Consultation externe et continuité des soins palliatifs

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2009) 8, 66—71 ÉTUDE ORIGINALE Consultation externe et continuité des soins palliatifs Palliative care outpatient clinics and continuity of palliative care Benoît F. Leheup a,,1 , Catherine Lamouille b , Vincent Robert c a Service régional de soins palliatifs, groupement des hôpitaux de Thionville, hôpital Beauregard, CHR Metz—Thionville, BP 60327, 57126 Thionville cedex, France b Équipe mobile de soins palliatifs, CHU de Nancy, Nancy, France c Département d’information médicale et de statistiques, CHR Metz—Thionville, France Rec ¸u le 26 juin 2008 ; accepté le 15 octobre 2008 Disponible sur Internet le 24 janvier 2009 MOTS CLÉS Soins palliatifs ; Continuité des soins ; Consultation externe Résumé Objectifs. — Évaluer la place des consultations externes (CE) parmi les activités d’une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) et comparer les patients en fonction du type de prise en charge. Matériel et méthode. — Enquête rétrospective portant sur les années 2006 et 2007 concernant tous les patients ayant bénéficié d’au moins une consultation externe (groupe CE) ou unique- ment de consultations de l’équipe mobile (groupe EMSP). Description de l’activité du service et du parcours des patients suivis en CE. Comparaison des caractéristiques démographiques et du suivi des patients des deux groupes. Résultats. — Sept cent trente-neuf patients inclus sur les deux années : 124 dans le groupe CE et 615 dans le groupe EMSP. Les patients du groupe EMSP ont bénéficié de 2271consultations, contre 857 (dont 498 en externe) pour les patients du groupe CE. Les patients du groupe CE sont plus jeunes, en meilleur état général, ils bénéficient d’un nombre moyen de consultations plus élevé et leur durée de survie est plus longue. Discussion. — L’existence d’une CE de soins palliatifs répond à la demande des patients et de leurs médecins, renforce la visibilité des équipes de soins palliatifs et les identifie claire- ment comme participant au suivi du patient. Les patients vus en CE bénéficient d’un suivi plus régulier. Conclusion. — L’individualisation de l’activité de CE nous semble être un moyen permettant d’améliorer la continuité des soins palliatifs. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B.F. Leheup). 1 Photo. 1636-6522/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medpal.2008.10.004

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édecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2009) 8, 66—71

TUDE ORIGINALE

onsultation externe et continuité des soins palliatifs

alliative care outpatient clinics and continuity of palliative care

Benoît F. Leheupa,∗,1, Catherine Lamouilleb,Vincent Robertc

a Service régional de soins palliatifs, groupement des hôpitaux de Thionville, hôpitalBeauregard, CHR Metz—Thionville, BP 60327, 57126 Thionville cedex, Franceb Équipe mobile de soins palliatifs, CHU de Nancy, Nancy, Francec Département d’information médicale et de statistiques, CHR Metz—Thionville, France

Recu le 26 juin 2008 ; accepté le 15 octobre 2008Disponible sur Internet le 24 janvier 2009

MOTS CLÉSSoins palliatifs ;Continuité des soins ;Consultation externe

RésuméObjectifs. — Évaluer la place des consultations externes (CE) parmi les activités d’une équipemobile de soins palliatifs (EMSP) et comparer les patients en fonction du type de prise en charge.Matériel et méthode. — Enquête rétrospective portant sur les années 2006 et 2007 concernanttous les patients ayant bénéficié d’au moins une consultation externe (groupe CE) ou unique-ment de consultations de l’équipe mobile (groupe EMSP). Description de l’activité du serviceet du parcours des patients suivis en CE. Comparaison des caractéristiques démographiques etdu suivi des patients des deux groupes.Résultats. — Sept cent trente-neuf patients inclus sur les deux années : 124 dans le groupe CEet 615 dans le groupe EMSP. Les patients du groupe EMSP ont bénéficié de 2271 consultations,contre 857 (dont 498 en externe) pour les patients du groupe CE. Les patients du groupe CEsont plus jeunes, en meilleur état général, ils bénéficient d’un nombre moyen de consultationsplus élevé et leur durée de survie est plus longue.Discussion. — L’existence d’une CE de soins palliatifs répond à la demande des patients etde leurs médecins, renforce la visibilité des équipes de soins palliatifs et les identifie claire-ment comme participant au suivi du patient. Les patients vus en CE bénéficient d’un suivi plus

régulier.Conclusion. — L’individualisation de l’activité de CE nous semble être un moyen permettantd’améliorer la continuité des soins palliatifs.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (B.F. Leheup).

1 Photo.

636-6522/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.medpal.2008.10.004

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more regular follow-up.Conclusion. — The designation of an outpatient clinic as specifically devoted to palliative careis, for us, a useful way to improve continuity of palliative care.© 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

Depuis 1995 et l’ouverture de l’équipe mobile de soinspalliatifs (EMSP) du CHR Metz—Thionville, l’offre de soinsproposée par le service s’est progressivement étoffée avecl’ouverture en 1997 d’une consultation externe (CE) douleurchronique non cancéreuse et la création en novembre 2004de dix lits d’hospitalisation à domicile (HAD) à orientationpalliative.

Devant l’augmentation des demandes de CE de soins pal-liatifs émanant de médecins ou des patients eux-mêmes etafin d’organiser au mieux nos activités, nous avons consacréà la douleur cancéreuse et aux soins palliatifs deux demi-journées hebdomadaires supplémentaires de consultationsà partir de novembre 2005.

Afin de préciser la place des CE de soins palliatifs dansl’activité du service d’une part, et de comparer les patientssuivis en externe et en équipe mobile d’autre part, nousavons réalisé le bilan des deux premières années de cettenouvelle activité. Ce bilan se présente sous la forme d’uneenquête rétrospective portant sur la période allant du1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et concernant la tota-lité des patients suivis en équipe mobile et en CE de soinspalliatifs.

Matériel et méthode

Population concernée

Tous les patients ayant bénéficié d’au moins une CE desoins palliatifs ou vus au moins une fois par l’EMSP entre le1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007 sont concernés par

cette étude rétrospective.

Les patients ont été répartis dans deux groupes : ungroupe « consultation externe » (groupe CE) et un groupe« équipe mobile uniquement ». Pour être inclus dans legroupe CE, les patients devaient avoir bénéficié d’au moins

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ne CE. Les patients qui n’avaient bénéficié d’aucune CEe soins palliatifs et qui avaient bénéficié d’au moins uneonsultation en équipe mobile étaient inclus dans le groupeuniquement équipe mobile ».

uestions posées et données recueillies pourrépondre

escription de l’activité de CEa place des CE dans l’activité du service sera précisée delusieurs facons.

Le premier point de vue sera purement quantitatif :ombre de patients suivis en CE, nombre de consultationsont ont bénéficié les patients suivis en CE.

Nous préciserons ensuite le parcours du patient : spécia-ité et lieu d’activité du prescripteur de la CE, mode deremier contact du patient avec le service, mode de fin derise en charge.

Nous terminerons en examinant la place de la pluridisci-linarité dans le parcours du patient : proportion de patientsuivis en CE ayant bénéficié d’une prise en charge en HAD,’un suivi par l’EMSP par les psychologues ou les ergothéra-eutes.

omparaison des patients suivis en CE de soinsalliatifs ou uniquement en équipe mobilefin de mettre en évidence une différence d’ordre démo-raphique entre les deux populations, nous nous fonderonsur les indicateurs suivants : pourcentage d’hommes et deemmes, âge moyen, répartition des diagnostics principaux,tade OMS et index de Karnofsky lors de la première consul-

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KEYWORDSPalliative care;Continuity of care;Outpatient clinic

SummaryObjectives. — To determine how outpatient clinics contribute to the activity of a mobile pal-liative care team and to compare patient outcome according to source of care (palliative careteam versus outpatient clinic team).Method. — Retrospective study concerning years 2006 and 2007 including all patients who wereseen in an outpatient setting either by the palliative care clinic physician or a member of themobile palliative care team. Description of palliative care activity and of outpatient follow-up.Comparison of the demographic characteristics and follow-up of both patient groups.Results. — Seven hundred and thirty-nine patients were included during the study: 125 in theoutpatient group and 625 in the mobile palliative care group. Mobile palliative care teampatients attended 2271 consultations, outpatients 857. Outpatients were younger, in bettergeneral health, had a higher average number of consultations and better survival rate.Discussion. — Palliative care outpatient clinics provide a well-accepted response to the demandsof patients and their physicians, reinforce palliative care team visibility and identify theseteams as active participants in patient follow-up. Palliative care outpatient clinics facilitate

ation.Pour mettre en évidence une éventuelle différence en

ermes de suivi, nous utiliserons les informations suivantes :urée de suivi, durée de survie, nombre de consultations paratients.

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6 B.F. Leheup et al.

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Tableau 1 Informations sur le parcours des patients sui-vis en CE.Informations on outpatient’s follow-up.

Premier contact avec leservice par le biais de la CE ?

n (%)

Oui 94 (75,8)Non 30 (24,2)

Patient adressé en CE par n (%)

Médecin hospitalier 61 (49,2)Médecin libéral généraliste 40 (32,3)Médecin libéral spécialiste 2 (1,6)Équipe mobile 15 (12,1)Autre 6 (4,8)

Mode de fin de prise en charge n (%)

Suivi en cours au 31 décembre 2007 22 (17,7)Suivi interrompu 25 (20,2)Suivi par une autre structure 13 (10,5)Décès du patient 50a (40,3)Patient perdu de vue 14 (11,3)

Nombre de patients ayantbénéficié d’un suivi par

n (%)

EMSP intrahospitalière 72 (58)EMSP à domicile 9 (7,3)HAD 17 (13,7)Psychologue 16 (12,9)Ergothérapeute 11 (8,9)Bénévole d’accompagnement 4b (3,2)

CE : consultation externe.

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éthode de recueil et d’analyse des données

e nombre de patients suivis en équipe mobile ou en CE, leombre de consultations, le nombre de patients suivis pares ergothérapeutes ou les psychologues, l’âge et le sexees patients, le nombre de patients décédés, la durée derise en charge ont été extraits directement de la base deonnées du service.

Les autres données ont été recueillies par relecture desossiers patients.

L’analyse statistique a été réalisée grâce au logiciel2.4.1. Les moyennes ont été comparées en utilisant le teste Student. Les pourcentages ont été comparés en utilisante test du Chi2 ou, lorsque les conditions d’utilisation duest du Chi2 n’étaient pas remplies, le test exact de Fisher.’analyse des taux de survie a été effectuée par les courbese Kaplan-Meier puis par un test du logrank ou par modèlee Cox.

ésultats

escription de l’activité de CE

lace des CE parmi les activités du servicentre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007, 739 patientsnt été suivis en CE et en équipe mobile ; 615 n’ont bénéficiéue du suivi de l’équipe mobile, 124 ont bénéficié de CE.

En 2006 et 2007, 3128 consultations de soinspalliatifs ont été réalisées, 2630 en équipe

mobile et 498 en CE.

Les 615 patients suivis uniquement en équipeobile (83,2 % des patients suivis) ont bénéficié de

271 consultations (72,6 % du total des consultations).es 124 patients suivis en CE (16,8 % des patients suivis)nt bénéficié de 857 consultations (27,4 % du total desonsultations). Parmi ces 857 consultations, 498 ont étééalisées en CE et 359 par l’EMSP.

arcours du patiente premier contact avec le service de soins palliatifs a euieu lors d’une CE pour 75,8 % des patients.

Près de la moitié des patients (49,2 %) ont été adressésn CE par un médecin hospitalier, 12,1 % par l’équipe mobilet 32,3 % par leur médecin généraliste (Tableau 1). La forteroportion de ces derniers (près du tiers) met en évidencea notoriété du service hors de l’hôpital. Cette notoriétést renforcée plus particulièrement par la collaboration de’HAD avec les praticiens de ville et par l’organisation duertificat interdisciplinaire soins palliatifs accompagnementouleur (Cispad), formation proposée aux libéraux commeux hospitaliers.

À la date du 31 décembre 2007, 17,7 % des patients sontncore suivis. Parmi les patients qui ne sont plus suivis,

0,3 % sont décédés et 20,2 % de patients n’ont pas eue nouveau rendez-vous en raison d’une stabilité de leurymptomatologie (Tableau 1). L’arrêt de suivi pour stabilitée la symptomatologie n’est pas une démarche systéma-ique mais est le plus souvent demandé par le patient

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a Neuf à domicile, 11 en HAD, 30 à l’hôpital.b Trois à domicile, deux à l’hôpital.

ouhaitant s’épargner des déplacements qu’il juge moinstiles.

lace de la multidisciplinaritéarmi les patients suivis en CE, 58 % ont bénéficié d’auoins une consultation de l’EMSP lors d’un séjour hospi-

alier, 7,3 % d’un passage de l’équipe mobile à domicile,2,9 % ont rencontré une psychologue du service, 8,9 % ontté suivis par une ergothérapeute du service, 3,2 % onténéficié de l’accompagnement des bénévoles formés par’association Pierre Clément Lorraine (données récapituléesans le Tableau 1).

omparaison des patients des deux groupes

aractéristiques démographiqueses hommes sont majoritaires dans les deux groupes (65,3 %ans le groupe CE et 59,5 % dans le groupe équipe mobile).

l n’y a pas de différence statistiquement significative entrees deux groupes en ce qui concerne la répartition des sexesp = 0,268).

Les patients du groupe CE sont en moyenne plus jeunesue les patients du groupe équipe mobile (65 ans contre

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Consultation externe et continuité des soins palliatifs 69

Tableau 2 Caractéristiques des patients des deux groupes.Both patient’s groups characteristics.

Caractéristiques CE n = 124 Équipe mobile n = 615 Comparaison des critères

Différence IC à 95 % Valeur de p

Sexe Hommes, n (%) 81 (65,3) 366 (59,5) = 0,268Femmes, n (%) 43 (34,7) 249 (40,5)

Âge (années) Moyenne (ET) 65 (1,18) 70 (0,54) 5 (2,1 ; 7,2) < 0,0005Médiane 68 72Min/Max 13/87 21/98

Karnofsky Moyenne (ET) 72 (0,98) 41 (0,8) −31 (−34,2 ; −29,2) < 0,000001Médiane 70 40Min/Max 30/90 10/90

OMS OMS 0, n (%) 6 (4,8) 6 (1,0) −3,8 (−9,2 ; −1,0) < 0,008OMS 1, n (%) 96 (77,4) 88 (14,3) −63,1 (−70,1 ; −54,5) < 0,000001OMS 2, n (%) 19 (15,3) 128 (20,8) −5,5 (−2,5 ; −11,8) = 0,203OMS 3, n (%) 3 (2,4) 232 (37,7) 35,3 (29,5 ; 39,5) < 0,000001OMS 4, n (%) 0 (0,0) 161 (26,2) 26,2 (21,7 ; 29,8) < 0,000001

Nombre deconsultations

Total 857 2271

Moyenne (ET) 6,9 (0,58) 3,7 (0,16) −2,4 (−4,4 ; -2,0) < 0,000001Médiane 5 2

rne.

Tableau 3 Répartition des diagnostics dans les deuxgroupes de patients.Diagnosis repartition in both patient’s groups.

Diagnostic principal n (%) CE Équipemobile

Cancer digestif 28 (22,58) 175 (28,4)Cancer pulmonaire 34 (27,41) 92 (15)Cancer du sein 9 (7,25) 22 (3,6)Cancer gynécologique 8 (6,45) 30 (4,8)Cancer de la prostate 12 (9,67) 27 (4,4)Cancer urologique 9 (7,25) 30 (4,8)Cancer ORL 14 (11,29) 52 (8,5)Hémopathie 2 (1,61) 11 (1,8)Cancer cutané 3 (2,41) 20 (3,3)Cancer neurologique 23 (3,7)Cancer endocrinien 2 (1,61) 2 (0,3)Primitif inconnu 1 (0,8) 11 (1,8)Cancer des tissus mous 1 (0,8) 5 (0,8)Tumeur osseuse primitive 1 (0,2)Pathologie neurologique 30 (4,8)Pathologie cardiaque 22 (3,6)Insuffisance rénale chronique 11 (1,8)Pathologie digestive 9 (1,5)Pathologie pulmonaire 7 (1,1)

ET : écart type ; IC : intervalle de confiance ;CE : consultation exte

70 ans, p < 0,0005). Ils sont également en meilleur état géné-ral lors de la première consultation avec un Karnofsky moyenà 72 contre 41 (p < 0,000001). La distribution des scores OMSdes deux groupes diffère significativement (p < 0,0001) avecdes stades 0 et 1 significativement plus représentés dans legroupe CE et des stades 3 et 4 significativement moins repré-sentés. Le Tableau 2 récapitule les données démographiquesdes patients des deux cohortes et précise les diagnosticsprincipaux.

Les pathologies cancéreuses représentent la quasi-totalité des diagnostics principaux des patients vus en CEsoit 99,2 % et la majorité des diagnostics principaux despatients vus en équipe mobile soit 81,5 % (Tableau 3).

Mode de suivi

Les patients du groupe CE ont été vus enmoyenne 6,9 fois en consultation contre 3,7 fois

pour les patients du groupe équipe mobile.

Le nombre moyen de consultations des deux groupes dif-fère significativement (p < 0,000001). L’analyse de variancemontre que la relation entre le nombre de consultations et letype de prise en charge reste très significative même aprèsajustement sur la durée de suivi, le score OMS, l’indice deKarnofsky et l’âge (p < 0,0003). En analyse multivariée, lesvariables associées avec le nombre de consultations sont ladurée de suivi, le type de prise en charge et le score OMS.

La durée de survie des patients est représentée sur

la Fig. 1. Les taux de survie des deux groupes diffèrentsignificativement (p < 0,000001). Cependant, en analysemultivariée, le type de prise en charge n’apparaît plus liéà la survie après ajustement sur l’indice de Karnofsky, l’âgeet le score OMS (p = 0,071).

Syndrome de glissement 6 (1)Posttraumatique 5 (0,8)Autre 1 (0,8) 24 (4)

CE : consultation externe.

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ndudNepLdmles consultations étant réalisées par les membres du per-sonnel de l’EMSP et de la consultation douleur chroniquerebelle, dans les locaux de la consultation douleur. Ces deuxactivités sont financées grâce aux dotations MIGAC2 (MIG3

igure 1. Taux de survie des patients des deux groupes (courbese Kaplan-Meier).urvival rate of both patient’s groups (Kaplan-Meier curves).

iscussion

orsque nous avons réorganisé les CE de soins palliatifs, nousous sommes interrogés sur leur place dans une structureui comportait déjà une EMSP, un service d’hospitalisationdomicile à orientation palliative et une consultation dou-

eur chronique rebelle. Nous nous demandions, d’une part,i cette proposition de prise en charge répondait à uneemande des patients et, d’autre part, si elle permettrait’atteindre de nouveaux patients ou simplement de modifieres modalités de suivis des patients de l’EMSP.

Depuis que les CE de soins palliatifs ont étéclairement individualisées, nous notons une très

nette augmentation de l’activité(183 consultations en 2006 et 315 en 2007 soit

une augmentation de 72 %).

Il semble que ce type de prise en charge réponde effec-ivement aux attentes des patients et de nos confrèresrescripteurs.

Dans le même temps, nous notons une stagnation duombre total de consultations (1571 contre 1557, soit uneugmentation de 0,9 %). Cette stagnation s’explique-t-ellear un déplacement du lieu de consultation des patients,uparavant vus en équipe mobile et maintenant vus enxterne ? Deux arguments permettent d’en douter. D’uneart, le recrutement des patients est en grande majoritéxterne à l’EMSP (seulement 12,1 % de patients adressés enE par l’EMSP). D’autre part, nous ne notons pas de diminu-ion du nombre de consultations en service d’hospitalisatione jour ou de semaine entre 2006 et 2007, au contraire

114 consultations en 2007 contre 55 en 2006). Or ces consul-ations sont les plus susceptibles d’être transférées de’EMSP à la CE. Il serait nécessaire pour pouvoir conclureur ce point de disposer d’un recul plus grand.

B.F. Leheup et al.

Nous avons constaté que 624 des 739 patients suivis en006 et 2007 (soit 84,4 %) étaient atteints de cancer, alorsu’en 2004, en France, 30 % des décès étaient causés parne pathologie cancéreuse [1]. Cette discordance illustree fait que, pour beaucoup, la prise en charge palliative seésume encore aux soins des patients atteints de pathologieancéreuse.

Nous nous interrogions en débutant ce travail sur’existence de différences d’ordre démographique entre lesatients suivis en CE ou par l’équipe mobile.

Nous avons constaté que les patients vus en externe sontlus jeunes et ont un score OMS et un index de Karnof-ky significativement meilleurs. Cela est assez logique : leuivi en externe sélectionne les patients les plus autonomes.e taux de survie diffère significativement entre les deuxroupes mais il semble que cette différence soit liée auxifférences de score OMS, d’indice de Karnofsky et d’âgentre les deux groupes.

Le nombre moyen de consultations par patient est signifi-ativement plus élevé dans le groupe CE que dans le groupeMSP (6,9 contre 3,7). Nous pourrions mettre cette diffé-ence sur le seul compte de l’allongement de la durée derise en charge mais nous pensons que le fait que le patientoit vu en externe permet de réaliser un suivi plus réguliert du même coup plus efficace et ce indépendamment duiveau de performance initial du patient. Cette impressionst confirmée par l’analyse de variance qui montre que laifférence reste significative entre le groupe CE et le groupequipe mobile même après ajustement sur la durée de suivi,e score OMS, l’âge et l’index de Karnofsky (différence ajus-ée +2 ; p < 0,0003). La médiane du nombre de consultationsn équipe mobile (deux consultations) peut paraître faiblet appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, cette donnéeache une grande disparité, puisque le nombre de consul-ations en équipe mobile par patients varie de un à 35.nsuite, le fait que 50 % des patients soient vus moins deeux fois peut s’expliquer de deux facons. Certains servicesemandent le passage de l’équipe mobile pour des patientsui ne le nécessitent pas et nous interrompons alors rapide-ent le suivi. D’autres équipes, en revanche, appellent auernier moment, souvent bien tard pour mettre en œuvrene prise en charge globale interrompue prématurément pare décès du patient.

Si le suivi des patients en CE semble plus régulier, tout’est cependant pas idéal. Nous avons perdu de vue 11,3 %es patients en deux ans, qu’ils aient été hospitalisés dansn service ne faisant pas appel à l’EMSP où que leur étate santé leur ait interdit de se déplacer jusqu’à nos locaux.ous regrettons aussi de ne pouvoir consulter en binômet de priver le patient d’une expertise infirmière que nousouvons lui donner lorsqu’il est vu par l’équipe mobile.a question du financement et de la valorisation des CEe soins palliatifs est également délicate. Le développe-ent de cette activité a été réalisé à moyens constants ;

2 Missions d’intérêt général et aide à la contractualisation.3 Mission d’intérêt général.

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Consultation externe et continuité des soins palliatifs

équipes mobiles de soins palliatifs et MIG structures spé-cialisées dans la prise en charge de la douleur chroniquerebelle). Mais dans quelle catégorie doit-on déclarer lesCE de soins palliatifs ? Les classer dans l’activité EMSP nepermet pas d’augmenter la dotation MIG palliatifs (qui neprend en compte que les consultations intrahospitalières)et il paraît délicat de les classer dans l’activité consultationdouleur chronique rebelle, les populations concernées étanttrès différentes. La création de lits d’hospitalisation de jour,démarche effectuée par certaines équipes pour permettrede couvrir les frais d’une prise en charge pluridisciplinaire,n’est pas envisagée actuellement, alors que l’ouverture pro-chaine d’une unité de soins palliatifs mobilise les énergieset les moyens financiers.

Si la mise en place d’une CE semble un moyenefficace d’améliorer la régularité du suivi, c’estaussi un moyen de rendre plus visible la place

des soins palliatifs dans le parcours du patient.

Lorsque nous voyons les patients en CE, nous envoyonssystématiquement une lettre au médecin demandeur et aumédecin traitant, ce qui nous identifie clairement commeacteurs de la prise en charge du patient. Cette identifi-cation nous permet d’être informés plus souvent en casd’évènements intercurrents ou d’hospitalisation imprévue.

Nous avons également dans le cadre de la CE la possibi-lité de prescrire des traitements symptomatiques, ce quin’est pas le cas en équipe mobile, où « la responsabilité[des soins] incombe au médecin qui a en charge la personnemalade dans le service » [2]. Cette possibilité de prescrip-tion renforce le rôle de l’équipe de soins palliatifs aux yeuxdu malade et de son entourage et permet peut-être d’éviterque notre rôle de seconde ligne ne génère à la longue « desfrustrations pouvant à l’extrême conduire certains à quitterleur équipe » [3].

Mais il ne faut pas passer d’un extrême à l’autre et nousdevons nous efforcer de rester consultants et non référents[4]. Nous ne devons pas faire plus que ce qui relève de notremission, que ce soit de notre propre initiative ou sous lapression des praticiens demandeurs de la consultation, quirestent les référents des patients.

Dans un article publié dans cette même revue en 2006,Yves Boschetti notait que :

« la continuité des soins en soins palliatifs va bien au-delà d’une information, d’une coordination et d’unecohérence. . . La continuité, c’est reconnaître que lapersonne reste la même, confrontée seulement à desévènements médicaux différents ».

Il concluait en affirmant :

« qu’en soins palliatifs, au-delà de toute définition, c’estle sujet lui même qui fait continuité » [5].

La continuité des soins est, avec l’approche globale dupatient, une condition fondamentale de l’efficacité dessoins palliatifs [6]. Parmi les missions d’une équipe mobile[2], la création d’une CE nous semble être un moyen effi-

[

71

ace d’œuvrer pour la continuité des soins palliatifs. Il ne’agit pas de se substituer à l’équipe qui accompagne leatient (c’est d’ailleurs la plupart du temps cette équipeui demande notre intervention) mais de prendre notrelace aux côtés du malade et de « différencier les modes’intervention pour répondre à l’ensemble des besoins desersonnes en fin de vie » [7].

onclusion

’individualisation en novembre 2005 de notre activité deE de soins palliatifs, à laquelle deux demi-journées ontté consacrées chaque semaine, a amélioré la visibilité deette offre de soins et a permis une nette augmentatione l’activité sur la période allant du 1er janvier 2006 au1 décembre 2007.

Sur cette période, 15,9 % des consultations de soins pal-iatifs ont été réalisées en externe, 16,8 % des patientsénéficiant de ce mode de suivi. Les patients suivis en CEont plus jeunes et en meilleur état général que les patientsuivis uniquement en équipe mobile. Si ces résultats étaientttendus, nous constatons également que le nombre moyene consultations est plus important chez les patients suivisn CE, même après appariement des durées de suivi, scoresMS, âges et indices de Karnofsky. Cette dernière informa-ion nous fait dire que la mise en place d’une CE de soinsalliatifs au sein de notre structure a été un outil utile à’amélioration de la continuité des soins palliatifs.

emerciements

Eulalie Delannoy et Laurent Cortina pour leur aide lors duecueil des données.

éférences

1] Aouba A, Péquignot F, Le Toullec A, Jougla E. Les causesmédicales de décès en France et leurs évolutions récentes ;1980—2004. Rev Prat 2007;129:1085—94.

2] Aubry R. Projet de cahier des charges des équipes mobiles desoins palliatifs. Actes du douzième congrès national de la Sociétéfrancaise de soins palliatifs ; 2006.

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