DEBOUTCIV N°13 (Page 18)

1
POLITIQUE 18 A ccusé d’avoir massacré les popula- tions par des Ong internationales, pourquoi ADO protège Chérif Ous- mane?. Ce n’est pas du tout politiquement correct... mais le chef de l’Etat n’a pas hésité à se poser en avocat d’un des chefs de guerre les plus con- troversés de l’exrébellion. Qui lui a montré à plusieurs reprises sa fidélité. Y compris contre Guillaume Soro. Explications. Le voyage américain d’Alassane Ouattara s’est terminé. Un voyage au cours duquel il aura beaucoup été question, dans ses entretiens avec les médias – il a parlé lors d’une conférence de presse aux Nations Unies et à l’oc- casion d’interviews avec CNN et l’agence Associated Press –, de la situation désastreuse des droits de l’Homme dans son pays. Une situation soulignée par des rapports récents d’Amnesty International et du Comité pour la protec- tion des journalistes (CPJ). Face à ses interlocuteurs, Ouattara s’est posé en pro- cureur impitoyable en par- lant d’Hermann Aboa, qu’il a «chargé» d’une manière si peu habile que la presse qui le soutient n’a pas voulu mettre en exergue son «réquisitoire». Mais il a aussi montré le visage d’un «avocat défenseur» au service des Dozos qui auraient commis des massacres de masse dans l’Ouest, selon Amnesty International et Human Rights Watch. Des massacres dont Ouattara «affirme ne rien savoir», selon Associated Press. In- terrogé sur les accusations d’Amnesty International selon lesquelles Chérif Ous- mane serait impliqué dans des exécutions extrajudiciaires à Yopougon, Ouattara s’est posé en bouclier de l’ex-Com- zone de Bouaké. «Ça ne peut pas être vrai (...) Chérif Ousmane est l'un de nos meilleurs sol- dats», a-t-il répondu, affirmant que les soldats servant sous les ordres d'Ousmane sont connus pour être particulièrement bien entraînés et re- spectueux. Par la suite, il a ajouté : «Dans tous les cas, si nous découvrons que quelqu'un a commis des atrocités, cette personne sera jugée comme il convient et des sanctions seront prises». Tout en attaquant le rapport de Human Rights Watch, prétendument basé sur le témoignage de «mer- cenaires» – en réalité il provient notamment d’éléments des FRCI pris de remords. «Un soldat des Frci a décrit l’exécution de 29 détenus au début de mai à l’extérieur de l’immeuble Gesco. Le soldat a déclaré que Chérif Ousmane a donné l’ordre d’exécution. D’autres témoins interrogés par Hrw ont déclaré avoir vu Chérif Ousmane dans un véhicule qui s’est débarrassé du corps torturé et exécuté d’un chef de milice notoire à Koweit, à Yopougon vers le 5 mai», indique en effet le rapport. Plus profondément, maintenant que Chérif Ous- mane a été «blanchi» par le chef de l’Etat him- self, quel procureur militaire, quel officier de police judiciaire, quel enquêteur oseront donc lancer des poursuites contre lui, très clairement désigné comme «intouchable» ? La question mérite d’être posée. L’attitude de protection de Ouattara envers Chérif Ousmane pourrait d’ailleurs lui causer ultérieurement quelques problèmes. Si l’envie de«sacrifier » quelques combattants auxquels il tient moins lui prenait, la «jurisprudence» Chérif serait là pour ali- menter la colère des concernés... Pourquoi Ouattara se jette-t-il dans l’arène pour défendre l’image d’un homme aussi controversé que Chérif Ousmane ? Parce que c’est le chef de guerre le plus proche de lui, qui lui a permis de garder une vraie influence au sein des Forces nouvelles après la signature de l’Accord poli- tique de Ouagadougou, qui marquait une forme de rapprochement tactique entre le président Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, qui allait de- venir Premier ministre. C’était une période de profonde méfiance entre le RDR et «son pipi» [sa créature, ndlr], selon l’expression d’Amadou Soumahoro, alors secrétaire général adjoint du parti ouattariste. Soldat charismatique quoique déjà soupçonné d’être impliqué dans le massacre des gen- darmes et de leurs familles à Bouaké en octobre 2002 et de n’avoir pas fait dans la dentelle dans son combat contre Félix Doh et le MPIGO dans l’ouest, Chérif Ousmane devient le «gardien du temple». Chargé de maintenir la rébellion dans «la bonne voie». Illustration de cette alliance, le couple Ouattara – qui tient pourtant au mythe de la «séparation» entre RDR et FN – est, en décembre 2007, le té- moin du mariage entre Chérif Ousmane et Binta Lamizana, petite-fille du deuxième président de ce qu’on appelait alors la Haute-Volta. Alassane et Dominique ont fait ensemble le voyage de Ouagadougou, où se sont déroulées les épou- sailles – à l’Hôtel de Ville d’abord, puis à l’Hôtel Azailai Indépendance par la suite. A leurs côtés Chantal Compaoré, et les ministres Sidiki Konaté et Amadou Koné. Mais pas Guillaume Soro, déjà chef du gouvernement et trop oc- cupé à rassurer Gbagbo. Alors que les Forces nou- velles jouent le jeu de la neutralité, Chérif Ousmane tient à indiquer à tout le monde qu’il demeure un ad- versaire de Laurent Gbagbo. Et le dit à l’occasion d’une interview dans Jeune Afrique en juin 2008. «Laurent Gbagbo traîne trop de casseroles. Il a l'affaire André Kieffer sur les bras, la mort de Jean Hélène, le bombardement du lycée français, le charnier de Yopougon, etc. C'est Charles Taylor ! Il n'est certainement pas prêt à lâcher le pouvoir et à prendre le risque de re- devenir un citoyen comme un autre. Or je suis conva- incu que, même s'il l'em- porte au premier tour, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié uniront leurs voix pour que ce soit l'un d'eux qui gagne le second tour.Et si les appareils mili- tants n'en décident pas ainsi, les militants le feront pour eux. Moi, jusqu'ici, je n'ai jamais voté : cette fois, j'irai. J'irai voter pour le changement. Et d'ici là, je marche pas à pas vers la paix». De quoi rassurer le «bravetchê» qui doute. Quand le camp Soro veut faire des gestes en matière de désarmement, il sait que Chérif est là, bien en place, solidement implanté dans le coeur de la base, et qu’il peut «récupérer» le mouvement pour le compte du «mentor». Les proches du Premier ministre s’en ouvrent d’ailleurs à des diplomates ouestafricains, les implorant de demander à Ouattara de «parler» à Chérif... Alors que la méfiance est de nouveau de mise avec Guillaume Soro, Ouattara est sans doute plus que jamais soucieux de maintenir un rap- port privilégié avec Chérif Ousmane, dont les hommes contrôlent le Plateau et font partie du dispositif de sécurité déployé au Palais prési- dentiel, même s’ils ne sont pas en première ligne. Sait-on jamais ? Une «explication armée» entre les deux têtes de l’exécutif est toujours envisageable. ▉Source : cameroonvoice Pourquoi ouattara Protège Chérif ousmane ? CHERIF OUSMANE Le tueur que Alassane Ouattara protège

description

ccusé d’avoir massacré les popula- tions par des Ong internationales, pourquoi ADO protège Chérif Ous- mane?. la «jurisprudence» Chérif serait là pour ali- menter la colère des concernés... ▉Source : cameroonvoice «la bonne voie». effet le rapport.

Transcript of DEBOUTCIV N°13 (Page 18)

Page 1: DEBOUTCIV N°13 (Page 18)

POLITIQUE 18

Accusé d’avoir massacré les popula-tions par des Ong internationales,pourquoi ADO protège Chérif Ous-mane?.

Ce n’est pas du tout politiquement correct...mais le chef de l’Etat n’a pas hésité à se poseren avocat d’un des chefs de guerre les plus con-troversés de l’exrébellion. Qui lui a montré àplusieurs reprises sa fidélité. Y compris contreGuillaume Soro. Explications.Le voyage américain d’Alassane Ouattara s’estterminé. Un voyage au cours duquel il aurabeaucoup été question,dans ses entretiens avecles médias – il a parlé lorsd’une conférence de presseaux Nations Unies et à l’oc-casion d’interviews avecCNN et l’agence AssociatedPress –, de la situationdésastreuse des droits del’Homme dans son pays.Une situation soulignée pardes rapports récentsd’Amnesty International etdu Comité pour la protec-tion des journalistes (CPJ).Face à ses interlocuteurs,Ouattara s’est posé en pro-cureur impitoyable en par-lant d’Hermann Aboa, qu’ila «chargé» d’une manièresi peu habile que la pressequi le soutient n’a pasvoulu mettre en exergueson «réquisitoire».

Mais il a aussi montré levisage d’un «avocatdéfenseur» au service desDozos qui auraient commisdes massacres de massedans l’Ouest, selonAmnesty International etHuman Rights Watch. Desmassacres dont Ouattara«affirme ne rien savoir»,selon Associated Press. In-terrogé sur les accusationsd’Amnesty Internationalselon lesquelles Chérif Ous-mane serait impliqué dansdes exécutions extrajudiciaires à Yopougon,Ouattara s’est posé en bouclier de l’ex-Com-zone de Bouaké. «Ça ne peut pas être vrai (...)Chérif Ousmane est l'un de nos meilleurs sol-dats», a-t-il répondu, affirmant que les soldatsservant sous les ordres d'Ousmane sont connuspour être particulièrement bien entraînés et re-spectueux.

Par la suite, il a ajouté : «Dans tous les cas, sinous découvrons que quelqu'un a commis desatrocités, cette personne sera jugée comme ilconvient et des sanctions seront prises». Touten attaquant le rapport de Human Rights Watch,prétendument basé sur le témoignage de «mer-cenaires» – en réalité il provient notammentd’éléments des FRCI pris de remords. «Un soldatdes Frci a décrit l’exécution de 29 détenus audébut de mai à l’extérieur de l’immeuble Gesco.Le soldat a déclaré que Chérif Ousmane a donnél’ordre d’exécution. D’autres témoins interrogéspar Hrw ont déclaré avoir vu Chérif Ousmanedans un véhicule qui s’est débarrassé du corpstorturé et exécuté d’un chef de milice notoire àKoweit, à Yopougon vers le 5 mai», indique en

effet le rapport.

Plus profondément, maintenant que Chérif Ous-mane a été «blanchi» par le chef de l’Etat him-self, quel procureur militaire, quel officier depolice judiciaire, quel enquêteur oseront donclancer des poursuites contre lui, très clairementdésigné comme «intouchable» ? La questionmérite d’être posée. L’attitude de protection deOuattara envers Chérif Ousmane pourraitd’ailleurs lui causer ultérieurement quelquesproblèmes. Si l’envie de«sacrifier » quelquescombattants auxquels il tient moins lui prenait,

la «jurisprudence» Chérif serait là pour ali-menter la colère des concernés...

Pourquoi Ouattara se jette-t-il dans l’arène pourdéfendre l’image d’un homme aussi controverséque Chérif Ousmane ? Parce que c’est le chef deguerre le plus proche de lui, qui lui a permis degarder une vraie influence au sein des Forcesnouvelles après la signature de l’Accord poli-tique de Ouagadougou, qui marquait une formede rapprochement tactique entre le présidentLaurent Gbagbo et Guillaume Soro, qui allait de-venir Premier ministre. C’était une période deprofonde méfiance entre le RDR et «son pipi»[sa créature, ndlr], selon l’expression d’AmadouSoumahoro, alors secrétaire général adjoint duparti ouattariste.

Soldat charismatique quoique déjà soupçonnéd’être impliqué dans le massacre des gen-darmes et de leurs familles à Bouaké en octobre2002 et de n’avoir pas fait dans la dentelle dansson combat contre Félix Doh et le MPIGO dansl’ouest, Chérif Ousmane devient le «gardien dutemple». Chargé de maintenir la rébellion dans

«la bonne voie».

Illustration de cette alliance, le couple Ouattara– qui tient pourtant au mythe de la «séparation»entre RDR et FN – est, en décembre 2007, le té-moin du mariage entre Chérif Ousmane et BintaLamizana, petite-fille du deuxième président dece qu’on appelait alors la Haute-Volta. Alassaneet Dominique ont fait ensemble le voyage deOuagadougou, où se sont déroulées les épou-sailles – à l’Hôtel de Ville d’abord, puis à l’HôtelAzailai Indépendance par la suite. A leurs côtésChantal Compaoré, et les ministres Sidiki Konaté

et Amadou Koné. Mais pasGuillaume Soro, déjà chefdu gouvernement et trop oc-cupé à rassurer Gbagbo.

Alors que les Forces nou-velles jouent le jeu de laneutralité, Chérif Ousmanetient à indiquer à tout lemonde qu’il demeure un ad-versaire de Laurent Gbagbo.Et le dit à l’occasion d’uneinterview dans Jeune Afriqueen juin 2008. «LaurentGbagbo traîne trop decasseroles. Il a l'affaireAndré Kieffer sur les bras, lamort de Jean Hélène, lebombardement du lycéefrançais, le charnier deYopougon, etc. C'est CharlesTaylor ! Il n'est certainementpas prêt à lâcher le pouvoiret à prendre le risque de re-devenir un citoyen commeun autre. Or je suis conva-incu que, même s'il l'em-porte au premier tour,Alassane Ouattara et HenriKonan Bédié uniront leursvoix pour que ce soit l'und'eux qui gagne le secondtour.Et si les appareils mili-tants n'en décident pasainsi, les militants le ferontpour eux. Moi, jusqu'ici, jen'ai jamais voté : cette fois,j'irai. J'irai voter pour lechangement. Et d'ici là, jemarche pas à pas vers lapaix».

De quoi rassurer le «bravetchê» qui doute.Quand le camp Soro veut faire des gestes enmatière de désarmement, il sait que Chérif estlà, bien en place, solidement implanté dans lecoeur de la base, et qu’il peut «récupérer» lemouvement pour le compte du «mentor». Lesproches du Premier ministre s’en ouvrentd’ailleurs à des diplomates ouestafricains, lesimplorant de demander à Ouattara de «parler»à Chérif...

Alors que la méfiance est de nouveau de miseavec Guillaume Soro, Ouattara est sans douteplus que jamais soucieux de maintenir un rap-port privilégié avec Chérif Ousmane, dont leshommes contrôlent le Plateau et font partie dudispositif de sécurité déployé au Palais prési-dentiel, même s’ils ne sont pas en premièreligne. Sait-on jamais ? Une «explication armée»entre les deux têtes de l’exécutif est toujoursenvisageable.

▉Source : cameroonvoice

Pourquoi ouattara

Protège Chérif ousmane ?

CHERIF OUSMANELe tueur queAlassane Ouattara protège