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D’APRÈS LE DERNIER TESTAMENT DE BEN ZION AVROHOM DE JAMES FREY MISE EN SCÈNE MÉLANIE LAURENT ARTISTE ASSOCIÉE – CRÉATION 2016

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d’après le dernier testament de ben zion avrohomde james frey

mise en scène mélanie laurentartiste associée – création 2016

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texte d’après Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom de James Freyadaptation Mélanie Laurentet Charlotte Farcet

mise en scène Mélanie Laurentassistée de Amélie Wendlingdramaturgie Charlotte Farcetscénographie Marc Lainé et Stephan Zimmerli

création lumièresPhilippe BerthoméchorégraphieArthur Perolemusiques originalesMarc Chouarainen collaboration avecMélanie LaurentcostumesBéatrice Rionmaquillage et coiffureHeidi BaumbergerVidéoRenaud Verceyréalisation et régie son Maxime ImbertaccessoiristeLionel Screverégie généraleKarl Gobynrégie lumièrePauline Mouchelarrangement chŒurJérôme Billy

équipe de tournagechef opérateurAlexandre Légliseassistant caméraRaphaël Dougéchef électroAntoine RouxcascadeurGrégory Loffredo

aVecOlindo Bolzan adam/matthewStéphane Facco charles/jérémieGaël Kamilindi gaël mutanganaLou de Laâge esther/judithJocelyn Lagarrigue Ben Zion avrohomNancy Nkusi mariaangelesMorgan Perez jacob/john

production théâtre gymnase-Bernardines – marseillecoproduction théâtre national de chaillot, théâtre gymnase-Bernardines – marseille, la comédie de clermont-ferrand – scène nationale, la filature – scène nationale de mulhouse, espace malraux – scène nationale de chamBéry et de saVoie, théâtre de liège – Belgique, melyprod, théâtre anne de Bretagne – Vannes

mécènes

remerciementsAigle, American Vintage, Atelier Sakina M’sa, Bleu de Paname, The Kooples, Maxime Simoens,Petit Bateau, Repetto, Veja

durée 2 heures

spectacle créé au théâtre du gymnase le 20 septemBre 2016 – marseillecréditsillustration de couVerture © antoine+manuelphotographies © Jean-Louis Fernandez, photographe associé à la Comédie

mercià Caroline A. pour son accueil lors de la résidence d’écriturede Mélanie Laurent etCharlotte Farcet en février 2015

et Genti Bahja, Ludivine Barbosa, Alison Barrier, Adeline Bergeron, Sandrine Bezon, Antonin Boutinaud, Florence Cantrelle, Georges Cardenas, Sandra Chateau, Marie-Françoise Chevalier, Jennifer Cohade-Marsy, Milena Comte, Andréa Constantin, Yoanna Crison, Christophe Crozatier, Viviane Durand, Lydia Ferreira, Alain George, Marie Goguely, Véronique Guienne, Alexandre Lafforgue, Pierre Loechleiter, Sylvie Marambert-Vinas,Marie Monnet, Frédéric Phelut, Sandrine Pradier, Laurie Repiennik, Matthieu Ribailly, Sonia Robert, Geneviève Sauvadet, Yann Surzur, Laurence Surzur, Jean-Yves Touratier, Jasna Uzunovic, Carole Vedrine, Marcos Vinas, Cyrille Vouillot

tournée 2016-201720-24 septemBre Théâtre du Gymnase, Marseille (création)29-30 septemBre Théâtre Liberté, Toulon12-14 octoBre La Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale18-19 octoBre Espace Malraux, Chambéry23-29 octoBre Théâtre de Liège15 noVemBre Théâtre Anne de Bretagne, Vannes23-24 noVemBre CDN de Haute Normandie, Rouen6 janVier Anthéa, Théâtre Antipolis d’Antibes13-14 janVier Bonlieu, scène nationale d‘Annecy25-3 féVrier Théâtre National de Chaillot, Paris9-10 féVrier La Filature, scène nationale de Mulhouse

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Ce projet naît de la rencontre d’un livre, Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom de James Frey, une rencontre comme un choc qui fait naître un espoir et en même temps éveille. Comme s’il recentrait et rappelait l’essentiel, une évidence trop souvent oubliée, parfois dénigrée parce qu’associée à une forme de naïveté, posée dans ces pages presque comme un objet : la puissance de l’amour.Cette lecture a surgi comme un miroir, au cœur de mes propres inquiétudes, celles du devenir du monde, de la planète, dans un avenir déjà proche. L’apocalypse, dont parle Ben, est reprise et formulée à leur manière par les sociologues de notre époque. Au cœur de cette inquiétude donc, ce livre a fait paraître une fenêtre, par un biais inattendu, presque fou, une fenêtre pleine d’espoir, tissant un lien au monde qui échapperait au seul matérialisme et donnant à la foi un autre visage : une foi dans l’autre, défaite de dogme, une foi dans l’acte individuel et dans sa puissance.L’adapter a été une évidence. Et l’envie de l’adapter au théâtre plutôt qu’au cinéma une intuition : le cinéma contraint à une forme de réalisme, de représentation exhaustive et, dans ce cas, prolifique, tandis que le théâtre offre l’économie et la métaphore, le pouvoir de l’évocation. Il se fonde sur un acte de foi tout à fait singulier, un accord tacite entre la salle et la scène : cette chaise est un arbre, j’y crois. Le théâtre aussi parce qu’au fond il s’agit de cela : un homme qui parle à d’autres hommes. Parce qu’il a été, déjà, le lieu de la représentation de la passion, mystère et miracle. Le théâtre parce que, vivants jouant devant des vivants, il reste encore un espace de communauté, et même de commu-nion, et que l’œuvre de James Frey ne porte rien d’autre que l’espoir de cela.

MéLAnIE LAurEnt

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qu’est-ce qu’un messie pour vous ?C’est une figure qui nous rassure, qu’on espérerait voir arriver ; un messie c’est quelqu’un en qui on a envie de croire, selon moi, quand on a peur et qu’on est désespéré. C’est ce que raconte cette pièce qui rassemble des âmes esseulées prêtes à croire en quelques secondes.

les frontières peuvent être fragiles entre le messie, le prédicateur, le gourou, le faux prophète…Par « messie », j’entends un sage, un être généreux qui donnerait de l’amour sans rien attendre en retour. Il répond à notre envie d’être pris en compte tout le temps. Il est celui qui donne tout, simplement pour faire du bien. C’est ce que dit le personnage de Ben à la fin de la pièce : s’il lui restait encore un miracle à accomplir, il ne le ferait pas pour lui.

quelle forme prendrait le messie s’il devait s’incarner ?Pour moi, ce serait la nature. Elle nous offre tout sans se faire remercier, c’est un état vivant qui existe en soi, qui ne demande rien en retour de l’amour qu’il apporte. Le divin se révèle dans la beauté de n’importe quelle plante, de n’importe quel arbre.

et nous serions ses jardiniers ?Si nous étions ne serait-ce que des observateurs humbles face à cette puissance-là, ce serait déjà beaucoup.

au-delà du personnage de Ben, de quelles ressources disposons-nous aujourd’hui pour refonder un humanisme ?Le personnage de Ben peut être partout, si on décide qu’il est symbolique. Le monde irait mieux si déjà nous nous réconcilions avec nos

voisins, notre famille et nos amis. Aller mieux c’est arrêter de se juger. nous supposons beaucoup, nous passons notre temps à nous inventer des histoires, sur nos origines, sur nos noms, parce que nous sommes terrifiés par l’idée de ne pas avoir d’explication,

d’échapper au sens. refermés sur notre seul point de vue, nous nous laissons dévorer par les suspicions et nous sommes à ce point encagés dans nos histoires qu’on en devient paranoïaques. Ben arrive précisément au moment où les gens sont le plus désespérés, où ils ne peuvent que reconnaître qu’ils ont besoin de lui. Ils sont touchés et bouleversés parce que personne ne croit en eux. Et eux l’attendent justement parce qu’on ne les regarde pas. Ainsi, ces personnages nous renvoient en creux la première manifestation de notre absence d’humanité, celle que nous ne savons pas vivre ensemble.

pour votre adaptation du roman de james frey, vous avez épuré le roman de son contexte géopolitique (james frey fait en effet une critique virulente des conséquences de l’ultralibéralisme américain en particulier dans les communautarismes religieux) pour vous rapprocher de la forme du conte et ne garder que l’essence poétique de la parabole.Oui. Pour cela, on a dû étoffer un personnage, celui de l’avocat qui n’apparaît qu’à la fin du roman pour en faire un personnage de conteur. Il fallait aussi épurer la masse du contenu romanesque pour trouver un fil conducteur dramatique structurant : le personnage de Gaël joue ce rôle. Mais il y a aussi ce qui est propre à ma manière de faire de la mise en scène : chaque tableau, chaque image créée doit évoquer et éclairer le sens sans avoir recours à l’explication. Si le texte devient redondant avec l’image, je garde l’image et supprime le

conVersation aVec mélanie laurent

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texte parce que l’image créée fait travailler l’imaginaire du spectateur et l’atteint moins de manière intellectuelle qu’émotionnelle. Ce travail d’épure est une recherche d’équilibre au cœur de ce dilemme : il faut offrir assez de texte pour nourrir l’intellect tout en donnant des images qui, elles, vont droit au cœur.

quelle est la différence pour vous entre la création d’une image cinématographique et la création d’une image théâtrale ? par exemple, comment pensez-vous la notion de cadre ?Les deux conceptions ne sont pas étrangères. La manière de travailler, de construire est très éloignée, mon rôle est très différent, mais l’image se fabrique toujours à partir d’êtres vivants, qui bougent, qui proposent des déplacements. De même, la caméra s’est déplacée dans le regard du spectateur. Au cinéma, j’ai l’habitude de devoir créer dès le tournage une sorte de rythme et de montage. Au théâtre, je dois accepter l’idée d’un cadre, que le mouvement des caméras soit créé par celui des acteurs. Mon cadre, c’est la lumière. Par exemple, la scène de la danse d’Esther est un moment très significatif : nous avons travaillé d’abord la lumière en utilisant un éclairage en douche qui ne montrait que son visage. C’était très beau, on était pleinement avec le personnage. Puis on a essayé un éclairage plus large en clair-obscur, l’œil était attiré par un ensemble et l’effet se perdait. La lumière me permet de faire des gros plans.

quand vous dirigez les acteurs, même à propos des textes, vous utilisez très souvent le terme « chorégraphie ». qu’entendez-vous par là ?C’est une réponse au rapport parfois compliqué que j’entretiens avec le théâtre en tant que spectatrice. J’ai besoin de fluidité, de déplacements qui amènent d’autres déplacements pour donner l’impression qu’il n’y a jamais de temps mort. C’est comme si pour chaque scène, on amenait de la danse, petit à petit. J’ai envie d’être précise et fluide. Pour ce spectacle, je suis très heureuse d’être accompagnée par un chorégraphe et des acteurs capables de le suivre. J’ai toujours dit que je voulais que ce spectacle soit un ballet.

entre cinéma et théâtre, qu’est-ce qui change votre manière de diriger les acteurs ?C’est très déroutant. Chaque acteur a un temps d’évolution qui lui est propre. C’est difficile pour moi de projeter ce que j’ai dans la tête et de le vérifier dans son ensemble avec la réalité de chacun. On m’a dit que le théâtre et la mise en scène demandaient de la patience, ce qui n’est pas ma spécialité ! J’ai appris en très peu de temps qu’il fallait ne pas chercher à obtenir ce que j’attends de manière immédiate et qu’il existe un lien puissant entre patience et confiance.

pourtant, à vous observer, vous semblez diriger les acteurs avec douceur et souplesse, par exemple en interrompant le fil des répétitions pour leur proposer un exercice…J’ai travaillé très jeune au cinéma, avec des metteurs en scène qui étaient autoritaires pour ne pas dire de vrais dictateurs, j’en ai beaucoup souffert. Je me suis toujours dit que si je faisais de la mise en scène, j’aurais la conduite inverse. Puis j’ai rencontré des metteurs en scène qui ne travaillaient que dans l’amour et la confiance ; j’y ai puisé des repères pour que les acteurs qui travaillent avec moi puissent dire qu’ils ont été heureux. Je ne sais pas travailler dans la douleur, je ne comprends pas la cruauté. Si certains obtiennent par la peur, moi j’en suis incapable. Le « jeu » théâtral comprend cette idée d’un « jouer ensemble ». Il me fallait construire une équipe qui au départ ne se connaissait pas, pour qu’elle réussisse à vivre la concorde et à trouver l’être qui anime l’esprit de la pièce. Avant d’entrer dans le travail, j’ai rassemblé tout le monde dans une grande maison à la campagne, nous avons mangé ensemble, partagé une sieste à l’ombre d’un cerisier. Favoriser les connexions et le lâcher prise était la condition première pour entrer dans le vrai travail.

Vous abordez souvent cette thématique de l’amour…Pour moi l’amour, c’est la famille. J’ai une famille aimante. Je n’ai pas eu besoin de m’en recréer une, j’ai juste eu besoin de prolonger mon enfance. Quand je travaille, je cherche à recréer une famille. J’ai besoin qu’autour de

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moi les acteurs rient, parlent, pour essayer de rejoindre les thèmes de la pièce, toujours sans jugement.

le documentaire « demain » que vous avez réalisé avec cyril dion a marqué par son pouvoir d’action transformatrice sur le public. travaillez-vous la mise en scène du « nouveau testament » avec cette même intention et ce même état d’esprit ?Quand on travaillait sur le documentaire avec Cyril Dion, on était à mille lieues de penser au pouvoir d’action qu’il aurait sur les gens. Personne avant nous n’avait fait de documentaire écologique positif. Si ce documentaire a eu du succès, c’est sûrement parce qu’il n’est pas moralisateur. Le Dernier testament est une pièce violente, elle est tout sauf légère ; ce qui importe c’est l’éveil qu’elle peut susciter chez les spectateurs, les transformations qu’elle peut générer. Si seulement à l’issue du spectacle, quelques-uns pouvaient se regarder autrement.

qu’attendez-vous du public ?J’aimerais tellement que les gens se parlent après le spectacle ! Si la communion peut être présente quelques secondes ce serait merveilleux !

propos recueillis par amélie rouher,professeur de lettres correspondanteculturelle auprès de la comédie,missionnée par le rectorat.26 août 2016, théâtre du gymnase, marseille.

trois ans aVec mélanie laurent HEurEuSE DE S’InSCrIrE DAnS LE tEMPS D’unE réSIDEnCE DE trOIS AnS Et DAnS un tErrItOIrE à DéCOuvrIr, MéLAnIE LAurEnt A ACCEPté L’InvItAtIOn DE LA COMéDIE DE POSEr réGuLIèrEMEnt SES vALISES En AuvErGnE, En tAnt Qu’ArtIStE ASSOCIéE. APPOrtAnt SES COMPétEnCES DE réALISAtrICE, ELLE A IMAGIné POur LES PrOCHAInES AnnéES un trAvAIL AvEC LES éLèvES Du LyCéE AGrICOLE Du vErnEt-LA-vArEnnE, à PArtIr DE LA MISE En PLACE D’un JArDIn POtAGEr éCO-CItOyEn, POur En SuIvrE L’évOLutIOn Au FIL DES AnS Et PréSEntEr réGuLIèrEMEnt, SOuS DES FOrMES tHéâtrALISéES Et/Ou FILMéES, LES étAPES DE CEttE AvEnturE. ELLE réFLéCHIt AuSSI à unE AutrE FOrME tHéâtrALE QuI réunISSE L’AGItPrOP (AGItAtIOn Et PrOPAGAnDE) AvEC DES tExtES Sur L’éCOLOGIE, Et LE BIOPIC AutOur DE LA vIE Et DE L’œuvrE DE LéOn tHéréMInE, InvEntEur Du PrEMIEr InStruMEnt DE MuSIQuE éLECtrOnIQuE, POur « révéLEr LES LIEnS EntrE LE GénIE CréAtEur D’un InDIvIDu Et L’évEIL COLLECtIF Et CItOyEn DES COnSCIEnCES ».

la comédie accueille depuis cette saison deux autres artistes associés :le chorégraphe faBrice lamBert et le metteur en scène johanny Bert.

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« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous » a écrit Paul Éluard et cette affirmation du poète correspond assez parfai-tement au parcours étonnant de Mélanie Laurent. à 14 ans, une première rencontre sur un tour-nage où elle est venue par curio-sité avec une amie va changer sa vie. Gérard Depardieu cherche une jeune actrice pour son film Un pont entre deux rives (1999). Sans aucune expérience, la très jeune Mélanie Laurent devient actrice de cinéma tout en poursuivant ses études. Dix-sept ans plus tard, elle aura interprété trente et un rôles au cinéma et six à la télévision, et aura reçu sept prix d’interpré-tation, dont le César du meilleur espoir féminin en 2007, pour son rôle dans le film de Philippe Lioret, Je vais bien, ne t’en fais pas. une carrière nationale et internationale puisque Mélanie Laurent jouera en particulier pour Quentin tarantino (Inglourious Basterds, 2009), Mike Mills (Beginners, 2011), Bille August (Un train de nuit pour Lisbonne, 2013).Ce parcours d’actrice n’est qu’une des facettes de cette artiste qui trace un chemin très personnel dans un univers cinématogra-phique peu habitué aux itinéraires parallèles. En 2008, elle réalise deux courts-métrages, De moins en moins et À ses pieds, préludes à ses trois longs- métrages Les Adoptés (2011), Respire (2014) et Plonger, dont elle vient de terminer le tournage.une nouvelle aventure se présente lorsqu’elle rencontre Pierre rabhi – poète, romancier, essayiste et agriculteur bio – et Cyril Dion, cofondateurs du mouvement Colibris, qui se mobilisent pour « la construction d’une société écologique et humaine ».Sensible depuis longtemps à la cause écologique et au devenir de la planète, cherchant un moyen de dépasser le sentiment d’impuissance que l’on peut ressentir devant l’immensité de la tâche, Mélanie Laurent s’engage dans la réalisation du film-do-cumentaire Demain (2015), récompensé par le César du meilleur documentaire en 2016. Avec ses camarades écologistes, elle va parcourir les quatre coins de la planète, là où des initiatives nouvelles, des expériences peu connues, pourraient inverser le mouvement de destruction engagé depuis des dizaines d’années. Le Dernier Testament est sa première mise en scène pour le théâtre. Jusqu’à

cette date, l’actrice avait eu deux expériences au théâtre, dans Le Grand Mezze avec édouard Baer (2002) et Promenade de santé de nicolas Bedos (2010). un rendez-vous en entraînant un autre, c’est ce projet de théâtre qui amène Mélanie Laurent à la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, avec une collaboration artistique sur plusieurs années. Artiste éclectique, combattante à sa manière pour des causes qu’elle juge essentielles, toujours pleine de projets qui se complètent et se nourrissent, Mélanie Laurent manifeste une foi « dans l’acte indi-viduel et dans sa puissance » pour tenter de vaincre les inquiétudes d’un monde à l’avenir menacé. Elle veut agir là où elle en a le pouvoir, sans crainte, avec la certitude que rien n’est pire que le silence de la résignation.

Jean-François Perrier pour la Comédie de Clermont-Ferrand, printemps 2016. Portrait © Jean-Louis Fernandez, photographe associé à la Comédie

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CHArLOttE FArCEt dramaturgeCharlotte Farcet est issue d’une formation littéraire et théâtrale. Elle a accompagné comme dramaturge Jacques nichet, Marie-thérèse Fortin, yannick Jaulin, Adrien Mondot, Claire Bardainne, Marie-ève Perron.Depuis 2008, elle participe aux créations de Wajdi Mouawad, Seuls, Ciels, Temps, Des Héros, Des Mourants, qui font suite au cycle Des Femmes de Sophocle dans lequel elle a joué. Elle a réédité le recueil général des Dialogues de Tabarin et son Maître aux Belles Lettres et, à la demande de Léméac/Actes Sud, a écrit les postfaces des ouvrages du Sang des Promesses, réédités chez Babel, Littoral, Incendies, Forêts, Ciels.

charlotte farcet À la comédieDrAMAturGE POur GARS DE MArIE-èvE PErrOn (2013), POur TEMPS (2012), CIELS (2009) Et SEULS (2008) DE WAJDI MOuAWAD

MArC LAIné scénographeMarc Lainé est diplômé de l’école nationale Supérieure des Arts Décoratifs en 2000.Depuis, il travaille régulièrement pour le théâtre et l’opéra en tant que scénographe et assistant à la mise en scène au côté de richard Brunel, Jacques Lassalle, Arnaud Meunier, Madeleine Louarn… Depuis 2008, il met en scène ses propres spectacles. Après Spleenorama, pièce de théâtre musical et fantastique sur une musique composée et interprétée par l’auteur et compositeur Bertrand Belin, le Centre Dramatique national de Haute-normandie accueille cette saison ses toutes dernières créations : Égarés, un road trip normand qui sillonnera le territoire et Vanishing-Point, autre road trip scénique avec les musiciens du groupe Moriarty, qui aura pour décor le grand nord canadien. Depuis 2009, Marc Lainé est metteur en scène associé au CDDB-théâtre de Lorient et, depuis 2014, artiste associé au CDn de Haute-normandie.

PHILIPPE BErtHOMé créateur lumièreFormé à l’école Supérieure d’Art Dramatique du théâtre national de Strasbourg, Philippe Berthomé crée les lumières de nombreux spectacles de Stanislas nordey notamment Tristesse animal noir de Anja Hilling au théâtre national de la Colline (2013) et Living (2012).Pour le metteur en scène éric Lacascade, il crée

les lumières de Platonov à la Cour d’honneur du Festival d’Avignon (2002) et plus récemment Oncle Vania au théâtre de la ville. Il signe également les lumières des spectacles de Jean-François Sivadier, Le Roi Lear à la Cour d’honneur du Festival d’Avignon (2007) et Le Misanthrope au théâtre national de l’Odéon.Philippe Berthomé éclaire aussi des mises en scène d’opéra. Pour Stanislas nordey, il signe les lumières de Saint-François d’Assise à l’Opéra Bastille, Pelléas et Mélisande à Covent Garden, Mélancholia au Palais Garnier. Pour Jean-François Sivadier, il crée les lumières de Traviata avec natalie Dessay à l’Archevêché du Festival d’Aix.Enfin, Philippe Berthomé éclaire Jane Via Japan de Jane Birkin et Ciels de Wajdi Mouawad.

philippe Berthomé À la comédieIL ESt LE CréAtEur LuMIèrE DE nOMBrEux SPECtACLES rEçuS DAnS LES PrOGrAMMAtIOnS DE LA COMéDIE, nOtAMMEnt DAnS DES MISES En SCènE D’érIC LACASCADE, DE JEAn-FrAnçOIS SIvADIEr, nOrAH krIEF, WAJDI MOuAWAD… Et DErnIèrEMEnt :2014 JE REDEVIEnS CET HOMME nU DE CéLInE POuILLOn Et LIVInG DE StAnISLAS nOrDEy2013 Un MÉTIER IDÉAL D’érIC DIDry2012 My SECRET GARDEn DE StAnISLAS nOrDEy2010 LA LOI DU MARCHEUR D’érIC DIDry

les comédiensLOu DE LAâGEétoile montante du cinéma français, Lou de Laâge a suivi une formation théâtrale chez Claude Mathieu, à Paris. En 2010, à 20 ans, elle commence sa carrière cinématographique prometteuse au côté de Pierre niney dans J’aime regarder les filles. La jeune actrice est nominée à deux reprises pour le César du Meilleur Espoir féminin pour sa performance dans Jappeloup avec Guillaume Canet et Daniel Auteuil et dans Respire, film réalisé par Mélanie Laurent où elle joue une jeune perverse narcissique qui use de son pouvoir pour manipuler son amie. En 2015, nous avons pu la voir dans L’Attente de Pierre Messina avec Juliette Binoche ainsi que dans Les Innocentes d’Anne Fontaine au côté de vincent Macaigne.

GAëL kAMILInDIAprès le Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique de Paris, Gaël joue au théâtre sous la direction de grands metteurs tels qu’Alain Françon dans Chaise d’Edward Bond, Olivier Py dans Opus Magnum et Marc Paquien au côté de

l’équipe

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Dominique Blanc, au théâtre de l’Atelier, dans La Locandiera. Sa prestation remarquée dans Les nègres mis en scène par Bob Wilson au théâtre de l’Odéon à Paris lui apporte la notoriété. En 2015, il est dirigé par Jean-Pierre vincent dans En attendant Godot, pièce acclamée par les critiques et le public. Son succès se confirmera au côté d’Isabelle Huppert dans Phèdre(s).Gaël kamilindi va rejoindre la Comédie-Française dès février 2017.

gaËl Kamilindi À la comédie2016 PHèDRE(S) MIS En SCènE PAr krzySztOF WArLIkOWSkI AvEC ISABELLE HuPPErt2015 En ATTEnDAnT GODOT DE JEAn-PIErrE vInCEnt2014 LES nèGRES DE rOBErt WILSOn

JOCELyn LAGArrIGuEFormé au théâtre du Soleil, Jocelyn joue à trois reprises sous la direction d’Ariane Mnouchkine dans Les Eumenides, La Ville parjure ou le réveil des Erinyes et Le Tartuffe. Il poursuit sa carrière de comédien auprès de metteurs en scène tels que Simon Abkarian, Christophe rauck et Julie Berès. Il joue pour la première fois avec Wajdi Mouawad en 2010 dans Le Sang des promesses puis poursuit sa collaboration avec lui dans Incendies, Des héros, et dernièrement Le Dernier jour de sa vie où il tient le rôle de Sophocle. Jocelyn Lagarrigue a fait plusieurs apparitions télévisuelles et cinématographiques comme dans ni pour, ni contre (bien au contraire) de Cédric klapisch ou encore Les Adoptés, le premier long-métrage de Mélanie Laurent.

MOrGAn PErEzFormé au Cours Florent, Morgan Perez joue auprès de metteurs en scène tels que Jean-Pierre Garnier, Marianne Groves, yann reuzeau tout en tenant de nombreux rôles à la télévision. Il expérimente la mise en scène avec la pièce Les Putes en 2000 puis découvre ensuite l’écriture, notamment avec le collectif des Quiches dont il fait partie (diffusion d’Allo’Quiche sur Canal+ et du film Foon au cinéma). Morgan Perez joue dans la première mise en scène de Julien Boisselier, Même si tu m’aimes (2012), après avoir collaboré avec Mélanie Laurent en tant que coscénariste du film Les Adoptés. Il participe également à Respire en 2013 en tant qu’acteur, le second long-métrage réalisé par Mélanie Laurent.

nAnCy nkuSInancy nkusi poursuit des études de psychologie avant d’intégrer une formation théâtrale au Conservatoire royal de Liège en Belgique. Elle joue en 2012 dans Le Mouton et la baleine mis en scène par Jasmina Douieb puis joue notamment dans Hate Radio, spectacle bouleversant sur le génocide rwandais mis en scène par Milo rau. Elle y interprète le rôle de valérie Bemeriki, journaliste de radio télévision Libre des Mille Collines, vecteur de propagande du gouvernement pour le massacre tutsi. En 2014, nancy nkusi met en scène et interprète 9h06, le finisseur est de retour de Hugues Dorzée.

nancy nKusi À la comédieHATE RADIO DE MILO rAuDu 10 Au 13 JAnvIEr 2017

StéPHAnE FACCOStéphane Facco joue à plusieurs reprises sous la direction de Jacques nichet notamment dans Faut pas payer et La Ménagerie de verre. En 2002, il fonde, en collaboration avec cinq comédiens, le Collectif Drao avec lequel il joue et met en scène Quatre images de l’amour, Shut your Mouth, Petites histoires de la folie ordinaire, nature morte dans un fossé, Push Up et Derniers remords avant l’oubli. Il joue actuellement dans Monsieur Pourceaugnac mis en scène par Clément Hervieu-Léger sous la direction musicale de William Christie.

OLInDO BOLzAnC’est par le théâtre Action que commence le travail d’acteur d’Olindo Bolzan. De 1979 à 1987, il est comédien au théâtre de la renaissance de Liège. Il y participe à quatre créations collectives, mises en scène par Jean-Louis Colinet. Depuis 1989, il joue au théâtre de la Place de Liège et, à Bruxelles, au théâtre national, au théâtre de la Balsamine, au théâtre varia, au théâtre de Poche, au théâtre Océan nord. Il travaille notamment avec Martine Wijckaert, Jacques Delcuvellerie, Philippe Sireuil, Lorent Wanson, Michel Dezoteux, Pietro varasso et Mathias Simons. En 2005, il monte les marches du Festival de Cannes avec le film L’Enfant des frères Dardenne qui remporte la Palme d’or.

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pour vous, qu’est-ce qu’un messie ?La notion de messie n’appartient pas à mon horizon personnel. Je sais ce qu’est un messie tel qu’on le définit dans des textes ou selon certaines croyances – un person-nage providentiel, le sauveur – mais je ne peux pas personnellement me projeter dans l’idée qu’il y aurait une personne dotée du pouvoir de révéler un ensemble d’individus ou une foule. Si je peux être bouleversée par des figures politiques, comme Martin Luther king ou Gandhi c’est parce que ce ne sont préci-sément que des hommes et qu’on ne leur reconnaît pas de transcendance. L’idée d’une personne qui porterait toute la révéla-tion du monde, qui serait le libérateur peut même m’inquiéter. Car elle nous rend dépendants, nous place dans l’attente. Ce qui est intéressant dans Le Dernier Testament c’est que Ben au contraire suggère à chacun de devenir maître et acteur de sa vie. Si le mot de prophète ou messie est parfois prononcé à son endroit, pour d’autres il est simplement un homme, un ami, un frère, au plus : « un saint homme ».

pour vous, de quelles ressources disposons-nous aujourd’hui pour fonder un nouvel humanisme ?Dans la pièce, Ben dit qu’il faudrait commencer par simplement se réconcilier avec son voisin, sa famille, ses amis. à l’échelle qui est la nôtre, c’est sans doute la seule sphère où nous pouvons agir. Si nous commen-çons par le tout petit, par le plus proche en y portant toute notre attention, notre amitié, alors oui je pense que nous pouvons changer des choses. Beaucoup de gens sont doués d’empathie, la bonté existe. Les ressources sont en chacun de nous. Il ne s’agirait pourtant pas d’un nouvel humanisme, il n’y a rien de nouveau là-dedans, cette attention est très ancienne mais nous l’avons perdue dans des sociétés comme les nôtres, ou oubliée. Cela demande juste un effort personnel extrêmement grand dans un monde qui favorise et cultive davantage l’individualisme.

est-ce que vous pensez que le théâtre et l’art ont un

pouvoir transformateur ?On ne ferait pas ces métiers si on pensait que l’art ne peut et ne cesse de nous transformer, d’abord nous-mêmes. Il y a une chose très propre et singulière au théâtre, ce fait de s’as-seoir avec et devant des vivants. C’est le seul lieu, celui du spectacle vivant, art où cette rencontre-là est possible : et qui réalise, à un instant donné, une communauté est possible. C’est pour cela que le

théâtre est un des espaces qui me bouleversent le plus. De ce point de vue, oui je pense que le théâtre peut

nous transformer parce qu’il a un pouvoir de révé-lation, un pouvoir à la fois de réflexion et d’émotion.

Vous êtes dramaturge, c’est une fonction complexe qui ne recouvre souvent pas les mêmes

pratiques. comment concevez-vous votre métier ? et comment l’avez-vous exercé dans la collaboration avec mélanie laurent ?Je ne suis pas dramaturge au sens premier, c’est-à-dire celui d’auteur dramatique, mais davantage au sens allemand, où le dramaturge embrasse les fonctions de conseiller ou de collaborateur artistique. Le dramaturge est souvent associé au texte et à sa dimension littéraire, il peut réaliser une analyse textuelle, une recherche documentaire. Mais pour moi, c’est avant tout une sorte de premier regard, de premier spectateur entièrement au service du spectacle et l’interlocuteur privilégié de celui qui crée, son compagnon de route, celui avec lequel on peut partager questions et doutes. Je peux tout à fait travailler sur un texte en amont mais ce qui me passionne le plus c’est la rencontre du texte, du jeu des acteurs, de la lumière et du son, c’est-à-dire la dramaturgie non du texte mais du spectacle en son entier.

comment s’est élaboré le travail d’adaptation avec mélanie laurent ?J’ai vraiment travaillé au service de Mélanie. nous avons créé ensemble cette adaptation pour qu’elle corresponde à ce qui la touche. J’ai réalisé un premier montage et découpage du texte, en gardant la forme

conVersation aVec charlotte farcet dramaturge

Si nous commençons par le tout petit, par le plus proche en y portant toute notre attention, notre amitié, alors oui je pense que nous pouvons changer des choses.

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du témoignage et en proposant des scènes dialoguées. Puis nous avons retravaillé ensemble. C’est comme si en répétition j’étais dépositaire du texte, au sens où il m’appartenait de le travailler, de le remanier, de le repen-ser, mais je l’ai toujours fait à l’écoute du regard ou du cœur de Mélanie.

Quelles ont été les diffi-cultés particulières de l’adaptation ?Il y avait la double contrainte de respecter l’œuvre de James Frey et de l’adapter pour le théâtre. La forme du témoignage était un appui de forme. Mais il fallait rajou-ter du présent théâtral, par des scènes dialoguées. La vraie difficulté tient à ce que la nature même du roman offre ce que le théâtre ne peut offrir : dans le roman, Ben ne parle jamais, ses paroles ne sont que rapportées. On peut donc toujours douter même de son existence. Ces récits ne sont peut-être qu’affabulation. Au théâtre, en choisissant de mettre Ben sur un plateau, nous lui donnons un corps, une réalité, nous affirmons malgré nous son existence. Il fallait donc trouver un subterfuge pour mettre en doute ou rappeler le doute qu’il existe dans toute narration, rappeler que tout ça reste fiction. C’est pourquoi nous avons créé un narrateur qui corres-pond à un personnage de l’histoire. L’histoire de Ben présentée sur scène est la reconstitution proposée par ce personnage, Gaël Mutangana, elle sort de lui, pour-rait-on dire. Donc peut-être n’est-elle pas réelle… C’est la liberté la plus forte que nous avons prise par rapport au roman, jusqu’au nom lui-même.

ce dispositif ressemble à un scénario de cinéma…Oui, on retrouve l’impression de cinéma dans le désir de raconter une histoire, dans le choix du micro, dans le fil musical, dans la fluidité cherchée des enchaîne-ments. Pourtant Mélanie travaille avec les prin-cipes du théâtre et de la théâtralité parce qu’ils s’éloignent justement du réalisme ou du natu-ralisme qu’impose le cinéma. Par exemple, très tôt elle a formulé le désir que le décor soit le plus abstrait possible, que les costumes soient quasiment neutres voire interchangeables.

quels aspects majeurs du roman vous ont posé problème dans l’adaptation ?Le Dernier Testament est un roman très ancré dans le contexte américain, particulièrement évangélique. Le point de vue de James Frey est une critique acerbe des états-unis. Dans le travail d’adaptation, nous nous sommes demandé quelle place nous devions donner à ce contexte. Fallait-il effacer ou bien transposer ? Assez vite, nous nous sommes rendu compte que sortir

l’adaptation de ce contexte était impossible. Pourtant, il fallait éviter certains écueils : Ben est un personnage prolixe dans le roman ; en le faisant parler à hauteur équivalente au théâtre nous prenions de risque de

tomber dans la parole dogmatique. De fait, dans le spectacle, sa parole est rare.

comment avez-vous abordé la question religieuse ?nous avons respecté le roman, sans appuyer. James Frey dépeint surtout les juifs ortho-

doxes et les évangélistes, reliés à la question du messie. Il rappelle le lien étroit qui unit les néo-conservateurs à Israël : pour eux, le Christ ne peut que revenir là-bas, d’où la nécessité de défendre Israël.

Vous avez épuré les désignations religieuses très marquées dans le roman, tout comme vous épurez aussi le contexte post-new age qui décrit une conception très libertaire de la relation entre les hommes ?En effet, l’approche est moins libertaire que dans le livre. Le point de départ de l’adaptation est avant tout la question de l’amour. Même si Mélanie Laurent est en accord avec l’esquisse apocalyptique qui caractérise notre époque, le plus important est la force d’amour qui peut l’habiter.

on peut parler de puissance de révélation ?C’est ça. Cela répond à la question « Quelles ressources pour un nouvel humanisme ? ». Le personnage de Ben est un être comme les autres, sa différence est qu’il ne dit pas aux gens ce qu’ils doivent faire, il ne se tient ni dans le dogme ni dans l’indication, il les révèle par sa simple présence et leur permet d’exister en les déta-

chant des anciens liens*.

donc, ce ne sont pas des pouvoirs divins mais plutôt des capacités humaines ?Oui, et pourtant Ben est

capable de miracles. Le récit laisse planer le doute en jouant sur la nature épileptique du personnage. La dimension messianique implique que l’on admette la nature miraculeuse de ses dons et de ses pouvoirs.

Vous considérez Ben comme un personnage de pure fiction, comme un héros ?Je dirais que Ben est un espace creux, que l’on peut y glisser beaucoup de significations. Nous oublions qu’il y a des possibles, souvent nous prenons le réel comme une surface plane derrière laquelle il n’y a rien. Peut-être que Ben est justement quelqu’un qui crée les brèches. Il nous ouvre à la possibilité de voir le monde autrement.

Ben est un être comme les autres, sa différence est qu’il ne dit pas aux gens ce qu’ils doivent faire, il ne se tient ni dans le dogme ni dans l’indication, il les révèle par sa simple présence et leur permet d’exister en les détachant des anciens liens.

Je dirais que Ben est un espace creux, que l’on peut y glisser beaucoup de significations.

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pour toi, qu’est ce qu’un messie ?Ce serait quelqu’un dont la parole serait entendue de la même manière en tous lieux. Quelqu’un qui pourrait faire entendre à tous une sorte de nécessité pour que notre bonheur s’accomplisse.

si un messie apparais-sait aujourd’hui, quelle forme prendrait-il ?Je pense au personnage de toby Dammit, le héros du court-métrage du même nom réalisé par Fellini en 1968. Il incarne une idole du cinéma britannique qui fascine tout le monde. Mais il y a un hiatus, il a vendu son âme au diable… Comme l’ange qui apparaît dans Théorème de Pasolini, ce sont des figures terribles, complètement inventées qui ont le pouvoir de révéler nos propres désirs.

de quelles ressources disposons-nous pour fonder un nouvel humanisme ?Je pense que je ne peux pas répondre à cette question sans une forme de naïveté à laquelle je ne peux pas me résoudre ici. Pour moi, la question des ressources n’a rien à voir avec la question de l’écologie ou de la courbe politique, cela a à voir avec notre rapport à la contemplation. C’est une chose qui s’est beaucoup perdue. Je pense que tout se tient dans cette possibilité ou pas d’ad-hérer au monde à un moment ou à un autre. Cela peut juste se tenir dans un paysage, dans le fait de le regarder vraiment, de le saisir dans la puis-sance de l’instant présent. étrangement, je pense que c’est dans ces moments de contemplation que l’on peut retrouver notre propre humanité. Cela peut être un paysage mineur, mais devant lequel on oublie simplement de penser. Les Orientaux connaissent cette pratique quand elle paraît totalement étrangère en Occident. Essai

sur la journée réussie est un petit texte de Peter Handke qui parle exactement de ça.

comment le projet scénographique et la collaboration avec mélanie laurent se sont-ils construits ?Lorsque j’ai commencé à travailler avec Mélanie, elle avait déjà des idées assez

précises. Par exemple, l’idée de la terre recou-vrant tout le plateau est l’un des premiers

éléments qu’elle a nommés. Cela corres-pondait à un désir de travailler au sol avec un matériau organique et, peut-être aussi, d’évoquer de manière

symbolique l’argile dont sont façonnés les premiers hommes.Puis s’est posée la question de la transposition de l’espace romanesque à l’espace théâtral. Le roman de James Frey est un texte qui se défend tout seul. Il s’agissait d’apporter des éléments qui pourraient souligner la fiction en veillant à ne pas les rendre trop bavards. L’espace est ainsi conçu de façon minimaliste, quasi abstraite. Le seul élément très architectural et construit, est la passerelle. Les deux écrans amènent, d’une part, la verticalité de la ville et, d’autre part, la référence au monde contemporain. Ainsi, nous avons recherché une sorte de friction entre les deux matériaux : celui, organique, de la terre et ceux, très architecturés et froids, caractéris-tiques du monde contemporain.

on pourrait imaginer ce décor pour illus-trer un conte, une parabole, quelque chose d’intemporel…Exactement. C’est aussi intéressant pour décrire un contexte historique. normalement, l’action se déroule aujourd’hui et pourtant il n’y a pas de signes trop forts qui imposeraient un

conVersation aVec marc lainé scénographe

Pour moi, la question des ressources n’a rien à voir avec la question de l’écologie ou de la courbe politique, cela a à voir avec notre rapport à la contemplation.

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contexte ultracontemporain.

au premier regard, on est plongé dans un no man’s land, peut-être la suggestion d’une fin des temps…Oui, mais c’est aussi un monde des origines. Dans cette terre présente au sol, il y a peut-être quelque chose d’apocalyptique, c’est vrai, mais c’est aussi un espace d’où tout peut surgir, d’où tout peu renaître. La vision de Mélanie Laurent va toujours dans une direction positive et optimiste. Je ne pense pas qu’elle veuille que l’on sorte du spectacle désœuvré ou inquiet pour l’avenir. Et en même temps, l’univers décrit est assez sombre puisqu’il retrace le parcours d’un messie qui aurait pu sauver l’humanité et que l’humani-té-même a réduit au silence. Ce qui est intéres-sant dans la fable c’est que l’on a le témoignage de gens qu’il a complètement bouleversés au point qu’ils vont devenir ses nouveaux apôtres. Le roman de James Frey et la pièce s’arrêtent là où une autre histoire commence. à la fin, Ben n’est pas crucifié mais lobotomisé. Et grâce à lui, des gens ont été transformés.

le roman de james frey élabore une critique sans concessions des radicalismes et commu-nautarismes religieux aux états-unis. ces références ne semblent pas transparaître dans la scénographie…En effet, puisque le texte le prend déjà en charge, il n’est pas nécessaire de le souligner. La constellation d’ampoules, c’est vrai, pourrait représenter un espace sacré, mais de manière abstraite. La croix lumineuse qui accompagne la première apparition de Jacob est le seul signe explicite.

dans ce travail d’épure et d’abstraction, vous représentez moins la religion que le religieux…Complètement. Dans l’adaptation, nous avons évacué toute représentation réaliste et référen-tielle des lieux, y compris les référents religieux. Les personnages et le récit portent l’aspect reli-gieux déjà très fortement. Il fallait donc faire un espace qui fasse résonner le récit, qui le fasse entendre sans jamais l’illustrer. Ainsi les lieux de la fiction sont figurés – l’appartement, la rue, le tunnel, le bureau du FBI – mais non représentés.

Il fallait donc faire un espace qui fasse résonner le récit, qui le fasse entendre sans jamais l’illustrer.

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qu’est ce qu’un messie pour toi ?Pour moi il n’y a pas de messie, comme il n’y a pas de paradis, comme il n’y a pas d’enfer. Pour moi, tout se passe ici, il n’y a pas d’âme qui viendra pour tout changer. En revanche, il y a des gens que l’on peut croiser et qui peuvent développer en nous

le meilleur aussi bien que le pire. Je crois au pouvoir de la rencontre chez les gens. Il m’est arrivé de rencontrer des gens bien, comme dans cette équipe artistique par exemple, des êtres qui peuvent nous dévier de ce que, peut-être, la société avait prévu pour nous.

si un messie apparaissait, qu’elle forme prendrait-il ?Il aurait la forme de tous les hommes. Mais si un homme arrive en disant « je suis le messie », je me méfie quand même ! (rires) Ben est un personnage de fiction, on pourrait dire que c’est un homme idéal puisque tous ceux qui le rencontrent sont changés. Pour moi, Ben est le messie idéal mais toujours dans le cadre de la fiction. Dans la vie réelle, on peut rencontrer des gens qui ont ce don du don de soi. Ces gens existent, mais ils ne sont pas miraculeux, ce sont des hommes qui ont œuvré.

de quelles ressources disposons-nous pour fonder un nouvel humanisme ?Il faut chercher le bon plutôt que le mauvais,

les qualités plutôt que les défauts, sans pour autant se tenir dans un optimisme béat. Les ressources que l’on possède, ce sont avant tout la conscience de ce que l’on fait, et la conscience des actes que l’on pose tous les jours. Cela va du Bonjour ! à la boulan-gère au Bonjour ! au mendiant, aux collè-

gues de travail. Agir en conscience et savoir ce que nous renvoyons. Cette capacité, je pense que nous l’avons tous. Il faut commencer par soi, avec sa famille, avec ses amis, ses voisins. Ce n’est pas une question de bien ou de mal, c’est vraiment une question d’attitude. Cela comprend aussi les arbres, les plantes, les animaux, le rapport qu’on peut entretenir avec eux, par-delà toute logique de profit. Cela rejoint la première question sur les messies : il y a des gens qui peuvent nous aider à faire fleurir en nous les bonnes capacités. Seuls, nous n’y arrivons pas. nos ressources sont dans l’orientation nouvelle de notre regard, un regard sans jugement et dénué de toute intention de domination, quelle qu’elle soit.

conVersation aVec olindo BolZan comédien

Ben est le messie idéal mais toujours dans le cadre de la fiction.

Les ressources que l’on possède, ce sont avant tout la conscience de ce que l’on fait, et la conscience des actes que l’on pose tous les jours.

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qu’est ce qu’un messie pour toi ? C’est quelque chose ou quelqu’un qui nous fait nous sentir libres et nous-mêmes au point que l’on peut se dire, « je peux agir librement, aimer, être capable d’accomplir de grandes choses. C’est pour cette raison que le messie est peut-être logé en nous. trouver son messie revient donc à trouver sa voie intérieure.

si un messie apparaissait, quelle forme pren-drait-il ?Je ne vois pas un messie comme un Dieu, parce que je ne crois pas en Dieu, mais je peux croire en un homme – que je connaisse ou pas – qui me transforme, me conduise à une acceptation de moi, bien au-delà de ma réalité d’être imparfait.

de quelles ressources disposons-nous pour fonder un nouvel humanisme ?Je crois que le schéma de la société actuelle n’est pas le bon. tout est devenu violence, force, puissance, pouvoir au point que l’on s’inter-dit d’être faible. Mais être faible ou fragile, ce n’est pas être incapable. nous avons tous des ressources en chacun de nous. tout commence par l’écoute, l’entraide, l’amour, ces forces que l’on porte en soi ; il faut juste arriver à en être conscient. Dans la pièce, c’est le même proces-sus qui est désigné : j’ai l’impression que Ben représente chaque partie de nos personnages. Il va rechercher ce qu’il y a de beau en nous, il va faire en sorte de nous donner la lumière. Par-delà tout enseignement moral, par-delà toute forme de jugement, il est juste là pour nous aimer.

conVersation aVec nancy nKusi comédienne

Être faible ou fragile, ce n’est pas être incapable.

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Photographies du dossier© Jean-Louis Fernandez, photographe associé

à la Comédie de Clermont-Ferrand