Chapitre 12 et 13 de la " Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions "

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12/ Le désordre des banlieues,alors qu’elles sont une partie de la solution

Je ne veux pas réduire les banlieues à leurs problèmes alors que, je l’ai dit, je souhaite y voir une partie de la solution du redressement de la France ! Je sais bien que, dans nos quartiers populaires, la vie est difficile, le chômage plus élevé qu’ailleurs, la pauvreté et la précarité aussi. Les jeunes y font, tous les jours, l’expérience des discriminations, avec ou sans diplôme, ce qui n’encourage pas les petits à s’investir à l’école ni tous les autres à faire confiance à la République. Mais ces quartiers, c’est aussi beaucoup d’énergie, de créativité, d’envie de s’en sortir et cela, pour le pays, c’est une chance qu’il faut arrêter de gâcher. Je m’y rends régulièrement, j’écoute beaucoup, je discute avec des jeunes, avec des parents, avec des militants associatifs, avec des enseignants. Je peux vous dire qu’ils ne supportent plus ce regard misérabiliste, cette diabolisation apeurée, ces mots qui humilient alors même que l’Etat ne fait pas ce qu’il doit, que les solidarités élémentaires ne sont pas au rendez-vous, que la ghettoïsation les enferme. Les banlieues se sont embrasées et rien, strictement rien, n’y a été réglé. Les conditions d’une nouvelle explosion sont réunies et elle sera plus violente encore car le désespoir des uns sera plus profond et l’exaspération des autres à son comble. Vous savez, beaucoup me l’ont dit : ils ne veulent pas être assistés, ils veulent des raisons d’espérer, du respect et la possibilité de vivre comme tout le monde, de réussir à l’école, d’avoir un travail qui permette de se projeter dans l’avenir.Je ne veux plus de ce gaspillage qui nourrit le ressentiment et la colère. Je veux répondre à la soif d’égalité de ces familles et de ces jeunes, garçons et filles, qui en ont assez qu’on leur parle d’intégration comme s’il fallait sans cesse qu’ils prouvent qu’ils sont aussi français que les autres. J’ai, dans mon équipe, des jeunes qui ont grandi et milité dans les cités : ils en connaissent bien les ressources. J’ai travaillé avec Aclefeu, l’association qui s’est créée à Clichy-sous-Bois lors de la révolte des banlieues après l’électrocution mortelle de deux adolescents dont j’ai d’ailleurs rencontré les parents. A travers un tour de France des cités, ils ont constitué des cahiers de doléances dont ils ont tiré un « contrat social et citoyen », qui fait la synthèse de toutes ces attentes et ces propositions, sur lequel je m’étais engagée en

2007 et qui reste d’actualité.Tout se tient – la famille, l’école, l’emploi, les sécurités sociales et la sécurité publique. Il faut donc agir de manière cohérente dans tous ces domaines, faire confiance aux municipalités pour indiquer à l’Etat où investir, se fixer des objectifs de résultats et évaluer, chemin faisant, l’efficacité de l’action publique pour corriger la trajectoire si nécessaire : c’est comme cela que je veux remettre les cités dans la République et donner aux jeunes qui les peuplent les moyens de prendre leur vie en main. Cette politique par la preuve redonnera confiance et courage à ceux qui n’y croient plus ou qui doutent d’eux-mêmes.

13/ Face au désordre de la santé :une nouvelle médecine de proximité

et la défense de l’hôpital public

Les inégalités devant l’espérance de vie se creusent, c’est une des conséquences les plus révoltantes de la pauvreté et de la précarité qui minent le pays, aggravée par l’inégale répartition territoriale de l’offre de soins et par la déstabilisation des services publics. Quand on n’arrive pas à joindre les deux bouts, la santé n’est pas une priorité, et l’alimentation équilibrée est un luxe inaccessible. L’obésité, cette maladie des temps modernes qui doit beaucoup à une mauvaise alimentation, frappe les enfants de milieux populaires beaucoup plus que ceux des milieux aisés. La France est réputée

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pour son système de santé public et pourtant, aujourd’hui, la fracture sanitaire s’aggrave. Même les classes moyennes ont du mal. Savez-vous pourquoi beaucoup de familles modestes viennent aux urgences des hôpitaux pour des soins qui n’en relèvent pas ? Parce que c’est gratuit et parce qu’elles sont reçues tout de suite.La façon dont la droite a réformé l’assurance maladie aggrave cette situation tout en dégradant les comptes comme jamais. Le « parcours de soins » est un véritable parcours du combattant, un système bureaucratique et injuste car la contribution est la même pour toutes les catégories de revenus. La suppression du tiers payant pousse à renoncer aux soins. Cette idée de sanctionner chacun par une franchise dont le montant augmenterait en fonction de la croissance des déficits bloque l’accès des moins aisés au médecin et érige un véritable mur sanitaire.Mon objectif, c’est un bon niveau de santé de toute la population, ce qui suppose des politiques de prévention et de dépistage efficaces ainsi que des soins effectivement accessibles à tous. Je veux généraliser en France de nouvelles structures de proximité comme ces maisons de santé que nous expérimentons en Poitou-Charentes, avec des médecins et des professionnels de santé qui permettent une prise en charge globale. Cette nouvelle génération de dispensaires, répartis sur tout le territoire, notamment les quartiers et les zones rurales qui sont aujourd’hui un désert médical, est une des réponses à la question de l’exclusion sanitaire. Pourquoi ne pas imaginer aussi qu’en sortant de l’université les jeunes médecinsdémarrent leur carrière dans un territoire où on a particulièrement besoin d’eux ? A partir du moment où la collectivité nationale a pris en charge leurs études, elle pourrait, en contrepartie, veiller à une répartition géographique plus équilibrée de leur installation. Il faut aussi desserrer le numerus clausus, ce système qui plafonne de manière aujourd’hui trop restrictive le nombre de médecins, et reconnaître le rôle fondamental des médecins généralistes, dont les conditions de travail se sont terriblement dégradées. Dans les quartiers où les difficultés sociales dissuadent de se soigner, il ne faut pas se focaliser sur la seule rémunération à l’acte. Les maisons de santé de proximité permettront d’expérimenter avec les médecins qui le souhaitent d’autres formes de rémunération, salariée ou au forfait. L’avantage ? Des ressources plus stables pour les praticiens et une médecine gratuite près de chez soi.L’école aussi a besoin de plus de médecins, de plus d’infirmières, et l’une de mes priorités, ce sera le renforcement des moyens humains et matériels de la médecine scolaire et universitaire. Une carte santé pour les jeunes de seize à vingt ans et qui leur donnera droit à une consultation médicale dentaire et psychologique gratuite tous les six mois. C’est par cette prévention que l’on diminuera les dépenses de santé.L’hôpital public, qui est un des fleurons de notre système de santé, est aujourd’hui déstabilisé par une politique à courte vue. Je veux, à l’inverse, pérenniser son financement et donner à ses personnels les moyens d’accomplir leur mission. Ce n’est pas en rationnant l’offre de soins, en dérégulant et en privatisant que nous rééquilibrerons nos comptes sociaux. Ce qui n’est pas prévenu ou soigné à temps se paie plus tard au centuple. Bien gérer, ce n’est pas couper les vivres du service public, c’est veiller à la justice et à l’efficacité de la dépense.

La souffrance au travail

Enfin, n’oublions pas qu’une des inégalités majeures face à la santé prend sa source au travail. En matière d’accidents et de maladies professionnels, la France est la lanterne rouge de l’Europe. Cela a un coût : 3 % du PIB, l’équivalent de dix jours fériés annuels ! Quelle injustice et quelle perte de productivité globale ! Or que se passe-t-il aujourd’hui ? Les négociations sur la pénibilité du travail n’aboutissent pas et les mesures de prévention efficaces ne sont pas prises. L’exposition aux produits toxiques – voyez les cancers dus à l’amiante ou à la poussière de bois –, les troubles musculo-squelettiques, la sécurité mal assurée, les troubles physiques et psychiques du nouveau productivisme qui touche les services autant que les usines, tout cela pose aujourd’hui un problème majeur de santé publique. Il est temps d’en prendre conscience. Il est urgent de négocier avec les

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partenaires sociaux le renforcement de l’indépendance et des moyens de la médecine du travail qui a un rôle majeur de prévention à jouer. Rien, en réalité, ne condamne la France à la santé à deux vitesses. Nous avons les compétences et les moyens de prendre soin de tous les nôtres.