Colombie : cartographie des groupes paramilitaires

2
Mélina FRANGIADAKIS Questions Internationales 4RI1 12/02/08 1 COLOMBIE : CARTOGRAPHIE DES GROUPES PARAMILITAIRES ET DE LEURS RESEAUX DE FINANCEMENT Perspective historique : Le développement géographique des groupes paramilitaires Figure 1 : 1968-1989 : Origines Figure 2 : 1989-1999 : Expansion Figure 3 : 1999-2003 : Apogée Le paramilitarisme colombien n’est pas un phénomène récent : les Autodéfenses Unies de Colombie (AUC), principal groupe paramilitaire, donc d’extrême droite, dont on entend parler aujourd’hui, a certes été créé en 1997, mais il n’est que la fédération de sept groupes dont les origines remontent à plusieurs décennies. En 1965, le gouvernement colombien émet un décret habilitant le ministère de la guerre à « armer des groupes de civils avec un matériel habituellement réservé aux forces armées ». Le mouvement paramilitaire naissant, voué à éradiquer « l’ennemi interne », (les guérillas d’extrême gauche : FARC, ELN…), jouit ainsi d’un cadre politique et juridique qui se transforme en 1968 en une législation permanente, mais qui sera finalement déclarée inconstitutionnelle par la Cour Suprême vingt ans plus tard. Si les AUC constituent aujourd’hui un mouvement national (bien que devenu officiellement illégal), il convient d’analyser le paramilitarisme à l’échelle régionale. Dans les années 1960, ces milices se sont constituées localement, en réaction aux méthodes de la guérilla. Leur développement, qui répond à des dynamiques régionales telles que le financement apporté par les élites locales ou les narcotrafiquants, est très dissemblable d’une province à l’autre. Dans la province de Magdalena medio par exemple, les paramilitaires disposent d’un réseau diversifié : ils reçoivent même le soutien de la classe moyenne des commerçants. Dans celle de Cordoba en revanche, ils ne peuvent compter que sur leurs liens avec les propriétaires fonciers. Conformément à leurs objectifs, les paramilitaires se sont d’abord implantés dans les zones investies par la guérilla puis ont pu s’étendre grâce aux revenus générés par l’exportation de la pâte de coca : ceux-ci ont permis tant une augmentation régulière du recrutement qu’une croissante mobilité géographique. Les régions frontalières, dernièrement investies par les « paras », ont pour ces forces armées une importance stratégique non négligeable : d’une part, parce qu’elles ont toujours concentré les cultures illicites du pays et d’autre part du fait de leur abandon par l’Etat, qui en a fait des régions vulnérables. Entre 1999 et 2003, date de leur démobilisation officielle, le pouvoir des paramilitaires est à son apogée : ceux-ci ont gagné les grandes villes du pays et sont en mesure de traduire leur expansion militaire en pouvoir politique, que ce soit au niveau local, régional ou national. [Cartes issues des dossiers documentaires de la revue Semana: www.semana.com ]

description

Fiche technique réalisée dans le cadre du cours de Questions Internationales d'Emmanuel Puig. IEP de Lille 4ème Année.To know more about the author : www.melina-frangiadakis.com

Transcript of Colombie : cartographie des groupes paramilitaires

Mélina FRANGIADAKIS Questions Internationales 4RI1 12/02/08

1

COLOMBIE : CARTOGRAPHIE DES GROUPES PARAMILITAIRES ET DE LEURS RESEAUX DE FINANCEMENT

Perspective historique : Le développement géographique des groupes paramilitaires

Figure 1 : 1968-1989 : Origines

Figure 2 : 1989-1999 : Expansion

Figure 3 : 1999-2003 : Apogée

Le paramilitarisme colombien n’est pas un phénomène récent : les Autodéfenses Unies de Colombie (AUC), principal groupe paramilitaire, donc d’extrême droite, dont on entend parler aujourd’hui, a certes été créé en 1997, mais il n’est que la fédération de sept groupes dont les origines remontent à plusieurs décennies. En 1965, le gouvernement colombien émet un décret habilitant le ministère de la guerre à « armer des groupes de civils avec un matériel habituellement réservé aux forces armées ». Le mouvement paramilitaire naissant, voué à éradiquer « l’ennemi interne », (les guérillas d’extrême gauche : FARC, ELN…), jouit ainsi d’un cadre politique et juridique qui se transforme en 1968 en une législation permanente, mais qui sera finalement déclarée inconstitutionnelle par la Cour Suprême vingt ans plus tard. Si les AUC constituent aujourd’hui un mouvement national (bien que devenu officiellement illégal), il convient d’analyser le paramilitarisme à l’échelle régionale. Dans les années 1960, ces milices se sont constituées localement, en réaction aux méthodes de la guérilla. Leur développement, qui répond à des dynamiques régionales telles que le financement apporté par les élites locales ou les narcotrafiquants, est très dissemblable d’une province à l’autre. Dans la province de Magdalena medio par exemple, les paramilitaires disposent d’un réseau diversifié : ils reçoivent même le soutien de la classe moyenne des commerçants. Dans celle de Cordoba en revanche, ils ne peuvent compter que sur leurs liens avec les propriétaires fonciers. Conformément à leurs objectifs, les paramilitaires se sont d’abord implantés dans les zones investies par la guérilla puis ont pu s’étendre grâce aux revenus générés par l’exportation de la pâte de coca : ceux-ci ont permis tant une augmentation régulière du recrutement qu’une croissante mobilité géographique. Les régions frontalières, dernièrement investies par les « paras », ont pour ces forces armées une importance stratégique non négligeable : d’une part, parce qu’elles ont toujours concentré les cultures illicites du pays et d’autre part du fait de leur abandon par l’Etat, qui en a fait des régions vulnérables. Entre 1999 et 2003, date de leur démobilisation officielle, le pouvoir des paramilitaires est à son apogée : ceux-ci ont gagné les grandes villes du pays et sont en mesure de traduire leur expansion militaire en pouvoir politique, que ce soit au niveau local, régional ou national. [Cartes issues des dossiers documentaires de la revue Semana: www.semana.com ]

Mélina FRANGIADAKIS Questions Internationales 4RI1 12/02/08

2

Les spécificités régionales des paramilitaires aujourd’hui NOTE : Cette étude porte sur les AUC qui sont aujourd’hui le principal groupe paramilitaire. Il existe néanmoins une multitude d’autres milices locales et groupuscules irréguliers, dissidents des AUC, mais dont les objectifs et les ressources dans la lutte contre-insurrectionnelle sont de la même nature. Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement -mais les AUC, elles, ne s’en cachent pas et la perspective historique nous le montre bien- les paramilitaires ne sont pas qu’un troisième acteur du conflit armé colombien, mais s’apparentent en quelque sorte à un bras armé illégal de l’Etat. Idéologiquement proche des « paras », l’actuel Président Alvaro Uribe Velez a toujours favorisé la négociation avec les AUC. Leur dialogue a abouti en 2003 à un accord de démobilisation, vivement critiqué par la Communauté Internationale et les organisations de défense des Droits de l’Homme, puisqu’il offre aux combattants coupables de crimes contre l’Humanité, mais acceptant de déposer les armes, une quasi-impunité (au maximum 8 années de condamnation, pas nécessairement exécutées en prison, et un stage de réinsertion). Sur les 10 à 20 000 membres des AUC, on estime que 40% d’entre eux ont officiellement déposé les armes. Toutefois, les paramilitaires sont toujours les chefs dans leurs fiefs. Propriétaires de nombreux terrains, ils continuent de contrôler la vie locale de certaines zones des départements indiqués sur cette carte, en adaptant leurs méthodes à chaque province : Carte : Center for International Policy : www.ciponline.org « Paramilitarization from the ground up : paramilatary groups are increasing their influence over local governments and economies ».