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Histoire Médiévale L'Occident du XI e au XIII e siècle Chapitre 1 : L'Occident de l'An Mil La date fondamentale du Haut Moyen-Age est bien sur 843 avec le traité de Verdun qui a jeté les bases des États Européens. Autour de l'An Mil, date symbolique s'il en est, on assiste au décollage ( Take off) de l'économie occidentale qui était alors très en retard par rapport au monde byzantin, musulman et même de l'Est lointain. La France capétienne va y jouer un rôle central mais il ne faut pas extrapoler : l'An Mil est symbolique surtout à posteriori, les contemporains n'ont pour la plupart d'entre eux pas eu conscience de cette évolution entre la société carolingienne et féodale. L'idée des terreurs de l'An Mil a surgit au XVIe siècle lorsque les Humanistes de la Renaissance n'avaient que du mépris pour le Moyen-Age. Ils se basaient sur la chronique du XIIe siècle de Sigebert de Gembloux qui faisait état d'un comète et d'un tremblement de terre sans pour autant faire mention de panique. Cependant il est vrai qu'il a existé un sentiment d'attente autour des années 1000 et 1033. C'est aussi la période que l'on appelle le « temps des moines » : les abbayes, les monastères répondent aux angoissent des gens sur leur salut. C'est un lieu de prière mais aussi d'école pour accueillir les enfants de l'aristocratie. Ils vont jouer un rôle essentiel dans la diffusion de l'art roman. C'est le début d'une grande phase de construction autour de la voute. L'Occident s'organise autour d'un certain nombre d'État dont nous allons voir les caractéristiques. I. L'empire Germanique A) Les premiers empereurs La fin effective de l'Empire carolingien intervient en 888 mais officiellement en 924. Mais en 962 Otton Ier reçoit le titre d'empereur du Pape et réhabilite autour de l'espace germanique le concept d'Empire. Roi de Germanie, il a été élu à Aix la Chapelle par une assemblée de grands aristocrates. Il se réclame à la fois de l'empire romain et carolingien mais n'a pourtant plus grand chose à voir avec ses prédécesseur : l'organisation même est complètement différente. Les duchés sont la base de celle ci (Saxe, Bavière... plus de trente). 1/42

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Histoire MédiévaleL'Occident du XIe au XIIIe siècle

Chapitre 1 : L'Occident de l'An Mil

La date fondamentale du Haut Moyen-Age est bien sur 843 avec le traité de Verdun qui a jeté les bases des États Européens. Autour de l'An Mil, date symbolique s'il en est, on assiste au décollage (Take off) de l'économie occidentale qui était alors très en retard par rapport au monde byzantin, musulman et même de l'Est lointain.

La France capétienne va y jouer un rôle central mais il ne faut pas extrapoler : l'An Mil est symbolique surtout à posteriori, les contemporains n'ont pour la plupart d'entre eux pas eu conscience de cette évolution entre la société carolingienne et féodale. L'idée des terreurs de l'An Mil a surgit au XVIe siècle lorsque les Humanistes de la Renaissance n'avaient que du mépris pour le Moyen-Age. Ils se basaient sur la chronique du XIIe siècle de Sigebert de Gembloux qui faisait état d'un comète et d'un tremblement de terre sans pour autant faire mention de panique. Cependant il est vrai qu'il a existé un sentiment d'attente autour des années 1000 et 1033.

C'est aussi la période que l'on appelle le « temps des moines » : les abbayes, les monastères répondent aux angoissent des gens sur leur salut. C'est un lieu de prière mais aussi d'école pour accueillir les enfants de l'aristocratie. Ils vont jouer un rôle essentiel dans la diffusion de l'art roman. C'est le début d'une grande phase de construction autour de la voute.

L'Occident s'organise autour d'un certain nombre d'État dont nous allons voir les caractéristiques.

I. L'empire Germanique

A) Les premiers empereurs

La fin effective de l'Empire carolingien intervient en 888 mais officiellement en 924. Mais en 962 Otton Ier reçoit le titre d'empereur du Pape et réhabilite autour de l'espace germanique le concept d'Empire. Roi de Germanie, il a été élu à Aix la Chapelle par une assemblée de grands aristocrates. Il se réclame à la fois de l'empire romain et carolingien mais n'a pourtant plus grand chose à voir avec ses prédécesseur : l'organisation même est complètement différente. Les duchés sont la base de celle ci (Saxe, Bavière... plus de trente).

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En 965 il remporte la victoire de Lechfeld sur les hongrois qui lui valut un grand prestige. Puis Otton II, son fils lui succède mais meurt prématurément au cours d'une bataille en 982 ou 983 et laisse un fils de trois ans que lui a donné son épouse byzantine Téophano. Elle avait apporté en Germanie l'idée impériale et le faste byzantin. Seulement il n'y a pas la notion dynastique en Germanie, le principe électif l'emporte et les grands veulent tous devenir Empereur. Mais Otton II devient roi de Germanie grâce à l'Église, Téophano et Adélaïde (épouse d'Otto Ier) assurent la régence jusqu'à 996 où Otto III devient empereur. Il résidait à Rome et se considérait héritier de Byzance en ambitionnant de reconstituer la grandeur de l'Empire Romain aidé par Sylvestre II (Gerbert d'Aurillac), un des plus fin esprit de son temps, très cultivé, qui a voyagé dans toute l'Europe pour aller chercher le savoir là où il était. Mais il meurt en 1002 ce qui, de fait, interrompt ses ambitions.

Lui succède son cousin qui s'impose difficilement sous le nom de Henri, devenant roi de Germanie puis Empereur mais est renversé en 1024 par les grands aristocrates qui transfert la couronne à la dynastie salienne. On peut citer Conrad II et Henri III notamment.

B) L'Italie

L'Italie joue un rôle central dans la cohésion de l'Empire : après avoir tué le Roi d'Italie Otton Ier a épousé sa veuve. Mais elle est loi d'être unifiée puisque morcelée par les États Pontificaux et les différentes régions du Sud (Sicile sous domination musulmane et Toscane sous domination Byzantine. Les souverains s'appuient essentiellement sur les évêques à qui ils délèguent une part de leur autorité d'où l'importance des citées épiscopales sur le plan politique. C'est aussi en Italie qu'apparaissent des communes, cités très autonome sans pour autant former un État mais presque.

Les villes de Pise et Gènes jouent un rôle très important : Pise intervient en Espagne en 1092 pour déloger un chef de guerre qui a trahi le roi (le Cid) et aide les Normands à conquérir la Sicille par exemple et fourniront des navires aux croisés. Des privilèges leur sont accordés et de grandes constructions architecturales vont être démarrées. Ces deux villes se détestent et n 'auront de cesse de se faire la guerr.

Enfin bien sur Venise est plus que jamais indépendante en se dotant d'un Duc (le doge) et en s'émancipant de la tutelle byzantine (incarnée par l'exarque de Ravenne). Ils vont défendre leur autonomie vis à vis des deux empires en développant une flotte considérable qui les rend indispensables. Ils doivent contrôler entre autre la Dalmatie pour trouver du bois et des équipages. Venise va essayer de jouer la carte impériale en monnayant leur appui. Ils obtiennent en 1082 un privilège de la part des byzantin appelé la Chrysobulle qui leur concède des quais et des entrepôts à Constantinople sans être taxer et à accéder à tous les ports excepté ceux de la mer Noire. On achève en 1094 la basilique Saint-Marc à mi-chemin entre l'Art occidental et byzantin.

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C) Les empereurs et la papautéLe Xe siècle voit les grandes familles de l'aristocratie romaine (notamment les

Crescenzi) font et défont les souverains pontifes (plusieurs décèdent violemment) en mettant même des Papes peu enclin à le devenir (comme Paul XII). Otton III décide de réagir en massacrant Crscenzius et en plaçant son cousin puis Gerbert d'Aurilalc (son précepteur) sur le trône pontifical.

La mort des deux interrompt leur projets et leur ambition. Les successeurs d'Otton III ne soutiennent plus vraiment la papauté jusqu'en 1046 où l'empereur réunit un concile et reprend les choses en main en donnant à un évêque allemand (de Bamberg) la fonction de Pape sous le nom de Clément II. Certes ce n'est pas à l'Empereur de nommer le pape mais c'est toujours mieux que les grandes familles romaines. Mais ces papes ont le courage de lancer un grand mouvement de réforme pour que l'Eglise ne soit plus décriée. Ils vont réformer le clergé séculier, à partir de Léon IX on peut dire que la réforme grégorienne (du nom de Grégoire VII) est lancée.

D) L'effondrement de la puissance

La puissance des ottoniens se fonde sur des bases à la fois idéologiques et matérielles : en 962 lorsque Otton Ier est couronné Empereur le titre révèle à la fois une reconnaissance militaire et religieuse. Pour rappeler cette dimension religieuse, les insignes impériaux font référence à la Religion :

– La couronne fermée de l'Empereur retrouve la forme des couronnes des rois-prêtres de l'ancien testament.

– La couronne a douze pointes

– Le manteau de velours bleu montre la vocation universelle de son pouvoir

– Le Globe surmonté d'une croix symbolise tous les peuples sous sa tutelleL'empereur c'est celui qui doit se consacré à l'imitation christi, tout en reprenant le

fondement de l'Empire carolingien en restaurant l'Empire romain, la renovatio imperii romanorum.

L'ordination des évêques n'intervient qu'une fois que l'empereur a remis la crosse et l'anneau à ceux ci ce qui est la source de conflit avec la papauté. Il s'appuie aussi sur les villes avec la reprise du commerce.

II. Le royaume des Francs

Il faut attendre Philippe Auguste au XIIIe siècle pour que les rois se revendique de France et non des Francs. C'est la vision des clercs qui va en fait créé la notion du royaume.

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A) La genèse d'un Royaume

Le Rhône, la Saône, la Meuse et l'Escaut délimite peu ou proue le Royaume qui est plus étendu au Nord et au Sud mais bien moins large.

Il a été bouleversé par les invasions normandes et sarrasines (et hongroises) qui ont beaucoup marqué les esprits (notamment celle des normands). De nombreux nobles en profitent pour piller. Ces raids et pillages visent les villes et les abbayes mais l'activité économique n'a pas réellement été bouleversée. Les moines sont obligées de fuir jusqu'en Bourgogne voire en Italie.

L'héritage de la romanité est encore présent au Sud : jusqu'au XIe siècle on se disait romain et on réclamait d'être jugée selon le droit romain. Selon que l'on se dise Franc ou Romain on n'est pas jugée par la même loi.

B) Le domaine royalLe Royaume se décompose en deux ensembles : le domaine royal au cœur et les

principautés autour. Le roi ne règne pas pareil selon les régions concernées. Il est roi de tout le royaume mais ses prérogatives changent. Le domaine royal est administré par le roi ou ses représentants avec un ensemble de droit, de taxe ou de revenus qu'il perçoit en tant que seigneur foncier et suzerain. C'est un reste de l'ancien Royaume de Neustrie. Il relève uniquement du Roi seul. Il va de l'Oise à Orléans et est axé sur certaines cités épiscopales : Senlis, Paris, Orléans et Etampes. On trouve d'ancienne résidences carolingiennes où les rois résident. Paris n'est pas encore capitale mais les ornements royaux et la nécropole royale est à Saint-Denis. C'est un ensemble composite où le pouvoir du roi se heurte au pouvoir des châtelains.

C) Les principautésL'Aquitaine : C'est la plus grande mais aussi la moins cohérente, un ensemble de

région pas vraiment intégré au Royaume qu'il a fallut sans cesse conquérir. Ses formes sont mouvantes, d'abord centrée sur l'Auvergne et le Languedoc puis sont venus s'ajouter la marche (Limousin, Charente, Poitou, et même le duché de Gascogne). Les ducs doivent faire face à la montée en puissance de leurs vassaux tels les ducs de Toulouse.

La Catalogne : ou Marche d'Espagne, qui va s'unir avec l'Arragon. Elle avait été conquise sur les musulmans et les comtes des Catalogne avaient été très fidèle aux carolingiens au point que les rois Capétiens n'ont pas été reconnus. On ne date même pas les années par rapport au règne du Roi capétien mais en mettant « dans l'attente d'un roi » ou encore « telle année après la mort de Charles » (en 888). A partir des années 900 les comtes catalans ne se rendront plus prêter hommage au roi des Francs. Les Rois de France ne s'en sont pas vraiment aperçut : jusqu'au XIIIe siècle ils réclameront des droits sur la principauté.

La Bretagne : ducale puis royale on est mal documenté sur son histoire. Les comtes de Rennes, de Nantes et l'archevêque de Dol se disputent le pouvoir.

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La Bourgogne : C'est la partie de la rive droite de la Saône mais il faut distingué le comté (Franche-Comté) du Duché (Bourgogne actuelle) détachée du Royaume de Bourgogne.

La Flandre : au Nord c'est elle qui porte le Royaume jusqu'en Zélande (Hollande). C'est un comté mais le comte de Flandre est presque aussi puissant qu'un duc. L'activité de la draperie sera concentrée autour de nombreuses villes dynamiques et prospères. Elle fait partie du Royaume tout en étant en contact avec l'Empire.

La Normandie : créée en 911 par le traité de Saint-Clair sur Epte concédant à Rollon et aux Normands ce territoire. Relativement indépendante car bien placée et contrôlant la Seine. C'est la plus puissante des principautés.

L'Anjou : Foulque Nerra qui est connu pour sa violence et sa cruauté cherche à accroitre sa puissance en spoliant les Eglise et en s'étendant vers la Loire.

La principauté Blois-Champagne : le comte a échoué à accroitre sa principauté face à Nerra et a tenté sa chance à l'Est (en Italie, en Bourgogne où il meurt mais gagne la Champagne)

Les principautés, plutôt fortes, s'opposent souvent pour le contrôle des zones les moins structurées comme la Flandre et la Normandie par exemple. Certaines apparaissent comme une menace pour le roi capétien. Il a néanmoins des atouts pour défendre son pouvoir (on y reviendra).

On assiste à une montée de la féodalité qui va dans le sens du morcellement des pouvoirs, de manières plus ou moins marquée selon les situations. Le prince comme le roi dans son domaine doit lutter contre la montée des ''châtelains'', qui basent leur puissance sur un château construit généralement illégalement durant la période des invasion.

A cela s'ajoute la montée des milites (miles), les chevaliers, c'est à dire ceux qui possèdent un cheval. Ce groupe va devenir l'ossature de l'aristocratie.

Le pouvoir réel des princes est restreint à quelques secteurs au centre des principautés (sauf exception).

D) Le roiCe n'est pas qu'un prince parmi les autres. Au Xe siècle la dynastie capétienne

s'impose. Hugues Capet est le symbole du transfert de pouvoir entre carolingiens et capétiens. Ils sont d'abord membre de la famille des robertiens, le surnom de Capet 1 vient plus tard. Ils n'ont finalement fait aux carolingiens que ce que ces derniers avaient fait aux mérovingiens. Ils vont bien sur prétendre descendre aussi des carolingiens par une grand-mère éloignée.

Hugues Capet fait vite couronné son fils (Robert) à 17 ans par l'évêque de Reims, ce qui a stabilisé le Royaume politiquement. C'est le seul acte glorieux de son règne car sa guerre pénible contre Charles de Lorraine, un des derniers carolingien n'a pas été très efficace. Il a le titre de Roi mais ne gouverne réellement que sur le domaine royal.

Peu à peu, le déclin des institutions enrayé, l'économie repart. Entre 987 et 1108 se succède quatre rois (Hugues Capet 987 – 996, Robert II 996 – 1031, Henri Ier 1031 – 1060, Philippe Ier 1060 – 1108). Ce sont des rex francorum et non des rex francia.

1 De capa, la cape des évêques. Les robertiens détiennent la capa de Saint Martin dans l'église de Saint-Martin de Tours.

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Les pouvoirs régaliens à commencer par celui de ban (commander, contraindre et punir) est passé en grande parti aux mains des grands princes (comtes et ducs) puis de ces mains à celles des châtelains. Le droit de construire un château, réservé au roi ou aux grands princes échappe peu à peu de leurs mains. Au XIe siècle une série de forteresses ''illégales'' se multiplient. Les châtelains vont souvent accaparer le pouvoir de ban au sein de leur châtellenie.

La priorité des souverains capétien n'est donc pas l'unification du royaume mais la récupération de ces pouvoirs.

On voit par exemple bien que les diplômes royaux ne sont effectifs que dans un territoire restreint. Jusqu'à 1030 on voit que dans une tradition carolingienne les diplômes cherchent à s'imposer dans tous le royaume. Mais à partir de cette période on voit apparaître des « souscriptions multiples », c'est à dire que l'autorité du roi ne suffit pas à imposer une loi. Parmi ces signataires on voit même de simples petits châtelains ce qui est signe d'un grande faiblesse jusqu'en 1065 – 70. En 1077 c'est la première fois que Philippe Ier peut envoyer une lettre, un commandement avec sa seule signature.

Ils vont s'imposer avec le sacre et l'instauration d'une dynastie héréditaire (même si on va garder la fiction des élections quelques temps). On va prendre pour habitude de sacrer le fils ainé mais il ne s'agit que d'un usage et non d'une loi. Ils transmettent la couronne. Ils vont tous faire sacrer leur fils ainé de leur vivant jusqu'à Philippe Auguste afin de régler la succession rapidement vis à vis des cadets et de l'aristocratie. On fonde la source de légitimité du pouvoir autour de la question du sang royal. Le sacre place les rois au dessus de l'aristocratie. Lors de son sacre le roi s'engage à défendre les pauvres, les veuves et l'Église. Cela crée un réseau d'alliance entre évêques et rois.

A partir de Philippe Ier se diffuse la croyance en le pouvoir thaumaturgique des rois. D'origine populaire cette croyance se heurte à la réticence de l'Église dans un premier temps.

Le roi entretient des liens avec les grands princes par des liens de parenté et le renouvellement de la cérémonie de l'hommage. Mais le roi ne peut prétendre gouverner sur l'ensemble du territoire, souvent ce sont les hommes d'Église qui prennent le relais.

E) Paix de Dieu et Trêve de Dieu

Se diffuse un mouvement sous l'initiative d'évêques du Sud (Aquitaine, vallée du Rhône...) puis relayés par les moines comme ceux de Cluny. En 987 (Charroux) puis 989 et 990, face à l'effondrement de la société carolingienne on assiste à l'installation au niveau endémique de la violence dans les régions où l'autorité est affaiblie (elle vient des milites, groupe qui monte en puissance), des assemblées de paix cherchent à pacifier les territoires en question en mettant en place des sanctions.

Ce sont les moines de l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre qui ont théorisés l'organisation de la société féodale sur sa base pyramidale. Adalbéron de Laon analyse bien cette situation et reprend ce concept dans une lettre (oratores, bellatores, laborates).

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Les autorités ecclésiastiques organisent des assemblées de paix où les bellatores s'engagent à limiter leur violence (elle doit être mise au service de certaines cause et les guerres privées vont être règlementées2). Les inermes sont protégés (oratores et laboratores). Les églises deviennent des lieux d'asile sauf pour ceux qui auraient rompus cette paix de Dieu.

A cela s'ajoute la Trêve de Dieu qui interdit la guerre du Jeudi au Dimanche soir et pendant certaines période comme celle de l'Avant, du Carême, de Pâques...

Mais le mouvement ne va guère se développer au delà de la Bourgogne pour deux raisons liées :

• Au Nord de la Loire l'autorité du roi est plus forte

• En Normandie le Duc a dit : « la paix c'est mon affaire », c'est la paix du Prince.Ce n'est pas un hasard que le mouvement soit parti d'Aquitaine, région mal

gouvernée.

Adalbélon par exemple accuse le roi de ne pas être à la hauteur car il considère que ce n'est pas aux évêques de faire régner la paix. Il évoque le « Roi Odillon », abbé de Cluny extrêmement puissant à l'époque.

Le mouvement ne va durer qu'un temps : en 1095 le pape étend la paix de Dieu à toute la chrétienté et lance la première croisade.

A partir du XIIe siècle le mouvement va disparaître car il est récupéré par le pouvoir princier et royal. Il a toutefois montré que l'Église s'associait au pouvoir temporel.

III. Les espaces périphériques

A) La Normandie et la conquête de l'AngleterreLes Normands ont oubliés leurs racines scandinaves au XIe siècle et est la

principauté la plus forte du Royaume de France. On n'assiste par à l'émiettement de du pouvoir ducale dans les même proportions qu'ailleurs dans la féodalité occidentale. Le Duc Guillaume rassemble une flotte le 28 septembre 1066 pour débarquer en Angleterre récupérer un trône qu'il considère comme lui revenant.

Il signale son expédition à la papauté ce qui ne serait venu à personne avant la réforme grégorienne. Il remporte la bataille de Hastings sur Harold (qui est tué une flèche dans l'œil blablabla) et devient Guillaume le Conquérant. Il est couronné à Londres le 25 décembre mais il ne domine pas pour autant le royaume. Il repart d'ailleurs en Normandie au printemps 1067 et ce n'est qu'à partir de 1070 que la paix est rétablie au prix d'une répression incroyable qui a presque vidée les régions de Nord de l'Angleterre. Les cadre aristocratiques et ecclésiastiques ont été épurés et on envoie de Normandie des gens ''fiables''. C'est ainsi que Lanfranc abbé de l'abbaye du Bec devient l'archevêque de la primatiale : Canterbury. Tous les cadres de l'administration sont remplacés par des ''Normands'' (mais aussi des flamands...).

2 Les églises, les cimetières et les sauvetés (endroits avec des croix) sont protégés.

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Tout le royaume est réorganisé autour de châteaux comme à York, Durham ou Londres (la Tour de Londres date de cette époque). Guillaume remet des terres à des hommes dont il est sûr, qui va lui assurer un apport de troupe au besoin.

En 1086 on va rédiger le Domesday Book (le livre du jugement dernier), description intégrale (ou presque) de l'Angleterre. On se rend compte que l'aristocratie Anglaise a été complètement écartée.

Guillaume est alors roi d'Angleterre et vassal du Roi de France car prince de Normandie. A sa mort il partage son royaume entre ses deux fils ainés (l'Angleterre à Guillaume le Roux et la Normandie à l'ainé Robert) mais les deux meurt et finalement c'est le dernier fils (Henri Beauclerc) qui va récupérer les deux successions. Les conséquences sont considérables... Guillaume à mis fin à la seule survivante des dynastie carolingienne, l'Angleterre tourne le dos à la Scandinavie pour devenir un élément de l'Occident. La puissance du Roi-Duc devient un réel danger pour le Roi de France jusqu'au XIIIe siècle où Philippe Auguste reprend la Normandie mais la rivalité renaitra au XIVe siècle.

B) La péninsule HibériqueL'Espagne est aux mains des musulmans depuis la chute de la dynastie Wisighoth

et la reconquête a commencée depuis le royaume de l'Asturie – Léon. On construit au fur et à mesure de nombreux châteaux (d'où le nom de la Castille) et on installe la capitale à Oviedo. Pour faciliter le peuplement des zones dévastées par la reconquête les souverains accordent des privilèges (fueros).

Le XIe sècle est marqué par l'affaiblissement de la puissance centrale musulmane qui va donné naissance aux Reyes de laifas qui vont se faire la guerre entre aux sans hésiter à faire appel aux princes chrétiens. En 1084 la prise de Tolède est un cap dans la reconquête. Mais les Almoravides (puis les Almovades), venus du Maghreb pénètrent en Espagne en 1085-86 puis au milieu du XIIe siècle. Néanmoins Lisbonne est reconquise.

De nouveaux pouvoirs s'affirment (comté de Barcelone, Navarre, Castille, Léon...). La Reconquista a été aidée par de nombreux chevaliers venu de Bourgogne, Champagne et Aquitaine. Le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle joue un rôle majeur également.

L'aristocratie militaire y est différente des autres royaumes : à côté des nobles traditionnels liés au souverain et détenteur d'immenses domaines, il y a une catégorie assez fluide de petite noblesse, de gens qui ont fait fortune au fil de la reconquête, que l'on va appeler les Hidalgos.

On va voir apparaître des ordres dans toute l'Espagne et le Portugal (Santiago, Calatrava et Alcantara) qui vont jouer un rôle important par la suite.

C) La péninsule italienneCertains Normands après s'être installés en Espagne, sont allés se placer comme

mercenaires en Italie du Sud. Un Normand va d'ailleurs se rendre maître en 1029 d'un petit territoire qui va attirer un fort flux migratoire de milites en provenance de Normandie.

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Parmi eux se trouvent les fils de Tancrède de Hauteville qui vont se tailler la part du lion en Italie sous la forme de comtés notamment Robert Guiscard qui fait prisonnier le pape Léon IX et va conclure un alliance avec lui pour défendre la papauté. Grâce à cet appuie les papes vont pouvoir résister aux Empereurs. Robert est proclamé duc des Pouilles et de Calabre puis conquiert la principauté lombarde de Salerne. Il va mettre à profit les difficultés de l'Empire Byzantin pour renforcer son pouvoir. En 1084 il sauve Rome des troupes de l'Empereur. Roger, le plus jeune des frères va conquérir la Sicile sur les Sarrasins.

En 1130, Roger II peut prendre le contrôle de toute l'Italie du Sud. C'est un royaume bien organisé et prospère. Les flottes d'Amalfi concurrencent celles de Venise au XIIe

siècle. Les marchands d'Amalfi sont présents à Constantinople et vont profiter des croisades. Mais sa puissance décline assez rapidement suite au pillage par Pise.

Chapitre 2 : Les hommes et la terre, la croissance agricole au XIe siècle

La croissance agricole est à la base de la croissance médiévale mais elle connait des disparités durant le Moyen-Age : son apogée se situe au XIIIe siècle. L'Occident de l'An Mil est marqué par la prépondérance de terres incultivées et la faiblesse générale des échanges.

I. Causes et facteurs de la croissanceIl n'y a pas une mais un ensemble de raisons :

• L'arrêt des invasions certes mais il y a une insécurité.

• Essor démographique : des bras deviennent disponibles pour l'agriculture, ce qui permet une augmentation de la production, une meilleur alimentation et donc réduit la mortalité.

• Amélioration du climat (mais il faut être prudent car peu de sources sur la question) mais la dendrochronologie et l'analyse des tourbières apportent des éléments tangibles sur un climat plus favorable à l'agriculture à partir des années 900.

• Le système féodale, l'encadrement seigneuriale a été dans l'ensemble plutôt réceptifs aux améliorations et aux nouvelles techniques.

II. Les progrès techniques et leur diffusion.

A) L'outillage, un secteur multiformeProgrès difficile à daté mas certain : développement dans l'utilisation du fer et dans

la métallurgie en général (nouveaux lieux d'extraction du minerai, multiplication des forges...). Néanmoins l'ancêtre des hauts-fourneaux n'apparait qu'à l'extrême fin du XIIe siècle, le travail du minerai reste donc rudimentaire mais permet d'équiper de pièces en fer l'outillage paysan notamment en dotant la charrue d'un soc et en cerclant les roues. On ferre aussi les bêtes de sommes (bœufs car les chevaux sont trop chers) et l'usage de la charrue se développe parallèlement à la continuité de l'usage de l'araire.

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Les laboureurs, ceux qui ont des charrues, se distingue des brassiers qui n'ont que leur bras.

B) La traction animaleOn assiste à une amélioration de l'usage des animaux de traits grâce à un meilleur

procédé d'attelage. Le cheval coute trois à quatre fois plus cher que les bœufs et est plus fragile.

C) La diffusion des moulinsOn utilise surtout des moulins à eau pour moudre le grain et faire de la farine. Il y a

aussi quelques moulins ''industriels'' servant à broyer le chanvre pour faire des étoffes et des cordages.

Les premiers moulins à vent apparaissent en Normandie à la fin du XIIe et se développe notamment en Flandre et sur la côte Atlantique. La production progresse et la main d'œuvre féminine est libérée et l'artisanat se développe.

Mais ces moulins créent une hiérarchie sociale dans les campagnes car seul le seigneur a les moyens de le bâtir. Le meunier occupe alors une place ambigüe car paysan mais au service du seigneur, il est peu aimé et vie souvent à part alors que le forgeron est au contraire l'emblème de la communauté car il manie un minerai cher et maitrise le feu. Le forgeron est indispensable au seigneur et souvent les revendication de la communauté passent par lui.

III. Extension et organisation de l'espace

A) Les grands défrichementsPartout en Europe ils se multiplient, mais souvent de manière cachée... souvent le

paysan en labourant son champ au détriment de l'espace en jachère. C'est grâce à la micro-toponymie que l'on retrouve ces indications car bien sur les textes ne nous en parle pas vraiment. Les seigneurs considère cela comme une menace vis à vis de leurs terres de chasses mais face à l'augmentation démographique ce sont les seigneurs qui vont organiser les défrichements de grande envergure. On s'attaque à la forêt et deux seigneurs s'associent souvent pour défricher, et souvent ce sont un seigneur laïque et un seigneur ecclésiastique qui s'associent, ce sont des pariages. On crée alors des villages de toutes pièces en faisant en quelques sortes de la publicité pour ces nouveaux lieux qui vont connaître des destins multiples : ils périclitent, restent un gros bourg où deviennent une ville. Dans la toponymie cela se retrouve avec la présence du mot Essarts, Villeneuve, Neuville, Villefranche et Francheville (car les villages ont bénéficié de franchises). Généralement ce sont des zones facile à investir qui vont faire l'objet d'un développement durable.

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B) Transformation des pratiques culturales

Le climat, l'augmentation démographique et des rendements, tout cela transforme les pratiques culturales. En effet à l'époque carolingienne les rendements sont faibles et une fois prélevé les taxes et la semence pour l'année suivante il ne reste plus grand chose. On fonctionne avec des systèmes de jachères biennal ou triennal (voire plus jusqu'à six ans). Ces terres servent à accueillir le bétail entre autres.

L'amélioration des rendements est du au climat, à une meilleur connaissance des synergies entre sol et céréales mais aussi à diversifier les productions (hiver/été) pour éviter les disettes.

Le système triennal se développe timidement : on a trois terres, une pour la céréale d'été, une pour la céréale d'hiver et une pour la jachère.

Certaines zones se spécialisent comme dans les régions viticoles mais cela reste très spéculatif car voué à l'exportation. Les prix varient encore plus vite que ceux des céréales mais globalement les régions viticoles s'en sortent beaucoup plus que les autres. On a des témoignages de gens arrivant en Bourgogne qui s'étonne du peu de place accordé aux cultures de céréales dans la région.

Le système de complant apparaît : le seigneur prête une terre que le paysan va travailler pour faire du vin et les revenus sont partagés. Des cultures plus intensives se développent également comme l'horticulture (hortus = jardin) c'est à dire la culture maraichère pour la consommation familiale mais aussi pour la ville. L'industrie textile nécessite aussi la culture de plantes comme le lin ou le chanvre pour la draperie ou les teintures.

C) L'élevagePeu connu par manque de documentation, l'élevage animal a plusieurs finalités :

viande, trait, lait, fromage, graisse, vêtement, artisanat... Il faut un maximum de surface à cultiver pour pallier au défaut de rendement, on a donc peu de prairies donc peu d'élevage et encore moins d'engrais pour améliorer les rendements. Sans compter le problème du fourrage qui conduit à de forts abattages.

On élève des moutons et des cochons (même en ville ce qui pose une certain nombre de problème) et petit à petit le bovin prend de l'importance. Se généralise l'usage de la transhumance également. Au XIIIe la spéculation autour de l'élevage s'accentue car l'entretien d'un gros troupeau nécessite de l'investissement et des finances d'où la mise en place du bail à cheptel (celui qui a les moyens achète des bêtes qu'il confie à un preneur contre une redevance régulière puis un partage à la fin du contrat.

Il y a une tension permanente entre éleveurs et agriculteurs.

On assiste entre le XIe et le XIIIe a un développement de l'agriculture et une transformation des paysages français qui sont restés immuables ou presque jusqu'au XIXe siècle. Petit à petit une hiérarchie sociale au sein du monde paysan se dessine. Le poids des redevances est inégale selon le régions. P.Chenu qualifie l'époque de monde plein : la population de nombreuses régions équivaut à celle du XIXe.

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IV. La seigneurieC'est une caractéristique de l'Occident médiéval : tous les hommes vivent dans un

cadre, un maillage dont l'un des éléments constitutifs est la seigneurie. Ces structures diffèrent cependant selon les régions.

La cellule s'organise autour d'un château dont le seigneur (dominus) possède le droit de ban (commander, contraindre et punir). Il se distingue par son genre de vie et par un certain luxe par rapport aux paysans.

On distingue plusieurs types de seigneuries qui sont souvent cumulatifs.

A) La seigneurie foncièreLiée à la propriété de la terre ou à sa jouissance dans le cadre d'un fief. Il existe

des seigneuries laïques et ecclésiastiques. La taille varie considérablement. Tout seigneur foncier possède un pouvoir d'exploitation économique.

Elle se compose de plusieurs ensembles :

• Le domaine du maître : part que le seigneur se réserve pour lui même, c'est le mansus indominicatus (la réserve ou le manse). Cette zone évolue souvent par le fait des héritages ou des dons à des abbayes par exemple mais aussi en confiant une part de sa parcelle à des paysans sous forme de tenures. Il peut aussi prélever des terres qu'il confie en fiefs à des vassaux, il n'en perd pas la propriété mais il n'a pas de contrôle direct sur le lieu.

• Les terres concédées à des paysans (tenanciers) : les tenures. En échange de redevances notamment le droit de relief (qui équivaut en somme à racheter le droit de cultiver la terre pour les enfants du paysan) à partir XIIe siècle. On peut vendre sa tenure sans pour autant en être propriétaire mais c'est possible de reléguer la terre à autrui tout en donnant le droit de lods et ventes (ou trézain) au seigneur.

La mise en exploitation de la réserve est fait par des domestiques et c'est sur cette terre que l'on va trouver des charrues en grand nombre et éventuellement un moulin. Le seigneur peut faire appel occasionnellement à du salariat. Les paysans doivent un certain nombre de jours de corvées sur ces terres. Mais les seigneurs ont tendance à convertir ces corvées en numéraire et tout le monde y gagnait. Les journées nécessitant de l'outillage sont néanmoins restées. Dans le Sud les corvées sont moins lourdes et moins régulières mais dans le Nord la pression reste forte. Cependant l'essor démographique et de rendement les amoindri.

L'ensemble des redevances constituent la rente seigneuriale. Elles sont calculées sur le manse, unité de perception fiscale :

• Le cens : redevance fixe qui peut être en nature, en numéraire ou mixte. Par exemple dans les régions viticoles, la vigne pousse sur la réserve généralement, rarement sur les manses des paysans.

• Champart (terrage, tasque ou agrière) : proportionnel à la récolte avec des variation selon la région, charge très lourde.

• La dime : un gerbe sur douze ou une sur dix.

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B) La seigneurie banaleLe droit du ban (commander, contraindre et punir) est une prérogative régalienne

que le roi peut déléguer mais qui souvent a été accaparé par les seigneurs avec l'apogée du processus de morcellement au XIe siècle. Tous les seigneurs ne peuvent pas y prétendre mais la plupart l'ont. Dans les principautés faibles ce droit s'est éparpillé alors que dans les fortes les petits seigneurs ne l'ont souvent pas. Ils perçoivent de nombreux impôts et taxes :

• Droit de justice : celui qui juge grade l'amende. Il y a trois catégories de justices (basse, moyenne et haute). Très peu ont la haute. La basse concerne les délits, et la haute les crimes de sang.

• Droit de moissonnage : les sergents du seigneur prélèvent une partie des gerbes au nom de la sécurité.

• Droit de gite : détesté par les paysans. Les paysans devaient assurer le repas du seigneur là où il allait pour lui, sa suite, ses chevaux et ses chiens. Très vite les paysans l'ont convertis en numéraire.

• Taxe de sauvement ou de garde : au nom de la protection qu'il exerce. Soit global par village soit par feux (foyer, famille). Dans la France du Sud la taxe ne pèse que sur les hommes libres alors que dans le Nord elle est généralisée.

• Le droit de péage aux limites de la banlieu essentiellement sur le vin : le banvin (le seigneur a l'avantage de pouvoir vendre son vin avant ceux des paysans).

• Les banalités : usage du moulin, du pressoir...

• La taille (tolta) : droit d'exiger un secours matériel, droit très lourd car laissé à la discrétion du seigneur (il demande tant qu'il veut aussi souvent qu'il veut). Les paysans essayent d'avoir un montant fixe, une taille abonnée.

• Les taxes sur les transactions : d'autant plus lucratives que les échanges progressent au XIIe siècle.

Elle a joué un rôle important dans le développement de la circulation monétaire dans les campagnes. Ceux qui possèdent cette seigneurie laissent souvent filer l'exploitation de leurs domaines propres. A partir du XIIe siècles, les paysans sont prompts à réagir aux « nouvelles coutumes ».

Les seigneurs font appel à de nombreux agents, des sergents pour rassembler ces impôts, qui se sont enrichis formant un groupe intermédiaire notamment dans l'Empire où ils parviennent à rendre leur charge héréditaire. Les seigneuries ecclésiastiques sont généralement beaucoup mieux gérés que les seigneuries laïques.

C) Les mutations de la seigneurie

A partir des années 1180 les structures seigneuriales se modifient, on observe un souci de mieux administrer en multipliant les inventaires, les comptes et on à d'avantage le souci de la précision numérique. En règle générale le mouvement vient des seigneuries ecclésiastiques qui sont mieux administrées que les laïques. Se développent les inventaires, les comptes...

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On assiste à une modification dans l'organisation de la seigneurie : les seigneurs s'entourent d'un petit personnel mieux instruit et mieux formé. L'usage de la monnaie se développe dans le monde rural, rendu possible par l'expansion économique. Les seigneurs prennent l'habitude d'avoir des goûts de luxe, l'ostentation devient un genre de vie seigneuriale. L'endettement progresse : les chevaliers qui partent en croisade ont souvent des difficultés à s'équiper. Ils empruntent à des monastères en mettant en gage leurs biens et leurs terres. On assiste donc à de grands transferts de propriétés. Il y a un accroissement des achats et des ventes des propriétés de biens fonciers.

Au XIIIe siècle les paysans subissent un prélèvement encore fort mais moindre qu'auparavant et mieux organisé. Au XIIe siècle en liaison avec l'essor économique que l'on observe dans les campagnes, de plus en plus de communautés villageoises bénéficies de franchises par le biais de chartes qui n'abolissent pas mais réduisent les privilèges seigneuriaux en accordant notamment le statut d'homme libre à ceux qui ne l'étaient pas. Ces chartes coutent cher mais les villages n'hésitent pas à s'endetter pour les acquérir : les bénéfices en sont énormes. Certaines deviennent un modèle comme celle de Lorris en Gàtinais octroyée par Louis VI et reconfirmée par Louis VII ou de Beaumont en Argonne. Dans le Nord on considère qu'un village sur deux ont obtenus une charte. La part d'arbitraire des redevances disparaît : elles deviennent fixes. Les profits de la seigneurie banale l'emporte sur la seigneurie foncière.

V. La condition paysanne

A) Le statut des paysansLe Haut Mayen-Age, c'est à dire la période carolingienne, a fait disparaître

l'opposition romaine entre libre et esclaves mais a introduit diverses formes de dépendances pour les hommes comme pour la terre avec notamment (pour faire simple) des hommes libres (vilains) et des non-libres mais pas esclaves (serfs). Au XIe siècle il y a encore des affranchissements de serfs mais le servage tend à régressé (en tenant compte de différences régionales. La plupart des sources des XIe et XIIe siècle voit apparaître dans les campagnes une population paysanne (rustici) qui s'oppose à un groupe en train d'émerger : les chevaliers (milites).

Néanmoins au sein du groupe paysan il y a des différences de statut mais quoi qu'il arrive la seigneurie banale s'applique à tous (ce qui est différent pour la foncière).

• Les alleutiers qui détiennent un ou plusieurs aleux dont ils ont la pleine propriété et en étant libre tout en étant soumis à la seigneurie banale mais non à la foncière. On en trouve plus dans le Sud que dans le Nord. On les connait mal et on les perçoit seulement dans les sources lorsque les paysans s'en séparent (don à un monastère, vente...). Ces propriétés sont souvent trop petite pour subvenir aux besoins d'une famille ce qui crée un double statut de alleutier/tenancier.

• Les tenanciers qui « tiennent les terres du seigneurs », libre ou non ils sont soumis à la seigneurie foncière. Sur les serfs pèsent quelques taxes supplémentaires :

1. Le chevage, apparu tardivement au Xe siècle, c'est une redevance annuelle peu couteuse mais symbolique : le serf doit poser sur son chef quatre deniers qu'il donne au seigneur en s'inclinant en signe de soumission.

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2. La main morte : droit du seigneur sur une partie de la succession du serf3. Le formariage : lorsqu'un serf se marie avec une personne d'une autre

seigneurie ou d'une condition différente.Les serfs sont dit « hommes de corps », ils ne peuvent pas se porter parti civil en

justice ni rentrer dans le clergé excepté en tant que moine. Attention un libre peut avoir une terre dite servile ou l'inverse.

Les progrès agricoles et les grands défrichements suscite un aménagement juridique nouveau. Les paysans nouvellement installés sont dits « hôtes » et sont souvent non-libre, pour inciter les serfs à venir on leur accordait souvent la liberté. Mais pour éviter une trop grande fuite vers les nouvelles terres défrichées, les seigneurs ont dut accorder les mêmes droits à leur terroir.

Entre les habitants d'un village il existe d'importants clivages entre habitants notamment celui entre laboureurs et brassiers (ou manouvrier), entre ceux qui détiennent une charrue et ceux qui travaillent avec leurs mains. Surtout dans le Nord où la terre est lourde. Dans le Sud on peut utiliser encore l'araire bien moins cher.

Le servage diminue mais face aux difficultés économiques de certains paysans, ils renoncent à leurs libertés pour se placer comme serfs dans des seigneuries. L'essor agricole est certes agent de progrès mais de différenciation sociale parallèlement au développement de l'économie monétaire dans les campagnes.

B) La vie paysanneLa famille paysanne (en terme de feu) est difficile à appréhender (un feu = combien

de paysans ?). On a un progrès de la famille nucléaire, on utilisait l'expression « à feu et à pot). La fonction seigneuriale oblige le paysan à fournir un effort supérieur à celui qui lui suffirait pour subsister. Le paysan produit aussi une partie de son outillage et de ses vêtements.

C'est une existence fragile pour une centaine de jours de repos (mais seulement des dimanches et des fêtes religieuses). Le déséquilibre arrive très vite : une année de mauvaise récolte et c'est la disette, plusieurs, c'est la famine.

Se produisent des mouvements de contestations pour protester contre l'encellulement général (R.Fossier) de la société et contre les mauvaises coutumes. Ils se sont combinés avec une dimension religieuse ce qui donne lieu à une grande répression comme en Anjou. D'une manière générale au XIIe siècle beaucoup de campagnes ont subit ces révoltes comme le Lyonnais dans les années 1160. C'est ''normal'' dans un mouvement d'ajustement des rapports sociaux.

C) Le villageC'est en son sein que s'exprime la solidarité paysanne et l'ensemble de la vie

rurale. Il témoigne de la conscience qu'ont les paysans d'appartenir à la même communauté. Il y a des villages ouverts, fermés, ''rue'' mais aussi de nouveaux villages suivant une organisation urbanistique géométrique.

Les liens de solidarité s'expriment de manière multiple mais notamment par l'organisation des moissons à l'échelle du village.

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Il existe des lieux de rassemblement importants comme le puit, le lavoir, le cimetière, l'église... Il y a quelques artisans notamment le forgeron qui bénéficie d'un fort prestige à l'inverse du meunier.

D) La paroisseCirconscription à vocation religieuse. Le réseau paroissiale s'est constitué

lentement, le maillage se met en place presque partout au XIIe siècle en liaison avec la réforme grégorienne. Elle s'inscrit dans une circonscription plus grande, le diocèse. C'est dans cette petite circonscription que les habitants doivent participer à la messe hebdomadaire, le curé est chargé vérifier la présence de tout le monde. Il n'y a qu'une église paroissiale par paroisse. On enterre de nouveau les morts dans le village, on traverse régulièrement le cimetière qui est un espace sacré et un lieu d'asile comme l'église. Au XIIe siècle c'est un lieu de prédication ou même de réunion. Il fallait régulièrement rappeler qu'il est interdit de tenir foire ou marché dans cet espace sacré.

L'Église encadre les habitants de leur naissance à leur mort par les sacrement notamment le baptême qui intervient très tôt dans la vie. Elle rythme la vie au son de ses cloches et des fêtes. Elle conditionne le calendrier des travaux agricole. Le terme de curatus (curé, celui qui soigne les âmes) n'apparait qu'au XIIe siècle mais on peut l'utilisé avant. C'est un personnage de tout premier plan et son rôle est encore renforcé après le concile de Latran IV en 1215 parce qu'il impose à tous les fidèles de communier et de se confesser au moins une fois par an à Pâques dans sa paroisse. En cas de voyage on se fait faire une attestation par une autre Église. On ne communiait pas beaucoup au Moyen-Age, c'était impressionnant on en avait peur (consubstantation) il fallait confesser avant sous peine de remettre en cause son salut.

A partir du XIe siècle commence à se développer ce que l'on appelle des confréries qui prennent leur essor au XIIe. Souvent sous la protection du Saint-Esprit ou d'un Saint elles se divisent en deux type:

• Les confréries de pénitences : Sud de la France et Italie

• Les confréries de charités : Nord, entraide

La habitants des campagnes sont pris dans de multiples structures d'où le terme d'encellulement de la société (à plusieurs échelons).

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Empire, Papauté et Royaumes au temps de la réforme Grégorienne : XIe – XIIIe siècle

L'Église catholique qui domine en Occident (plus en orient depuis 1054) et l'essentiel de la population à l'exception des communautés juives, musulmanes et hérétiques y adhèrent : l'athéisme n'existe pas ou presque. L'Église c'est une doctrine mais aussi une institution « divine » qui est engagée dans l'histoire humaine.

A partir du XIe siècle une profonde mutation s'opère au sein de l'Église d'Occident est communément appelée la Réforme Grégorienne (du nom de Grégoire VII) mais a commencée en 1050 et a fini bien après sa mort. C'est une réforme complexe avec des enjeux multiples.

L'Église, pouvoir à vocation universelle se heurte à un autre pouvoir à vocation universelle : l'Empire. La lutte qui les opposent atteint une rare violence et elle ne s'achèvera qu'au XIIIe siècle (1250/1273). Très souvent les Papes vont expérimenter différentes solutions dans les royaumes qu'ils vont ensuite tenter d'imposer à l'Empire. Cette lutte sacerdotale qui va être un véritable drame pour l'Empire va accentuer la montée en puissance des royaumes. Le Pape pourrait apparaître comme vainqueur à la mort de Frédéric II mais c'est en fait le Royaume de France le grand gagnant qui domine l'Occident alors.

Cette querelle a des incidences ecclésiologiques (science de l'Église, façon dont l'Église se conçoit). La querelle éclate aussi entre le Pape et les évêques. La réforme connait un premier tournant le 23 septembre 1122 qui met fin à la querelle des investitures à Worms. Le Pape peut célébrer sa ''victoire'' en réunissant un concile œcuménique (mais il manque les byzantins donc plutôt ''général')' à Latran I en 1123, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. En 1250 le Pape dépose l'Empereur ce qui constitue l'apogée de la théocratie avec Innocent III et IV. Mais les papes n'ont pas vu les États monter en puissance et à la fin du XIIIe l'affrontement entre Boniface VIII et Philippe le Bel voit la papauté perdre la bataille du pouvoir temporel.

I. La réforme grégorienne, idéologie et pratique

A) L'institution pontificaleLe Christ a choisit Pierre comme le premier de son Église. On a donc pris l'habitude

de désigner comme père de tous les autres évêques l'évêque de Rome (il ne faut pas oublier qu'il coexistent avec les patriarches). Il dispose d'auxiliaires pour administrer son diocèse : les cardinaux de l'Église romaine. Ce n'est pas un grade mais seulement une distinction. Il existe des cardinaux diacres ou prêtres pas seulement évêques.

Les Papes ont l'habitude de répondre par écrit : décrètale puis des bulles. Ils ont des représentants permanents ou provisoires : des légats (au XVIe ils deviendront des nonces). Il peut excommunier les clercs comme les laïques mais aussi jeter l'interdit sur un diocèse ou sur un Royaume ce qui est une sanction très lourde car le peuple devient mécontent : il ne peut plus y avoir de célébration ou de sacrement sur des territoires interdits. Il peut déposer un évêque considéré comme indigne.

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B) Une papauté sous tutelleAu Xe siècle la papauté tombe aux mains de familles romaines qui font et défont les

papes à toute allure. En un siècle on a 33 papes souvent peu digne de leur fonction. En 962 le titre impérial est rétablit avec Otton. Il considère qu'il est de son devoir de veiller à la dignité de la fonction pontificale.

Sans retrouver son indépendance, la papauté s'améliore notamment lorsque Otton III désigne Gerbert d'Aurillac qui prend symboliquement le nom de Sylvestre II (Sylvestre I était le Pape sous Constantin). Ils veulent réaliser une renovatio imperii. Mais ils meurent rapidement ce qui crée une crise dans l'Empire. En 1033 Benoit IX a obtenu le pontificat par simonie (introduction de l'argent dans les choses sacrées). L'empereur Henri III est furieux et désigne successivement divers souverains qui meurent naturellement mais vite. Ce sont des évêques allemands (Clément II et Léon IX) qui lancent le grand mouvement de réforme. La papauté est encore contrôlée mais en a fini avec la tutelle de l'aristocratie romaine. Les Papes ont conscience qu'une vaste réforme s'impose. Le clergé doit être repris en main, en proie à la simonie et au nicolaïsme. C'est une réforme qui part du sommet et ça il ne faut pas l'oublier.

C) La Libertas EcclesiaConcept de la liberté de l'Église qui revient souvent dans la controverse entre Pape

et Empereur. Il dénonce l'ingérence des laïques dans les affaires de l'Eglise. Aux yeux de l'Église la notion a aussi une dimension morale. Si elle revendique cette liberté c'est qu'elle estime qu'elle est une institution particulière ayant une nature et une fin différente que celles des États. De cette affirmation deux conséquences en résultent :

• L'Église d'un côté, le pouvoir politique de l'autre, constituent deux domaines radicalement différents. Charlemagne avait considéré qu'il pouvait diriger les deux (césaro-papisme).

• Un est supérieur à l'autre : on affirme de manière plus ou moins explicite la supériorité de l'Église sur le pouvoir temporel ce qui est à l'essence du conflit. Seul les clerc (ceux qui ont reçus au moins un des sacrement des ordres) et en premier lieu le Pape prennent en charge le salut des fidèles. Ils ont le pouvoir des clefs.

Renouveau spirituel interne à l'Église s'appuyant sur les moines qui ont déjà pris l'initiative de se réformer grâce à l'impulsion de Cluny. Ils jouent dès le début un très grand rôle dans la réforme grégorienne mais le pape considère que la réforme vient du sommet. Cette réforme qui vient d'en haut, de la papauté n'a été possible que parce que les ficèles la souhaitait.

Un premier Concile provinciale se tient à Reims en 1099 où les légats du Pape déposent plusieurs évêques considérés comme indignes. Il y a véritablement depuis le sommet jusqu'à la base des personnes désireuses de cette réforme. Parallèlement on affirme la primauté du spirituel dans la conduite des affaires de l'Église (conflit Pape / Empereur à venir, pour le moment Henri III y est favorable).

Les deux maux dénoncés par le clergé sont la simonie et le nicolaïsme. Deux manquements fréquents.

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D) Une réforme indispensableLa réforme doit son nom à un des principal protagoniste d'une réforme lancé par

Léon IX : Grégoire VII. Elle se poursuit jusqu'au XIIe siècle. C'est un mouvement de réforme vaste et complexe ayant de multiples implications au delà du strict cadre religieux et monastique. Elle est capitale par de nombreux aspects à commencer par la querelle des investitures (lutte entre Papes et Empereurs pour nommer les évêques) mais aussi par des visées beaucoup plus profonde en établissant une distinction claire entre laïc et clerc en luttant contre la simonie et le nicolaïsme ce qui devrait affirmer la supériorité de ces derniers. Il faut aussi renforcer l'encadrement des fidèles par les clercs et affirmer la supériorité du souverain pontife sur l'ensemble de l'Église. Les évêques doivent être soumis à Rome. Le pouvoir pontifical sera petit à petit centralisé, transformant le pouvoir du Pape au XIIIe siècle dans un régime théocratique.

C'est une réforme dites « séparante » car elle distingue clercs et laïques définitivement. Aux uns le sacré aux autres le profane. Le mouvement s'appuie non seulement sur l'appareil monastique mais aussi sur la redécouverte des études juridiques, du droit canon et romain. Les réformateurs veulent soustraire l'Église à l'empiètement des laïcs : ni les familles romaines ni l'empereur ne doivent interférer. On assiste aussi à l'échelon local à des laïcs possédant des églises qui s'en séparent pour les restituer au clergé.

La papauté considère qu'elle a un droit de regard sur la bonne conduite morale des rois qui se doivent de montrer l'exemple. A la fin du XIe siècle l'Église excommunie Philippe Ier car il renie sa femme se qui s'inscrit dans la volonté de faire du mariage un sacrement. A partir de 1049 les souverains pontifes vont reprendre les choses en mains.

E) L'action des souverains pontifesLéon IX doit aussi affirmer son autorité en Italie en luttant notamment contre la

présence des Normands et intervient dans différents débats théologiques notamment entre l'abbé de Bec (clergé régulier), Lanfranc et l'écolâtre (responsable de l'enseignement) Béranger de Tours (clergé séculier) autour de la communion. Il doit faire face également au grand Schisme pour lequel on pensait la réconciliation proche.

Etienne IX meurt très rapidement empoisonné mais c'est sous son pontificat que Humbert de Moyenmoùtier (prélat lorrain) publie un traité advertus simoniacos (contre les simoniaques) où il affirme que la simonie est hérésie. Or l'hérésie concerne normalement le dogme, la faute devient beaucoup plus grave et les sacrements simoniaques deviendraient invalides... ce qui est compliqué dans la mesure où les baptêmes ne peuvent pas être réitérés. Le débat s'ouvre dans l'Église entre les rigoristes et les modérés qui l'emportent par le bon sens.

La noblesse romaine tente de reprendre le pouvoir d'où l'importance du court pontificat de Nicolas II où le 13 avril 1059 un décret pris à Latran (cathédrale de Rome où officie le pape en tant qu'évêque) affirme que les évêques cardinaux éliront à l'avenir le Pape.

Dans le clergé il y a huit degrés dans les ordres au Moyen Age, quatre mineurs (portiers, lecteurs, acolyte et exorcistes) pour lequel le célibat n'est pas imposé et quatre majeurs (sous-diacre, diacre, prêtre et évêque). N'importe quel clerc peut être cardinal et le Pape n'est que l'évêque de Rome. L'archevêque est l'évêque de la province ecclésiastique gérant plusieurs diocèses.

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Le Pape devient indépendant, il « salut l'empereur ». Les évêques allemands condamnent cette décision et cassent les décrets sous l'impulsion de l'empereur. Nicolas II est aussi celui qui fait évoluer l'Église dans une direction modérée sur la question des sacrements.

Alexandre II, ancien évêque de Luc s'est illustré dans le mouvement réformateur de la Pataria, associant prêtres et laïcs pour réclamer un clergé digne. Il a contre lui l'aristocratie romaine et l'empereur. Il poursuit tous les prêtres indignes et généralise l'envoie de légats qui ont une autorité directe pour inspecter les diocèses, leur autorité valant loi pour les évêques.

En 1076 arrive Grégoire VII, Hildebrand, d'origine modeste de Toscane, il fut le conseiller de plusieurs papes et a eu une grande influence sous Alexandre II. Il est instruit et intelligent et est convaincu de la nécessité de la réforme et veut rendre indépendant la papauté. Partisan de la ligne modéré il met en ordre les États de l'Église. Il multiplie les « légations » avec notamment Hugues de Die archevêque de Lyon. En 1074 il publie une série de décrets réformateurs déposant les simoniaques. Le synode (sorte de concile à l'échelle d'un diocèse) de Paris déclare que la loi du célibat est « contraire à la raison ».

Seulement il pense que tant que les évêques seront nommés par les souverains, la réforme ne passera pas. Il veut donc supprimer l'investiture laïc. Lors d'un synode il publie 27 courtes propositions : les dictatus papae. Document étrange car il ressemble plus à un document de travail qu'à une publication papale. Il est très virulent notamment vis à vis de l'Empereur. La suprématie du spirituel sur le temporel est donc clamée haut et fort. Le Pape peut déposer l'Empereur et délier les sujets de leurs serments de fidélité.

Les laïcs doivent céder leurs églises et Cluny récupère des milliers de domaines de cette façon.

II. Papes, Empereurs et Rois

A) Le Pape et les RoisEn Espagne il y a pratiquement pas de simonie donc peu de problème, en

Normandie et en Angleterre, Guillaume a anticipé la réforme et a chassé les simoniaques. En France le conflit n'est pas très virulent car l'épiscopat ne joue pas le même rôle que dans l'Empire. Les légats peuvent agir dans le royaume et les deux cas d'excommunication de Roi n'ont lieu d'être qu'à propos d'affaires conjugales. Yves de Chartres spécialiste du droit canon se rend compte qu'il faut élaborer un compromis pour distinguer une double investiture des évêques. La charge spirituelle revient au Pape tandis que le pouvoir temporel revient au souverain.

B) L'affrontement entre la Papauté et l'EmpireLe conflit prend une ampleur impressionnante car il met aux prises deux pouvoirs à

vocation universelle. Les électeurs de l'Empereur sont certes les grands ducs mais il y a aussi des archevêques et ils ont des pouvoirs extrêmement important (l'empereur n'a aucune envie de voir ces places aux mains de la papauté). La lutte est longue et violente.

On assiste d'abord à un guerre provoquée par la déposition et l'excommunication de Henri IV par Grégoire VII. Il riposte en déposant le pape et en nommant un anti-pape en janvier 1076 au synode de Worms. Les sujets de l'Empereur sont alors déliés de toute obligation envers l'empereur et ce dernier est obligé de venir faire pénitence à Canossa.

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L'excommunication est levée mais les relations restent tendues. Le conflit va reprendre avec Henri V notamment lorsqu'il vient à Rome en 1111 pour son couronnement. Le pape et fit prisonnier, le conflit s'éternise et un compromis est finalement trouvé au concordat de Worms le 23 septembre 1122 avec deux déclarations symétriques autour du compromis d'Yves de Chartres : les évêques seront élus par les chanoines du chapitre cathédrale. C'est le Pape qui confère à l'évêque désigné l'investiture spirituelle et qui lui remet un double symbole : la crosse et l'anneau.

Le conflit rejaillit entre Frédéric Barberousse puis Frédéric II (le concile de Lyon, ville d'Empire dépose l'Empereur) et la papauté. C'est l'apogée de la théocratie pontificale : pendant 23 ans il n'y a pas d'empereur. Mais ce n'est pas vraiment une victoire de la papauté puisque les Royaumes d'Angleterre et de France ont pris de l'importance. Ce sera le conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII.

Cette lutte impitoyable a aussi favorisée la réflexion et l'élaboration théorique d'une réflexion sur le sens du pouvoir pontificale, et outre la notion de la Liberta Ecclesiae c'est la mise en place de la Plenitudo Potestatis (la plénitude du pouvoir pour le Pape) alors que jusqu'à présent il était d'usage de distinguer deux notions : la potestas (pour l'Empereur)et l'auctoritas (pour le Pape). C'est la situation inverse de celle de l'époque carolingienne.

III. La primauté romaine

A) Les implications ecclésiologiquesLa suprématie de l'évêque de Rome était admise en raison du prestige de la ville où

Pierre et Paul ont été martyrisés. Les carolingiens ont renforcés ce prestige en cédant au pape les terres autour de Rome.

Cluny prend de l'importance par son lien intrinsèque avec la papauté (cardinaux, Urbain II...), multiplie les références à Rome, accueille l'élection et le décès d'un pape. Elle se pense comme une deuxième Rome et obtient le privilège d'exemption qui lui permet d'échapper à la tutelle spirituelle et matérielle à l'évêque du diocèse. En 1124 ce privilège est augmenté à tous les clunysiens.

La réforme grégorienne comme toute réforme au moyen age n'a pas voulut faire du nouveau mais une restoratio, une renovatio. Mais en réalité c'est quelque chose de vraiment nouveau qui a changé les relations entre l'Église et le pouvoir temporel mais aussi avec les fidèles. La primauté de Rome est affirmée pour de bon. Désormais Rome revendique la primauté sur tous les évêques, sur toutes les Eglises...

B) Théocratie et pouvoirs du PapeDésormais le pouvoir temporel des souverains pontifes va se renforcer et c'est à

cette conception des prérogatives du Pape qu'on va donner le nom de théocratie. Le pape revendique des territoires et des pouvoirs politiques au titre d'une souveraineté temporelle remontant à une période ancienne et s'appuyant sur des (faux) documents comme la donation de Constantin. Le pape revendique un droit d'intervention dans la conduite même des royaumes (gouvernés par des rois) au nom du principe ratione pecati (en raison des pêchés). C'est cet aspect qui va susciter des tensions avec l'Empereur et le Roi de France car il va devenir le premier des souverains. Le Pape est l'autorité suprême.

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Il va encourager la reconquête en Espagne et accorde l'indulgence plénière aux chevaliers partant faire une guerre « juste » amenant la réflexion vers les croisades (en 1095 au Concile de Clermont).

C) Les entreprises de la papauté5 min à rattraper.

Seul les papes peuvent décider du départ d'une croisade et les entreprises de la papauté déclinent avec une apogée de ce déclin en 1204 avec le pillage de Constantinople par la quatrième croisade.

Le Pape est le gardien de la doctrine, il doit donc dénoncer les erreurs et lutter contre les hérésies (ceux qui adhèrent à une hérésie font un choix). En occident depuis l'an Mil les hérésies sont de retour :

• Entre l'an Mil et 1050 : Léon IX « les hérésies pullulent en Gaule », il s'agit d'une série de mouvements dispersés en Aquitaine et dans le Nord de la France. En 1022 à Orléans, un hérésie est découverte qui inquiète la royauté car elle concerne des proches du roi.

• Entre 1050 et 1120 : on ne parle plus d'hérésie, il ne faut pas pour autant conclure sur la disparition des hérésies, il faut plus en déduire une prudence de la part des hérétiques et surtout la papauté a plus important à gérer (réforme et conflit avec l'Empire).

• A partir de 1120 on signal des groupes en marge du clergé officiel en Italie du Nord, dans la vallée du Rhin et dans le Sud-Ouest de la France. Des prédicateurs diffusent des idées non conformes à l'orthodoxie.

On trouve aussi bien des hommes que des femmes, des laïcs mais aussi des clercs en désaccord avec l'Église. Il y a eu un vaste mouvement pour « revenir à une vie apostolique, une vie évangélique ». Les hommes du Moyen Age sont très préoccupés par leur salut. La voie des moines est considérée comme la plus propice des voies pour le salut. Sans pour autant rentrer dans les ordres, certains laïcs aimeraient se passer d'intermédiaires pour accéder aux textes ce qui est une spécificité du christianisme.

Certains laïcs s'interrogent : le monde change et il faudrait revenir à la vie des premiers chrétiens, aussi bien la pauvreté que l'accès à la parole, à la prêche.

Les hérétiques sont extrêmement divers :

• Certains animés par une haute spiritualité en critiquant la richesse, la puissance de certains clercs sans remettre en cause la croyance, les fondements du christianisme.

• D'autres comme les cathares ont une vision différentes du dogme : il prônent une doctrine religieuse qui s'agence autour de deux principes (le bien et le mal) qui se mènent une lutte. Ils considèrent que tout ce qui relève du monde ici bas, du matériel est mauvais, ils n'ont pas de clergé, seul les « parfaits » jouent un rôle (après un simple sacrement). Le problème est qu'on ne connait cette doctrine que par les textes de l'Église vu la destruction des archives cathares et les autodafés. L'hérésie se propage dans la région d'Albi et du Comté de Toulouse.

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• En 1123 à Latran, le conflit entre le Pape et l'Empereur réglé provisoirement, l'Église recommence à se préoccuper des hérésies (ainsi qu'à Latran II et III). Au concile de Latran III (1179) le pape constate le progrès de l'hérésie dans le Sud Ouest de la France. La papauté décide de coordonner les initiatives par l'envoie de légats. On envoie des prêcheurs ramener les albigeois dans le droit chemin (Saint Bernard). Les efforts ne payent pas et l'Église songe à des sanctions à partir de 1184, Lucius III se met d'accord avec Frédéric Barberousse sur la procédure à suivre : la décrétale Ad abolendam est publiée, elle précise qu'il appartient à l'autorité ecclésiastique d'enquêter sur le crime d'hérésie, de le constater mais il appartient à l'autorité laïque de faire appliquer les peines temporelles (saisi des biens et/ou emprisonnement dans un premier temps). Les fidèles sont tenus de dénnoncer les hérésies dont ils sont témoins.

• Innocent III (considéré par la prof comme le plus grand pape du Moyen Age) prend en compte certaines critiques adressées par les hérétiques au clergé. Il envoie un légat (Pierre de Castelnau de l'abbaye de Fonfroide) pour enquêter et il est assassiné par les hommes du comte de Toulouse, Raymond VI est alors excommunié et les habitants du comté ne sont plus tenus d'obéir au Pape. Les terres du comte sont considérés comme à conquérir. On détourne le mot croisade pour piller les terres du comte. Philippe Auguste n'intervient pas (l'Aquitaine est mal dominée à l'époque) et son fils y participe mais ce sont surtout les barons d'Île de France qui partent en guerre sous le commandement de Simon de Montfort jusqu'en 1229 où la paix est rétablit par le traité de Paris.

• Le pape se rend compte qu'il a été dépassé et le Pape essaye de ménagé le comte de Toulouse (Raymond VII) qui garde une parte du comté. Il accuse les croisés de répandre le sang des justes pour leurs buts personnels. En parallèle il encourage les initiatives de Dominique de Guzman (espagnol) de retour de la Scandinavie et envoyé sous mandat du Pape avec ses disciples pour prêcher dans le diocèse de Toulouse puis après 1215 (Latran IV) les frères prêcheurs dominicains sont reconnus dans toute la chrétienté. Ce ne sont pas des moines mais des chanoines qui suivent la règle de Saint Augustin établis comme ordre mendiant (à l'instar des franciscains). Le concile envisage mais à titre exceptionnel la peine de mort pour certains hérétiques (que pour les impénitents et les relapses). La lutte contre l'hérésie est considérée par la papauté comme une de ses prérogatives. En 1229 est mise en place l'Inquisitio. La procédure d'enquête change, ce n'est plus à l'accusé de faire la preuve de son innocence mais à l'accusation d'apporter la preuve de la culpabilité ce qui reforme l'ensemble du droit. L'Inquisition devient une institution et est confiée aux frères prêcheurs dominicains relevant exclusivement du Pape.

L'enseignement est aussi une prérogative de l' l'Église. Jusqu'au XIe les écoles les plus importantes sont monastiques. A partir de là les écoles monastiques se maintiennent pour usage interne mais ce sont les écoles au sein des cathédrales, les collégiales qui se développent. Au XIIe siècle des écoles naissent autour d'un maître renommé. Bologne et Paris acquièrent une véritable réputation. Sur la rive gauche de Paris (non soumise à l'autorité de l'évêque) est créé ce qui deviendra le quartier latin des universités. L'enseignement doit être gratuit depuis Latran III et doit être dispensés à tous ceux qui ont les capacités de le recevoir. Mais comment dès lors rémunérer les enseignants ? Les voir venant de dieu si sa transmission est rémunérée cela s'apparente à la simonie.

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Les étudiants et les professeurs ont commencé à s'organiser pour faire front face à l'Église en constituant des association (universitas/tates). Les grands centres s'imposent rapidement : Paris et Bologne puis Oxford et Cambridge. On y enseigne les arts libéraux : le trivium (grammaire, rhétorique et dialectique) et quadrivium (musique, astronomie, arithmétique et géométrie). A Paris hiérarchiquement ce sont la faculté de médecine, de droit canon puis de théologie qui s'ouvre alors aux élèves.

L'activité législative augmente de plus en plus et le droit canon prend une réelle importance. Le Pape recours à des légats dont l'autorité est supérieure à celle des évêques.

D) Renforcement de la papautéAu XIIIe siècle une administration étoffée se met en place pour gérer les affaires en

dissociant les affaires étrangères, la trésorerie et surtout la chancellerie qui regroupe un nombre de plus en plus élevé de clercs. Le trésor du pape est transféré à la chambre pontificale qui dès les années 1220 est dirigé par un cammérier. On assiste à la mise ne place de la théologie pontificale.

La société féodale et chevaleresqueA l'exception de la Normandie et de la Flandre, le pouvoir des princes se morcellent

et le pouvoir s'exerce de plus en plus à l'échelle des châtellenie par les détenteurs de châteaux. Le symbole du pouvoir est le château, la puissance des châtelains sur les paysans et sur leurs rivaux s'expriment souvent par la violence. Le Château traduit la militarisation de la société aristocratique. Dans ce processus la haute aristocratie a besoin de se trouver des auxiliaires, des défenseurs et petit à petit émerge le groupe des chevaliers (milites). Les relations féodo-vassaliques se mettent en place (à ne pas confondre avec le système seigneurial aboli depuis longtemps). Elles visent à limiter la violence par l'enchevêtrement des liens de fidélité et de descendance.

I. Le châteauC'est le signe d'un privilège social (droit de ban) qui suppose d'être assez riche et

puissant pour construire et entretenir le château.

A) La puissance militaireCela transforme le système de défense : la surface fortifiée est souvent restreinte

mais symboliquement il est important car il assure l protection de la population dans un certain rayon. Les modes de constructions ont rapidement évolués mais le château est toujours construit en hauteur sur une motte naturelle ou artificielle. Cette motte est entourée d'une ou deux enceintes avec un donjon en son cœur. Un fossé, des palissades ou des haies sont ajoutées. Des bâtiments annexes sont enserré dans l'enceinte. Le Donjon est soit placé à l'endroit le plus faible pour le renforcé ou le plus sécurisé pour en faire un bastion de dernier recours. L'architecture évolue, le donjon passe de bois à pierre, de carré à circulaire.

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B) Le pouvoir de commandementLe château est l'illustration de la seigneurie banale et … c'est tout Oo (qui a dit

foutage de gueule ?)

II. Les chevaliers

A) Un nouveau groupe socialLe terme de miles apparaît en maconnais en 971 mais il faut attendre 1057 pour le

trouver en Catalogne. C'est celui qui combat à cheval. Les chevaliers peuvent être hébergés, nourrit à la cour d'un châtelain. Dans l'empire il existe une catégorie très particulière de chevalier serf, alors que partout ailleurs il faut être libre pour devenir chevalier. Il faut aussi avoir fait ses preuves et avoir été adoubé. Cela inclut un rituel religieux à partir du XIIe (prière et bénédiction de l'épée). L'hérédité ne suffit pas.

B) L'activité guerrièreL'armement du XIe est hérité des temps carolingiens mais très vite il évolue et se

perfectionne. On ajoute des étriers et on ferre les chevaux. Le haubert remplace la brogne et le heaume apparaît. Le bouclier évolue aussi pour devenir l'écu. L'armement offensif reste très lourd : le glaive est remplacé par une épée très lourde à manier à deux mains auxquels est ajoutée une lance pour désarçonné son adversaire.

L'équipement coute très cher : pour un simple haubert (plaque de métal non articulé) ou un cheval on considère qu'il faut déboursé l'équivalent d'une tenure paysanne.

C) Chevalerie et noblesseLes lignages nobles affirment leur supériorité, la transmission du caractère noble ne

se transmet plus par la mère mais par le père. Bloch dans la Société Féodale estimait que les familles nobles de la société carolingienne avaient disparu et qu'un nouveau groupe apparaissait à l'époque féodale. Des historiens travaillant sur les régions périphériques du Royaume de France ont constatés que l'héritage carolingien étaient important : on considérait une différence claire entre noble et chevalier. Mais les descendants des nobles carolingiens sont rares. Duby constate en revanche en Maconnais que la fusion entre l'ancienne noblesse carolingienne et la chevalerie se réalise dès le début du XIIe. Dominique Barthélémy qui a contesté la thèse de la mutation féodale rejoins la théorie de Bloch : on ne peut opposer nobles et chevaliers qui apparaissent à un groupe social au mode de vie commun. Il n'y a pas au XIe siècle de noblesse consciente de sa spécificité et de ses intérêts communs.

D) Un style de vie commun à l'aristocratieIl faut montrer que l'on est noble, aristocrate et cela se traduit par l'abondance, la

largesse. Dans une société où la famine guette il faut montrer sa richesse à commencer par un château qui est aussi un lieu de prière personnel. On assiste à la naissance d'une société de cour (ouverture aux arts) notamment à la cour d'Aquitaine et de Champagne puis du Roi de France.

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Être aristocrate c'est appartenir à un lignage (avoir un pédigrée en gros) et il est essentiel de réserver l'héritage à un seul fils (pas nécessairement l'ainé). Aux autres reviennent l'héritage de la mère, le clergé ou l'aventure (croisade). Les filles sont dotées ou envoyées au couvent. Quelques propriétés sont gérées en indivision mais c'est très rare et source de conflit (interdit en France rapidement).

Le mariage joue un rôle majeur : il sert à accroitre la puissance et à préserver le patrimoine. On épouse souvent des femmes avec qui il y a un lien de parenté peu éloigné pour conserver le patrimoine dans la famille. On n'hésite pas à répudier les femmes qui ne donnent pas d'enfant à leur mari.

L'Église elle veut mettre en place un sacrement pour le mariage, monogame et insoluble pour les questions de consanguinités.

Dans l'aristocratie le mariage intervient tard car il faut attendre la mort du père pour s'installer. La notion de jeunesse est très relative au Moyen Age.

Le rapprochement qui s'opère entre noblesse et chevalerie ne tient pas seulement à la communauté des armes, au mode de vie ou à la diffusion d'une même idéologie mais également aussi aux stratégies matrimoniales : très vite l'ancienne noblesse et la société chevaleresque s'allient par les mariages. A partir du XIIe siècle on commence à établir des généalogies pour établir un lignage.

G.Duby montre que plus on est à un degré élevé de l'aristocratie plus on se soucie de fiare remonter loin ses ancêtres voire de se revendiquer d'un ancêtre mythique pour établir cette preuve de noblesse. Il a examiné la famille des comtes de Flandres (ayant leur généalogie depuis Charlemagne) et la les petits seigneurs de Gignes (ne remontant pas avant l'an Mil). L'individu se sent noble puisqu'être noble c'est se réclamer d'ancêtres communs, se référer à une généalogie. C'est à cette période que se fixe les noms de famille et apparaissent les armoiries (afin de se reconnaître sur le champ de bataille). La force et le courage sont les vertus exaltés par les chevaliers avec la loyauté, la fidélité et a largesse.

La littérature courtoise relate ces exploits guerriers et amoureux. Cela traduit les difficultés des jeunes chevaliers et la toute puissance de la Dame (épouse du seigneur) mais aussi la vaillance mise au service aussi bien du seigneur, de Dieu ou de la Dame. Il est difficile d'apprécier le degré d'instruction de cette aristocratie laïc mais on peut affirmer, notamment dans l'Ouest (Aquitaine) que l'aristocratie n'était pas inculte mais aussi la cour de Champagne, de Flandre et celle du Roi.

III. Les relations féodo-vassaliques

A) L'hommage La vassalité est antérieur à la féodalité, la transition s'effectue autour de l'an Mil. La

terre demeure la base du pouvoir. On a des relations de dépendance au sein de l'aristocratie.

Un paysan n'est jamais le vassal de son seigneur, il faut être aristocrate pour être vassal.

Ces relations s'articulent autour d'un élément personnel (lien vassalique ou fidélité) et d'un élément réel (le fief).

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Le vassal s'engage auprès de son suzerain par le biais d'une cérémonie : l'hommage. Les deux hommes sont alors liés par un lien personnel : la vassalité.

Cette commendatio (recommandation) ou cérémonie de l'hommage est organisée selon un rituel stricte : le vassal agenouillé place ses mains dans celles de son seigneur (immixtio manurum), c'est un signe de dédition, c'est à dire que le vassal se donne au seigneur. Le seigneur relève le vassal et parfois s'en suit un baiser de paix. Le vassal prête serment sur la Bible ou sur des reliques.

L'hommage était souvent omis dans le Sud au profit d'un serment et d'un contrat écrit. L'écrit est plus développé dans le Sud du fait de la survivance du droit romain. Dans certaines régions de l'ancien royaume de Bourgogne l'hommage ne se généralise qu'entre le XIIe et le XIIIe siècle.

Il existe une forme d'hommage particulière : l'hommage en marche qui intervient lorsque le vassal est un personnage puissant. Plutôt que de le faire venir à la cour du suzerain, les deux se déplacent jusqu'à la limite du fief. En France cela ne concernait presque uniquement le Roi d'Angleterre pour la Normandie (le roi de France ne peut être vassal de quiconque).

Le suzerain et son vassal sont tenus à un certain nombre d'engagements, en cas de rupture de ceux ci on peut déclarer le fautif félon. Le vassal doit conseil, aide militaire et matériel. Il doit servir son seigneur à la guerre dans le cadre d'une ost (régulière, voire annuelle) ou d'une chevauchée (40 jours max pour une situation particulière). Il doit garder le château et seconde le seigneur pour rendre la justice. L'aide financière est imprécise au XIe siècle et ne se fixe que progressivement au XIIe autour de quatre situations (aide aux quatre cas) :

• Rançon du seigneur

• Adoubement du fils ainé du seigneur

• La dot de la fille ainée du seigneur

• Le financement du départ en croisadeLe seigneur doit entretenir son vassal dans un château ou lui confier un fief.

D'après l'archevêque de Chartres, Fulbert, le vassal s'engageait avant tout surtout à ne pas nuire à son seigneur.

B) Le fiefLe fief est un ensemble de terres et de droits que le seigneur remet à son vassal

pour lui permettre de le servir. Il est constitué le plus souvent d'une ou plusieurs seigneuries. Au fur et à mesure (XIIe siècle) que se réaffirme les pouvoirs des ducs et des comtes au détriment des petits châtelains, on voit apparaître des fiefs de reprise (on laisse aux châtelains leurs châteaux illégaux mais reconnaissent détenir un fief).

Le fief de bourse est utilisé essentiellement par les Rois en temps de guerre. Pour acquérir des fidélités par le biais de versement régulier. En cas de non respect il suffit d'arrêter le versement. C'est très utile notamment en cas de guerre car on peut acquérir des fidélités hors du royaume.

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La remise du fief se fait par la cérémonie d'investiture qui suit l'hommage en remettant un symbole : motte de terre ou bâton. Un fief ne peut pas être abrégé (on ne peut pas en enlever un bout).

Si le vassal n'accomplit pas ses obligations le seigneur peut, après un jugement, déclarer la commise du fief. C'est une opération risquée, il faut que le suzerain soit nettement plus puissant que le vassal.

La mort d'un des deux contractants implique de refaire la cérémonie. Un même homme peut être vassal de plusieurs seigneurs ce qui pose problème en cas de conflit entre deux seigneurs. On décide de déclarer prioritaire un hommage, c'est l'hommage lige.

Il est fréquent que des chevaliers soient vassaux mais aussi aleutiers (ils détiennent leurs propre terres) ce qui leur confère une certaine indépendance.

La vassalité pouvait s'accompagner de remise de bien (le bénéfice) à l'époque carolingienne, mais il devient à l'an Mil systématique, instaurant une hiérarchie au sein de l'aristocratie et comme le bénéfice le fief s'inscrit dans l'hérédité. A chaque renouvellement d'hommage le seigneur perçoit un droit de relief (il relève le fief).

Selon les régions les relations féodo-vassaliques sont inégales. C'est entre la Loire et le Rhin que le modèle classique s'impose, alors que dans le Sud les notions sont plus tardives et plus floues. En Germanie les institutions sont elles très particulières : l'élément réel prédomine sur l'élément personnel à tel point que l'investiture apparaît en Allemagne comme la cause du contrat : parce qu'il y a remise d'un fief il y a une relation vassalique.

En Sicile la conquête normande n'a pas réussi à implanté la féodalité alors qu'on trouve cette féodalité d'importation en Angletterre mais aussi dans les États Latin d'Orient.

Au XIe siècle le lien féodo-vassalique n'aboutit pas encore à une pyramide très structurée, elle n'intervient qu'au XIIe siècle dans la phase de reconstruction des pouvoirs conduite aussi bien par les princes que par les rois.

Le pouvoir royal dans le Royaume de France XIIe – XIIIe siècle

Le pouvoir est faible au début du XIIe siècle mai il entame une phase de reconquête de celui-ci. Cependant certains facteurs jouent en la faveur de la dynastie :

• Ils ont tous eu une succession

• Beaucoup de personnalité forte

• Contexte de renouveau intellectuel

• Beaucoup de légistes civils

• Le pouvoir royal peut s'appuyer sur des transformations économiques

• Erreurs faites par les Plantagenêts

• Croisade contre les Albigeois

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Le XIIe siècle est marqué par la mise en place d'un ordre féodal au sein des principautés et par la réaffirmation du pouvoir royal au détriment de celui des princes, les deux évolutions s'accomplissent parallèlement. On passe de la suzeraineté à souveraineté, le roi dépasse sa position de stade ultime de la pyramide féodale en devenant souverain du royaume et pas seulement en s'imposant par la puissance militaire mais aussi par sa justice.

I. Ordre et pouvoir royal

A) Vers un nouvel ordre princierLe XIe siècle est marqué par un morcellement des pouvoirs au détriment du roi et

des princes. Néanmoins cet affaiblissement est inégal puisque l'autorité publique se maintien en Normandie et en moindre mesures en Flandre. Au moment où la papauté étend la Paix de Dieu à toute la chrétienté, les ducs et les comtes vont à la fois s'appuyer sur ce mouvement mais aussi le récupérer pour se présenter comme les protecteurs de l'Église qui les appuient en ce sens : l'Église préfère avoir un seul interlocuteur puissant.

A la fin du XIIe la Champagne apparaît comme une principauté cohérente : les comtes font établir des registres où sont recensés leur deux mille vassaux. Les fiefs sont aussi bien des terres, des châteaux que des rentes (fiefs-rentes) et plus de la moitié sont des hommes-liges. Cela est permis par l'enrichissement considérable provoqué par les foires.

Le Duché de Bourgogne (et non le comté de Bourgogne appartenant à l'Empire) a vu apparaître sur sa périphérie un certain nombre de châteaux assurant aux comtes une certaine autonomie. Le domaine ducale est donc circonsit autour de quelques villes : Beaune, Dijon, Autun... Mais les choses changent et le duc va, grâce à l'appuie de l'Église renforcer son domaine en se faisant porte parole de la Paix de Dieu. Il récupère notamment le comté de Châlon et un certain nombre de château devenant des fiefs de reprise. Les hommages se multiplient dès la seconde moitié du XIIe siècle. L'évolution est plus lente qu'en Champagne mais quoi qu'il en soit au XIIIe siècle le pouvoir ducal est réaffirmé. Le Duc met aussi la main sur un certain nombre d'alleu en faisant jouer le mécanisme de la reprise. Il y aussi un essor économique en Bourgogne par le biais du conductus (sauf-conduit) accordé aux marchands moyennant finance pour assurer leur protection.

Ces ducs reprennent le contrôle du droit de fortification. On observe ces mécanisme en Anjou et en Flandre mais aussi, de manière moins simple en Aquitaine. Dans le Sud du Royaume la féodalité donne une impression d'inachevé puisque les grands princes ne parviennent pas à s'imposer.

B) Le roi dans l'ordre féodalAu XIIe siècle le roi est certes le Roi du Royaume des Francs mais surtout le chef

d'un petit domaine royal. Il va affermir son pouvoir face aux dirigeants des principauté en utilisant aussi bien la pression d'acquisition territoriales (forteresses royales) mais aussi l'établissement de la primauté royale :

• le roi des Francs ne peut être le vassal de personne

• argumentation sur les notions de royaume et de couronne

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Jusqu'à présent on parle de Royaume des Francs, ce sont les populations qui font le lien. Un certain nombre de principautés sont des fiefs et un certain nombre princes n'aiment pas cette situation. Le roi n'hésite pas à rappeler aux princes qu'ils détiennent leurs principautés au titre de fief. Le personnage clef pour l'établissement théorique de la primauté royal est l'abbé Suger (qui exerce la régence durant la croisade de Louis VII) en insistant sur le fait que toutes les principautés sont des fiefs. Lorsqu'un vassal est engagé auprès du roi son hommage est forcément lige. On se met à utiliser le terme de Baron pour parler des grands seigneurs alors qu'il était utilisé auparavant pour les petits seigneurs locaux.

Certains princes sont très réticents notamment Henri II de Plantagenêt qui contrôle au titre de fief les deux tiers du royaume : la Normandie, l'Anjou et le Maine, et la dot d'Aliénor d'Aquitaine.

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Philippe Auguste va beaucoup utiliser le fief rente pour acquérir des fidélités en Flandre en Hainaut et en Braban (régions impériales). Le roi ne peut prêter hommage à personne : en héritant du Vexin Normand le roi aurait du prêter hommage à Suger, abbé de Saint Denis, mais ce dernier refuse. Les rois de France n'ont fait la guerre qu'en dernier recours, ce qui explique la prospérité du royaume.

• Intervention des souverains dans la dévolution des fiefs dépendant de la couronne. Notamment dans les mariages.

• Lorsqu'il n'y a pas d'héritier direct, le roi se fait désigner successeur (en 1223 c'est le cas pour le Comté de Vermandois).

• Louis VII ne manque jamais d'exiger son droit de relief. Lorsque les héritiers ne peuvent payer, ils peuvent payer en terres. (Par exemple en 1192 le successeur du comte de Flandre paye 10.500 livres soit une année de revenue du comté).

• Les agents du roi regardent de très près les fiefs où il n'y a pas d'héritier mâle, Philippe Auguste s'accorde le droit d'autoriser ou non le mariage ou le remariage d'une femme qui détient un fief.

• Le roi ne manque pas d'étendre sa protection envers les églises et les marchands.

Appliquer la commise est difficile, il ne faut pas échouer et elle n'intervient qu'après le jugement des pairs d'où la réunion de nouveau d'un cercle de grand noble autour du Roi. Mais aucune commise n'a été suivit des faits avant la fin du XIIe siècle. C'est avec Philippe Auguste que la compétence royale s'exerce au delà du domaine royal. Le premier exemple arrive en 1202 lorsqu'il intervient à la demande d'un arrière vassal (Hugues de Lusignan, comte de la Marche (entre Poitou et Auvergne), vassal de Jean sans terre. Il a été offensé par son seigneur (Jean sans terre qui lui a volé sa femme) et en fait donc appelle à son suzerain (Philippe Auguste) car il est seigneur de Jean. Il refuse bien sur de se présenter devant le tribunal.

Le roi est entouré de légistes (juristes du droit civil opposé aux décrétiste) et on réhabilite le territoire : le roi devient de France. On parle du regnum (le royaume). Le roi est à la tête du royaume dont les différentes catégories ne sont que les membres. On réfléchit à partir du règne de Louis VII à la notion de corona regni (la couronne du royaume) s'impose comme une entité abstraite, le symbole de la fonction royale.

II. La souveraineté royale

A. Les attributs de la souverainetéIl n'y a aucune loi de succession, on le fait au coup par coup. La règle s'impose

donc en tant que coutume : est acquis le principe de masculinité de la succession s'impose mais le droit d'ainesse n'intervient qu'en 1027. Avant 1316 tous les rois ont eu un héritier mâle donc le problème ne s'était pas posé. La question de la continuité de la couronne se pose au XVe siècle : le roi est il roi à la mort du précédent ou après le sacre => Le roi est mort vive le roi.

Le prestige que les rois de France ont eu pour se distinguer des autres grands souverains est le sacre. Néanmoins l'Église ne le considère que comme un sacre mineur et non comme un sacrement. On ne peut donc pas assimiler le roi à un membre du clergé d'autant plus qu'il a pour devoir d'assurer sa descendance.

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Le privilège du sacre revient à l'évêque de Reims mais cette règle n'est fixée qu'à partir de 1027. A la fin du XIe on dira que c'est une règle coutumière en référence au baptême de Clovis. La sainte ampoule (qui contient le saint chrème) est conservée à Reims dans la grande abbaye mais le sacre a lieu en la cathédrale. C'est sous l'influence des moines de Reims que cette habitude a été prise.

Le roi est au sommet de la pyramide des allégeance, il ne doit hommage à personne et tous ces vassaux lui prêtent un hommage lige. Le roi a multiplié les vassaux directs. Par exemple le comte de Mâcon préfère prêter hommage au Roi plutôt qu'au Duc de Bourgogne. Un certain nombre de grands abbés soutiennent le pouvoir royal comme l'abbé du Mont Sant-Michel qui ne manque pas de remarquer que la Normandie est partie intégrante du Royaume de France. L'abbé de Cluny, Eudes écrit au roi : « ce n'est pas seulement la France qui est votre Royaume, la Bourgogne aussi » (il utilise France au terme de l'île de France, le domaine royal).

Le droit féodal sert le roi : à partir de Saint-Louis, le roi ne peut plus être attaqué par un vassal pour quelque raison que ce soit. La notion de souveraineté du roi progresse lentement mais surement tout au long du douzième siècle et s'affirme au treizième. Le roi affirme aussi sont indépendance totale vis à vis de l'Empereur au pouvoir théoriquement universel. Le roi de France ne reconnaît pas de supérieur au temporel (mais le pape au niveau spirituel). Les légistes s'enhardissent à dire que le roi de France est empereur en son royaume dans la seconde moitié du XIIIe. Cela est osé mais pendant cette période il n'y a pas d'empereur et l'empire est affaiblit après la mort de Frédéric II.

Le droit canon vient aussi au secours du Roi : il ne peut plus être excommunié que par le pape. Au cours du conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII on voit apparaître les origines du gallicanisme qui prône une relative indépendance de l'Église de France vis à vis de la papauté. Alors que la papauté menait une lutte à mort contre l'empire (le pape dépose et excommunie Frédéric II au concile de Lyon) elle n'a pas vu progresser le pouvoir des Royaumes.

Le Roi peut légiférer dans tout le royaume à partir du XIIIe siècle. Théoriquement les Barons n'ont pas perdu leurs prérogatives à la législation locale mais petit à petit les législations royales l'emportent. Le roi est responsable de la Paix et dès le XIIe et surtout au XIIIe le roi se substitut à l'Église pour imposer la Paix de Dieu : c'est la Paix du Prince ou la Paix du Roi. En 1155 la première ordonnance royale impose la Paix dans tout le royaume, symboliquement pour dix ans.

La quarantaine-le-roi, instauré par Philippe Auguste est un moyen d'empêcher la guerre entre deux grands lignages : au moment où deux grands féodaux vont se mener une guerre, on proclame une trêve de quarante jours où les deux lignages passent sous la protection du roi, le temps de régler l'affaire pacifiquement.

L'assurement apparaît : serment entre deux personnes qui se jurent de ne pas faire la guerre et qui se mettent sous la protection du roi. En cas d'infraction les coupables sont justiciables du roi et passibles de sanctions royales (plus fortes).

Pour certaines personnes il existe une sauvegarde royale. En 1258 Saint-Louis décrète l'abolition de toutes les guerres en son royaume : c'est la paix royale. De plus en plus les églises et les abbayes préfèrent se mettre sous la protection du roi plutôt que les grands seigneurs. Ainsi en 1320 le roi répond à la demande du monastère de Saint-Matin de Tournay qui demande à être protéger par le Roi de France alors qu'il est en terre d'Empire. Cela donne au roi l'occasion d'incursion en terre étrangère.

Le roi ne cherche pas à éliminer les barons mais plutôt à se superposer.

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B. Le domaine royalPetit à petit en s'étendant le domaine royal arrive vers l'idéal de correspondance

entre le domaine royal et le royaume :

• En 1204 Philippe Auguste Conquiert la Normandie, le Maine et l'Anjou au détriment des Plantagenêts en affaiblissant leur puissance et en agrandissant le domaine royal avec des terres qui lui sont continues. La Normandie est une grande victoire symbolique et économique (Rouen et Havre mais aussi contrôle de la Seine). La Hanse des marchands de l'eau est un terme impropre il faudrait parler de métier ou de guilde car la Hanse désigne un groupe international.

• Il fait épouser à son frère l'héritière du comté de Toulouse après la croisade contre les albigeois. Dans le contrat de mariage il y a une clause qui dit que s'il n'y a pas d'enfant le comté retourne à la couronne et c'est ce qu'il se passe.

• En 1239 Saint-Louis a acheté le comté de Mâcon.

• Philippe le Bel va épouser l'héritière du comté de Champagne.

Il y a bien longtemps que les rois ne séparent plus le royaume entre leurs héritiers. Cependant Louis VIII a peur des conflits après sa mort entre ses fils. Il va donner pour le pain, une dotation à ses trois fils cadets : ce sont les apanages, terres qui reviennent à la couronne s'il n'y a pas d'héritiers mâle en ligne directe. Lorsqu'il s'agit de régions récemment ajoutés au domaine royal cela peut ménager la susceptibilité des populations mais c'est dangereux.

C. L'administration royaleLe pouvoir central :

• Le roi est entouré par la curia regis mais à partir du XIIe siècle les officiers commencent à prendre de l'importance sur les vassaux. C'est la base de l'Hôtel le roi qu'on appellera la maison du roi par la suite. Cet organe est marqué par la montée en puissance des légistes issus de la petite aristocratie ou même de la bourgeoisie.

➔ On y fait une distinction entre grands officiers :

• Le sénéchal (dirige les services de la domus ou domestiques, il peut remplacer le roi et commander l'armée, il est le chef de la justice et du domaine royal mais l'office est supprimé en 1191 car le roi s'en méfie)

• Le connétable (garde des écuries royal mais après la disparition du sénéchal il prend de l'importance)

• Le chambrier (garde le trésor du roi, puis il ne s'occupe plus que des affaires personnelles du roi)

• Le bouteiller (s'occupe des caves royales)

• Le chancelier (sous son autorité sont rédigés les actes royaux qui se subdivisent entre les ordonnances (actes législatifs à valeur générale) et les diplômes ou lettres royaux (qui ont portée particulière), souvent issu

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de milieu ecclésiastique puis des légistes à la fin du XIIIe. Il a à sa disposition des clercs, les notaires du roi. Il a la garde du grand sceau royal. Il peut adresser une remontrance au roi mais le roi est libre de suivre ou non cette remontrance. Seulement il peut faire inscrire une mention le dégageant de toute responsabilité. Il préside le Parlement (cour de justice)

➔ Officiers ordinaires :

• Les maîtres des requêtes : en théorie tout sujet peut adresser une demande au roi, ces officiers sont chargés de recevoir les personnes, d'examiner ces demandes et de transmettre ces demandes au roi. Ils se tiennent à la porte du Palais royal dans l'île de la Cité. Il faut croire que le nombre de requête augmente vu qu'ils passent de 2 à 8. Ils peuvent décider eux mêmes soit si l'affaire est importante la transmettre au conseil du Roi qui statue.

• Les notaires-secrétaires du Roi : rédigent les actes royaux sous l'autorité du chancellier

• De la cour du roi va naître différents organismes :

➔ La cour des pairs : elle ne comporte que de très grands vassaux, se rattachant à la tradition de la cour, il y en a douze. Elle se réfère aux douze nobles entourant Charlemagne dans la chanson de Rolon. Elle ne siège que très rarement et sert à juger les grands personnages. Ses prérogatives sont transférés au parlement au XIIIe siècle. C'est le vestige symbolique de l'ordre féodal.

• Six laïcs : Duc de Normandie, Duc de Bourgogne, Duc d'Aquitaine, Comte de Flandre, Comte de Champagne et Comte de Toulouse.

• Six ecclésiastiques : Duc-archevêque de Reims, Duc-évêque de Laon, Duc-évêque de Landre, Comte-évêque de Châlon sur Marne, Comte-évêque Beauvais et Comte-évêque Noyans

➔ Le conseil du Roi : assemblée où est convoqué qui le roi souhaite y voir venir. Les vassaux vont peu à peu céder la place aux légistes plus compétents et plus dévoués car ils doivent tout au roi. Il donne son avis mais le roi décide, il gouverne en conseil ou par conseil. C'est ici qu'il décide de toutes les grandes affaires et qu'on discute des ordonnances royales. Il a des attributions diverses, administratives (comme la nomination et le rapport des baillis), financières, judiciaires...

➔ États Généraux : procèdent de la cour du roi, au départ les vassaux laïcs et ecclésiastiques mais dès la fin du XIIe on fait appel aux bourgeois représentant les villes. Philippe Auguste confie aux prud'hommes de Paris (hommes sages) la garde de son trésor. En 1263 Saint-Loui demande l'avis aux bourgeois de quelques villes avant de prononcer une ordonnance sur la monnaie. Mais les vassaux et les bourgeois ne sont jamais convoqués ensemble avant 1302 où Philippe le bel convoque ce qu'on peut appeler les États Généraux.

➔ Le Parlement : cour de justice.

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L'administration locale :

• Baillis et sénéchaux :

➔ Précédés par les prévôts agents domaniaux que l'on retrouve dans tous les grands fiefs pour s'occuper de justice, finance et questions militaires. Mais les prévôtés ont souvent été affermé, ou prise à ferme (elles ont été achetées)

➔ On va recourir aux baillis d'origine anglo-normande qui servaient à gérer le domaine des Plantagenêts. Ils sont mis en place par Philippe Auguste dans le domaine royal comme commissaire temporaires envoyés en tournée d'inspection des prévôts.

➔ Ils ont précédés les bailliages qu'on met en place au XIIe siècle

➔ Le sénéchal est son équivalent dans le Sud du royaume : ils dépendent du Roi et agissent en son nom. Ils sont issus de la petite noblesse ou bourgeoisie. Il y a notamment Beaumanoir qui a rédigé les Coutumes du Beauvaisie. Ils sont rémunérés.

• Les enquêteurs réformateurs : envoyés par deux (laïc et ecclésiastique) qui contrôlent les baillis et sont appréciés par la population.

D. La justice et le parlement

La justice s'organise et se spécialise au fur et à mesure que le domaine royal progresse. La justice royale accroit son emprise jusque dans les principautés. Le roi commence à s'en prendre aux justices seigneuriales dans la première moitié du XIIIe. Il était plus urgent et plus facile de supprimer ces justices plutôt que les ecclésiastiques qui ne disparaitront qu'au XVe siècle.

1. Déclin des justices seigneurialesLes rois se montrent habiles en ne supprimant pas les justices seigneuriales mais

en réduisant leur prérogatives et de les contournés pour montrer la primauté de la justice royale. Elles sont archaïques car il n'y a pas de légistes, le seigneur juge avec ses vassaux sans référence au droit. La procédure est archaïque aussi : on recours encore au duel judiciaire.

La justice royale est d'une qualité supérieur et dispose de trois moyens pour s'imposer :

• L'appel : en droit féodal le vassal offensé par son seigneur peut faire appel à son suzerain. De plus en plus de justiciables souhaitent être jugés par des juges royaux.

• La justice royal peut prendre l'initiative de juger une affaire, une partie en présence peut saisir directement la justice royale.

• Les droits royaux : tous les procès qui touchent de près ou de (très) loin au roi, cela relève de la justice royale.

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2. Les justices ecclésiastiquesElles se développent et s'organisent au XIIe siècle et sont à leur apogée au XIIIe.

Elles sont d'une complexité élevée, ce sont les officialités. Elles sont à la fois spécialisées et bénéficient d'un personnel nombreux.

Il y a une spécialité au niveau des archidiacres, des évêques et des archevêques. Les clercs sont justiciables des seuls tribunaux ecclésiastiques (privilège du for). C'est toujours l'official qui juge mais il faut recourir au bras séculier si une peine de mort est prononcée. C'est à ce moment là le juge royal qui prononce la peine et la fait appliquée.

Elles ont les prérogatives en matière d'hérésie et à la fin du Moyen-Age en cas de sorcellerie.

On voit un déclin de la procédure accusatoire au profit que la procédure inquisitoire (faire une enquête). Dans la première c'est l'accusé qui doit prouver son innocence alors que dans la seconde c'est le plaignant qui doit faire preuve de la culpabilité.

3. La suprématie de la justice royaleElle s'impose en liaison avec l'extension du pouvoir royal et de meilleurs garanties

techniques surtout en matière de procédure. C'est avec la constitution du parlement et la mise en place de chambre spécialisées que vont apparaître des spécialités au sein du tribunal. Le roi depuis le XIe s'entoure d'hommes de loi quelque fois pour rendre la justice puis au début du XIIIe c'est sous Saint Louis que se développe et se systématise cette pratique.

La cour de justice royale s'installe à côté de la grande chapelle Paris (le tribunal de la cour d'appel y est encore). La justice se stabilise (close de la grande charte). Elle prend le nom de parlement et se dote d'un personnel fixe et spécialisé parmi lesquels des légistes qui peu à peu prennent la place des nobles. A partir de 1278 le développement de la procédure d'enquête introduit la division du parlement en quatre chambres gérées par des légistes :

• La Grand' Chambre (ou chambre de Plaids) : lieu des plaidoiries

• La chambre des enquêtes : lieu d'instruction

• La chambre des requêtes : les demandes

• La tournelle : affaires criminelles

A l'échelon local il y a des lieux d'instructions dirigés par les baillis. De tout le Royaume et pas seulement le domaine on peut faire appel au Parlement qui a compétence souveraine. Néanmoins si on conteste le jugement ou la procédure on peut saisir le Roi en son conseil. Il ne juge pas mais si on estime qu'il y a un doute ou que les plaintes sont légitimes, on casse l'arrêt et on renvoie l'affaire en différé (ancêtre de la cour de cassation).

Le Parlement enregistre aussi les ordonnances royales. Au fur et à mesure de l'extension du domaine royal le roi va laisser ces chambres.

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La procédure ne diffère guère : pas de représentant, procédure semblable. Mais sous l'influence du droit romain, la justice évolue au XIIIe avec la présence de procureurs (spécialistes du droit) pour défendre chacun des parti. Apparaît même le procureur du roi qui représente l'autorité du roi. En 1258 le duel judiciaire est aboli au profit de l'enquête faisant appel aux témoins (on privilégie les témoins oraux mais l'écrit est aussi considéré comme une preuve).

Le tournant décisif est le XIIIe, le pouvoir a su s'imposer en reprenant à son compte toutes les possibilités du droit féodal. Le roi n'est plus le suzerain mais le souverain.

Commerce et marchands : XIe – XIIIeC'est une période de progrès et d'expansion économique, la circulation s'amplifie à

l'intérieur de l'Occident et des mondes « périphériques » (Balkans, Monde Byzantin et Musulman). L'espace de l'Occident connait une dilatation avec la mise en valeur de l'Europe centrale et orientale parallèlement à la christianisation de la Scandinavie.

Les marchands bénéficient de la stabilisation politique et de l'affirmation du pouvoir royal. En Italie ce sont les villes qui jouent un rôle important.

I. Les facteurs importants

A. L'essor démographiqueCf chapitre sur les paysansOn a de bonnes indications grâce au Domesday Book en Angleterre mais rien avant

le recensement fiscal du début du XIVe siècle.On est proche des chiffres du XVIIe siècle (20 millions) alors que l'Italie et l'Empire

sont à moins de 10 millions chacun. En Angleterre on est autour de 4 millions. Le poids démographique de la France explique l'importance du Royaume Capétien. La répartition est inégale : certaines régions de la Normandie sont plus peuplées que maintenant (pression démographique).

B. Un nouvel espaceSe manifeste dans l'aristocratie un goût (parfois contraint) pour l'aventure car de

plus en plus est pris l'habitude de laisser à l'ainé l'ensemble des biens du père, le cadet devant se contenter de ceux de la mère voire se constituer eux même un patrimoine. Les expéditions lointaines se multiplient avec le développement de nouveaux armement. Duby parle ainsi du Sud de l'Italie et de la Sicile : « un extraordinaire carrefour de langues et de cultures ». Les Normands vont la doter d'une armature administrative solide.

On peut citer également la conquête de l'Angleterre ou la Reconquista qui se développe depuis les Asturies dans deux directions : sur la côte Est les progrès sont lents alors que la prise de Coïmbra et Tolède intervient vite.

Enfin il faut citer bien sur les Croisades avec la création des États Latin d'Orient (Royaume de Jérusalem, la Principauté d'Antioche, le comté d'Edesse et celui de Tripoli). Mais les Croisades ont surtout profité aux marchands latins (venise, Pise et Gènes). Elles ont été une solution pour la plupart des familles nobles qui ont envoyés des cadets en Orient.

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Les marchands vénitiens n'ont pas hésité en 1204 à détourner la quatrième croisade pour prendre Constantinople. Cela a eu pour effet de faire venir un flux d'œuvre d'art byzantines et grecques vers l'Occident.

Les Croisades n'ont pas débouchées sur un échange intellectuel entre musulmans et chrétiens. Les textes des auteurs anciens que les musulmans ont sauvegardés arrivent par la Sicile et l'Espagne.

Enfin il y a la conquête et la conversion de l'Europe de l'Est (la Marche de l'Est) mais c'est plus une colonisation paysanne et marchande que militaire. Ces marchands forment une association : la Hanse. Elle va devenir une association de ville par la suite, de la Flandre à Riga.

Cette conquête se fait aussi sous l'influence des ordres militaires d'origine germanique : les chevaliers Porte-Glaive puis supplantés par les chevaliers Teutoniques qui ont christianisés la Prusse.

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C. Un contexte nouveauLa France est marqué par la féodalité puis par la montée en puissance du pouvoir

royal. La Germanie reste partagée entre un groupe restreint de Prince et la montée en puissance des villes. En Italie, ces villes ont toute la puissance mais elles sont souvent en conflit.

A partir du XIIe siècle c'est l'argent qui confère le pouvoir alors que jusqu'à présent c'était la Terre. Cela renouvelle les aspirations religieuses. Les préoccupations économiques prennent de l'importance, on le voit bien sous Philippe le Bel qui n'hésite pas à augmenter ou à baisser la valeur de la monnaie (remuement).

Les artisans travaillent dans des petits ateliers à l'exception de la draperie (étoffe de laine) qui s'industrialise en s'organisant : elle requiert un grand nombre de travailleurs (30 étapes de fabrication). Le travail du cuir se rapproche aussi de ce processus.

Le développement des moulins et de sa technique sert dans de nombreux secteurs. Le lin, la soie et le chanvre se développent également.

Enfin le Sel et le bois pour la construction maritime nécessite une activité de grande ampleur.

Il y a un pôle rhénan, un pôle en Flandre et un en Italie du Nord. Autour de ces trois grands centres majeurs de la draperie il y a une foule de villes qui dépendent de ces grands centres.

Un certain nombre de cités périphériques comme celles de Toscane vont produire du drap. Les villes italiennes ont compris que ce qui rapportait c'était la valeur ajouté du produit et non la matière première ou même le filage. L'Italie importe des draps brut et les teint ou les décore pour les vendre ensuite.

L'activité minière tourne autour du fer extrait en Normandie, en Allemagne ou en Italie du Nord, et du cuivre des Ardennes ou de l'Etain en Cornouaille.

D. Les métiersOn peut utiliser le terme corporation mais il n'est pas médiéval. Ils s'organisent. Il

est difficile de trancher pour savoir s'il s'agit d'une création volontaire ou imposée au contraire pour mieux contrôler ceux qui travaillent. L'origine spontanée est plausible : on accuse à Rouen, ceux qui s'organisent de rébellion contre l'ordre établi.

Ils sont régulés par des autorités mais sont aussi sous le contrôle des autorités urbaines et du Roi. Elles évitent l'accaparement (spéculation) et la hausse des prix. Les achats et les denrées sont contrôlées. Il y a une véritable police de métier.

Les autorités gagnaient à éviter la spéculation sur les prix et les denrées en interdisant de faire des stocks massifs. En Italie on a un type de regroupement particulier appelé les « arts ». L'Arte di Calimala à Florence par exemple (Laine).

Les métiers sont organisés : maîtres (entrepreneur, propriétaire de son outillage et de son local ainsi que de la matière première), compagnons (ouvriers qualifiés) et apprentis. Chaque maître ne peut en principe avoir qu'un seul apprenti, en cas de besoin il peut faire une demande à la direction collégiale des métiers. Elle est composée de jurés (Nord) ou de bayles (ou encore consul ou syndic au Sud).

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L'organisation de contrôle du métier est la jurande (ensemble des jurés), elle a un pouvoir disciplinaire au moyen d'inspection pour vérifier que l'apprenti apprenne bien le métier. C'est une organisation aristocratique dans la mesure où seul les maîtres élisent les jurés. Il y a une caisse de cotisation d'entraide. Le rôle de soutien mutuel passe cependant peu à peu au second plan au profit de l'organisation pour lutter contre la concurrence. La notion de qualité est primordiale : il y a un goût pour le bel ouvrage, la notion de chef d'œuvre apparaît. Cela devient un facteur de civilisation chrétienne. Il y a une interdiction de la concurrence (interdiction de la publicité, de concurrence sur les prix...) et les innovations doivent être diffusées. Le métier possède un sceau et est une personne morale capable de détenir des biens.

Les gardes-jurés ou eswardeurs (ou consuls) sont chargés de contrôler les normes de la production des métiers ainsi que la durée du travail. Il est interdit de travailler la nuit sauf rarissime dérogation. Les métiers sont plus ou moins indépendants des autorités autonomes. Ils se regroupent pour les fêtes ou en cas d'émeutes derrière leurs bannières et constituent des forces politiques réelles en Italie. La hiérarchie devient de plus en plus rigide et il est très difficile de devenir maître. Il faut à la fin du Moyen-Age, réaliser un chef d'œuvre pour devenir maître.

II. Extension du commerce

A. Les voies commercialesLes voies romaines ne sont plus adaptées au commerce car rectiligne et conçues

pour des soldats mais non pour des caravanes marchandes. Elles sont petit à petit abandonnées et maintenues en plaine ou pour le franchissement de rivière. Les tonlieux pèsent sur les routes se qui créent des chemins plus ou moins clandestin.

Certains seigneurs entretiennent des routes comme en Angleterre où il y a des routes royales. Les princes ont vite compris l'intérêt économique, fiscale et politique d'avoir un réseau routier correcte. De très nombreux péages existent (entrée et sortie de seigneurie, pont...). Dans le Sud de la Bourgogne Cluny a bouleversé le réseau routier car elle a été si attractive qu'il a fallu détourner de nombreux chemin. Les routes de pèlerinage sont aussi concernées. Les chaussées (routes pavées) sont un facteur d'activité économique.

A l'Antiquité les routes étaient centrées autour de Lyon alors qu'au Moyen-Age se met en place le réseau de routes rayonnantes au départ de Paris que nous connaissons encore aujourd'hui.

On a calculé qu'au temps de Saint-Louis, la vitesse de circulation sur les routes qui mènent aux foires de Champagne est à peu près la même qu'au XIXe. Les routes doivent être capable de supporter des charges de plus en plus lourde (charriots de 5 ou 6t). Les guerres abiment les routes à la fin du Moyen Age.

Les ponts sont primordiaux et sont construits par les bourgeois. Des associations sont formées comme les frères pontifes d'Avignon.

B. Les modes de transportLa plupart des moyens de transports ont disparus mais nous les connaissons grâce

aux tarifs de péage :

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• Les bigae : chariots à deux boeufs ou deux chevaux

• Les quadrigae : la même pour 4Les étapes pour les marchandises sont de l'ordre de 15 à 45 km /jour.

Philippe Auguste pour aller de Rome à la Toscane met 14 jours. Les courriers faisaient en gros 55 à 60 km par jours. On utilisait beaucoup les rivières puisque le tirant d'eau des bateaux est faible (fond plat). On a quelques grands réseaux avec les affluents d'un fleuve (Pô, Rhône et Saône, reliés par des canaux à la Meuse et la Moselle...). Il faut donc aménager des quais et autres débarcadères (grâce à des associations comme la Hanse).

Les galères sont trop chères (les rameurs ne sont pas des prisonniers). Les scandinaves possèdent en revanche des bateaux très performants et simples associant rameurs et voile carrée. Enfin la nef moins rapide mais plus stable a une capacité beaucoup plus grande. Vers 1200 apparaît la Kogge (avec une grosse coque), navires de commerce très stable qui peuvent faire facilement 180 km par jour.

Des voies maritimes apparaissent :

• de Venise ou Gène/Pise ou même Marseille jusqu'à l'Orient

• Bordeaux à Riga

• Angleterre à la Baltique

Il y a six foires mais quatre villes qui les accueillent : Troyes, Provins, Lagny et Bar-sur-Aube. Elles vont décliner durant la guerre de Cent Ans.

C. La monnaieIl y a un essor de la monnaie et de son usage mais il ne faut pas forcément faire le

lien avec l'essor urbain. Le métal est extrait à partir de mine plomb argentifère que l'on trouve en Normandie, en Poitou ou en Asturie. Sur une tonne de plomb on récupère 250 à 400 g de métal argent. En Saxe et en Ecosse mais aussi dans les Vosges et le Jura on trouve de meilleurs filons mais sans vraiment de progression au niveau de la technique. On compte surtout sur l'apport de Byzance et du Monde Musulman.

La frappe de la monnaie est un privilège régalien mais très vite de grands seigneurs l'ont obtenus ou accaparé d'où la diversité des monnaies. Certains grands monastères frappent aussi monnaie. Cette diversité est un obstacle pour le commerce. On a deux monnaies comme à l'époque carolingienne : une monnaie de compte qui sert de référence (une livre = 20 sous, un sous = 12 deniers), les ateliers frappent des deniers et des pièces d'un demi denier (mailles) ou un quart (picte). On fixe le rapport entre argent pure et plomb, c'est l'aloi.

On essaye d'avoir un rapport à peu près fixe entre les monnaies régionales. Saint Louis a tenté d'unifier la monnaie du Royaume mais le Parisi reste en fonction jusqu'à Louis XIV.

La difficulté est réel pour les marchands et le rôle des changeurs est important. Il n'y a pas d'indication de valeur sur les pièces car les souverains vont prendre l'habitude de jouer sur la valeur des monnaies.

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Page 42: Chapitre 1 : L'Occident de l'An Milhugo.nadin.free.fr/univ/cours_magistraux/l2hist/histoire...sont mouvantes, d'abord centrée sur l'Auvergne et le Languedoc puis sont venus s'ajouter

Les monnaies d'or sont frappées sur le modèle arabe mais pour le prestige. Les dinars frappés dans les États Latins d'Orient ressemblent en tout point au monnaies musulmanes. La vraie frappe de la monnaie d'or reprend au XIIIe avec Frédéric II en Sicile (qui était fasciné par l'Antiquité et voulait refonder un Empire méditerranéen, frappe des Augustales). En 1246 la ville de Luc fait frapper le gros d'or. Florence en 1254 un florin, les autres villes d'Italie suivent par la suite. Curieusement Venise attend 1284 pour frapper une pièce d'or de très belle qualité (3g5 d'or pur), c'est le ducato (duca).

Le nom officiel de la monnaie frappée par Saint Louis était le denier d'or à l'écu (car il y a un écu sur la monnaie) et on l'abrègera dans la pratique par l'écu. En Angleterre c'est le Penny. La Bohème, la Castille mais aussi la Flandre n'ont pas de monnaie d'or.

Saint Thomas d'Aquin redécouvre les idées d'Aristote via le monde musulman et avance la notion de bien commun.

D. Les techniques marchandesOn voit apparaître dès le XIe siècle des contrats d'association :

• Les sociétés

• Colleganza : une personne qui apporte les fonds et une autre sa force de travail, on partage les gains généralement à ¾ / ¼ et les pertes également réparties...

• La compagna : limitées dans le temps mais renouvelable, une multitude de personne apporte son argent et récupère en fonction de sa part investie.

• Essor de la Banque (marchands) : apparus à Gènes. Ils engrangent les dépôt mais en réinvestissent qu'une partie en gardant une forte couverture. L'usage du contrat de change est courant en Toscane.

• La comptabilité à partie double se met en place

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