Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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Décision n° 2021 – 818 DC Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion Liste des contributions extérieures Services du Conseil constitutionnel - 2021 Plusieurs auteurs peuvent rédiger une contribution commune Contributions Date de réception Auteur(s) 03/05/2021 Mme le Professeur Wanda MASTOR 04/05/2021 M. Raphaël SCHELLENBERGER, Député du Haut-Rhin, Mme Anne-Laure BLIN, Députée de Maine-et-Loire, M. Jean-Luc BOURGEAUX, Député d’Ille-et-Vilaine, Mme Marine BRENIER, Députée des Alpes-Maritimes, MM. Fabrice BRUN, Député de l’Ardèche, Jacques CATTIN, Député du Haut-Rhin, Claude DE GANAY, Député du Loiret, Éric DIARD, Député des Bouches-du-Rhône, Julien DIVE, Député de l’Aisne, Yves HEMEDINGER, Député du Haut-Rhin, Patrick HETZEL, Député du Bas-Rhin, Mansour KAMARDINE, Député de Mayotte, Marc LE FUR, Député des Côtes-d’Armor, David LORION, Député de la Réunion, Emmanuel MAQUET, Député de la Somme, Philippe MEYER, Député du Bas-Rhin, Jean-François PARIGI, Député de Seine-et-Marne, Julien RAVIER, Député des Bouches-du-Rhône, Jean-Luc REITZER, Député du Haut-Rhin, Vincent ROLLAND, Député de la Savoie, Frédéric REISS, Député du Bas-Rhin, Guy TEISSIER, Député des Bouches-du-Rhône et Mme Laurence TRASTOUR-ISNART, Députée des Alpes-Maritimes. 05/05/2021 Association ESKOKIL 12/05/2021 M. Bertrand PANCHER, président du groupe Libertés et Territoires à l’Assemblée nationale

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Deacutecision ndeg 2021 ndash 818 DC

Loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Liste des contributions exteacuterieures

Services du Conseil constitutionnel - 2021

Plusieurs auteurs peuvent reacutediger une contribution commune

Contributions

Date de reacuteception

Auteur(s)

03052021 Mme le Professeur Wanda MASTOR

04052021 M Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin Mme Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire M Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine Mme Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes MM Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne et Mme Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

05052021 Association ESKOKIL

12052021 M Bertrand PANCHER preacutesident du groupe Liberteacutes et Territoires agrave lrsquoAssembleacutee nationale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Wanda Mastor

Agreacutegeacutee de droit public

Professeur agrave lrsquouniversiteacute Toulouse Capitole

Contribution exteacuterieure agrave lrsquoappui de la conformiteacute agrave la Constitution

de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et agrave leur promotion

Longtemps consideacutereacutees comme strictement inconciliables avec le prin-

cipe de lrsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique les langues reacutegionales nrsquoappartenaient

qursquoau monde de la reacutesistance de quelques deacutefenseurs estimeacutes ou meacutepriseacutes1

Elles appartiennent depuis quelques anneacutees au monde du droit y compris du

droit constitutionnel mecircme si ce lien continue de nourrir drsquoimmenses malen-

tendus Car la reconnaissance la protection et la promotion des langues reacute-

gionales nrsquoentravent en rien le principe de lrsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Surtout en des peacuteriodes troubleacutees telles que nous avons deacutesormais pris lrsquoha-

bitude de vivre lrsquoarticle premier de la Constitution doit ecirctre sans cesse rap-

peleacute le serment drsquoune Reacutepublique laiumlque qui offre la mecircme eacuteducation pu-

blique agrave toutes et tous qui ne connaicirct qursquoun seul peuple et une seule langue

officielle Si notre Constitution reconnaicirct les laquo populations drsquooutre-mer raquo elle

rejette lrsquoacception des peuples au pluriel sous peine de diluer les valeurs de

la Nation franccedilaise Assureacutement les questions de seacuteparatisme de commu-

nautarisation du repli identitaire mettent agrave mal la laquo coheacutesion nationale raquo2

1 Voir Amane Gogorza et Wanda Mastor (sous la direction de) Les langues reacutegionales et la construction de lrsquoEacutetat LGDJ collection Grands colloques 2019 318 p 2 Conseil drsquoEacutetat ordonnance ndeg374508 du 9 janvier 2014 Ministre de lrsquointeacuterieur c Socieacuteteacute Les Productions de la Plume et M Dieudonneacute MrsquoBala MrsquoBala

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Mais lrsquoamalgame ne saurait ecirctre fait avec lrsquoadmission de certains particula-

rismes locaux qui font tout au contraire la richesse reacutepublicaine Laquelle

nrsquoest agrave aucun moment en contradiction avec le principe de lrsquoindivisibiliteacute de

la Reacutepublique comme le droit constitutionnel compareacute (constitutions et juris-

prudences des cours constitutionnelles) en apporte la preuve irreacutefutable

Les arguments qui consistent agrave rappeler -marteler- sans cesse que lrsquoarticle 75-

1 de la Constitution nrsquoa pas de porteacutee normative depuis la deacutecision ndeg 2011-

130 QPC du 20 mai 2011 du Conseil constitutionnel3 renvoient certaines dis-

positions de notre texte fondamental agrave une fonction deacuteclarative pour ne pas

dire deacutecorative Le fait que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne constitue pas

dans le cadre drsquoune proceacutedure de QPC un droit ou une liberteacute que la Consti-

tution garantit ne le vide pas pour autant de tout contenu Pour le dire au-

trement si ledit article ne peut ecirctre invoqueacute agrave lrsquoappui drsquoune QPC cette inter-

preacutetation contentieuse ne saurait le renvoyer au monde des principes pure-

ment deacuteclaratoires qui nrsquoont ce dit en passant pas leur place dans la norme

la plus eacuteleveacutee qui soit (sauf agrave offrir une nouvelle deacutefinition de la norme ce qui

srsquoavegravere compliqueacute)

Non invocable agrave lrsquoappui drsquoune QPC la disposition selon laquelle laquo les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo nrsquoen est pas moins une

adresse au leacutegislateur Crsquoest agrave cette adresse qui appelle et leacutegitime un deacuteve-

loppement leacutegislatif de la protection et la promotion des langues reacutegionales

que reacutepond la proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac

Il faut mecircme aller plus loin sur la voie de lrsquointerpreacutetation de lrsquoarticle 75-1 Non

seulement la loi deacutefeacutereacutee lui donne une reacutealiteacute mais encore creacutee-t-elle les con-

ditions mateacuterielles de son existence La loi dite laquo Molac raquo est conforme agrave la

3 Deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 Mme Ceacutecile L et autres [Langues reacutegionales] laquo

Consideacuterant quaux termes de larticle 75-1 de la Constitution Les langues reacutegionales ap-

partiennent au patrimoine de la France que cet article ninstitue pas un droit ou une liberteacute

que la Constitution garantit que sa meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui

dune question prioritaire de constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Cons-titution (hellip) raquo (consideacuterant 3)

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Constitution et comble une lacune Ce nrsquoest pas son existence qui pose pro-

blegraveme mais bien son absence drsquoexistence Il appartient au leacutegislateur de mettre

en œuvre les dispositions de la Constitution afin qursquoelles ne se cantonnent

pas au monde du virtuel La loi sur les langues reacutegionales est lrsquoune des garan-

ties leacutegales de la Constitution

Tout texte transmis au controcircle du Conseil constitutionnel vigile du droit

jouit de la preacutesomption de constitutionnaliteacute Votre jurisprudence teacutemoigne

qursquoau nom de la primauteacute de la Constitution votre rocircle est de sauver la loi en

lrsquoeacutepurant de ses vices drsquoinconstitutionnaliteacute Si la deacutemocratie repreacutesentative

accepte la leacutegitimiteacute drsquoune censure drsquoun texte adopteacute par 925 repreacutesentants

de la Nation par neuf membres nommeacutes crsquoest au nom de ladite primauteacute de

la Constitution Laquelle nrsquoest pas violeacutee par la preacutesente loi soumise agrave votre

examen Il faut au preacutealable rappeler le contexte de lrsquoadoption de la loi qui ne

saurait se limiter au contexte parlementaire Lrsquoobjectif de la loi est de reacutepondre

agrave une adresse faite par le pouvoir constituant lui-mecircme conformeacutement agrave un

esprit plus geacuteneacuteral de protection et promotion des langues reacutegionales qui ir-

rigue conventions internationales et constitutions eacutetrangegraveres (I) Non seule-

ment la loi du 8 avril 2021 ne viole pas la Constitution mais encore met-elle

en œuvre certaines de ses dispositions (II)

I Le contexte de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues

reacutegionales et agrave leur promotion

Dans lrsquoobjectif sans doute drsquoassurer un climat plus serein qui doit preacutesider

agrave lrsquoinstruction et la deacutelibeacuteration la lettre de saisine des soixante deacuteputeacutes nrsquoest

jamais publieacutee par le Conseil constitutionnel en amont de la publication de la

deacutecision Ce nrsquoest ni le moment ni le lieu pour plaider pour ladite publication

mais force est de constater qursquoil nrsquoest pas tregraves sain que dans une deacutemocratie

les eacuteleacutements censeacutes ecirctre secrets laquo fuitent raquo dans la presse dans les couloirs et

autres ceacutenacles reacuteserveacutes agrave une infime partie des citoyens Deacuteposeacutee agrave la hacircte

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la lettre de saisine semble reacutedigeacutee de faccedilon deacuteconcertante La deacutefaillance for-

melle nrsquoenlegraveve pas dans lrsquoabsolu de la force aux arguments mais prouve en

lrsquoespegravece lrsquoextrecircme preacutecipitation dans laquelle les choses se sont deacuterouleacutees

Il est neacutecessaire avant de deacutevelopper les arguments au soutien de la confor-

miteacute agrave la Constitution de la loi et notamment de son article 6 de rappeler le

contexte de son adoption La proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac ayant

par ailleurs les faveurs de lrsquoopinion publique et le soutien de treize preacutesidents

de reacutegions4 srsquoinscrit dans un mouvement Celui de la deacutefense et la promotion

des langues reacutegionales lesquelles appartiennent depuis la reacutevision constitu-

tionnelle du 23 juillet 2008 au laquo patrimoine de la France raquo Ce mouvement

favorable agrave la protection et promotion des langues reacutegionales nrsquoest pas uni-

quement parlementaire il est aussi celui drsquoun ensemble plus vaste Celui de

notre propre Constitution (A) des engagements internationaux et de la grande

majoriteacute des constitutions des pays voisins (B) Ensemble qui permet de mieux

saisir le contexte parlementaire franccedilais de lrsquoadoption de la loi (C)

A Le contexte constitutionnel franccedilais

Lrsquoabsence de protection et de valorisation des langues reacutegionales est une

entrave au rayonnement de la France qui loin de srsquoeacutepuiser dans son caractegravere

indivisible que la loi deacutefeacutereacutee ne remet absolument pas en cause srsquoenrichit de

ses composantes Indivisibiliteacute ne signifie pas uniformiteacute Le constituant a lui-

mecircme choisi en 2003 de preacuteciser degraves lrsquoouverture de notre texte suprecircme que

lrsquoorganisation de notre Reacutepublique eacutetait laquo deacutecentraliseacutee raquo Il faut accepter tous

les contours conseacutequences de cette affirmation solennelle qui ne peut avoir

4 Communiqueacute de presse du 16 mars 2021 laquo Notre responsabiliteacute en tant que preacutesidents de

Reacutegion et de Collectiviteacute est de pouvoir garantir et promouvoir la vitaliteacute culturelle et patri-

moniale de nos territoires Cette proposition va dans le bon sens afin que vivent nos langues

que lrsquoUNESCO classe pour une grande majoriteacute drsquoentre elles en grand danger drsquoextinction

Crsquoest en ce sens que la reacutedaction de la proposition de loi dite Molac tel qursquoissue des travaux du Seacutenat va dans le bon sens et que nous appelons de nos vœux une adoption conforme par

les deacuteputeacutes de tous les bancs afin que ce texte puisse entrer en vigueur raquo httpsregions-

franceorgactualitesactualites-nationalesproposition-de-loi-langues-regio-

nalesE280AF-texte-tres-attendu

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que des applications laquo particuliegraveres raquo sur certaines parties de notre territoire

Les modifications successives de la Constitution ont progressivement em-

prunteacute la voie de la reconnaissance de ces implications toujours plus de dis-

positions deacuterogatoires de reconnaissances mecircme symboliques laquo drsquointeacuterecircts

particuliers raquo drsquolaquo adaptations neacutecessaires raquo pour ne citer qursquoelles jusqursquoagrave la

diffeacuterenciation des normes toujours inscrite dans lrsquoactuel projet de loi consti-

tutionnelle5 Si lrsquoon observe les discussions actuelles relatives au projet de loi

laquo 4D raquo ou la validation par le Conseil constitutionnel en avril dernier de la loi

organique relative agrave la simplification des expeacuterimentations susceptibles decirctre

meneacutees par les collectiviteacutes territoriales6 la voie de la reconnaissance du par-

ticularisme des territoires semble srsquoannoncer

En 2003 la Constitution a deacutecideacute une fois pour toutes que lrsquouniteacute nrsquoeacutetait pas

neacutecessairement lrsquouniformiteacute Parmi les richesses territoriales qui loin drsquoeacutegra-

tigner lrsquoimage drsquoun Eacutetat unitaire la renforce par sa capaciteacute agrave promouvoir la

diversiteacute au sein drsquoune Nation forte les langues reacutegionales occupent une place

particuliegravere Leur entreacutee remarqueacutee dans lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en

2008 nrsquoa eu pour le moment que des effets symboliques sur lesquels il y aura

lieu de revenir plus loin Sous la preacutesidence de Franccedilois Hollande le Parle-

ment fort de la volonteacute drsquoappliquer la 56egraveme promesse de campagne du candi-

dat devenu preacutesident a remis la question des langues reacutegionales sur le devant

de la scegravene institutionnelle Le rapport drsquoinformation ndeg489 de lrsquoAssembleacutee

nationale sur les implications de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales

et minoritaires7 est essentiellement descriptif mais teacutemoigne de la volonteacute

parlementaire de se saisir de nouveau de la question De leurs cocircteacutes les tri-

bunaux ordinaires ont eacutegalement eu lrsquooccasion ces derniegraveres anneacutees de se

pencher sur la question du bilinguisme notamment que ce soit en matiegravere

5 Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie deacutemocratique enregistreacute agrave la Preacutesi-

dence de lrsquoAssembleacutee nationale le 29 aoucirct 2019 6 Deacutecision ndeg2021-816 DC du 15 avril 2021 Loi organique relative agrave la simplification des ex-peacuterimentations mises en œuvre sur le fondement du quatriegraveme alineacutea de larticle 72 de la Cons-

titution 7 M Jean-Jacques Urvoas Rapport drsquoinformation ndeg 489 du 12 deacutecembre 2012 sur les impli-

cations constitutionnelles drsquoune ratification par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

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de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

22

autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

23

Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

24

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

32

Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

3

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

4

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 2: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Wanda Mastor

Agreacutegeacutee de droit public

Professeur agrave lrsquouniversiteacute Toulouse Capitole

Contribution exteacuterieure agrave lrsquoappui de la conformiteacute agrave la Constitution

de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et agrave leur promotion

Longtemps consideacutereacutees comme strictement inconciliables avec le prin-

cipe de lrsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique les langues reacutegionales nrsquoappartenaient

qursquoau monde de la reacutesistance de quelques deacutefenseurs estimeacutes ou meacutepriseacutes1

Elles appartiennent depuis quelques anneacutees au monde du droit y compris du

droit constitutionnel mecircme si ce lien continue de nourrir drsquoimmenses malen-

tendus Car la reconnaissance la protection et la promotion des langues reacute-

gionales nrsquoentravent en rien le principe de lrsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Surtout en des peacuteriodes troubleacutees telles que nous avons deacutesormais pris lrsquoha-

bitude de vivre lrsquoarticle premier de la Constitution doit ecirctre sans cesse rap-

peleacute le serment drsquoune Reacutepublique laiumlque qui offre la mecircme eacuteducation pu-

blique agrave toutes et tous qui ne connaicirct qursquoun seul peuple et une seule langue

officielle Si notre Constitution reconnaicirct les laquo populations drsquooutre-mer raquo elle

rejette lrsquoacception des peuples au pluriel sous peine de diluer les valeurs de

la Nation franccedilaise Assureacutement les questions de seacuteparatisme de commu-

nautarisation du repli identitaire mettent agrave mal la laquo coheacutesion nationale raquo2

1 Voir Amane Gogorza et Wanda Mastor (sous la direction de) Les langues reacutegionales et la construction de lrsquoEacutetat LGDJ collection Grands colloques 2019 318 p 2 Conseil drsquoEacutetat ordonnance ndeg374508 du 9 janvier 2014 Ministre de lrsquointeacuterieur c Socieacuteteacute Les Productions de la Plume et M Dieudonneacute MrsquoBala MrsquoBala

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Mais lrsquoamalgame ne saurait ecirctre fait avec lrsquoadmission de certains particula-

rismes locaux qui font tout au contraire la richesse reacutepublicaine Laquelle

nrsquoest agrave aucun moment en contradiction avec le principe de lrsquoindivisibiliteacute de

la Reacutepublique comme le droit constitutionnel compareacute (constitutions et juris-

prudences des cours constitutionnelles) en apporte la preuve irreacutefutable

Les arguments qui consistent agrave rappeler -marteler- sans cesse que lrsquoarticle 75-

1 de la Constitution nrsquoa pas de porteacutee normative depuis la deacutecision ndeg 2011-

130 QPC du 20 mai 2011 du Conseil constitutionnel3 renvoient certaines dis-

positions de notre texte fondamental agrave une fonction deacuteclarative pour ne pas

dire deacutecorative Le fait que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne constitue pas

dans le cadre drsquoune proceacutedure de QPC un droit ou une liberteacute que la Consti-

tution garantit ne le vide pas pour autant de tout contenu Pour le dire au-

trement si ledit article ne peut ecirctre invoqueacute agrave lrsquoappui drsquoune QPC cette inter-

preacutetation contentieuse ne saurait le renvoyer au monde des principes pure-

ment deacuteclaratoires qui nrsquoont ce dit en passant pas leur place dans la norme

la plus eacuteleveacutee qui soit (sauf agrave offrir une nouvelle deacutefinition de la norme ce qui

srsquoavegravere compliqueacute)

Non invocable agrave lrsquoappui drsquoune QPC la disposition selon laquelle laquo les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo nrsquoen est pas moins une

adresse au leacutegislateur Crsquoest agrave cette adresse qui appelle et leacutegitime un deacuteve-

loppement leacutegislatif de la protection et la promotion des langues reacutegionales

que reacutepond la proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac

Il faut mecircme aller plus loin sur la voie de lrsquointerpreacutetation de lrsquoarticle 75-1 Non

seulement la loi deacutefeacutereacutee lui donne une reacutealiteacute mais encore creacutee-t-elle les con-

ditions mateacuterielles de son existence La loi dite laquo Molac raquo est conforme agrave la

3 Deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 Mme Ceacutecile L et autres [Langues reacutegionales] laquo

Consideacuterant quaux termes de larticle 75-1 de la Constitution Les langues reacutegionales ap-

partiennent au patrimoine de la France que cet article ninstitue pas un droit ou une liberteacute

que la Constitution garantit que sa meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui

dune question prioritaire de constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Cons-titution (hellip) raquo (consideacuterant 3)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Constitution et comble une lacune Ce nrsquoest pas son existence qui pose pro-

blegraveme mais bien son absence drsquoexistence Il appartient au leacutegislateur de mettre

en œuvre les dispositions de la Constitution afin qursquoelles ne se cantonnent

pas au monde du virtuel La loi sur les langues reacutegionales est lrsquoune des garan-

ties leacutegales de la Constitution

Tout texte transmis au controcircle du Conseil constitutionnel vigile du droit

jouit de la preacutesomption de constitutionnaliteacute Votre jurisprudence teacutemoigne

qursquoau nom de la primauteacute de la Constitution votre rocircle est de sauver la loi en

lrsquoeacutepurant de ses vices drsquoinconstitutionnaliteacute Si la deacutemocratie repreacutesentative

accepte la leacutegitimiteacute drsquoune censure drsquoun texte adopteacute par 925 repreacutesentants

de la Nation par neuf membres nommeacutes crsquoest au nom de ladite primauteacute de

la Constitution Laquelle nrsquoest pas violeacutee par la preacutesente loi soumise agrave votre

examen Il faut au preacutealable rappeler le contexte de lrsquoadoption de la loi qui ne

saurait se limiter au contexte parlementaire Lrsquoobjectif de la loi est de reacutepondre

agrave une adresse faite par le pouvoir constituant lui-mecircme conformeacutement agrave un

esprit plus geacuteneacuteral de protection et promotion des langues reacutegionales qui ir-

rigue conventions internationales et constitutions eacutetrangegraveres (I) Non seule-

ment la loi du 8 avril 2021 ne viole pas la Constitution mais encore met-elle

en œuvre certaines de ses dispositions (II)

I Le contexte de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues

reacutegionales et agrave leur promotion

Dans lrsquoobjectif sans doute drsquoassurer un climat plus serein qui doit preacutesider

agrave lrsquoinstruction et la deacutelibeacuteration la lettre de saisine des soixante deacuteputeacutes nrsquoest

jamais publieacutee par le Conseil constitutionnel en amont de la publication de la

deacutecision Ce nrsquoest ni le moment ni le lieu pour plaider pour ladite publication

mais force est de constater qursquoil nrsquoest pas tregraves sain que dans une deacutemocratie

les eacuteleacutements censeacutes ecirctre secrets laquo fuitent raquo dans la presse dans les couloirs et

autres ceacutenacles reacuteserveacutes agrave une infime partie des citoyens Deacuteposeacutee agrave la hacircte

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la lettre de saisine semble reacutedigeacutee de faccedilon deacuteconcertante La deacutefaillance for-

melle nrsquoenlegraveve pas dans lrsquoabsolu de la force aux arguments mais prouve en

lrsquoespegravece lrsquoextrecircme preacutecipitation dans laquelle les choses se sont deacuterouleacutees

Il est neacutecessaire avant de deacutevelopper les arguments au soutien de la confor-

miteacute agrave la Constitution de la loi et notamment de son article 6 de rappeler le

contexte de son adoption La proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac ayant

par ailleurs les faveurs de lrsquoopinion publique et le soutien de treize preacutesidents

de reacutegions4 srsquoinscrit dans un mouvement Celui de la deacutefense et la promotion

des langues reacutegionales lesquelles appartiennent depuis la reacutevision constitu-

tionnelle du 23 juillet 2008 au laquo patrimoine de la France raquo Ce mouvement

favorable agrave la protection et promotion des langues reacutegionales nrsquoest pas uni-

quement parlementaire il est aussi celui drsquoun ensemble plus vaste Celui de

notre propre Constitution (A) des engagements internationaux et de la grande

majoriteacute des constitutions des pays voisins (B) Ensemble qui permet de mieux

saisir le contexte parlementaire franccedilais de lrsquoadoption de la loi (C)

A Le contexte constitutionnel franccedilais

Lrsquoabsence de protection et de valorisation des langues reacutegionales est une

entrave au rayonnement de la France qui loin de srsquoeacutepuiser dans son caractegravere

indivisible que la loi deacutefeacutereacutee ne remet absolument pas en cause srsquoenrichit de

ses composantes Indivisibiliteacute ne signifie pas uniformiteacute Le constituant a lui-

mecircme choisi en 2003 de preacuteciser degraves lrsquoouverture de notre texte suprecircme que

lrsquoorganisation de notre Reacutepublique eacutetait laquo deacutecentraliseacutee raquo Il faut accepter tous

les contours conseacutequences de cette affirmation solennelle qui ne peut avoir

4 Communiqueacute de presse du 16 mars 2021 laquo Notre responsabiliteacute en tant que preacutesidents de

Reacutegion et de Collectiviteacute est de pouvoir garantir et promouvoir la vitaliteacute culturelle et patri-

moniale de nos territoires Cette proposition va dans le bon sens afin que vivent nos langues

que lrsquoUNESCO classe pour une grande majoriteacute drsquoentre elles en grand danger drsquoextinction

Crsquoest en ce sens que la reacutedaction de la proposition de loi dite Molac tel qursquoissue des travaux du Seacutenat va dans le bon sens et que nous appelons de nos vœux une adoption conforme par

les deacuteputeacutes de tous les bancs afin que ce texte puisse entrer en vigueur raquo httpsregions-

franceorgactualitesactualites-nationalesproposition-de-loi-langues-regio-

nalesE280AF-texte-tres-attendu

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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que des applications laquo particuliegraveres raquo sur certaines parties de notre territoire

Les modifications successives de la Constitution ont progressivement em-

prunteacute la voie de la reconnaissance de ces implications toujours plus de dis-

positions deacuterogatoires de reconnaissances mecircme symboliques laquo drsquointeacuterecircts

particuliers raquo drsquolaquo adaptations neacutecessaires raquo pour ne citer qursquoelles jusqursquoagrave la

diffeacuterenciation des normes toujours inscrite dans lrsquoactuel projet de loi consti-

tutionnelle5 Si lrsquoon observe les discussions actuelles relatives au projet de loi

laquo 4D raquo ou la validation par le Conseil constitutionnel en avril dernier de la loi

organique relative agrave la simplification des expeacuterimentations susceptibles decirctre

meneacutees par les collectiviteacutes territoriales6 la voie de la reconnaissance du par-

ticularisme des territoires semble srsquoannoncer

En 2003 la Constitution a deacutecideacute une fois pour toutes que lrsquouniteacute nrsquoeacutetait pas

neacutecessairement lrsquouniformiteacute Parmi les richesses territoriales qui loin drsquoeacutegra-

tigner lrsquoimage drsquoun Eacutetat unitaire la renforce par sa capaciteacute agrave promouvoir la

diversiteacute au sein drsquoune Nation forte les langues reacutegionales occupent une place

particuliegravere Leur entreacutee remarqueacutee dans lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en

2008 nrsquoa eu pour le moment que des effets symboliques sur lesquels il y aura

lieu de revenir plus loin Sous la preacutesidence de Franccedilois Hollande le Parle-

ment fort de la volonteacute drsquoappliquer la 56egraveme promesse de campagne du candi-

dat devenu preacutesident a remis la question des langues reacutegionales sur le devant

de la scegravene institutionnelle Le rapport drsquoinformation ndeg489 de lrsquoAssembleacutee

nationale sur les implications de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales

et minoritaires7 est essentiellement descriptif mais teacutemoigne de la volonteacute

parlementaire de se saisir de nouveau de la question De leurs cocircteacutes les tri-

bunaux ordinaires ont eacutegalement eu lrsquooccasion ces derniegraveres anneacutees de se

pencher sur la question du bilinguisme notamment que ce soit en matiegravere

5 Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie deacutemocratique enregistreacute agrave la Preacutesi-

dence de lrsquoAssembleacutee nationale le 29 aoucirct 2019 6 Deacutecision ndeg2021-816 DC du 15 avril 2021 Loi organique relative agrave la simplification des ex-peacuterimentations mises en œuvre sur le fondement du quatriegraveme alineacutea de larticle 72 de la Cons-

titution 7 M Jean-Jacques Urvoas Rapport drsquoinformation ndeg 489 du 12 deacutecembre 2012 sur les impli-

cations constitutionnelles drsquoune ratification par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

11

tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

13

comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

15

Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

17

La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

30

D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

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constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

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laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 3: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

2

Wanda Mastor

Agreacutegeacutee de droit public

Professeur agrave lrsquouniversiteacute Toulouse Capitole

Contribution exteacuterieure agrave lrsquoappui de la conformiteacute agrave la Constitution

de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et agrave leur promotion

Longtemps consideacutereacutees comme strictement inconciliables avec le prin-

cipe de lrsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique les langues reacutegionales nrsquoappartenaient

qursquoau monde de la reacutesistance de quelques deacutefenseurs estimeacutes ou meacutepriseacutes1

Elles appartiennent depuis quelques anneacutees au monde du droit y compris du

droit constitutionnel mecircme si ce lien continue de nourrir drsquoimmenses malen-

tendus Car la reconnaissance la protection et la promotion des langues reacute-

gionales nrsquoentravent en rien le principe de lrsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Surtout en des peacuteriodes troubleacutees telles que nous avons deacutesormais pris lrsquoha-

bitude de vivre lrsquoarticle premier de la Constitution doit ecirctre sans cesse rap-

peleacute le serment drsquoune Reacutepublique laiumlque qui offre la mecircme eacuteducation pu-

blique agrave toutes et tous qui ne connaicirct qursquoun seul peuple et une seule langue

officielle Si notre Constitution reconnaicirct les laquo populations drsquooutre-mer raquo elle

rejette lrsquoacception des peuples au pluriel sous peine de diluer les valeurs de

la Nation franccedilaise Assureacutement les questions de seacuteparatisme de commu-

nautarisation du repli identitaire mettent agrave mal la laquo coheacutesion nationale raquo2

1 Voir Amane Gogorza et Wanda Mastor (sous la direction de) Les langues reacutegionales et la construction de lrsquoEacutetat LGDJ collection Grands colloques 2019 318 p 2 Conseil drsquoEacutetat ordonnance ndeg374508 du 9 janvier 2014 Ministre de lrsquointeacuterieur c Socieacuteteacute Les Productions de la Plume et M Dieudonneacute MrsquoBala MrsquoBala

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

3

Mais lrsquoamalgame ne saurait ecirctre fait avec lrsquoadmission de certains particula-

rismes locaux qui font tout au contraire la richesse reacutepublicaine Laquelle

nrsquoest agrave aucun moment en contradiction avec le principe de lrsquoindivisibiliteacute de

la Reacutepublique comme le droit constitutionnel compareacute (constitutions et juris-

prudences des cours constitutionnelles) en apporte la preuve irreacutefutable

Les arguments qui consistent agrave rappeler -marteler- sans cesse que lrsquoarticle 75-

1 de la Constitution nrsquoa pas de porteacutee normative depuis la deacutecision ndeg 2011-

130 QPC du 20 mai 2011 du Conseil constitutionnel3 renvoient certaines dis-

positions de notre texte fondamental agrave une fonction deacuteclarative pour ne pas

dire deacutecorative Le fait que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne constitue pas

dans le cadre drsquoune proceacutedure de QPC un droit ou une liberteacute que la Consti-

tution garantit ne le vide pas pour autant de tout contenu Pour le dire au-

trement si ledit article ne peut ecirctre invoqueacute agrave lrsquoappui drsquoune QPC cette inter-

preacutetation contentieuse ne saurait le renvoyer au monde des principes pure-

ment deacuteclaratoires qui nrsquoont ce dit en passant pas leur place dans la norme

la plus eacuteleveacutee qui soit (sauf agrave offrir une nouvelle deacutefinition de la norme ce qui

srsquoavegravere compliqueacute)

Non invocable agrave lrsquoappui drsquoune QPC la disposition selon laquelle laquo les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo nrsquoen est pas moins une

adresse au leacutegislateur Crsquoest agrave cette adresse qui appelle et leacutegitime un deacuteve-

loppement leacutegislatif de la protection et la promotion des langues reacutegionales

que reacutepond la proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac

Il faut mecircme aller plus loin sur la voie de lrsquointerpreacutetation de lrsquoarticle 75-1 Non

seulement la loi deacutefeacutereacutee lui donne une reacutealiteacute mais encore creacutee-t-elle les con-

ditions mateacuterielles de son existence La loi dite laquo Molac raquo est conforme agrave la

3 Deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 Mme Ceacutecile L et autres [Langues reacutegionales] laquo

Consideacuterant quaux termes de larticle 75-1 de la Constitution Les langues reacutegionales ap-

partiennent au patrimoine de la France que cet article ninstitue pas un droit ou une liberteacute

que la Constitution garantit que sa meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui

dune question prioritaire de constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Cons-titution (hellip) raquo (consideacuterant 3)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Constitution et comble une lacune Ce nrsquoest pas son existence qui pose pro-

blegraveme mais bien son absence drsquoexistence Il appartient au leacutegislateur de mettre

en œuvre les dispositions de la Constitution afin qursquoelles ne se cantonnent

pas au monde du virtuel La loi sur les langues reacutegionales est lrsquoune des garan-

ties leacutegales de la Constitution

Tout texte transmis au controcircle du Conseil constitutionnel vigile du droit

jouit de la preacutesomption de constitutionnaliteacute Votre jurisprudence teacutemoigne

qursquoau nom de la primauteacute de la Constitution votre rocircle est de sauver la loi en

lrsquoeacutepurant de ses vices drsquoinconstitutionnaliteacute Si la deacutemocratie repreacutesentative

accepte la leacutegitimiteacute drsquoune censure drsquoun texte adopteacute par 925 repreacutesentants

de la Nation par neuf membres nommeacutes crsquoest au nom de ladite primauteacute de

la Constitution Laquelle nrsquoest pas violeacutee par la preacutesente loi soumise agrave votre

examen Il faut au preacutealable rappeler le contexte de lrsquoadoption de la loi qui ne

saurait se limiter au contexte parlementaire Lrsquoobjectif de la loi est de reacutepondre

agrave une adresse faite par le pouvoir constituant lui-mecircme conformeacutement agrave un

esprit plus geacuteneacuteral de protection et promotion des langues reacutegionales qui ir-

rigue conventions internationales et constitutions eacutetrangegraveres (I) Non seule-

ment la loi du 8 avril 2021 ne viole pas la Constitution mais encore met-elle

en œuvre certaines de ses dispositions (II)

I Le contexte de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues

reacutegionales et agrave leur promotion

Dans lrsquoobjectif sans doute drsquoassurer un climat plus serein qui doit preacutesider

agrave lrsquoinstruction et la deacutelibeacuteration la lettre de saisine des soixante deacuteputeacutes nrsquoest

jamais publieacutee par le Conseil constitutionnel en amont de la publication de la

deacutecision Ce nrsquoest ni le moment ni le lieu pour plaider pour ladite publication

mais force est de constater qursquoil nrsquoest pas tregraves sain que dans une deacutemocratie

les eacuteleacutements censeacutes ecirctre secrets laquo fuitent raquo dans la presse dans les couloirs et

autres ceacutenacles reacuteserveacutes agrave une infime partie des citoyens Deacuteposeacutee agrave la hacircte

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la lettre de saisine semble reacutedigeacutee de faccedilon deacuteconcertante La deacutefaillance for-

melle nrsquoenlegraveve pas dans lrsquoabsolu de la force aux arguments mais prouve en

lrsquoespegravece lrsquoextrecircme preacutecipitation dans laquelle les choses se sont deacuterouleacutees

Il est neacutecessaire avant de deacutevelopper les arguments au soutien de la confor-

miteacute agrave la Constitution de la loi et notamment de son article 6 de rappeler le

contexte de son adoption La proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac ayant

par ailleurs les faveurs de lrsquoopinion publique et le soutien de treize preacutesidents

de reacutegions4 srsquoinscrit dans un mouvement Celui de la deacutefense et la promotion

des langues reacutegionales lesquelles appartiennent depuis la reacutevision constitu-

tionnelle du 23 juillet 2008 au laquo patrimoine de la France raquo Ce mouvement

favorable agrave la protection et promotion des langues reacutegionales nrsquoest pas uni-

quement parlementaire il est aussi celui drsquoun ensemble plus vaste Celui de

notre propre Constitution (A) des engagements internationaux et de la grande

majoriteacute des constitutions des pays voisins (B) Ensemble qui permet de mieux

saisir le contexte parlementaire franccedilais de lrsquoadoption de la loi (C)

A Le contexte constitutionnel franccedilais

Lrsquoabsence de protection et de valorisation des langues reacutegionales est une

entrave au rayonnement de la France qui loin de srsquoeacutepuiser dans son caractegravere

indivisible que la loi deacutefeacutereacutee ne remet absolument pas en cause srsquoenrichit de

ses composantes Indivisibiliteacute ne signifie pas uniformiteacute Le constituant a lui-

mecircme choisi en 2003 de preacuteciser degraves lrsquoouverture de notre texte suprecircme que

lrsquoorganisation de notre Reacutepublique eacutetait laquo deacutecentraliseacutee raquo Il faut accepter tous

les contours conseacutequences de cette affirmation solennelle qui ne peut avoir

4 Communiqueacute de presse du 16 mars 2021 laquo Notre responsabiliteacute en tant que preacutesidents de

Reacutegion et de Collectiviteacute est de pouvoir garantir et promouvoir la vitaliteacute culturelle et patri-

moniale de nos territoires Cette proposition va dans le bon sens afin que vivent nos langues

que lrsquoUNESCO classe pour une grande majoriteacute drsquoentre elles en grand danger drsquoextinction

Crsquoest en ce sens que la reacutedaction de la proposition de loi dite Molac tel qursquoissue des travaux du Seacutenat va dans le bon sens et que nous appelons de nos vœux une adoption conforme par

les deacuteputeacutes de tous les bancs afin que ce texte puisse entrer en vigueur raquo httpsregions-

franceorgactualitesactualites-nationalesproposition-de-loi-langues-regio-

nalesE280AF-texte-tres-attendu

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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que des applications laquo particuliegraveres raquo sur certaines parties de notre territoire

Les modifications successives de la Constitution ont progressivement em-

prunteacute la voie de la reconnaissance de ces implications toujours plus de dis-

positions deacuterogatoires de reconnaissances mecircme symboliques laquo drsquointeacuterecircts

particuliers raquo drsquolaquo adaptations neacutecessaires raquo pour ne citer qursquoelles jusqursquoagrave la

diffeacuterenciation des normes toujours inscrite dans lrsquoactuel projet de loi consti-

tutionnelle5 Si lrsquoon observe les discussions actuelles relatives au projet de loi

laquo 4D raquo ou la validation par le Conseil constitutionnel en avril dernier de la loi

organique relative agrave la simplification des expeacuterimentations susceptibles decirctre

meneacutees par les collectiviteacutes territoriales6 la voie de la reconnaissance du par-

ticularisme des territoires semble srsquoannoncer

En 2003 la Constitution a deacutecideacute une fois pour toutes que lrsquouniteacute nrsquoeacutetait pas

neacutecessairement lrsquouniformiteacute Parmi les richesses territoriales qui loin drsquoeacutegra-

tigner lrsquoimage drsquoun Eacutetat unitaire la renforce par sa capaciteacute agrave promouvoir la

diversiteacute au sein drsquoune Nation forte les langues reacutegionales occupent une place

particuliegravere Leur entreacutee remarqueacutee dans lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en

2008 nrsquoa eu pour le moment que des effets symboliques sur lesquels il y aura

lieu de revenir plus loin Sous la preacutesidence de Franccedilois Hollande le Parle-

ment fort de la volonteacute drsquoappliquer la 56egraveme promesse de campagne du candi-

dat devenu preacutesident a remis la question des langues reacutegionales sur le devant

de la scegravene institutionnelle Le rapport drsquoinformation ndeg489 de lrsquoAssembleacutee

nationale sur les implications de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales

et minoritaires7 est essentiellement descriptif mais teacutemoigne de la volonteacute

parlementaire de se saisir de nouveau de la question De leurs cocircteacutes les tri-

bunaux ordinaires ont eacutegalement eu lrsquooccasion ces derniegraveres anneacutees de se

pencher sur la question du bilinguisme notamment que ce soit en matiegravere

5 Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie deacutemocratique enregistreacute agrave la Preacutesi-

dence de lrsquoAssembleacutee nationale le 29 aoucirct 2019 6 Deacutecision ndeg2021-816 DC du 15 avril 2021 Loi organique relative agrave la simplification des ex-peacuterimentations mises en œuvre sur le fondement du quatriegraveme alineacutea de larticle 72 de la Cons-

titution 7 M Jean-Jacques Urvoas Rapport drsquoinformation ndeg 489 du 12 deacutecembre 2012 sur les impli-

cations constitutionnelles drsquoune ratification par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

13

comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

15

Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

17

La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

18

celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

22

autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

23

Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

24

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

25

langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

29

laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

30

D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

31

dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

32

Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

33

les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 4: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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Mais lrsquoamalgame ne saurait ecirctre fait avec lrsquoadmission de certains particula-

rismes locaux qui font tout au contraire la richesse reacutepublicaine Laquelle

nrsquoest agrave aucun moment en contradiction avec le principe de lrsquoindivisibiliteacute de

la Reacutepublique comme le droit constitutionnel compareacute (constitutions et juris-

prudences des cours constitutionnelles) en apporte la preuve irreacutefutable

Les arguments qui consistent agrave rappeler -marteler- sans cesse que lrsquoarticle 75-

1 de la Constitution nrsquoa pas de porteacutee normative depuis la deacutecision ndeg 2011-

130 QPC du 20 mai 2011 du Conseil constitutionnel3 renvoient certaines dis-

positions de notre texte fondamental agrave une fonction deacuteclarative pour ne pas

dire deacutecorative Le fait que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne constitue pas

dans le cadre drsquoune proceacutedure de QPC un droit ou une liberteacute que la Consti-

tution garantit ne le vide pas pour autant de tout contenu Pour le dire au-

trement si ledit article ne peut ecirctre invoqueacute agrave lrsquoappui drsquoune QPC cette inter-

preacutetation contentieuse ne saurait le renvoyer au monde des principes pure-

ment deacuteclaratoires qui nrsquoont ce dit en passant pas leur place dans la norme

la plus eacuteleveacutee qui soit (sauf agrave offrir une nouvelle deacutefinition de la norme ce qui

srsquoavegravere compliqueacute)

Non invocable agrave lrsquoappui drsquoune QPC la disposition selon laquelle laquo les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo nrsquoen est pas moins une

adresse au leacutegislateur Crsquoest agrave cette adresse qui appelle et leacutegitime un deacuteve-

loppement leacutegislatif de la protection et la promotion des langues reacutegionales

que reacutepond la proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac

Il faut mecircme aller plus loin sur la voie de lrsquointerpreacutetation de lrsquoarticle 75-1 Non

seulement la loi deacutefeacutereacutee lui donne une reacutealiteacute mais encore creacutee-t-elle les con-

ditions mateacuterielles de son existence La loi dite laquo Molac raquo est conforme agrave la

3 Deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 Mme Ceacutecile L et autres [Langues reacutegionales] laquo

Consideacuterant quaux termes de larticle 75-1 de la Constitution Les langues reacutegionales ap-

partiennent au patrimoine de la France que cet article ninstitue pas un droit ou une liberteacute

que la Constitution garantit que sa meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui

dune question prioritaire de constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Cons-titution (hellip) raquo (consideacuterant 3)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Constitution et comble une lacune Ce nrsquoest pas son existence qui pose pro-

blegraveme mais bien son absence drsquoexistence Il appartient au leacutegislateur de mettre

en œuvre les dispositions de la Constitution afin qursquoelles ne se cantonnent

pas au monde du virtuel La loi sur les langues reacutegionales est lrsquoune des garan-

ties leacutegales de la Constitution

Tout texte transmis au controcircle du Conseil constitutionnel vigile du droit

jouit de la preacutesomption de constitutionnaliteacute Votre jurisprudence teacutemoigne

qursquoau nom de la primauteacute de la Constitution votre rocircle est de sauver la loi en

lrsquoeacutepurant de ses vices drsquoinconstitutionnaliteacute Si la deacutemocratie repreacutesentative

accepte la leacutegitimiteacute drsquoune censure drsquoun texte adopteacute par 925 repreacutesentants

de la Nation par neuf membres nommeacutes crsquoest au nom de ladite primauteacute de

la Constitution Laquelle nrsquoest pas violeacutee par la preacutesente loi soumise agrave votre

examen Il faut au preacutealable rappeler le contexte de lrsquoadoption de la loi qui ne

saurait se limiter au contexte parlementaire Lrsquoobjectif de la loi est de reacutepondre

agrave une adresse faite par le pouvoir constituant lui-mecircme conformeacutement agrave un

esprit plus geacuteneacuteral de protection et promotion des langues reacutegionales qui ir-

rigue conventions internationales et constitutions eacutetrangegraveres (I) Non seule-

ment la loi du 8 avril 2021 ne viole pas la Constitution mais encore met-elle

en œuvre certaines de ses dispositions (II)

I Le contexte de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues

reacutegionales et agrave leur promotion

Dans lrsquoobjectif sans doute drsquoassurer un climat plus serein qui doit preacutesider

agrave lrsquoinstruction et la deacutelibeacuteration la lettre de saisine des soixante deacuteputeacutes nrsquoest

jamais publieacutee par le Conseil constitutionnel en amont de la publication de la

deacutecision Ce nrsquoest ni le moment ni le lieu pour plaider pour ladite publication

mais force est de constater qursquoil nrsquoest pas tregraves sain que dans une deacutemocratie

les eacuteleacutements censeacutes ecirctre secrets laquo fuitent raquo dans la presse dans les couloirs et

autres ceacutenacles reacuteserveacutes agrave une infime partie des citoyens Deacuteposeacutee agrave la hacircte

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la lettre de saisine semble reacutedigeacutee de faccedilon deacuteconcertante La deacutefaillance for-

melle nrsquoenlegraveve pas dans lrsquoabsolu de la force aux arguments mais prouve en

lrsquoespegravece lrsquoextrecircme preacutecipitation dans laquelle les choses se sont deacuterouleacutees

Il est neacutecessaire avant de deacutevelopper les arguments au soutien de la confor-

miteacute agrave la Constitution de la loi et notamment de son article 6 de rappeler le

contexte de son adoption La proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac ayant

par ailleurs les faveurs de lrsquoopinion publique et le soutien de treize preacutesidents

de reacutegions4 srsquoinscrit dans un mouvement Celui de la deacutefense et la promotion

des langues reacutegionales lesquelles appartiennent depuis la reacutevision constitu-

tionnelle du 23 juillet 2008 au laquo patrimoine de la France raquo Ce mouvement

favorable agrave la protection et promotion des langues reacutegionales nrsquoest pas uni-

quement parlementaire il est aussi celui drsquoun ensemble plus vaste Celui de

notre propre Constitution (A) des engagements internationaux et de la grande

majoriteacute des constitutions des pays voisins (B) Ensemble qui permet de mieux

saisir le contexte parlementaire franccedilais de lrsquoadoption de la loi (C)

A Le contexte constitutionnel franccedilais

Lrsquoabsence de protection et de valorisation des langues reacutegionales est une

entrave au rayonnement de la France qui loin de srsquoeacutepuiser dans son caractegravere

indivisible que la loi deacutefeacutereacutee ne remet absolument pas en cause srsquoenrichit de

ses composantes Indivisibiliteacute ne signifie pas uniformiteacute Le constituant a lui-

mecircme choisi en 2003 de preacuteciser degraves lrsquoouverture de notre texte suprecircme que

lrsquoorganisation de notre Reacutepublique eacutetait laquo deacutecentraliseacutee raquo Il faut accepter tous

les contours conseacutequences de cette affirmation solennelle qui ne peut avoir

4 Communiqueacute de presse du 16 mars 2021 laquo Notre responsabiliteacute en tant que preacutesidents de

Reacutegion et de Collectiviteacute est de pouvoir garantir et promouvoir la vitaliteacute culturelle et patri-

moniale de nos territoires Cette proposition va dans le bon sens afin que vivent nos langues

que lrsquoUNESCO classe pour une grande majoriteacute drsquoentre elles en grand danger drsquoextinction

Crsquoest en ce sens que la reacutedaction de la proposition de loi dite Molac tel qursquoissue des travaux du Seacutenat va dans le bon sens et que nous appelons de nos vœux une adoption conforme par

les deacuteputeacutes de tous les bancs afin que ce texte puisse entrer en vigueur raquo httpsregions-

franceorgactualitesactualites-nationalesproposition-de-loi-langues-regio-

nalesE280AF-texte-tres-attendu

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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que des applications laquo particuliegraveres raquo sur certaines parties de notre territoire

Les modifications successives de la Constitution ont progressivement em-

prunteacute la voie de la reconnaissance de ces implications toujours plus de dis-

positions deacuterogatoires de reconnaissances mecircme symboliques laquo drsquointeacuterecircts

particuliers raquo drsquolaquo adaptations neacutecessaires raquo pour ne citer qursquoelles jusqursquoagrave la

diffeacuterenciation des normes toujours inscrite dans lrsquoactuel projet de loi consti-

tutionnelle5 Si lrsquoon observe les discussions actuelles relatives au projet de loi

laquo 4D raquo ou la validation par le Conseil constitutionnel en avril dernier de la loi

organique relative agrave la simplification des expeacuterimentations susceptibles decirctre

meneacutees par les collectiviteacutes territoriales6 la voie de la reconnaissance du par-

ticularisme des territoires semble srsquoannoncer

En 2003 la Constitution a deacutecideacute une fois pour toutes que lrsquouniteacute nrsquoeacutetait pas

neacutecessairement lrsquouniformiteacute Parmi les richesses territoriales qui loin drsquoeacutegra-

tigner lrsquoimage drsquoun Eacutetat unitaire la renforce par sa capaciteacute agrave promouvoir la

diversiteacute au sein drsquoune Nation forte les langues reacutegionales occupent une place

particuliegravere Leur entreacutee remarqueacutee dans lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en

2008 nrsquoa eu pour le moment que des effets symboliques sur lesquels il y aura

lieu de revenir plus loin Sous la preacutesidence de Franccedilois Hollande le Parle-

ment fort de la volonteacute drsquoappliquer la 56egraveme promesse de campagne du candi-

dat devenu preacutesident a remis la question des langues reacutegionales sur le devant

de la scegravene institutionnelle Le rapport drsquoinformation ndeg489 de lrsquoAssembleacutee

nationale sur les implications de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales

et minoritaires7 est essentiellement descriptif mais teacutemoigne de la volonteacute

parlementaire de se saisir de nouveau de la question De leurs cocircteacutes les tri-

bunaux ordinaires ont eacutegalement eu lrsquooccasion ces derniegraveres anneacutees de se

pencher sur la question du bilinguisme notamment que ce soit en matiegravere

5 Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie deacutemocratique enregistreacute agrave la Preacutesi-

dence de lrsquoAssembleacutee nationale le 29 aoucirct 2019 6 Deacutecision ndeg2021-816 DC du 15 avril 2021 Loi organique relative agrave la simplification des ex-peacuterimentations mises en œuvre sur le fondement du quatriegraveme alineacutea de larticle 72 de la Cons-

titution 7 M Jean-Jacques Urvoas Rapport drsquoinformation ndeg 489 du 12 deacutecembre 2012 sur les impli-

cations constitutionnelles drsquoune ratification par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

16

des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

17

La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

19

Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

22

autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

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langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

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qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

3

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

4

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 5: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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Constitution et comble une lacune Ce nrsquoest pas son existence qui pose pro-

blegraveme mais bien son absence drsquoexistence Il appartient au leacutegislateur de mettre

en œuvre les dispositions de la Constitution afin qursquoelles ne se cantonnent

pas au monde du virtuel La loi sur les langues reacutegionales est lrsquoune des garan-

ties leacutegales de la Constitution

Tout texte transmis au controcircle du Conseil constitutionnel vigile du droit

jouit de la preacutesomption de constitutionnaliteacute Votre jurisprudence teacutemoigne

qursquoau nom de la primauteacute de la Constitution votre rocircle est de sauver la loi en

lrsquoeacutepurant de ses vices drsquoinconstitutionnaliteacute Si la deacutemocratie repreacutesentative

accepte la leacutegitimiteacute drsquoune censure drsquoun texte adopteacute par 925 repreacutesentants

de la Nation par neuf membres nommeacutes crsquoest au nom de ladite primauteacute de

la Constitution Laquelle nrsquoest pas violeacutee par la preacutesente loi soumise agrave votre

examen Il faut au preacutealable rappeler le contexte de lrsquoadoption de la loi qui ne

saurait se limiter au contexte parlementaire Lrsquoobjectif de la loi est de reacutepondre

agrave une adresse faite par le pouvoir constituant lui-mecircme conformeacutement agrave un

esprit plus geacuteneacuteral de protection et promotion des langues reacutegionales qui ir-

rigue conventions internationales et constitutions eacutetrangegraveres (I) Non seule-

ment la loi du 8 avril 2021 ne viole pas la Constitution mais encore met-elle

en œuvre certaines de ses dispositions (II)

I Le contexte de la loi relative agrave la protection patrimoniale des langues

reacutegionales et agrave leur promotion

Dans lrsquoobjectif sans doute drsquoassurer un climat plus serein qui doit preacutesider

agrave lrsquoinstruction et la deacutelibeacuteration la lettre de saisine des soixante deacuteputeacutes nrsquoest

jamais publieacutee par le Conseil constitutionnel en amont de la publication de la

deacutecision Ce nrsquoest ni le moment ni le lieu pour plaider pour ladite publication

mais force est de constater qursquoil nrsquoest pas tregraves sain que dans une deacutemocratie

les eacuteleacutements censeacutes ecirctre secrets laquo fuitent raquo dans la presse dans les couloirs et

autres ceacutenacles reacuteserveacutes agrave une infime partie des citoyens Deacuteposeacutee agrave la hacircte

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la lettre de saisine semble reacutedigeacutee de faccedilon deacuteconcertante La deacutefaillance for-

melle nrsquoenlegraveve pas dans lrsquoabsolu de la force aux arguments mais prouve en

lrsquoespegravece lrsquoextrecircme preacutecipitation dans laquelle les choses se sont deacuterouleacutees

Il est neacutecessaire avant de deacutevelopper les arguments au soutien de la confor-

miteacute agrave la Constitution de la loi et notamment de son article 6 de rappeler le

contexte de son adoption La proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac ayant

par ailleurs les faveurs de lrsquoopinion publique et le soutien de treize preacutesidents

de reacutegions4 srsquoinscrit dans un mouvement Celui de la deacutefense et la promotion

des langues reacutegionales lesquelles appartiennent depuis la reacutevision constitu-

tionnelle du 23 juillet 2008 au laquo patrimoine de la France raquo Ce mouvement

favorable agrave la protection et promotion des langues reacutegionales nrsquoest pas uni-

quement parlementaire il est aussi celui drsquoun ensemble plus vaste Celui de

notre propre Constitution (A) des engagements internationaux et de la grande

majoriteacute des constitutions des pays voisins (B) Ensemble qui permet de mieux

saisir le contexte parlementaire franccedilais de lrsquoadoption de la loi (C)

A Le contexte constitutionnel franccedilais

Lrsquoabsence de protection et de valorisation des langues reacutegionales est une

entrave au rayonnement de la France qui loin de srsquoeacutepuiser dans son caractegravere

indivisible que la loi deacutefeacutereacutee ne remet absolument pas en cause srsquoenrichit de

ses composantes Indivisibiliteacute ne signifie pas uniformiteacute Le constituant a lui-

mecircme choisi en 2003 de preacuteciser degraves lrsquoouverture de notre texte suprecircme que

lrsquoorganisation de notre Reacutepublique eacutetait laquo deacutecentraliseacutee raquo Il faut accepter tous

les contours conseacutequences de cette affirmation solennelle qui ne peut avoir

4 Communiqueacute de presse du 16 mars 2021 laquo Notre responsabiliteacute en tant que preacutesidents de

Reacutegion et de Collectiviteacute est de pouvoir garantir et promouvoir la vitaliteacute culturelle et patri-

moniale de nos territoires Cette proposition va dans le bon sens afin que vivent nos langues

que lrsquoUNESCO classe pour une grande majoriteacute drsquoentre elles en grand danger drsquoextinction

Crsquoest en ce sens que la reacutedaction de la proposition de loi dite Molac tel qursquoissue des travaux du Seacutenat va dans le bon sens et que nous appelons de nos vœux une adoption conforme par

les deacuteputeacutes de tous les bancs afin que ce texte puisse entrer en vigueur raquo httpsregions-

franceorgactualitesactualites-nationalesproposition-de-loi-langues-regio-

nalesE280AF-texte-tres-attendu

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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que des applications laquo particuliegraveres raquo sur certaines parties de notre territoire

Les modifications successives de la Constitution ont progressivement em-

prunteacute la voie de la reconnaissance de ces implications toujours plus de dis-

positions deacuterogatoires de reconnaissances mecircme symboliques laquo drsquointeacuterecircts

particuliers raquo drsquolaquo adaptations neacutecessaires raquo pour ne citer qursquoelles jusqursquoagrave la

diffeacuterenciation des normes toujours inscrite dans lrsquoactuel projet de loi consti-

tutionnelle5 Si lrsquoon observe les discussions actuelles relatives au projet de loi

laquo 4D raquo ou la validation par le Conseil constitutionnel en avril dernier de la loi

organique relative agrave la simplification des expeacuterimentations susceptibles decirctre

meneacutees par les collectiviteacutes territoriales6 la voie de la reconnaissance du par-

ticularisme des territoires semble srsquoannoncer

En 2003 la Constitution a deacutecideacute une fois pour toutes que lrsquouniteacute nrsquoeacutetait pas

neacutecessairement lrsquouniformiteacute Parmi les richesses territoriales qui loin drsquoeacutegra-

tigner lrsquoimage drsquoun Eacutetat unitaire la renforce par sa capaciteacute agrave promouvoir la

diversiteacute au sein drsquoune Nation forte les langues reacutegionales occupent une place

particuliegravere Leur entreacutee remarqueacutee dans lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en

2008 nrsquoa eu pour le moment que des effets symboliques sur lesquels il y aura

lieu de revenir plus loin Sous la preacutesidence de Franccedilois Hollande le Parle-

ment fort de la volonteacute drsquoappliquer la 56egraveme promesse de campagne du candi-

dat devenu preacutesident a remis la question des langues reacutegionales sur le devant

de la scegravene institutionnelle Le rapport drsquoinformation ndeg489 de lrsquoAssembleacutee

nationale sur les implications de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales

et minoritaires7 est essentiellement descriptif mais teacutemoigne de la volonteacute

parlementaire de se saisir de nouveau de la question De leurs cocircteacutes les tri-

bunaux ordinaires ont eacutegalement eu lrsquooccasion ces derniegraveres anneacutees de se

pencher sur la question du bilinguisme notamment que ce soit en matiegravere

5 Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie deacutemocratique enregistreacute agrave la Preacutesi-

dence de lrsquoAssembleacutee nationale le 29 aoucirct 2019 6 Deacutecision ndeg2021-816 DC du 15 avril 2021 Loi organique relative agrave la simplification des ex-peacuterimentations mises en œuvre sur le fondement du quatriegraveme alineacutea de larticle 72 de la Cons-

titution 7 M Jean-Jacques Urvoas Rapport drsquoinformation ndeg 489 du 12 deacutecembre 2012 sur les impli-

cations constitutionnelles drsquoune ratification par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

22

autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

23

Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

25

langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

29

laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

31

dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

32

Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

33

les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

3

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 6: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

5

la lettre de saisine semble reacutedigeacutee de faccedilon deacuteconcertante La deacutefaillance for-

melle nrsquoenlegraveve pas dans lrsquoabsolu de la force aux arguments mais prouve en

lrsquoespegravece lrsquoextrecircme preacutecipitation dans laquelle les choses se sont deacuterouleacutees

Il est neacutecessaire avant de deacutevelopper les arguments au soutien de la confor-

miteacute agrave la Constitution de la loi et notamment de son article 6 de rappeler le

contexte de son adoption La proposition de loi du deacuteputeacute Paul Molac ayant

par ailleurs les faveurs de lrsquoopinion publique et le soutien de treize preacutesidents

de reacutegions4 srsquoinscrit dans un mouvement Celui de la deacutefense et la promotion

des langues reacutegionales lesquelles appartiennent depuis la reacutevision constitu-

tionnelle du 23 juillet 2008 au laquo patrimoine de la France raquo Ce mouvement

favorable agrave la protection et promotion des langues reacutegionales nrsquoest pas uni-

quement parlementaire il est aussi celui drsquoun ensemble plus vaste Celui de

notre propre Constitution (A) des engagements internationaux et de la grande

majoriteacute des constitutions des pays voisins (B) Ensemble qui permet de mieux

saisir le contexte parlementaire franccedilais de lrsquoadoption de la loi (C)

A Le contexte constitutionnel franccedilais

Lrsquoabsence de protection et de valorisation des langues reacutegionales est une

entrave au rayonnement de la France qui loin de srsquoeacutepuiser dans son caractegravere

indivisible que la loi deacutefeacutereacutee ne remet absolument pas en cause srsquoenrichit de

ses composantes Indivisibiliteacute ne signifie pas uniformiteacute Le constituant a lui-

mecircme choisi en 2003 de preacuteciser degraves lrsquoouverture de notre texte suprecircme que

lrsquoorganisation de notre Reacutepublique eacutetait laquo deacutecentraliseacutee raquo Il faut accepter tous

les contours conseacutequences de cette affirmation solennelle qui ne peut avoir

4 Communiqueacute de presse du 16 mars 2021 laquo Notre responsabiliteacute en tant que preacutesidents de

Reacutegion et de Collectiviteacute est de pouvoir garantir et promouvoir la vitaliteacute culturelle et patri-

moniale de nos territoires Cette proposition va dans le bon sens afin que vivent nos langues

que lrsquoUNESCO classe pour une grande majoriteacute drsquoentre elles en grand danger drsquoextinction

Crsquoest en ce sens que la reacutedaction de la proposition de loi dite Molac tel qursquoissue des travaux du Seacutenat va dans le bon sens et que nous appelons de nos vœux une adoption conforme par

les deacuteputeacutes de tous les bancs afin que ce texte puisse entrer en vigueur raquo httpsregions-

franceorgactualitesactualites-nationalesproposition-de-loi-langues-regio-

nalesE280AF-texte-tres-attendu

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

6

que des applications laquo particuliegraveres raquo sur certaines parties de notre territoire

Les modifications successives de la Constitution ont progressivement em-

prunteacute la voie de la reconnaissance de ces implications toujours plus de dis-

positions deacuterogatoires de reconnaissances mecircme symboliques laquo drsquointeacuterecircts

particuliers raquo drsquolaquo adaptations neacutecessaires raquo pour ne citer qursquoelles jusqursquoagrave la

diffeacuterenciation des normes toujours inscrite dans lrsquoactuel projet de loi consti-

tutionnelle5 Si lrsquoon observe les discussions actuelles relatives au projet de loi

laquo 4D raquo ou la validation par le Conseil constitutionnel en avril dernier de la loi

organique relative agrave la simplification des expeacuterimentations susceptibles decirctre

meneacutees par les collectiviteacutes territoriales6 la voie de la reconnaissance du par-

ticularisme des territoires semble srsquoannoncer

En 2003 la Constitution a deacutecideacute une fois pour toutes que lrsquouniteacute nrsquoeacutetait pas

neacutecessairement lrsquouniformiteacute Parmi les richesses territoriales qui loin drsquoeacutegra-

tigner lrsquoimage drsquoun Eacutetat unitaire la renforce par sa capaciteacute agrave promouvoir la

diversiteacute au sein drsquoune Nation forte les langues reacutegionales occupent une place

particuliegravere Leur entreacutee remarqueacutee dans lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en

2008 nrsquoa eu pour le moment que des effets symboliques sur lesquels il y aura

lieu de revenir plus loin Sous la preacutesidence de Franccedilois Hollande le Parle-

ment fort de la volonteacute drsquoappliquer la 56egraveme promesse de campagne du candi-

dat devenu preacutesident a remis la question des langues reacutegionales sur le devant

de la scegravene institutionnelle Le rapport drsquoinformation ndeg489 de lrsquoAssembleacutee

nationale sur les implications de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales

et minoritaires7 est essentiellement descriptif mais teacutemoigne de la volonteacute

parlementaire de se saisir de nouveau de la question De leurs cocircteacutes les tri-

bunaux ordinaires ont eacutegalement eu lrsquooccasion ces derniegraveres anneacutees de se

pencher sur la question du bilinguisme notamment que ce soit en matiegravere

5 Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie deacutemocratique enregistreacute agrave la Preacutesi-

dence de lrsquoAssembleacutee nationale le 29 aoucirct 2019 6 Deacutecision ndeg2021-816 DC du 15 avril 2021 Loi organique relative agrave la simplification des ex-peacuterimentations mises en œuvre sur le fondement du quatriegraveme alineacutea de larticle 72 de la Cons-

titution 7 M Jean-Jacques Urvoas Rapport drsquoinformation ndeg 489 du 12 deacutecembre 2012 sur les impli-

cations constitutionnelles drsquoune ratification par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

7

de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

29

laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

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M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

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On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

4

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

18

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 7: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

6

que des applications laquo particuliegraveres raquo sur certaines parties de notre territoire

Les modifications successives de la Constitution ont progressivement em-

prunteacute la voie de la reconnaissance de ces implications toujours plus de dis-

positions deacuterogatoires de reconnaissances mecircme symboliques laquo drsquointeacuterecircts

particuliers raquo drsquolaquo adaptations neacutecessaires raquo pour ne citer qursquoelles jusqursquoagrave la

diffeacuterenciation des normes toujours inscrite dans lrsquoactuel projet de loi consti-

tutionnelle5 Si lrsquoon observe les discussions actuelles relatives au projet de loi

laquo 4D raquo ou la validation par le Conseil constitutionnel en avril dernier de la loi

organique relative agrave la simplification des expeacuterimentations susceptibles decirctre

meneacutees par les collectiviteacutes territoriales6 la voie de la reconnaissance du par-

ticularisme des territoires semble srsquoannoncer

En 2003 la Constitution a deacutecideacute une fois pour toutes que lrsquouniteacute nrsquoeacutetait pas

neacutecessairement lrsquouniformiteacute Parmi les richesses territoriales qui loin drsquoeacutegra-

tigner lrsquoimage drsquoun Eacutetat unitaire la renforce par sa capaciteacute agrave promouvoir la

diversiteacute au sein drsquoune Nation forte les langues reacutegionales occupent une place

particuliegravere Leur entreacutee remarqueacutee dans lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en

2008 nrsquoa eu pour le moment que des effets symboliques sur lesquels il y aura

lieu de revenir plus loin Sous la preacutesidence de Franccedilois Hollande le Parle-

ment fort de la volonteacute drsquoappliquer la 56egraveme promesse de campagne du candi-

dat devenu preacutesident a remis la question des langues reacutegionales sur le devant

de la scegravene institutionnelle Le rapport drsquoinformation ndeg489 de lrsquoAssembleacutee

nationale sur les implications de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales

et minoritaires7 est essentiellement descriptif mais teacutemoigne de la volonteacute

parlementaire de se saisir de nouveau de la question De leurs cocircteacutes les tri-

bunaux ordinaires ont eacutegalement eu lrsquooccasion ces derniegraveres anneacutees de se

pencher sur la question du bilinguisme notamment que ce soit en matiegravere

5 Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie deacutemocratique enregistreacute agrave la Preacutesi-

dence de lrsquoAssembleacutee nationale le 29 aoucirct 2019 6 Deacutecision ndeg2021-816 DC du 15 avril 2021 Loi organique relative agrave la simplification des ex-peacuterimentations mises en œuvre sur le fondement du quatriegraveme alineacutea de larticle 72 de la Cons-

titution 7 M Jean-Jacques Urvoas Rapport drsquoinformation ndeg 489 du 12 deacutecembre 2012 sur les impli-

cations constitutionnelles drsquoune ratification par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

7

de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

19

Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

25

langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

29

laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

30

D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

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M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

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laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

13

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

14

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 8: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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de signaleacutetique routiegravere8 ou de lrsquoutilisation de la langue reacutegionale dans des

organes deacutelibeacuterants9

Agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoentreacutee dans lrsquoarticle 75-1 (dont on relegravevera lrsquoeacuteloignement vo-

lontaire vis-agrave-vis de lrsquoarticle 2) de lrsquoeacuteleacutevation des langues reacutegionales au rang de

laquo patrimoine de la France raquo en 2008 certains espoirs avaient pu ecirctre leacutegitime-

ment nourris Cette preacutecision nrsquoest pas loin srsquoen faut le seacutesame pour la rati-

fication de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires10 qui

en lrsquoeacutetat actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte des

clauses jugeacutees contraires agrave la Constitution

B Le contexte international

Il faut ici distinguer deux niveaux Si le contexte international est favorable

agrave la protection et promotion des langues reacutegionales crsquoest en raison drsquoune part

des engagements internationaux que la France les ait ratifieacutes ou non drsquoautre

part de la plupart des constitutions des pays voisins qui accordent une place

speacutecifique aux langues reacutegionales

En 1999 faisant la synthegravese de ses deacutecisions anteacuterieures11 le

Conseil constitutionnel a estimeacute que la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires ne pouvait au vu des principes drsquouniciteacute du peuple fran-

ccedilais drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique et drsquoeacutegaliteacute des citoyens ecirctre ratifieacutee

laquo La Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires en ce

qursquoelle confegravere des droits speacutecifiques agrave des groupes de locuteurs de

8 Tribunal administratif de Montpellier 12 octobre 2010 Mouvement reacutepublicain de salut pu-blic ndeg0903420 Cour Administrative dAppel de Marseille 28 juin 2012 Commune de Ville-neuve-les-Maguelone ndeg 10MA04419 9 Conseil drsquoEacutetat 29 mars 2006 Haut-Commissaire de la Reacutepublique en Polyneacutesie Franccedilaise

ndeg282335 Rec 179 22 feacutevrier 2007 Socieacuteteacute immobiliegravere Caroline ndeg299649 Cour adminis-trative drsquoappel de Marseille 13 octobre 2011 Commune de Galeria ndeg10MA02330 10 Table ronde (Jean-Eacuteric Gicquel Ferdinand Meacutelin-Soucramanien Michel Verpeaux et Jean-

Marie Woehrling) organiseacutee par la commission des lois 29 novembre 2012 sur les implications

constitutionnelles de la question de la ratification de la Charte europeacuteenne des langues reacutegio-

nales ou minoritaires httpswwwassemblee-nationalefr14cr-cloi12-13c1213022asp 11 Deacutecisions ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 loi relative agrave lrsquoemploi de la langue franccedilaise et

ndeg96-373 DC du 9 avril 1996 loi organique portant statut drsquoautonomie de la Polyneacutesie fran-ccedilaise

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

13

comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

17

La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

22

autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

23

Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

24

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

25

langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

29

laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

31

dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

32

Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

33

les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

3

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 9: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de territoires dans les-

quels ces langues sont pratiqueacutees porte atteinte aux principes constitu-

tionnels drsquoindivisibiliteacute de la Reacutepublique drsquoeacutegaliteacute devant la loi et drsquouniciteacute

du peuple franccedilais raquo12

Le Conseil se deacutefendant au passage de meacutepriser les langues reacutegionales parmi

les engagements souscrits par la France preacutecise-t-il laquo la plupart au demeu-

rant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France

en faveur des langues reacutegionales raquo

Parmi les arguments qui plaident en faveur drsquoune ratification figure celui de

lrsquoeacutevolution du contexte Honorer de la ratification un texte deacutejagrave signeacute ne se

pose aujourdrsquohui plus dans les mecircmes termes qursquoen 1999 La reacuteforme cons-

titutionnelle de 2003 - dont certains aspects ont eacuteteacute affineacutes en 2008 - rappe-

lons-le a consideacuterablement modifieacute la vision jacobine de notre Reacutepublique qui

reconnaicirct agrave preacutesent lrsquoexistence de laquo populations raquo en son sein les particula-

rismes locaux et les neacutecessiteacutes des adaptations normatives Mais la ratification

par la France de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires

qui avait eacuteteacute voteacutee le 28 janvier 2014 par lrsquoAssembleacutee nationale a eacuteteacute rejeteacutee

par le Seacutenat le 27 octobre 2015 Soulignons que ce rejet nrsquoempecircche pas la

force du contexte qui est au niveau europeacuteen largement favorable agrave la pro-

tection et promotion des langues reacutegionales La France a par ailleurs ratifieacute

drsquoautres conventions internationales qui permettent de poursuivre cet objec-

tif tel est par exemple le cas de la Convention pour la sauvegarde du patri-

moine culturel immateacuteriel de 2003 et de la Convention sur la protection et la

promotion de la diversiteacute des expressions culturelles de 2005 qui rappelle no-

tamment dans son preacuteambule laquo que la diversiteacute linguistique est un eacuteleacutement

fondamental de la diversiteacute culturelle raquo et reacuteaffirme laquo le rocircle fondamental que

joue lrsquoeacuteducation dans la protection et la promotion des expressions cultu-

relles raquo

12 Il srsquoagissait lagrave au demeurant drsquoune affirmation tregraves discutable car la lettre de la Charte

nrsquoimposait nullement mecircme si elle lrsquoencourageait que des droits speacutecifiques fussent reconnus agrave des groupes (voir Guy Carcassonne Rapport au Premier ministre sur la compatibiliteacute entre la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minoritaires et la Constitution septembre 1998

httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics984001697)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

22

autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

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langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

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qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

3

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

4

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

16

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

17

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

18

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 10: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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Le droit compareacute apporte la preuve irreacutefutable de lrsquoabsence drsquoin-

compatibiliteacute entre le caractegravere indivisible voire unitaire drsquoune Reacutepublique

et la reconnaissance des langues reacutegionales en son sein13 Un tour drsquohorizon

des textes des constitutions europeacuteennes et des deacutecisions des cours constitu-

tionnelles permet de mettre en eacutevidence plusieurs eacuteleacutements significatifs Le

droit compareacute nous enseigne que juridiquement la question des langues srsquoap-

preacutehende agrave travers deux prismes premiegraverement celui de la forme de lrsquoEacutetat

Le lien entre uniteacute de lrsquoEacutetat et unilinguisme est aussi eacutevident que celui entre

Eacutetat composeacute (reacutegional ou feacutedeacuteral) et multilinguisme Deuxiegravemement celui des

droits des locuteurs Selon cette acception les langues reacutegionales sont tradi-

tionnellement associeacutees de maniegravere neacutegative au principe de non-discrimina-

tion de maniegravere positive aux droits linguistiques dont les locuteurs seraient

les beacuteneacuteficiaires14

En droit constitutionnel compareacute lrsquoameacutenagement de la pluraliteacute linguistique

diverge selon que les Eacutetats reconnaissent une pluri-officialiteacute sur lrsquoensemble

du territoire ou au seul niveau local La premiegravere hypothegravese est celle naturel-

lement choisie par la Belgique et la Suisse Eacutetats feacutedeacuteraux europeacuteens Selon

lrsquoarticle 4 de la Constitution helveacutetique laquo les langues nationales sont lrsquoalle-

mand le franccedilais lrsquoitalien et le romanche raquo De son cocircteacute la Constitution belge

eacutenonce que laquo la Belgique comprend trois communauteacutes la Communauteacute fran-

ccedilaise la Communauteacute flamande et la Communauteacute germanophone raquo et fait

eacutegalement reacutefeacuterence agrave laquo quatre reacutegions linguistiques la reacutegion de langue fran-

ccedilaise la reacutegion de langue neacuteerlandaise la reacutegion bilingue de Bruxelles-Capi-

tale et la reacutegion de langue allemande raquo En revanche lrsquoItalie et lrsquoEspagne ne

reconnaissent qursquoune seule langue officielle sur lrsquoensemble du territoire en

mecircme temps qursquoest ameacutenageacutee au niveau local la pluraliteacute linguistique Crsquoest

13 Voir Veacuteronique Bertile Langues reacutegionales ou minoritaires et Constitution France Espagne et Italie Bruylant Collection Droit public compareacute et europeacuteen 2008 516 p et Wanda Mas-

tor laquo Le statut constitutionnel des langues reacutegionales en droit compareacute De la reconnaissance agrave lrsquoindiffeacuterence raquo Glottopol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html 14 Voir le Rapport explicatif de de la Charte europeacuteenne des langues reacutegionales ou minori-

taires Conseil de lrsquoEurope Seacuterie des Traiteacutes europeacuteens ndeg148 Strasbourg 5 novembre 1992 httpsrmcoeint16800cb620

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

13

comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

15

Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

17

La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

18

celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

20

312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

21

Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

22

autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

23

Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

24

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

25

langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

29

laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

30

D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

31

dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

32

Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

33

les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

19

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

20

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 11: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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ce second type drsquoameacutenagement qui est ici inteacuteressant agrave observer les Eacutetats

reacutegionaux italien15 et espagnol16 eacutetant qualifieacutees par leurs constitutions drsquoin-

divisibles (et mecircme eacutegalement laquo un raquo pour lrsquoItalie alors que le mot a disparu

de la Constitution franccedilaise)

De maniegravere scheacutematique plusieurs postures essentielles vis-agrave-vis des langues

reacutegionales peuvent ecirctre observeacutees dans lrsquoEurope contemporaine La majoriteacute

des pays voisins confegraverent aux langues reacutegionales des statuts juridiques dif-

feacuterencieacutes Coexistent parfois une langue majoritaire et des langues minori-

taires qui beacuteneacuteficient de mesures protectrices Dans ce cas les langues reacutegio-

nales jouissent drsquoune reconnaissance mais seulement au niveau drsquoun terri-

toire identifieacute Pour le dire autrement elles ne concurrencent pas la langue

majoritaire au niveau national Il ne srsquoagit ni plus ni moins que lrsquoexpression

drsquoun droit agrave la diffeacuterence Drsquoun droit agrave la diffeacuterenciation pour reprendre un

terme qui a actuellement les faveurs du gouvernement franccedilais Drsquoautres pays

ont mis en place le bilinguisme officiel qui peut srsquoexprimer dans plusieurs

variantes Ce statut confegravere aux citoyens en principe du moins le choix duti-

liser lune ou lautre des langues officielles dans leurs rapports avec lEacutetat

Cette co-officialiteacute peut srsquoopeacuterer au niveau de tout le territoire (comme en Bel-

gique et en Suisse par exemple) ou seulement sur une partie de celui-ci

(comme en Espagne ou en Italie)

On pourrait objecter que la comparaison avec lrsquoEspagne et lrsquoItalie deux Eacutetats

reacutegionaux nrsquoest pas pertinente Or ces deux Eacutetats sont qualifieacutes de Royaume

ou Reacutepublique indivisibles par leurs constitutions respectives indivisibiliteacute

qui nrsquoempecircche pas la reconnaissance la protection et la promotion des

langues reacutegionales en leur sein Ainsi la Constitution espagnole consacre clai-

rement le multilinguisme dans le cadre de ses communauteacutes autonomes17

15 Article 5 de la Constitution de la Reacutepublique italienne de 1947 laquo La Reacutepublique une et indivisible reconnaicirct et favorise les autonomies locales (hellip) raquo 16 Article 2 de la Constitution du Royaume drsquoEspagne de 1978 laquo La Constitution est fondeacutee

sur luniteacute indissoluble de la nation espagnole patrie commune et indivisible de tous les Es-

pagnols Elle reconnaicirct et garantit le droit agrave lautonomie des nationaliteacutes et des reacutegions qui la

composent et la solidariteacute entre elles raquo 17 En vertu de lrsquoarticle 3 de la Constitution espagnole

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

11

tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

13

comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

15

Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

16

des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

17

La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

18

celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

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autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

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langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

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laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 12: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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tout comme lrsquoItalie laquo Reacutepublique une et indivisible raquo laquo protegravege par des mesures

particuliegraveres les minoriteacutes linguistiques raquo (article 6)

Cette rapide eacutetude comparative permet de mettre en eacutevidence la singulariteacute de

la France au sein drsquoune Europe qui srsquoenorgueillit de se deacutefinir agrave travers la

richesse de sa diversiteacute Mais notamment depuis la loi constitutionnelle de

2008 le leacutegislateur franccedilais a agi dans le sens drsquoune protection et promotion

des langues reacutegionales la loi du 8 avril 2021 srsquoinscrivant dans ce processus

logique et coheacuterent

C Le contexte parlementaire franccedilais

La loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit donc dans un mouvement leacutegislatif reacutepondant agrave

lrsquoadresse du pouvoir constituant Laquelle concerne aussi le pouvoir exeacutecutif

La politique du ministegravere de lrsquoeacuteducation pour la deacutetermination du nombre de

places pour lrsquoagreacutegation et le CAPES des langues reacutegionales devrait aller de

pair avec les lois qui mettent en œuvre lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Ainsi

pour la langue basque il nrsquoy a pas eu de concours drsquoagreacutegation externe depuis

2018 anneacutee 2021 comprise il y a un seul poste pour lrsquoagreacutegation interne en

2021 2 pour le CAPES externe en 2021 et 2 pour le CAPES interne Pour la

langue bretonne et pour ne citer que lrsquoanneacutee en cours il y a un poste agrave lrsquoagreacute-

gation externe pas de concours pour lrsquoagreacutegation interne deux postes pour

le CAPES externe et 2 pour le CAPES interne Pour la langue corse il nrsquoy a pas

de concours cette anneacutee pour lrsquoagreacutegation externe et interne deux pour le

CAPES externe et aucun pour le CAPES interne Pour lrsquooccitan toujours pour

2021 il y a un poste pour lrsquoagreacutegation externe pas de concours pour lrsquoagreacute-

gation interne quatre pour le CAPES externe et un pour le CAPES interne

Ceci eacutetant juste preacuteciseacute il faut agrave preacutesent se concentrer sur lrsquoaction parlemen-

taire de mise en œuvre des dispositions de la Constitution

laquo 1 Le castillan est la langue espagnole officielle de lEacutetat Tous les Espagnols ont le devoir de

le connaicirctre et le droit de lutiliser

2 Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communauteacutes autonomes

respectives conformeacutement agrave leurs statuts

3 La richesse de la diversiteacute linguistique de lEspagne est un patrimoine culturel qui fait lobjet dun respect et dune protection speacuteciales raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

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La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

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Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

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312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

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Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

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autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

25

langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

26

qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

27

la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

3

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

4

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

18

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

19

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

20

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
Page 13: Décision n° 2021 – 818 DC - Conseil constitutionnel

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Videacutee drsquoune large part de sa substance en premiegravere lecture par la commission

des affaires culturelles et de leacuteducation de lrsquoAssembleacutee nationale la proposi-

tion de loi du deacuteputeacute Molac a ensuite retrouveacute ses objectifs initiaux gracircce agrave la

proceacutedure parlementaire qui donne agrave notre reacutegime repreacutesentatif tout son

sens discussions en commissions deacutebats en seacuteances publiques navette

amendements multiples pour parvenir agrave une adoption deacutefinitive agrave une majo-

riteacute non importante mais eacutecrasante des voix Agrave quelques heures de la pro-

mulgation de la loi par le Preacutesident de la Reacutepublique une partie de cette mecircme

majoriteacute a neacuteanmoins saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de lrsquoarticle

61 alineacutea 2 de la Constitution

Deacutepocirct de la proposition de loi

Deacuteposeacutee le 30 deacutecembre 2019 par le deacuteputeacute Paul Molac et autres deacuteputeacutes18

la proposition de loi apporte des mesures de protection et de promotion des

langues reacutegionales dans trois domaines le patrimoine lrsquoenseignement les

services publics via la signaleacutetique et les actes drsquoeacutetat civil Elle a eacuteteacute adopteacutee

le 8 avril 2021 par 247 voix pour 76 voix contre et 19 abstentions au terme

de la proceacutedure ci-dessous rappeleacutee

Renvoi agrave la commission des affaires culturelles et de leacuteducation

La proposition de loi a eacuteteacute renvoyeacutee agrave la commission des affaires cultu-

relles et de leacuteducation agrave deacutefaut de constitution drsquoune commission speacuteciale

dans les deacutelais preacutevus par les articles 30 et 31 du Regraveglement Le rapport fait

au nom de la commission par le deacuteputeacute Paul Molac nommeacute par elle a eacuteteacute

enregistreacute agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee nationale le 5 feacutevrier 2020 Preacutesenteacute

18 Sylvain BRIAL Jean-Feacutelix ACQUAVIVA Michel CASTELLANI Jean-Michel CLEacuteMENT

Paul-Andreacute COLOMBANI Charles de COURSON Jeanine DUBIEacute Freacutedeacuterique DUMAS Mrsquojid

EL GUERRAB Olivier FALORNI Yannick FAVENNEC BECOT Sandrine JOSSO Franccedilois-Mi-

chel LAMBERT Matthieu ORPHELIN Bertrand PANCHER Sylvia PINEL Franccedilois PUPPONI

Philippe VIGIER

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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comme un moyen de deacutefendre les laquo langues de France raquo19 en danger et srsquoap-

puyant sur lrsquoexistant qui est la marque drsquoune eacutevolution rappeleacutee plus loin (II)

le texte entend laquo aller plus loin raquo en rehaussant la protection lrsquoaccessibiliteacute et

la visibiliteacute des langues reacutegionales dans les trois domaines preacuteciteacutes

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle premier re-

latif au patrimoine Ce dernier preacutecise en compleacutetant ainsi lrsquoar-

ticle L 1 du code du patrimoine que la conservation et la con-

naissance du patrimoine immateacuteriel sont drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et que

les langues reacutegionales font partie de ce patrimoine

o La commission a adopteacute sans modifications lrsquoarticle 2 qui pro-

pose drsquoinclure parmi les treacutesors nationaux les biens preacutesentant

un inteacuterecirct majeur pour la connaissance des langues franccedilaise et

reacutegionales Le texte preacutevoit en effet outre pour les langues reacutegio-

nales des mesures de protection de notre patrimoine linguistique

dans une deacutemarche globale

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 3 qui disposait que des con-

ventions passeacutees entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pouvaient preacutevoir que

la langue reacutegionale est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de

lrsquohoraire normal des enseignements (des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires des collegraveges et des lyceacutees des territoires concerneacutes) Il

ne srsquoagissait pourtant que drsquoeacutetendre une regravegle deacutejagrave applicable en

Corse pour lrsquoenseignement de la langue corse lrsquoarticle L 312-11-

1 du code de lrsquoeacuteducation introduit par la loi ndeg 2002-92 du

22 janvier 2002 relative agrave la Corse dispose en effet que la langue

corse est une matiegravere enseigneacutee dans le cadre de lrsquohoraire normal

des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires de Corse Le Conseil cons-

titutionnel nrsquoa pas censureacute cette disposition tant que lrsquoenseigne-

ment eacutetait entendu comme ne revecirctant pas laquo un caractegravere obliga-

toire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo (deacutecision ndeg2001-

454 DC du 17 janvier 2002)

19 Sur cette notion de laquo langues de France raquo voir Les langues de France vingt ans apregraves Glot-topol ndeg34 2020 httpglottopoluniv-rouenfrnumero_34html

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 4 qui preacutevoyait que lenseigne-

ment bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale pouvait se reacuteali-

ser sous forme immersive laquo dans le respect des objectifs de maicirc-

trise des deux langues agrave chaque niveau denseignement raquo

o La commission a supprimeacute les articles 5 et 6 de la proposition de

loi Le premier manifestait la volonteacute drsquointroduire au sein drsquoun

nouvel article L 151-4-1 du code de lrsquoeacuteducation une deacuterogation

au principe drsquointerdiction de financement des deacutepenses drsquoinves-

tissement des eacutecoles priveacutees par les collectiviteacutes publiques en fa-

veur de lrsquoenseignement bilingue en franccedilais et en langue reacutegionale

(article 5 de la proposition de loi) Le second eacutetendait la mecircme

deacuterogation au principe drsquointerdiction de financement des deacute-

penses drsquoinvestissement des collegraveges et lyceacutees par les collectiviteacutes

publiques

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 7 qui preacutevoyait drsquoeacutelargir les

cas dans lesquels existe un droit agrave inscrire son enfant dans une

eacutecole drsquoune autre commune afin qursquoil puisse suivre un enseigne-

ment de langue reacutegionale Inscription qui entraicircnait eacutegalement la

prise en charge du forfait scolaire par la commune de reacutesidence

o La commission a adopteacute avec modifications lrsquoarticle 8 qui a pour

objet de renforcer la place et lrsquousage des langues reacutegionales dans

la vie publique en facilitant la traduction en langue reacutegionale des

inscriptions et signaleacutetiques apposeacutees sur les bacirctiments publics

les voies publiques de circulation et les voies navigables ainsi que

sur les principaux supports de communication institutionnelle

des services publics

o La commission a supprimeacute lrsquoarticle 9 qui avait pour objet la pos-

sibiliteacute pour les services publics drsquoeacutetat civil drsquoutiliser dans les

actes drsquoeacutetat civil qursquoils produisent les signes diacritiques des

langues reacutegionales en usage sur le territoire

o Enfin la commission a eacutegalement supprimeacute lrsquoarticle 10 qui preacute-

voyait un gage pour compenser les charges eacuteventuelles creacuteeacutees par

les dispositions de la proposition de loi

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Crsquoest donc un texte largement laquo eacutepureacute raquo par rapport agrave sa version initiale qui a

eacuteteacute soumis agrave la discussion en seacuteance publique en premiegravere lecture agrave lrsquoAssem-

bleacutee nationale Le porteur de la proposition va naturellement utiliser toutes

les potentialiteacutes offertes par la Constitution pour tenter de revenir par le biais

des amendements agrave son esprit initial

Discussion du texte nordm2654 adopteacute par la commission sur la proposition

de loi de M Paul Molac agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion (2548)

85 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes permettant de revenir sur peu de points

cependant agrave lrsquoobjectif initial de la proposition de loi Ainsi lrsquoamendement ndeg64

deacuteposeacute le 10 feacutevrier 2020 par le deacuteputeacute et rapporteur Paul Molac a permis de

rectifier lrsquoaspect purement deacuteclaratoire de lrsquoarticle premier auquel avait conclu

la commission lrsquoamendement ndeg69 deacuteposeacute le mecircme jour par Paul Molac eacutega-

lement permet lrsquoautorisation dans les actes drsquoeacutetat civil des signes diacritiques

des langues reacutegionales lrsquoamendement ndeg80 toujours deacuteposeacute par Paul Molac

modifie la loi Toubon (article 3 du texte de loi deacutefinitif) Mais agrave ce stade de la

discussion parlementaire le texte eacutetait encore dans une version tregraves eacuteloigneacutee

de sa mouture premiegravere

Adoption le 13 feacutevrier 2020 de la laquo petite loi raquo nordm408 par lAssem-

bleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegio-

nales et agrave leur promotion

Transmission au Seacutenat de la proposition de loi ndeg321 le 14 feacutevrier

2020

o Travaux en commission La commission de la culture de lrsquoeacuteduca-

tion et de la communication a deacutesigneacute Mme Monique de Marco

rapporteure sur la proposition de loi ndeg321 (2019-2020) adopteacutee

par lAssembleacutee nationale relative agrave la protection patrimoniale

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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des langues reacutegionales et agrave leur promotion Commenccedilant par deacute-

clarer que laquo la question de la promotion des langues reacutegionales

deacutepasse les clivages politiques raquo Monique de Marco a proposeacute en

commission dadopter le texte conforme tout en avouant que des

dispositifs leacutegislatifs laquo plus ambitieux pourraient mieux assurer la

promotion des langues reacutegionales raquo Au cours des discussions le

regret de lrsquoabsence de la question de lrsquoenseignement a eacuteteacute exprimeacute

regret qui concerne en reacutealiteacute non la proposition de loi initiale

mais le texte de la commission de lrsquoAssembleacutee nationale laquo La pro-

position de loi de Paul Molac est la bienvenue parce quelle rap-

pelle agrave lEacutetat un certain nombre de ses obligations en ce quelle

preacutevoit un cadrage de la loi Toubon et quelle seacutecurise la place

des langues dans lespace public En revanche nous avons tous

eacuteteacute surpris par labsence totale de reacutefeacuterence agrave lEacuteducation natio-

nale Nous avons donc fait des recherches qui ont montreacute que les

deacuteputeacutes de la majoriteacute preacutesidentielle certainement agrave lappel du

ministre de leacuteducation nationale avaient systeacutematiquement sup-

primeacute tous les articles concernant lenseignement Nous nous re-

trouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les

langues reacutegionales qui ne dit pas un mot de lenseignement

comme sil pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des

langues reacutegionales qui ne passe pas par lenseignement raquo Et le

seacutenateur Max Brisson drsquoen appeler agrave la reacuteinsertion des disposi-

tions sur lrsquoenseignement laquo Ma chegravere collegravegue vous avez proposeacute

un vote conforme mais jespegravere que nous ferons preuve dimagi-

nation dans lheacutemicycle pour deacuteposer quelques amendements qui

rappelleront au Gouvernement quil ny a pas de politique linguis-

tique qui ne sappuie sur leacuteducation Sinon cest de lenfu-

mage raquo20

20 Comptes-rendus de la commission de la culture de lrsquoeacuteducation et de la communication

seacuteance du 2 deacutecembre 2020 httpwwwsenatfrcompte-rendu-commis-

sions20201130culturehtmltoc5

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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La rapporteure confirme que laquo lrsquoamputation raquo est le fait des deacutepu-

teacutes et tout en srsquoavouant prudente pousse indirectement ses col-

legravegues seacutenateurs agrave user du droit drsquoamendement laquo Nous venons

dentendre un veacuteritable plaidoyer en faveur des langues reacutegio-

nales Mecircme si cette proposition de loi ne donne pas entiegravere satis-

faction car elle a eacuteteacute largement amputeacutee par lAssembleacutee natio-

nale je preacutefegravere my tenir dans un premier temps par prudence

Et libres agrave vous de deacuteposer des amendements raquo

Aucun amendement nayant eacuteteacute deacuteposeacute en commission le texte

qui en eacutetait issu ne comportait toujours pas de dispositions rela-

tives agrave lenseignement

o Seacuteance publique Vingt amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes notam-

ment celui (deacuteposeacute agrave lidentique par des seacutenateurs issus de six

groupes diffeacuterents) preacutevoyant drsquoinseacuterer agrave lrsquoarticle L 442-5-1 du

code de lrsquoeacuteducation un alineacutea ainsi reacutedigeacute laquo La participation fi-

nanciegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un

enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle

L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence

et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune

autre commune agrave la condition que la commune de reacutesidence ne

dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegio-

nale raquo

Sans surprise lrsquoavis du Gouvernement exprimeacute par le ministre

Jean-Michel Blanquer fut deacutefavorable regrettant au passage

laquo drsquoecirctre sans cesse obligeacute drsquooccuper la position du jacobin reacutetif

sur la deacutefensive alors mecircme que nous avons une politique de pro-

motion des langues reacutegionales Simplement agrave certains moments

ndash par exemple avec la rupture de lrsquoeacutequilibre entre enseignement

public et enseignement priveacute ou avec la creacuteation drsquoune obligation

suppleacutementaire pour les communes ndash les propositions vont trop

loin et cela conduit agrave me placer face aux geacuteneacuterositeacutes diverses

dans la position deacutesagreacuteable du gardien des principes ou dans

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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celle du gardien de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral En effet derriegravere ces deacutebats

se pose la question de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et de la posteacuteriteacute de la loi

Carle car vous risquez de creacuteer un deacuteseacutequilibre alors que cette loi

repreacutesentait un point drsquoeacutequilibre raquo21

o Adoption du texte ndeg32 modifieacute par le Seacutenat le 10 deacutecembre 2020

Le Seacutenat a adopteacute trois articles additionnels (2 ter 2 quater et

2 quinquies) qui rejoignent les positions du deacuteputeacute Paul Molac et

reacutetablit lrsquoarticle 3 (modifieacute) de la proposition de loi qui avait eacuteteacute

supprimeacute en premiegravere lecture agrave lrsquoAssembleacutee nationale

Deuxiegraveme lecture

o Rapport sur la proposition de loi modifieacutee par le Seacutenat relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promo-

tion (ndeg3658) ndeg4035 Sur les six articles supprimeacutes agrave lrsquoAssem-

bleacutee lrsquoarticle 3 a eacuteteacute reacutetabli au Seacutenat qui a par ailleurs adopteacute

trois articles additionnels (2 ter 2 quater et 2 quinquies) Lrsquoen-

semble eacutetant conforme agrave lrsquoesprit de la proposition de loi initiale le

rapporteur souhaite que lrsquoAssembleacutee nationale adopte en deu-

xiegraveme lecture un texte identique agrave celui voteacute par le Seacutenat pour

les quatre articles restant en discussion et nrsquoa donc pas preacutesenteacute

drsquoamendements Mais lrsquoarticle 2 quinquies (article 6 du texte deacute-

finitif) ayant eacuteteacute supprimeacute en commission 16 amendements deacute-

poseacutes agrave lrsquoidentique par 115 deacuteputeacutes membres de huit diffeacuterents

groupes parlementaires ont permis de le reacuteintroduire en seacuteance

o Discussion en seacuteance publique le 8 avril 2021 au cours de la-

quelle 262 amendements ont eacuteteacute deacuteposeacutes

o Adoption deacutefinitive le 8 avril 2021 en deuxiegraveme lecture de la

proposition de loi TA nordm591 relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

21 Compte rendu inteacutegral des deacutebats Seacuteance du 10 deacutecembre 2020 httpwwwse-natfrseancess202012s20201210s20201210007htmlsection708

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

19

Saisine du Conseil constitutionnel du 22 avril 2021 par au moins

soixante deacuteputeacutes en application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitu-

tion

Soit un jour avant que nrsquoexpire le deacutelai de saisine du Conseil constitu-

tionnel la promulgation de la loi par le preacutesident de la Reacutepublique devant

intervenir dans les 15 jours de lrsquoadoption deacutefinitive La saisine du Conseil

constitutionnel est un acte non grave mais solennel qui perturbe le temps

leacutegislatif ne serait-ce que pour cette raison elle meacuterite un soin particulier

Soin envers lrsquoinstitution agrave laquelle elle srsquoadresse et agrave qui elle impose des

charges suppleacutementaires soin envers la Constitution qursquoelle entend pro-

teacuteger La lettre de saisine ou du moins la version qui a circuleacute manifeste-

ment reacutedigeacutee agrave la hacircte nrsquoest pas agrave la hauteur du seacuterieux qursquoexige de ma-

niegravere impeacuterieuse cette deacutemarche Une lettre de saisine ne saurait se limiter

agrave invoquer en tregraves peu de lignes la violation de laquo principes constitutionnels raquo

sans que ceux-ci ne soient deacutetailleacutes ni mecircme indiqueacutes Le seul article mis

en cause est lrsquoarticle 6 de la loi qui modifie lrsquoarticle L 442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation

II Discussion de la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la loi

relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Les deacuteputeacutes auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel la

censure de lrsquoarticle 6 de la loi

laquo Les sixiegraveme et septiegraveme alineacuteas de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacutedu-

cation sont remplaceacutes par un alineacutea ainsi reacutedigeacute

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacuteta-

blissements priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispen-

sant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacuteta-

blissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune

agrave la condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dis-

pensant un enseignement de langue reacutegionale raquo

Une commune dont aucune eacutecole ne propose denseignement de langue reacutegio-

nale devrait donc participer aux frais de scolarisation des enfants domicilieacutes

sur son territoire qui suivent un tel enseignement dans un eacutetablissement situeacute

sur une autre commune Le dispositif concerne les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat drsquoassociation qui sont dans les faits majoritaire-

ment associatifs et laiumlques Cet enseignement peut aussi concerner les eacuteta-

blissements confessionnels mais il faut drsquoembleacutee preacuteciser que comme lrsquoa jugeacute

le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi dite laquo Carle raquo le principe

de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute pour le leacutegislateur de preacutevoir la

participation des collectiviteacutes publiques au financement du fonctionnement

des eacutetablissements denseignement priveacute sous contrat dassociation

laquo Consideacuterant quil reacutesulte des regravegles ou principes agrave valeur constitution-

nelle (hellip) que le principe de laiumlciteacute ne fait pas obstacle agrave la possibiliteacute

pour le leacutegislateur de preacutevoir sous reacuteserve de fonder son appreacuteciation

sur des critegraveres objectifs et rationnels la participation des collectiviteacutes

publiques au financement du fonctionnement des eacutetablissements den-

seignement priveacutes sous contrat dassociation selon la nature et limpor-

tance de leur contribution agrave laccomplissement de missions denseigne-

ment raquo (deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 cons 6)

Lrsquoinstauration du laquo forfait scolaire communal raquo ne poursuit pas un objectif de

sanction financiegravere des communes deacutemunies doffre en langue reacutegionale mais

celui de les inciter agrave en proposer Drsquoailleurs lrsquoarticle premier de la loi deacutefeacutereacutee

souligne que laquo LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales concourent agrave lrsquoenseigne-

ment agrave la diffusion et agrave la promotion de ces langues raquo Comme preacuteciseacute plus

loin les maires sont dispenseacutes du paiement drsquoun tel forfait degraves lors qursquoun

enseignement drsquoune langue reacutegionale y compris au titre drsquoune simple initia-

tion est proposeacute dans leur commune

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Il faut souligner que les articles relatifs agrave lrsquoenseignement ont eacuteteacute introduits par

les seacutenateurs Plus exactement ces derniers ont reacuteintroduit la disposition qui

autorise la conclusion de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions pour eacutetendre

lrsquooffre drsquoenseignement en langue reacutegionale aux eacutetablissements publics dans le

cadre horaire normal sous des formes speacutecifiques et inseacutereacute trois articles un

premier autorise lrsquoenseignement dit laquo immersif raquo en langue reacutegionale un deu-

xiegraveme le forfait scolaire communal dont il est ici question un troisiegraveme est

relatif agrave lenseignement des langues reacutegionales agrave Mayotte territoire qui du fait

de sa deacutepartementalisation reacutecente ne pouvait jusqualors pas beacuteneacuteficier des

possibiliteacutes offertes aux autres deacutepartements concernant lenseignement de

ces langues

Trois remarques doivent ecirctre faites sur lrsquoinsertion relative agrave lrsquoenseignement des

langues reacutegionales lors des horaires normaux Premiegraverement cette disposition

existe deacutejagrave pour la Collectiviteacute de Corse deuxiegravemement cet enseignement

doit se faire moyennant un accord entre lrsquoEacutetat et les reacutegions (laquo dans le cadre

de conventions entre lrsquoEacutetat et les reacutegions la collectiviteacute de Corse la Collectiviteacute

europeacuteenne drsquoAlsace ou les collectiviteacutes territoriales reacutegies par lrsquoarticle 73 de

la Constitution raquo) troisiegravemement il srsquoagit drsquoune option facultative qursquoin fine

les familles deacutecident ou non de prendre

En reacutesumeacute et conclusion la disposition de lrsquoarticle 3

1 Existe deacutejagrave pour une collectiviteacute en lrsquooccurrence la collectiviteacute de Corse

2 Est strictement encadreacutee (existence drsquoun accord entre lrsquoEacutetat et les reacute-

gions)

3 Est conforme agrave la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le ca-

ractegravere facultatif de lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale Dans sa deacute-

cision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi relative agrave la Corse le

Conseil constitutionnel a fixeacute le cadre de lrsquoenseignement drsquoune langue

reacutegionale dans le cadre de lrsquohoraire normal en consideacuterant que laquo si lrsquoen-

seignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquohoraire nor-

mal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir pour

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les ensei-

gnants qursquoil ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les eacutelegraveves

aux droits et obligations applicables agrave lrsquoensemble des usagers des eacuteta-

blissements qui assurent le service public de lrsquoenseignement ou sont

associeacutes agrave celui‑ci Consideacuterant qursquoil reacutesulte de ce qui preacutecegravede que sous

reacuteserve que lrsquoenseignement de la langue corse revecircte tant dans son prin-

cipe que dans ses modaliteacutes de mise en œuvre un caractegravere facultatif

[cette disposition] nrsquoest contraire ni au principe drsquoeacutegaliteacute ni agrave aucun

autre principe ou regravegle de valeur constitutionnelle raquo (cons 24 et 25)

La loi du 8 avril 2021 ne propose pas autre chose et srsquoinscrit en tous

points sur cette ligne deacutejagrave jugeacutee par le Conseil constitutionnel

Lrsquoarticle 6 srsquoinsegravere de maniegravere logique et coheacuterente dans lrsquoensemble des articles

de la loi relative agrave lrsquoenseignement Avant drsquoen examiner dans les deacutetails la

conformiteacute agrave la Constitution il faut souligner que le Seacutenat a deacutejagrave voteacute le prin-

cipe de ce forfait scolaire communal agrave deux reprises

1 Il lrsquoa drsquoabord inseacutereacute dans le projet de loi pour une eacutecole de la confiance

en premiegravere lecture Crsquoest la commission mixte paritaire qui a ajouteacute les

mots laquo contribution volontaire raquo ocirctant au forfait son caractegravere obliga-

toire22

2 Il a reacuteaffirmeacute sa position lors de lrsquoexamen de la proposition de loi ici

discuteacutee supprimant les mots laquo contribution volontaire raquo de la loi en vi-

gueur

Agrave cet argument deacutemocratique respectueux du bicameacuteralisme et rappelant que

le Seacutenat laquo assure la repreacutesentation des collectiviteacutes territoriales de la Reacutepu-

blique raquo (article 24 alineacutea 4) srsquoajoutent les arguments juridiques suivants

22 Loi ndeg2019-791 du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance JORF ndeg0174 du 28 juillet

2019

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Primo cet article est en coheacuterence avec la leacutegislation existante en matiegravere drsquoen-

seignement des langues reacutegionales agrave lrsquoeacutecole confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute

juridique (A) Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contrevien-

nent pas au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des langues

reacutegionales affirmeacute par le Conseil constitutionnel (B) Tertio la loi ne porte pas

atteinte au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur une commune une nouvelle

charge (C) Quarto elle ne viole pas non plus en conseacutequence le principe de

libre administration des collectiviteacutes territoriales (D)

A Forfait scolaire communal et respect de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique

Cette exigence bien que non explicitement qualifieacutee de principe consti-

tutionnel par le Conseil constitutionnel se rattache notamment agrave la notion de

laquo garantie des droits raquo inscrite agrave lrsquoarticle 16 de la Deacuteclaration de 1789 laquo Toute

socieacuteteacute dans laquelle la garantie des droits nrsquoest pas assureacutee ni la seacuteparation

des pouvoirs deacutetermineacutee nrsquoa point de constitution raquo Deacutecoulant de lrsquoarticle 34

de la Constitution la clarteacute de la loi est un eacuteleacutement essentiel de la seacutecuriteacute

juridique agrave laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel a offert corps

et protection Aussi le principe de laccessibiliteacute et de lintelligibiliteacute de la loi a-

t-il eacuteteacute eacuterigeacute en objectif de valeur constitutionnelle (deacutecision ndeg99-421 DC du

16 deacutecembre 1999)

Mecircme si les principes de clarteacute drsquoaccessibiliteacute et drsquointelligibiliteacute de la loi per-

mettent avant tout drsquoimposer au leacutegislateur laquo drsquoadopter des dispositions suffi-

samment preacutecises et des formules non eacutequivoques afin de preacutemunir les sujets

de droit contre une interpreacutetation contraire agrave la Constitution ou contre le

risque drsquoarbitraire raquo (deacutecision ndeg2004-500 DC du 29 juillet 2004 cons 13) ils

concourent aussi agrave offrir aux citoyens la seacutecuriteacute juridique neacutee drsquoune cons-

truction drsquoensemble coheacuterente et sans rupture Laquelle se base depuis 2008

sur une disposition claire et sans ambiguiumlteacute de la Constitution laquo Les langues

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo (75-1) Elle est une in-

vitation aux repreacutesentants de leacutegifeacuterer pour proteacuteger et promouvoir lesdites

langues et la loi deacutefeacutereacutee srsquoinscrit dans la continuiteacute de ce qursquoils ont fait depuis

2008 notamment La coheacuterence est lrsquoune des artegraveres essentielles de lrsquoexigence

de seacutecuriteacute juridique qui impregravegne la jurisprudence du Conseil constitution-

nelle comme celle du Conseil drsquoEacutetat et de la Cour de cassation Sans ecirctre ex-

plicitement eacutenonceacutee par le Conseil constitutionnel lrsquoexigence de seacutecuriteacute juri-

dique est laquo efficiente raquo23 et est au cœur des preacuteoccupations des juges24 comme

de la doctrine Les Cahiers du Conseil constitutionnel lui consacrant un dossier

speacutecial dans sa livraison drsquooctobre 202025

La loi soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel reacutepond agrave lrsquoexigence de

seacutecuriteacute juridique en eacutetant le prolongement de lrsquoœuvre anteacuterieure du leacutegisla-

teur pour commencer la loi du 8 juillet 2013 drsquoorientation et de programma-

tion pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique qui reconnaicirct lrsquoenseigne-

ment bilingue franccedilais langue reacutegionale Dans lrsquoannexe de la loi figurent cinq

mentions compleacutementaires notamment celle concernant la possibiliteacute de

srsquoinscrire dans une eacutecole publique drsquoune autre commune lorsque la commune

de reacutesidence ne propose pas drsquoenseignement de langue reacutegionale Disposition

deacuteclarative qui a trouveacute une application concregravete dans la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) la parti-

cipation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes dans lrsquoenseigne-

ment public doit deacutesormais faire lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune drsquoac-

cueil et la commune de reacutesidence26

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle a

ajouteacute un nouveau motif de discrimination baseacute sur laquo la maitrise drsquoune autre

23 Bertrand Mathieu laquo La seacutecuriteacute juridique un principe clandestin mais efficient raquo Droit constitutionnel Meacutelanges Patrice Geacutelard LGDJ 1999 pp 301-305 24 En teacutemoigne notamment le fait que le Conseil drsquoEacutetat lui ait consacreacute deux rapports annuels celui de 1991 De la seacutecuriteacute juridique et celui de 2006 Seacutecuriteacute juridique et complexiteacute du droit 25 Dossier La seacutecuriteacute juridique Titre VII Les Cahiers du Conseil constitutionnel ndeg5 octobre

2020 26 Lrsquoarticle 104 de la loi NOTRe consacre par ailleurs la compeacutetence partageacutee des collectiviteacutes

locales dans la promotion des langues reacutegionales tout en donnant une place preacutepondeacuterante

agrave la reacutegion telle que preacutevue agrave lrsquoarticle 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de lrsquoaction publique territoriale et drsquoaffirmation des meacutetropoles (MAPTAM)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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langue que le franccedilais raquo qui concerne eacutegalement les langues reacutegionales Celle

du 28 feacutevrier 2017 de programmation relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend

inopeacuterant le deacutecret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le

ministegravere de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues Enfin

lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance vient eacutetendre

aux eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives une laquo contribution volontaire raquo

des communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoins-

crivant dans une eacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionale en

dehors de sa commune de reacutesidence

La loi du 8 avril 2021 soumise agrave lrsquoexamen du Conseil constitutionnel nrsquoest que

le prolongement et le compleacutement de lrsquoarticle L 212-8 du Code de lrsquoeacuteducation

qui preacutecise les conditions dans lesquelles pour lrsquoenseignement public une

commune doit contribuer au financement des deacutepenses scolaires drsquoun enfant

reacutesidant sur son territoire et scolariseacute dans une autre commune Elle vient le

compleacuteter de maniegravere parallegravele eacutetendant ce qui existe deacutejagrave pour lrsquoeacutecole pu-

blique agrave lrsquoeacutecole priveacutee sous contrat Confortant lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

elle ne viole par ailleurs aucun article de la Constitution et ne contredit pas

la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractegravere facultatif de lrsquoen-

seignement des langues reacutegionales

B Forfait scolaire communal et respect de la jurisprudence du Conseil

constitutionnel sur la langue franccedilaise

Secundo cet article et la loi dans son ensemble ne contreviennent pas

agrave lrsquoarticle 2 alineacutea premier de la Constitution (laquo La langue de la Reacutepublique est

le Franccedilais raquo) et au principe du caractegravere facultatif de lrsquoenseignement des

langues reacutegionales qui en deacutecoule affirmeacute par le Conseil constitutionnel La

langue de la Reacutepublique est et demeure le Franccedilais et agrave aucun moment la

loi du 8 avril 2021 nrsquoentend y porter atteinte Lrsquoapprentissage des langues reacute-

gionales se fait agrave ses cocircteacutes mais dans une mesure permettant leffectiviteacute pour

les enfants agrave acceacuteder agrave lenseignement des langues reacutegionales laquo patrimoine de

la France raquo selon les termes de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Apprentissage

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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qui pour certains enfants est lrsquoun des eacuteleacutements de leur laquo deacuteveloppement raquo au

sens de lrsquoalineacutea 10 du Preacuteambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (laquo La

Nation assure agrave lrsquoindividu et agrave la familles les conditions neacutecessaires agrave leur

deacuteveloppement raquo)

Ce que creacutee lrsquoarticle 6 agrave travers le forfait ce nrsquoest pas lrsquoenseignement obligatoire

de la langue reacutegionale mais la possibiliteacute de pouvoir beacuteneacuteficier de cet enseigne-

ment (sans prescription de deacutelai) qui demeure facultatif Le rapporteur Paul

Molac le reacuteaffirme au cours de la seacuteance publique du 8 avril 2021 laquo Je ne

suis pas favorable au caractegravere obligatoire de cet enseignement mais je consi-

degravere que tout eacutelegraveve qui souhaite le suivre doit pouvoir le faire raquo27

Ce faisant la loi sans contrevenir agrave la Constitution offre un contenu agrave son

article 75-1 La jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle

lrsquoenseignement des langues reacutegionales nrsquoa qursquoun caractegravere facultatif nrsquoest ici

absolument pas remise en cause Dans sa deacutecision ndeg99-412 DC du 15 juin

1999 il a souligneacute que le principe drsquouniciteacute du peuple franccedilais et lrsquoindivisibiliteacute

de la Reacutepublique assurant lrsquoeacutegaliteacute des citoyens devant la loi srsquoopposaient agrave laquo

ce que soient reconnus des droits collectifs agrave quelque groupe que ce soit deacutefini

par une communauteacute drsquoorigine de culture de langue ou de croyance raquo En

outre la langue de la Reacutepublique eacutetant le franccedilais il ne peut ecirctre reconnu un

laquo droit agrave pratiquer une langue autre que le franccedilais non seulement dans la vie

priveacutee mais eacutegalement dans la vie publique agrave laquelle la Charte rattache

la justice et les autoriteacutes administratives et services publics raquo

Deux remarques srsquoimposent drsquoembleacutee drsquoune part cette jurisprudence est an-

teacuterieure agrave lrsquoinsertion en 2008 par le pouvoir constituant de lrsquoarticle 75-1 dis-

posant que laquo les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France

raquo Cette remarque drsquoordre contextuel vient srsquoajouter agrave la suivante drsquoautre part

27 Assembleacutee nationale XVe leacutegislature Session ordinaire de 2020-2021 Seacuteance du jeudi 08

avril 2021 httpswwwassemblee-nationalefrdyn15comptes-rendusseancesession-

ordinaire-de-2020-2021deuxieme-seance-du-jeudi-08-avril-2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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la loi du 8 avril 2021 nrsquoentend pas confier agrave lrsquoenseignement des langues reacutegio-

nales un caractegravere obligatoire En cela elle respecte la jurisprudence du Con-

seil constitutionnel preacuteciteacutee (deacutecision ndeg2001‑454 DC du 17 janvier 2002 Loi

relative agrave la Corse)

laquo Si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre de lrsquoho-

raire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires il ne saurait revecirctir

pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les en-

seignants (hellip) raquo (cons 24)

Lrsquoenseignement drsquoune langue minoritaire ne devient donc en aucun cas obli-

gatoire Ce qui doit faire laquo lrsquoobjet drsquoun accord raquo ce sont les conditions permet-

tant effectivement agrave des enfants drsquoacceacuteder agrave un enseignement facultatif qui

contribue agrave leur deacuteveloppement proteacutegeacute par ailleurs par lrsquoalineacutea 10 du Preacuteam-

bule de 1946 preacuteciteacute Ni la Constitution ni son interpreacutetation par le Conseil

constitutionnel ne srsquoopposent agrave ce qursquoune commune de reacutesidence participe y

compris de maniegravere obligatoire au financement de la scolarisation dans une

autre commune des enfants souhaitant suivre un tel enseignement Crsquoest don-

ner aux enfants et aux parents de maniegravere effective et efficiente la possibiliteacute

concregravete de beacuteneacuteficier drsquoun enseignement drsquoune langue reacutegionale composante

de leur laquo deacuteveloppement raquo laquelle appartient en vertu de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution au laquo patrimoine de la France raquo

C Forfait scolaire communal et respect du principe drsquoeacutegaliteacute

Tertio la loi ne contrevient pas au principe drsquoeacutegaliteacute en faisant peser sur

une commune une nouvelle charge

Conformeacutement agrave une jurisprudence du Conseil constitutionnel bien eacutetablie le

principe deacutegaliteacute de lrsquoarticle 6 de la Deacuteclaration des droits de lhomme et du

citoyen de 1789 laquo ne soppose ni agrave ce que le leacutegislateur regravegle de faccedilon diffeacuterente

des situations diffeacuterentes ni agrave ce quil deacuteroge agrave leacutegaliteacute pour des raisons

dinteacuterecirct geacuteneacuteral pourvu que dans lun et lautre cas la diffeacuterence de traite-

ment qui en reacutesulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui leacutetablit raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

28

(pour lrsquoune des reacutecentes application au domaine de lrsquoenseignement dont il sera

ici question deacutecision ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de

la confiance)

En ce qui concerne preacuteciseacutement le caractegravere obligatoire drsquoune nouvelle charge

pour une collectiviteacute celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute censureacute par le Conseil constitutionnel

agrave propos de lrsquoexamen de la loi sur lrsquoavenir de lrsquoeacutecole preacuteciteacutee (deacutecision ndeg 2019-

787 DC du 25 juillet 2019 Loi pour une eacutecole de la confiance) Lrsquoarticle 17 de

la loi alors deacutefeacutereacute au Conseil constitutionnel preacutevoyait dans son premier ali-

neacutea

laquo LrsquoEacutetat attribue de maniegravere peacuterenne agrave chaque commune les ressources

correspondant agrave lrsquoaugmentation des deacutepenses obligatoires qursquoelle a

prises en charge en application des articles L 212-4 L 212-5 et L 442-

5 du code de lrsquoeacuteducation au titre de lrsquoanneacutee scolaire 2019-2020 par rap-

port agrave lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 dans la limite de la part drsquoaugmenta-

tion reacutesultant directement de lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoins-

truction obligatoire raquo

Les deacutepenses qui font lrsquoobjet de lrsquoaccompagnement financier en cause sont

celles qui beacuteneacuteficient aux eacutecoles publiques et aux eacutetablissements drsquoenseigne-

ment priveacutes ayant passeacute un contrat drsquoassociation avec lrsquoEacutetat

Lrsquoabaissement agrave trois ans du deacutebut de lrsquoinstruction obligatoire a donc fait pe-

ser des charges nouvelles pour les communes et leur a mecircme imposeacute de par-

ticiper au financement des eacutecoles maternelles priveacutees sous contrat y compris

lorsqursquoelles nrsquoont pas approuveacute ce contrat La diffeacuterence de traitement entre

les communes est reacuteelle selon qursquoelles financcedilaient ou non des classes mater-

nelles avant lrsquoabaissement agrave trois ans de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire mais

nrsquoentraicircne pas pour autant une rupture drsquoeacutegaliteacute

Ainsi lrsquoa jugeacute le Conseil constitutionnel dans la deacutecision preacuteciteacutee drsquoune part

il a estimeacute que cette diffeacuterence de traitement reposait sur une diffeacuterence de

situation

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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laquo Les communes qui au cours de lrsquoanneacutee scolaire 2018-2019 avaient

institueacute des classes maternelles ou eacutecoles maternelles publiques ou ap-

prouveacute des contrats drsquoassociation drsquoeacutecoles maternelles priveacutees ont con-

tribueacute agrave ce titre agrave leur financement dans les conditions preacutevues par le

code de lrsquoeacuteducation Ces communes ne sont ainsi pas placeacutees dans une

situation identique agrave celle des autres communes qui nrsquoexerccedilaient pas

deacutejagrave les mecircmes compeacutetences et ne supportaient donc pas les charges

correspondantes raquo (cons 7)

Drsquoautre part le Conseil constitutionnel a jugeacute que la diffeacuterence de traitement

contesteacutee eacutetait en rapport direct avec lrsquoobjet de la loi qui lrsquoeacutetablit

laquo Qui consiste en application de la seconde phrase du quatriegraveme alineacutea

de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution agrave accompagner de ressources finan-

ciegraveres une extension de compeacutetence ayant pour conseacutequence drsquoaugmen-

ter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales raquo (cons 8)

Agrave lrsquoargument opposeacute agrave lrsquoarticle 6 de la loi deacutefeacutereacutee selon lequel ces dispositions

creacuteeraient une diffeacuterence de traitement entre les communes contraire au prin-

cipe deacutegaliteacute devant la loi le Conseil constitutionnel en vertu de sa jurispru-

dence Loi pour une eacutecole de la confiance devrait logiquement apporter la mecircme

reacuteponse Le leacutegislateur entend avec cette loi du 8 avril 2021 donner de ma-

niegravere geacuteneacuterale effectiviteacute agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution agrave travers en par-

ticulier un outil permettant de mettre en œuvre les dispositions de lrsquoarticle 72-

2 de la Constitution relatives aux extensions de compeacutetences imposeacutees aux

collectiviteacutes territoriales Dispositions qui par ailleurs nrsquoobligent pas le leacutegi-

slateur agrave preacutevoir un accompagnement financier de lrsquoensemble des communes

En lien avec cet argument il en reacutesulte que lrsquoarticle 6 ne porte pas atteinte

par ailleurs au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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D Forfait scolaire communal et respect du principe de libre administra-

tion des collectiviteacutes territoriales

Quarto le forfait scolaire communal nrsquoest ni contraire agrave la lettre de lrsquoar-

ticle 72 de la Constitution ni agrave son interpreacutetation par le Conseil constitution-

nel

En vertu de lrsquoarticle 72 alineacutea 3 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales

srsquoadministrent librement dans les conditions preacutevues par la loi Correacutelative-

ment lrsquoarticle 34 de la Constitution donne agrave la loi compeacutetence pour deacuteterminer

laquo les principes fondamentaux (hellip) de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales de leurs compeacutetences et de leurs ressources raquo Cette libre admi-

nistration doit en outre se concilier avec drsquoautres principes constitutionnels

tels que le principe drsquoeacutegaliteacute et la liberteacute de lrsquoenseignement Crsquoest ainsi que le

Conseil constitutionnel a jugeacute que laquo si le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacute-

gislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce que les conditions essentielles drsquoap-

plication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de lrsquoenseignement deacutepen-

dent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre

les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (voir notamment la deacutecisions ndeg84-

185 DC du 18 janvier 1985 cons 18)

La libre administration est bien un principe constitutionnel mais crsquoest au leacute-

gislateur qursquoil revient sous le controcircle du Conseil constitutionnel drsquoen preacuteci-

ser le contenu Lrsquointervention du leacutegislateur est neacutecessaire pour la deacutefinition

des regravegles de fonctionnement des collectiviteacutes territoriales la deacutefinition des

compeacutetences qui leur sont deacutevolues (transfert creacuteation extension des compeacute-

tences) et en matiegravere de ressources la fixation du taux des impocircts deacutecideacutes par

les Assembleacutees deacutelibeacuteratives locales

Il ressort de la jurisprudence administrative et constitutionnelle que seule la

loi peut creacuteer une obligationsujeacutetion nouvelle agrave la charge drsquoune collectiviteacute

territoriale Le principe de libre administration ne peut donc pas exister en-

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

31

dehors de lrsquointervention du leacutegislateur lequel nrsquoa pas pour autant toute lati-

tude En drsquoautres termes le principe de libre administration est deacutefini par la

loi mais est aussi proteacutegeacute contre elle qui ne peut notamment pas porter at-

teinte au-delagrave drsquoun certain seuil aux ressources des collectiviteacutes territoriales

restreindre la liberteacute contractuelle intervenir dans les deacutecisions des collecti-

viteacutes territoriales relatives agrave leurs agents ou le fonctionnement de leurs insti-

tutions

En eacutetendant la prise en charge du forfait scolaire communal la loi deacutefeacutereacutee creacutee

une charge suppleacutementaire pour certaines communes

Aux termes du quatriegraveme alineacutea de larticle 72-2 de la Constitution laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales saccom-

pagne de lattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consa-

creacutees agrave leur exercice Toute creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour

conseacutequence daugmenter les deacutepenses des collectiviteacutes territoriales est ac-

compagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Dans le cas ougrave le leacutegislateur

octroie une nouvelle compeacutetence aux collectiviteacutes territoriales (articles 72-2 de

la Constitution et L 1614-1-1 du code geacuteneacuteral des collectiviteacutes territoriales)

il accompagne cette creacuteation de ressources correspondantes uniquement si

lexercice de cette compeacutetence est rendu obligatoire Ainsi en a jugeacute le Conseil

constitutionnel en ajoutant que le leacutegislateur disposait dun pouvoir dappreacute-

ciation en la matiegravere la compensation devant ecirctre naturellement suffisante

pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration

laquo Que ces dispositions ne visent en ce qui concerne les creacuteations et ex-

tensions de compeacutetences que celles qui preacutesentent un caractegravere obliga-

toire que dans cette hypothegravese il nest fait obligation au leacutegislateur

que daccompagner ces creacuteations ou extensions de compeacutetences de res-

sources dont il lui appartient dappreacutecier le niveau sans toutefois deacutena-

turer le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales raquo

(deacutecision ndeg2008-569 DC du 7 aoucirct 2008 Loi instituant un droit daccueil

pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires pendant le temps

scolaire cons 13)

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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Le Conseil constitutionnel a jugeacute qursquoen conseacutequence et en lrsquoespegravece le leacutegisla-

teur avait suffisamment deacutetermineacute le niveau des ressources accompagnant la

creacuteation de ce service daccueil pour les eacutelegraveves des eacutecoles maternelles et eacuteleacute-

mentaires pendant le temps scolaire sans meacuteconnaicirctre le quatriegraveme alineacutea de

larticle 72-2 de la Constitution

Lextension de compeacutetences est soumise a fortiori au mecircme reacutegime que la

creacuteation de compeacutetences Elle consiste en leacutelargissement du peacuterimegravetre ou en

la modification de la nature ou de lobjet dune compeacutetence dont lexercice est

deacutejagrave assureacute par les collectiviteacutes territoriales ayant pour conseacutequence de creacuteer

une charge suppleacutementaire pour celles-ci Le droit agrave une compensation finan-

ciegravere nest garanti que si lextension preacutesente un caractegravere obligatoire et le

leacutegislateur en deacutetermine le niveau et les modaliteacutes agrave condition quils nentra-

vent pas la libre administration des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece le principe de libre administration nrsquoest donc pas violeacute par le ca-

ractegravere contraignant que confegravererait la loi deacutefeacutereacutee au forfait scolaire communal

de lrsquoarticle L 442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation Drsquoune part le Conseil constitu-

tionnel a deacutejagrave comme souligneacute plus haut accepteacute le principe du caractegravere

obligatoire drsquoune nouvelle charge qui nrsquoentraine par ailleurs mecircme pas

lrsquoautomaticiteacute drsquoun accompagnement financier des communes Drsquoautre part

lrsquoargument de proportionnaliteacute est ici deacuteterminant agrave ceux qui avancent un

risque drsquoassegravechement financier de certaines communes rurales contraintes

de prendre en charge la scolarisation dun eacutelegraveve dans une autre commune

mieux doteacutee qui propose lenseignement de la langue reacutegionale (ce qui selon

le deacuteputeacute Molac ne concernerait que 002 des enfants en France) il faut

reacutepondre en mettant en avant lrsquoobjectif incitatif et non sanctionnateur de la

loi Il suffira auxdites communes de proposer un enseignement de langue reacute-

gionale qui ne pourrait repreacutesenter qursquoune heure drsquoinitiation par semaine par

exemple

Une heure drsquoinitiation par semaine pour eacuteviter de payer le forfait scolaire com-

munal lequel ne meacuteconnait pas par ailleurs lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

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les principes constitutionnels drsquoeacutegaliteacute drsquouniciteacute de la langue franccedilaise de la

libre administration des collectiviteacutes territoriales et permet drsquoassurer le deacuteve-

loppement de lrsquoenfant crsquoest bien peu de choses pour censurer une loi souve-

raine adopteacutee qui plus est agrave une eacutecrasante majoriteacute

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 3 mai 2021

De Raphaeumll SchellenbergerA GreffeObjet Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues ReacutegionalesDate mardi 4 mai 2021 101012Piegraveces jointes Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionalespdf

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loirelative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus desoixante deacuteputeacutes ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texteen application de larticle 61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarerlrsquoinconstitutionnaliteacute de son article 6 Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons ennotre qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre lapleine constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sensNous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notreconsideacuteration respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire

- Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine

- Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche

- Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret

- Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne

- Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte

- Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor

- David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion

- Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme

- Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne

- Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

2

Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

3

On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

- Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin

- Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie

- Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin

- Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne

- Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

________________________________________________________________

Ce message ainsi que les piegraveces jointes sont eacutetablis sous la seule responsabiliteacute de lexpeacutediteur agrave lintention exclusive de ses destinataires ils peuvent contenir des informations confidentielles Toute publication utilisation ou diffusion doit ecirctre autoriseacutee preacutealablement Ce message a fait lobjet dun traitement anti-virusIl est rappeleacute que tout message eacutelectronique est susceptible dalteacuteration au cours de son acheminement sur Internet ________________________________________________________________

Vous pouvez consulter le site de lAssembleacutee nationale agrave ladresse suivante httpwwwassemblee-nationalefr

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

1

M Laurent FABIUS Preacutesident du Conseil Constitutionnel

2 rue Montpensier 75001 PARIS

Paris le 4 mai 2021

Monsieur le Preacutesident

Le 8 avril dernier lrsquoAssembleacutee nationale adoptait deacutefinitivement la proposition de loi relative agrave

la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur promotion Plus de soixante deacuteputeacutes

ont souhaiteacute saisir le Conseil Constitutionnel le 22 avril sur ce texte en application de larticle

61 alineacutea 2 de la Constitution vous demandant de deacuteclarer lrsquoinconstitutionnaliteacute de son

article 6

Attacheacutes agrave la Constitution de la Vegraveme Reacutepublique et agrave son respect nous souhaitons en notre

qualiteacute de leacutegislateurs ayant voteacute en faveur de cette proposition de loi deacutefendre la pleine

constitutionnaliteacute de ce texte fidegravele aux eacutequilibres essentiels de notre socieacuteteacute

Aussi nous avons lrsquohonneur de vous adresser en attache un meacutemoire en ce sens

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident en lrsquoassurance de notre consideacuteration

respectueuse

Signataires

- Raphaeumll SCHELLENBERGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Anne-Laure BLIN Deacuteputeacutee de Maine-et-Loire - Jean-Luc BOURGEAUX Deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine - Marine BRENIER Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes - Fabrice BRUN Deacuteputeacute de lrsquoArdegraveche - Jacques CATTIN Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Claude DE GANAY Deacuteputeacute du Loiret - Eacuteric DIARD Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Julien DIVE Deacuteputeacute de lrsquoAisne - Yves HEMEDINGER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Patrick HETZEL Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Mansour KAMARDINE Deacuteputeacute de Mayotte - Marc LE FUR Deacuteputeacute des Cocirctes-drsquoArmor - David LORION Deacuteputeacute de la Reacuteunion - Emmanuel MAQUET Deacuteputeacute de la Somme - Philippe MEYER Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Jean-Franccedilois PARIGI Deacuteputeacute de Seine-et-Marne - Julien RAVIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Jean-Luc REITZER Deacuteputeacute du Haut-Rhin - Vincent ROLLAND Deacuteputeacute de la Savoie - Freacutedeacuteric REISS Deacuteputeacute du Bas-Rhin - Guy TEISSIER Deacuteputeacute des Bouches-du-Rhocircne - Laurence TRASTOUR-ISNART Deacuteputeacutee des Alpes-Maritimes

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Proposition de loi relative a la protection patrimoniale des langues reacutegionales

et a leur promotion

Deacutefense de la constitutionnaliteacute de son article 6

Monsieur le Preacutesident

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel

Vous avez eacuteteacute saisis par plus de soixante deacuteputeacutes sur la constitutionnaliteacute de lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement de langue reacutegionale nrsquoest en rien modifieacute par la

disposition contesteacutee Cette derniegravere ne concerne que la question de la participation financiegravere

des communes de reacutesidence des enfants scolariseacutes dans des eacutetablissements priveacutes sous

contrat et non le caractegravere obligatoire de cet enseignement

Au terme de la disposition adopteacutee par la loi contesteacutee qui creacuteeacutee agrave lrsquoarticle L442-5-1 du code

de lrsquoeacuteducation un nouvel alineacutea 6 se substituant aux alineacuteas 6 et 7 laquoLa participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous

contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue reacutegionale au sens du 2deg de

lrsquoarticle L312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de reacutesidence et lrsquoeacutetablissement

drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la condition que la commune de

reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de langue reacutegionaleraquo

Cet alineacutea est suivi dans lrsquoarticle L442-5-1 par un alineacutea non modifieacute aux termes duquel

laquo A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat dans le deacutepartement reacuteunit le maire de la

commune de reacutesidence et le responsable de leacutetablissement concerneacute afin de permettre la

reacutesolution du diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation

des enfants concerneacutes raquo

Cette nouvelle reacutedaction se borne agrave clarifier la question de la participation de la commune de

reacutesidence Elle est agrave mettre en relation avec ce qui est preacutevu par lrsquoarticle L 218 al 5 du code

de lrsquoeacuteducation pour les cas ougrave un enfant fait lrsquoobjet drsquoun enseignement de langue reacutegionale

dans une eacutecole publique situeacutee hors de sa commune de reacutesidence laquo le maire de la commune

de reacutesidence dont les eacutecoles ne dispensent pas un enseignement de langue reacutegionale ne peut

sopposer y compris lorsque la capaciteacute daccueil de ces eacutecoles permet de scolariser les

enfants concerneacutes agrave la scolarisation denfants dans une eacutecole dune autre commune

proposant un enseignement de langue reacutegionale et disposant de places disponibles La

participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes fait lobjet dun accord entre la

commune daccueil et la commune de reacutesidence A deacutefaut daccord le repreacutesentant de lEacutetat

dans le deacutepartement reacuteunit les maires de ces communes afin de permettre la reacutesolution du

diffeacuterend en matiegravere de participation financiegravere dans linteacuterecirct de la scolarisation des enfants

concerneacutes raquo

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

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On constate que la modification contesteacutee se borne agrave instituer la mecircme proceacutedure dans le

cas drsquoune classe freacutequenteacutee hors de sa commune par un enfant deacutesireux de suivre un

enseignement de langue reacutegionale qursquoil srsquoagisse drsquoune classe publique ou drsquoune classe priveacutee

sous contrat Cette solution est parfaitement leacutegitime car il nrsquoy a pas de raison que les

obligations des communes soient diffeacuterentes dans cette hypothegravese pour des classes publiques

et pour des classes priveacutees sous contrat Ceci est conforme agrave lrsquoarticle L 442-5 laquo Les deacutepenses

de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mecircmes conditions

que celles des classes correspondantes de lenseignement public raquo

Aucun principe constitutionnel nrsquoest en cause En particulier le meacutecanisme institueacute pouvait

ecirctre deacutecideacute par le leacutegislateur sans qursquoil soit porteacute une atteinte inconstitutionnelle au principe de

la libre administration des collectiviteacutes territoriales Si le leacutegislateur peut placer des deacutepenses

agrave la charge des communes en vue de lrsquoorganisation de lrsquoinstruction cette faculteacute existe aussi

bien dans le cas de structures drsquoinstruction publiques que de structures drsquoinstruction priveacutee

sous contrat

Nous vous prions de croire Monsieur le Preacutesident Mesdames et Messieurs les membres du

Conseil Constitutionnel en lrsquoassurance de notre consideacuteration respectueuse

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 4 mai 2021

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

Association ESKOLIMChez Seaska Route de la Pouponniegravere64250 CAMBO LES BAINSeskolim6gmailcomRepreacutesenteacutee par son President Jean Seacutebastien HAYDN11 chemin de Saint Jean66240 SAINT ESTEVE

CONTRIBUTION EXTERIEURE

Observations sur la conformiteacute agrave la Constitution de laproposition de loi relative agrave la protection patrimoniale

des langues reacutegionales et agrave leur promotion

Monsieur le Preacutesident du Conseil constitutionnel Mesdames et Messieurs les

membres du Conseil constitutionnel lrsquoassociation Eskolim souhaite porter agrave votre attention

les observations suivantes tendant agrave deacutemontrer la conformiteacute agrave la Constitution de la

proposition de loi relative agrave la protection patrimoniale des langues reacutegionales et agrave leur

promotion

Parmi lrsquoensemble des dispositions du texte deacutefeacutereacute la plupart nrsquoont donneacute lieu agrave aucun

deacutebat sur leur conformiteacute agrave la Constitution qui est de toute eacutevidence acquise par exemple au

sujet des traductions dont la constitutionnaliteacute a deacutejagrave indirectement eacuteteacute reconnue (CC 99-412

DC 15 juin 1999 CC ndeg2001-452 DC 6 deacutecembre 2001) ou de lrsquoutilisation des signes

diacritiques sur les actes drsquoeacutetat civil

De plus au-delagrave des apparences drsquoune politique jurisprudentielle initieacutee dans un contexte

speacutecifique le Conseil constitutionnel dispose deacutesormais drsquoun cadre constitutionnel de

reacutefeacuterence transformeacute (1) qui lui permettra de valider les dispositions leacutegislatives du texte dont

il est saisi en particulier lrsquoarticle 4 relatif agrave lrsquoenseignement immersif (2) et lrsquoarticle 6 au sujet

de la participation financiegravere agrave la scolarisation par les communes de reacutesidence (3)

1

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

1 Le renouvellement des normes constitutionnelles de reacutefeacuterence en matiegravere de

langues reacutegionales

11 Les ineacutevitables deacuterogations apporteacutees agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution

Toute regravegle constitutionnelle connaicirct des atteacutenuations et peut ecirctre concilieacutee lrsquoarticle 2

de la Constitution ne fait pas exception Le principe demeure inchangeacute laquo La langue de la

Reacutepublique est le franccedilais raquo Sur ce fondement le Conseil constitutionnel a deacuteveloppeacute dans

les anneacutees 90 et 2000 une jurisprudence vigilante sur lrsquousage du franccedilais mais sans pour

autant refuser toute eacutevolution nous y reviendrons

Cependant lrsquoassociation Eskolim souhaite mettre en eacutevidence lrsquoindeacuteniable

changement de cadre constitutionnel en matiegravere de langues reacutegionales pour au

moins trois raisons

En premier lieu la porteacutee de lrsquoarticle 2 de la Constitution nrsquoest pas figeacutee et peut

eacutevoluer avec le temps En effet le Conseil constitutionnel opegravere reacuteguliegraverement des adaptations

de la porteacutee du texte constitutionnel Parmi de nombreuses illustrations jurisprudentielles la

liberteacute drsquoexpression et de communication protegravege deacutesormais la liberteacute drsquoacceacuteder agrave Internet

(CC ndeg 2009-580 DC 10 juin 2009) et de srsquoy exprimer (CC ndeg2020-801 DC du 18 juin 2020)

La liberteacute du mariage comprend deacutesormais le droit de mettre fin aux liens du mariage (CC ndeg

2016-557 QPC du 29 juillet 2016) La monteacutee en puissance des exigences environnementales

dans le deacutebat public a permis au Conseil constitutionnel de juger qursquoil deacutecoule de la Charte de

lrsquoenvironnement laquo que la protection de lrsquoenvironnement patrimoine commun des ecirctres

humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle raquo (CC ndeg2019-823 QPC 31 janvier

2020) Certains fondements constitutionnels que lrsquoon croyait endormis ont eacuteteacute reacuteactiveacutes sous

lrsquoeffet du pouvoir interpreacutetatif agrave lrsquoimage de lrsquoarticle 15 de la DDHC (laquo La socieacuteteacute a le droit de

demander compte agrave tout agent public de son administration raquo) agrave lrsquoorigine drsquoun droit drsquoaccegraves

aux archives publiques (CC ndeg2017-655 QPC 15 septembre 2017) et drsquoun droit drsquoaccegraves aux

documents administratifs (CC ndeg2020-834 QPC 3 avril 2020)

En deuxiegraveme lieu la reacutedaction actuelle de lrsquoarticle 2 de la Constitution ne date pas de

1958 mais drsquoun ajout issu de la loi constitutionnelle ndeg 92-554 du 25 juin 1992 voteacutee dans un

contexte particulier au moment ougrave la France ratifiait le traiteacute de Maastricht et reacutevisait sa

Constitution afin de lever les atteintes agrave la souveraineteacute constateacutees par le Conseil

2

2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

constitutionnel En 1992 lrsquoinsertion de la langue franccedilaise au sein de lrsquoarticle 2 vise agrave rassurer

lrsquoopinion face aux craintes heacutegeacutemoniques de la langue anglaise les langues reacutegionales ne

sont ni viseacutees ni nieacutees dans leur existence et leur rocircle Il est sur ce point particuliegraverement

reacuteveacutelateur de se reacutefeacuterer aux deacuteclarations limpides du Garde des Sceaux Michel Vauzelle lors

des deacutebats parlementaires consacreacutes en 1992 au vote de la reacutevision constitutionnelle laquo Les

langues reacutegionales sont naturellement une richesse de notre patrimoine national Agrave ce

titre le Gouvernement exprime par ma voix lrsquoimmense respect et le soin qursquoil porte agrave cette

richesse de la nation [] Je ne vois pas lagrave drsquoatteinte agrave lrsquouniteacute de la nation mais au

contraire une contribution agrave sa richesse [] Aucune atteinte ne sera porteacutee agrave la politique

de respect de la diversiteacute de nos cultures reacutegionales qui est un eacuteleacutement essentiel du

patrimoine national raquo (JO Assembleacutee nationale p 1021)

Il est donc parfaitement possible pour le Conseil constitutionnel drsquoopeacuterer une

interpreacutetation eacutevolutive de lrsquoarticle 2 afin drsquoadapter la porteacutee de la norme constitutionnelle au

contexte actuel favorable agrave lrsquoapprofondissement de lrsquousage des langues reacutegionales Il nrsquoest

drsquoailleurs pas anodin de constater que la preacutesente proposition de loi a largement transcendeacute les

clivages politiques pour ecirctre voteacutee agrave une large majoriteacute avec drsquoailleurs le soutien de

lrsquoensemble des Preacutesidents de Reacutegion

En troisiegraveme lieu dans sa fameuse deacutecision sur la Charte europeacuteenne des langues

reacutegionales et minoritaires du 15 juin 1999 (ndeg99-412 DC) le Conseil constitutionnel a

implicitement reconnu la compatibiliteacute de lrsquoenseignement immersif ou bilingue avec la

Constitution et en particulier avec lrsquoarticle 2 de la Constitution En effet lrsquoinconstitutionnaliteacute

constateacutee entre la Charte et la Constitution concerne seulement les articles 1 et 7 Or le

consideacuterant 13 de cette deacutecision abusivement preacutesenteacutee comme un verrou absolu en matiegravere

de langues reacutegionales prend soin de preacuteciser laquo que nest contraire agrave la Constitution eu eacutegard agrave

leur nature aucun des autres engagements souscrits par la France dont la plupart au

demeurant se bornent agrave reconnaicirctre des pratiques deacutejagrave mises en œuvre par la France en

faveur des langues reacutegionales raquo Parmi ces laquo autres engagements souscrits par la France raquo

au sein de la Charte figurent certaines stipulations de lrsquoarticle 8 de la Charte1 selon lequel

1 Article 8 ndash Enseignement1En matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sontpratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de lenseignement de la (des)langue(s) officielle(s) de lEtat(hellip)ci agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires concerneacutees ou

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laquo laquoen matiegravere denseignement les Parties sengagent en ce qui concerne le territoire sur lequel

ces langues sont pratiqueacutees selon la situation de chacune de ces langues et sans preacutejudice de

lenseignement de la (des) langue(s) officielle(s) de lEtat raquo agrave toute une seacuterie drsquoengagements

Au sein des engagements auxquels la France avait souscrits et sur lesquels le Conseil

constitutionnel srsquoest donc prononceacute on trouve le point 1 c (iv) en vertu duquel la France

srsquoengage laquo agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui

le souhaitent ndash ou le cas eacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant raquo

Or ce renvoi concerne les stipulations suivantes

laquo i agrave preacutevoir un enseignement secondaire assureacute dans les langues reacutegionales ou minoritaires

concerneacutees ou

Ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les

langues reacutegionales ou minoritaires ou

Iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales

ou minoritaires comme partie inteacutegrante du curriculum

Autrement dit la France srsquoeacutetait engageacutee au moment de la signature de la Charte agrave

appliquer lrsquoune des trois mesures citeacutees qui concernent lrsquoenseignement laquo dans raquo les langues

reacutegionales ou minoritaires dans le secondaire crsquoest-agrave-dire un enseignement immersif ou

bilingue Cet engagement faisait donc partie des stipulations examineacutees par le Conseil

constitutionnel et le consideacuterant 13 de la deacutecision du 15 juin 1999 affirme clairement que ces

stipulations ne sont pas contraires agrave la Constitution Degraves 1999 lrsquoenseignement immersif en

langue reacutegionale est reconnu par le Conseil constitutionnel comme compatible avec

lrsquoarticle 2 de la Constitution

En quatriegraveme lieu le texte mecircme de la Constitution contient drsquoores et deacutejagrave des

ameacutenagements au principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais

Drsquoune part en vertu de la loi constitutionnelle ndeg 98-610 du 20 juillet 1998 lAccord

de Noumeacutea est constitutionnaliseacute agrave larticle 77 de la Constitution Or cet accord stipule en son

ii agrave preacutevoir quune partie substantielle de lenseignement secondaire soit assureacutee dans les langues reacutegionalesou minoritaires ou

iii agrave preacutevoir dans le cadre de leacuteducation secondaire lenseignement des langues reacutegionales ou minoritairescomme partie inteacutegrante du curriculum ou

iv agrave appliquer lune des mesures viseacutees sous i agrave iii ci-dessus au moins aux eacutelegraveves qui le souhaitent ndash ou le caseacutecheacuteant dont les familles le souhaitent ndash en nombre jugeacute suffisant

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

point 133 laquo Les langues kanak sont avec le franccedilais des langues denseignement et de

culture en Nouvelle-Caleacutedonie Leur place dans lenseignement et les meacutedias doit donc ecirctre

accrue et faire lobjet dune reacuteflexion approfondie raquo

Drsquoautre part sous lrsquoeffet de la reacutevision constitutionnelle du 23 juillet 2008 la

Constitution consacre deacutesormais les langues reacutegionales sous lrsquoeffet de lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution qui par deacutefinition atteacutenue et deacuteroge agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution et dont la

porteacutee ne saurait ecirctre symbolique

12 La porteacutee de lrsquoancrage constitutionnel des langues reacutegionales minoritaires

En vertu de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution laquo Les langues reacutegionales appartiennent

au patrimoine de la France raquo Sans discussion possible cette nouvelle disposition

constitutionnelle constitue un changement de circonstances de droit permettant drsquoatteacutenuer

fortement la porteacutee des preacuteceacutedentes deacutecisions du Conseil constitutionnel rendues avant la

reacutevision constitutionnelle de 2008 Certains voudraient pourtant reacuteduire ce texte agrave une porteacutee

simplement symbolique et pensent pouvoir drsquoores et deacutejagrave trouver une confirmation dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel La reacutealiteacute contentieuse est beaucoup plus nuanceacutee et

ne preacutejuge rien de lrsquoavenir

Le Conseil constitutionnel nrsquoa eu depuis 2008 qursquoune seule et unique occasion de

preacuteciser la porteacutee de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Dans la deacutecision du 20 mai 2011

(ndeg2011-130 QPC) il eacutetait en effet saisi des dispositions de larticle L 312-10 du code de

leacuteducation relative agrave lenseignement des langues et cultures reacutegionales qui eacutetait contesteacute au

regard de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Or estime le Conseil en 2011 lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution ninstitue pas un droit ou une liberteacute que la Constitution garantit Sa

meacuteconnaissance ne peut donc ecirctre invoqueacutee agrave lappui dune question prioritaire de

constitutionnaliteacute sur le fondement de larticle 61-1 de la Constitution

Il convient de ne pas tirer de conclusions excessives du deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en

QPC de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Drsquoune part cela nrsquoempecircche pas le Conseil constitutionnel de se fonder sur lrsquoarticle

75-1 de la Constitution dans le cadre du controcircle a priori comme crsquoest par exemple le cas

pour les regravegles constitutionnelles en matiegravere de recevabiliteacute des amendements ou des principes

constitutionnels en matiegravere budgeacutetaires

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Drsquoautre part le deacutefaut drsquoinvocabiliteacute en QPC drsquoune norme constitutionnelle ne

preacutejuge pas drsquoune forme de hieacuterarchie mateacuterielle ou formelle et srsquoexplique seulement par les

speacutecificiteacutes de chacun des offices Par exemple le respect des regravegles du vote de la loi

imposeacutees par la Constitution impossibles agrave invoquer en QPC font pourtant lrsquoobjet drsquoune

vigilance accrue du Conseil constitutionnel dans le cadre du controcircle a priori justifiant

chaque anneacutee de nombreuses censures

En outre bien que non invocable en QPC lrsquoarticle 75-1 teacutemoigne indubitablement de

la volonteacute du constituant de permettre au leacutegislateur drsquoassouplir les conditions drsquousage des

langues reacutegionales en ouvrant davantage la leacutegislation agrave des possibiliteacutes drsquoapprentissage en la

matiegravere En cela lrsquoarticle 75-1 de la Constitution est une atteacutenuation une disposition

deacuterogatoire agrave lrsquoarticle 2 de la Constitution selon lequel laquo La langue de la Reacutepublique est le

franccedilais raquo Comme le souligne le rapport drsquoun deacuteputeacute en 2015 laquo la preacuteservation et la

protection des langues reacutegionales sont devenues un objectif de valeur constitutionnelle raquo2 Une

telle interpreacutetation serait drsquoailleurs coheacuterente avec les travaux parlementaires agrave lrsquoorigine de la

reacutevision de 2008 pour le preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat lrsquoarticle 75-1 permet

de donner laquo un fondement solide aux dispositions leacutegislatives et reacuteglementaires qui favorisent

la protection et le deacuteveloppement des langues reacutegionales sans diminuer la place que le

franccedilais occupe dans notre sphegravere publique raquo3

Enfin dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel

estime que larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi

ndeg2005-380 du 23 avril 2005 est conforme agrave la Constitution Or les dispositions ainsi

valideacutees sont toujours en vigueur dans une reacutedaction identique laquo Un enseignement de

langues et cultures reacutegionales peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des

modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces

langues sont en usage raquo Ainsi tout en estimant que lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ne

constitue pas un droit ou liberteacute constitutionnel directement invocable en QPC le Conseil

constitutionnel a valideacute le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures

reacutegionales

2JJ Urvoas Rapport sur Proposition de loi constitutionnelle ndeg 1618 visant agrave ratifier la Charte europeacuteenne deslangues reacutegionales ou minoritaires 14 janvier 2014

3JJ Hyest Rapport ndeg 387 (2007-2008) sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions dela Ve Reacutepublique fait au nom de la commission des lois du Seacutenat

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Autre signe eacutevident de la porteacutee effective de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le

leacutegislateur a multiplieacute ces derniegraveres anneacutees lrsquoadoption de textes favorisant lrsquousage et

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et leur promotion La loi du 8 juillet 2013

drsquoorientation et de programmation pour la refondation de lrsquoeacutecole de la Reacutepublique ouvre la

possibiliteacute drsquoun enseignement bilingue franccedilais-langue reacutegionale la loi du 7 aoucirct 2015

portant nouvelle organisation territoriale de la Reacutepublique (NOTRe) eacutetablit la participation

financiegravere agrave la scolarisation des enfants concerneacutes par lrsquoenseignement drsquoune langue reacutegionale

lrsquoarticle 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siegravecle

modifie lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal en creacuteant un nouveau cas de discrimination fondeacute sur laquo

la maitrise drsquoune autre langue que le franccedilais raquo la loi du 28 feacutevrier 2017 de programmation

relative agrave lrsquoeacutegaliteacute reacuteelle outre-mer rend inopeacuterant lrsquointerdiction des livrets de famille

bilingues lrsquoarticle 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une eacutecole de la confiance eacutetend aux

eacutecoles priveacutees sous contrat et associatives les modaliteacutes drsquoun accord entre les communes pour

la prise en charge du forfait scolaire pour tout eacutelegraveve srsquoinscrivant dans une eacutecole dispensant un

enseignement de langue reacutegionale en dehors de sa commune de reacutesidence Lrsquoarticle 75-1 de la

Constitution a donc susciteacute une production leacutegislative qui teacutemoigne de la volonteacute du pouvoir

politique de mettre en œuvre une politique en matiegravere de langue et culture reacutegionales La

particulariteacute de la proposition de loi deacutefeacutereacutee est drsquoecirctre la premiegravere loi dont lrsquoobjet exclusif vise

agrave densifier lrsquoenseignement et lrsquousage des langues reacutegionales mais ce texte confirme les

avanceacutees ponctuelles eacutetablies depuis la reacutevision constitutionnelle de 2008

13 La monteacutee en puissance drsquoexigences constitutionnelles favorisant lrsquousage des langues

reacutegionales

Au-delagrave de lrsquoapport indeacuteniable de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution qui inteacuteresse

directement et clairement la possibiliteacute pour le leacutegislateur de favoriser le deacuteveloppement des

langues reacutegionales la jurisprudence du Conseil constitutionnel atteste drsquoune monteacutee en

puissance de plusieurs liberteacutes qui participent indirectement du mecircme mouvement

En premier lieu la liberteacute drsquoexpression et de communication concerne les langues

reacutegionales Degraves la deacutecision ndeg94-345 DC du 29 juillet 1994 le Conseil constitutionnel avait

concilieacute lrsquoarticle 2 de la Constitution avec la liberteacute drsquoexpression et de communication afin de

censurer certaines dispositions imposant lrsquousage du franccedilais tout en faisant notamment une

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

reacutefeacuterence aux langues reacutegionales cette liberteacute laquo implique le droit pour chacun de choisir les

termes jugeacutes par lui les mieux approprieacutes agrave lexpression de sa penseacutee que la langue franccedilaise

eacutevolue comme toute langue vivante en inteacutegrant dans le vocabulaire usuel des termes

de diverses sources quil sagisse dexpressions issues de langues reacutegionales de vocables

dits populaires ou de mots eacutetrangers raquo Or la liberteacute drsquoexpression et de communication a vu

son reacutegime constitutionnel renforceacute depuis plusieurs anneacutees sous lrsquoeffet du triple test de

proportionnaliteacute en vertu duquel les limites apporteacutees agrave ces liberteacutes doivent ecirctre neacutecessaires

adapteacutees et proportionneacutees agrave lrsquoobjectif poursuivi Norme constitutionnelle prioritaire pour le

Conseil constitutionnel la liberteacute drsquoexpression et de communication a justifieacute de nombreuses

censures de dispositions leacutegislatives ces derniegraveres anneacutees (loi laquo Hadopi raquo consultation des

sites Internet terroristes loi laquo Avia raquohellip) Or cette liberteacute dans ses deux composantes de

lrsquoexpression et de la communication permet au locuteur drsquoutiliser une langue reacutegionale et de

ne pas subir drsquoentraves excessives ou injustifieacutees Le deacuteveloppement des langues reacutegionales et

de leur enseignement lrsquoouverture des possibiliteacutes de srsquoexprimer et de communiquer gracircce agrave

ces langues ne sont pas eacutetrangegraveres aux conditions drsquoexercice de la liberteacute drsquoexpression et de

communication Ainsi la monteacutee en puissance de cette liberteacute dans le contentieux

constitutionnel confirme lrsquoeacutevolution favorable du cadre constitutionnel applicable aux langues

reacutegionales

En deuxiegraveme lieu lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant est deacutesormais consacreacute en tant

qursquoexigence constitutionnelle deacutecoulant des alineacuteas 10 et 11 du Preacuteambule de 1946 Ce

principe a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute appliqueacute en matiegravere de droit des eacutetrangers (CC 2019-797 QPC du

26 juillet 2019) mais aussi en droit de la famille au sujet du divorce (CC ndeg 2019-778 DC du

21 mars 2019) ou de lrsquoaccouchement sous le secret (CC 2019-826 QPC du 7 feacutevrier 2020) Il

serait parfaitement coheacuterent que cette exigence constitutionnelle soit applicable en matiegravere

drsquoeacuteducation et drsquoenseignement ce qui permettrait notamment de justifier le renforcement de

lrsquoenseignement des langues reacutegionales et le soutien financier qui leur est apporteacute

En troisiegraveme lieu la liberteacute de lrsquoenseignement reconnu en tant que principe

constitutionnel (CC ndeg77-87 DC 23 novembre 1977 2016-745 DC 26 janvier 2017)

pourrait permette de proteacuteger constitutionnellement le libre choix des parents en

matiegravere de meacutethodes eacuteducatives conformeacutement agrave la jurisprudence du Conseil drsquoEtat En

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effet dans une deacutecision du 19 juillet 2017 (Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg

406150) le Conseil drsquoEtat estime que le laquo principe de la liberteacute de lrsquoenseignement qui figure

au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Reacutepublique implique la

possibiliteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement y compris hors de tout contrat conclu

avec lrsquoEtat tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des

meacutethodes eacuteducatives alternatives agrave celles proposeacutees par le systegraveme scolaire public y

compris lrsquoinstruction au sein de la famille raquo A fortiori la liberteacute de lrsquoenseignement

permettrait au leacutegislateur drsquooffrir aux eacutelegraveves la possibiliteacute de suivre un enseignement immersif

en langue reacutegionale Faire deacutecouler de la liberteacute drsquoenseignement une exigence en matiegravere de

droit des parents de choisir les meacutethodes eacuteducatives serait drsquoailleurs en coheacuterence avec

lrsquoarticle 2 du Protocole 1 de la CEDH4 et lrsquoarticle 14-3 de la Charte des droits fondamentaux

de lUnion europeacuteenne5

Au-delagrave du principe selon lequel la langue de la Reacutepublique est le franccedilais unchangement de contexte est intervenu depuis lrsquoinsertion en 1992 de cette disposition agravelrsquoarticle 2 de la Constitution Depuis 2008 le pouvoir constituant a consacreacute leslangues reacutegionales agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution de nombreuses reacuteformesleacutegislatives et regraveglementaires ont accompagneacute le deacuteveloppement des langues reacutegionaleset plusieurs principes constitutionnels accompagnent et pourraient agrave lrsquoavenirrenforcer lrsquoassise normative des langues reacutegionalesCrsquoest agrave lrsquoaune de ce cadre constitutionnel renouveleacute et transformeacute en phase avec leseacutevolutions leacutegislatives et sociales que le Conseil constitutionnel appreacuteciera laconstitutionnaliteacute de la preacutesente proposition de loi qui loin de constituer une rupturesrsquoinscrit dans une forme de continuiteacute

2 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi modifie lrsquoarticle L321-10 du code de lrsquoeacuteducation qui

en lrsquoeacutetat dispose

4laquo Nul ne peut se voir refuser le droit agrave lrsquoinstruction LrsquoEacutetat dans lrsquoexercice des fonctions qursquoil assumera dans ledomaine de lrsquoeacuteducation et de lrsquoenseignement respectera le droit des parents drsquoassurer cette eacuteducation et cetenseignement conformeacutement agrave leurs convictions religieuses et philosophiques raquo

5laquo La liberteacute de creacuteer des eacutetablissements drsquoenseignement dans le respect des principes deacutemocratiques ainsi quele droit des parents drsquoassurer lrsquoeacuteducation et lrsquoenseignement de leurs enfants conformeacutement agrave leurs convictionsreligieuses philosophiques et peacutedagogiques sont respecteacutes selon les lois nationales qui en reacutegissent lrsquoexercice raquo

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laquo Les langues et cultures reacutegionales appartenant au patrimoine de la France leurenseignement est favoriseacute prioritairement dans les reacutegions ougrave elles sont en usage

Cet enseignement peut ecirctre dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefiniespar voie de convention entre lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont enusage

Le Conseil supeacuterieur de leacuteducation est consulteacute conformeacutement aux attributions qui lui sontconfeacutereacutees agrave larticle L 231-1 sur les moyens de favoriser leacutetude des langues et culturesreacutegionales dans les reacutegions ougrave ces langues sont en usage

Lenseignement facultatif de langue et culture reacutegionales est proposeacute dans lune des deuxformes suivantes

1deg Un enseignement de la langue et de la culture reacutegionales

2deg Un enseignement bilingue en langue franccedilaise et en langue reacutegionale

Les familles sont informeacutees des diffeacuterentes offres dapprentissage des langues et culturesreacutegionales raquo

Lrsquoarticle 4 a simplement pour objet drsquoajouter un 3e cas de forme drsquoenseignementfacultatif de langue et culture reacutegionales en preacutevoyant

laquo3deg Un enseignement immersif en langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectifdrsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo

21 Le Conseil constitutionnel peut ne pas se prononcer sur cette disposition

A titre liminaire il semblerait que lrsquoarticle 4 du texte soumis agrave lrsquoexamen du

Conseil constitutionnel ne soit pas contesteacute par les auteurs de la saisine parlementaire agrave en

croire les deacuteclarations publiques de plusieurs deacuteputeacutes Ce point nrsquoest pas sans importance degraves

lors qursquoil confirme le large consensus politique autour de cette disposition et peut avoir une

conseacutequence sur le peacuterimegravetre de lrsquoobjet de la deacutecision rendue

Certes il arrive ponctuellement au Conseil constitutionnel drsquoexaminer drsquooffice

drsquoautres dispositions que celles contesteacutees par la saisine mais depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la

QPC et speacutecialement depuis 2016 une telle pratique tend agrave devenir une exception (Deacutecisions

ndeg 2019-794 DC du 20 deacutecembre 2019 ndeg2018-772 DC du 15 novembre 2018 ndeg2016-745

DC du 26 janvier 2017)

De plus lors de lrsquoexamen de la loi pour une eacutecole de la confiance dans sa deacutecision

ndeg2019-787 DC du 25 juillet 2019 le Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute examiner

drsquooffice les dispositions de lrsquoarticle 38 creacuteant en vertu de lrsquoarticle L314-2 du code de

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lrsquoeacuteducation une expeacuterimentation de classe immersive en langue eacutetrangegravere ou reacutegionale6 Si le

Conseil constitutionnel nrsquoa pas souhaiteacute se saisir drsquooffice de cette disposition expeacuterimentale

crsquoest qursquoimplicitement il nrsquoa pas consideacutereacute qursquoelle posait une difficulteacute manifeste de

constitutionnaliteacute Degraves lors la coheacuterence voudrait qursquoil en aille de mecircme avec les dispositions

de lrsquoarticle 4 de la preacutesente proposition de loi qui ne font que reprendre les grands principes

de lrsquoexpeacuterimentation preacuteceacutedente en preacutevoyant la possibiliteacute drsquoun enseignement immersif en

langue reacutegionale sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue

franccedilaise

22 Les exigences anciennes poseacutees par le Conseil constitutionnel sont respecteacutees

Elaboreacutee avant la reacutevision constitutionnelle de 2008 consacrant les langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la jurisprudence

du Conseil constitutionnel en matiegravere drsquoenseignement de langue reacutegionale est totalement

respecteacutee par lrsquoarticle 4 de la proposition de loi

En premier lieu le caractegravere facultatif de lrsquoenseignement immersif en langue

reacutegionale rend lrsquoarticle 4 conforme agrave la Constitution

Dans plusieurs deacutecisions le Conseil constitutionnel a eu lrsquooccasion de preacuteciser que

seule lrsquoobligation de suivre un enseignement dans une autre langue que le franccedilais serait

contraire agrave la Constitution Ainsi dans la deacutecision ndeg 2001-456 DC du 27 deacutecembre 2001 il

indique que laquo lusage dune langue autre que le franccedilais ne peut ecirctre imposeacute aux eacutelegraveves des

eacutetablissements de lenseignement public ni dans la vie de leacutetablissement ni dans

lenseignement des disciplines autres que celles de la langue consideacutereacutee raquo Le verbe

6Article L314-2 du code de lrsquoeacuteducation laquo Sous reacuteserve de lrsquoautorisation preacutealable des autoriteacutes acadeacutemiques etapregraves concertation avec les eacutequipes peacutedagogiques le projet drsquoeacutecole ou drsquoeacutetablissement mentionneacute agrave lrsquoarticle L401-1 peut preacutevoir la reacutealisation dans des conditions deacutefinies par deacutecret drsquoexpeacuterimentations peacutedagogiquesportant sur tout ou partie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement drsquoune dureacutee limiteacutee agrave cinq ans Cesexpeacuterimentations peuvent concerner lrsquoorganisation peacutedagogique de la classe de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement laliaison entre les diffeacuterents niveaux drsquoenseignement la coopeacuteration avec les partenaires du systegraveme eacuteducatiflrsquoenseignement dans une langue vivante eacutetrangegravere ou reacutegionale les eacutechanges avec des eacutetablissementseacutetrangers drsquoenseignement scolaire lrsquoutilisation des outils et ressources numeacuteriques la reacutepartition des heuresdrsquoenseignement sur lrsquoensemble de lrsquoanneacutee scolaire les proceacutedures drsquoorientation des eacutelegraveves et la participation desparents drsquoeacutelegraveves agrave la vie de lrsquoeacutecole ou de lrsquoeacutetablissement Les collectiviteacutes territoriales sont systeacutematiquementassocieacutees agrave la deacutefinition des grandes orientations des expeacuterimentations meneacutees par lrsquoeacuteducation nationale ainsiqursquoagrave leurs deacuteclinaisons territoriales raquo

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laquo imposer raquo est employeacute agrave la fois au sujet de lrsquousage drsquoune autre langue que le franccedilais et au

sujet de la vie de lrsquoeacutetablissement et de lrsquoenseignement des disciplines autres que celles de la

langue consideacutereacutee Ce qui signifie qursquoil est constitutionnellement possible au leacutegislateur de

permettre aux eacutelegraveves de choisir de maniegravere facultative une telle orientation dans

lrsquoenseignement De mecircme dans sa deacutecision ndeg2001 454 DC du 17 janvier 2002 le Conseil

constitutionnel avait estimeacute que si lrsquoenseignement de la langue corse est preacutevu dans le cadre

de lrsquohoraire normal des eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires laquo il ne saurait revecirctir pour autant

un caractegravere obligatoire ni pour les eacutelegraveves ni pour les enseignants raquo Et dans la deacutecision

ndeg2004-490 DC 12 feacutevrier 2004 le Conseil indique que lrsquoenseignement de la langue

tahitienne ou dune autre langue polyneacutesienne dans le cadre de lhoraire normal des eacutecoles

maternelles et primaires dans les eacutetablissements du second degreacute et dans les eacutetablissements

denseignement supeacuterieur laquo ne saurait revecirctir pour autant un caractegravere obligatoire ni pour les

eacutelegraveves ou eacutetudiants ni pour les enseignants raquo

Or en lrsquoespegravece il nrsquoy a absolument aucun doute sur le caractegravere facultatif du 3deg

ajouteacute agrave lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation En effet le premier alineacutea de lrsquoarticle L312-

10 du code de lrsquoeacuteducation est inchangeacute et eacutevoque un laquo enseignement facultatif raquo Le deacuteputeacute

Molac lrsquoa clairement exprimeacute lors des deacutebats laquo lrsquoenseignement immersif tel qursquoil est ici

proposeacute reacutepond agrave cette condition dans la mesure ougrave il ne serait pas imposeacute mais seulement

proposeacute au sein des eacutetablissements publics au cocircteacute de filiegraveres classiques drsquoenseignement la

deacutecision finale restant du ressort des personnes responsables de lrsquoenfant raquo (Rapport du 31

mars 2021)

En deuxiegraveme lieu lrsquoarticle 4 nrsquoa pas pour objet de soustraire les eacutelegraveves aux

droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements drsquoenseignement

Dans plusieurs deacutecisions relatives agrave lrsquousage drsquoune langue reacutegionale le Conseil

constitutionnel rappelle qursquoun enseignement de ce type nrsquoa pas pour laquo pour objet de soustraire

les eacutelegraveves scolariseacutes (hellip) aux droits et obligations applicables agrave lensemble des usagers des

eacutetablissements qui assurent le service public de lenseignement ou sont associeacutes agrave celui-ci raquo

(ndeg 91-290 DC du 9 mai 1991 ndeg 2001-454 DC du 17 janvier 2002) Or lrsquoarticle 4 a

seulement pour objet drsquoouvrir une 3e modaliteacute facultative drsquoenseignement en langue reacutegionale

La proposition de loi ne confegravere pas des droits speacutecifiques agrave des laquo groupes raquo de locuteurs de

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langues reacutegionales ou minoritaires agrave lrsquointeacuterieur de laquo territoires raquo dans lesquels ces langues

seraient pratiqueacutees Le texte ne modifie pas non plus les modaliteacutes drsquoexpression dans la vie

publique et dans la relation entre lrsquoadministration et les administreacutes De telle sorte que

lrsquoarticle 4 ne creacutee aucun droit particulier pour les eacutelegraveves comme pour les enseignants de nature

agrave les soustraire aux droits et obligations applicables aux usagers des eacutetablissements

drsquoenseignement ou associeacutes agrave celui-ci

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 4 opegravere une conciliation raisonnable et eacutequilibreacutee entre

le principe de lrsquoarticle 2 de la Constitution et lrsquoapprentissage des langues reacutegionales

Lrsquoenseignement immersif en lange reacutegionale doit srsquoopeacuterer laquo sans preacutejudice de

lrsquoobjectif drsquoune bonne connaissance de la langue franccedilaise raquo Lrsquoarticle 4 prend soin de ne pas

ignorer le principe poseacute par lrsquoarticle 2 de la Constitution et prolonge au niveau leacutegislatif la

conciliation souhaiteacutee par le constituant depuis 2008 avec lrsquoarticle 75-1 de la Constitution Il

appartiendra au pouvoir regraveglementaire de preacuteciser la mise en œuvre de lrsquoobjectif de bonne

connaissance de la langue franccedilaise qui en toute hypothegravese garantit une conciliation

eacutequilibreacutee entre les regravegles constitutionnelles en preacutesence

Au surplus les retours drsquoexpeacuteriences des expeacuterimentations de classes en

enseignements immersifs permises par lrsquoarticle L 314-2 du code de lrsquoeacuteducation deacutemontrent

que les eacutelegraveves disposent drsquoun niveau en franccedilais plus eacuteleveacute que la moyenne Comme lrsquoindique

le rapport du Seacutenat sur la proposition de loi 19 expeacuterimentations immersives en langue

basque 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des eacutecoles

publiques Or pour prendre lrsquoexemple de lrsquoenseignement en basque agrave 100 en eacutecole

maternelle objet drsquoune eacutevaluation preacutecise par lrsquoacadeacutemie de Bordeaux en 2019 (Etude

comparative des filiegraveres de maternelle 100 basque bilingue et franccedilais Acadeacutemie de

Bordeaux 2019) laquo lorsque ces enfants arrivaient en CP leur niveau de franccedilais eacutetait

supeacuterieur agrave la moyenne du deacutepartement Cela prouve que le niveau de franccedilais nrsquoavait

absolument pas eacuteteacute toucheacute raquo (Paul Molac Assembleacutee nationale Seacuteance du 8 avril 2021)

En quatriegraveme lieu lrsquoarticle 4 ne fait qursquoeacutetendre la mise en œuvre drsquoune modaliteacute

drsquoenseignement deacutejagrave valideacute par le Conseil constitutionnel

Dans la deacutecision ndeg 2011-130 QPC du 20 mai 2011 le Conseil constitutionnel a valideacute

le principe mecircme de lrsquoenseignement des langues et cultures reacutegionales en estimant que

larticle L 312-10 du code de leacuteducation dans sa version issue de la loi ndeg2005-380 du 23

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

avril 2005 est conforme agrave la Constitution En effet apregraves avoir estimeacute inopeacuterant le grief tireacute

de la violation de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution la deacutecision preacutecise laquo que les dispositions

contesteacutees ne sont contraires agrave aucun droit ou liberteacute que la Constitution garantit raquo Par

conseacutequent en vertu de lrsquoautoriteacute que lrsquoarticle 62 de la Constitution confegravere aux deacutecisions du

Conseil constitutionnel les dispositions valideacutees dans cette deacutecision et toujours en vigueur

sont conformes agrave la Constitution Il srsquoagit en particulier de lrsquoalineacutea 2 de la version actuelle de

lrsquoarticle L312-10 du code de lrsquoeacuteducation en vertu duquel laquo Cet enseignement peut ecirctre

dispenseacute tout au long de la scolariteacute selon des modaliteacutes deacutefinies par voie de convention entre

lEtat et les collectiviteacutes territoriales ougrave ces langues sont en usage raquo Or lrsquoarticle 4 de la

proposition de loi ne fait qursquoajouter une 3e possibiliteacute de mise en œuvre drsquoun principe deacutejagrave

valideacute par le Conseil constitutionnel modaliteacute facultative et sans preacutejudice de lrsquoobjectif drsquoune

bonne connaissance de la langue franccedilaise Le leacutegislateur srsquoest donc scrupuleusement

conformeacute aux exigences du Conseil constitutionnel

23 La possibiliteacute drsquoun enseignement immersif peut se preacutevaloir de plusieurs exigences constitutionnelles

En plus de srsquoinscrire dans les lignes jurisprudentielles du Conseil constitutionnel et de

respecter lrsquoarticle 2 de la Constitution lrsquoarticle 4 de la proposition de la loi peut se preacutevaloir

plusieurs normes constitutionnelles

En premier lieu lrsquoarticle 75-1 de la Constitution en vertu duquel laquo Les langues

reacutegionales appartiennent au patrimoine de la France raquo constitue un changement de

circonstances de droit issu de la reacutevision constitutionnelle de 2008 qui atteacutenue la porteacutee de

lrsquoarticle 2 de la Constitution et permet ainsi de fonder le principe drsquoen enseignement immersif

et facultatif en langue reacutegionale

En second lieu comme preacuteceacutedemment rappeleacute (cf supra point 13) plusieurs

exigences et liberteacutes constitutionnelles peuvent soutenir le deacuteveloppement des langues

reacutegionales et peser favorablement dans la conciliation opeacutereacutee par le Conseil constitutionnel

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

La liberteacute drsquoexpression et de communication garantie par lrsquoarticle 11 de la DDHC

et dont le reacutegime constitutionnel srsquoest renforceacute depuis une dizaine drsquoanneacutees peut permettre de

justifier lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale degraves lors qursquoil srsquoagit drsquoun preacutealable neacutecessaire

agrave lrsquoexpression et agrave la communication dans une autre langue que le franccedilais

Lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant reacutecemment consacreacute sur le fondement des alineacuteas 10

et 11 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 peut permettre au leacutegislateur de diversifier les

possibiliteacutes drsquoapprentissage drsquoune langue et drsquoune culture reacutegionale

La liberteacute de lrsquoenseignement consacreacutee de longue date en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la Reacutepublique implique neacutecessairement comme le

reconnaissent le Conseil drsquoEtat au niveau constitutionnel (CE 19 juillet 2017 Association

Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150) et les textes europeacuteens (article 2 du protocole 1

CEDH article 14-3 Charte des droits fondamentaux de lrsquoUnion europeacuteenne) une possibiliteacute

pour les parents de choisir des meacutethodes eacuteducatives en lien avec leurs convictions

Il est eacutegalement possible drsquoavancer le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction qui

deacutecoule de lrsquoalineacutea 13 du Preacuteambule de la Constitution de 1946 (CC ndeg2001-450 DC 11

juillet 2001) degraves lors que lrsquoapprentissage drsquoune langue reacutegionale poursuit un objectif

peacutedagogique auquel les eacutelegraveves doivent pouvoir acceacuteder de maniegravere suffisamment libre et

selon des critegraveres objectifs et rationnels

Lrsquoarticle 4 de la proposition de loi se contente drsquoajouter une modaliteacute de mise enœuvre drsquoun enseignement dont le principe a deacutejagrave eacuteteacute valideacute par le Conseilconstitutionnel La conformiteacute agrave la Constitution de cet enseignement est eacutetablie degraveslors qursquoil est proposeacute de maniegravere facultative sans preacutejudice du respect de lrsquoarticle 2 dela Constitution et qursquoil peut se preacutevaloir de lrsquoarticle 75-1 de la Constitution ainsi quede plusieurs principes constitutionnels comme la liberteacute drsquoexpression lrsquointeacuterecirctsupeacuterieur de lrsquoenfant la liberteacute drsquoenseignement et lrsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction

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3 Sur la conformiteacute agrave la Constitution de lrsquoarticle 6 de la proposition de loi

Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi deacutefeacutereacutee modifie lrsquoarticle L442-5-1 du code de

lrsquoeacuteducation en remplaccedilant les alineacuteas 6 et 7 par lrsquoalineacutea suivant

laquo La participation financiegravere agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements

priveacutes du premier degreacute sous contrat drsquoassociation dispensant un enseignement de langue

reacutegionale au sens du 2deg de lrsquoarticle L 312-10 fait lrsquoobjet drsquoun accord entre la commune de

reacutesidence et lrsquoeacutetablissement drsquoenseignement situeacute sur le territoire drsquoune autre commune agrave la

condition que la commune de reacutesidence ne dispose pas drsquoeacutecole dispensant un enseignement de

langue reacutegionale raquo

31 Lrsquoimpact subsidiaire et reacutesiduel de lrsquoarticle 6

Au-delagrave des passions et crispations qui peuvent parfois se rencontrer au greacute de deacutebats

relatifs au financement de lrsquoenseignement priveacute la modification apporteacutee par lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi doit ecirctre replaceacutee agrave sa juste porteacutee

En premier le meacutecanisme est subsidiaire En effet la participation financiegravere de la

commune de reacutesidence ne serait solliciteacutee que si cette commune ne laquo dispose pas drsquoeacutecole

dispensant un enseignement de langue reacutegionale raquo Il srsquoagit bien drsquoun laquo enseignement raquo quel

que soit sa forme et son volume Degraves lors comme lrsquoa clairement exprimeacute le deacuteputeacute Paul

Molac devant la Commission des affaires sociales il peut srsquoagir drsquoune laquo initiation drsquoun

enseignement paritaire ou drsquoune immersion raquo (31 mars 2021)

En deuxiegraveme lieu le meacutecanisme est reacutesiduel La participation financiegravere se limite

aux eacutetablissements priveacutes du premier degreacute ndash les eacutecoles ndash ayant conclu un contrat

drsquoassociation Les collegraveges et lyceacutees sont donc exclus du dispositif Un faible nombre

drsquoenfants sera concerneacute et la charge sera donc reacuteduite pour les communes en question De

plus en pratique dans les zones ougrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales est reacutepandu les

eacutecoles drsquoun grand nombre de communes ont deacutejagrave deacuteveloppeacute des offres eacuteducatives

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En troisiegraveme lieu la participation financiegravere est encadreacutee par la loi En application

de lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation non modifieacute par la preacutesente

proposition de loi les modaliteacutes de calcul de la contribution de la commune de reacutesidence sont

clairement eacutetablies

laquo il est tenu compte des ressources de cette commune du nombre deacutelegraveves de cette

commune scolariseacutes dans la commune daccueil et du coucirct moyen par eacutelegraveve calculeacute sur la base

des deacutepenses de fonctionnement de lensemble des eacutecoles publiques de la commune daccueil

sans que le montant de la contribution par eacutelegraveve puisse ecirctre supeacuterieur au coucirct quaurait

repreacutesenteacute pour la commune de reacutesidence leacutelegraveve sil avait eacuteteacute scolariseacute dans une de ses eacutecoles

publiques raquo

La charge financiegravere obeacuteit donc agrave des regravegles claires objectives rationnelles et deacutejagrave en

vigueur depuis plusieurs anneacutees En effet le laquo forfait scolaire raquo est deacutejagrave pratiqueacute sur le

fondement de lrsquoarticle L212-8 du code de lrsquoeacuteducation lorsqursquoune famille scolarise dans une

eacutecole publique ou priveacutee son enfant dans une autre commune que la commune de reacutesidence

32 Lrsquoabsence de violation de la libre administration des collectiviteacutes

territoriales et du principe drsquoeacutegaliteacute

Ainsi replaceacutee dans sa juste porteacutee il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave lrsquoarticle 6 de la

proposition de loi de violer la Constitution et en particulier les principes applicables en

matiegravere de libre administration des collectiviteacutes territoriales ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute

En premier lieu le Conseil constitutionnel a deacutejagrave valideacute le principe de lrsquoaide agrave

lrsquoenseignement priveacute et en particulier aux langues reacutegionales

Avant mecircme la reacutevision constitutionnelle de 2008 et la conseacutecration des langues

reacutegionales comme patrimoine de la France agrave lrsquoarticle 75-1 de la Constitution le Conseil

constitutionnel avait reconnu que laquo pour concourir agrave la sauvegarde des langues reacutegionales

lEacutetat et les collectiviteacutes territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet

objet raquo (CC ndeg2001-456 DC 27 deacutecembre 2001)

De plus le Conseil constitutionnel rappelle reacuteguliegraverement que laquo le leacutegislateur peut

preacutevoir loctroi dune aide des collectiviteacutes publiques aux eacutetablissements denseignement

priveacutes selon la nature et limportance de leur contribution agrave laccomplissement de missions

denseignement raquo (CC ndeg93-329 DC du 13 janvier 1994)

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En deuxiegraveme lieu le principe de libre administration ne saurait justifier des

traitements diffeacuterencieacutes dans lrsquoexercice des droits et liberteacutes constitutionnels

En vertu de lrsquoarticle 72 de la Constitution les collectiviteacutes territoriales srsquoadministrent

librement mais laquo dans les conditions preacutevues par la loi raquo De plus le Conseil constitutionnel

prend soin de preacuteciser que laquo si le principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

a valeur constitutionnelle les dispositions que le leacutegislateur eacutedicte ne sauraient conduire agrave ce

que les conditions essentielles drsquoapplication drsquoune loi relative agrave lrsquoexercice de la liberteacute de

lrsquoenseignement deacutependent de deacutecisions des collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas

ecirctre les mecircmes sur lrsquoensemble du territoire raquo (CC ndeg 84-185 DC du 18 janvier 1985 CC

ndeg93-329 du 13 janvier 1994) Plus largement dans la deacutecision du 17 janvier 2002 (ndeg2001-

454 DC) le Conseil constitutionnel affirme que laquo le principe de libre administration des

collectiviteacutes territoriales ne saurait conduire agrave ce que les conditions essentielles de mise en

oeuvre des liberteacutes publiques et par suite lensemble des garanties que celles-ci comportent

deacutependent des deacutecisions de collectiviteacutes territoriales et ainsi puissent ne pas ecirctre les mecircmes

sur lensemble du territoire de la Reacutepublique raquo

Or en lrsquoespegravece si les communes pouvaient librement participer au financement de la

scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du premier degreacute sous contrat

drsquoassociation lrsquoexercice de la liberteacute drsquoenseignement du principe drsquoeacutegaliteacute devant la loi et du

principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction deacutependrait de la seule volonteacute drsquoune collectiviteacute

territoriale ce que le Conseil constitutionnel condamne Degraves lors que la possibiliteacute drsquoun

enseignement en langue reacutegionale est offerte aux enfants les conditions drsquoaccegraves agrave cet

enseignement doivent pouvoir ecirctre effectives et eacutegales Loin de violer le principe drsquoeacutegaliteacute

devant la loi lrsquoarticle 6 de la proposition de loi en assure au contraire la garantie

En troisiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne transfert ni ne creacutee de

nouvelles compeacutetences

Srsquoagissant des ressources des collectiviteacutes locales permettant de leur assurer une libre

administration le quatriegraveme alineacutea de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution preacutevoit laquo Tout

transfert de compeacutetences entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales srsquoaccompagne de

lrsquoattribution de ressources eacutequivalentes agrave celles qui eacutetaient consacreacutees agrave leur exercice Toute

creacuteation ou extension de compeacutetences ayant pour conseacutequence drsquoaugmenter les deacutepenses des

collectiviteacutes territoriales est accompagneacutee de ressources deacutetermineacutees par la loi raquo Le Conseil

constitutionnel veille au respect de cette regravegle drsquoune part pour les transferts de compeacutetence

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entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes territoriales et drsquoautre part pour les creacuteations ou extensions de

compeacutetence des collectiviteacutes territoriales

En lrsquoespegravece aucune creacuteation ou transfert de compeacutetence nrsquoest opeacutereacute au sens de

lrsquoarticle 72-2 de la Constitution Il srsquoagit drsquoune simple participation financiegravere agrave caractegravere

subsidiaire reacutesiduel et deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels comme

preacuteceacutedemment eacutevoqueacute (cf supra point 31) De plus le versement de la participation

financiegravere correspond en quelque sorte agrave un allegravegement de charge degraves lors que le coucirct de

lrsquoenfant scolariseacute est reporteacute sur une autre commune que la commune de reacutesidence En

conseacutequence lrsquoarticle 6 de la proposition de loi ne fait que modifier les modaliteacutes drsquoexercice

drsquoune compeacutetence sans en creacuteer ou transfeacuterer une nouvelle

Drsquoailleurs dans la deacutecision ndeg2009-591 DC du 22 octobre 2009 le Conseil

constitutionnel avait jugeacute inopeacuterant le grief tireacute de la violation des articles 72 et 72-2 de la

Constitution agrave propos de la version ancienne de lrsquoarticle L442-5-1 du code de lrsquoeacuteducation en

jugeant que laquo la loi deacutefeacutereacutee nemporte ni creacuteation ni extension des compeacutetences en matiegravere de

contributions des communes aux frais de fonctionnement des classes eacuteleacutementaires des

eacutetablissements du premier degreacute priveacutes sous contrat dassociation que par suite le grief tireacute

de la meacuteconnaissance du principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales manque

en fait raquo

Le Conseil constitutionnel a statueacute dans le mecircme sens au sujet de lrsquoinstitution drsquoun

creacutedit drsquoimpocirct en matiegravere drsquoapprentissage ou de la possibiliteacute de modifier la dureacutee du contrat

drsquoapprentissage mecircme si ces mesures en rendant lrsquoapprentissage plus attrayant ont pour effet

drsquoaugmenter le nombre drsquoapprentis et donc drsquoaccroicirctre les charges des reacutegions dans ce

domaine (CC ndeg 2004-509 DC du 13 janvier 2005)

En quatriegraveme lieu le principe drsquoeacutegaliteacute entre les charges publiques est respecteacute

En effet en plus du caractegravere subsidiaire et reacutesiduel du meacutecanisme la participation

financiegravere preacutevue par lrsquoarticle 6 de la proposition de loi srsquoapplique agrave lrsquoensemble des

communes ne disposant pas drsquoun eacutetablissement dispensant un enseignement de langue

reacutegionale ce qui est coheacuterent au regard de lrsquoobjet de la loi Les critegraveres de la participation

financiegravere preacutevus par lrsquoalineacutea 10 de lrsquoarticle L442-5-1 sont en tout eacutetat de cause objectifs et

rationnels eacutetablis et mis en œuvre depuis plusieurs anneacutees Les garanties de lrsquoarticle 13 de la

DDHC sont donc respecteacutees

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 5 mai 2021

En cinquiegraveme lieu lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir du respect

de plusieurs normes constitutionnelles

En affirmant depuis 2008 que les langues reacutegionales appartiennent au patrimoine de la

France lrsquoarticle 75-1 de la Constitution donne un ancrage constitutionnel au deacuteveloppement

de lrsquousage et de lrsquoenseignement des langues reacutegionales Or sans la participation financiegravere des

communes de reacutesidence agrave la scolarisation des enfants dans les eacutetablissements priveacutes du

premier degreacute sous contrat lrsquoenseignement des langues reacutegionales serait compromis Par

conseacutequent lrsquoarticle 6 de la proposition de loi constitue une garantie leacutegale du respect de

lrsquoaffirmation porteacutee par lrsquoarticle 75-1 de la Constitution

Le mecircme raisonnement sera tenu agrave propos de lrsquoensemble des principes constitutionnels

qui donnent une assise agrave lrsquousage et agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales la liberteacute

drsquoexpression et de communication (article 11 DDHC) la liberteacute drsquoenseignement (PFRLR)

dont pourrait deacutecouler une exigence en matiegravere de droit des parents de choisir les meacutethodes

eacuteducatives (CE 19 juillet 2017 Association Les Enfants drsquoabord et autres ndeg 406150)

lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (alineacutea 10 et 11 du Preacuteambule de 1946) le principe drsquoeacutegaliteacute

(article 6 DDHC) le principe drsquoeacutegal accegraves agrave lrsquoinstruction (alineacutea 13 du Preacuteambule de 1946)

Sans lrsquoarticle 6 de la proposition de loi lrsquoeffectiviteacute de lrsquoensemble de ces normes

constitutionnelles serait consideacuterablement atteacutenueacutee et creacuteerait des diffeacuterences de traitement

injustifieacutees et deacutependantes de la volonteacute des communes

De plus lrsquoarticle 6 de la proposition de loi peut se preacutevaloir drsquoun objectif de

clarification et de seacutecurisation du droit applicable qui peut se rattacher agrave lrsquoarticle 16 de la

DDHC degraves lors que les textes jusqursquoagrave preacutesent applicables eacutetaient ambigus et ont donneacute lieu agrave

des contentieux En rendant obligatoire ce qui eacutetait avant une faculteacute pour autant soumise agrave

un rocircle non neacutegligeable du preacutefet lrsquoarticle 6 de la proposition de loi clarifie le droit

applicable Ainsi une deacuteputeacutee preacutecisait lors des deacutebats parlementaires que laquo lrsquoarticle 34 de la

loi pour une eacutecole de la confiance relatif au versement du forfait scolaire a susciteacute de

nombreux imbroglios administratifs Ainsi chez moi en Bretagne plus de 150 demandes de

meacutediation ont eacuteteacute transmises aux services de lrsquoEacutetat ce qui met en lumiegravere lrsquoambiguiumlteacute de la loi

et les difficulteacutes de son application Je soutiens donc fortement lrsquoarticle 2 quinquies [devenu

article 6] issu des travaux du Seacutenat qui legraveve toute incertitude raquo (Mme Claudia Rouaux

Commission des affaires sociales Assembleacutee nationale 31 mars 2021)

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Lrsquoarticle 6 de la proposition de loi creacutee un meacutecanisme subsidiaire et reacutesiduel dont laporteacutee est deacutetermineacutee selon des critegraveres objectifs et rationnels Sans creacuteer ni transfeacutererde nouvelle compeacutetence aux communes cette disposition assure une mise en œuvreuniforme des droits et liberteacutes et peut se preacutevaloir de nombreuses normesconstitutionnelles confeacuterant agrave lrsquoenseignement des langues reacutegionales et agrave son soutienfinancier de solides justifications constitutionnelles

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2021-818 DC - Reccedilu au greffe du Conseil constitutionnel le 12 mai 2021

  • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure Mme Mastorpdf
    • Lettre Wanda Mastor accompagnant la porte eacutetroite
      • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure MSchellenberger et autrespdf
        • Courrier agrave lattention de M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
        • Courrier agrave M Laurent FABIUS - Langues Reacutegionales
          • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure assESKOLIL pdf
            • lettre daccompagnement CC
            • Porte eacutetroite loi langues reacutegionales (2)
              • 2021-818 DC - Contribution exteacuterieure M Bertrand Pancherpdf
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