Cinétique des réactions d'oxydoréduction

12
1 Cinétique des réactions d'oxydoréduction I. Mise en évidence du contrôle cinétique d'une électrolyse II. Courbe courant-potentiel associée à un couple et à une électrode II.1. Système étudié et montage employé Le système étudié comporte nécessairement une électrode, soit une électrode inerte plongeant dans une solution contenant le couple rédox des deux espèces dissoutes, soit une électrode métallique plongeant dans une solution d'une forme oxydée du métal, par exemple Cu 2+ (aq)/Cu(s)). Pour déterminer la caractéristique courant-tension de ce système, on utilise un montage à trois électrodes. Dans ce montage, E 2 = T est l'électrode du système étudié ou électrode de travail, E 1 est l'électrode de référence et E 3 = A est l'électrode auxiliaire de passage du courant. G est un générateur de tension continue variable, mA est un milliampèremètre et mV un millivoltmètre. Les électrodes T et A sont traversées par le même courant, la forte impédance du millivoltmètre (et parfois celle de l'électrode de référence) faisant que le courant traversant le millivoltmètre est très faible. On travaille sous agitation constante (non représentée sur le schéma). On étudie dans un premier temps le comportement de l'électrode de travail, sans s'intéresser au comportement de l'électrode auxiliaire dont la présence est nécessaire pour la circulation du courant. L'électrode auxiliaire ne doit pas limiter les phénomènes que l'on souhaite visualiser à l'électrode de travail. Elle doit présenter une forte surface immergée. Pour obtenir la courbe courant–potentiel du système étudié, on impose une valeur constante E = E T à l'électrode de travail et on mesure l'intensité du courant i qui la traverse après obtention d'un état stationnaire. On peut à l'inverse imposer le courant puis mesurer E T – E réf . Le fonctionnement du système est soit un fonctionnement spontané soit un fonctionnement forcé (par le générateur). II.2. Courant et vitesse de réaction; conventions de signe du courant La vitesse à laquelle se produit la réaction à l'électrode de travail est proportionnelle au courant traversant cette électrode. Le courant est donc une mesure de la vitesse de la réaction électrochimique à l'électrode de travail : L'expression du courant est à adapter en fonction de l'équation de la demi-réaction rédox. Par convention, i > 0 si l'électrode de travail est le siège d'une oxydation, cette électrode est alors l'anode, i < 0 si l'électrode de travail est le siège d'une réduction, cette électrode est alors la cathode.

Transcript of Cinétique des réactions d'oxydoréduction

Page 1: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

1

Cinétique des réactions d'oxydoréduction I. Mise en évidence du contrôle cinétique d'une électrolyse II. Courbe courant-potentiel associée à un couple et à une électrode II.1. Système étudié et montage employé Le système étudié comporte nécessairement une électrode, soit une électrode inerte plongeant dans une solution contenant le couple rédox des deux espèces dissoutes, soit une électrode métallique plongeant dans une solution d'une forme oxydée du métal, par exemple Cu2+(aq)/Cu(s)). Pour déterminer la caractéristique courant-tension de ce système, on utilise un montage à trois électrodes. Dans ce montage, E2 = T est l'électrode du système étudié ou électrode de travail, E1 est l'électrode de référence et E3 = A est l'électrode auxiliaire de passage du courant. G est un générateur de tension continue variable, mA est un milliampèremètre et mV un millivoltmètre. Les électrodes T et A sont traversées par le même courant, la forte impédance du millivoltmètre (et parfois celle de l'électrode de référence) faisant que le courant traversant le millivoltmètre est très faible.

On travaille sous agitation constante (non représentée sur le schéma). On étudie dans un premier temps le comportement de l'électrode de travail, sans s'intéresser au comportement de l'électrode auxiliaire dont la présence est nécessaire pour la circulation du courant. L'électrode auxiliaire ne doit pas limiter les phénomènes que l'on souhaite visualiser à l'électrode de travail. Elle doit présenter une forte surface immergée. Pour obtenir la courbe courant–potentiel du système étudié, on impose une valeur constante E = ET à l'électrode de travail et on mesure l'intensité du courant i qui la traverse après obtention d'un état stationnaire. On peut à l'inverse imposer le courant puis mesurer ET – Eréf. Le fonctionnement du système est soit un fonctionnement spontané soit un fonctionnement forcé (par le générateur). II.2. Courant et vitesse de réaction; conventions de signe du courant La vitesse à laquelle se produit la réaction à l'électrode de travail est proportionnelle au courant traversant cette électrode. Le courant est donc une mesure de la vitesse de la réaction électrochimique à l'électrode de travail :

L'expression du courant est à adapter en fonction de l'équation de la demi-réaction rédox. Par convention, i > 0 si l'électrode de travail est le siège d'une oxydation, cette électrode est alors l'anode, i < 0 si l'électrode de travail est le siège d'une réduction, cette électrode est alors la cathode.

Page 2: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

2

II.3. Systèmes lents et systèmes rapides Au système étudié (couple plus électrode ou couple dont électrode) correspond un potentiel d'équilibre Eeq donné par la formule de Nernst et dépendant des activités des espèces présentes et de la température. Si on impose à l'électrode de travail un potentiel E > Eeq, on tend à oxyder le réducteur. Si on impose E < Eeq, on tend à réduire l'oxydant. Le système est lent si la réaction attendue n'est pas observée pour E peu différent de Eeq et il est rapide si on observe la réaction attendue pour E peu différent de Eeq. La réaction est "observée" si le courant associé est mesurable. Ces deux situations correspondent à deux types de courbe expérimentale i-E.

Pour le système lent, il faut E > Eeq + ηa

(0) pour observer l'oxydation, donc pour qu'elle se produise à une vitesse non négligeable. La grandeur ηa

(0) est appelée surtension anodique seuil ou surtension anodique à courant nul (en volt). Si E augmente encore, le courant augmente et on définit une surtension ηa

(i) qui apparaît comme la valeur supplémentaire (par rapport à Eeq) que l'on doit donner au potentiel pour observer une oxydation à la "vitesse" i. Une surtension anodique est positive. On définit de même des surtensions cathodiques négatives ηc

(0) et ηc(i).

Un système rapide est un système correspondant à des surtensions seuil anodique et cathodique négligeables (par rapport à 1 V) et éventuellement non mesurables. La courbe courant-tension n'étant pas verticale (cela correspondrait à une vitesse infinie), il existe des surtensions non négligeables ηa

(i) et ηc(i)

même pour les systèmes rapides. Les surtensions à vide dépendent du solvant (l'eau le plus souvent), du couple rédox, de la nature et de l'état de surface de l'électrode et de la température. Les surtensions traduisent la lenteur de la réaction électrochimique. La réaction électrochimique s'accompagne d'une énergie potentielle d'activation car l'électron (ou les électrons) passe nécessairement par un état de forte instabilité lorsqu'il n'est ni dans l'espèce chimique ni dans l'électrode.

Que la surtension soit positive ou négative (ie que l'électrode fonctionne en anode ou en cathode), que le système soit lent ou rapide, on a par définition

E(i) = Eeq + η(i) La surtension apparaît donc comme la valeur algébrique à ajouter au potentiel d'équilibre pour observer la réaction avec un courant i.

Page 3: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

3

Quelques remarques * Pour un système rapide, il n'existe "qu'une seule valeur de potentiel" pour laquelle i = 0, soit E = Eeq. De tels systèmes peuvent être utilisés dans des dosages potentiométriques à courant nul car la valeur du potentiel pour i = 0 est parfaitement définie et stable, c'est Eeq = ENernst. * Pour un système lent, il existe un intervalle de potentiel pour lequel i = 0. Le potentiel mesuré à courant nul s'avère instable et aléatoire, il est compris entre Eeq + ηc

(0) et Eeq + ηa(0).

* On trace parfois des courbes densité de courant-potentiel (j-E) pour obtenir des courbes indépendantes de la surface immergée de l'électrode. La caractéristique j-E dépend principalement du couple envisagé, de la nature de l'électrode et du solvant, elle dépend aussi de la température. * Pour un système lent, l'oxydation et la réduction ne sont jamais simultanées alors qu'elles peuvent l'être pour un système rapide (schémas à représenter au tableau). II.4. Origine des surtensions et évolution du courant en fonction du potentiel Le caractère lent du système est soit la conséquence de la nature de l'électrode rendant difficile le transfert d'électron(s) entre l'électrode et les espèces en solution, soit la conséquence d'un profond changement de structure (forte réorganisation électronique) entre l'oxydant et le réducteur. Ainsi le système O2(g)/H2O(l)/Pt est lent alors que les systèmes Mn+(aq)/M(s) où M est un métal sont généralement rapides. Le cas à droite correspond au profil énergétique d'une oxydation à 1 électron lors de laquelle l'électron passe du réducteur à l'électrode. On suppose E2 > E1 > Eeq.

L'énergie d'un électron dans un potentiel E vaut –eE. En augmentant le potentiel de l'électrode de travail, on diminue l'énergie de l'électron dans l'électrode et on diminue l'énergie potentielle d'activation du passage de l'électron du réducteur à l'électrode. On augmente donc la vitesse du transfert électronique et le courant positif associé à ce transfert.

Conclusion i > 0 et i augmente si E (> Eeq) augmente. De même, i < 0 et |i| augmente si E (< Eeq) diminue. II.5. Courant limite de diffusion (concerne les systèmes lents et les systèmes rapides) Si on envisage une oxydation et si le réducteur est une espèce dissoute, on conçoit que le courant d'oxydation ne peut pas augmenter indéfiniment si E augmente. Il faut en effet que l'espèce Red ait le temps de diffuser vers la surface de l'électrode pout y être oxydée. Au-delà d'une certaine valeur du potentiel, on observe un palier (i = i a,max) correspondant au fait que l'étape cinétiquement déterminante de l'oxydation n'est plus la réaction électrochimique. C'est la diffusion du réducteur vers l'électrode qui limite la vitesse d'oxydation. L'allure de la caractéristique du système Fe2+(aq)/Fe(s) est représentée à droite : On observe un palier de réduction de Fe2+ qui doit diffuser vers l'électrode pour y être réduit mais pas de palier d'oxydation de Fe puisqu'il constitue le métal de l'électrode. Pour des raisons évidentes, les courbes d'oxydation de l'eau (en O2) et de réduction de l'eau (en H2) ne présentent pas de palier (dans l'hypothèse où l'eau est le solvant, bien sûr !)

Page 4: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

4

Pour une électrode de surface immergée fixée, on montre que le courant maximum d'oxydation est proportionnel à la concentration du réducteur en solution (la phrase se modifie facilement pour la réduction). La cinétique des réactions impliquant une électrode dépend donc aussi de la surface immergée et de la concentration de l'espèce électro-active (qui intervient déjà dans Eeq). Elle dépend aussi de la vitesse d'agitation de la solution qui joue sur l'épaisseur de la couche de diffusion. Profil des concentrations au voisinage de l'électrode et expression des courants de diffusion III. Cas de plusieurs couples présents; vagues successives; mur du solvant; domaine d'inertie électrochimique du solvant L'intervalle de potentiel compris entre la courbe de réduction du solvant et la courbe d'oxydation du solvant est appelé domaine d'inertie électrochimique du solvant. Dans des conditions données, le domaine d'inertie électrochimique du solvant est plus étendu que son domaine de stabilité (thermodynamique) compte tenu des surtensions anodique et cathodique seuil. Dans le domaine d'inertie du solvant, seules les espèces dissoutes et les électrodes sont susceptibles d'être réduites ou oxydées. A l'extérieur de ce domaine, aucune nouvelle réaction d'oxydation ou de réduction ne peut se produire avec un rendement faradique satisfaisant car les courbes de réduction et d'oxydation du solvant ne comportent pas de palier. Ces deux courbes constituent le mur du solvant et délimitent son domaine d'inertie électrochimique. On s'intéresse ensuite au comportement d'un système complet : un électrolyseur, une pile, un fil métallique plongé dans une solution … IV. Exemples de transformations forcées (électrolyse) Rappelons que les électrons circulent dans la partie métallique du circuit alors que les ions assurent le transport du courant dans l'électrolyte. Lors d'une électrolyse, c'est le générateur qui impose le sens du courant. L'électrode reliée au pôle (+) est donc le siège de l'oxydation (i > 0), c'est l'anode. L'électrode reliée au pôle (-) est le siège de la réduction (i < 0), c'est la cathode. Les points de fonctionnement se placent à "l'extérieur" des courbes. Le fonctionnement pérenne d'un système à une ou à deux électrodes implique qu'on ne peut pas avoir accumulation de charges dans le circuit. On a donc ia = -ic > 0 avec ia courant anodique total et ic courant cathodique total.

Condition de fonctionnement

ia = -ic

IV.1. Electrolyse d'une eau acidulée, visualisation d'une tension seuil d'électrolyse, tension d'électrolyse

Page 5: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

5

Avec des électrodes de platine, les deux courbes courant-potentiel qui interviennent ont l'allure suivante :

On peut avoir une infinité de couples de points de fonctionnement A et C avec ia = -ic > 0. La réaction d'électrolyse est la décomposition de l'eau : H2O(l) � H2(g) + 1/2 O2(g). Le montage est tel que les corps simples formés à une électrode ne peuvent pas diffuser vers l'autre électrode, c'est pour cela que les courbes de réduction de O2 et d'oxydation de H2 n'interviennent pas. Surtension anodique seuil du système O2/H2O/Pt : ηa

(0) = + 0,6 V. Surtension cathodique seuil du système H2O/H2/Pt : ηc

(0) = - 0,1 V. La tension seuil d'électrolyse Ue est la tension minimale que doit fournir le générateur pour observer les réactions (dégagement gazeux).

Ue = {Eeq(O2/H2O) + ηa

(0)} – { Eeq(H2O/H2) + ηc(0)} = {( Eeq(O2/H2O) – Eeq(H2O/H2)} + (ηa

(0) - ηc(0))

Elle comprend un terme thermodynamique et un terme cinétique, elle est supérieure à la composante thermodynamique : Ue = 1,9 V > 1,23 V. La tension d'électrolyse U que doit délivrer le générateur pour réaliser l'électrolyse avec un courant i (= ia = - ic) est :

U = (EA – EC) + Ri = {(Eeq(O2/H2O) – Eeq(H2O/H2)} + (ηa(i) - ηc

(i)) + Ri

expression dans laquelle R est la résistance du circuit. Le terme de chute ohmique (Ri) n'apparaît pas sur le diagramme courant-potentiel. On a donc U > Eeq(O2/H2O) – Eeq(H2O/H2). On retrouve bien, comme annoncé au paragraphe IV.3. du cours sur la thermodynamique de l'oxydo-réduction, que la tension à appliquer est supérieure à la composante thermodynamique. Le terme cinétique (surtensions) et le terme de chute ohmique (Ri) correspondent à l'irréversibilité de l'électrolyse. Si on suppose U constant et si on multiplie l'égalité précédente par Q, quantité d'électricité traversant le circuit, U×Q = W' est le travail électrique fourni par le générateur et reçu par le système chimique, {( Eeq(O2/H2O) – Eeq(H2O/H2)}×Q = ∆GT,P est la variation d'enthalpie libre du système chimique. On a bien ∆GT,P < W' : la variation d'enthalpie libre du système chimique est effectivement inférieure au travail électrique reçu par ce système comme on a pu le prévoir à partir du second principe : dGT,P = δW' – T.δScréée < δW'. La différence W' - ∆GT,P correspond à l'énergie perdue, par lenteur des réactions sous forme de chaleur et par effet joule (Ri2×t).

Page 6: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

6

Dans la pratique, il faut U voisin de 3V ce qui indique que plus de la moitié de l'énergie fournie par le générateur n'est pas stockée sous forme d'énergie chimique (donc sous forme de dihydrogène et de dioxygène). IV.2. Production de dichlore par oxydation anodique des ions chlorure en solution aqueuse On revient sur l'exemple vu en introduction. V. Transformations spontanées Si on considère le fonctionnement d'une pile, le pôle positif de la pile attire les électrons qui arrivent par le circuit métallique. Le pôle (+) de la pile est donc la cathode, siège d'une réduction avec i < 0. Les électrons quittent le pôle (-) qui est donc l'anode, siège d'une oxydation avec i > 0. Les points de fonctionnement se placent à "l'intérieur " des courbes. V.1. Fonctionnement d'une pile à combustible O2/H2 à membrane échangeuse de proton Schéma de principe

Il n'y a pas de générateur et c'est la pile qui impose le sens du courant. On a donc réduction de l'oxydant le plus fort (oxydant du couple de plus haut potentiel d'équilibre, O2) et oxydation du meilleur réducteur, H2. Les points de fonctionnement se placent donc à " l'intérieur " des courbes. Le pôle (+) est la cathode : 1/2 O2(g) + 2 H+(aq) + 2 e- � H2O (l ou v). Le pôle (-) est l'anode : H2(g) � 2 H+(aq) + 2 e-. La réaction globale est la formation de l'eau : H2(g) + 1/2 O2(g) � H2O. La grandeur ηa

(0) est la surtension anodique seuil du système H+/H2/Pt …

Page 7: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

7

On identifie sur la courbe la tension à vide (ou tension en circuit ouvert) de la pile : EC° – EA° que l'on peut noter (EC – EA)i = 0.

(EC – EA)i = 0 = {Eeq(O2/H2O) + ηc

(0)} – { Eeq(H2O/H2) + ηa(0)}

= {(Eeq(O2/H2O) – Eeq(H2O/H2)} - (ηa(0) - ηc

(0))

La tension à vide est inférieure à la fem thermodynamique. La tension U aux bornes de la cellule (ou tension utile aux bornes du récepteur) pour un courant i (= ia = - ic) est :

U = (EC – EA) - Ri = {(Eeq(O2/H2O) – Eeq(H2O/H2)} - (ηa

(i) - ηc(i)) - Ri

expression dans laquelle R est la résistance interne de la cellule. On retrouve bien, comme annoncé au paragraphe IV.2. du cours sur la thermodynamique de l'oxydo-réduction, que la tension utile est inférieure à la composante thermodynamique. Le terme cinétique (surtensions) et le terme de chute ohmique (Ri) correspondent à l'irréversibilité de la décharge. Si on suppose U constant et si on multiplie l'égalité précédente par Q, quantité d'électricité traversant le circuit, U×Q = -W' est le travail électrique fourni par la cellule au récepteur, il est inférieur à {( Eeq(O2/H2O) – Eeq(H2O/H2)}×Q qui représente le travail électrique qu'aurait fourni la cellule dans un fonctionnement réversible hypothétique. Si le système est la cellule et en utilisant les conventions usuelles de signe : W' étant le travail négatif reçu par la cellule, on a bien ∆GT,P = -(∆E)thermo×Q ≤ -U×Q = W', comme on a pu le prévoir à partir du second principe : dGT,P = δW' – T.δScréée < δW'. La différence correspond à l'énergie perdue, par lenteur des réactions sous forme de chaleur et par effet joule. Conclusion : le rendement global de stockage et de récupération de l'énergie électrique dans une pile à combustible O2/H2 est de l'ordre de 0,7/3 = 23% ! (si on suppose avoir chargé et déchargé la pile avec un courant de même valeur). Le fonctionnement d'un accumulateur (ou batterie) est donc renversable mais il est loin d'être réversible ! V.2. Notion de potentiel mixte; corrosion d'un métal VI. Autres capacités exigibles VI.1. "Spécificité des accumulateurs; contraintes dans la recharge d'un accumulateur" VI.2. Autour de l'hydrométallurgie du zinc Aucun protocole industriel n'est à connaître. Il faut par contre savoir justifier certaines étapes d'une synthèse industrielle avec les diagrammes potentiel-pH ou les courbes courant-potentiel. Une synthèse industrielle est une chaîne de production dont chaque étape est conditionnée par des étapes en amont ou des étapes en aval. Il est donc nécessaire de décrire le principe de la production de zinc par hydrométallurgie dans sa globalité.

Page 8: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

8

Partant du minerai, il s'agit d'obtenir la solution aqueuse à partir de laquelle le zinc est produit par réduction des ions Zn2+ à la cathode. On fournit donc un document succinct relatif à l'hydrométallurgie du zinc et permettant de répondre à quelques questions.

Document résumant la préparation du métal zinc par hydrométallurgie Le minerai Le minerai de zinc est principalement constitué de blende (ZnS) mais contient souvent de la galène (PbS) et du sulfure de cadmium (CdS) et parfois de la pyrite (FeS2 ou Fe2+, S2

2-) ainsi que des impuretés. La gangue est siliceuse ou calcaire. Les minerais contiennent environ 20% de zinc en masse. La plus grande mine du monde se situe en Alaska. Grillage de la blende Le grillage est une oxydation par le dioxygène de l'air à chaud. L'équation de la réaction principale est : ZnS(s) + 3/2 O2(air) � ZnO(s) + SO2(g). Cette réaction est une oxydation du soufre(-II) contenu dans ZnS; elle est fortement exothermique et maintient une température de l'ordre de 700°C. Elle est totale et rapide à cette température et il n'est pas nécessaire de travailler sous pression. Cette transformation s'accompagne de la formation de FeO, SiO2 et CaO (qui forment un laitier fluide éliminé par coulée) et de SO3. La formation de SO3 n'est pas gênante car on récupère SO2 et SO3 pour la production de l'acide sulfurique via SO3. Le grillage donne de la calcine, matériau solide constitué majoritairement de ZnO, mais contenant aussi des oxydes de plomb, de fer, de cadmium, de cuivre… Ces éléments métalliques sont présents au nombre d'oxydation II sous forme d'oxydes ou de sulfates sauf l'élément Fe présent aux NO II et III. Lixiviations

Une lixiviation est une hydrolyse acide ou basique consistant à faire passer lentement un solvant à travers un solide convenablement pulvérisé et déposé en couches épaisses pour en extraire un ou plusieurs constituants solubles (dissolution partielle d'un minerai par attaque acide ou basique). La lixiviation est effectuée par l'acide sulfurique 2 mol.L-1 et le système atteint une température voisine de 60°C. On obtient une solution aqueuse concentrée de sulfate de zinc contenant des ions Fe2+, Fe3+, Cu2+ et Cd2+. Une deuxième lixiviation acide à chaud (90°C) permet de dissoudre la quasi totalité du zinc. Elimination des ions du fer Elle est décrite ici de manière très schématique. On traite la solution par de la calcine (ZnO) tout en insufflant de l'air ou en ajoutant du dioxyde de manganèse puis on filtre. Cémentation Une cémentation est la réduction d'un cation métallique par un métal. Ici, le métal est du zinc en poudre. On réalise la cémentation de la solution issue des lixiviations en ajoutant de la poudre de zinc à la solution. La cémentation s'opère entre 40 et 90°C pendant 4 ou 5 heures. Les métaux se déposent sur les particules de zinc. On filtre ensuite sur une toile fine. Le solide obtenu, appelé cément, est traité pour récupérer les métaux. Le filtrat constitue l'électrolyte; c'est une solution aqueuse plus ou moins acide de sulfate de zinc contenant les ions Zn2+, H3O

+ et HSO4-.

Page 9: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

9

La signification des termes lixiviation et cémentation doit être connue. L'électrolyse L'électrolyse est réalisée vers 30 ou 40°C dans des cuves en ciment revêtues de PVC. Les anodes sont en plomb et les cathodes en aluminium. La solution contient initialement 2,5 mol.L-1 d'ions Zn2+ et 2 mol.L-1

d'acide sulfurique. Elle est recyclée en amont des lixiviations après électrolyse. La densité de courant est comprise entre 400 et 700 A.m-2. Une cellule peut contenir 86 cathodes de 1,6 m2 ; la production peut atteindre 3 t.jour-1.cellule-1. Le dépôt de zinc est décollé par pelage (stripping). Le zinc obtenu est très pur (99,995%). La principale impureté est le plomb. Le rendement en courant est voisin de 0,9. Pour une densité de courant constante et égale à 500 A.m-2, on obtient 1813 tonnes de zinc après 24h d'électrolyse. La chute ohmique aux bornes d'une cellule est estimée à 0,75 V. On donne M(Zn) = 65,4 g.mol-1. Données supplémentaires

Couples O2/H2O S2O82-/HSO4

- H+(aq)/H2 HSO4-/SO2 Zn2+/Zn

E°/V 1,23 2,08 0 0,17 - 0,76 PbSO4(s) : pKS = 7,8. On considère, pour simplifier, que l'électrolyse se produit à pH = 0. Quelques diagrammes E-pH La frontière Zn2+/Zn est plus basse que la frontière Fe2+/Fe elle-même en dessous de la frontière Cu2+/Cu.

Quelques courbes courant-potentiel :

Surtension anodique du système O2/H2O/Pb(s) : ηa

(i) = 0,60 V Surtension cathodique du système Zn2+/Zn : ηc

(i) = -0,15 V Surtension cathodique seuil du système H+/H2/Zn : ηc

(0) = -0,90 V

Page 10: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

10

Questions

a) A l'aide des documents fournis, expliquer le principe de la lixiviation acide et écrire l'équation de transformation de l'oxyde de zinc. Quel est le sel métallique solide formé lors de cette lixiviation ? Comment peut-on l'éliminer ? b) Expliquer le principe de l'élimination du fer. Quel est le rôle de l'oxyde de zinc ? c) Quelles sont les réactions se produisant lors de la cémentation ? d) Expliquer la "nécessité de purifier la solution avant électrolyse". Les ions Mn2+, s'ils sont présents, sont-ils gênants ? e) Expliquer pourquoi l'électrolyse doit absolument se dérouler sous contrôle cinétique. f) Déterminer la tension à appliquer aux bornes de l'électrolyseur. g) Déterminer la "masse théorique de zinc formée et le rendement faradique" h) Pourquoi le rendement faradique est-il inférieur à 1 ? i) Donner une deuxième raison expliquant la nécessité de la cémentation sachant que le couple H+/H2 est moins lent sur du zinc impur que sur du zinc pur.

Page 11: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

11

Réponses a) Lors de la première lixiviation acide de la calcine, on observe la dissolution de ZnO selon la réaction exothermique : ZnO(s) + 2 H+ � Zn2+(aq) + H2O. On dissout ZnO, forme déshydraté de Zn(OH)2 en acidifiant le milieu ce qui fait passer du DE du solide au DP de l'ion dissous. Il se produit le même type de réaction pour les autres éléments métalliques. Le solide formé est le sulfate de plomb, PbSO4, éliminé par filtration. b) Cette opération a pour effet d'oxyder le fer(II) en fer(III) tout en augmentant le pH vers 5, valeur pour laquelle Fe(OH)3 précipite (voir E-pH). ZnO joue le rôle d'oxyde basique permettant de remonter le pH vers 5 par la réaction : ZnO(s) + 2 H+ � Zn2+(aq) + H2O. L'élimination de Fe(OH)3 par simple décantation est impossible et il faudrait filtrer le système pour l'éliminer. La filtration se révélant difficile, on procède un peu différemment. c) Le zinc en poudre réduit les cations M2+ des ions dont la frontière M2+/M se situe au dessus de la frontière Zn2+/Zn. Les espèces M2+ et Zn ont alors des domaines disjoints. On a, par exemple, Cu2+(aq) + Zn(s) � Cu(s) + Zn2+(aq). d) L'étude thermodynamique à partir des diagrammes E-pH nous montre que les cations des métaux moins réducteurs que le zinc (ceux dont les frontières M(II)/M sont situées au dessus des frontières Zn(II)/Zn) seront préférentiellement réduits à la cathode de l'électrolyseur. En fonction de leurs teneurs, soit on n'obtiendra pas de zinc à la cathode soit on obtiendra du zinc impur. Obtenir du zinc impur est un inconvénient dans son utilisation (ou alors il faut ajouter des étapes de purification) mais c'en est aussi un dans sa production car la surtension cathodique du couple H+/H2 dépend aussi de la pureté de la cathode de zinc. Il faut donc éliminer les cations plus oxydants que Zn2+. La prise en compte des courbes courant-potentiel ne modifie pas ces conclusions. Ces courbes montrent que les ions Cu2+ ou Cd2+ seraient réduits avant ou en même temps que Zn2+ lors de l'électrolyse. Elles montrent aussi que Zn peut réduire les ions Cu2+ ou Cd2+ et expliquent ainsi la cémentation. On constate que Mn2+ n'est pas réduit par le zinc métallique. Ce n'est pas gênant car on voit que la réduction cathodique de Zn2+ est possible à un potentiel suffisamment élevé pour éviter la réduction de Mn2+. e) En cas de contrôle thermodynamique, on a réduction de HSO4

- en SO2 à la cathode et oxydation de H2O en O2 à l'anode. En fait, quelle que soit l'électrode utilisée, le couple (HSO4

-/SO2) est toujours ralenti par une très forte surtension cathodique et n'intervient pas. Bien que le couple (O2/H2O) présente une surtension anodique élevée, l'oxydation de l'eau se produit avant l'oxydation des ions hydrogénosulfate. Seule une électrolyse effectuée sous contrôle cinétique peut permettre d'obtenir le métal zinc à la cathode. Les deux réactions cathodiques réellement en compétition sont la formation de zinc métal et la formation de dihydrogène, la formation de dihydrogène étant thermodynamiquement favorisée par rapport à celle du zinc. f) Tension nécessaire aux bornes de l'électrolyseur : une composante thermodynamique : 1,23 – (-0,76) = 1,99 V une composante cinétique liée aux surtensions dans les conditions de l'électrolyse :

ηa(i) - ηc

(i) = 0,60 – (-0,15) = 0,75 V une composante liée à la chute ohmique : 0,75 V (qui n'apparaît pas sur le diagramme) Les composantes cinétique et ohmique correspondent à l'irréversibilité de l'électrolyse. La tension à appliquer aux bornes de l'électrolyseur vaut approximativement 3,5 V. g) Masse théorique de zinc formé pendant 24h Q = I×t = j.S.t et Q = 2F.n(Zn) = 2F.m(Zn)/M(Zn) � m = jSMt/2F m = 500×86×1,6×65,4.10-3×24×3600/2×96484 = 2015.103 kg.

Page 12: Cinétique des réactions d'oxydoréduction

12

Rendement faradique = masse obtenue/masse théorique = quantité d'électricité utile/quantité totale d'électricité. On a donc r = 1813/2015 = 0,90. h) On a r < 1 car la cathode est le siège d'une réduction parasite, la réduction de H+(aq) en H2(g). Le rendement faradique n'a rien à voir avec la chute ohmique qui intervient par contre dans la consommation énergétique massique de production du métal, tout comme les surtensions. L'ion zinc(II) présentant un palier de diffusion, il ne faut pas trop dépasser la valeur de 3,5 V pour conserver un rendement faradique intéressant tout en évitant une dépense énergétique superflue. i) On a ηc

(0) = - 0,90 V pour le système H+/H2/Zn pur. Cette forte surtension cathodique permet la formation de Zn avec un rendement raisonnable. La présence d'impuretés ramènerait la courbe de réduction d'H+ en H2 vers la droite et une part plus importante du courant d'électrolyse serait alors consommée par la production de dihydrogène. Le rendement faradique de production du zinc serait donc plus faible entrainant un coût de production plus élevé.