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DE CHOSES ET DAUTRES EN DROIT DE LA FAMILLE – LES CONSÉQUENCES DE LA RUPTURE CHEZ LES CONJOINTS DE FAIT : LE PRIX DE LA MARGINALITÉ M e Michel Tétrault * TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION ........................................................................ 269 LA NOTION DE CONJOINTS DE FAIT ....................................... 271 I.– LA SITUATION JURIDIQUE DES CONCUBINS .............. 273 A. Les conséquences de cette situation ............................... 275 1. La reconnaissance particulière du concubinage par certaines lois à caractère social ........................... 275 2. Les contrats, donations et assurances ................. 276 3. La responsabilité des concubins qui se représentent comme mariés ................................ 277 4. Les enfants des concubins .................................. 277 5. La pension alimentaire pour l’enfant .................... 277 6. Les biens ........................................................... 277 7. Les incidences fiscales ....................................... 278 B. Les conventions entre conjoints de fait ............................ 278 II.– LA SITUATION DES CONCUBINS LORS DE LA CESSATION DE LA VIE COMMUNE .............................. 280 A. L’existence d’une convention .......................................... 282 B. Les recours en l’absence de contrat ou d’entente ............. 291 1. La garde des enfants .......................................... 291 2. La pension alimentaire pour les enfants ............... 292 3. La pension alimentaire pour l’ex-conjoint de fait ...293 * Avocat chez Lemay, Gladu et Collard (Aide juridique Sherbooke).

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DE CHOSES ET D’AUTRES EN DROIT DE LA FAMILLE – LES CONSÉQUENCES DE LA RUPTURE CHEZ LES CONJOINTS DE FAIT : LE PRIX DE LA MARGINALITÉ Me Michel Tétrault∗

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION........................................................................269

LA NOTION DE CONJOINTS DE FAIT .......................................271

I.– LA SITUATION JURIDIQUE DES CONCUBINS ..............273

A. Les conséquences de cette situation ...............................275

1. La reconnaissance particulière du concubinage par certaines lois à caractère social...........................275 2. Les contrats, donations et assurances .................276 3. La responsabilité des concubins qui se

représentent comme mariés ................................277 4. Les enfants des concubins ..................................277 5. La pension alimentaire pour l’enfant ....................277 6. Les biens ...........................................................277 7. Les incidences fiscales .......................................278

B. Les conventions entre conjoints de fait ............................278

II.– LA SITUATION DES CONCUBINS LORS DE LA CESSATION DE LA VIE COMMUNE..............................280

A. L’existence d’une convention ..........................................282

B. Les recours en l’absence de contrat ou d’entente .............291

1. La garde des enfants..........................................291 2. La pension alimentaire pour les enfants ...............292 3. La pension alimentaire pour l’ex-conjoint de fait ...293

∗ Avocat chez Lemay, Gladu et Collard (Aide juridique Sherbooke).

De choses et d’autres en droit de la famille… 268

4. La résidence « familiale » et les meubles la garnissant ..........................................................295 5. La propriété indivise ...........................................295 3. L’usage de la « résidence familiale » et les

conjoints de fait ..................................................299 8. Le partage des autres biens et leur

revendication ......................................................301 9. La société de participation (ou tacite)...................302 10. L’enrichissement injustifié ...................................305 11. La transmissibilité de l’action pour enrichissement injustifié .............................................................310 12. Les dommages et intérêts...................................311 13. La faillite et l’insolvabilité.....................................313 14. La réconciliation et le jugement quant à la garde

et la pension alimentaire .....................................313 C. Le droit comparé et les conjoints de fait ...........................313

III.– L’UNION CIVILE : UNE SOLUTION ?.............................314

IV.– LA MARGINALITÉ, UN CHOIX ? ...................................315

A. Les conséquences sur les conjoints de fait ......................315

B. Les conséquences sur les enfants...................................317

C. Des solutions législatives pour les conjoints de fait ...........318

CONCLUSION...........................................................................320

ANNEXE – TABLEAU RÉCAPITULATIF ....................................321

De choses et d’autres en droit de la famille… 269

Le mariage est une bonne institution, mais qui voudrait vivre en institution !

— Anonyme

INTRODUCTION

1 Il y a trente ans, presque tous les enfants naissaient de parents qui s’étaient mariés une seule fois et qui n’avaient jamais cohabité ensemble ou avec d’autres partenaires auparavant. De nos jours, les enfants naissent encore dans des familles formées de deux parents, mais on remarque de plus en plus que les parents ne sont pas mariés. Cette tendance est particulièrement accentuée au Québec où seulement 23 % des enfants de 1993-1994 sont nés dans des familles où les parents s’étaient mariés sans cohabiter au préalable1. Un enfant sur quatre né au début des années 1960 a connu la monoparentalité avant d’atteindre l’âge de 20 ans. De plus, certaines études ont démontré que les couples devenus parents dans le cadre d’une union libre sont plus fragiles que leurs homologues mariés2. On peut affirmer que le modèle familial dans le cadre du mariage tel qu’on le connaissait a subi des transformations majeures.

2 La décision des parents de vivre ensemble plutôt que de se marier a des conséquences graves pour la survie de l’unité familiale. Plus de 60 % des enfants nés de famille de fait vivront la séparation de leurs parents avant d’avoir atteint l’âge de dix ans. Les enfants dont les parents se sont mariés sans avoir cohabité sont ceux qui sont les moins à risque de connaître la séparation de leurs parents avant l’âge de dix ans (moins de 15 %)3. Le Québec est le champion mondial en matière d’union libre, seule la Suède affiche une proportion comparable à celle de notre province, soit 30 % de couples 1 MARCIL-GRATTON , Nicole et Céline LEBOURDAIS, La garde des enfants, droit de

visite et pension alimentaire : Résultats tirés de l’enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, Rapport de recherche, CSR-1999-3F, ministère de la Justice Canada.

2 «Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ 1998-2002)», dans La Collection la santé et le bien-être, site Internet : http://www.stat.gouv.qc.ca/publicat/sante/bebe, Institut de la statistique du Québec.

3 Rapport au Parlement sur les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, avril 2002, vol.2, p.10.

De choses et d’autres en droit de la famille… 270

vivant en union libre4. Environ 0,6 % de ces couples sont des couples homosexuels, à 61 % masculins, quoique les sociologues croient que ce pourcentage serait plus près de 4 %5.

3 La Cour suprême, dans l’arrêt Procureur général de la Nouvelle-Écosse c. Walsh6, statistiques à l’appui7, rappelait que près de 90% des premiers mariages durent moins de dix ans alors que seulement 12% des unions de fait durent aussi longtemps. Dans ce dernier arrêt, la Cour suprême a eu à se prononcer sur la validité des dispositions du Matrimonial Property Act8. Or, le juge Bastarache, qui rédige le jugement de la majorité, en se rapportant à deux études sur le sujet9, indique qu’au niveau des familles non traditionnelles, on peut conclure ce qui suit quant aux couples non mariés :

♦ la durée des unions de fait tend à être beaucoup plus courte que celle des mariages;

♦ l’union libre peut en fait constituer un « mariage à l’essai »;

♦ l’union libre peut être choisie délibérément comme substitut du mariage légal;

♦ les personnes qui ne se marient pas ont en général une attitude moins conformiste à l’égard du mariage et de la famille et rejettent l’institution du mariage au nom du libre choix.

4 La Cour suprême refuse donc que l’on puisse appliquer aux conjoints de fait, et de façon automatique, des règles de partage des actifs familiaux.

4 Recensement 2001, Statistique Canada. 5 La Presse, mercredi 23 octobre 2002, B.1. 6 R.E.J.B. 2002-36303 ou 2002 C.S.C. 83. 7 WU, Z., Cohabitation : An alternative Form of Family Living (2000), 105 et

ALBERTA LAW RESEARCH AND REFORM INSTITUTE, Survey of Adult Living Arrangements: A Technical Report, (1984) 64.

8 R.S.N.S. 1989, ch. 275. 9 WU, Z., Cohabitation : An alternative Form of Family Living (2000), 105 et

ALBERTA LAW RESEARCH AND REFORM INSTITUTE, Survey of Adult Living Arrangements: A Technical Report, (1984) 64.

De choses et d’autres en droit de la famille… 271

LA NOTION DE CONJOINTS DE FAIT

5 En vertu de la jurisprudence et des auteurs, faire vie commune avec quelqu’un, vivre en union de fait ou cohabiter impliquent que l’on trouve dans la relation certains des éléments suivants :

♦ présence sous le même toit et résidence principale commune10. Par ailleurs, il faut plus qu’une cohabi-tation sous le même toit et un échange de services pour conclure à une union de fait11. Si la cohabita-tion est un élément essentiel dans la définition de conjoints encore faut-il que les parties aient eu la volonté de cohabiter ensemble et que cette dernière ne résulte pas de la menace et de la violence12, liens affectifs particuliers ;

♦ relations sexuelles; la jurisprudence en matière de législations sociales n’exige pas la présence de relations sexuelles comme critère déterminant pour établir une situation de vie maritale13 ;

♦ partage de la vie personnelle ;

♦ partage des tâches et des responsabilités ;

♦ soutien financier, interdépendance financière14. L’entraide occasionnelle ne constitue pas du secours mutuel, on doit ajouter à la cohabitation et à la commune renommée, un projet de vie commun. Une relation d’accommodation réciproque n’est pas assimilable au secours mutuel entre époux. Il n’y a aucun projet de vie commune entre les parties, pas

10 Droit de la famille—117, [1986] R.J.Q. 638 (C.A.). Ce qui, selon la Cour

d’appel, signifierait que : « vie commune implique nécessairement relations sexuelles, mais la vie sexuelle n’implique pas nécessairement vie commune ».

11 L.B. c. D.P., J.E. 2002-53 (C.S.) ou REJB 2001-27691, voir Poulin c. Tribunal administratif du Québec, J.E. 2002-548 (C.S.); Brunette c. Tribunal administratif du Québec, [2000] R.J.Q. 2664 (C.S.).

12 Anonyme, T.a.Q. SAS-Q-026815-9905, 16 mai 2002, assesseurs : Bérubé et Proulx.

13 Anonyme, Tribunal administratif du Québec, 23 août 2001, SAS-Q-012877-9806, Membres du Tribunal : Ouellette et Lalonde, voir Després c. Commission des affaires sociales, REJB 2002-28010 (C.A.).

14 Droit de la famille—117, [1986] R.J.Q.638 (C.A.).

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d’amis communs, pas d’activités communes, pas de compte bancaire commun15 ;

♦ partage de l’usage de certains biens ;

♦ vie sociale commune ; loisirs et sorties en commun ; vacances communes ;

♦ durée, stabilité, continuité dans la relation ;

♦ notoriété de la vie commune.

6 On peut ajouter à ces critères le fait de partager sa vie sociale et d’échanger16 au niveau intellectuel ou affectif. Souli-nons l’existence de l’article 61.1 al.2 de la Loi d’interprétation17 qui, adopté dans la foulée des dispositions portant sur l’union civile, inclut, en principe, les conjoints de fait homosexuels ou hétérosexuels sous la définition de conjoint. En vertu de cette disposition, les conditions pour être considérés comme conjoint utilisent pour critères la cohabitation, pour une période d’un an ou dès la naissance d’un enfant, et se présenter publiquement comme un couple.

7 L’affaire Syndic de Bagnoud18 en constitue un bon exemple, la question en litige vise l’insaisissabilité d’un REER. Au Québec, un REER est considéré comme insaisissable lorsque certaines dispositions législatives le prévoient. Il en est ainsi de certains REER constitués auprès d’un assureur ou de sociétés de fiducie, comme en l’espèce. En vertu des articles 2457 et 2379 C.c.Q., lorsque le conjoint est le bénéficiaire désigné, les droits conférés sont insaisissables tant que le bénéficiaire ne reçoit par la rente. Selon le Tribunal, le terme « conjoint » utilisé à l’article 2457 C.c.Q. comprend le conjoint de fait qui cohabite en union conjugale depuis dix ans comme dans le cas sous étude. L’article 10 de la Charte québécoise protège contre la discrimination en vertu du statut civil.

8 En l’espèce, faire une distinction entre les personnes mariées et celles qui ne le sont pas constitue de la discrimina-tion au sens de la Charte. La débitrice et son conjoint forment un couple. En effet, ils cohabitent dans une union analogue au

15 Anonyme, Tribunal administratif du Québec, 8 mars 2002, SAS-Q-027063-

9906, Membres du Tribunal : Proteau et Bérubé. 16 Lavigueur c. Demers, [1980] 368 (C.A.). 17 L.R.Q., c. I-16. 18 [2002] R.J.Q. 2055 (C.S.) (en appel).

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mariage. C’est l’existence de la relation de couple qui doit être déterminante plutôt que l’inscription au registre de l’état civil.

9 Certaines lois particulières 19 ajoutent des critères addi-tionnels à ces éléments de base, mais elles ne constituent pas des exigences nécessaires dans tous les cas pour considérer qu’il y a concubinage. Ainsi, au niveau fiscal, sont considérées conjoints deux personnes qui vivent maritalement depuis douze mois20.

10 Le législateur a choisi d’ignorer les concubins lors des récentes réformes en droit de la famille21, si ce n’est en matière de donation ou de partage des gains admissibles de la Régie des rentes du Québec dans le cas où il y a entente22. On reconnaît aux concubins un certain nombre de droits dans certaines législations sociales. Contrairement au mariage, il ne saurait être question de parenté ou d’alliance avec la famille de l’autre partie en matière de concubinage.

11 L’union de fait a juridiquement perdu son caractère péjoratif en 1981 lorsque le législateur a enlevé la prohibition en matière de donations (art. 768 C.c.B.-C.) et toute discrimi-nation à l’égard des enfants nés hors mariage (art. 594 C.c.Q. [1980]), ce qui a eu pour effet d’éliminer tout caractère immoral de ce type de relation. L’article 1938 en matière de logement résidentiel et l’article 555 en matière d’adoption constituent des exemples de la reconnaissance de l’union de fait par le Code civil.

I.– LA SITUATION JURIDIQUE DES CONCUBINS

12 Sauf aux articles 1938 (logement), 555 (adoption), 15 (consentement aux soins), le Code civil ne reconnaît pas le concubinage. À défaut de contrat, il ne lui donne aucun effet ni ne le sanctionne23. Le législateur québécois a plutôt choisi de

19 Par exemple : Loi sur l’assurance automobile, L.R.Q., c. A-25; Loi sur le

régime de rentes du Québec, L.R.Q., c. R-9; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001; Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), c. O-9.

20 Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), c. I-3, 5e supplément, art. 252(4). 21 Légaré c. Fontaine, B.E. 2000BE-493 (C.Q.). 22 Voir les articles 555, 579 et 1938 C.c.Q. 23 A.G.H. c. M.S.M., REJB 1997-03641 (C.S.).

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ne pas légiférer en la matière, de ne pas définir le concubi-nage, de ne pas assimiler les concubins à des époux et de ne leur imposer aucune contrainte. Face aux lois en général, le concubinage n’est pas reconnu.

13 La situation juridique des concubins l’un par rapport à l’autre est donc celle de deux étrangers vivant ensemble, mais qui n’ont ni droits, ni devoirs, ni obligations spécifiques l’un face à l’autre; en somme, deux personnes qui ne sont d’aucune façon liées et ce, peu importe la durée du concubinage.

14 Il en est autrement des autres provinces du pays et de plusieurs États américains qui reconnaissent les conjoints de fait et leur confèrent le statut d’époux de droit commun, « Common Law Spouse ». Ces juridictions admettent qu’après une certaine période de cohabitation, les concubins peuvent être, à certains égards, traités comme des gens mariés (c’est-à-dire se voir accorder des droits et se voir imposer des obligations l’un par rapport à l’autre). Ces concepts n’existent d’aucune façon au Québec, peu importe la durée de la vie commune. Les concubins n’ont pas d’obligations l’un à l’égard de l’autre en vertu du droit civil.

15 Cela dit, certaines lois à caractère social accordent aux concubins certains avantages ou les privent de bénéfices en certains cas : par exemple, la Loi sur le régime de rentes du Québec24 permet aux conjoints de fait (incluant ceux de même sexe) de bénéficier de prestations en cas de décès. Quant au partage « du vivant » des conjoints, il ne peut être effectué qu’à condition qu’il existe une convention écrite25. Les conjoints de fait visés par le partage sont ceux qui, avant la rupture, ont cohabité de façon maritale pendant trois ans ou pendant un an si un enfant est né ou à naître de leur union. Le partage entre ex-conjoints de fait ne peut se faire que sur demande conjointe de ces derniers ou en vertu d’une convention qu’ils ont signée. Cette demande de partage doit être présentée à l’intérieur d’un délai de trois ans, ce délai ne courant qu’à compter de la date du premier anniversaire de la rupture, sauf si le décès entraîne la demande, dès lors le délai court à compter du décès. Quant à la rente de conjoint survivant, depuis le 1er juillet 1999, les conjoints de fait ou le concubin peut y avoir droit à certaines conditions. 24 L.R.Q., c. R-9. 25 Articles 3 et 5 de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

De choses et d’autres en droit de la famille… 275

16 Aux yeux de la loi civile et de la majorité des lois, le concubinage n’est pas reconnu juridiquement. Le législateur québécois a distingué l’union de fait du mariage et laissé les gens vivre une relation avec la personne de leur choix en leur permettant de décider librement de joindre ou non à cette relation des conséquences et des obligations similaires à celles découlant du mariage.

A. Les conséquences de cette situation

17 Face aux lois civiles, le concubinage ne peut procurer de droits. Le partage des responsabilités et des charges du ménage entre les concubins est laissé à leur discrétion; à défaut, on appliquera les règles de droit civil pertinentes. Ils n’ont pas l’obligation de subvenir à leurs besoins mutuels ni de contribuer aux charges du ménage.

18 Lorsque des concubins habitent une résidence, cette dernière ne peut acquérir le caractère de résidence familiale et les protections qui s’y rattachent. Même si ces mesures visent à protéger les enfants, on n’a pas voulu les étendre aux enfants de conjoints de fait.

19 Au décès, la différence entre gens mariés et concubins est encore plus notable. Par exemple, en matière de succes-sion, le Code civil du Québec stipule que l’époux a le droit de participer de plein droit à la succession de son partenaire en l’absence d’un testament (art. 666 et ss. C.c.Q.); rien de tel n’est prévu pour le concubin et il n’acquiert le statut d’héritier que si un testament existe et lui attribue ce statut. N’oublions pas l’impossibilité pour les concubins de faire des donations de biens à venir (art. 1818 et 1819 C.c.Q.).

1. La reconnaissance particulière du concubinage par certaines lois à caractère social

20 Certaines lois à portée sociale déterminent que des bénéfices doivent être accordés aux membres d’une union de fait comme s’ils étaient mariés. Tout se passe comme si le législateur avait voulu laisser aux concubins la liberté de décider de leurs obligations l’un envers l’autre et avait choisi de respecter ce choix en ne leur imposant pas de « contraintes » juridiques, mais simultanément, il a jugé d’intérêt public de reconnaître leur état et de leur offrir des bénéfices et avantages comme s’ils étaient mariés ou de les priver de certains bénéfices en présumant le soutien mutuel devant normalement

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exister entre eux. Certaines de ces lois accordent à une personne qui vit en concubinage avec une autre le droit à une rente ou à une indemnité en cas de décès comme si les partenaires avaient été mariés (rente du conjoint survivant ou indemnité de décès). Par ailleurs, certaines lois, de par leur reconnaissance de l’union de fait, peuvent priver les individus qui la composent des bénéfices qu’elles offrent26.

2. Les contrats, donations et assurances

21 Rien n’interdit aux concubins de conclure ensemble un contrat prévoyant qu’ils assumeront l’un à l’égard de l’autre des obligations. En fait, ce type de contrat peut être nécessaire pour assurer un minimum de sécurité et de protection aux partenaires, leur procurer un recours utile en cas de dispute et pour reconnaître leurs droits face aux tiers. Ces contrats peuvent concerner les domaines les plus divers des relations des concubins, comme la reconnaissance du droit de propriété à l’égard de certains biens. Il est d’ailleurs recommandé de rédiger un tel document au début de la relation. Ce contrat peut être écrit ou verbal, mais comme il s’agit d’un contrat de nature civile, il sera soumis aux mêmes règles de preuve et d’exécution, d’où l’avantage de prévoir un écrit.

22 Les concubins peuvent se faire des donations entre vifs (art. 1806 et ss. C.c.Q.) à l’exclusion de biens à venir (art. 1818 et 1819 C.c.Q.). Pour la donation à cause de mort, comme ils ne peuvent procéder à la préparation d’un contrat de mariage, c’est par testament qu’elle devra être prévue.

23 Un concubin peut assurer sa vie en faveur de son partenaire sans problème (art. 2418 et 2419 C.c.Q.). Cela n’est possible que si le partenaire donne son consentement par écrit (art. 2418 C.c.Q.). Contrairement à ce que prévoit le Code civil pour l’époux qui est bénéficiaire de l’assurance-vie et dont la désignation est présumée irrévocable, la désignation du concu-bin comme bénéficiaire d’une assurance-vie est révocable à moins de stipulation contraire (art. 2449 C.c.Q.). Enfin, la loi n’interdit nullement d’accorder par contrat sous seing privé des bénéfices aux membres d’une union de fait comme aux gens mariés et certains contrats, par exemple, les contrats d’assurance collective, tendent de plus en plus à le faire. Par

26 Loi sur le soutien du revenu et favorisant l’emploi et la solidarité sociale, L.Q.

1998, c. 36; Loi sur l’aide juridique, L.R.Q., c. A-14.

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contre, l’article 2457 C.c.Q. qui traite de l’époux à titre de bénéficiaire désigné en matière d’assurance-vie, ne vise pas le conjoint de fait27.

3. La responsabilité des concubins qui se représentent comme mariés

24 Les règles relatives au mandat apparent ou déclaré peuvent être invoquées à l’encontre des concubins (art. 2130 C.c.Q.).

4. Les enfants des concubins

25 L’enfant né hors mariage a les mêmes droits que l’enfant né dans le cadre du mariage (art. 522 C.c.Q.).

5. La pension alimentaire pour l’enfant

26 Comme pour les enfants issus du mariage, les parents d’un enfant né hors le cadre du mariage doivent des aliments à leur enfant (art. 585 et 522 C.c.Q.). Le recours alimentaire de l’enfant mineur est intenté par le titulaire de l’autorité parentale ou par toute autre personne en ayant la garde, selon les circonstances (art. 586 C.c.Q.). Si les parents non mariés se réconcilient et qu’il y a reprise de la vie commune, le jugement de garde ou qui prévoit le paiement d’une pension alimentaire ne saurait revivre en cas d’une autre rupture. De nouvelles procédures sont nécessaires pour établir les droits et obliga-tions des parties28. La reprise de la vie commune a mis fin à l’ordonnance antérieure.

27 En ce qui a trait à l’établissement du montant de pension alimentaire, on utilisera les barèmes de fixation des pensions alimentaires pour enfants prévus par les lignes directrices québécoises.

6. Les biens

28 Qui est propriétaire de quoi ? Qui a donné quoi ? Le principe est simple : chacun est seul propriétaire des biens dont il peut prouver être propriétaire en vertu des règles de preuve en matières civiles. Il est aisé de constater les problèmes qui s’ensuivent : où est la facture ? Y a-t-il une facture ? Était-ce un cadeau ou une donation ? 27 Malenfant c. Malenfant, J.E. 99-1809 (C.S.C.). 28 Droit de la famille—2459, [1996] R.J.Q. 1897 (C.S.); J.S. c. G.F., C.S.

Bonaventure, no 105-04-000972-025, 16 août 2002, j. Martin.

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29 Le fait qu’un bien ait été utilisé par la famille n’a aucune pertinence. Il n’y aura lieu à partage que pour les biens acquis « en copropriété » et dès lors, on appliquera les dispositions du Code civil du Québec et du Code de procédure civile relatives à l’indivision.

7. Les incidences fiscales

30 Pour les fins de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu29, l’article 252(4) définit l’expression « conjoint » d’un contribuable comme comprenant le conjoint de fait. À cette fin, est considérée comme conjoint de fait d’un contribuable la personne de sexe opposé ou de même sexe qui, à ce moment, soit vit maritalement (voir les critères ci-dessus) avec le contribuable et, soit a ainsi vécu avec lui tout au long d’une période de 12 mois se terminant avant ce moment, soit est le père ou la mère d’un enfant dont le contribuable est le père ou la mère. La rupture de l’union pour une période de moins de 90 jours n’interrompt pas la période de 12 mois et n’affecte pas le caractère marital de l’union.

B. Les conventions entre conjoints de fait

31 Ce type de contrat innommé n’est limité que par les bonnes mœurs et l’ordre public30. La décision de la Cour suprême dans l’arrêt Procureur général de la Nouvelle-Écosse c. Walsh31, qui refuse de reconnaître aux conjoints non mariés le bénéfice de dispositions législatives entraînant le partage des actifs accumulés pendant le mariage ou d’une institution comme l’union civile, conserve donc au contrat de concubinage toute sa pertinence. Dans cet arrêt, la Cour indique que les conjoints non mariés peuvent aussi avoir accès à ces avanta-ges par le biais de la législation leur permettant d’enregistrer leur union. La majorité refuse de reconnaître que la décision des conjoints de fait de faire vie commune, sans plus, suffit à démontrer leur intention réelle de contribuer à l’actif et au passif l’un de l’autre et de le partager. Il ne résulte pas de la cohabitation que ces personnes sont d’accord pour restreindre leur faculté de disposer de leurs propres biens pendant la durée de leur union ou pour partager l’actif et le passif de l’autre à la rupture de l’union. 29 L.R.C. (1985), c. I-3 (5e suppl.). 30 Droit de la famille—2760, [1997] R.D.F. 720 (C.S.). 31 REJB 2002-36303 ou 2002 CSC 83.

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32 Les conjoints de fait n’ont pas l’obligation légale de subvenir à leurs besoins mutuels, ni même l’obligation légale de contribuer aux charges du ménage, contrairement à ce qui est imposé aux époux mariés ou visés par les dispositions sur l’union civile32. Toutefois, les conjoints de fait sont libres de conclure des contrats notariés ou sous seing privé, dans le respect de l’ordre public, pour protéger leurs droits et envisager tout particulièrement les différends susceptibles de survenir au moment de la rupture, en prévoyant des méthodes de résolu-tion de ces conflits. Tenir compte des conséquences de la rupture, c’est faire preuve de réalisme dans une société où une union sur deux aboutit à un échec. Ces ententes ou contrats devraient notamment porter sur :

♦ l’historique de la relation et l’objectif de la convention ;

♦ les revenus des parties au moment de la signature ;

♦ une indication claire aux parties de la portée juridique d’une telle convention ;

♦ l’inventaire des biens que chacun possède au début de la cohabitation ;

♦ le partage de ces biens en cas de rupture : les concubins peuvent même prévoir la création d’un patrimoine familial, qui est un effet du mariage, même si ces dispositions sont d’ordre public33 ;

♦ l’assistance financière en cas de rupture ;

♦ le partage des responsabilités et des charges du ménage ;

♦ le remboursement des prêts ;

♦ la copropriété indivise des biens, etc. ; ♦ le partage des responsabilités financières (les

dettes) ;

♦ le versement d’une somme à titre alimentaire (ou indemnitaire), par versement ou sous forme forfaitaire ou encore par l’attribution d’un droit de propriété dans un bien. Cette pension ne sera pas

32 Articles 392 à 400 C.c.Q. 33 Couture c. Gagnon, C.A. Québec, no 500-09-008851-990, 29 août 2001,

j. Brossard, Dussault et Deschamps; Vinet c. Normand, C.A. Montréal, no 500-09-005409-974, 6 janvier 1999, j. Proulx, Otis et Denis.

De choses et d’autres en droit de la famille… 280

« alimentaire » au sens de la loi, mais civile, pour services rendus ;

♦ une procuration mutuelle (art. 2166 C.c.Q.), l’équivalent du mandat domestique ;

♦ le partage des « gains » en vertu des dispositions de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite ;

♦ la possibilité de recourir à l’arbitrage pour toute question qui ne porte pas sur les matières familiales ou sur les questions qui intéressent l’ordre public (art. 2639 C.c.Q.)34 ;

♦ toutes questions touchant au décès : les succes-sions et les assurances. On pourrait même prévoir que la succession soit tenue à une survie de l’obligation alimentaire ayant une portée plus large que celle prévue par le Code civil35.

33 En fonction des changements significatifs dans la situation des concubins, ce contrat devrait être révisé. Si les conjoints exploitent ensemble une entreprise, ils peuvent comme tout associé convenir de leur participation et d’un mode de partage en cas de rupture. Dans la même foulée, rien n’empêche les concubins, incluant ceux de même sexe, de conclure entre eux l’équivalent d’un contrat de mariage de type séparatiste ou communautaire, sous réserve de l’ordre public. On a fait référence ci-dessus à différents actes juridiques que les concubins peuvent conclure sans contrevenir à la loi. Ces contrats entre conjoints de fait sont souhaitables et nécessaires pour assurer une certaine sécurité et une protection tout en permettant l’exercice de recours utiles en cas de rupture. Ils peuvent prévoir des dispositions à l’infini, la seule limite étant l’imagination des rédacteurs et l’ordre public.

II.– LA SITUATION DES CONCUBINS LORS DE LA CESSATION DE LA VIE COMMUNE

34 Le mariage et l’union civile sont les seules unions reconnues en droit civil québécois, le législateur a choisi de ne

34 Cossette c. Lavallière, B.E. 99BE-1245 (C.S.) (en appel). 35 P.M.R. c. C.G.R., REJB 2001-25225 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 281

pas légiférer en ce qui a trait aux concubins36. Il n’existe donc aucune règle applicable en cas de rupture d’un couple formé de concubins. Par contre, si les concubins prévoient dans un document les conséquences d’une telle situation de leur union, ils peuvent procéder à l’exécution de ce contrat. En l’absence d’un écrit, les problèmes reliés à la fin de la relation doivent être réglés selon les principes généraux du droit civil, avec tous les aléas que cela comporte37. Le recours relatif à l’exécution de cette convention se fait par action38 ou par une demande en homologation39 (art. 885 C.p.c.).

35 Certains recours de droit commun sont utilisés comme remèdes lors de la rupture des conjoints de fait : le recours en dissolution d’une société de fait ou d’une société de participa-tion (cette dernière résultant de faits démontrant l’intention de s’associer, art. 2250, al. 1 C.c.Q.)40 et le recours fondé sur l’enrichissement injustifié (art. 1493 C.c.Q.)41. Pour obtenir gain de cause dans ce type d’action, plusieurs conditions d’applica-tion doivent être réunies, ce qui ne va pas toujours de soi car les conjoints de fait n’ont pas de droits acquis ou de présomptions les favorisant à cet égard42.

36 Dans les pages qui suivent, nous traiterons de la juris-prudence à l’égard des conventions de « concubinage » de même que de la situation des conjoints de fait après la rupture, selon qu’ils aient préalablement signé une convention pré-voyant les conséquences de la rupture ou qu’aucune modalité n’ait été prévue.

36 GOUBAU , Dominique, « Le Code civil du Québec et les concubins; un mariage

discret », (1995) 74 R. du B. can. 474. 37 Voir Gagnon c. Routhier, REJB 2000-58 (C.S.). 38 Droit de la famille—1444, J.E. 99-1444 (C.S.) ou M. (S.) c. D. (D.), REJB

1999-13101. 39 Boisvert c. Duguay, REJB 1999-13974 (C.S.), B.E. 2000BE-597. 40 Beaudoin-Daignault c. Richard, [1984] 1 R.C.S. 2. 41 Droit de la famille—359, [1990] R.J.Q. 983 (C.A.); Légaré c. Fontaine, B.E.

2000BE-493 (C.Q.); Binette c. Com-M Consultants inc., B.E. 2000BE-463 (C.S.).

42 Voir COSSETTE, André, « Le concubinage au Québec », (1985-86) 88 R. du N. 42.

De choses et d’autres en droit de la famille… 282

A. L’existence d’une convention

37 La doctrine et la jurisprudence reconnaissent la validité des contrats de « concubinage ». Comme la jurisprudence à cet effet est plutôt rare, il est pertinent d’étudier ces quelques décisions.

Lemieux et Légaré43 et Thibodeau c. Thibault44

38 Dans ces deux affaires, les tribunaux reconnaissent la validité d’un billet et d’une reconnaissance de dette que l’un des concubins a signés en faveur de l’autre en cas de rupture et ordonnent le paiement des sommes prévues en conséquence.

Parent c. Côté45

39 Dans cette décision, le Tribunal condamne un concubin à payer à son ex-concubine la somme de 10 000 $ en vertu d’un contrat où il s’engage à payer ce montant à cette dernière advenant la rupture de l’union, pour compenser sa perte de revenus. Son ex-concubine a quitté son emploi pour aller vivre avec lui dans une autre ville.

Droit de la famille—276046

40 Ce jugement fort élaboré du juge Crépeau est intéres-sant en ce qu’il cerne plusieurs principes juridiques applicables aux contrats de concubinage (ou de vie commune), à la lumière d’une judicieuse étude des autorités pertinentes.

41 Dans cette affaire, les conjoints signent une convention de vie commune rédigée par un avocat en novembre 1990. Cette convention prévoit, entre autres, une donation de meubles meublants de 25 000 $ ou l’équivalent en argent, l’usage exclusif pour Madame d’une résidence de 150 000 $ jusqu’au décès de Monsieur et une pension alimentaire annuelle de 15 000 $ au bénéfice de Madame, avec indexation annuelle de 5 %. Ces engagements de Monsieur se terminent si Madame fait vie commune avec un autre homme. Le contrat prévoit les mêmes avantages pour les héritiers de Madame,

43 [1975] C.A. 501. 44 C.S. Montréal, no 500-05-003278-828, 1er mars 1983. 45 J.E. 88-59 (C.Q.). 46 [1997] R.D.F. 720 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 283

par l’entremise de sa succession, en cas de décès de Monsieur.

42 Le juge Crépeau invalide la donation des biens meubles pour vice de forme, celle-ci n’a pas été faite sous la forme notariée ou n’est pas accompagnée de tradition et de posses-sion. Tout au plus aurait-il pu s’agir d’une promesse de donation, mais en l’absence de toute preuve à cet effet, le juge n’accorde aucun des dommages et intérêts prévus à l’article 1812 C.c.Q.

43 Quant au droit d’usage, le juge estime qu’il s’agit d’un droit reconnu par le Code civil du Québec, auquel les parties peuvent se soumettre. À défaut d’un terme prévu par les parties, le Tribunal détermine que ce droit est viager.

44 Pour ce qui est de la clause relative à la pension alimentaire, le juge la considère comme valide et exécutoire. Les conjoints de fait peuvent en effet s’engager au paiement d’aliments. Dans le présent cas, l’obligation alimentaire est vue comme une obligation naturelle qui ne contrevient pas à l’ordre public. Cette obligation naturelle devient toutefois une obliga-tion contractuelle et lie les parties si elle est constatée par écrit.

45 Il n’existe aucune autorité qui décrète qu’une clause relative au paiement d’aliments soit contre l’ordre public. De plus, le contrat ne prévoit pas de mécanisme relié à l’évaluation des besoins et des moyens des parties pour mettre fin au paiement de la pension alimentaire. Le Tribunal considère qu’elle sera viagère, à moins que l’un des deux modes d’extinction de la pension alimentaire prévus au contrat ne s’applique, soit le décès du débiteur alimentaire ou la cohabitation de Madame avec un autre conjoint.

46 Dans son analyse, l’honorable juge Crépeau considère le contrat de concubinage comme parfaitement valide à titre de contrat civil liant les parties. Chacun des aspects traités est étudié sous cet angle. Cette décision devrait servir de guide aux rédacteurs de toute convention de vie commune. Elle nous rappelle que le contrat de concubinage n’est pas une conven-tion matrimoniale mais un contrat civil et qu’il ne présente pas les caractéristiques du contrat de mariage ni de la convention sur mesures accessoires qui doivent être interprétés selon les règles établies en droit de la famille.

De choses et d’autres en droit de la famille… 284

47 Par ailleurs, le juge ne se prononce pas sur la validité des donations en cas de décès. Peut-on considérer ce contrat signé par les parties comme remplissant les conditions de forme et de fond relatives à un testament ? Il n’y a pas lieu de le croire.

Ruiz c. Bénito47

48 Dans cette affaire, après quelques ruptures suivies de reprises de la vie commune, un couple signe en 1995 un acte notarié par lequel il règle certains aspects patrimoniaux de la vie commune. Entre autres, Monsieur cède à Madame une demie indivise d’un immeuble qu’il détient, avec l’option de se porter acquéreur de l’autre demie indivise en cas de rupture, pour 1 $. La vie commune prend fin en 1996 sans que le couple vive dans la résidence en question. Madame exerce alors son option et demande d’être déclarée seule et unique propriétaire de l’immeuble. En défense, Monsieur invoque la lésion pour faire annuler la convention, il soulève l’ingratitude de la demanderesse pour annuler la donation qu’elle contient et fait valoir la courte durée de la vie commune.

49 Quant à l’argument portant sur la lésion, le juge conclut à juste titre que s’agissant d’un contrat civil, la lésion ne peut être invoquée en vertu de l’article 1405 C.c.Q. qu’à l’égard du consentement des mineurs ou des majeurs protégés.

50 Relativement à l’ingratitude, le Tribunal considère que la convention de 1995 n’est pas une donation, car la cession a une contrepartie (Madame a abandonné son emploi et sa résidence pour vivre avec Monsieur) et les parties se sont consenti des avantages mutuels. Il ne saurait donc être question d’invoquer la notion d’ingratitude pour annuler quelque clause du contrat.

51 Quant à la durée de la vie commune, elle n’est pas mentionnée au contrat comme constituant un motif d’annulation et elle ne peut être invoquée en l’absence d’une clause spécifique qui n’existe pas dans le présent cas. Madame est déclarée seule et unique propriétaire de l’immeuble.

52 Cette décision a également le mérite de considérer le contrat de concubinage comme étant un contrat civil et lui donne plein effet. Comme le rédacteur du contrat dans la

47 J.E. 99-261 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 285

cause précédente, l’avocat de Monsieur a confondu plusieurs notions de droit civil et de droit matrimonial.

Hallé c. Gohier48

53 Dans cette affaire, un contrat de cohabitation est signé en 1984. En cas de rupture, il prévoit le versement par Monsieur à Madame de la valeur des meubles que cette dernière a laissés à Toronto pour le suivre, de même que l’équivalent des frais de déménagement. Il s’engage également à lui verser une pension alimentaire pendant deux ans pour compenser l’abandon de son emploi.

54 Le Tribunal donne plein effet au contrat intervenu entre les parties. Quant aux meubles, s’agissant d’une promesse d’un paiement et non d’une donation, il condamne Monsieur à payer 16 000 $ à Madame pour ses meubles et 500 $ de frais de déménagement. Il lui octroie également une pension alimentaire de 15 000 $ par année et respecte le terme de deux ans prévu pour son versement.

55 Même si le Tribunal qualifie le contrat « de civil » et qu’il considère la pension alimentaire comme une dette civile et non comme une dette alimentaire, il accorde une provision pour frais, estimant qu’il importe peu que la réclamation d’aliments soit fondée sur un contrat ou sur la loi.

56 Sauf quant à ce dernier point qui dénature le caractère civil du contrat de vie commune, cette décision est en accord avec le droit en vigueur.

Droit de la famille—316249

57 Cette affaire est particulière et doit être étudiée avec cir-conspection. Il s’agit d’une requête pour mesures intérimaires présentée par Madame dans le cadre d’une requête pour garde et pension en vertu des articles 813 et suivants du Code de procédure civile. La vie commune a duré 13 ans et les parties ont une fille gravement handicapée. Les conjoints ont signé un contrat devant notaire. Ce contrat prévoit que Madame aura la garde de l’enfant et que Monsieur paiera des frais de subsistance pour Madame et l’enfant.

48 [1998] R.D.F. 529 (C.S.), voir Droit de la famille—1917, [1994] R.D.F. 165

(C.Q.). 49 J.E. 98-2333 (C.S.) (en appel).

De choses et d’autres en droit de la famille… 286

58 Une requête en irrecevabilité de Monsieur est rejetée, le Tribunal se déclare prêt à reconnaître, pour les fins de l’ordonnance alimentaire qu’on lui demande, que la requête de Madame soit recevable non seulement pour une pension alimentaire au stade intérimaire pour l’enfant, mais également pour la mère.

59 De surcroît, le Tribunal considère le contrat de concubi-nage comme une convention matrimoniale entre conjoints de fait, lesquels doivent être traités au niveau des aliments comme s’ils étaient mariés, avec inclusion et déduction de la pension alimentaire intérimaire dans leur revenu respectif. Il confie également la garde de l’enfant à Madame, sans toutefois que cet aspect soit contesté. Bien que la décision d’octroyer une pension alimentaire intérimaire pour l’enfant soit bien fondée, le fait d’accorder une pension alimentaire à la mère, dans le cadre d’une requête régie par les règles en droit familial tout en prévoyant les incidences fiscales de son versement, est diffici-lement conciliable avec la jurisprudence qui qualifie les obliga-tions contenues au « contrat de vie commune » d’obligations civiles.

Boisvert c. Duguay50

60 Le Tribunal est saisi d’une demande en homologation de transaction (art. 885 C.p.c. et 2633 C.c.Q.). Les parties font vie commune pendant une dizaine d’années, deux enfants sont issus de leur cohabitation. En 1997, elles signent une conven-tion devant notaire par laquelle elles règlent les conséquences financières de leur rupture. Cette convention prévoit que Madame renonce à tout recours quant à tout droit résultant de la vie commune avec Monsieur. Madame demande que cette convention soit homologuée pour qu’elle soit exécutoire en conformité avec l’article 2633 C.c.Q. Monsieur s’y objecte, plaidant que la convention ne constitue pas une transaction au sens du Code civil car il n’y a aucune contrepartie de la part de Madame. Cette convention prévoit que Monsieur paiera à Madame la somme de 75 000 $ (il a déjà payé 35 000 $ au moment de l’audition).

61 Le Tribunal procède à l’étude des faits et du document et conclut qu’il y a effectivement une contrepartie au versement de la somme d’argent, à savoir la renonciation de Madame à

50 REJB 1999-13974 (C.S.) ou B.E. 2000BE-597 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 287

tout recours à l’encontre de Monsieur pour les droits qui peuvent lui résulter de la cohabitation. Le Tribunal homologue la convention.

Couture c. Gagnon51

62 Les parties font vie commune de 1976 à 1988 et de 1990 à 1996. Suite à la première réconciliation en 1990, les parties signent une entente notariée au regard de leur patrimoine familial et de leur patrimoine commercial. Dans ce document, les parties constituent un patrimoine familial (en vertu des articles 414 et suivants du Code civil). Madame entreprend une action en réclamation de sa part du patrimoine familial. Le Tribunal de première instance rejette la demande en s’appuyant sur les constatations suivantes :

♦ le patrimoine familial est une disposition d’ordre public ;

♦ il s’agit d’un effet du mariage ;

♦ la convention signée par les parties va à l’encontre de l’ordre public ; et

♦ est de nullité absolue ab initio.

63 Cet arrêt met en lumière l’importance de la rédaction et la confusion des règles applicables au contrat civil et à l’en-tente de nature matrimoniale. Il aurait été possible d’atteindre le résultat souhaité par le biais de la copropriété indivise des actifs ou d’une partie des actifs, acquis pendant ou avant la cohabitation.

64 Par la suite, ce jugement a été porté en appel ; la Cour infirme le jugement de première instance et confirme la validité de la convention en se fondant sur les changements de société survenus52 et la reconnaissance du statut de conjoints de fait dans plusieurs législations. La Cour d’appel discute de la possibilité pour des conjoints de fait de prévoir dans une convention la création d’un « patrimoine familial » incluant les

51 REJB 1999-15514 (C.S.) ou [1999] R.D.F. 799 (C.S.). 52 Couture c. Gagnon, C.A. Québec, no 500-09-008851-990, 29 août 2001,

j. Brossard, Dussault et Deschamps ou REJB 2001-25543 (C.A.) ou [2001] R.J.Q. 2047 ou [2001] R.D.F. 705 (requête pour permission d’en appeler à la Cour suprême rejetée le 3 octobre 2002); Vinet c. Normand, C.A. Montréal, no 500-09-005409-974, 6 janvier 1999, j. Proulx, Otis et Denis ou S.C. c. P.G., REJB 2001-25543.

De choses et d’autres en droit de la famille… 288

biens à venir. La Cour procède à un historique et indique que plusieurs législations considèrent les conjoints de fait au même titre que des époux et que l’on ne peut conclure qu’une telle convention qui assimile les conjoints de fait aux gens mariés va à l’encontre de l’ordre public. La Cour indique qu’il s’agit d’un contrat innommé qui est légal et partant, exécutoire. Il faut noter que la Cour d’appel ne se prononce pas sur la légalité de donations de biens futurs entre conjoints de fait, ce qui serait interdit en vertu des articles 1818 et 1819 C.c.Q. qui ne prévoient de telles donations qu’entre gens mariés ou qui sont visés par les dispositions de l’union civile.

Dion c. Bédard53

65 La demanderesse réclame du défendeur le respect d’un engagement pris en vertu d’une convention de concubinage où il doit notamment verser à la demanderesse une somme de 15 000 $ advenant son départ forcé du logement commun dans les trois années de la signature de la convention. Le défendeur refuse de payer en invoquant l’erreur car il n’a pas lu la convention et parce que les parties n’habitent plus le même logement au moment de la séparation. Le Tribunal, qui réfère à l’article 1400 C.c.Q., déclare que cette erreur est inexcusable et par le fait même déraisonnable. La Cour reconnaît d’emblée que la somme de 15 000 $ prévue au contrat vise à indemniser (la Cour la qualifie de clause pénale) la demanderesse de pertes subies résultant de la démission de son emploi.

66 En matière de contrat de concubinage, le droit de la famille ne peut servir de droit supplétif. Comme il s’agit d’un contrat de nature civile, la juridiction du tribunal sera établie en fonction du montant en litige54.

Bercier c. Joncas55

67 Cette décision renferme un bel exemple de contrat de rupture mal rédigé. Au moment de la séparation, les parties sont copropriétaires indivis d’une propriété acquise aux fins d’en faire une entreprise agricole. Elles signent une convention où, en ce qui concerne l’immeuble, il est prévu que Monsieur en restera seul et unique propriétaire, nulle mention sur ce qu’il 53 J.E. 2000-494 (C.Q.) ou REJB 2000-17288. 54 Droit de la famille—3367, [1999] R.J.Q. 1811 (C.S.) ou [1999] R.D.F. 589

(C.S.). 55 C.S. Québec, no 200-05-015014-017, 1er octobre 2001, j. Bouchard.

De choses et d’autres en droit de la famille… 289

advient des sûretés qui grèvent l’immeuble ni sur l’investisse-ment initial de Madame dans cette propriété (15 000 $). En s’appuyant sur la clause du contrat à l’effet qu’il sera déclaré seul propriétaire, Monsieur intente une action en passation de titre; encore faut-il que ce dernier ait respecté les conditions de transfert de propriété, or rien n’apparaît à la convention.

68 Le Tribunal déduit de l’intention des parties, de la correspondance et de la situation financière de Monsieur, que ces dernières désiraient que Monsieur reste seul propriétaire, à charge par ce dernier de libérer Madame de toute obligation financière liée à l’immeuble. Le Tribunal en vient à la conclu-sion que Monsieur n’a pas rempli tous ses engagements et que sa demande en passation de titre est prématurée.

Beaudoin c. Jacques56

69 Dans ce dossier, il est question d’une réclamation de 24 200 $ de la part de Madame résultant d’un contrat d’union libre intervenu entre les parties en 1994 et suite à leur rupture après neuf ans de cohabitation. Le contrat de rupture est préparé par Monsieur. Il s’y engage notamment à verser à Madame la somme de 4 800 $ par année pendant près de sept ans (1er mai 2001). En contrepartie, Madame s’engage à devenir financièrement autonome d’ici la fin de cette période. Monsieur cesse de verser cette somme en 1996 et Madame le met en demeure de respecter les termes du contrat.

70 Monsieur invoque en défense la nullité du contrat pour fausses représentations et l’absence d’efforts de Madame pour se rendre autonome. Le Tribunal, après audition des témoins et étude du document, conclut que le but du contrat était de compenser Madame pour le fait qu’elle ne pourrait finir ses jours avec Monsieur. Le Tribunal indique que la croyance de Monsieur à l’effet qu’il pourrait avoir à partager sa rente de retraite ne portait pas sur un élément essentiel du contrat. Il apparaît au Tribunal que Monsieur était plutôt sensible aux souffrances de Madame suite à la rupture. Il s’agit d’un contrat intervenu entre deux adultes consentants et Monsieur savait pertinemment à quoi il s’engageait. Le Tribunal retient l’élément « temps », c’est-à-dire le délai pendant lequel Monsieur ne s’est pas plaint de la convention. Il résulte de ce délai une confirmation de l’entente écrite (art. 1423 C.c.Q.).

56 REJB 2001-25532 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 290

71 Nous arrivons ensuite à la partie du jugement où le Tribunal réduit les obligations contractuelles de Monsieur à l’égard de Madame sans véritablement expliquer pourquoi. La clause relative à l’autonomie permet-elle une telle révision en ce qui concerne un contrat civil ? À suivre.

Villeneuve c. Cléroux57

72 Les parties ont fait vie commune de 1992 à 1998. Monsieur réclame de Madame un montant d’environ 20 000 $ pour des travaux de réfection effectués à l’immeuble de cette dernière. Dans un premier temps, on doit souligner que la preuve de Monsieur quant aux montants réclamés est tout au plus approximative. Dans un second temps, il n’y a pas de contrat entre les parties pour l’exécution de ces travaux qui se déroulent dans le cadre de la vie commune. La Cour rejette cette réclamation de Monsieur et indique que le délai de prescription relatif au recours de Monsieur ne débute qu’à la fin de la vie commune.

73 Avec respect pour l’opinion contraire, nous avons de la difficulté à trouver un fondement à cette affirmation, à moins d’en référer à la décision de la Cour d’appel dans Lussier c. Pigeon58 qui indique que l’élément déclencheur serait la rupture. Si on considère la relation de deux concubins comme celle de deux étrangers, ne devrait-on pas leur appliquer la règle générale à l’effet que la prescription court à compter de l’acte générateur du droit (2925 C.c.Q.) ? Doit-on déduire des commentaires de la Cour, comme c’est le cas pour les époux (art. 2906 C.c.Q.), que la prescription ne courrait pas pendant la vie commune des concubins ?

Gagné c. Morin59

74 En 1997, les parties se présentent chez le notaire pour signer une convention de concubinage. Une clause prévoit que Monsieur doit verser un montant de 5000 $. On y ajoute une clause au cas de départ dans un délai de deux ans impliquant un montant de 10 000 $ payable par Monsieur en cas de rupture.

57 C.S.Hull, no 550-17-000410-991, 12 décembre 2001, j. Trudel. 58 C.A. Montréal, no 500-09-007582-992, 15 février 2002, j. Gendreau, Mailhot et

Forget ou REJB 2002-28261 ou [2002] R.J.Q. 359. 59 REJB 2002-35307 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 291

75 En septembre 1999, Monsieur enjoint Madame de quitter son domicile. Madame lui réclame la somme de 70 000 $. Le Tribunal doit évaluer si Madame a été victime de manœuvres dolosives de la part de Monsieur, qui aurait tenté d’éviter le paiement de la somme de 10 000$ en cas de rupture dans les deux ans de la signature de la convention, lui permettant de réclamer 70 000 $ et 10 000 $ à titre de dommages exemplaires.

76 Le Tribunal conclut que le contrat est la loi des parties et que l’analyse des faits ne démontre aucune manœuvre dolosive dans le comportement de Monsieur. Par ailleurs, Monsieur est hésitant à mettre fin à la relation, en raison du délai de deux ans et de la sanction prévue au contrat.

77 Le Tribunal interprète la clause litigieuse de façon contextuelle et non pas de façon littérale. Le départ doit s’entendre de la rupture de la fin de cette union. Même si les conséquences physiques de la rupture ont eu lieu après deux ans, psychologiquement, Monsieur l’avoue, il a attendu le lendemain du terme pour dire à Madame qu’il n’était pas heureux. On doit donc appliquer la clause du contrat. Madame ne peut exiger plus de Monsieur, le fait qu’elle ait prise sa retraite en 1994 est son choix et il ne peut être reproché à monsieur, c’est elle qui a mal évalué la situation.

78 Dans la prochaine section, nous traiterons des recours offerts aux concubins en l’absence de contrat, ces recours s’ajoutant aux droits qui résultent du contrat de concubinage.

B. Les recours en l’absence de contrat ou d’entente

1. La garde des enfants

79 Les enfants issus de l’union des conjoints de fait ont les mêmes droits et obligations que ceux nés d’un mariage (art. 522 C.c.Q.), à tout le moins c’est ce qu’édicte le législateur. En cas de rupture, le tribunal pourra statuer sur la garde des enfants et les modalités d’accès en vertu des mêmes critères que ceux pour les enfants issus d’un mariage. Le recours s’exerce par voie de requête introductive d’instance (art. 110 et 813.9 C.p.c.). Il est possible, selon les circonstances, d’obtenir une ordonnance de sauvegarde (art. 46 C.p.c.).

80 Qu’en est-il d’un jugement qui entérine une convention relative à la garde et à la pension alimentaire de l’enfant du

De choses et d’autres en droit de la famille… 292

couple, cette convention prévoyant les modalités de partage des actifs des parties, la Cour agit-elle ultra petita ? Nous tenons à porter à votre connaissance une décision du juge Louis Rochette60 qui a accepté de statuer sur une requête qui visait tant la garde des enfants que le partage des actifs, notamment le partage de la résidence. On notera que les parties avaient soumis à la Cour une convention (post-rupture) disposant de toutes les conséquences relatives à leur sépara-tion. Nous croyons que le Tribunal a entériné cette convention à bon droit. En effet, on a évité aux parties une multiplicité de recours, notamment une demande d’homologation de la transaction de l’entente quant aux actifs. Au même effet, la décision dans N.D. c. S.G.61. Dans un litige, les parties ne sont pas limitées aux seules conclusions de leurs procédures écrites. Celles-ci peuvent être amendées. Implicitement, c’est le cas lorsque, d’un commun accord, elles s’entendent sur des éléments qui ne faisaient pas partie du débat initial. Le jugement qui entérine pareille entente n’accorde pas plus que demandé puisque les deux parties au litige s’entendent sur leurs demandes. Le Tribunal siégeant en matière familiale a compétence pour rendre exécutoire une transaction de nature civile, la Cour supérieure étant indivisible62.

2. La pension alimentaire pour les enfants

81 En vertu de l’article 585 C.c.Q., les parents doivent des aliments à leurs enfants. Les dispositions relatives au statut de in loco parentis dont il est question dans la Loi sur le divorce à l’article 2(2) ne trouvent pas application en droit civil québécois63, l’obligation résulte du lien de filiation.

82 L’article 586 C.c.Q. prévoit expressément que le recours alimentaire de l’enfant mineur peut être exercé par le titulaire de l’autorité parentale, par son tuteur ou par toute autre personne qui en a la garde. L’enfant majeur doit exercer lui-même son recours alimentaire. Quant à l’enfant mineur, la contribution des parents est établie conformément aux règles de fixation de la pension alimentaire pour enfants édictées en application du Code de procédure civile (art. 825.8 C.p.c.). 60 Paquet c. Nadeau, C.S. Beauce, no 350-04-000004-003, 21 janvier 2000,

j. Rochette. 61 B.E. 2002-BE-558 (C.S.). 62 Droit de la famille—3452, J.E. 99-2300 (C.S.). 63 V.A. c. S.E., [2001] R.J.Q. 36 (C.A.); C.B. c. Y.P., [2002] R.D.F. 399 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 293

Quant à l’enfant majeur, ces règles peuvent servir de guide au tribunal. Que ce soit en matière de garde ou de pension alimentaire, les articles 70 et 70.1 C.p.c. s’appliquent quant à la compétence territoriale du tribunal, l’expression en matière familiale étant suffisamment large pour englober les conjoints de fait64. En cas de réconciliation, le jugement qui porte sur la garde, la pension alimentaire et les droits d’accès perd tout effet et les parties doivent saisir à nouveau la Cour de ces questions65.

3. La pension alimentaire pour l’ex-conjoint de fait

83 En vertu de l’article 585 C.c.Q., l’obligation alimentaire n’existe qu’entre époux. Il n’y a donc pas d’obligation alimen-taire légale entre conjoints de fait66. Une pension alimentaire devra être prévue contractuellement pour que l’ex-conjoint puisse l’obtenir67. Par ailleurs, il faut souligner l’existence d’une décision en provenance de la Cour d’appel d’Alberta, l’arrêt Taylor c. Rossu68.

84 Une concubine, suite à une rupture après 30 ans de vie commune, présente une requête pour l’obtention d’une pension alimentaire de la part de son ex-concubin; la loi albertaine prévoit que l’on ne peut établir une pension alimentaire qu’entre époux. Madame conteste la constitutionnalité de cette disposition qui, selon elle, est discriminatoire. La Cour d’appel d’Alberta lui donne raison en concluant que permettre un recours pour aliments en fonction de l’état civil est discri-minatoire.

85 On notera que le juge Gonthier, qui rédige ses propres motifs en accord avec la majorité dans l’arrêt de la Cour

64 P.(M.L.) c. L.B.(S.), REJB 1997-02744 (C.A.); Droit de la famille—2222,[1995]

R.D.F. 407 (C.A.). 65 M. c. L., C.S. Montréal, no 500-04-000106-943, 22 mai 1996, j. Senécal; C.M.

c. L.G., C.S. Chicoutimi, no 150-04-001955-009, 22 février 2002, j. Larouche; P.B. c. R.J., C.S. Terrebonne, no 700-04-000183-936, 9 mai 2002, j. Journet; Droit de la famille—2459, [1996] R.J.Q. 1897 (C.S.). La pension est à tout le moins suspendue pendant la reprise de la cohabitation : P. (A.) c. A. (L.), REJB 2000-19939 (C.S.).

66 Droit de la famille—1160, [1988] R.D.F. 148 (C.S.); Droit de la famille—2378, [1996] R.D.F. 246 (C.S.); Droit de la famille—2493, [1996] R.D.F. 665 (C.S.); Droit de la famille—2347, [1996] R.D.F. 129 (C.S.).

67 Droit de la famille—2760, [1997] 720 (C.S.) (confirmée en appel). 68 (1999) 1 Western Weekly Report 85.

De choses et d’autres en droit de la famille… 294

suprême Procureur Général de la Nouvelle-Écosse c. Walsh69, fait toutefois quelques commentaires qui ont trait à l’institution du mariage et à la famille. Il rappelle que le mariage est de nature contractuelle et que par conséquent, le statut de personne mariée ne peut être acquis que par l’expression d’un choix clair, libre, personnel et public sans lequel le mariage peut être frappé de nullité70.

86 Selon le juge Gonthier, ce qui différencie la situation des conjoints de fait des époux, c’est que ces derniers prennent un engagement contractuel permanent et réciproque qui justifie une différence de traitement. Nous croyons que cet énoncé ne correspond pas à la perception des futurs mariés actuellement.

87 En terminant, le juge indique que le partage des biens matrimoniaux et la pension alimentaire visent des objectifs différents. L’un entraîne un partage des biens selon un régime matrimonial choisi par les parties, soit indirectement par le fait du mariage ou directement par contrat, alors que l’autre vise à atteindre un objectif social, à savoir répondre aux besoins des époux et de leurs enfants tout en allégeant le fardeau financier de l’État en faisant peser l’obligation de soutien aux personnes indigentes sur les époux qui sont capables de subvenir à leurs besoins71.

88 Le juge Gonthier ouvre-t-il une porte aux conjoints de fait par la distinction qu’il fait entre le partage des biens et les besoins alimentaires ?

89 À titre d’exemple, dans l’arrêt N.K. c. K.S.M 72, Monsieur avait été condamné à payer une pension alimentaire à son ex-conjointe de fait par un tribunal ontarien. Monsieur demande à la Cour supérieure du Québec d’annuler la pension alimentaire qu’il verse à son ex-conjointe. La Cour, référant à l’article 3155 C.c.Q., conclut que l’attribution d’une pension à une conjointe de fait ne va pas à l’encontre de l’ordre public du Québec, puis s’appuyant sur l’article 3143 C.c.Q., procède à trancher la question du versement de la pension et de l’annulation des arrérages. À suivre.

69 REJB 2002-36303 ou 2002 CSC 83, par. 199. 70 Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418, par. 46. 71 M.c. H., [1999] 2 R.C.S. 3. 72 [2002] R.D.F. 249 (C.S.) ou REJB 2001-29348.

De choses et d’autres en droit de la famille… 295

4. La résidence « familiale » et les meubles la garnissant

90 Si les conjoints de fait habitent un logement loué, celui-ci est conservé par le titulaire du bail en cas de rupture. Si le titulaire du bail renonce volontairement à conserver le loge-ment, l’autre conjoint de fait peut alors conserver le bail aux conditions précisées à l’article 1938 C.c.Q. Si les deux conjoints de fait sont titulaires du bail et que l’un d’entre eux refuse de quitter volontairement la résidence « familiale », il sera difficile d’obtenir du tribunal une ordonnance d’expulsion73.

91 Si la résidence est la propriété d’un seul des conjoints de fait, ce dernier ou, le cas échéant, sa succession a le droit de faire expulser le conjoint non propriétaire.

5. La propriété indivise

92 Si les conjoints de fait sont copropriétaires indivis de l’immeuble, chacun peut forcer l’autre à procéder au partage, en conformité avec l’article 1030 C.c.Q. qui édicte que nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision. Il faudra déterminer la proportion dans laquelle le partage sera effectué. En effet, même si les parts des indivisaires sont présumées égales (art. 1015 C.c.Q.), il s’agit d’une présomption réfragable et on devra scruter l’intention des parties74. Saisi d’une requête en partage et licitation (art. 809 C.p.c.), le tribunal peut ordonner la vente de l’immeuble75. Par contre, une personne ne peut avoir recours à la requête en expulsion pour faire expulser le conjoint

73 Fortin c. Lapointe, [1986] R.D.I. 308 (C.A.). 74 LASALLE, Raymonde, « Les conjoints de fait et la résidence familiale », dans

Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents sur l’union de fait (2000), vol. 140, Éditions Yvon Blais, 99, 108. Voir Valois c. Daunais Kenyon, REJB 2000-16374 (C.S.); Bérubé c. Thibault, REJB 2000-20618 (C.S.); Gagnon c. Routhier, J.E. 2000-5 (C.S.); Bergeron c. Lemoyne, REJB 2000-18312 (C.S.); L. (A.) c. D. (M.), REJB 2000-20533 (C.S.); Smith c. Desrosiers, REJB 2000-21997 ou J.E. 2001-318 (C.S.); Bourque c. Corbey, C.S. Mingan, no 650-05-000052-952, 29 novembre 2001, j.Gervais; Robillard c. Moreau, C.S. Québec, no 200-05-015218-014, 1er août 2002, j. Blanchet..

75 Pour des modèles quant aux conclusions possibles quant à une telle demande : Droit de la famille—2491, [1996] R.D.F. 632 (C.S.); Gagnon c. Didone, [1997] R.D.I. 573 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 296

de fait propriétaire76 de la résidence, mais une ordonnance d’expulsion peut être recherchée dans le cadre de la requête en partage et licitation77. Par ailleurs dans l’affaire Bergeron c. Bond78, le demandeur est le propriétaire d’une résidence secondaire qu’habite sa concubine contre sa volonté, suite à la rupture du couple. Il demande au tribunal d’ordonner à Madame de quitter dans un délai raisonnable, par le biais d’un recours en injonction. La Cour étudie la demande au stade provisoire.

93 La Cour s’interroge sur l’existence des critères qui permettent l’émission d’une injonction au sens de l’article 752 C.p.c., soit l’existence d’un droit apparent, l’appréhension d’un préjudice sérieux et irréparable et la balance des inconvénients si le droit est douteux. Madame invoque un document qui créait en sa faveur une obligation personnelle pour Monsieur de la laisser utiliser à sa guise cette résidence. Prima facie, ce document pourrait faire échec à la demande de Monsieur et Madame n’a aucun autre endroit où résider, étant prestataire d’aide de dernier recours. La Cour rejette la requête de Monsieur s’appuyant sur la balance des inconvénients qui, à cette étape, favorise Madame. Dans le même ordre d’idées, la décision dans K.-S.C. c. B. (M.)79 où s’appuyant sur la déclaration de la mère de son ex-conjoint permettant d’utiliser l’immeuble pendant la cohabitation (l’immeuble appartient d’ailleurs à cette dernière), Madame réclame un droit d’habitation . Le Tribunal indique que les actes de pure faculté ou de simple tolérance ne peuvent fonder une possession utile; toutefois, Madame ayant cinq enfants en bas âge, il accorde à cette dernière un délai de six mois pour quitter la résidence.

94 Peut-on invoquer l’article 1033 C.c.Q. pour contraindre le conjoint de fait indivisaire à vendre sa part à l’autre conjoint ? L’article 1033 C.c.Q. qui permet aux indivisaires de désinté-resser celui qui s’oppose au maintien de l’indivision ne peut s’appliquer que s’il y a plus de deux indivisaires80. En effet, 76 Fortin c. Lapointe, [1986] R.D.I. 308 (C.A.); Droit de la famille—409, C.S. St-

François, no 450-04-000284-876, 22 octobre 1987 ou J.E. 87-1209. 77 Droit de la famille—409, C.S. St-François, no 450-04-000284-876, 22 octobre

1987 ou J.E. 87-1209. 78 C.S. Charlevoix, no 240-05-000037-029, 29 juillet 2002, j. Blondin. 79 REJB 2002-33069 (C.S.). 80 Léonard c. Léonard, REJB 2000-20609 (C.S.); Jacques c. Roy, C.S. Québec,

no 200-05-015273-019, 13 février 2002, j. Gendreau.

De choses et d’autres en droit de la famille… 297

dans le cas où il y aurait achat de la part de l’un par l’autre, il n’y aura plus d’indivision au sens de cet article. Une décision81 indique que cet article ne peut être utilisé lorsque l’on est en présence de deux indivisaires uniquement. Le Tribunal conclut que l’application de cet article a pour effet de maintenir l’indivision, ce qui ne peut être envisagé que s’il y a plus de deux indivisaires. Il en va de même de l’article 81082 (qui porte sur les pouvoirs du tribunal en matière de licitation) du Code de procédure civile qui ne permet pas de transférer la propriété d’un immeuble d’une partie à l’autre. Il est donc pertinent pour des conjoints de fait de préciser dans leur contrat de vie commune la possibilité et les conditions de rachat des actifs dont ils sont ou seront propriétaires.

95 Le conjoint de fait qui a l’usage de la résidence peut avoir à payer une indemnité à l’autre partie propriétaire ou copropriétaire (art. 1016 C.c.Q.) qui se voit privée de l’utilisation de l’immeuble83. Cet article n’est pas d’ordre public et les parties peuvent y déroger par convention84. Par ailleurs, on ne pourrait déduire une somme à titre de commission pour un agent immobilier si un des indivisaires rachète la part de l’autre dans l’éventualité d’une vente future85.

96 Nous procéderons ci-dessous à une revue de la jurisprudence en matière d’indivision, particulièrement pour les conjoints de fait.

81 Léonard c. Léonard, REJB 2000-20609 (C.S.): dans cette décision on traite

en profondeur de la question des impenses (art. 1020 C.c.Q.); 2967-6566 Québec Inc. c. 2847-3254 Québec Inc., [1996] R.J.Q. 1669 (C.S.) (appel rejeté le 29 avril 1998); Béliveau c. Champagne, C.S. Longueuil, no 505-05-005712-994, 11 janvier 2002, j. Durocher.

82 Croisetière c. Boucher, C.S. Kamouraska, no 250-05-000890-004, 18 octobre 2002, j. Bouchard.

83 Gagnon c. Routhier, REJB 2000-58 (C.S.) ou [2000] R.D.F. 697; Smith c. Desrosiers, REJB 2000-21997 ou J.E. 2001-318 (C.S.); Droit de la famille – 3751, [2000] R.D.F. 745 (C.S.).

84 Johnson c. Capra, REJB 2001-23437 (C.S.). 85 Bédard c. Durocher, J.E. 2001-284 (C.S.) ou REJB 2001-22696; Droit de la

famille—2959, B.E. 98BE-348 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 298

Boissonneault c. Arbour86

97 Les parties ont fait vie commune pendant trois ans et durant cette période, elles ont fait l’acquisition d’un immeuble en copropriété. Madame réclame la vente de cet immeuble, une part de 50 % du résidu de la vente et 3900 $ de Monsieur pour la période où il a habité seul l’immeuble, c’est-à-dire depuis la rupture. Monsieur a effectué le dépôt initial et tous les autres versements relatifs à l’immeuble, incluant les rénova-tions et l’entretien. Dans un premier temps, la Cour conclut que la présomption d’indivision de l’article 1015 C.c.Q. doit trouver application, aucune preuve à l’effet contraire n’ayant été soumise.

98 Dans un second temps, le Tribunal indique que le fait qu’une seule des parties ait contribué au versement initial permet à cette dernière de réclamer cette somme à titre d’enrichissement injustifié lors de la vente de la résidence87. Dans un dernier temps, la Cour applique les articles 1016 relatif à l’usage exclusif de l’immeuble et 1020 C.c.Q. relatif au remboursement des impenses.

99 L’élément que nous retenons est la qualification du dépôt relatif à l’acquisition de l’immeuble. En effet, à la lecture de la décision, il ne ressort pas que Madame ait pris quelque engagement ferme que ce soit au niveau du remboursement de cette somme. Pourquoi ne pourrait-il s’agir d’un don ou d’une somme versée à titre de compensation pour services à rendre ?

M.J. c. A.A.88

100 Dans le cadre d’une demande d’ordonnance en injonction interlocutoire, Monsieur demande que son ex-conjointe soit forcée de quitter un immeuble acquis en copropriété. Les parties ont signé un document sous seing privé prévoyant le partage en parts égales de tout actif en cas de séparation. L’avocat de Monsieur fait référence à l’article

86 C.S. Baie-Comeau, no 655-05-000755-017, 14 janvier 2002, j. Corriveau;

F.(H.) c. F.(G.), REJB 1999-16522 (C.S.) (en appel); Contra : Béliveau c. Champagne, C.S. Longueuil, no 505-05-005712-994, 11 janvier 2002, j. Durocher.

87 Léonard c. Léonard, REJB 2000-20609 (C.S.). 88 C.S. Montréal, no 500-05-073002-022, 3 juillet 2002, j. Croteau.

De choses et d’autres en droit de la famille… 299

1818 C.c.Q. qui interdit toute donation entre vifs de biens à venir ailleurs que dans un contrat de mariage.

101 Le Tribunal conclut qu’une lecture de la convention intervenue entre les parties laisse croire que les parties ont voulu créer une société, on ne peut limiter les termes de la convention à une donation entre vifs.

102 De plus, une partie, copropriétaire indivise, ne peut demander à la Cour dans le cadre d’une requête en partage et licitation (aux fins d’une vente de gré à gré) d’avoir préséance quant au rachat de l’immeuble, lors de la mise en vente89.

3. L’usage de la « résidence familiale » et les conjoints de fait

103 La tendance jurisprudentielle se maintient, les tribunaux sont moins hésitants à attribuer un droit d’habitation de la résidence familiale (art. 410 C.c.Q.) pour l’enfant de conjoints de fait, même si le parent gardien n’est pas propriétaire de la résidence. On constate que cette autorisation quant à l’usage n’est attribuée qu’au stade intérimaire ou pendant la période nécessaire à la vente de la résidence90 et prend pour appui l’intérêt et les besoins de l’enfant.

104 À titre d’exemple, on peut consulter l’affaire Droit de la famille—375191. Dans cette affaire, les parties sont coproprié-taires indivises de la résidence habitée par la famille. La Cour, en vertu des articles 32, 33, 522 et 599 C.c.Q., attribue le droit d’usage de la résidence à la mère qui a la garde des enfants, dans l’attente de la fin de l’indivision. La Cour s’appuie fortement sur la décision du juge Bellavance dans Droit de la famille—345792.

105 Dans cette dernière affaire, le parent qui réclame la garde de l’enfant demande à la Cour, au stade intérimaire, de lui attribuer un droit d’usage exclusif relativement à la résidence dont l’autre parent est entièrement propriétaire. Suite

89 Jacques c. Roy, C.S. Québec, no 200-05-015273-019, 24 juillet 2002, j.

Gendreau. 90 M.B. c. É.H., C.S. Trois-Rivières, no 400-04-004304-022, 24 mai 2002, j.

Godin. 91 [2000] R.D.F. 745 ou REJB 2000-21344 (C.S.). 92 J.E. 99-2343 ou REJB 1999-15693 (C.S.), voir Jacques c. Roy, C.S. Québec,

no 200-05-015273-019, 13 février 2002, j. Gendreau.

De choses et d’autres en droit de la famille… 300

à une étude de la jurisprudence, le Tribunal conclut qu’en matière de concubinage, étant donné l’absence de contestation constitutionnelle quant à ces articles (notamment l’article 410 C.c.Q.), il est impossible ou à tout le moins risqué de les appliquer. Le Tribunal convient qu’en matière matrimoniale il a discrétion pour appliquer l’article 500 du Code civil du Québec et par la suite l’article 410 C.c.Q., afin d’expulser un conjoint ou d’accorder un droit d’usage de la résidence familiale à l’époux auquel est accordée la garde de l’enfant. Au niveau procédural, au plan de la capacité du mineur de faire une telle demande, même si la demande émane de la mère, l’article 192 C.c.Q. relatif à la tutelle couvre toute difficulté procédurale.

106 Le Tribunal se demande ensuite si la législation sur la filiation prime celle de la propriété privée. Le Tribunal en vient à la conclusion que l’obligation des parents d’entretenir leurs enfants (art. 599 C.c.Q.) et le droit de tout enfant à la protection de ses parents (art. 32 C.c.Q.) comprennent l’utilisation d’un logement adéquat dont dispose l’une des parties dans une situation comme celle en l’espèce et ce, à l’exclusion de cette partie si c’est dans l’intérêt de son enfant. La notion même de logement fait partie de l’obligation alimentaire dont on peut être dispensé dans certaines circonstances où on offre de recevoir le créancier alimentaire (art. 592 C.c.Q.).

107 Le résultat de ce raisonnement amène le Tribunal à déclarer que si un concubin n’a aucune loi pour le protéger, il en va autrement pour les enfants, qu’ils soient nés hors du mariage ou pendant celui-ci.

108 Signalons toutefois quelques décisions où les tribunaux ont appliqué l’article 410 C.c.Q. aux conjoints de fait, dans l’intérêt d’un enfant93, soit pour accorder l’usage de la résidence ou des meubles à l’enfant au stade intérimaire94 ou jusqu’à la vente de l’immeuble95. 93 Droit de la famille—3751, [2000] R.D.F. 745 (C.S.); Droit de la famille—745,

[1990] R.J.Q. 204 (C.S.). 94 B. c. L., C.S. Québec, no 200-04-000380-947, 23 mai 1996; voir REJB 1999-

12400 ou Droit de la famille—3302, [1999] R.D.F. 384 (C.S.); Boisvert c. Brien, C.S. Rimouski, no 100-04-000838-961, 28 février 1997, j. Piché; Droit de la famille—3751, [2000] R.D.F. 745 (C.S.); S. (C.) c. P. (M.), REJB 2000-21344. Quant à l’attribution des meubles dans le meilleur intérêt de l’enfant, voir F. c. B., C.S. St-François, no 450-04-000502-863, 29 juillet 1999, j. Fournier.

95 Droit de la famille—3751, [2000] R.D.F. 745 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 301

109 Une solution intéressante a été proposée dans l’arrêt Deniau c. Gautreau96. En l’espèce, les parties, conjoints de fait, sont copropriétaires indivises de la résidence familiale et parents d’enfants (le jugement ne contient aucune précision sur l’âge ni le nombre). Le Tribunal déclare qu’il a discrétion pour ordonner, dans le meilleur intérêt des enfants des conjoints, de retarder le moment du partage pour la période maximale permise par la loi, soit cinq ans de la date du présent jugement (art. 1030, 840, 844 Cc.Q.).

110 Le Tribunal utilise donc les dispositions du chapitre des successions et plus particulièrement, le maintien de l’indivision de la résidence familiale. Si l’interprétation est séduisante en ce qui a trait au meilleur intérêt des enfants, on peut s’interroger sur l’utilisation des dispositions successorales (les deux parents sont vivants) alors que la section sur l’indivision et le partage prévoit spécifiquement à l’article 1032 C.c.Q. que le Tribunal ne peut surseoir pour une période de plus de deux ans au partage. De plus, peut-on invoquer des règles qui touchent la protection de la résidence familiale (art. 840 et 844 C.c.Q.), dispositions qui ne visent pas les conjoints de fait (voir les articles 401 et et 521.6 C.c.Q.) et ne traitent que des époux ou de l’union civile?

111 Bien que nous soyons en total accord avec le résultat, on se devra d’analyser le cheminement utilisé et les analogies proposées.

112 On doit s’interroger sur la pertinence d’une contestation constitutionnelle de certaines dispositions du Code civil en matières familiales. La non-application de l’article 410 C.c.Q. ne constitue-t-elle pas une situation où il y a discrimination à l’égard de l’enfant en fonction de l’état civil des parents ? Certains enfants sont-ils plus égaux que d’autres ? À ce jour, les recours fondés sur les chartes en matières familiales ne sont pas légion en sol québécois.

8. Le partage des autres biens et leur revendication

113 Le conjoint de fait est propriétaire unique du bien qu’il a acquis avant et pendant l’union de fait. Sauf dans le cas d’une entente écrite, d’une facture ou d’un reçu, etc., il est souvent difficile de prouver la propriété du bien. Chaque conjoint est seul propriétaire des biens qu’il a acquis avant ou pendant la 96 C.S. Montréal, no 500-05-71510-026, 15 octobre 2002, j. Fraiberg.

De choses et d’autres en droit de la famille… 302

vie commune et ce, sans égard au fait que les biens servaient à l’usage de la famille.

114 Si aucun des conjoints de fait ne réussit à prouver qu’il est propriétaire du bien et à défaut d’entente, ce bien indivis fera l’objet d’une requête en partage et licitation (art. 809 et ss. C.p.c.).

115 Le contexte financier dans lequel évoluent les parents, particulièrement le parent gardien, a un impact notable sur les enfants; il est exact que la pension alimentaire est établie selon les revenus des père et mère, que les parents aient été mariés ou non. Il n’est pas tenu compte dans ce calcul du partage des biens familiaux. Pour maintenir un certain niveau de vie aux enfants, le parent marié bénéficie, en plus de la pension alimentaire qui est allouée, du partage des biens familiaux et s’il y a lieu, d’un soutien alimentaire de la part de son ex-conjoint. À soutien alimentaire égal, l’enfant d’un couple marié peut vivre plus confortablement que celui qui est né dans une famille composée d’un couple non marié.

116 Seules les provinces de Terre-Neuve, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest ont édicté des dispositions législatives concernant le partage des biens lors de la rupture quant aux conjoints de fait. Ces derniers doivent remplir certaines formalités pour que la loi s’applique à eux97.

9. La société de participation (ou tacite)

117 Lors de la cessation de la vie en commun, un conjoint de fait peut prétendre qu’il existe une société de participation (tacite ou de fait, art. 2186 et s. C.c.Q.), demander la dissolu-tion de cette société et réclamer sa part, moyen fréquemment utilisé pour pallier l’absence de régime matrimonial dans les unions de fait. Par une telle action, le demandeur cherche à faire reconnaître l’existence de la société tacite, à obtenir sa dissolution et à demander une ordonnance de partage incluant, le cas échéant, la nomination d’un liquidateur98. Par ailleurs, le seul fait du concubinage et de l’union de biens ne suffit pas à créer entre les intéressés une société de fait, car si on peut

97 Family Law Act, R.S. Nfld. 1990, c. F-2, art. 63. Voir DAVIES, Christine, « Loi

sur les biens matrimoniaux : restrictive à juste titre ou démesurément étroite? Un examen de l’application limitée de la loi avec un coup d’œil de biais à la décision M. c. H .», (1999/2000) 30 R.G.D. 689.

98 Brochu c. Grégoire, C.S. Bedford, no 455-05-000484-001, 19 février, j. Tardif.

De choses et d’autres en droit de la famille… 303

considérer qu’il y a apport, rien n’indique que les parties ont voulu la réalisation d’un bénéfice99; le droit civil québécois admet qu’une entente de société puisse être conclue expressé-ment par écrit, verbalement ou tacitement, elle n’est soumise à aucune formalité (art. 2250 C.c.Q.). D’ailleurs, dès 1977, une certaine jurisprudence reconnaît le « statut d’associés » aux concubins, assimilant leur union à une société de fait. La Cour suprême, dans l’arrêt Beaudoin-Daigneault c. Richard100, reconnaît cette possibilité.

118 L’union de fait ne rend pas plus facile la preuve d’un contrat de société et la cohabitation ne peut à elle seule engendrer la création d’une société. La Cour suprême, dans l’arrêt Beaudoin-Daigneault c. Richard101, indique que :

119 Le concubinage ne doit pas rendre plus facile la preuve du contrat de société, de telle sorte qu’un concubin, lorsqu’il veut invoquer les dispositions légales, doit être soumis au droit commun.

120 L’apport du concubin ne peut se résumer à sa contribution à la vie commune, tel le fait de fournir des meubles ou encore d’assumer le train de la maison102. Pour conclure à l’existence d’une société tacite, plusieurs éléments essentiels doivent être démontrés. Dans l’arrêt Beaudoin-Daigneault c. Richard103, la Cour suprême énonce les conditions d’exercice d’un tel recours :

1. Le comportement des deux concubins démontre qu’ils étaient animés par l’intention de former une société104. Il faut une preuve concluante de l’intention105, ce qui pourra être le cas si le vécu des parties démontre un

99 Beaudouin c. Daigneault, [1984] 1 R.C.S. 2. 100 [1984] 1 R.C.S. 2. 101 [1984] 1 R.C.S. 2, 17; voir au même effet p.13 et 14 et Droit de la famille—

3455, [1999] R.J.Q. 2946 (C.S.). 102 Droit de la famille—3455, [1999] R.J.Q. 2946 (C.S.). 103 [1984] 1 R.C.S. 2. 104 [1984] 1 R.C.S. 2. Voir F. (H.) c. F. (G.), REJB 1999-16522 (C.S.), où il

s’agissait d’un immeuble à logements. Voir Jeannotte c. Émard, REJB 2000-20133 (C.S.); L. (P.) c. T. (R.), REJB 2000-19559 (C.S.).

105 P.L. c. R.T., REJB 2001-25036 (C.A.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 304

certain degré d’organisation106. Il faut démontrer une collaboration active et consciente, sur un pied d’égalité107.

2. Puis, il faut établir qu’il y a eu apport de chaque associé au fonds commun. Cet apport n’a pas à être égal108.

3. Leur vécu révèle qu’il y a eu une forme de partage des pertes et des bénéfices pécuniaires communs.

121 Les conditions requises par la Cour suprême sont strictes et les tribunaux en exigent une preuve prépondérante appuyée sur le « vécu » des conjoints de fait. La société étant tacite, elle ne se constate qu’à partir d’une situation de fait, d’où l’importance de l’analyse du vécu des parties

122 Il est intéressant de souligner qu’à défaut de déceler dans la preuve la présence de l’indivision, les tribunaux auront recours à la société tacite que le Code civil désigne comme étant une société de participation (art. 2250 C.c.Q.)109.

123 Dans l’affaire Angers c. Gagnon110, le juge Jolin procède à une étude exhaustive des critères relatifs à l’établis-sement d’une société tacite. Dans les faits, les éléments suivants peuvent contribuer à établir l’existence d’une société de participation :

♦ l’utilisation du même équipement pour effectuer le travail ;

♦ des travaux effectués indistinctement pour les clients ou sur un bien de l’un ou l’autre ;

♦ des lignes téléphoniques et de la papeterie commune ;

♦ la détermination des salaires et l’imputation des revenus ;

106 Poirier c. Bégin, REJB 2001-244445 (C.S.). 107 Angers c. Gagnon, C.S. Montréal, no 500-05-009069-954, 30 janvier 2003,

j. Jolin. 108 [1989] R.D.F. 694 à 701 (C.A.). 109 Voir BOUCHARD, Charlaine et Lucie LAFLAMME, « La dérive de l’indivision vers

la société ou quand l’indivision se conjugue avec la société », (2000) 30 R.D.U.S. 3; Angers c. Gagnon, C.S. Montréal, no 500-05-009069-954, 30 janvier 2003, j. Jolin.

110 C.S. Montréal, no 500-05-009069-954, 30 janvier 2003, j. Jolin.

De choses et d’autres en droit de la famille… 305

♦ les méthodes et le rythme de travail des parties ; ♦ les objectifs visés par elle ;

♦ la méthode de facturation ;

♦ le transfert de la clientèle.

124 Deux décisions nous rappellent que la société de fait n’est pas le chemin le plus facile pour obtenir compensation même si on tend à assouplir les règles de preuve111.

125 La Cour d’appel, dans l’arrêt P.L. c. R.T.112 rappelle qu’il faut démontrer l’intention des parties de former une société.

126 Dans une autre décision, l’affaire Poirier c. Bégin113, la Cour indique que le vécu des parties peut démontrer un certain niveau d’organisation, d’où une présomption qu’il y a une structure qui sous-tend la façon de fonctionner et la possible existence d’une société.

10. L’enrichissement injustifié114

127 La jurisprudence n’a pas toujours été unanime quant à l’application de la théorie de l’enrichissement injustifié entre conjoints de fait. Mais graduellement, cette théorie a été acceptée.

128 En 1993, la Cour suprême, dans l’arrêt Peter c. Beblow115, actualise ce recours. Elle reconnaît en l’espèce que des prestations domestiques fournies par une conjointe de fait pendant 12 ans lui donnent le droit à une compensation basée sur l’enrichissement injustifié.

129 Il est à noter que la Cour indique qu’on ne peut raisonnablement supposer que l’amour implique nécessaire-

111 Lacroix c. Valois, [1990] 2 R.C.S.1259; M.(M.E.) c. L.(P.) [1992] 1 R.C.S. 183. 112 REJB 2001-25036 (C.A.), voir A.H. c. J.-G.B., J.E. 2001-1721 (C.S.); A.H. c.

J.-G.B., J.E. 2001-1721 (C.S.) ou [2001] R.D.F. 916 ou REJB 2001-25959; B.L. c. M.D., REJB 2001-26000 (C.S.); G.A. c. V.B., J.E. 2001-1958 (C.S.) ou [2001] R.D.F. 786; Viau c. Vachon, C.S. Beauharnois, no 760-05-002965-992, 10 mai 2002, j. Hilton.

113 REJB 2001-244445 (C.S.). 114 Articles 1493 à 1496 C.c.Q. 115 [1993] 1 R.C.S. 980.

De choses et d’autres en droit de la famille… 306

ment qu’une partie fasse don de ses services à l’autre116. Sauf preuve contraire, on doit plutôt considérer que ces services sont fournis dans l’attente d’une rémunération117, ce qui inclut le fait de travailler à un salaire inférieur au salaire minimum118. D’ailleurs, plus l’union a été longue, plus forte est cette présomption, comme dans l’affaire Hamel c. Mireault119.

130 Comme toute autre personne, le conjoint de fait peut donc exercer un recours basé sur l’enrichissement injustifié. Pour réussir à obtenir une indemnité compensatoire sur cette base, le demandeur doit faire la preuve des éléments suivants 120:

♦ un enrichissement du patrimoine de son conjoint121 qui existe encore au moment de la demande122 ;

♦ un appauvrissement de son propre patrimoine123 ;

♦ une corrélation entre l’enrichissement et l’appau-vrissement124 ;

♦ l’absence de justification ;

116 [1993] 1 R.C.S. 980, 1014; Droit de la famille—3455, [1999] R.J.Q. 2946

(C.S.) ou REJB 99-15121 (C.S.); Péladeau c. Savard, [2000] R.D.F. 692 (C.S.).

117 Peter c. Beblow, [1993] 1 R.C.S. 980, 1018; Péladeau c. Savard, REJB 2000-72 (C.S.).

118 Droit de la famille—3455, [1999] R.J.Q. 2946 (C.S.) ou REJB 1999-15121; Binette c. Com-M Consultants inc., B.E. 2000BE-463 (C.S.) ou [2000] R.L. 585; G.C. c. F.C., C.S. Longueuil, no 505-05-006987-017, 18 juillet 2002, j. Julien.

119 J.E. 98-1907 (C.S.) ou REJB 1998-08529; voir Plouffe c. Arbigéu, B.E. 99BE-496 (C.S.); Purdie c. Livingston, REJB 1999-12037 (C.S.); Péladeau c. Savard, REJB 2000-72 (C.S.).

120 Bertrand c. Construction Demers, C.A. Québec, no 200-09-000006-988, 10 avril 2001, j. Pidgeon, Thibault et Rochette.

121 Binette c. Com-M Consultants inc., B.E. 2000BE-463 (C.Q.); Légaré c. Fontaine, B.E. 2000BE-493 (C.S.); Bouliane c. Miville, B.E. 2000BE-818 (C.Q.); Jeannote c. Émard, REJB 2000-20133 (C.S.); Dupuis c. Morin , REJB 2000-20129 (C.S.).

122 Dupuis c. Lalanne, C.S. Iberville, no 755-05-001378-999, 1er août 2002, j. Tremblay.

123 Binette c. Com-M Consultants inc., B.E. 2000BE-463 (C.Q.); Droit de la famille—2358, J.E. 96-449 (C.A.); Corbeil c. Comptoirs forestiers du Québec, J.E. 99-1735 (C.S.).

124 Droit de la famille—1604, [1992] R.D.F. 389 (C.S.); Bédard c. Roméo, [1994] R.D.F. 449 (C.S.); Hamel c. Mireault, J.E. 98-1907 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 307

♦ l’absence de fraude à la loi ; ♦ l’absence d’autres recours125.

131 Ces éléments sont les conditions essentielles à l’exis-tence du recours basé sur l’enrichissement injustifié126. Lors-qu’elles sont réunies, le recours est maintenu pour la moindre des deux sommes, l’enrichissement ou l’appauvrissement127. La principale difficulté qu’éprouvera le conjoint de fait sera de démontrer qu’il n’existe aucune justification à l’enrichissement et à l’appauvrissement.

132 La Cour suprême, dans le cadre de cette décision, établit deux présomptions qui peuvent faciliter la tâche du demandeur en lui permettant de déterminer le lien entre l’enrichissement et l’appauvrissement et l’autre qui permet d’établir l’absence de cause (juridique) à l’enrichissement :

1. Les services d’entretien ménager et de soins des enfants ont constitué un avantage pour l’intimé en ce qu’il a obtenu, sans rémunération, des services ménagers, ce qui lui a permis d’éteindre son hypothèque et d’autres créances. Ces services ont également donné lieu à un désavantage correspon-dant pour l’appelante, car elle a fourni des services sans être rémunérée [...]128.

2. En règle générale, si l’on constate que le défendeur s’est enrichi du fait des efforts de la demanderesse, cette dernière subira presque certainement un appauvrissement. [...] Plus particulièrement, dans un mariage ou dans une union de fait de longue durée, on devrait, en l’absence d’une preuve contraire forte, conclure que l’enrichissement d’une partie donnera lieu à l’appauvrissement de l’autre129.

125 Loungnarath c. Centre hospitalier des Laurentides, [1996] R.J.Q. 2498 (C.A.). 126 Voir les articles 1493 et ss. C.c.Q. et l’arrêt Cie immobilière Viger c. L.

Giguère Inc., [1977] 2 R.C.S. 67; Péladeau c. Savard, REJB 2000-72 (C.S.). 127 Cie immobilière Viger c. Giguère Inc., [1977] 2 R.C.S. 67, 75 et 77. 128 Peter c. Beblow, [1993] 1 R.C.S. 980, 989. Au même effet: (C.Q.); Péladeau

c. Savard, REJB 2000-72 (C.S.); Barrette c. Imbeault, REJB 2000-21000 (C.Q.) ou [2000] R.D.F. 813.

129 Peter c. Beblow, [1993] 1 R.C.S. 980, 1013; Péladeau c. Savard, REJB 2000-72 (C.S.); Barrette c. Imbeault, REJB 2000-20001 (C.Q.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 308

133 Les tribunaux sont appelés de plus en plus fréquem-ment à trancher des litiges entre conjoints de fait et le recours fondé sur l’enrichissement injustifié est de plus en plus exercé130. Citons les exemples suivants.

Péladeau c. Savard131

134 Par ses travaux à la résidence inachevée, Madame a évité à Monsieur de recourir aux services d’un tiers. De plus, comme Monsieur devait consacrer beaucoup d’heures à l’achèvement des travaux, Madame a dû s’occuper davantage des enfants. La somme accordée correspond à l’augmentation de valeur de la maison au cours de la vie commune et résultant des efforts de Madame.

Barrette c. Imbeault132

135 Madame a avancé des sommes à Monsieur pour payer l’hypothèque de l’immeuble et d’autres dépenses afférentes, tout en contribuant à l’entretien de la maison et du terrain plusieurs heures par semaine. Le Tribunal applique les présomptions énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt de principe : Peter c. Beblow. La Cour réitère que l’enrichissement d’un conjoint implique l’appauvrissement de l’autre et qu’il existe une expectative de compensation pour le travail effectué sur un bien du conjoint, serait comprise la prestation de services domestiques.

Beauchemin c. Villesèche133

136 C’est au moment de l’institution des procédures qu’il faut se situer pour déterminer s’il y eu enrichissement injustifié. Il n’y a pas lieu à indemnisation en ce qui concerne les services domestiques car aucune des parties n’a fourni une contribution exceptionnelle.

130 Droit de la famille—2235, [1995] R.D.F. 495 (C.S.); Droit de la famille—2512,

[1996] R.J.Q. 2589 (C.S.); Droit de la famille—2648, [1997] R.D.F. 246 (C.S.). Droit de la famille—359, [1990] R.J.Q. 983 (C.A.); Droit de la famille—1604, [1992] R.D.F. 389 (C.S.); Purdie c. Livingston, REJB 1999-12037 (C.S.); L. (H.) c. M. (D.), J.E. 98-1907 (C.S.) ou REJB 1998-08665; P. c. A., B.E. 99BE-496 (C.S.). Quant à la méthode de calcul: Droit de la famille—2648, [1997] R.D.F. 246 (C.S.).

131 REJB 2001-26020 (C.S.) ou [2000] R.D.F. 692 132 [2000] R.D.F. 813 ou REJB 2000-21000 (C.Q.). 133 [2001] R.D.F. 943 ou REJB 2001.

De choses et d’autres en droit de la famille… 309

H.C. c. P.L.134

137 Cette affaire implique des conjoints de fait et le litige, une demande en enrichissement injustifié quant à des impenses sur un immeuble acquis pendant la cohabitation. Le juge Bellavance qui rend le jugement fait part de quelques considérations intéressantes, nous citons :

138 La situation est presque toujours la même. C’est un constat historique bien documenté que ce sont souvent les conjointes à qui l’on demande de demeurer à la maison ou qui, de fait sans même qu’on en discute, demeurent à la maison pour s’occuper de l’éducation et de l’entretien des enfants. Ceci a généralement pour effet de permettre aux conjoints de vaquer à des occupations plus rémuné-ratrices et d’augmenter leur patrimoine pendant que celui de la conjointe demeure stagnant.

139 Madame, qui a quitté le domicile conjugal dans l’année qui précède l’audition, réclame un montant de 5000 $ pour les dommages résultant de sa relocali-sation. Le Tribunal conclut qu’on ne peut réclamer directement le coût du loyer. Par ailleurs, celui-ci est un bon indice de l’indemnité que devrait payer l’occupant qui a alors l’usage et la jouissance exclusifs de la résidence, plus confortable que l’appartement loué par le conjoint.

140 Le Tribunal déduit les taxes et assurances pour la période visée et fixe à 3000 $ l’indemnité. Le Tribunal précise que les règles relatives aux impenses (art. 1020 C.c.Q.) n’ont pas pour effet d’enrichir l’un des partenaires aux dépens de l’autre, mais de lui permettre de récupérer tout ou partie des impenses qu’il a faites; s’il y a lieu à enrichissement, cette question devra faire l’objet du recours approprié.

Meunier c. Thibault135

141 L’enrichissement injustifié peut résulter d’un déséquili-bre dans la contribution aux dépenses du ménage. Cette décision est intéressante en ce que la Cour procède à comptabiliser la proportion des dépenses auxquelles Madame a contribué, pour conclure que la prestation qu’elle a fournie a largement dépassé la prestation normale entre conjoints 134 REJB 2001-26020 (C.S.). 135 J.E. 2002-531 (C.S.) ou REJB 2002-29990.

De choses et d’autres en droit de la famille… 310

(Madame générait 26 % des revenus et assumait 50 % des dépenses).

Dion c. Kopersiewich136

142 La générosité de la demanderesse a permis à Monsieur de ne pas payer sa juste part des frais du ménage, y compris la valeur des services domestiques que sa conjointe (de fait) lui a rendu sans autre contrepartie. Les 25 heures hebdomadaires qu’elle prétend avoir consacrées aux travaux domestiques correspondent aux données fournies à cet égard par Statistique Canada et le Bureau de la statistique du Québec.

11. La transmissibilité de l’action pour enrichissement injustifié

143 Dans l’arrêt Lussier c. Pigeon137, La Cour d’appel doit trancher la question suivante relative à l’enrichissement sans cause : l’action de in rem verso est-elle transmissible aux héritiers ?

144 En l’espèce, la défunte cohabitait toujours avec son conjoint de fait au moment de son décès et aucun recours n’avait été intenté. S’appuyant sur la décision de la Cour suprême dans Peter c. Beblow, la Cour indique que pendant la vie commune, les conjoints de fait s’attendent à ce que les biens acquis par l’un d ’eux servent à leur entretien mutuel. La richesse est à l’avantage commun des parties même si elle ne s’accumule que dans un seul patrimoine. C’est à l’occasion de la rupture de l’union que le bénéfice découlant de l’usage mutuel maintenant ou plus tard des biens de l’un et l’autre cesse; apparaît alors le déséquilibre entre les patrimoines au regard de la contribution de chacune des parties.

145 Dès lors, avec cette rupture de l’union pourrait naître une créance qui résulte de l’échec pour la personne appauvrie de maintenir son accès à la richesse que son travail a permis à son conjoint d’accumuler, mais à l’avantage commun. La justification de l’apport, l’affection, l’amour et la perspective d’une vie commune paisible ont disparu. 136 J.E. 2002-1346 (C.S.). 137 C.A. Montréal, no 500-09-007582-992, 15 février 2002, j. Gendreau, Mailhot et

Forget ou REJB 2002-28261 ou [2002] R.J.Q. 359, commenté par Me Murielle DRAPEAU dans : Le recours pour enrichissement injustifié est-il transmissible aux héritiers du conjoint de fait décédé? Collection du Juriste, éd.C.C.H., avril 2002, 3.

De choses et d’autres en droit de la famille… 311

146 De l’avis de la Cour, le décès ne constitue pas une rupture, comme la séparation des partenaires de leur vivant, mais le terme normal de la vie commune :

147 L’action de in rem verso ne naît que lorsque le déséquilibre économique apparaît par la cessation de la vie commune en raison de leur séparation, car la justification de l’apport du créancier cesse par son inaccessibilité à l’usage de la richesse que l’on voulait commune.

148 De plus, selon la Cour, la créance est véritablement intuitu personae. La Cour procède ensuite à faire une analogie avec la prestation compensatoire qui a le même fondement et qui ne peut faire l’objet d’un recours par les héritiers du créancier de la prestation à l’encontre de l’époux survivant138.

149 Soulignons que si le décès survient pendant l’instance, elle pourra être reprise par les héritiers en conformité avec l’article 254 C.p.c.

12. Les dommages et intérêts

150 Comme on l’a déjà noté, même si la jurisprudence sur le sujet est presque inexistante, on peut s’imaginer qu’un époux battu ou à qui l’autre époux a transmis une maladie contractée sexuellement veuille être indemnisé.

151 Un tel recours entre conjoints n’est pas incompatible avec le droit de la famille139. La demande en dommages ne devra pas nécessairement faire l’objet d’un recours distinct. Il pourra y avoir réunion des recours tel que prévu par les dispositions du Code de procédure civile (art. 66 et ss.).

152 Par exemple, dans l’arrêt Marcoux c. Légaré140, le Tribunal a entendu une demande de divorce et une action en dommages pour blessures corporelles et psychologiques

138 Droit de la famille—441, [1988] R.J.Q. 291 (C.A.). De plus, il s’agit d’un

recours intuitu personae, voir Droit de la famille—871, [1990] R.J.Q. 2107 (C.A.).

139 Beaumont-Butcher c. Butcher, [1982] C.S. 893. Voir CHAMPAGNE, Claude, « L’action en dommages et intérêts sous 1053 C.c.B.C. [maintenant 1457 C.c.Q.] de l’épouse battue par son mari », (1983) 43 R. du B. 797.

140 [2000] R.R.A. 521 (C.S.) (en appel) ou REJB 1999-17683 (C.S.). Au même effet, en cas de blessures corporelles : Beaumont c. Butcher, [1982] C.S. 893; Lacombe c. D’Avril, [1983] C.S. 592, Major c. Surette, REJB 1999-15544 (C.Q.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 312

simultanément. Ces blessures sont survenues pendant la période de cohabitation à l’occasion de nombreuses alterca-tions verbales et physiques entre les époux. Compte tenu que la conduite de Monsieur et l’usage excessif de sa force physique étaient disproportionnés dans les circonstances, il a été considéré seul responsable des dommages.

153 Dans l’affaire Dupuis c. Morin141, Monsieur réclame de Madame des dommages moraux et exemplaires car il aurait été expulsé malicieusement de la résidence. En l’espèce, Monsieur transfère sa part indivise de la résidence du couple à Madame et un mois plus tard, survient une rupture et Madame demande à Monsieur de quitter. Il invoque que le tout est un coup monté car, quelques jours après son départ, il l’a aperçue avec son nouvel ami. Le Tribunal, après avoir étudié les témoignages, en conclut que la relation avec Monsieur était terminée bien avant la cession de ses droits dans l’immeuble, d’où le rejet de son action.

154 Cette décision est intéressante en ce qu’elle ouvre la voie à un recours en dommages et intérêts si un conjoint de fait est expulsé de la résidence de façon abusive.

155 Par ailleurs, on doit s’interroger sur le bien-fondé en droit de cette proposition. Un conjoint dûment avisé que des procédures seront intentées sous peu à son égard et qui choisit de quitter la résidence bénéficie-t-il du même recours ? Si oui, n’est-on pas en présence d’un moyen qui fait en sorte qu’une partie hésiterait avant d’entreprendre des procédures, de peur d’être poursuivie ?

156 Quant à la prescription d’un tel recours, nous vous renvoyons à l’affaire Légaré c. Marcoux142 où la Cour d’appel confirme le jugement de première instance qui a condamné Monsieur à payer des dommages et intérêts à son ex-compagne pour les sévices corporels qu’il lui a infligés pendant la vie commune. La Cour confirme l’interprétation du Tribunal de première instance à l’effet qu’il y a eu suspension de la prescription car, à cause du syndrome post-traumatique, Madame était dans l’impossibilité d’agir avant.

141 REJB 2000-20129 (C.S.). 142 B.E. 2002-BE-926 (C.A.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 313

13. La faillite et l’insolvabilité

157 Il est important de rappeler qu’au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, le Tribunal a suffisamment de discrétion (voir l’article 95 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité) pour déterminer si des personnes ont transigé à distance ou si on doit les considérer comme étant des personnes liées bien qu’elles ne soient pas mentionnées comme telles dans la loi.

158 Les conjoints qui vivent maritalement et sont impliqués dans l’administration financière des biens du failli sont des « personnes liées » et on doit étudier les transactions entre ces derniers à la lumière des dispositions applicables143 .

14. La réconciliation et le jugement quant à la garde et la pension alimentaire

159 La reprise de la vie commune met fin à l’ordonnance antérieure144.

C. Le droit comparé et les conjoints de fait

160 Les autres États adoptent des législations qui sont plus contraignantes ou reconnaissent plus de droits et d’obligations à l’égard des conjoints de fait et de leurs enfants. Dès lors, il faut s’interroger sur la reconnaissance de jugement étranger appliquant ces règles de droit : vont-elles à l’encontre de l’ordre public québécois (art. 3155 50 C.c.Q.) ?

161 La décision dans Droit de la famille—3687145 permet de constater quel accueil pourrait être fait à de telles législations. Dans cette affaire, le Tribunal doit décider si un jugement condamnant un conjoint de fait à payer une pension alimentaire à un enfant dont il n’est pas le parent biologique ou adoptif, est exécutoire au Québec en conformité avec l’article 3155 C.c.Q.

143 Michaud c. Brisson, C.S. Terrebonne, no 700-11-004124-006, 17 octobre

2001, j. Champagne ou REJB 2001-26879; M. c. L., C.S. Montréal, no 500-04-000106-943, 22 mai 1996, j. Senécal. C.M. c. L.G., C.S. Chicoutimi, no 150-04-001955-009, 22 février 2002, j. Larouche; P.B. c. R.J., C.S. Terrebonne, no 700-04-000183-936, 9 mai 2002, j. Journet; Droit de la famille—2459, [1996] R.J.Q. 1897 (C.S.). La pension est à tout le moins suspendue pendant la reprise de la cohabitation : P. (A.) c. A. (L.), REJB 2000-19939 (C.S.)..

144 J.S. c. G.F., C.S. Bonaventure, no 105-04-000972-025, 16 août 2002, j. Martin.

145 [2000] R.D.F. 505 ou REJB 2000-19753 (C.S.).

De choses et d’autres en droit de la famille… 314

Bref, cette législation (Nouveau-Mexique) applique le concept du statut in loco parentis aux conjoints de fait.

162 Après avoir procédé à une étude de la législation québécoise, le Tribunal conclut que plusieurs législations sociales reconnaissent que l’enfant pour lequel une personne a agi comme parent (par exemple : Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles et Loi sur l’indemni-sation des victimes d’actes criminels) a acquis certains droits, notamment celui de recevoir des indemnités.

163 Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire N.K. c. K.S.M.146, le Tribunal doit décider s’il est possible d’exiger le paiement d’une pension alimentaire en vertu de la Loi sur l’exécution réciproque d’ordonnances alimentaires, ordonnance alimentaire à l’égard de conjoints de fait rendue en Ontario.

164 Le Tribunal déclare que les lois du Québec ne reconnaissent pas le droit d’un ex-conjoint de fait à des aliments. La Cour supérieure ne peut siéger en appel de la décision du tribunal ontarien, toutefois en vertu de l’article 3143 C.c.Q., le Tribunal est habilité à réviser l’ordonnance.

III.– L’UNION CIVILE : UNE SOLUTION ?

165 Le présent exposé n’ayant pas pour objectif d’étudier en profondeur les conséquences juridiques ou sociales de l’union civile et les recours dont disposent les parties pendant le mariage ou l’union civile et lors de la dissolution de ces unions, le lecteur trouvera en annexe un tableau comparatif des droits conférés pour chacun des types de famille reconnus par le législateur : le mariage, l’union civile et l’union de fait. Les rubriques ombragées indiquent que les mêmes règles s’appliquent aux trois types de famille.

166 On constate, tel que l’indique le Barreau du Québec dans son mémoire, que l’union civile est le miroir du mariage147.

146 [2002] R.D.F. 249 (C.S.) ou REJB 2001-29348. 147 Mémoire du Barreau du Québec sur la Loi instituant l’union civile des

personnes de même sexe et modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives, janvier 2002.

De choses et d’autres en droit de la famille… 315

IV.– LA MARGINALITÉ, UN CHOIX ?

A. Les conséquences sur les conjoints de fait

167 Il est nécessaire dans un premier temps de s’assurer que les conjoints de fait connaissent la législation concernant l’union civile. Un sondage maison (et non scientifique !) nous permet de croire que le battage médiatique et les responsables des relations publiques des groupes représentant les conjoints de même sexe ont tellement bien fait leur travail que la majorité des conjoints de fait hétérosexuels interrogés croyait que l’union civile ne visait que les couples de même sexe !

168 Il y a donc un sérieux travail d’éducation et d’information à faire avant de conclure à l’attrait de l’union civile pour les couples hétérosexuels, au quotidien. Parions que la première « célébration » d’une union civile hétérosexuelle n’aurait pas droit à la même couverture médiatique.

169 Par ailleurs, l’avantage de la création d’un patrimoine familial ou d’un régime communautaire est évident si le couple a l’intention d’avoir ou d’adopter des enfants. Ce qui implique que l’un des parents, généralement la mère, devra s’éloigner du marché du travail pour une certaine période de temps, ce qui entraîne des pertes au niveau financier (sans compter les pertes qui résultent de l’entretien et de l’éducation des enfants). La possibilité de bénéficier de l’enrichissement du patrimoine pour cette période est à considérer.

170 Par ailleurs, dans un passé pas très lointain (1989), on se souviendra du tollé qu’avait soulevé l’adoption des règles relatives au patrimoine familial. Devrait-on se surprendre que les conjoints de fait ne soient pas entichés à l’idée de s’y soumettre ?

171 Quant aux coûts relatifs à la dissolution, ils ne devraient pas être un élément aussi déterminant qu’on le croit. Déjà, de nombreux couples procèdent par le biais d’une demande conjointe avec projet d’accord qu’ils ont eux-mêmes préparés. Est-ce que les coûts de préparation d’une convention notariée et d’homologation de la déclaration de dissolution seront un incitatif à opter pour l’union civile ? N’oublions pas qu’il doit y avoir entente sur toutes les conséquences de la rupture.

172 La crainte de devoir parader devant le Tribunal amènera-t-elle des règlements à rabais ? Ou une préférence

De choses et d’autres en droit de la famille… 316

marquée pour l’union civile ? Nous ne le croyons pas. Au-delà de la nouveauté du processus qui pourra faire des adeptes à court terme, rappelons que près de 85 % des dossiers en matières familiales se terminent par une entente et pas nécessairement faute de combattants…

173 L’incertitude quant à l’interprétation de certains concepts devrait amener les futurs conjoints civils à faire preuve de prudence, car s’il est exact que l’union civile reprend pour l’essentiel les règles relatives au mariage, on y inclut de nouveaux concepts :

♦ la démarche de dissolution ; ♦ qu’en est-il des domaines de compétence fédérale

où il n’y a pas de concordance comme l’immigration et les passeports, comment le statut sera-t-il reconnu 148?

♦ l’enfant qui, en vertu de son acte de naissance ou suite à son adoption, a deux pères ou deux mères, sur son passeport on indiquera quoi ?

♦ un projet parental de procréation et l’application pratique des règles prévues ;

♦ l’adoption internationale ;

♦ la reconnaissance par les autres États de ce statut. Si on peut penser que dans les États où un tel statut est offert149, on pourrait reconnaître l’union civile, il en sera autrement notamment dans les pays pour lesquels l’homosexualité est un crime ou un mode de vie immoral. Que se passera-t-il en cas de rupture quant au partage des actifs ? Reconnaîtra-t-on la filiation et comment, plus particulièrement

148 Alors que le ministre de l’immigration était André Boisclair (en 2000), le

gouvernement québécois s’était donné une règle qu’on qualifiait alors de parrainage discrétionnaire qui permettait l’entrée au pays du conjoint de fait qui composait un couple de même sexe, en demandant aux agents représentant le Québec à l’extérieur de tenir compte de la relation de conjoint de fait dans l’émission du certificat de sélection. En effet, la législation fédérale ne reconnaît pas le mariage homosexuel et on ne pourrait émettre de « visa de fiancé », pour permettre à l’autre conjoint de pouvoir entrer au Canada pour bénéficier des dispositions relatives à l’union civile.

149 Les Pays-Bas, la France, le Vermont, la Californie, etc. Le ministre de la Justice a émis des commentaires en ce sens lors des Travaux parlementaires de la Commission permanente des institutions, le 23 mai 2002.

De choses et d’autres en droit de la famille… 317

dans les couples homosexuels ? À qui attribuera-t-on la garde de l’enfant en cas de litige ?

B. Les conséquences sur les enfants

174 C’est là où le bât blesse, la décision des parents de vivre ensemble plutôt que de se marier a des conséquences graves pour la survie de l’unité familiale. Les unions de fait se terminent plus souvent que les mariages par une séparation150. On est donc en présence d’un mode de vie particulièrement instable; il est essentiel quant à nous de prévoir une meilleure protection pour les enfants en cas de rupture, pour assurer une meilleure stabilité tant au plan affectif que financier.

175 Signalons en terminant que le législateur n’a tenu aucun compte des familles recomposées qui constituent pourtant le plus grand nombre de familles. On ne retrouve aucune disposition touchant le parent psychologique ou la protection de la résidence familiale chez les couples non mariés ou non unis civilement151.

176 Le législateur n’a tenu aucun compte du phénomène des familles recomposées et des protections particulières qui devraient être accordées au lien significatif qui s’est développé entre le parent psychologique et l’enfant.

177 Il faut admettre que la non-reconnaissance actuelle des unions de fait a des conséquences néfastes sur les enfants en cas de rupture. La logique économique impose que l’on reconnaisse que le niveau de vie du parent gardien est celui des enfants dont il a la charge. L’enfant doit-il subir les contrecoups du mode de vie de ses parents en cas de rupture ?

178 Poser la question, c’est y répondre. Si on envisage le problème par les conséquences qu’il peut avoir pour l’enfant, on doit en conclure qu’il faut reconsidérer le principe voulant qu’il y ait absence de législation en ce qui a trait à l’union de 150 Statistique Canada, Le Quotidien, Tendances sociales canadiennes :

l’évolution des liens conjugaux, 16 mars 2000, site Internet : http://ww.statcan.ca/Daily/Français/000316/q000316a.htm.

151 Tel que mentionné en introduction, plus de 60 % des enfants nés dans une famille constituée de conjoints de fait vivront la séparation de leurs parents avant d’avoir atteint l’âge de dix ans. Les enfants dont les parents se sont mariés sans avoir cohabité sont ceux qui sont les moins à risque de connaître la séparation de leurs parents avant l’âge de dix ans (moins de 15 %).

De choses et d’autres en droit de la famille… 318

fait, les conjoints ayant choisi de s’exclure du cadre du mariage et de vivre dans une certaine marginalité, ce qui n’est pas nécessairement le cas de leurs enfants. En effet, s’il est vrai que les parents ont effectué un choix, il n’en va pas de même pour l’enfant.

179 En 1981, le législateur a éliminé la notion d’enfant « illégitime » du Code civil, tous les enfants étant égaux quant à leurs droits. Si on ne veut pas se retrouver dans une situation similaire à celle qui existait avant 1981, il y a lieu d’assurer à ces enfants la même protection pour leurs besoins et leur sécurité que celle accordée aux enfants issus d’un mariage152.

180 Nous croyons qu’on ne peut en arriver à ce résultat qu’en légiférant en matière d’union de fait153, uniquement pour protéger les enfants en cas de rupture ou de décès des parents… comme le sont les enfants dont les parents sont mariés ou bénéficient des dispositions de l’union civile, car nous ne croyons pas que l’union civile connaisse un grand engouement auprès des couples de sexe différent pour ce seul motif. Il faut adopter des mesures visant spécifiquement les enfants et les protégeant, il ne s’agit que de mettre en pratique l’énoncé du législateur à l’article 522 du Code civil à l’effet que les enfants sont tous égaux.

181 Le ministre de la Justice doit faire rapport de l’application de la nouvelle définition de conjoint (les époux, les conjoints civils et les conjoints de fait) quant à l’opportunité de la conserver ou de la modifier au plus tard le 30 juin 2005. Peut-être serons-nous plus en mesure de connaître l’effet des nouvelles dispositions relatives à l’union civile sur les conjoints de fait.

C. Des solutions législatives pour les conjoints de fait

182 Pour expliquer la quasi-absence de législation en matière de concubinage, le législateur et la Cour suprême dans

152 On peut aussi penser à l’application, à certaines conditions, des barèmes de

pensions alimentaires fédéraux pour enfants qui sont plus généreux que les barèmes provinciaux mais qui ne peuvent viser que les parents divorcés, donc mariés.

153 Pour une étude de la question, voir Baehr c. Director of the Department of Health (State of Hawaii) , site Internet :

http://starbulletin.com/96/12/03/news/ssruling. Txt.

De choses et d’autres en droit de la famille… 319

l’arrêt Procureur général de la Nouvelle-Écosse c. Walsh154 ont invoqué la sacro-sainte liberté de choix et l’intention, présumée, des concubins de choisir leur statut pour éviter d’être soumis aux règles du mariage et de l’union civile.

183 Mais est-on en présence d’un véritable choix ? Qui n’a pas entendu la légende urbaine à l’effet qu’après quelques années de cohabitation les concubins se retrouvent dans la même situation juridique que les couples mariés ? Choisit-on le concubinage principalement pour ne pas être soumis aux règles du mariage ?

184 Dans l’arrêt Miron c. Trudel 155 la juge McLachlin, pour la majorité, relève que le choix de se marier n’est pas absolu. La juge L’Heureux Dubé dans l’arrêt Walsh156, pour la minorité cette fois, reprend cette même argumentation. Confondait-on la volonté de s’inscrire dans l’institution qu’est le mariage avec le désir de se soumettre aux conséquences juridiques de l’union matrimoniale ?

185 Rappelons que l’on doit adhérer à toutes les règles légales relatives au mariage. Il en va de même pour l’union civile, il n’est pas possible d’adapter le tout à sa situation et à ses véritables choix de vie.

186 Étant donné les effets sur les enfants de cette absence de législation, on peut concevoir des modalités, lorsque des enfants sont issus de l’union hors mariage, à l’effet que certaines des protections relatives aux couples mariés ou qui ont choisi l’union civile, puissent bénéficier aux enfants. Par exemple, la question de la présomption de paternité en matière de filiation, la possibilité de bénéficier de l’usage de la résidence familiale en cas de rupture (art. 410 C.c.Q.). Notons que plusieurs lois sociales rendent plus facile l’accès aux bénéfices pour les conjoints de fait lorsqu’un enfant est issu de leur union157.

187 Pourquoi, en certaines circonstances, lorsque l’inter-dépendance économique est importante entre les conjoints de 154 REJB 2002-36303 ou 2002 CSC 83. 155 [1995] 2 R.C.S. 418, 456. 156 REJB 2002-36303 ou 2002 CSC 83. 157 Voir Loi sur les normes du travail, L.R.Q. c.N-1.1, art. 1 (3); Loi sur les

accidents de travail et les maladies professionnelles, LR.Q. A-3001, art.2; Loi sur l’aide juridique, L.R.Q. C. A.-14 1.1.

De choses et d’autres en droit de la famille… 320

fait, ne pas reconnaître le droit à un support alimentaire, comme le font plusieurs provinces canadiennes158 ?

CONCLUSION

188 C’est au Québec que l’on retrouve le taux le plus important de couples vivant en union de fait et un des endroits où ils sont le moins protégés, d’où le titre du présent texte. Le législateur légifère en ne tenant pas compte de ce groupe important. Il est inquiétant, mais par ailleurs réconfortant, de penser que tout n’a pas été dit ou fait.

158 Pour les conjoints de fait hétérosexuels : l’Ile-du-Prince-Édouard, le Nouveau-

Brunswick, le Manitoba, Terre-neuve, la Saskatchewan, le Yukon, l’Alberta. Pour tous les concubins : la Colombie-Britannique, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse.

De choses et d’autres en droit de la famille… 321

ANNEXE TABLEAU RÉCAPITULATIF

Les droits conférés

Les conjoints mariés

Les conjoints civils

Les conjoints de fait

Les formalités préalables

Le mineur peut se marier avec l’autorisation du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur.

On peut en bénéficier à compter de l’âge de 18 ans. Les formalités relatives à la publicité sont celles prévues pour le mariage. Le mariage est célébré par un notaire, un officier municipal ou toute personne déclarée compétente par le législateur. Les empêchements au niveau du lien de parenté sont les mêmes que pour le mariage (art. 521.1).

La nullité de l’union

Il faut démontrer qu’une des conditions de fond n’a pas été respectée. On applique les mêmes critères que pour le mariage.

Les droits et les devoirs des conjoints pendant le mariage

La direction de la famille et une contribution proportionnelle aux charges du ménage.

La direction de la famille et une contribution proportionnelle aux charges du ménage.

En fonction du contrat de concubinage, s’il y a lieu.

Le patrimoine familial et le régime matrimonial

Il y a création d’un patrimoine familial et application de la société d’acquêts si aucun régime n’est choisi.

Il y a création d’un patrimoine familial et application de la société d’acquêts si aucun régime n’est choisi.

En fonction du contrat de concubinage, s’il y a lieu.

L’interruption de la prescription au cours de la vie commune

Elle court entre les conjoints de fait.

De choses et d’autres en droit de la famille… 322

Les droits conférés

Les conjoints mariés

Les conjoints civils

Les conjoints de fait

La filiation

Il n’y a pas de présomption de paternité. Le conjoint de fait ne peut déclarer la filiation de l’autre conjoint-parent sans son autorisation, c’est la conséquence de l’absence d’une présomption de paternité.

Le nom attribué à l’enfant et l’acte de l’état civil

L’autorité parentale

La garde des enfants

En vertu de la Loi sur le divorce, il y a le statut de parent in loco parentis. Concept qui n’existe pas en droit civil.

La pension alimentaire pour les enfants

En vertu de la Loi sur le divorce, il y a le statut de parent in loco parentis. Concept qui n’existe pas en droit civil.

Pension alimentaire pour le conjoint

Aucune obligation ne se crée. La Charte canadienne permettrait une contestation de ces dispositions.

La survie de l’obligation alimentaire

Les règles sont applicables aux enfants et au conjoint.

Les règles sont applicables aux enfants et au conjoint.

Les règles ne s’appliquent qu’aux enfants.

La perception des pensions alimentaires

L’indexation de la pension alimentaire

De choses et d’autres en droit de la famille… 323

Les droits conférés

Les conjoints mariés

Les conjoints civils

Les conjoints de fait

Les sûretés pour garantir le paiement de la pension alimentaire

Les meubles et la résidence familiale

Les meubles et la résidence familiale sont protégés. Ils peuvent inscrire une déclaration de résidence familiale (art. 3022 C.c.Q.).

Les meubles et la résidence familiale sont protégés. Ils peuvent inscrire une déclaration de résidence familiale (art. 3022 C.c.Q.).

La résidence familiale des conjoints de fait ne bénéficie pas des mêmes protections. En effet, à moins que cette résidence n’ait été achetée en copropriété, son propriétaire peut la vendre, la louer, etc., sans que le non- propriétaire n’ait de recours, ce qui est préjudiciable au maintien de l’enfant dans son milieu. Par ailleurs, certaines décisions reconnaissent que l’enfant puisse bénéficier de l’usage de la résidence familiale sur une base temporaire, généralement jusqu’à la vente de la résidence. S’il s’agit d’un logement, la seule protection reconnue aux conjoints de fait par le Code civil du Québec consiste dans la possibilité pour le conjoint qui a été laissé, de continuer d’occuper le logement dans lequel le couple résidait avant la rupture; pour bénéficier de ce

De choses et d’autres en droit de la famille… 324

Les droits conférés

Les conjoints mariés

Les conjoints civils

Les conjoints de fait bénéficier de ce droit, la cohabitation doit avoir duré au moins six mois et nécessite un avis.

Règles relatives au partage des actifs familiaux et autres

L’évaluation des biens visés par le partage peut s’effectuer en date de la cessation de la vie commune ou de l’introduction des procédures.

L’évaluation des biens visés se fait au moment de la démarche commune de dissolution.

Règles relatives au partage des actifs si les parties ont préparé une convention; cette dernière sera la loi des parties; à défaut d’une telle entente, le droit de propriété se prouve en fonction du titre. On pourra avoir à utiliser les règles relatives à l’indivision si le bien a été acquis pas les deux conjoints.

Le partage des fonds de pension

Il doit y avoir une entente entre les parties. Le partage n’a pas lieu de plein droit.

Les prestations en cas de décès

Les parties doivent avoir cohabité pendant une période minimale de temps, tant pour les régimes provinciaux que fédéraux.

Les donations entre vifs

Pas évident pour les biens futurs, car le Code civil les interdit hors le contrat de mariage (art. 1818,1819 et 1841).

Les donations à cause de mort

Les conjoints mariés doivent procéder par contrat de mariage ou par testament pour effectuer de

Les conjoints civils doivent procéder par contrat de mariage ou testament pour effectuer de telles

Les conjoints de fait doivent procéder par testament pour effectuer de telles donations.

De choses et d’autres en droit de la famille… 325

Les droits conférés

Les conjoints mariés

Les conjoints civils

Les conjoints de fait

pour effectuer de telles donations.

effectuer de telles donations.

donations.

Les successions

Le Code civil reconnaît qu’ils peuvent se succéder sans la nécessité d’un testament.

Le Code civil reconnaît qu’ils peuvent se succéder sans la nécessité d’un testament.

Les conjoints de fait doivent procéder à la rédaction d’un testament pour chacun d’eux pour succéder l’un à l’autre.

L’assurance-vie

Le conjoint bénéficie d’une présomption d’irrévocabilité à titre de bénéficiaire désigné.

Le conjoint bénéficie d’une présomption d’irrévocabilité à titre de bénéficiaire désigné

La prestation compensatoire

La prestation compensatoire

La prestation compensatoire

L’enrichissement sans cause ou injustifié

La société de fait

La rédaction de conventions qui ne vont pas à l’encontre des bonnes mœurs et de l’ordre public

Les dommages et intérêts

Les motifs

En vertu des dispositions de la Loi sur le divorce. En séparation de corps : volonté de faire vie commune est irrémédiablement atteinte.

Volonté de faire vie commune est irrémédiablement atteinte.

Aucun motif n’est nécessaire.

La médiation

Les formalités de dissolution

Par un jugement du tribunal.

Par un jugement du tribunal, s’il y a des enfants ou mésentente entre les parties; le cas échéant, un notaire

De choses et d’autres en droit de la famille… 326

Les droits conférés

Les conjoints mariés

Les conjoints civils

Les conjoints de fait

échéant, un notaire pourra procéder à la dissolution, les parties devant produire une convention notariée disposant des conséquences de la séparation. Le notaire avise le directeur de l’état civil. Y aurai t-il discrimination à l’égard des couples mariés qui doivent saisir un tribunal et ne peuvent divorcer ou se séparer sur consentement ? Le notaire est lié par cette convention, sauf si elle contrevient à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Par ailleurs, le tribunal n’est pas lié par une convention.

Le droit au logement

Accessibilité aux législations sociales et aux dispositions fiscales

Depuis 1999, les conjoints de même sexe bénéficient de tous les avantages conférés aux conjoints de fait par les différentes législations.

Les législations pertinentes exigent une période de cohabitation minimale ou encore la présence d’un enfant issu de l’union. La définition de conjoint varie d’une loi à l’autre.

Le consentement aux soins

Avant les modifications apportées lors de l’adoption des dispositions sur l’union civile, le conjoint de fait se

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Les droits conférés

Les conjoints mariés

Les conjoints civils

Les conjoints de fait

classait comme intéressé, à savoir au dernier rang des personnes pouvant consentir.

L’adoption

Les conjoints de fait doivent cohabiter depuis au moins trois ans.

Les pratiques commerciales

Les conjoints devront-ils obligatoirement intervenir aux actes impliquant les biens visés par l’union civile comme c’est le cas pour les époux, notamment en matière de prêt ?

Les régimes de protection

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