelle » après la fin des épisodes de pires violences : Commission Vérité et réconciliation chargée en Afrique du Sud, de 1996 à 1998, de juger les crimes de l’apartheid ; abrogation en 2003 en Argentine des lois d’amnistie des années 1980 pour les responsables militaires de la « sale guerre » de 1976-1983, ouvrant la voie aux poursuites judiciaires contre eux ; Instance Équité et Réconciliation (IER) chargée au Maroc, de 2004 à 2005, de répertorier les violations des droits humains commises entre 1956 et 1999 (mais sans mentionner les noms des criminels) ; Instance Vérité et dignité chargée en Tunisie, de 2013 à 2018, d’enquêter sur les violations des droits humains sous la dictature de Ben Ali et de proposer des réparations à leurs victimes ; avancées en Espagne, depuis les années 2010, des combats judiciaires engagés par des descendants de victimes du franquisme contre le « pacte du silence » imposé par la loi d’amnistie de 1977. Ces impératifs de vérité et de justice sont également en débat dans de très nombreux pays, où l’impunité des violences perpétrées par le terrorisme d’État ou liées à des guerres civiles a provoqué lors des dernières décennies des traumatismes psychosociaux dont on mesure mal la puissance de destruction des fondements de ces sociétés.

Dans ce tableau, l’Algérie occupe une place singulière. La réalité des horreurs de la « sale guerre » qui a ravagé le pays au cours des années 1990 ne fait plus aucun doute. En janvier 1992, l’interruption par un coup d’État des premières élections législatives pluralistes du pays, remportées par le Front islamique du salut, a conduit le commandement militaire à déclencher une répression sauvage contre l’ensemble de la société, suscitant l’engagement dans la lutte armée d’une partie de l’opposition islamiste. Le bilan en a été effroyable : quelque 200 000 morts et 20 000 « disparus », des centaines de milliers de torturés et plus de 1,5 million de personnes victimes de déplacements forcés.

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En 2019, derrière la façade d’une fausse « République » qui entend renouveler le mandat d’Abdelaziz Bouteflika (82 ans), pourtant presque agonisant, le régime responsable de cette terreur est toujours en place. Même si la plupart des généraux qui l’ont organisée sont morts ou retraités, nombre des officiers supérieurs en poste aujourd’hui ont en effet les mains tâchées du sang versé dans les années 1990. Leur impunité, comme celle de la plupart des membres des groupes armés se réclamant de l’islam, est le fruit d’un processus officiel d’effacement des faits, judiciaire, légal et politique.

Les enquêtes judiciaires préalables aux procès de « terroristes » des années 2000 et 2010 n’ont ainsi toujours été que des simulacres. Et les dizaines d’assassinats politiques des années 1990 n’ont jamais été élucidés, depuis

celui du journaliste Tahar Djaout en 1993 jusqu’à ceux des moines de Tibhirine (1996), du chanteur Lounès Matoub (1998) ou du numéro trois du FIS, Abdelkader Hachani (1999) de même, aucun des grands massacres de1996-1998 n’a fait l’objet d’une investigation digne de ce nom. Surtout, après l’élection (frauduleuse, comme les suivantes) de Bouteflika à la présidence de la République en avril 1999, les vrais «décideurs» lui ont fait assumer la responsabilité d’une série de dispositions légales organisant l’effacement et l’impunité, en commençant par la loi sur la « concorde civile » de 1999. Laquelle sera suivie par un référendum (toujours frauduleux) permettant l’adoption, en septembre 2005, d’une « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », qui sera précisée, le 27 février 2006, par une ordonnance «portant mise en œuvre » de cette Charte.

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Sa principale disposition est son article 45 : « Aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne démocratique et populaire. Toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l’autorité judiciaire compétente. » Les autres dispositions de cette ordonnance amnistient les crimes des membres des groupes armés se réclamant de l’islam. Et elles visent à indemniser, en échange de leur silence, les « victimes du terrorisme » comme celles des exactions des forces de sécurité, en particulier les familles de disparus ; et à interdire à l’avenir toute déclaration qui « utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour […] fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servi, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international » (article 46). Il s’agissait bien d’organiser l’effacement d’une décennie de terrorisme d’État, marquée notamment par la manipulation des groupes armés se réclamant de l’islam.

Les premières victimes de la violence d’État qui ont osé demander publiquement des comptes aux autorités sont les mères et épouses de disparus. En 1997, elles ont pris

conscience que ces disparitions étaient massives depuis 1994 et qu’ensemble elles devaient affronter l’espace public. À force de courage et d’obstination, ce mouvement de protestation, bien que persécuté par les autorités, continue à se battre aujourd’hui. Et sous la chape de silence imposé par l’article 46 de l’ordonnance de 2006, des divergences quant à la version officielle des faits s’expriment régulièrement. Ce que les responsables algériens aiment appeler une «justice transitionnelle » à l’algérienne ne constitue donc qu’un simulacre qui peut voler en éclats à la moindre secousse politique violente, avec des conséquences potentiellement très lourdes tant les clivages dans la société sont encore profonds. Si une véritable justice transitionnelle doit intervenir en Algérie, elle ne pourra aboutir à des résultats satisfaisants pour une majorité de victimes qu’à la condition d’être mise en œuvre au cours d’une authentique transition politique vers la démocratie.

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“Si une véritable justice transitionnelle doit intervenir en

Algérie, elle ne pourra aboutir à des résultats satisfaisants pour une

majorité de victimes qu’à la condition d’être mise en œuvre au cours d’une authentique transition politique vers

la démocratie”

Salima Mellah et François Gèze

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3 . L E P R O C E S S U S D E « R É C O N C I L I AT I O N N AT I O N A L E » E N A L G É R I E , U N E B R È V E R É T R O S P E C T I V E H I S T O R I Q U E PA R S O R AYA L A R I B I , D O C T E U R E E N H I S T O I R E D E L’ U N I V E R S I T É D E PA R I S - S O R B O N N E .

Succédant en avril 1999 à Liamine Zeroual, qui avait timidement initié le processus avec une loi sur la clémence (rahma), Abdelaziz Boutefl ika prend des mesures de « réconciliation nationale ». À la tête d’un pays meurtri par des années d’affrontement opposant les agents des services de sécurité de l’État et les groupes islamiques armés, le Président de la République algérienne souhaite alors sortir de la « décennie noire » ou « décennie du terrorisme » commencée en 2

1992 à la suite de l’annulation du second tour des élections législatives.

De fait durant cette période, des massacres collectifs , des assassinats et des disparitions 3

forcées de civils pris « entre deux feux » ont 4

lieu. Comme le rappelle le chercheur Luis Martinez, « [l]a notion ‘‘d’ennemi islamiste’’ est élargie à tous les jeunes suspectés de sympathie envers la guérilla » et nombreux 5

sont ceux qui sont raflés, torturés et/ou envoyés dans des camps dans le Sud algérien, laissant leurs familles dans un état d’angoisse permanent…

Mouloud Boumghar, « Concorde civile et réconciliation nationale sous le sceau de l’impunité : le traitement par le 2

droit algérien des violations graves des droits de l’Homme commises durant la guerre des années 1990 », Revue Internationale de droit comparé, 2015/2, p.350.

Le plus tristement célèbre étant celui de Bentalha dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997.3

http://www.refworld.org/docid/3ae6a9e410.html Amnesty International, « Le silence et la peur », 1er novembre 4

1996 (consulté le 28 février 2019).

Luis Martinez, « Algérie : les massacres de civils dans la guerre », Revue internationale de politique comparée 5

2001/1 (Vol. 8), p.46.�11

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Proposant par référendum une loi sur la « Concorde civile » Abdelaziz Bouteflika souhaite ainsi rétablir l’ordre en désarmant les groupes islamiques armés et en leur proposant de réintégrer la communauté nationale. 98,6% des votants approuvent cette initiative, le 16 septembre 1999. De plus, il dissout l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH) et le remplace par la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme (CNCPPDH). La Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) et les familles réunies dans des associations - qui ne cessaient de réclamer des 6

informations sur le sort de leurs proches - obtiennent un premier bilan chiffré via la déclaration du ministre de l’Intérieur Noureddine Yazid Zerhouni, à l’Assemblée Populaire Nationale (APN) le 31 mars 2001, qui annonce 4 134 cas de disparition.

Le Président de la République algérienne crée une commission ad hoc, en 2003, chargée de comptabiliser les disparus et d’informer les familles du résultat des enquêtes. Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH, est nommé à la tête de cette commission. Il remet au président algérien le 31 mars 2005, un rapport qui comptabilise 6146 disparitions liées à des agents de l’État. D’après lui, « l’État est responsable mais pas coupable » en raison du chaos de cette période.

Une Charte pour la paix et la réconciliation nationale est adoptée le 29 septembre 2005 par référendum pour mettre fin à ce qu’Abdelaziz Bouteflika qualifie de « tragédie nationale » mais cela se manifeste par l’amnistie d’un grand nombre de personnes ayant commis des exactions. De surcroît, l’article 45 du sixième chapitre de la Charte limite les démarches des familles qui doivent accepter les jugements déclaratifs de décès. Elles se tournent alors vers les institutions internationales. Ainsi, le 31 mars 2006, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) a doublement condamné l’Algérie pour la pratique de disparitions forcées sur les personnes de Riad Boucherf et d e S a l a h S a k e r. N é a n m o i n s , s i l e gouvernement algérien a signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées le 6 février 2007 - soit le premier jour de l’ouverture à la signature par l’Organisation des Nations Unies - il ne l’a pas encore ratifiée.

Arme de terreur, la disparition forcée se généralise comme en témoigne un récent rapport d’Amnesty international . Les mères 7

des disparus d’Algérie - qui n’ont pas pu traverser les étapes dites « normales » du deuil - unissent encore aujourd’hui leurs voix et s’associent aux victimes des autres conflits contemporains lors de la Journée internationale des personnes disparues (le 30 août).

Il s’agit notamment des associations suivantes : Somoud (Fermeté), Djazairouna (Notre Algérie) et du Collectif des 6

Familles de Disparu(e)s en Algérie (CFDA).

https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2016/08/the-day-of-the-disappeared-enforced-disappearances-persist-7

globally/ « 23 août 2016. Journée internationale des disparus. Les disparitions forcées perdurent dans le monde » (consulté le 28 février 2019).�12

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4 . L’ E X A M E N D E L’ A L G É R I E PA R L E C O M I T É D E S D R O I T S D E L’ H O M M E D E S N AT I O N S U N I E S , 4 E T 5 J U I L L E T 2 0 1 8

Les 4 et 5 juillet 2018, l’Algérie a été

examinée par le Comité des Droits de l’Homme à Genève, lors de sa 123e session. La FEMED, en partenariat avec son association membre Djazairouna, a transmis au Comité un rapport alternatif mettant en lumière les multiples infractions de l’Algérie à ses engagements internationaux matérialisés par la ratification du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques ( ci-après le Pacte). Ce Pacte a été signé par l’Algérie dès 1968 et ratifié en 1989. Il ne s’agissait pas tant pour la FEMED et Djazairouna de s’assurer de la condamnation de l’Algérie par le Comité des Droits de l’Homme, qui était un acquis au vu des multiples violations du Pacte par l’Algérie, que d’apporter au Comité des bases solides, dénoncées directement par la société civile algérienne, sur lesquelles il pouvait appuyer son travail d’observation.

Dans leur rapport alternatif, la FEMED et Djazairouna ont en premier lieu dénoncé l’absence des droits protégés par le Pacte dans la législation interne algérienne. En effet, au r e g a r d d e l a d é c i s i o n d u C o n s e i l Constitutionnel n°1-D-L-CC 89 du 20 août 1989 relative au code électoral, toute convention, une fois ratifiée, est en application de l’article 123 de la Constitution intégrée au droit national et acquiert ainsi une autorité supérieure à celle des lois, ce qui autorise alors tout citoyen algérien à s’en prévaloir devant les juridictions nationales.

Cette obligation d’harmoniser sa législation au regard de l’engagement contracté par la ratification du Pacte est également renforcée par la loi 89-08 d’avril 1989 à laquelle l’Algérie est tenue par le décret présidentiel n°89/67, ainsi que par l’article 150 de la Constitution. Ce premier manquement de l’Algérie à la législation interne du pays augure bien de la distance existante envers l’engagement international ainsi contracté, tel que nous l’avons constaté depuis près de 30 ans. Le rapport alternatif soumis par la FEMED et Djazairouna souligne aussi le manque de publicisation du Pacte qui conduit à un appauvrissement de fait des provisions contenues dans l’article 358 du code des procédures civiles et administratives, selon lequel est garanti au citoyen le droit de demander, en cas de violation d’un traité international, un pourvoi en cassation.

Les violations du Pacte constatées depuis des années ont été renforcées récemment sur des fondements législatifs, avec l’adoption de diverses lois relatives à la vie politique et à l’exercice des libertés. Tel est ainsi le cas avec les lois 12/01 relative au régime électoral, 12/04 relative aux partis politiques, 12/05 relative à l’information ou encore 12/06 relative au domaine associatif.

Au regard du sujet des disparitions forcées, la révision constitutionnelle algérienne, adoptée par la loi du 7 février 2016, contribue à constitutionnaliser l’impunité et le déni de justice par un transvasement dans la Constitution

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des principes établis par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, que nos associations algériennes dénoncent depuis son adoption. Ce glissement vers le niveau constitutionnel de principes en opposition absolue avec la lettre du Pacte, et notamment avec ses articles 2 (§ 2 et 3), 14 et 16, consacre une nouvelle fois l’indifférence attachée par l’Algérie à ses engagements internationaux.

Les articles 7 et 9 du Pacte, relat ifs à la torture et aux détentions arbitraires, se trouvent également régulièrement bafoués par les autorités algériennes, et ce malgré l’inscription dans la législation nationale de l ’ interdict ion de la torture notamment. La soustraction d’individus de l’État de droit, de laquelle l’enlèvement forcé, la torture et la détention arbitraire sont des résultantes, se trouve de plus légitimée dans les faits par l’absence de dispositions législatives sur l’obtention d’aveux sous la torture. En effet, l’article 123 du Code de procédure pénale pose comme principe que « l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation du juge ». Ainsi, si la pratique est théoriquement interdite selon des engagements nationaux ou internationaux, les conséquences de ces pratiques sont jugées recevables devant un jury, illustrant bien une dissociation de fait entre la lettre et son application.

Enfin, alors que la levée de l’état d’urgence en 2011, par l’ordonnance 11-01, aurait pu donner lieu à un assouplissement de l’Algérie sur ses politiques relatives aux droits de l’homme, et ainsi à un respect renouvelé du Pacte, celle-ci s’est en réalité trouvée accompagnée de l’adoption de l’ordonnance 11-03 qui modifie et complète la loi 91-23 de 1991. Cette ordonnance fait, depuis son

adoption, peser au-dessus de la société civile une ombre menaçante dans la pleine continuée de celle existant durant l’état d’urgence, puisqu’elle concrétise la possibilité pour l’État de faire appel à l’armée nationale populaire en dehors du cadre d’urgence, afin de lutter « c o n t r e l e t e r r o r i s m e e t l a subversion ».

La condamnation de l’Algérie par le Comité des Droits de l’Homme a été saluée par la FEMED et ses associations membres, même si un a u t r e j u g e m e n t e u t p a r u

inconcevable. Le rapport alternatif constitué par la FEMED et Djazairouna constitue dorénavant une feuille de route à l’aune de laquelle les actions entreprises par l’Algérie suivant cet examen seront minutieusement examinées et documentées par nos deux associations. A moyen-terme, ce suivi nous permettra de participer activement au dialogue supposé être mis en place à la suite de cet examen, l’Algérie devant répondre sous un an aux observations faites à son égard par le Comité des Droits de l’Homme.

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Des nouvelles de nos associations membres en Algérie

1. C O L L E C T I F D E S FA M I L L E S D E D I S PA R U S E N A L G É R I E – S O S D I S PA R U S

En Algérie, les activités des militants des

Droits de l’Homme ont, une année de plus, été émaillées par les interventions, plus ou moins violentes, des forces de l’ordre algériennes. L’Algérie se montre en effet de plus en plus virulente à l’égard des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que des journalistes, et il est à noter que, si l’État a été examiné en 2017 dans le cadre de l’Examen Périodique Universel de l’ONU, très peu de recommandations issues de l’EPU ont été acceptées par l’État algérien. Le CFDA et SOS Disparus n’abandonnent cependant pas leur combat, et ont continué à mener un grand nombre d’actions afin que leurs droits soient reconnus, et que Vérité et Justice soient rendues.

En collaboration avec la FEMED, le CFDA a mené en 2018 diverses actions visant à soutenir les droits à la Vérité et à la Justice des victimes et familles de victimes de disparus en Algérie. C’est ainsi que le 1e décembre 2018 s’est tenu à Alger une table ronde, organisée par la FEMED et le CFDA, sur le thème « La mémoire, un instrument pour garantir la non-répétition des crimes ». La FEMED, le CFDA et l’APADM (l’Association des Parents et Amis de Disparu(e)s au Maroc)

ont aussi organisé au siège d’Amnesty International France, à l’occasion de la journée internationale contre les disparitions forcées, une conférence-débat sur le thème « Lutter contre l’impunité ».

En parallèle, un rassemblement pacifique a été tenu à Alger sur appel des associations algériennes luttant pour les droits de l’homme et contre les disparitions forcées. Cependant, ce rassemblement a été, au bout de seulement 1 heure 30, dispersé par les forces de l’ordre qui ont ainsi empêché le déroulement serein de la procession en encerclant les manifestants et en interdisant à la population civile de rejoindre le cortège.

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Malgré la répression continue des forces de l’ordre, nos associations algériennes restent cependant actives et mènent de fructueux projets. Le CFDA nous a ainsi fait part du succès entourant son Centre de Recherche pour la Préservation de la Mémoire et l’Étude des Droits de l’Homme ( CPMDH) établi en 2014. Le CPMDH fait ainsi face à une fréquentation en constante hausse, due notamment à l’accueil des réunions d’associations locales, estudiantines, universitaires ou du groupe jeune d’Amnesty International. De plus, de nouvelles initiatives ont récemment été adoptées, marquées par exemple par la création d’une base de données recensant la totalité des livres, revues, rapports et ouvrages présents au Centre, ce qui à terme facilitera l’accès au public et à la recherche.

De plus, malgré les violences exercées par les forces de l’ordre en ces occasions, les partenaires algériens de la FEMED continuent à organiser des rassemblements, à se faire entendre et à interpeller les autorités. Ainsi, tous les 29 septembre, les familles de disparus se réunissent, afin de protester contre la loi d’amnistie institutionnalisée par la dite «Charte pour la paix et la réconciliation nationale», et de montrer ainsi que leur combat pour la Vérité et la Justice se poursuit et se poursuivra jusqu’à ce que leurs droits soient enfin reconnus. De même, des évènements sont régulièrement organisés les 8 décembre (date anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme), 10 décembre, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’homme, ou 30 août pour la journée internationale contre les disparitions forcées.

Le CFDA a également été impliqué ce semestre dans des activités internationales. C’est ainsi que Nassera Dutour, en tant que porte-parole du CFDA, a été invitée à rejoindre la caravane des mères mexicaines à Mexico, du 2 au 4 novembre, en compagnie d’autres mères de disparus. Cette rencontre a été ponctuée par le Sommet Mondial des Mères de Migrants Disparus. Bien que le CFDA mène un combat qui lui est propre, les mères réunies au cours de ce sommet partagent des revendications mêlant droit à la vérité et à la justice, et non-répétition du crime, et en cela le rapprochement du CFDA avec la lutte des mères de migrants disparus était tout indiqué.

Le CFDA mène également son combat sur papier, en déposant régulièrement des dossiers au Groupe de Travail des Nations Unies sur les Disparitions Forcées ( GTDFI), et des communications au Comité des Droits de l’Homme. Ainsi, 16 dossiers individuels ont été déposés au GTDFI au cours de la mission de plaidoyer menée avec la FEMED à Genève du 2 au 5 juillet 2018, tandis que 3 communications ont été transmises en 2018 au Comité des Droits de l’Homme.

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2. D J A Z A Ï R O U N A

L’association algérienne Djazaïrouna a été

créée en 1996 afin de soutenir et venir en aide aux victimes du terrorisme islamiste de la région de la Mitidja. Elle compte aujourd’hui 1245 membres, parmi lesquelles 40 sont de nouveaux adhérents. Djazaïrouna a ainsi acquis au fil des années une expérience précieuse et reconnue dans le domaine de la disparition forcée et des droits de l’homme en général. C’est ainsi en partenariat avec celle-ci que la FEMED a présenté début juillet au Comité des Droits de l’Homme un rapport alternatif sur les violations de l’Algérie au Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. A cette occasion, la présidente de l’association, Mme Cherifa Kheddar, a également rencontré divers représentants diplomatiques afin de les entretenir sur les multiples violations des droits de l’homme en Algérie et leur présenter diverses recommandations muries par l’association. Au cœur de ces recommandations se trouvait la nécessaire abrogation de la Charte « pour la paix et la réconciliation nationale», ainsi que la vocalisation de préoccupations liées aux violences faites aux femmes et aux enfants, à l’égalité et à la promotion des droits fondamentaux. Les actions de plaidoyer de Djazaïrouna ont également été centrées en 2018 sur la dénonciation de la situation vécue par les

travailleurs migrants et leurs familles en Algérie, ainsi que sur la restriction de l’espace associatif dans le pays.

Au cœur des activités régulières de Djazaïrouna se situe la cellule socio-psycho-juridique, mise en place en 1998, et dont le nombre de bénéficiaires avoisine les 200 en l’année 2018.

Cette cellule était originellement dédiée aux victimes du terrorisme dans la wilaya de Blida, mais au vue de son succès ses activités ont été élargies afin de venir en aide à toute victime de violence. Le but de la cellule, pour laquelle travaillent entre autres deux psychologues, deux juristes et un avocat, consiste en :

- « L’accueil, l’écoute, l’orientation et l’accompagnement juridique ;

- L’accompagnement des victimes dans les démarches administratives

- La prise en charge psychologique

- L’assistance sociale selon les besoins et les demandes des victimes »

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Djazaïrouna a également mis en place une base de données recensant toutes les victimes algériennes du terrorisme, avec l’objectif affiché d’ainsi contribuer à la sauvegarde de la mémoire collective algérienne et de « servir de référent pour les chercheurs, les historiens et dans les actions de plaidoyer ».

L’association est cependant, comme toutes les autres associations algériennes actives dans le domaine des droits de l’homme, sujette à la méfiance des autorités étatiques, et ses activités sont par conséquent très étroitement encadrées par les forces de l’ordre, qui n’hésitent pas à recourir à la violence pour ce faire. C’est ainsi qu’à l’occasion de la traditionnelle commémoration du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, au cours de laquelle Djazaïrouna appelle annuellement à l’abrogation de la Charte de 2005, il a été décidé d’organiser un évènement au siège même de l’association, et non comme il est habituellement le cas au niveau de la place Krima Belhadj (Alger). En effet, par mesure de précaution et suite aux diverses et répétées violences commises envers les manifestants par les forces de l’ordre, c’est dans les bureaux de Djazaïrouna que 150 femmes, le personnel de Djazaïrouna et les membres de son bureau executif se sont réunis afin de commémorer ensemble cette date si importante.

Djazaïrouna est enfin partie à de nombreux et importants projets financés par des bailleurs de fonds internationaux. Par leur biais,

Djazaïrouna va ainsi « renforcer les capacités de la société civile sur le territoire des Wilayas de Blida et de Médéa par la création d’un réseau associatif solide qui favorisera la promotion des Droits de la personne, l’égalité et le développement social», «contribuer à l’inclusion sociale et civique des femmes et des jeunes au sein de la wilaya de Blida» ou encore « aide[r] à l’autonomisation des personnes handicapées blessées suite aux attentats terroristes ».

L’association ne cesse finalement de renforcer ses capacités et celle de ses membres, en participant à diverses rencontres, tables rondes, débats et réunions, et en suivant nombre de formations à même de servir tant aux bénéficiaires de ses actions qu’au développement de ses activités.

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La Mémoire : un instrument pour garantir la non-répétition des crimes

2018 a été pour la FEMED une année

dédiée à l’Algérie. L’année se devait donc de se conclure par la tenue en décembre d’une table ronde à Alger, sur un sujet primordial au regard de l’histoire algérienne et des clivages nés de cette histoire et divisant encore aujourd’hui la société algérienne : l’enjeu mémoriel.

Cette table ronde a ainsi eu pour thème «la Mémoire : un instrument pour garantir la non-répétition des crimes», thème sur lequel se sont relayés 6 experts venus d’horizons différents. Le point commun de leurs différentes allocutions a tenu à une répétition de l’importance pour les États d’effectuer un réel travail de mémoire, qui ne consiste pas à faire taire, sous prétexte d’un contexte particulièrement difficile, les mémoires divergentes, mais au contraire de faire preuve de courage politique et de ne pas céder à la facilité apparente des lois d’amnistie et d’impunité. Ce courage politique, l’Algérie n’a finalement pas su en faire montre, alors même qu’elle se targue de ses politiques

qu’elle dit prises dans le cadre de la justice transitionnelle.

Mais la justice transitionnelle n’est pas un concept vague, dont un pays peut s’enorgueillir au gré de ses ambitions. La justice transitionnelle

est définie par l’ONU en 2004 comme «l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de

permettre la réconciliation ». C’est ceci que maître Adnane Bouchaib, en liant dans son discours mémoire et justice transitionnelle, a rappelé à l’occasion de la table ronde, énonçant que dans un contexte de sortie d’une crise émaillée par des violences extrêmes, « la mémoire collective représente l’un des mécanismes qui servent à surmonter la crise de la transition et à construire une société plus juste ». Maître Adnane Bouchaid s’est également fait l’apôtre de la théorie dite « Revealing is Healing », soit « Révéler c’est guérir ».

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Notre combat continuera, « parce [que si] un homme sans mémoire est un

homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir »

Ferdinand Foch

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Cette théorie, qui s’oppose en tout point à sa sœur ennemi «Forgive and Forget », qui a donné des résultats plus qu’insatisfaisants au Mozambique ou en Colombie, consacre la recherche de la vérité et le travail de construction d’une mémoire collective comme étant primordiales au succès d’une transition effectuée en collaboration avec une société civile apaisée.

Le professeur Madjid Bnenchick a lui articulé son discours autour de la question de la réhabilitation des victimes et son aspect central dans les politiques de reconstruction sociale après un conflit interne. Réhabiliter les victimes, et ainsi alléguer leurs mémoires, est en premier lieu « la réintégration des victimes dans l’exercice de leurs droits », c’est la reconnaissance par les autorités étatiques des situations auxquelles ont fait face les victimes, et leur réhabilitation dans l’exercice de leurs droits, dont elles avaient été privées dans la période antérieure. Or cette réhabilitation, « parce qu’elle porte en elle et exige l’exercice complet des droits, passe par la recherche et l’établissement de la vérité. Vérité et réhabilitation sont étroitement liées ». La réhabilitation doit in fine conduire, selon le professeur Bnenchick, à une «transformation profonde du système politique pour éviter une reproduction du conflit à l’avenir».

Fatma Zohra Kheddar, du bureau exécutif de Djazairouna, s’est elle exprimée sur le lien entre mémoire collective et mémoire individuelle, tandis que Mustapha El Manouzi a tenu un discours sur la mémoire comme instrument de recherche de la vérité et mesure de non-répétition des crimes.

Cette table ronde a accueilli quelques 50 participants, dans un contexte de répression continue exercée par les autorités algériennes sur les associations œuvrant pour les droits de l’homme et personnes y étant associées. Ceci, ainsi que les débats nourris et fructueux ayant suivi les allocutions de nos experts, nous ont démontré une nouvelle fois la volonté et l’activisme de la société civile algérienne, confrontée malgré elle à des politiques obsolètes d’impunité et à un régime faisant la sourde oreille.

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ENGLISH VERSION

DEVOIR DE VERITE #12 - Janvier 2019 DUTY OF TRUTH #12 - January 2019

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Duty of truth is a bi annual magazine of the FEMED. Through the actions and news of the FEMED network, we speak about the issues regarding the fight against enforced disappea- rances in the euro mediterranean area and widely all over the world. With DUTY OF TRUTH we want to create a tool of sensitization on enforced disappearances but also a thinking tool on those issues.

This eleventh issue as for subject the right to the truth regarding enforced disappearance at a collective and individual level. The right to the truth is a primary side of the fight against enforced disappearance.

EURO–MEDITERRANEAN FEDERATION AGAINST ENFORCED DISAPPERANCES (FEMED)

Adress : 77 bis rue Robespierre – 93100 – Montreuil – France Phone number : + 33 (0) 9 53 36 81 14 email adress : [email protected] Website : www.disparitions-euromed.org Facebook : www.facebook.com/disparitions.euromed Twitter : http://twitter.com/femedonline

REVIEW'S COLLABORATORS : Nassera Dutour, Rachid El Manouzi, François Gèze, Salima Mellah, Soraya Laribi, Marguerite Keynes

PUBLICATION MANAGER: Nassera Dutour

GRAPHIC DESIGN AND LAYOUT : Marguerite Keynes, Ibtissem Benammour

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SUMARY

Editorial - Nassera Dutour : Past, present and future of Algeria’s memory-based heritage 24

What reconciliation for Algeria?

1. Rachid El Manouzi : Memory.ies and Society.ies 26

2. François Gèze and Salima Mallah, Algeria : The regime against « national reconciliation » 28

3. Soraya Laribi, The process of national reconciliation in Algeria. A short historical retrospective 31

4. The United Nation’s Human Rights Committee’s review of Algeria, 4th and 5th of July 2018 33

News from our member associations

1. The Collective of Families of Disappeared in Algeria (CFDA) and SOS Disappeared 35

2. Djazaïrouna 37

Memory : an instrument to ensure the non recurrence of crimes 39

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EDITORIAL

N A S S E R A D U T O U R : PA S T, P R E S E N T A N D F U T U R E O F A L G E R I A’ S M E M O RY- B A S E D H E R I TA G E

If an old saying states that “ history belongs

to winners”, then does memory belong to the losers?

The loser seems to be the one who is knocked down by history, who is reduced to silence by official “truths” built on a Manichean fantasy. Being in this way silenced, the loser will in certain occasions be mistaken with the “winner”, giving thus the impression to the outside observer of a unified society. But Memory cannot disappear, which is what Rachid El Manouzi reminds us in his introduction built around the importance of memory and its healing power when recognised.

However, the process initiating the erasure of individuals and their memories is particularly striking in Algeria, which with the Charter “ for peace and national reconciliation”, and its application ruling of 2006, institutionalises a memory wanted unrivalled of the Algerian events of the 90’s (see the article written by François Gèze and Salima Mellah, and their

reminder of the article 45 of the Charter). The division of the society ensuing such policies and the impossible forgetfulness of the victims confronted to brutal policies of amnesia and impunity is put into light as soon as 1999 with a single sentence of the president Abdelaziz Bouteflika to the mothers and wives of disappeared, striking by its brutality: “the disappeared are not in my pockets [...] you are embarrassing me in the world, like weepers, with your pictures”

But, as Soraya Laribi reminds us in her historical retrospective of the “national reconciliation” process, policies which could have been assimilated to the process of transitional justice have been established in Algeria. Mrs Laribi hence mention the ad hoc commission created in 2003 in order to record the number of Algerian disappeared and thus assert the right to the truth the families of enforced disappearances victims were putting forth. But this Algerian answer finally proved to be built on forgetfulness and impunity policies. Algeria didn’t established real policies which could have ended in an appeasement of the society, which had for

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consequence a divided society in which the victims’ families of the dirty war are still attempting to be heard, while the public authorities are trying to silence them. Thus, as years go by, actions by the Collective of Fzamilies of Disappeared (CFDA), SOS Disappeared, Somoud, Djazairouna or other organisations fighting for human rights are multiplying in order to insure that memories are heard and listened to, and that the families’ rights to truth and justice are finally recognised.

Yet these actions, even if they are multiplying, have to face the Algerian authorities’ ever more repressive policies, which are in opposition with the international commitments taken by Algeria. This is why the FEMED and its member associat ion Djazairouna drafted for the Human Rights Committee an alternative report on the many violations of the Algerian state to the International Covenant on Civil and Political Rights, though ratified since 1989. This report, which was passed to the Committee forward to its review of Algeria, will henceforth avail as a working paper for our two organisations to monitor the potential progresses of Algerian policies, which could one day lead to

a full recognition of all the memories attached to the dirty war of the 90’s. To do so, they will also be entitled to remind the Algerian authorities of the answers they provided to the Committee during this examination, the official Algerian delegation having stated that Algeria as it is now is “ a pacified Algeria, turned towards the future” and that “ the question of the Charter amendment [was] to submit to the Algerian population”.

The Algerian civil society will continue its fight to have its rights recognised and to make its memories heard. And it is to take part to this fight that the FEMED hold at the calendar year-end an important round table on the subject “ Memory : an instrument to ensure the non recurrence of crimes”, thus reminding to the audience that if memory is inherently linked to the past, its outgrowths are in the present while its role

for the future in nothing less than primordial.

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What reconciliation for Algeria?

1. R A C H I D E L M A N O U Z I : M E M O R Y . I E S A N D S O C I E T Y. I E S

Lecture given during the Alger round table

on December the 1st, 2018, on the theme “Memory : an instrument to ensure the non recurrence of crimes”

Memory is absolutely primordial for every State, individual or group of person who has ever been prejudiced or witnessed such a situation. Memory, when complete and real, bears peace building and reconciliation, whilst reparation happens when Memory is acknowledged. Difficulties to reach an “appeased memory” only u n d e r l i n e c o n f l i c t s complexity, as painful recollections come in the way.

A memory policy can promote a spirit of repentance, an official responsibilities acknowledgment, which can lead the way to the enactment of reparation policies.

Respecting and recognising memories doesn’t lead, however, to a denial of their extremely subjective nature, memory being the remembrance

of a past event seen through the lens of contemporary days. Memories work as legitimating speeches; they are as much a recall of events as a distorting mirror. They are the rendering of a past event and a speech hold on present events. Moreover, memories do not constitute a perfectly explanatory material, and listening to them can sometimes make one think of a true rhapsody of complaints. But listening to them and hearing them is an absolutely primordial process.

Tzvetan Todorov, in its book The abuses of memory writes “ life lost against death but memory wins in its fight against oblivion”.

And when an overwhelming fact is experienced, it has to be covered : for example in case of massacre or genocide, it is for Tzvetan Todorov an imperative to re-establish the disappeared in their human dignity.

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« Memory only seeks to redeem the past to serve the present and the future. Let’s ensure collective memory serves men’s

freedom and not enslavement”

Jacques le Goff

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In the same way, the mourning process happens through a memory work. Afeter a first stage of total and instant rejection of a painful fact, the individual enters in a second stage, which is the acceptance, gradually, of images linked to the disappeared. It is through the alterations of these images by time that the distancing process can start.

In societies scarred by a painful history, memorial questions are deeply linked to the community renewing.

A memory policy, or policies, are thus critical to initiate a true reconciliation process, passing through an official recognition of the responsibilities. Lets then join Jacques le Goff in its call to ensure that “collective memory serves men’s freedom and not enslavement”

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2 . F R A N Ç O I S G È Z E A N D S A L I M A M A L L A H , A L G E R I A : T H E R E G I M E A G A I N S T « N AT I O N A L R E C O N C I L I AT I O N »

Since the 80s, many countries have

introduced, admittedly with uneven outcomes, the principle of a « transitional justice » after some violent turmoil : the Truth and 8

Reconciliation Commission in charge in South Africa from 1996 to 1998 to judge the crime of Apartheid; the repeal in 2003 in Argentina of the amnesty laws of the 80’s regarding the service persons liable for the “dirty war” of 1976-1983, thus paving the way for legal proceedings against them; the Equity and Reconciliation Commission (ERC) in charge in Morocco, from 2004 to 2005, to catalogue the human rights violations committed between 1956 and 1999 (but without mentioning the names of the criminals) ; the Truth and Dignity Commission in charge in Tunisia, from 2013 to 2018, to

investigate the human rights violations committed under the dictatorship of Ben Ali and to offer compensation to its victims; advancements in Spain, since the 2010’s, in the legal struggles lead by the descendants of Franco’s victims against the “ silence pact” enforced by the 1977 amnesty law. These truth and justice imperatives are also into discussion in many countries where impunity, attached to the violence of state terrorism or linked to civil wars, has these last decades generated psychosocial traumas of which it is difficult to measure the

destruction power on the tenet of those societies.

In regard of all of this, Algeria stands on a peculiar spot. The reality of the atrocities of the “dirty war” which hit the country during the 90’s isn’t under question anymore. In January 1992, the outage by a coup of the first multi-party legislative election in the country, won by the Islamic Salvation Front, lead the military command to launch a savage repression against the whole society, causing the enrolment in the armed struggle of part of the Islamic opposition. The outcome was dreadful: about 200 000 dead and 20 000 “disappeared”, hundreds of thousands of people tortured, and more than 1.5 million persons who suffered forced displacement.

See for referral the collective work of Nadya NEDELSKY and Lavinia STAN ( dir.), The Encyclopedia of 8

Transitional Justice (Cambridge University Press, New York, 2010) for which an updated version is to be published in 2019. �28

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In 2019, hidden behind some semblance of a “Republic” aiming to renew the mandate of Abdelaziz Bouteflika (82 years old), though almost dying, the regime liable for this terror is still ruling. Even if most of the generals who orchestrated it have died or retired, many senior officers currently holding office have their hands stained in the blood they shed in the 90’s. Their impunity, as the impunity of most of the members of armed groups invoking Islam, is the product of an official process of judiciary, legal and politic fact erasure.

The judicial inquiries prior to the “terrorists” trials of the 2000’s and 2010’s have thus always been nothing but pretense. And the tens of political assassinations in the 90’s have never been elucidated, from the murder of the journalist Tahar Djaout in 1993 to the one of the monks of Tibhirine (1996), from

the singer Lounès Matoub (1998) to the former #3 of the ISF, Abdelkader Hachani (1999); in the same vein, none of the grand killings of 1996-1998 have been subjected to a true investigation. Above all, after the election (fraudulent, as the following elections) of Bouteflika at the Republic presidency in April 1999, the real “ decision-makers” made him take responsibility for a slew of legal provisions organizing erasure and impunity, starting with the “Civil Concord” law of 1999. The latter was followed by a referendum (invariably fraudulent) allowing the adoption, in September 2005, of a “Charter for Peace and National Reconciliation” which was specified, on February the 27th of 2006, by a ruling regarding the application of this Charter.

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Its major provision is its 45th article: “Legal proceedings may not be brought against individuals or groups who are members of any branch of the defense or security forces of the Republic for actions undertaken to protect persons and property, safeguard of the nation or preserve the institutions of the Republic. Any such allegation or complaint shall be declared inadmissible by the competent judicial authority”. The other provisions of this ruling grant amnesty for their crimes to the members of armed groups invoking Islam. And they aim to indemnify, in exchange for their silence, the “victims of terrorism”, for example the ones from exactions from the security forces, notably the families of disappeared; and to forbid in the future any statement which “uses or exploits the wounds of the National Tragedy, to […] weaken the State, or to undermine the good reputation of its agents who honorably served it, or to tarnish the image of Algeria internationally” (article 46). The goal was indeed to erase a decade of state terrorism, chiefly marked by the manipulation of the armed groups invoking Islam.

The first victims of State violence who dared to publicly hold the authorities to account were the mothers and spouses of disappeared. In 1997, they became aware of the scale of the disappearances since 1994 and that they ought to confront together the public area. Through courage and perseverance, this protest movement, although persecuted by the authorities, is still fighting today. And under the cone of silence enforced by the article 46 of the 2006 ruling, disagreements with the official version of what happened are regularly heard. What the Algerian officials like to call a “transitional justice” is but a simulacrum which can be torn apart by any violent political concussion, with some potentially extremely destructive consequences as the divide among the society is still deep. If a true transitional justice was to be ensured in Algeria, it could result in satisfying outcomes for a majority of the victims only conditionally upon the implementation of a genuine political transition toward democracy.

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“If a true transitional justice was to be ensured in Algeria, it could result in satisfying outcomes for a majority of the victims only conditionally

upon the implementation of a genuine political transition toward democracy”

Salima Mellah et François Gèze

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3 . S O R A YA L A R I B I , T H E P R O C E S S O F N AT I O N A L R E C O N C I L I AT I O N I N A L G E R I A . A S H O RT H I S T O R I C A L R E T R O S P E C T I V E

Replacing in April 1999 Liamine Zeroual,

who coyly initiated the process with a law on mercy (rahma), Abdelaziz Bouteflika took “national reconciliation” actions. Head of a country scarred by years of confrontation between the state security forces and Islamic armed groups, the President of the Algerian Republic wants to step out from the “black decade” or “terrorism decade”‑ started in 91992 following the annulment of the second round of the legislative elections.

De facto, during this period, mass murders, assassinations and enforced disappearances of civilians caught “in the crossfire‑ ” took 10place. As the researcher Luis Martinez reminds us, “the concept of the “Islamic enemy” [was] expanded to every youth suspected of sympathy for the guerilla”, and many are those who were rounded up, tortured and/or sent to South Algerian camps, leaving their families in a constant state of distress…

Mouloud Boumghar, « Civil concord and national reconciliation under a seal of impunity: the handling by Algerian 9

law of grave human rights violations committed during the 90’s war » [in French], Revue Internationale de droit comparé, 2015/2, p.350.

The most infamous being the one of Bentalha in the night of the 22 to the 23 of september 1997.10

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By submitting to referendum a law on “Civil Concord” Abdelaziz Bouteflika wants to reestablish order by disarming the Islamic armed groups and by offering them to rejoin the national community. 98.6% of the voters approved this initiative on December the 16th, 1999. Moreover, he shut down the National Observatory for Human Rights ( NOHR) and replaced it with the National Advisory Commission for the Promotion and Protection of Human Rights (NACPPH). The Algerian League for the Defense of Human Rights (ALDHR) and the families gathered in associations‑ - who didn’t stop asking for 11information on the fate of their loved ones – got a first quantified assessment via the statement of the Ministry of the Interior Noureddine Yazid Zerhouni to the National People’s Assembly on March the 31st, 2001, who released the number of 4134 cases of disappearances.

The President of the Algerian Republic established in 2003 an ad hoc commission, in charge of recording the number of disappeared and to inform the families of the investigations’ results. Farouk Ksentini, president of the NACPPH, was appointed head of the commission. He presented to the Algerian president, on March the 31st, 2005, a record accounting for 6146 disappearances connected to public agents. According to him, “the State is responsible but not guilty” due to the chaotic circumstances of this period.

A Char t e r fo r Peace and Na t iona l Reconciliation was adopted by referendum on September the 29th, 2005, to end what Abdelaziz Bouteflika calls a “national tragedy” but it proved to grant amnesty to a large number of persons who committed exactions. Moreover, the article 45 of the 6th section of the Charter restricts the families’ procedures, who have to accept declaratory judgments of death. They therefore turned to the international institutions. Thus, on March the 31st, 2006, the United Nations’ Human Rights Council doubly condemned Algeria for the practice of enforced disappearances on the persons of Riad Boucherf and Salah Saker. However, if the Algerian government signed the International convention for the protection of all persons from enforced disappearances on February the 6th, 2007 – the first day of its opening for signature by the United Nations – it hasn’t ratified it yet.

Weapon of terror, enforced disappearance is becoming widely used as asserted by a recent report of Amnesty International ‑ . The 12mothers of Algerian disappeared – who couldn’t go through the “normal” stages of grief – are still joining their voices and associating themselves with other victims of c o n t e m p o r a r y c o n f l i c t s d u r i n g t h e International day of the Disappeared ( August the 30th).

http://www.refworld.org/docid/3ae6a9e410.html Amnesty International, « Silence and fear », 1st of November 11

1996 (consulted on February the 28th, 2019).

! Luis Martinez, « Algeria : civilian murders during the war »[ in French], Revue internationale de politique 12comparée 2001/1 (Vol. 8), p.46.�32

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4 . T H E U N I T E D N AT I O N ’ S H U M A N R I G H T S C O M M I T T E E ’ S R E V I E W O F A L G E R I A , 4 T H A N D 5 T H O F J U LY 2 0 1 8

On the 4th and 5th of July 2018, Algeria was reviewed by the Human Rights Committee in Geneva, during its 123e session. The FEMED, in partnership with its member association Djazairouna, passed to the committee an alternative report highlighting Algeria’s many violations of its international commitments harbored in the International Covenant on Civil and Political Rights (hereafter the “Covenant”). This Covenant has been signed by Algeria since 1968 and ratified in 1989. The FEMED and Djazairouna’s goal wasn’t so much to insure Algeria’s conviction by the Human Rights Committee, which appeared to be a given, than to bring to the Committee solid foundations, directly provided the Algerian civil society, on which it could built its observatory work.

In their alternative draft, the FEMED and Djazairouna first exposed the absence in the Algerian domestic legislation of the rights guaranteed by the Covenant. Indeed, according to the Constitutional Council’s decision n°1-D-L-CC 89 of August the 20th, 1989, pertaining to the electoral code, all covenants, once ratified, are according to Article 123 of the Constitution embed to the national law and thus above internal legislation, which entitle every Algerian citizen to take advantage of it in front of

d o m e s t i c c o u r t s . T h i s l e g i s l a t i o n harmonization obligation of the engagement contracted by the ratification of the Covenant is also reinforced by the 89-08 law of April 1989 to which Algeria is liable by the presidential decree 89/67, as well as by Article 150 of the Constitution. This first breach to its domestic legislation portends well of the existing distance towards the contracted international commitment, as we have noticed for nearly 30 years. The alternative draft submitted by the FEMED and Djazairouna also underlines the lack of publicization of the Covenant in Algeria, which leads to an impoverishment de facto of the provisions contained in article 358 of the Code of Civil and Administrative Procedures, according to which is guaranteed to each citizen the right to ask, in case of violation of an international treaty, a cassation complaint.

The Covenant violations witnessed for years now have recently been enforced on legislative foundations, diverse laws have been adopted pertaining to the electoral system (law 12/01), to political parties (law 12/04), information (law 12/05) or to the associative domain ( law 12/06).

On enforced disappearances, the Algerian constitutional review, adopted by the law of January the 7th, 2016, contributes to constitutionalize

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impunity as well as justice denial through the transfer into the Constitution of principles established in the Charter for Peace and Nat ional Reconci l ia t ion , which our associations have been criticizing ever since its adoption. This shift to the constitutional level of principles in total opposition with the essence of the Covenant, and particularly with Article 2 (§ 2 and 3), 14 et 16, reminds once again of Algeria’s disregard of i ts international commitments.

The Covenant’s articles 7 and 9, related to torture and arbitrary detentions, are also frequently flouted by Algerian au tho r i t i e s , de sp i t e t he regis t ra t ion in domest ic legislation of the prohibition of torture notably. The subtraction of individuals from the rule of law, from which enforced disappearance, torture and arbitrary detention are resulting, is moreover legitimized de facto by the lack of legal provisions voiding confessions obtained by torture. Indeed, article 123 of the criminal procedure code established the principle that “the confession, as all pieces of evidence, is to be left for the judge to be assessed”. So, if these practices are theoretically forbidden by domestic or international commitments, the consequences of these practices are admissible in front of a jury, thus depicting the dissociation existing de facto between the text and its enforcement.

Finally, whereas the lifting of the state of emergency in 2011, thanks to the ruling 11-01, should have resulted in a relaxation of Algeria’s policies related to human rights, and thus to a renewed observance of the Covenant, it has actually been followed by the adoption of the ruling 11-03 which alter and complete the 1991 law 91-23. This ruling, since its adoption, brings to bear a threatening shadow on the civil society in the continuum

of the one existing during the state of emergency, as it institutionalizes the State possibility to call upon the National People’s Army aside the emergency procedures, in order to f ight “agains t terrorism and subversion”.

Algeria’s conviction by the Human Rights Committee has been applauded by the FEMED and its member

associations, even if another outcome would have been unconceivable. The alternative draft written by the FEMED and Djazaïrouna henceforth constitutes for our associations a roadmap to assess the actions undertaken by Algeria following this review. In the medium term, this follow-up will allows us to be a part of the dialogue which should be set up following this review, Algeria having to answer within a year to the observations made by the Human Rights Committee.

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News from our member associations

1. T H E C O L L E C T I V E O F FA M I L I E S O F D I S A P P E A R E D I N A L G E R I A ( C F D A ) A N D S O S D I S A P P E A R E D

In Algeria, human rights’ activists’ actions

have, once again, been scarred by the interventions, more or less violent, of the Algerian police forces. Algeria shows itself to be more and more virulent towards human rights defenders as well as journalists, and it is noticeable that, even if the State was reviewed in 2017 by the UN through the Universal Periodic Review, only few of the issued recommendation were accepted by the Algerian State. The CFDA and SOS Disappeared do not however give up their fight, and continue to lead a large number of actions to have the i r r igh t s recognized, and for Truth and Justice to finally be brought.

In cooperation with the FEMED, the CFDA lead in 2018 diverse actions to promote enforced disappearances victims and victims’ families’ rights to truth and justice in Algeria. Thus, on December the 1st, 2018, was held a round table put together by the FEMED and the CFDA on the subject “ Memory : an

instrument to ensure the non recurrence of crimes”. The FEMED, the CFDA and the APADM ( the Association of Parents and Friends of Disappeared in Morocco) also organized in the premises of Amnesty International France, for the International day of the Disappeared, a conference-debate on the theme “ Fighting impunity”. Meanwhile, a peaceful gathering was held in Alger following the call of Algerian associations

fighting for human rights and against enforced disappearance. However, this gathering has been disrupted by the police forces after only one and a half hour, who caused it to dissolve by circling the demonstrators and forbidding the population to join the parade.

Despite the continuous police repression, our Algerian associations are still proactive and lead fructuous projects. The CFDA thus updated the FEMED about the success of its Research Center for the Memory Preservation and for Human Rights Study ( RCMPHRS)

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established in 2014. The RCMPHRS attendance is constantly increasing, due notably to the welcoming in its premises of many meetings (of local associations, students, academic staff or of the youth group of Amnesty International). Moreover, new initiatives have recently been undertaken, as for example the creation of a data base listing all the books, newsletter, reports and publications acquired by the Centre; which will ease public access and research.

Moreover, despite the police forces’ use of violence during their gathering, the FEMED Algerian partners continue to organize such meetings, to make themselves heard and to call on the government. Thus, every September the 29th, families of disappeared forgather in order to protest against the amnesty law institutionalized by the “ Charter for peace and national reconciliation”, and to show the government and the world that their fight for Truth and Justice isn’t going to be over until their rights are finally recognized. In the same vein, events are yearly put together on the 8th of December (anniversary date of the Universal Declaration of Human Rights), 10th of December for the International Human Rights Day, or on August the 30th for the International Day of the Disappeared.

This semester, the CFDA has also been involved in international activities. Nassera Dutour, as spokesperson for the CFDA, has

thus been invited to join the Mexican Mothers’ Caravan in Mexico, from the 2nd to the 4th of November, with other mothers of disappeared. This encounter also permitted to Nassera Dutour to take part to the Global Summit of Mothers of Missing Migrants. Although the CFDA fight is quite different from the one of these mothers, the claims are the same, tying the rights to truth, to justice and non-recurrence of the crime, making the presence of spokesperson of the CFDA perfectly relevant.

The CFDA also leads a more administrative fight, regularly filing cases to be submitted to the UN Working Group on Enforced or Involuntary Disappearances (WGEID), as well as communications for the Human Rights Committee. Hence, 16 individual file have been submitted to the WGEID during the advocacy mission lead with the FEMED in Geneva from the 2nd to the 5th of July, while 3 communications were addressed in 2018 to the Human Rights Committee.

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2. D J A Z A Ï R O U N A

The Algerian association Djazaïrouna was

established in 1996 in order to support and assist the victims of Islamist terrorism in the Mitidja region. As of today, it has 1245 adherents, among which 40 joined in 2018. D j a z a ï r o u n a t h u s gained through the years a precious and recognized experience in terms of human rights and enforced disappearances. It is in consequence with this association that the FEMED presented to the Human Rights Committee in the beginning of July an alternative report on Algeria’s violations of the International Covenant on Civil and Political Rights. On this occasion, the association president, Mrs. Cherifa Kheddar, met with many diplomatic representatives to tell them about human rights violations in Algeria and to submit to them diverse recommendations. She thus talked about the necessity to abrogate the Charter “ for peace and national reconciliation”, and voiced Djazaïrouna’s concerns about the violence against women

and children in Algeria, equality and the necessary promotion of fundamental rights. Djazaïrouna’s advocacy missions have also been focused in 2018 on the denunciation of the poor situation lived by immigrant workers and their families, and on the shortening of the Algerian associative domain.

At the heart of Djazaïrouna’s regular activities lays the socio-psycho-legal unit created in 1998, of which abou t 200 ind iv idua l s benefited in 2018. This unit was originally dedicated to the terrorism victims of the wilaya of Blida only, but it proved so successful that its activities were expanded to come to assistance to all victims of violence. The goal of the unit, in which are working among others 2 psycho log i s t s , 2 l ega l

experts and a lawyer, is to provide :

- “Reception, attention, guidance and legal accompaniment

- V i c t i m s a c c o m p a n i m e n t i n administrative actions

- Psychological care

- Social aid, according to the victims’ needs and demands

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Djazaïrouna has also established a data base of all Algerian victims of terrorism, with the stated objective to thus contribute to safeguard Algerian collective memory and to “serve as a referent for researchers, historians and in advocacy missions”.

The association is however, as all Algerian associations fighting for human rights, subject to state authorities suspicion, and its activities are as a consequence closely overseen by the police forces, who do not hesitate to use violence in order to do so. This is why, on the 8th of March traditional commemoration, on International Women’s Day, during which Djazaïrouna annually calls for an abrogation of the 2005 Charter, it has been decided to host the event in the premises of the association, instead of doing it as usual at the Krima Belhadj place (Alger). Indeed, as a precautionary measure and due to the diverse and repeated violence committed by the police forces towards the demonstrators, it is in Djazaïrouna’s premises that 150 women, Djazaïrouna’s team and the members of its

executive office have gathered in order to commemorate this day.

Djazaïrouna is also taking part to many important projects funded by international funding institutions. Through these projects, Djazaïrouna is thus going to “enforce civil society’s capacities in the wilayas of Blida and Medea by creating a reliable associative network which will encourage human rights promotion, equality and social development”, “contribute to women and youth social and civic inclusion in the Blida wilaya”, and “help towards independence disabled people wounded during terrorist attacks”.

Finally, the association doesn’t stop to enforce itself and its members capacities, by participating to many meetings, round tables, debates and encounters, and by undertaking trainings benefiting the recipients of its actions as well as the development of its activities.

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Memory : an instrument to ensure the non recurrence of crimes

2018 has been for the FEMED a year

dedicated to Algeria. The year thus had to end with the holding, in December, of a round table in Alger on a paramount subject regarding Algerian history and the divides born by this history and which are still dividing the Algerian society : the memorial issue.

This round table thus h a d f o r t h e m e “ Memory : an instrument to ensure the non recurrence of crimes”, for which 6 experts coming from different horizons took the floor. The lectures they gave, however different they were, had one common thread : the importance for all States to carry out a real memory work, which doesn’t mean silencing rivaling memories on the ground of an extremely painful situation, but on the contrary showing political courage and do not yield to the apparent ease of amnesty and impunity laws. This political courage, Algeria hasn’t been able to display it, even though the country boasts about its policies said taken under the frame of transitional justice.

But transitional justice isn’t a vague concept, of which a country can pride itself on at will of its ambitions. Transitional justice is, according to the UN in 2004 “ the full range of processes and mechanisms associated with society’s attempts to come to term with a legacy of large-scale past abuses, in order to ensure accountability, serve justice and

achieve reconciliation” . This is what the lawyer Adnane Bouchaib, by linking in his lecture memory and transitional justice, reminded during the round table, stating that in a post-crisis context scarred by extreme violence, “collective memory constitutes one of the mechanism which help to

overcome the crisis and to built a fairer society”. Lawyer Adnane Bouchaib also championed the theory said of “ Revealing is Healing”. This theory, which opposes its brother-enemy “ Forgive and Forget” which happened to give less than satisfying results when applied to Mozambique or Colombia, established the research of truth and collective memory building as essential to a successful political transition supported by a soothed civil society.

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The professor Madjid Bnenchick articulated his speech on the question of victim rehabilitation and its core importance in social reconstruction policies after an internal conflict. Rehabilitating the victims, and thus recognizing their memories, is “the victims’ reintegration in the exercise of their rights”, it is the recognition by the State authorities of the situations faced by the victims, and the rehabilitation of the rights they were deprived of during the past period. Yet this rehabilitation, “because it bears in itself and requires a complete exercise of one’s rights, has to go through the research and establishment of truth. Truth and rehabilitation are closely linked”. Rehabilitation must in fine lead, according to professor Bnenchick, to a “fundamental transformation of the political system in order to avoid conflict reproduction in the future”.

Fatma Zohra Kheddar, from the executive office of Djazairouna, talked about collective and individual memory, while Mustafa El Manouzi lectured the participants on memory as an instrument to search for the truth and a policy for the non recurrence of crimes.

The round table hosted about 50 persons, in a context scarred by a continuous repression by Algerian authorities on any associations fighting for human rights and on all persons thought to be linked to these associations. This difficult context, added to the fructuous debates which followed the different lectures of our experts, have once again proved us the will and activism of the Algerian civil society, who doesn’t settle for obsolete impunity policies and a regime deaf to their claims.

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Our fight will continue, “ because [if] a man without memory is a man without life, a nation without memory is a nation without a future”

Ferdinand Foch

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