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-: Mie u x -vivre 4111111111111 Des en ants, ----- non. era Peut-on réussir sa vie de femme sans être mère? Pourquoi certaines d'entre nous font-elles ce choix? Si, depuis deux générations, les Québécoises ont le droit de choisir leur maternité, le non-désir d'enfant reste difficile à assumer. par Pascale Navarro Q uand Marie-Pierre,28 ans,entend son entou- de ne pas avoir d'enfants» Selon elle, nous som- rage lui parler du bonheur de tenir un enfant mes passés,avec la contraception, d'un monde dans ses bras, cela la laisse indifférente. "Ça ne où le destin était tout tracé à une société de me touche pas», dit-elle, Pas plus que l'idée de choix. "Et pour les femmes, cela change tout.» devenir mère ne la fait rêver. Elle a d'autres pro+: Au-delà des chiffres (65 % des couples ont des jets dans la vie. Un nouveau phénomène que ces enfants selon Statistique Canada), du baby-boom femmes qui disent non à la maternité? de l'après-guerre, puis de la baisse de la natalité "Il existe depuis longtemps, répond l'historienne au Québec comme dans presque tout l'Occident, Micheline Dumont, 74 ans,auteure de nombreux des femmes font, pour elles-mêmes,le choix de ne livres sur l'histoire des femmes au Québec.Jadis, pas avoir d'enfants. Elles bravent les conventions celles qui ne souhaitaient pas la maternité deve- sociales et mènent plus ouvertement qu'avant naient religieuses, moyen socialement acceptable : une vie différente. ~ Mars 207 a 1 coupdepouce.com

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-: Mie u x -vivre 4111111111111

Desen ants,-----

non.era

Peut-on réussir sa vie de femme sans être mère?

Pourquoi certaines d'entre nous font-elles ce choix?

Si, depuis deux générations, les Québécoises ont le

droit de choisir leur maternité, le non-désir d'enfant

reste difficile à assumer.

par Pascale Navarro

Quand Marie-Pierre,28 ans,entend son entou- de ne pas avoir d'enfants» Selon elle, nous som-rage lui parler du bonheur de tenir un enfant mes passés,avec la contraception, d'un monde

dans ses bras, cela la laisse indifférente. "Ça ne où le destin était tout tracé à une société deme touche pas»,dit-elle, Pas plus que l'idée de choix. "Et pour les femmes, cela change tout.»devenir mère ne la fait rêver. Elle a d'autres pro+: Au-delà des chiffres (65 % des couples ont desjets dans la vie. Un nouveau phénomène que ces enfants selon Statistique Canada), du baby-boomfemmes qui disent non à la maternité? de l'après-guerre, puis de la baisse de la natalité

"Il existe depuis longtemps, répond l'historienne au Québec comme dans presque tout l'Occident,Micheline Dumont, 74 ans,auteure de nombreux des femmes font, pour elles-mêmes,le choix de nelivres sur l'histoire des femmes au Québec.Jadis, pas avoir d'enfants. Elles bravent les conventionscelles qui ne souhaitaient pas la maternité deve- sociales et mènent plus ouvertement qu'avantnaient religieuses,moyen socialement acceptable : une vie différente. ~

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.,Mieux-vivre 411111111

Un non-désir à justifierEn 2010,plus besoin d'entrer en reli-gion quand on ne veut pas d'enfant...mais il faut encore expliquer sonchoix à la famille,aux amis,et mêmeà des étrangers.

Madelyn Cain, auteure américainespécialiste de la condition féminine,a justement écrit Childless Women,A Silent Revolution (Femmes sans en-fants, une révolution silencieuse) pourmettre les points sur les ià tous ceuxqui la questionnaient alors qu'elleapprochait de ses 40 ans. <d'ai étéabasourdie de voir à quel point onattendait de moi que je désire ardem-ment un enfant.J'ai décidé d'écrirece livre pour me libérer et pour do-cumenter cette situation»

C'estaussi le cas d'Émilie Devienne,41 ans,auteure de l'essai Être femmesans être mère. "Lorsque j'ai annoncéque je ne souhaitais pas d'enfant,mes proches ont beaucoup réagi.dit-elle. Les amis, les jeunes mamans, mamère aussi, quoiqu'elle ait été trèscompréhensive. Mais elle se demandeencore qui s'occupera de moi quandje serai vieille! Et j'ai aussi perdu desamoureux parce que je ne voulaispas d'enlants.»

• ••

Madelyn Cain et Émilie Deviennejugent que la société ne reconnaît toutsimplement pas aux femmes le choixde ne pas avoir d'enfant. Famille,amiset collègues leur renvoient l'image depersonnes égoïstes, un brin incon-scientes. "On dirait que jes gens pen-sent qu'elles ne réfléchissent pas sé-rieusement à leur décision! lanceMadelyn Cain. Je pense que, si cettecondition de "femmes sans enfants"était respectée,les femmes pourraientfaire leur choix de façon plus sereine.»

Un point de vue inédit que creuseaussi la psychologue belge IsabelleTilmant dans son livre Épanouie avecou sans enfant,où elle réfléchit en pro-fondeur sur lesdifférents rôles sociauxincarnés par les femmes et sur le sta-tut de mère. <dereprends un témoi-gnage d'une patiente, relate-t-elle: "Sivous n'avezpasd'enfant.vous êtescon-sidérée comme moitié de rien, mais sivous êtescélibataire sansenfant,alorsvous n'êtes plus rien du tour'»

Laccomplissement de soi"La maternité est un élément identi-taire des femmes dès la naissance,explique Louise Desmarais,présidentedu Centre de santé des femmes de

« »<J'aitoujours douté de vouloir être mère et ce, depuis que

je suis petite, confie Marie-Pierre, 28 ans, qui travaille dans lemilieu du tourisme. En grandissant, je ne me voyais pas comme

mère. Entre les enfants, les repas, la maison, je trouvais qu'ilrestait bien peu de temps pour soi-même. À l'adolescence,

j'essayais de me convaincre que j'en voulais, mais, dans le fond,c'était le contraire. Un jour j'ai pris conscience que je n'étais pasobligée d'en avoir, et j'assume enfin cette décision. J'adore les

enfants, ils m'apprécient, mais je n'en veux pas à moi. Je doutaisde moi, car j'avais un conjoint, et je me demandais ce qu'il allait

penser. Il a réalisé lui aussi qu'il ne voulait pas de ce projet,. et j'étais vraiment soulagée»

Marie-Pierre, 28 ans ~

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~ Mie ux-vivr e.w

«On se connaissait depuis30 secondes et elle se permettait

) • . . /f»

«Bien sûr, je me suis posé beaucoup de questions. Je me suismême dit que j'étais peut-être anormale, je me sentais coupable

aussi. Mais cette période est passée, et je me suis écoutée. Lamaternité n'est pas ce que je désire, et je ne ferai pas des enfantspour convenir à une image sociale toute faite des femmes. Je suis

sûre que certaines n'ont pas envie d'avoir des enfants maisqu'elles cèdent à la pression sociale, conjugale ou familiale. Je suisconsciente que j'ai une force de caractère et il en faut pour assumer

le regard des autres ... Je m'en suis rendu compte lorsque je mesuis présentée dans une clinique et qu'une infirmière m'a miseen garde contre le vaccin que je demandais, parce qu'il pouvaitrendre stérile. Je lui ai répondu que c'était ok, que je ne voulais

pas d'enfants. Elle m'a dit: "Oh, tu vas changer d'idée:' J'pi trouvéça intrusif. On se connaissait depuis 30 secondes et elle se

permettait d'entrer dans mon intimité! On respecte le droit desgens de manger végétarien, de croire en n'importe quelle religion,mais quand on en vient à la maternité, on se permet de juger sans

retenue! Je crois que c'est là que j'ai décidé de faire mon filrnl»

Magenta, 3/ ans

Montréal et féministe. Encore aujour-d'hui, les filles construisent leur iden-tité de femme sur un certain nombrede comportements, et on les destinedès leur plus jeune âge à être desmères par le biais des jeux de poupée,du soin aux autres, du discours social(publicité, préjugés, normes sociales),etc. Toutefois, on questionne peu ceque j'appelle la contrainte sociale àla maternitê.»

Selon Louise Desmarais, on croitla pression moins forte parce qu'on"aménage» cette contrainte. "On ac-cepte que les femmes aient seule-ment un enfant et aussi qu'elles aientleurs enfants plus tard, mais fonda-mentalement, on continue de croireque le destin d'une femme n'est com-plet que si elle a des enfants. Mêmede grandes politiciennes, auteures etscientifiques disent que, pour elles,leurs enfants sont ce qu'elles ont réus-si de mieux. C'est envoyer le message

que rien ne vaut le fait d'avoir desenfants. Pourtant, ce n'est pas le caspour toutes les fernrnes.»

Plusieurs patientes d'Isabelle Tilmantdisent d'ailleurs regretter non pas dene pas avoir d'enfants, mais bien plutôtd'en avoir eu ...{de me suis posé la ques-tion de l'accomplissement, témoigneMagenta Baribeau, documentariste de31 ans née à Gatineau. Est-ce qu'onpeut être femme sans être mère? J'aicompris que nombre de femmes quiont fait ce choix se sont accomplieset pleinement épanouies.Je pense à lachancelière Angela Merkel, à Simonede Beauvoir ...Enfin, il y en a plein qui -ont préféré ne pas avoir d'enlant.carla maternité accapare tellement qu'ilreste peu de temps à consacrer à sesambitions ou à ses désirs. C'est correctd'oser le dire et de ne pas avoir hontede ça.» Elle a d'ailleurs décidé de réa-liser un film sur le sujet (qui sortiraen mai,au Québec) tant elle juge la

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pression sociale encore forte sur lesfemmes. «Je pourrais être médecin,j'ai les aptitudes intellectuelles pourexercer ce métier,or je ne le pratiq uepas! C'est la même chose pour la ma-ternité: ce n'est pas parce que j'ai unutérus que je dois absolument conce-voir et avoir un enfant. C'est à moiseule de décider.»

Certaines jugeront peut-être dure-ment ces propos: tant de femmesessaient sans succès de concevoir.De plus, comment imaginer une viesans enfants quand on a tenu le siendanssesbras,le coeur gonflé d'amour?

La superwoman,un modèle dépasséC'est que voilà, toutes les femmesn'entendent pas l'appel de la mater-nité ni le tic-tac de la fameuse horlogebiologique. D'autres l'ont entendu,ontlaissé passer le temps, mais n'ont pasvoulu d'une maternité à tout prix.L'anthropologue Renée D.Dandurand,spécialiste de la famille à l'Institut na-tional de recherche scientifique,citele cas de femmes aujourd'hui dansla quarantaine avancée qui, selonelles,font un choix résigné."Elles sont

nombreuses à avoir fait de longuesétudeset à n'avoir pastrouvé l'hommequi pourrait devenir le partenairedu projet familial. Elles font donc lechoix de vivre dans enfants.»

C'est aussi que le féminisme estpassépar là. Les femmes n'acceptentplus le modèle féminin traditionnel.Si..dans la première vague féministe,elles se sont crues capables de toutmener de front (amour, carrière,famille), celles de la seconde vagueont un peu déchanté. "Nous avonsvu nos mères s'éreinter, raconteMagenta Baribeau, tenir à bout debras la maison, la famille, un job àtemps plein,sans compter le couple,qu'il ne faut pas oublier. ..Ce modèlede la superwoman,je n'en veux pas.»On évolue très, et même trop, len-tement vers le partage des tâches,estime Micheline Dumont. "Plusieursfemmes ne sont pas prêtes à aban-donner leur autonomie pour revenirà d'anciens modèles.»

"Quand on ne désire pas réelle-ment d'enfants, qu'on n'est pas ensituation d'en avoir, ou quand toutesles conditions sont réunies pourrendre la chose malheureuse, alorsoui, la femme qui n'a pas d'enfant

« »

"Pour moi, avoir un enfant est un don de soi, un sacrifice. Cestabandonner sa vie pour s'occuper d'une autre. Et je ne suis pas

prête à faire ce choix. Plusieurs amis m'ont aussi confié quel'arrivée de leur enfant a nui à leur vie de couple. Je ne suis pas

prête à ça non plus. À quoi aurais-je renoncé si j'avais eu desenfants? La passion pour ma carrière. Pas que je veuille absolu-

ment grimper des échelons, ce n'est pas ça, mais plutôt le plaisirde travailler. Et pour ça, j'ai besoin de disponibilité. Si j'étais

mère, ce serait impensable. Les obligations familiales me pèsentbeaucoup, j'ai besoin de ma liberté. Souvent, mes amies qui

sont mères me disent que je suis chanceuse d'avoir du tempspour moi. Mais je n'ai pas eu de chance, j'ai fait un choix de vie

en toute conscience. Or, tout le monde peut faire ce choix»Sylvie, 49 ons ~

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-Mieux-vivre 411IIIII«La sociét~n'es!pas rête à assumer

»

«Jeme suis beaucoup occupée de mes frères et soeurs, ma fibrematemelle a déjà pas mal servi! Et puis, je suis écrivaine, j'ai fait lechoix de la création. Si j'étais un homme, j'aurais certainement euune femme à mes côtés qui aurait pris en charge la maison, lesenfants, l'intendance, quoi ... comme tant de mes confrères qui

choisissent 'un métier de création et qui n'ont pas à se soucier desavoir si oui ou non ils pourront élever leurs enfants. Bien sûr, jesuis d'une génération qui a pu choisir, mais je pense.que nous

payons le prix de cette liberté. Car plusieurs femmes de mon âge,également créatrices, auraient voulu avoir des enfants: mais leshommes ne nous ont pas suivies. Je pense que la société n'est

pas encore prête à assumer la liberté des femmes»Lise, 52 ons

prend une décision responsable, es-ime Louise Desmarais. Les enfants

sont trop précieux et vulnérablespour qu'on leur impose nos déci-ions mal évaluées, nos caprices, nos

désirs fugaces. Une maternité à toutprix a des conséquences qui rejaillis-ent souvent sur les enfants.»

Ce qu'a refusé Émilie Devienne.Pour dire la vérité, confie-t-elle, je

trouve la vie dure...Lespeines d'amour,les maladies, les pertes, les deuils: jen'ai pas envie d'infliger ça à un en-fant, c'est une très lourde tâche. Et jesens que le poids de cette responsa-bilité est trop grand pour moi.»

Peut-on regretter de ne pas avoireu d'enfants? «Oui, bien sûr, répondLouise Desmarais.Mais on peut nouerdes liens avec des aînés, d'autres en-fants,d'autres adultes, et développerainsi des relations humaines trèssatisfaisantes. On peut aussi être ma-ternelle sans avoir eu ses propresenfants. Dans la vie,on doit faire plu-sieurs deuils. Et pour beaucoup defemmes, ça aura été de ne pas avoirréussi leur vie professionnelle, leursaspirations créatrices, justement,parce qu'elles auront eu des enfants.»Louise Desmarais réfléchit et confie:

«Personnellement.je me serais sentieprête pour avoir un enfant que toutrécemment: à avoir la maturité, laconnaissance de mal-même néces-saires pour tout ce qu'implique cetteresponsabilité. Mais à 63 ans,il est troptard. Cependant, je n'ai aucun regret.C'est l'histoire de nos vies, prendredes décisions et en assumer lesconsé-quences.Fburquoi cette décision serait-elle plus tragique qu'une autre? Parceque le poids de la maternité, dansnotre conception du rôle social de lafemme,est irnmense.»

POUR ALLER PLUS LOIN

À voir:~ Bébé ou ev?, par Marie-PierreDuval,productionsVirage.~ Maman? Non merci!, par MagentaBaribeau,productions Informaction.À lire:• Épanouie avec ou sans enfant, parIsabelleTilmant, Anne Carrière,2008,425 p, 34,95 $.~Être femme sans être mère, par ÉmilieDevienne,Laffont,2007,198p, 29,95$.• Pasd'enfant, dit-elle.. , par ÉdithVallée,Imago,2005, 176p., 39,95 $ 1

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