CHAPITRE 1- La Stratification Sociale -2012

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1 CHAPITRE 1 . LA STRATIFICATION SOCIALE – 2012 STRATIFICATION SOCIALE Fait, pour toute société, d'être composée de groupes sociaux différenciés et hiérarchisés. Définition au sens large, elle désigne le fait que toute société se construit en produisant un système de différenciation, de hierarchisation des positions sociales. La structure sociale repose ainsi sur des groupes sociaux qui se définissent par l'inégal accès aux ressources d'une société de castes, d'ordres, de classes sociales etc … au sens plus étroit ou théorique, cette notion est réservée aux analyses qui s'opposent principalement à la théorie marxiste de la structure sociale, pour présenter la société organisée en strates sociales, hiérarchisées à partir de critères multiples (revenus, statut professionnel, pouvoir, prestige) mais qui ne s'opposent pas de manière irréductible comme les classes sociales dans une logique de domination et d'exploitation. Enjeux La question ne porte pas sur l'existence d'une différenciation des positions sociales, voire d'une hiérarchie sociale (tout le monde est d'accord là -dessus), mais sur les possibilités réelles données aux individus de changer de position sociale, de connaître en particulier une ascension sociale, bref de reconnaître si une structure sociale est figée ou non. Cela renvoie aux enjeux et aux déterminants de la mobilité sociale : l'individu est-il déterminé par son origine sociale ou n'est-il qu'influencé par cette origine, pouvant s 'affranchir de sa position sociale de départ (cf individualisme) ? En d'autres termes, peut-on échapper à son destin ? Quel est le degré de liberté de l'individu pour accéder à d'autres positions sociales ? Ces dernières sont-elles plus ou moins ouvertes, en droit comme dans les faits ? Tendances La société démocratique se distingue, par exemple, de la société de l'Ancien Régime par la transformation de groupes de droits (les ordres : le statut social est acquis par la naissance et défini juridiquement) en groupes de fait (les classes sociales) : 1789 met fin aux privilèges, "tous les hommes naissent libres et égaux en droits". Cependant le XIX° siècle révèle une égalité de principe, ou formelle, mais peu réelle : l'hérédité sociale reste lourde sur la destinée des individus. Au XX° siècle, après 1945, se confirme une tendance à la moyennisation de la société : c'est l'image d'une société qui "prend du ventre" et la référence à la "toupie" qui met l'accent sur la constitution d'une vaste classe moyenne.

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CHAPITRE 1 . LA STRATIFICATION SOCIALE – 2012

STRATIFICATION SOCIALE Fait, pour toute société, d'être composée de groupes sociaux différenciés et hiérarchisés.

Définition

• au sens large, elle désigne le fait que toute société se construit en produisant un système de différenciation, de hierarchisation des positions sociales. La structure sociale repose ainsi sur des groupes sociaux qui se définissent par l'inégal accès aux ressources d'une société de castes, d'ordres, de classes sociales etc …

• au sens plus étroit ou théorique, cette notion est réservée aux analyses qui s'opposent principalement à la théorie marxiste de la structure sociale, pour présenter la société organisée en strates sociales, hiérarchisées à partir de critères multiples (revenus, statut professionnel, pouvoir, prestige) mais qui ne s'opposent pas de manière irréductible comme les classes sociales dans une logique de domination et d'exploitation.

Enjeux

La question ne porte pas sur l'existence d'une différenciation des positions sociales, voire d'une hiérarchie sociale (tout le monde est d'accord là -dessus), mais sur les possibilités réelles données aux individus de changer de position sociale, de connaître en particulier une ascension sociale, bref de reconnaître si une structure sociale est figée ou non. Cela renvoie aux enjeux et aux déterminants de la mobilité sociale : l'individu est-il déterminé par son origine sociale ou n'est-il qu'influencé par cette origine, pouvant s 'affranchir de sa position sociale de départ (cf individualisme) ? En d'autres termes, peut-on échapper à son destin ? Quel est le degré de liberté de l'individu pour accéder à d'autres positions sociales ? Ces dernières sont-elles plus ou moins ouvertes, en droit comme dans les faits ?

Tendances

• La société démocratique se distingue, par exemple, de la société de l'Ancien Régime par la transformation de groupes de droits (les ordres : le statut social est acquis par la naissance et défini juridiquement) en groupes de fait (les classes sociales) : 1789 met fin aux privilèges, "tous les hommes naissent libres et égaux en droits". Cependant le XIX° siècle révèle une égalité de principe, ou formelle, mais peu réelle : l'hérédité sociale reste lourde sur la destinée des individus.

• Au XX° siècle, après 1945, se confirme une tendance à la moyennisation de la société : c'est l'image d'une société qui "prend du ventre" et la référence à la "toupie" qui met l'accent sur la constitution d'une vaste classe moyenne.

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Comment construire une grille d’analyse de la société ? Constituer des regroupements d’individus pour repérer des groupes sociaux pose forcément deux problèmes méthodologiques :

• quels sont les critères retenus pour le classement ? • quelle est la nature des liens entre les groupes ?

La société française, qui, depuis 1789, a érigé en principe l’égalité des hommes, n’est pas pour autant une société égalitaire. La répartition des tâches, des richesses, du prestige, du pouvoir... crée des inégalités entre les individus. Un ordre hiérarchique s’instaure. Cette observation vaut pour toutes les sociétés, quel que soit le lieu et quelle que soit l’époque, il existe une hiérarchie sociale : le pouvoir, le prestige, la richesse sont l’apanage de certains groupes sociaux

Problèmes de méthode

La société française d’aujourd’hui est issue des révolutions politiques et de la révolution industrielle qui ont marqué la fin du XVIIIe et le XIXe siècles. Même si les inégalités de droit ont progressivement été abolies, le changement économique et social n’a pas fait disparaître les inégalités de fait : les différences entre individus sont encore très grandes (accès aux biens de consommation, au logement, à la culture, à l’éducation...), et elles renvoient aux places occupées dans la vie économique et sociale.

Les sociologues se sont toujours interrogés sur le problème de la structuration sociale, c’est à dire qu’ils se sont efforcés de proposer une ou des réponses aux questions suivantes :

• quels sont les grands groupes sociaux ? • quelle place ils occupent dans la hiérarchie sociale ? • comment sont-ils construits ?

Si on pose la question « qu’est-ce qu’une catégorie sociale ? » on ne peut pas se contenter de dire que c’est la juxtaposition d’individus présentant une ou plusieurs caractéristiques communes. - Les critères de construction des catégories sociales sont très nombreux : le revenu, l’âge, le sexe, la profession, le niveau d’étude, la nationalité, le lieu d’habitation... - Certains critères sont réalistes et objectifs comme la différence homme/femme), d’autres peuvent être facilement taxés de nominalistes , c’est le cas de l’âge puisque les catégories d’âge sont forcément construites, les jeunes, les vieux... - Il est souvent difficile d’éliminer totalement l’un des deux aspects. Ainsi les femmes peuvent être considérées comme un rassemblement assez artificiel (donc nominaliste) car il englobe des jeunes, des adultes, des femmes âgées, des bourgeoises, des ouvrières, des femmes mariées, des célibataires... Pourtant, au-delà de cette diversité, elles ont certains traits communs, par exemple le fait de subir une certaine discrimination dans leur vie professionnelle.

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Il semble plus facile de dire ce qu’est un groupe social : c’est un ensemble d’individus qui ont des caractéristiques communes et entretiennent des relations telles qu’elles leur donnent une certaine conscience d’appartenir à cet ensemble. Un groupe social est identifiable par le reste de la société (il est repérable). Grâce à sa cohésion, un groupe social peut être un acteur de la vie sociale. Pour qu’un groupe social existe et se maintienne, il faut que ses membres aient en commun un minimum de manières de penser, de sentir et d’agir qui opèrent une démarcation nette avec le reste de la société. Il existe une grande diversité de groupes sociaux : nations, ethnies, partis politiques, syndicats, religions, groupes d’amis, classes d’établissements scolaires, équipes sportives...

Groupe social

� Les sociétés sont organisées, elles ne sont pas une simple collection d’individus et on peut distinguer en leurs seins des unités sociales plus ou moins permanentes, plus ou moins institutionnalisées, entretenant entre elles des relations soumises à un certain agencement à la fois structurel et fonctionnel. Ces unités sociales constituent des groupes sociaux . Il y a différents niveaux d’analyse pour lesquels différentes entités sociales sont identifiables : les groupes domestiques, les groupes de parenté, la communauté villageoise, la caste, les communautés religieuses etc... Le classement ou le repérage dépend du point de vue adopté (de l’intérieur du groupe ou de l’extérieur) et des critères retenus (objectifs ou subjectifs) ce qui conduit à une construction des groupes pouvant prendre plusieurs formes :

� À partir de critères internes objectifs : la communauté d’origine, de culture, de

religion, les liens de parenté unissant les membres entre eux, � À partir de critères internes subjectifs : sentiment d’appartenance, les liens de

solidarité unissant les membres ; à partir de critères externes objectifs : parcours historiques commun, situation au sein de la société globale, rôle économique, une activité commune ;

� À partir de critères externes subjectifs : regard porté sur le groupe par la société environnante

Si la sociologie étudie la stratification c’est parce que chacun, on l’a vu, peut faire le constat de l’existence de hiérarchies et d’inégalités dans les collectivités humaines. - Une hiérarchie est un classement visant à distinguer des supérieurs et des inférieurs, au regard de certains critères fonctionnant comme des valeurs pour ce classement. Le fait, par exemple, de classer les individus selon la richesse ou le prestige implique que l’argent et la considération des autres sont des “valeurs” reconnues comme telles par la majorité des membres de la société. L’inégalité sociale exprime les différences de richesse, de pouvoir, de culture...entre les groupes sociaux qui existent. Si aucun principe d’équité, de légitimité ne parait fonder une inégalité, on parlera d’« injustice ».

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La stratification est souvent représentée par la métaphore de l’échelle (dont on peut gravir ou descendre les échelons) ou de la pyramide (sur laquelle on occupe une place plus ou moins proche du sommet ou de la base).

La réalité est encore plus complexe parce qu’il faut distinguer le groupe de référence et le groupe d’appartenance . - Le groupe d’appartenance est celui dont l’individu est membre objectivement (qu’il le veuille ou non). - Le groupe de référence est celui auquel l’individu emprunte ses normes, ses valeurs, auquel il s’identifie, désire ou croit appartenir. [2]

Avant d’aborder la stratification dans les sociétés contemporaines on peut donner quelques indications relativement aux sociétés traditionnelles.

I- L’approche historique

Dans les sociétés traditionnelles la stratification est légitimée par des fondements religieux - elle est le reflet terrestre de l’ordre divin. - Elle est aussi sanctionnée (organisée) par la loi. - Elle donne a chaque individu en fonction de sa naissance des attributions (droits et devoirs) différentes. - L’espérance pour ceux qui appartiennent aux groupes défavorisés ou méprisés existe cependant :

Dans le système des ordres (ancien régime) l’espérance d’une vie meilleure est liée au respect de la morale chrétienne, la récompense c’est la vie éternelle au paradis. Dans le système des castes en accomplissant fidélement les tâches assignées à sa caste, il est possible, pour un individu, de renaître dans une caste supérieure. Le dessein ultime était le moksha, retrait du cycle de vie et de mort, par l’acquisition d’une haute spiritualité qui repose, dans les interprétations traditionnelles de l’hindouisme, sur le fait de naître brahmane. Ainsi, chacun peut espérer un salut en remplissant les devoirs inhérents à sa caste.

Les ordres sont les trois grandes catégories qui composent la société d’Ancien Régime : clergé, noblesse et tiers état. Ils sont hiérarchisés en fonction du prestige des fonctions sociales remplies

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par leurs membres. En théorie, le clergé est le premier des ordres, car sa fonction est d’être l’intermédiaire entre le monde divin et le monde humain. Mais la noblesse, dont la fonction principale est le métier des armes, jouit d’un égal prestige. Quant au tiers état, il s’adonne à des taches peu prestigieuses : agriculture, artisanat, commerce. Dans la noblesse, le souci de la pureté du sang, de la lignée, engendre une forte endogamie (proche de celle des castes) ; la transmission des fonctions sociales est largement héréditaire, limitant ainsi la mobilité sociale. Au sein du tiers état, une couche bourgeoise s’enrichit, jetant les bases du capitalisme, tandis que la noblesse ne pouvait accéder à des fonctions mercantiles. _ Une certaine convergence d’intérêt apparut ainsi entre la haute bourgeoisie, avide de reconnaissance sociale, et la noblesse et l’État toujours en manque d’argent. L’État vendit donc à la bourgeoisie des charges anoblissantes, titra ses grands commis d’origine bourgeoise (Colbert, ...), créant une “noblesse de robe” inférieure en dignité à la “noblesse d’épée”. Des alliances matrimoniales se nouèrent entre les deux noblesses.

Les ordres furent abolis en France par la Révolution. Les privilèges furent supprimés dans la nuit du 4 août 1789. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirma, dans son article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

Les castes sont des groupes sociaux endogames (on ne peut se marier qu’entre membres d’une même caste), strictement hiérarchisés et fermés et héréditaires. Les relations sociales se construisent autour de la notion de pureté/répulsion. L’esprit de caste interdit formellement les contacts physiques, les relations sexuelles, les repas en commun entre membres de castes différentes. Si un contact impur a lieu, il faut procéder à un rite de purification. Des tribunaux de castes jugent les déviants et prononcent contre eux des sanctions allant jusqu’à l’exclusion définitive. Dans ce cas, l’individu perd son identité sociale, il n’est plus rien, ne peut rejoindre une autre caste, où il n’est pas né. Il devient un intouchable, mis au ban de la société. Aboli en 1947 le système des castes exerce encore une puissante influence sur les mentalités et les pratiques sociales. Il y a, en Inde, concurrence entre normes juridiques et normes sociales.

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Brahmanes Propriétaires

Artisans Commerçants

II L’approche théorique.

Les analyses des sociologues ne sont pas toutes les mêmes. Certains étudient la société en terme de classes sociales, d'autres en terme de stratification sociale.

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Distinguons ces deux approches :

Classe Strate « Groupe fondamentaux opposés et irréductibles les uns aux autres »

« Groupes hiérarchisés sur une échelle selon le revenu, profession, rapport au pouvoir et le prestige »

On ne peut pas appartenir d’abord à une classe puis à l’autre. On appartient à l’une ou à l’autre.

Inégalités

Absence de mobilité sociale.

Mobilité sociale

Tension entre les groupes qui entraînent des conflits sociaux.

De manière générale pas de conflits.

Importance des conflits pour comprendre le changement social

Absence de conflits majeurs, on peut passer d’une position à une autre.

Derrière cette différence entre classes sociale et strate sociale, une question se pose, une hypothèse à discuter : peut on dire qu'avec le changement social, on passerait d'une société de classes à une société de strates, d'une société immobile à une société mobile ?

• Deux auteurs analysent la structure sociale en terme de classes sociales : o Bourdieu o Marx

• Deux autres auteurs analysent la structure sociale en terme de stratification sociale :

o Weber o Warner

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1- K. Marx ...

• Le travail est considéré comme la source centrale de conflits sociaux • La hiérarchie s’établie entre ceux qui ont le capital et ceux qui ne possèdent

que leur force de travail.

Pour comprendre l’analyse de Marx il faut considérer les rapports de production. Karl Marx est du XIX ème siècle (1818-1883). Il s’agit d’évoquer la société européenne du XIX ème siècle. Le développement de l’industrie et du capitalisme est à l’origine de son analyse en terme de classes sociales.

Les rapports de production capitalistes s'articulent autour de la propriété privée des moyens de production.

Marx distingue deux classes sociales, c’est une approche dichotomique de la société (c’est-à-dire qui oppose deux classes sociales) :

• la Bourgeoisie

• Propriétaire des moyens de production. • Pouvoir d’embaucher les prolétaires, possibilité d’exploiter donc de dominer.

• les Prolétaires

• Vendent leur force de travail • Se font exploiter

Marx distingue les classes sociales « en soi » et « pour soi » et le concept de la lutte des classes.

Analyse en terme de classes sociales

Analyse en terme de stratification sociale

Analyse unidimensionnelle Marx : la hiérarchie sociale liée au travail et le conflit social lié au travail est central dans la société

Warner : la société est hiérarchisée en strates sociales selon le critère du prestige

Analyse multidimensionnelle Bourdieu : la société est divisée entre dominants et dominés et cette domination est à la fois culturelle, sociale et économique

Weber : la société est organisée en strates sociales selon les critères du pouvoir, de la classe sociale et du statut.

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• Classe « en soi » : On définit la classe par rapport à un certain nombre de critère. Les Bourgeois et les prolétaires sont définis par leur place dans les rapports de production

• Classe « pour soi » : Conscience de classe. On sait que l’on appartient à une classe.

CLASSE SOCIALE = « EN SOI » + « POUR SOI »

• lutte des classes

Ces deux classes sociales sont opposées et irréductibles. Il y a une relation d’exploitation (forme de lien social) entre ces deux classes. Il y a une domination économique des bourgeois sur les prolétaires. Bourdieu verra plus tard une domination symbolique.

Grâce au travail des prolétaires, les bourgeois s’enrichissent, c’est l’exploitation. Cette captation de richesse (plus value) est plus ou moins importante. Le bourgeois décide du prix de la plus value, il laisse juste assez aux prolétaires pour la reproduction de la force de travail, ce qui correspond aux besoins primaires des prolétaires.

Entre ces deux classes sociales existe donc le conflit social lié à l’exploitation. Les prolétaires peuvent résister en s’opposant à la bourgeoisie. Pour améliorer son sort le prolétaire doit engager un conflit. Marx dit que le prolétariat existe car il y a la bourgeoisie. Ces classes sont antagonistes.

L’idée de Marx est que la lutte des classes est le moteur de l’histoire. Le changement social naît des conflits sociaux.

L’évolution de la société se fait en trois temps d’après Marx :

Société capitaliste --> Société socialiste ---> Société communiste (sans classes)

Le conflit social trouve sa source dans le monde du travail.

Si l’on est Marxiste : On porte attention à ce que les grèves apportent comme changement.

question :Est-ce qu’aujourd’hui le conflit dans le monde du travail est central pour comprendre les changements sociaux ? Répondre « oui » signifie une analyse uniquement verticale. Or aujourd’hui il faut faire aussi une analyse horizontale :« les sans » : sans travail, sans domicile fixe…

La différence avec Max Weber, c’est que celui-ci ne va utiliser que l’aspect « en soi », il ne prend pas en compte la conscience sociale et ne parle pas de la lutte des classes

2- Max Weber (1864 - 1920)

La classe sociale chez Weber est la classe « en soi » pour Marx.

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L’analyse de M.Weber est pluridimensionnelle . « lesclasses, les groupes statutaires et les partis sont des phénoménes de distribution du pouvoir dans une commuauté donnée ».

Les trois réalités correspondent aux trois ensembles de discrimination que sont l’ordre économique, l’ordre social et l’ordre politique.

Pour décrire la hiérarchie sociale il utilise trois critères

• Champ économique : capacité à accéder à des biens. Groupe occupant le même statut de classe, c’est-à-dire les même conditions extérieures de la vie (salaire, niveau de vie)

• Champ social : S’appuie sur le critère de prestige. Le prestige crée une hiérarchie entre les individus. Le fait d’avoir le même prestige crée des groupes statutaires. L’analyse du prestige a été bien précisé par Warner.

L’analyse est originale et intéressante car elle élargie l’analyse de Marx. M. Weber considère que pour situer un individu dans la société il faut prendre en compte le champ économique et social.

• Champ politique : Référence au pouvoir politique, capacité à influencer, à participer à la prise de décision d’une communauté. Il y a une échelle politique : ceux qui sont élus ou non. Le parti politique organise le pouvoir politique.

Pour situer un individu dans la société il y a donc trois critères :

- économique

- social

- politique

Selon Max Weber, la domination n’est pas qu’économique, il y a aussi une dimension politique et sociale.

Dans le cas de la société industrielle, il y a aussi un lien étroit entre les trois échelles. En effet on a une forte chance d’être au même niveau dans les trois échelles, car la position économique a tendance à influencer les autres échelles : position équivalente.

Dans une société post industrielle, les sociologues montrent qu’aujourd’hui les échelles ne sont plus équivalentes.

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Source : Serge Bosc, Stratification t transformations sociales

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3- L'analyse de Lloyd Warner

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a) – Une conception nominaliste et empirique des classes

1. Lloyd Warner (1898-1970) préfère une analyse empirique et pragmatique de la stratification sociale à l'élaboration d'une théorie des classes. Lloyd Warner a mené une enquête de terrain dans une petite ville américaine, Yankee city. Il part de la perception qu'ont les individus de la hiérarchie sociale et cherche à obtenir un outil opératoire de classement. Une classe est un groupe de statut qui s'inscrit dans une hiérarchie de prestige définie par l'opinion générale. L'échelle des prestiges est construite à partir de deux critères : ���� Un critère subjectif, la « participation évaluée », qui correspond au jugement qu'ont un certain nombre d'individus, d'origine sociale différente, sur le prestige de telle ou telle profession. ���� Un critère objectif quantitatif, «l'index des caractéristiques statutaires» (ICS), qui prend en compte : la profession (Coefficient 4), l’origine des revenus (Coefficient 3), le type d'habitation (Coefficient 3) et le quartier habité (Coefficient 2). 2. On obtient ainsi une superposition de strates qui s'inscrivent dans une hiérarchie sociale, qui est une hiérarchie de prestige et de considération sociale, mais ne sont pas en opposition. Il n'y a plus lutte des classes. La société apparaît néanmoins comme pyramidale à l’époque de l’enquête de Warner (les années 1930) mais semble évoluer vers une société en losange au cours des années.

Il justifie ainsi le système explicatif de Max Weber.

L'essentiel de l'œuvre du sociologue américain W. L. Warner traite des petites unités sociales aux États-Unis. À l'aide de méthodes empruntées à l'ethnologie, il a réalisé la plus importante enquête jamais effectuée sur une petite ville américaine, Newburyport (Yankee City), 17 000 habitants. L'apport le plus remarquable de ses Yankee City Series (Yale University Press, New Haven, 5 vol., 1941-1949) concerne la stratification sociale. Il y met en évidence une structure à six classes dont l'unité repose sur l'identification sociale, le style de vie et le prestige : supérieure-supérieure (la grande bourgeoisie traditionnelle), supérieure-inférieure (les nouveaux riches), moyenne-supérieure (la classe moyenne, aisée, active), moyenne-inférieure (la petite bourgeoisie), inférieure-supérieure (les ouvriers qualifiés), inférieure-inférieure (les manœuvres, le sous-prolétariat). Chacune de ces six classes possède des caractéristiques propres, une unité interne sur le plan des attitudes ainsi qu'une culture spécifique.

À l'opposé des marxistes, Warner ne définit pas la classe à partir du critère économique ; il la fonde sur l'élément statutaire. La détermination des classes sera effectuée à partir de l'application d'une méthode dite réputationnelle : des juges auront à classer les individus selon le degré de prestige attaché à leurs personnes. Ainsi pour Warner la division en classes sociales conduit davantage à la stabilité qu'au conflit car les classes les plus basses sur l'échelle statutaire tendent plutôt à accepter et à respecter les classes plus élevées qu'à contester cet ordre social.

Les analyses de Warner caractérisent les théories de la stratification qui reposent sur une simple description de strates entre lesquelles il n’existe pas de discontinuités. La théorie des classes met l’accent en revanche sur l’existence d’un fossé entre les classes.

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2. On obtient ainsi une superposition de strates qui s'inscrivent dans une hiérarchie sociale, qui est une hiérarchie de prestige et de considération sociale, mais ne sont pas en opposition. Il n'y a plus lutte des classes. La société apparaît néanmoins comme pyramidale à l’époque de l’enquête de Warner (les années 1930) mais semble évoluer vers une société en losange au cours des années.

b) – Les classes sociales à Yankee City

Ce n'est plus la position économique des individus qui est déterminante mais leur prestige social. Celui ci provient à la fois de leur situation économique, de leur ancienneté historique et de leur accès au pouvoir politique. Lloyd Warner distingue ainsi trois classes divisées en six strates : Classes en % de la population

Identification Caractéristiques sociales

Upper-Upper class 1,44%

« Aristocratie sociale » : riches familles ayant une position importante depuis plusieurs générations

High WASP (White Anglo-Saxon Protestants), milieu fermé, tendance à l’endogamie

Lower-Upper class 1,56%

Milieux supérieurs fortunés : richesse plus récente, « parvenus », « nouveaux riches »

Imitation de la Upper-Upper class mais considérée comme moins distinguée

Upper-middle class 10,22%

Classes moyennes aisées Hommes d’affaires, professions libérales

Actifs dans le fonctionnement de la cité, responsabilités sociales, entourés de respect

Lower-middle class 23,12%

Petite bourgeoisie : petits patrons, commerçants, cols blancs au statut confirmé

Moralité affichée, souci de respectabilité, désir de réussite sociale

Upper-lower class 32,6%

Classe inférieure « honnête » : boutiquiers, petits employés, ouvriers qualifiés

Modeste aisance, considérés comme honnêtes et respectables

Lower-lower class 25,2%

Population à statut précaire : travailleurs saisonniers

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3- Une tentative de dépassement de l’opposition Marx / Weber : l’apport de Bourdieu .

Pierre Bourdieu sociologue contemporain (1930 – 2002) emprunte au vocabulaire économique

et définit le capital comme un ensemble de ressources mobilisables par un individu du fait de sa

position dans l'espace social.

Bourdieu distingue essentiellement 3 formes de capitaux :

- le capital économique : ensemble des ressources (revenus et patrimoine) d'un ménage qui

lui permet de défendre ou d'améliorer sa position sociale ;

- le capital culturel (notion au programme dans le chap. suivant): est composé par l'ensemble

des ressources culturelles (diplômes, biens culturels, rapports à la culture et à l'école) ;

- le capital social : désigne l'ensemble des facilités sociales qu'un ménage ou un individu

peut mobiliser à son profit, notamment le réseau de relations (« le piston »).

Bourdieu parle enfin de capital symbolique, notion qui renvoie à la considération que confère la

possession des trois autres formes de capital.

L’analyse de Bourdieu fait la distinction entre trois types de critères pour définir le statut ou position sociale d’un individu. Il faut s’intéresser à la façon dont il est doté en capital :

� Capital économique

• Il inclut les outils de production • Le capital se transmet de génération en génération • Le capital économique est un facteur d’immobilité sociale

� Capital social

• Relations sociales : capacité d’une famille à user de ses relations exemple : une famille utilise ses relations pour favoriser l’insertion des enfants dans le monde du travail.

� Capital culturel

• Principalement lié au diplôme • critère principal : l’ancienneté d’accès à la culture de la famille.

Pour Bourdieu cette dotation de capital permet de comprendre la hiérarchie sociale et les inégalités notamment scolaires. En fonction de la dotation en ces trois formes de capital, on peut former trois classes sociales :

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- la Classe dominante : dotation forte dans les trois formes de capital (professions libérales, professeur, industriels, gros commerçants..)

- les classes dominées :

• la Petite bourgeoisie : ces catégories petites bourgeoises aspirent aux pratiques "légitimes" (celles de la classe dominante). On y trouve les petits commerçants, artisans, employés, techniciens.

• Les Classes populaires : elles se définissent par l'insuffisance de leurs ressources de tous ordres. On y trouve les ouvriers, contremaîtres, agriculteurs

D’après Pierre Bourdieu , Le Seuil, 1994

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Wikipedia-Pierre Bourdieu

III La stratification sociale pour les sociétés contemporaines.

A La France

Comment un sociologue peut-il appréhender la hiérarchie sociale, la mettre en évidence pour l’expliquer ? Quels sont les outils à sa disposition ?

La réponse peut-être simple mais insuffisante. On peut par exemple prendre le critère du revenu. Mais la hiérarchisation sociale ne peut-elle se mesurer qu’à partir d’un seul critère ?

Alors comment faire ?

L’INSEE a construit les CSP (Catégories SOCIOPROFESSIONNELLES) pour donner du sens à la hiérarchie sociale.

Comment est construit cet outil, avec quels critères ? Et pourquoi a-t-on choisi ces critères ?

Le souci de l’INSEE était de construire des CSP (en 1954) qui présentent une certaine homogénéité, de telle façon que les individus d’une même catégorie sociale aient un comportement proche (pas trop de distance sociale).

Quels sont les critères ?

Pour construire ces PCS , le point de départ est le statut social (qui permet de différencier les employeurs ou indépendants des salariés).

En 1954, l’INSEE a créé les CSP. Puis la société française a changé et après les Trente Glorieuses, les CSP ne vont plus être adaptées à la réalité économique et sociale. En 1982, on passe aux PCS.

Il est assez naturel de procéder d’abord au constat à partir de la classification utilisée par les statisticiens français : la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS), mais il faut nécessairement poser la question de la pertinence de cette classification pour l’analyse sociologique en particulier en lui opposant la référence aux classes sociales.

1- Une classification de la population : les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS)

La nomenclature des catégories socioprofessionnelles (CSP) a été élaborée par les statisticiens de l’INSEE dans les années 50. Elle constitue le principal instrument d’analyse de la structure sociale en France. Cette nomenclature a été modifiée en 1982 lors du recensement au profit de celle des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). Une nouvelle nomenclature ne remettant pas en cause l’essentiel et conservant le nom de PCS est entrée en vigueur en 2003.

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a. La construction des PCS

Les PCS sont un mode de regroupement des individus en catégories sociales homogènes selon leur activité professionnelle, sur la base de trois critères :

• la position hiérarchique au sein de la profession exercée (ou de l’ancienne profession en cas de retraite) complétée par le niveau de diplôme requis pour exercer cette profession,

• le statut (salarié ou indépendant), • la nature de l’activité (agricole, artisanale, industrielle).

Ces trois critères correspondent aux trois clivages fondamentaux qui structurent les groupes sociaux dans une société marquée par la prédominance du travail :

• le clivage hiérarchique, • le clivage ville/campagne, • le clivage salarié/indépendant.

C’est l’INSEE qui a procédé en France en 1954 à la mise au point de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles. Les modifications apportées en 1982 dans la nomenclature professions et catégories socioprofessionnelles, ont affiné l’ancienne nomenclature devenue en partie obsolète en raison de la modification des qualifications professionnelles au sein de la société.

Cette nouvelle nomenclature met davantage l’accent sur la position sociale, donc sur le niveau hiérarchique. La nomenclature existe à un niveau agrégé de 8 postes ou groupes socioprofessionnels :

• 1. agriculteurs exploitants ; • 2. artisans, commerçants et chefs d’entreprises de plus de 10 salariés ; • 3. cadres et professions intellectuelles supérieures ; • 4. professions intermédiaires ; • 5. employés ; • 6. ouvriers ; • 7. retraités ; • 8. autres personnes sans activité professionnelle.

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La nomenclature est également développée en 24 et en 42 postes.

b. Les atouts et les limites du classement en PCS.

La nomenclature présente des catégories statistiques qui regroupent des individus ayant des caractéristiques communes et des comportements propres. Elle donne une vision quantifiée de la structure sociale. Ainsi, l’évolution de la

structure des groupes socioprofessionnels révèle les transformations socio-économiques de la société française au cours des cinquante dernières années : tertiairisation, extension du salariat, montée des qualifications.

Identifier des individus par leur situation professionnelle tend à regrouper des personnes différentes à bien des égards (modes de vie, croyances, origines). Inversement, des individus aux caractéristiques sociales assez proches peuvent se retrouver dans

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éparpillés dans des catégories différentes. En outre, le critère de la profession est parfois insuffisant pour représenter la société,

à l’heure où la part des emplois atypiques (contrats à durée déterminée, intérim, contrats aidés) tend à augmenter, et où le chômage frappe, durablement ou à répétition, de nombreux actifs.

���� Le classement des métiers dans une PCS contient toujours une part d'arbitraire. Ainsi, un manutentionnaire qui convoie des palettes sera considéré comme un employé s'il travaille dans un supermarché et comme un ouvrier s'il travaille dans une usine. Un boucher salarié, qui était considéré comme un employé avant 1982, est désormais dans la catégorie ouvrier (métier manuel). Les « zones frontières » entre deux CSP peuvent être plus ou moins peuplées. - Les PCS peuvent être hétérogènes socialement du point de vue des classes. Ainsi, un petit commerçant figure dans la même PCS qu'un grand industriel alors qu'ils n'ont ni le même pouvoir économique, ni la même position sociale, ni les mêmes pratiques culturelles. Classes sociales et PCS ne se recouvrent pas. Il faut opérer d'autres regroupements pour passer des CSP aux classes sociales. Ainsi, la Bourgeoisie n’apparaît pas en tant que telle dans les PCS. ���� La position sociale ne se limite pas à la profession occupée. L’Insee donne une vision de la structure sociale limitée à la sphère professionnelle. Or, la position sociale d’un individu peut dépendre également d’autres critères plus socioculturels (vie familiale, vie publique…). De plus, le critère de la profession est de plus en plus insuffisant pour représenter la société à l’heure où la part des emplois atypiques (Contrats à durée indéterminée, , intérim, contrats aidés) tend à augmenter et où le chômage frappe durablement ou à répétition de plus en plus d’actifs. Un ouvrier intégré dans une grande entreprise n'a pas la même situation sociale qu'un jeune ouvrier précaire d'une PME. ���� La classification de l'Insee n'est que le reflet de la structure sociale de la société française à un moment donné de son histoire. Son application à d'autres sociétés industrielles est difficile (le terme de « cadre » n'a pas d'équivalent en GB ou en Italie). De même, la distinction ouvrier/employé, qui était nette au début du XXème siècle (l’opposition entre les «cols bleus » et les « cols blancs »), a perdu une partie de sa signification à la fin du siècle sous l'effet de l'automatisation, de l'informatisation et de l'amélioration de la condition ouvrière. Enfin, les conflits catégoriels et de classe peuvent modifier la place d'une profession dans une CSP (les instituteurs qui deviennent des "professeurs d'école"), ce qui oblige l'Insee à modifier de temps en temps sa classification. ���� Les PCS ne nous disent rien sur les relations sociales qu'entretiennent ces différents groupes sociaux. La hiérarchie entre les groupes ne peut être établie que pour les salariés. Les relations de domination, de coopération ou de complémentarité entre les groupes sont occultés. Ainsi, en établissant la PCS à partir de la profession du chef de famille, on occulte la profession du conjoint. Une employée de bureau mariée à un médecin ne connait certainement pas le même univers social que l'employée de commerce mariée à un ouvrier, par exemple. En conséquence, les PCS donnent une certaine image de la structure sociale mais elles ne nous donnent pas de renseignement sur la stratification sociale.

���� L'appartenance de classe n'est pas donnée par une CSP : l'appartenance à un métier, à un moment donné, ne nous dit pas quelle est l'origine sociale de l'individu (la position

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sociale de sa famille et de sa parenté), l'origine sociale de son conjoint (une employée peut être mariée à un cadre ou à un ouvrier, ce qui modifie sa position de classe) et quelle est sa trajectoire sociale (en ascension ou en régression). La seule analyse des CSP ne permet donc qu'une approche sommaire de la logique d'ensemble des comportements de classe. Tous les cadres supérieurs ne font pas partie de la Bourgeoisie, certains artisans sont très influencés par leur origine ouvrière...

c- L’évolution de la structure sociale par CSP 1. La comparaison au cours du temps est rendue difficile par le fait que les PCS/CSP ont connu des modifications de dénomination et de frontières en 1982 et 2003. Les principales modifications ont consisté à : ���� Reclasser certaines CSP : les salariés agricoles sont passés des agriculteurs exploitants à la CSP ouvriers, les journalistes sont passés de cadres moyens à cadres supérieurs, les contremaîtres sont passés de la CSP ouvrier à celle de professions intermédiaires, le clergé est passé d'une catégorie à part à celle de professions intermédiaires, le personnel de service, qui avait sa propre CSP, est reclassé dans les employés. ���� Changer la dénomination et la composition des « cadres moyens » qui sont devenus des professions intermédiaires. L’évolution des PCS

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2. En 55 ans (1954-2009), la structure socioprofessionnelle de la population active a profondément changé. On peut constater : � La diminution de la part des indépendants au profit de celle des salariés. En 1954, les agriculteurs, les artisans, les commerçants, représentaient un actif occupé sur 3 ; de nos jours moins d’un emploi sur 10 (8,3% des emplois en 2009). � L’augmentation des emplois de salariés d’encadrement et de professions libérales. Les cadres et les professions intermédiaires représentaient 2 emplois sur 5 en 2009 (40,9%) contre un emploi sur 8 en 1954.

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� La stabilité de la part des emplois de salariés d’exécution qui représentent toujours la moitié des actifs. En 1954, plus d’un actif occupé sur 3 était un ouvrier et moins d’un actif occupé sur 5 un employé. De nos jours, les ouvriers ne forment plus qu’un actif sur 5 et les employés prés d’un actif sur 3.

Attention il ne faut pas confondre les notions de classes sociales et de CSP ou PCS :

���� Pourtant, la plupart des sociologues utilisent, pour des raisons de temps et d'argent, les CSP comme instrument d'analyse des classes sociales. Louis Chauvel donne trois arguments à cette utilisation :

• la conscience d’appartenance, la place occupée dans la production…) ;

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Mais les critères de constitution des PCS sont assez proches de ceux des classes sociales (caractéristiques semblables, la conscience d’appartenance, la place occupée dans la production…) ;

Source : Serge Bosc :Stratification et Transformations Sociales Économie Sciences Sociales

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Les données de l’Insee permettent d’avoir une connaissance de l’évolution de la structure sociale à long terme et sur les pratiques sociales de chaque catégorie. Ainsi, 57% des cadres lisent plus de 10 livres dans l'année en 2008 contre 18% des ouvriers. De même, 71% des cadres sont propriétaires de leur logement en 2006 contre 49% pour les ouvriers. On peut ainsi dégager les inégalités de mode de vie entre les différentes classes sociales

����Et, l'utilisation des PCS dans l'analyse des classes sociales est une tentation permanente du sociologue. Elles offrent un ensemble statistique commode et riche en information. L'Insee propose ainsi de considérer que les cadres et professions intellectuelles supérieures peuvent représenter les « classes supérieures », les patrons de l'industrie et du commerce et les professions intermédiaires, les « classes moyennes », et les ouvriers, les employés et les agriculteurs les « classes populaires ».

� Les PCS représentent cependant un outil indispensable pour connaître la

structure sociale de la société française et son évolution. Ainsi, l’évolution de la structure des groupes socioprofessionnels révèle les transformations socio-économiques de la société française au cours des cinquante dernières années : tertiairisation, extension du salariat, montée des qualifications.

� De nombreuses études, enquêtes et sondages sont construits à partir de la

nomenclature des PCS : l’étude de la répartition des revenus, l’étude de la consommation, l’analyse du vote politique, l’étude de l’homogamie, de la mobilité sociale… Les très nombreuses études conduites à partir des PCS permettent d’obtenir une information assez fiable : quel que soit l’indicateur considéré, montant du revenu, taux de mortalité infantile, degré de satisfaction dans l’existence, inscription sur les listes électorales, le classement est toujours le même (il peut être inversé mais l’ordre est conservé, les cadres supérieurs peuvent être au premier ou au dernier rang, mais alors les ouvriers sont au dernier ou au premier rang).

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Position des professions dans l’espace social à partir du niveau de diplôme et du niveau de revenu

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C_ L’analyse en Allemagne

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IV- – Observations générales sur l'évolution de la stratification sociale.

L’actualité du débat : peut-on encore parler de classes sociales aujourd’hui ?

Quelle grille de lecture de la société contemporaine, assiste-t-on à une disparition des

classes sociales ? Dans l’analyse sociologique, on constate une tendance à la division des

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recherches portant sur les classes sociales en fonction de la classe étudiée : on distingue

les recherches portant sur les classes populaires, sur les classes moyennes, et enfin sur les

classes supérieures.

�. Henri Mendras, dans La Seconde Révolution française (Gallimard, 1994), décrit le formidable processus de « moyennisation » qu'a connu la société française de 1965 à 1984, faisant éclater les classes sociales traditionnelles. Car, au début du XXe siècle, la société française est composée de quatre groupes sociaux : les paysans, la bourgeoisie, le prolétariat et les classes moyennes. Chacun possède ses caractéristiques propres, sa culture, ses modes de vie. [...] Mais les Trente Glorieuses vont faire éclater ces groupes aux revenus et aux styles de vie si différents. Vers quel type de société bascule-t-on alors ? A une perception marxiste de la société en termes de classes sociales opposées, H. Mendras propose de lui préférer une « vision cosmographique » [...]. Le sociologue organise la société française autour de deux constellations : la « constellation populaire » qui rassemble les ouvriers et les employés, et la « constellation centrale » composée de cadres, d'enseignants et d'ingénieurs.

� Gravite autour des deux constellations la galaxie des indépendants, et se positionnent aux extrémités les pauvres et l'élite. À elles seules, les deux constellations occupent une majeure partie du ciel social français. Elles concentrent les trois quarts de la population totale, contre 15 % pour les indépendants, 7 % pour les pauvres et 3 % pour l'élite. Le noyau dur de la « constellation centrale » est constitué des cadres.

Pascal Paradis, « Des classes sociales aux constellations », © Sciences humaines, hors série n° 24, octobre-novembre 2001.

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Le terme « moyennisation » est un néologisme que l’on doit à H. Mendras (1927 – 2003), sociologue français. Par ce terme, il évoque l’idée d’un déclin des oppositions traditionnelles entre classes => remise en cause d’une vision en termes de conflits développée par K. Marx , et par l’apparition d’une vaste classe moyenne. Moyennisation : processus se traduisant par une croissance forte de la part des classes moyennes dans la société, conduisant à l’effacement des frontières de classes et à une réduction des inégalités. On peut distinguer trois grands types de facteurs, qui sont étroitement liés et qui apparaissent durant les Trente Glorieuses : 1. L’atténuation des disparités socio-économiques (revenu, consommation, loisirs, modes de vie…) : on observe une élévation des niveaux de vie des classes populaires et notamment des ouvriers (on a parlé d’embourgeoisement des ouvriers) et le développement d’une consommation de masse permise par le « compromis fordiste » ; 2. L’homogénéisation des comportements, des pratiques et des styles de vie : avec le déclin des ouvriers de l’industrie, on observe le recul de la conscience de classe chez les ouvriers,

ce qui se manifeste par le déclin des organisations ouvrières, du Parti Communiste Français

et par le recul du syndicalisme ;

3. La constitution d’une vaste classe moyenne : dans son modèle de la toupie ou du

strobiloide, H. Mendras montre que les groupes sociaux se répartissent en constellations, et

la constellation centrale (cadres et professions intermédiaires) véhiculerait les normes

sociales en matière de consommation en tant que groupe majoritaire et diffuserait un

certain style de vie, que la constellation populaire s’approprierait.

H. Mendras parle d’un « émiettement des classes sociales », et pense qu’il n’y a plus de

classes au sens marxiste du terme : il n’existe plus selon ce sociologue de grands groupes

dotés d’une capacité d’action autonome (recul du syndicalisme et déclin de la classe

ouvrière, disparition des conflits de classe avec la « moyennisation »…).

Sa représentation (toupie) s’oppose à la vision pyramidale et traditionnelle qui reconnaît une

certaine suprématie ou domination aux catégories dominantes (classe supérieure) sur les

autres milieux sociaux (classes moyennes et catégories populaires).

Chez Mendras les différents groupes se rassemblent dans leur unité au-delà de leur diversité

ouvriers et employés se sentent plus proches en termes de niveau de vie, ont leur propre

identité malgré la diffusion de la culture de la constellation centrale.

Cette analyse de la « moyennisation » a connu une infirmation empirique à partir des

années 1980, conduisant à parler d’un renouveau ou d’une permanence du concept de

classe sociale.

-����Pourquoi parler cependant d'un retour des classes sociales ?

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La fin des Trente Glorieuses s'est accompagnée d'un renforcement des inégalités (montée du

chômage, hausse de la pauvreté). Cela contribue à recréer des conditions objectives

différenciées permettant de parler d'un retour des classes sociales.

Noter que : alors que la tendance des Trente Glorieuses était propice à faire perdre de leur

pertinence aux analyses en termes de « classes sociales », la nouvelle dynamique qui

s’esquisse contribue, bien au contraire, à un regain d’intérêt pour celles-ci selon Louis

Chauvel. Ses travaux tendent également à renforcer l'analyse en termes de polarisation : la

montée des inégalités économiques et sociales entraine exclusion et destruction sociales,

porteuses de nouveaux rapports de classe.

Des classes moyennes multipolarisées Le sociologue Louis Chauvel dans son livre « Les classes moyennes à la dérive » (2006) propose le schéma suivant :

On a pris l'habitude de regrouper dans la notion de «classes moyennes» ou de «petite bourgeoisie» deux groupes sociaux intermédiaires entre la Bourgeoisie et le Prolétariat : � La « petite bourgeoisie traditionnelle » composée d'artisans et de commerçants qui apportent leur travail et leur capital à leur petite entreprise, qui emploient moins de 10 salariés. Elle dispose d’un capital économique beaucoup plus important que leur capital culturel. Ses pratiques culturelles sont plus proches de celles des milieux populaires que

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de celles des couches moyennes salariées. Elle vote à droite dans sa grande majorité. Cette catégorie est en déclin. Leur part dans l’emploi a diminué de moitié en 50 ans : 1 emploi sur 10 en 1950, 1 sur 20 de nos jours. � La « nouvelle petite bourgeoisie » constituée des couches moyennes salariées qui ont des tâches intellectuelles et dont le niveau de formation et de revenus sont à la moyenne : les professions intermédiaires, les cadres non dirigeants, les employés de bureau, en font partie. Ils disposent d’un capital culturel plus important que leur capital économique. Leurs pratiques sociales et culturelles les rapprochent des cadres. Ils votent au centre ou à gauche majoritairement. Cette catégorie est en forte expansion dans l’emploi. Si l’on prend les seules « professions intermédiaires » (en fait, les classes moyennes vont bien au-delà de cette catégorie), leur part passe de 1 emploi sur 10 dans les années 50 à plus d'un emploi sur 4 de nos jours.

1- Démocratisation, réduction des inégalités et moyennisation de la société

a. La mesure des inégalités de revenus et des patrimoines suscite régulièrement des controverses dans le débat public. Quel revenu ou patrimoine retenir ? Qui doit-on comparer ? Comment peut-on mesurer les écarts ? En France, on part des revenus fiscaux c’est-à-dire de ceux qui sont déclarés aux impôts. Afin de prendre en compte l'ensemble des revenus, l'Insee épluche les déclarations d'impôt. Sur cette base, il évalue "le revenu disponible", l'argent dont dispose effectivement chaque ménage pour consommer et épargner. Pour y parvenir, il ajoute aux revenus déclarés les prestations sociales non imposables (comme les allocations familiales et logement) et en retire les principaux prélèvements directs (impôt sur le revenu, taxe d'habitation, contribution sociale généralisée et contribution à la réduction de la dette sociale). L’information sur les revenus réels est donc incomplète par une partie des revenus du travail au noir échappe aux impôts et l’évasion et la fraude fiscale sont élevées dans les couches aisées de la population.

� Les revenus primaires sont les revenus que les ménages tirent directement de l'activité économique. Ils comprennent :

� Les revenus du travail c'est-à-dire essentiellement le salaire brut, les primes, les avantages en nature et les participations aux bénéfices. Cependant, le salarié ne touche effectivement que le salaire net :

Salaire net = Salaire brut - Cotisations sociales du salarié

b- – Une réduction des inégalités sociales à long terme

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� Les inégalités ne peuvent se résumer à des inégalités économiques. Les inégalités sont aussi sociales. Elles sont extrêmement nombreuses et variées, et il serait impossible de toutes les répertorier : inégalités à l’école, inégalités entre hommes et femmes, inégalités régionales ou entre quartiers, inégalités face à la mort…Là aussi, on observe une réduction des inégalités sociales à long terme.

2. L’école s’est démocratisée.

L’école participe à la démocratisation de la société d’une part parce qu’elle transmet des connaissances qui compensent les handicaps culturels de ceux qui ne sont pas nés dans des milieux culturellement favorisés et d’autre part parce qu’elle sélectionne les individus en fonction de leurs résultats et non en fonction de leur origine sociale pour dégager une élite républicaine. Pour réaliser ces idéaux, l’Etat a :

� Augmenté considérablement les dépenses consacrées à l’éducation pour le secondaire et le supérieur.

� Fixé (en 1995) des objectifs ambitieux de réussite : 80% d’une génération au niveau bac.

� Multiplié avec l’aide des régions le nombre de lycées et d’universités.

� Incité les parents et les élèves à la poursuite des études (gratuité des livres scolaires, commissions d’appel des décisions…).

��Cet effort de l’Etat s’est traduit par une démocratisation quantitative : le nombre de bachelier a ainsi été multiplié par 17,5 entre 1951 et 2007. Le nombre de bacheliers généraux a doublé depuis 1965 et les baccalauréats technologiques et professionnels ont permis d’amener au niveau bac des élèves qui étaient autrefois dirigés plus rapidement vers la vie active.

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Les inégalités entre les hommes et les femmes sont également atténuées. On peut l’observer à différents niveaux :

..>Au niveau économique, les femmes ont investi massivement le travail salarié. L’écart entre le travail professionnel masculin et le travail professionnel féminin s’est réduit. Les femmes n’ont plus besoin de demander l’autorisation de leur mari pour travailler (1965) et peuvent jouir librement de leurs revenus. Elles ont investi des métiers qui étaient autrefois quasi exclusivement masculins (médecin, conducteur de bus, armée…). Les femmes, qui gagnaient en moyenne un tiers de moins que les hommes en 1951, ont réduit cet écart à un 5ème en 2006.

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�Au niveau juridique, les femmes se sont émancipées de l’autorité masculine. Elles sont devenues peu à peu autonomes et responsables. Avec l’accès aux moyens contraceptifs modernes (1967) et le droit à l’avortement (1975), les femmes ont pu dissocier sexualité et procréation. Elles ont pu gérer leur calendrier des naissances en fonction de leurs études et de leur carrière professionnelle. Elles ont obtenu l’égalité en matière d’autorité parentale (1970), le droit de divorcer par consentement mutuel (1975) et le droit de dénoncer la violence conjugale (1994).

�Au niveau politique, les femmes deviennent peu à peu des citoyennes comme les autres. Elles ont acquis le droit de vote en 1944 bien après d’autres pays. Avec la loi sur la parité (1999), elles accèdent aux postes politiques.

� Cette réduction des écarts entre hommes et femmes peut être attribuée :

�- A la réussite des filles à l’école : elles poursuivent leur scolarité plus longtemps que les garçons et ont plus de diplômes ce qui les incitent à s’engager dans la vie active et avoir plus d’ambition. Le modèle de la femme active a dévalorisé celui de la femme au foyer.

� Aux mouvements féministes: ils ont mené des combats pour obtenir les mêmes droits que les hommes et pour faire reculer les discriminations sexistes.

� L’Etat a donc dû légiférer : pour ne pas perdre des électrices, les gouvernements se sont emparés du thème de l’égalité entre hommes et femmes (création d’un secrétaire d’Etat à la condition féminine, loi sur la parité politique, nomination de ministres femmes…).

3 – Une moyennisation de la société

1. La sociologie américaine (Warner, Nisbet) considérait déjà, dans les années 1930, que les classes sociales n’étaient qu’une superposition de strates, différenciées par les conditions de vie et le prestige, mais non antagoniques. Avec l’enrichissement des Trente glorieuses, ces sociologues ont fini par considérer que les classes sociales avaient disparu ou s’étaient regroupées dans une vaste classe moyenne. Ils mettaient en avant plusieurs arguments :

� ��La forte progression des salariés intermédiaires. Ni paysans, ni patrons, ni ouvriers (ou « cols bleus » selon la terminologie anglo-saxonne), ceux qu’on appelait autrefois les employés ou les collaborateurs sont aujourd’hui regroupés dans trois PCS : employés de bureau, professions intermédiaires et cadres non dirigeants. Alors qu’ils ne représentaient que 15% de la population active en 1936, ils en forment plus de la moitié dans la France contemporaine.

� ��La réduction des inégalités et l’enrichissement de la population ont aboutit à une

harmonisation des modes de vie (l’ « american way of life »). Certains sociologues définissent les classes moyennes comme l’ensemble des individus disposant d’un

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revenu proche du revenu médian : elle rassemblerait ceux qui ont entre 0,75 fois et 1,5 fois le revenu médian. Dans ce cas, la classe moyenne regrouperait plus de la moitié de la population et serait en progression en France.

� Une uniformisation des modes de vie. On commence vers la fin des années 1960 à parler « d’embourgeoisement de la classe ouvrière », car beaucoup d’entre eux vont pouvoir faire l’acquisition des équipements de base du foyer (à l’époque, la norme de consommation comprend le réfrigérateur, la télévision, la machine à laver, la salle de bain et, bien sûr, l’automobile) et consommer les mêmes biens et services que les couches sociales plus aisées. Mais la classe moyenne impose également ses valeurs et ses besoins au reste de la société : le mode de vie de la classe moyenne, d’abord marqué par le refus des origines populaires et l’imitation de la culture bourgeoise, se développe également de manière autonome et originale.

� La démocratisation de l’école et la tertiairisation se seraient accompagnés d’une diffusion des savoirs et des pouvoirs au sein de l’entreprise. Les employés, les professions intermédiaires et les cadres seraient beaucoup plus proches socialement que l’ouvrier et l’ingénieur du temps de l’industrialisation triomphante. Des pratiques de consommation spécifiques peuvent être également identifiées – notamment l’importance accordée aux biens culturels. Ces couches intermédiaires auraient par ailleurs un rapport à l’espace public et urbain particulier : regroupement dans des

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lotissements à la périphérie des villes ou occupation d’espaces urbains jusque-là populaires.

� Cette convergence des modes de vie s’accompagnerait donc de l’émergence d’un système de valeurs commun que les sociologues appellent le libéralisme culturel :

• tolérance à l’égard de comportements autrefois jugés déviants (union libre par exemple) ;

• repli sur la sphère privée (individualisme) ;

• valorisation du bonheur individuel et familial (hédonisme) ;

• exigence d’un traitement égal des personnes (égalitarisme) ;

• revendication de la liberté de choix de son style de vie, etc.

�l faudrait par conséquent parler d’uniformisation en même temps que d’individualisation des modes de vie. Car si tout le monde est « moyen », en effet, plus personne ne l’est : c’est la logique de la moyennisation. Il faut donc rechercher des clivages ou des différences sociales ailleurs, du côté de la culture par exemple, et peut-être, de manière un peu simpliste, des pratiques de consommation. Les individus cherchent ainsi à se distinguer, à afficher leur identité à travers le choix de certains biens de consommation : la consommation est ostentatoire, c’est-à-dire montrée publiquement, pas seulement pour symboliser une appartenance sociale (la différence entre « Eux » et « Nous ») mais surtout pour affirmer une identité individuelle (« Toi, c’est Toi », mais « Moi, c’est Moi ») : c’est la notion de style de vie, développée par les professionnels du marketing, qui tient peut-être le mieux compte de cette individualisation des modes de vie.

-�La mobilité sociale se serait accrue. Elle serait au coeur des stratégies des classes moyennes. Ces dernières développeraient un rapport particulier à l’éducation, l’école étant perçue comme un moyen d’ascension sociale efficace.

-�En conséquence, les individus perdraient progressivement leur conscience de classe au profit d’un individualisme positif. L’appartenance de classe ne dicterait plus les conduites. C’est la raison pour laquelle la conflictualité de classe diminuerait comme semble le montrer la baisse du taux de syndicalisation et la baisse des conflits du travail.

4-Différentes remarques

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La structure sociale en France a connu des bouleversements au cours du XX ème siècle avec par exemple la montée du salariat ou des qualifications. Aujourd’hui, certains auteurs contemporains prédisent la fin des classes sociales et de la conscience d’appartenir à l’une d’elle. Toutefois, ces classes sociales restent une réalité notamment au travers des inégalités économiques et sociales. La société française a -t- elle connu un phénomène de moyennisation ou au contraire de polarisation depuis 1945 ?

• Des signes de moyennisation : autres arguments

Réduction des inégalités économiques

Durant les Trentes Glorieuses, on a assisté à un fort enrichissement du salariat. En effet, durant cette période, le taux annuel moyen des hausses de salaire était de l’ordre de 3,5 %. On constate qu’entre les différentes catégories socioprofessionnelles les écarts de salaire se sont réduits. Ainsi si nous prenons la différence de salaire entre un cadre et un ouvrier en 1968 le cadre gagnait 4 fois plus que l’ouvrier.16 ans après, on constate que le cadre perçoit 2.7 fois plus que l’ouvrier. Ainsi les écarts de salaire entre les cadres et les ouvriers sur cette période ont été divisés d’environ 1.4 fois.

Le développement de l’Etat Providence a favorisé la sécurité de tous au travers, par exemple, de la sécurité sociale crée en 1945.. Ce système est basé sur la solidarité : chacun cotise selon ses moyens et bénéficie des prestations en fonction ses besoins.

Grâce à la sécurité de l’emploi durant les « 30 Glorieuses » l’ascension à la prospérité s’est développée dans toutes les couches sociales.

L’estompement des différences professionnelles

Les différences se sont atténuées dans le monde du travail : les agriculteurs sont, par exemple, de moins en moins et leurs taches de gestion les font de plus en plus ressembler à des chefs d’entreprise de l’artisanat ou de l’industrie ; les ouvriers travaillent de moins en moins directement à la matière. Plus généralement, l’autonomie dans le travail est plus importante à tous les échelons de la hiérarchie.

La convergence des modes de vie

L’éducation et plus particulièrement, la scolarisation est plus accessible et s’est allongée (massification du système éducatif). Il n’existe donc plus des différences aussi marquées de capital culturel.

On peut soutenir l’idée que les modes de vie se ressemblent de plus en plus quelque soit le groupe social auquel on appartient. Par exemple, les classes sociales les plus pauvres peuvent partir plus facilement en vacances. Le jean devient un habit universel dans les années soixante. La télévision diffuse une culture commune. Le sport (par ex. le football) joue le rôle de référence partagée entre les classes.

L’émergence des classes moyennes

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Tous ces bouleversements ont conduits à l’émergence d’une vaste classe moyenne. La réduction des inégalités mais aussi l’unification des modes de vies ont eu pour conséquences un phénomène de moyennisation de la société, c’est-à-dire, la constitution d’une vaste classe moyenne, regroupant les professions intermédiaires, certain cadres, les ouvriers et artisans les plus qualifiés et la frange supérieure des employés.

Rien n’atteste mieux de la moyennisation de la société que l’expansion du groupe socioprofessionnel des Professions Intermédiaires.

L’affaiblissement de la conscience de classe

La conscience d’appartenir à un groupe social s’efface, ainsi, les affrontements de classe diminuent. Les priorités chez les individus ont donc été modifiées, désormais, ils cherchent de plus en plus à améliorer leur situation personnelle, ce qui va porter atteinte au groupe social.

Le résultat est que les conflits sociaux collectifs diminuent en nombre au profit d’une compétition entre individus. Par exemple, à la fin du 20ème siècle, on observe moins de grèves que dans les années 1970.

Une moyennisation inachevée, et des signes de polarisation

Une dynamique moins égalitaire

les différences de salaires ont varié aux cours du XX ème siècle selon les choix de la répartition de la valeur ajoutée. Ainsi la fin des Trentes Glorieuses, la classe ouvrière et les employés ont connu une hausse rapide de leur salaire ce qui a permis de réduire les écarts par rapport aux autres classes sociales. Néanmoins à partir du milieux des années 1980, la croissance de leur salaire s’est ralentie et l’écart avec les autres groupes sociaux demeure. Durant la période 1950-1970, pour qu’un ouvrier puisse avoir l’équivalent d’un salaire d’un cadre, si celui-ci n’est pas augmenté, il faudrait entre 30 et 40 ans. Ce "temps de rattrapage" a connu une hausse importante à partir des années 1980 ou il a dépassé les 300 ans. Le ralentissement de l’augmentation des salaires a entraîné dans une certaine mesure un nouveau clivage (dynamique) entre les employés et les ouvriers et les cadres.

Le retour des inégalités dues au revenus du patrimoine

Avec la forte augmentation du chômage dans les années 80 et le fait que les revenus du travail augmentent moins vite que les revenus du capital, les inégalités se sont accrues. Les inégalités de patrimoine sont nettement plus importantes que celles du revenu. On observe que 20% de la population ne dispose d’aucun patrimoine. Le patrimoine provient de l’épargne des individus. Or, la capacité d’épargne augmente plus vite que le revenu. Le rapport inter décile (D9/D1) est au moins de 1 à 70, c’est-à-dire que la limite supérieure du patrimoine détenu par le 9ième décile des ménages est 70 fois plus élevé que celle du 1ier décile. A cause, notamment, de la forte augmentation du prix de l’immobilier (le prix du mètre carré a progressé de 4 à 5 fois plus vite que le salaire moyen depuis 1980), et de la progression des revenus du patrimoine financier, on observe un retour des inégalités.

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Des classes moyennes à l’homogénéité faible

Si l’on définit les classes moyennes de manière étroite, elles restent très minoritaires dans la société française. Si on les définit de manière large (en y incluant les ouvriers de type artisanal les plus qualifiés, la frange supérieure des employés, et les cadres moyens), alors la catégorie gagne en importance (environ 50% de la population). Mais son homogénéité sociale devient alors très faible.

La permanence des catégories populaires

La société française comprend toujours, entre les ouvriers et les employés, une strate populaire caractérisée par un même niveau de revenu, un faible niveau de qualification et d’autonomie dans le travail, et une forte homogamie (les ouvriers se marient avec des employées). Même si les employés semblent bénéficier de plus de possibilités de mobilité sociale ascendante que les ouvriers, ils en sont proches socialement. La permanence numérique des catégories populaires, qui rassemblent plus de 50% de la population infirme l’hypothèse d’une moyennisation de la société française.

Des consommations et modes de vie toujours distincts

Une certaines hétérogénéité persiste au niveau des pratiques culturelles entre les différents groupes sociaux. En dépit de certain rapprochement au niveau du revenu salarial, on constate une persistance des différences dans les modes de consommation. Ainsi le niveau de consommation par personne dans un ménage cadre continue d’être en moyenne deux fois supérieur par rapport à celui d’un ouvrier. Cependant ce résultat est à nuancer car les ouvriers ont moins de moyen que les cadres donc leur consommation est moindre. Toutefois, il existe des différences aux niveaux de la part des consommations dans le budget des deux. Le coefficient budgétaire permet de savoir la part dans le budget total des différents postes de consommation. Lorsqu’on compare les coefficients budgétaires, on remarque les moyens économiques des classes populaires servent en grande partie les besoins vitaux alors que ceux des cadres permettent des biens et des services élaborés qui restent inaccessibles aux autres catégories sociales. Comme l’écrit Chauvel "le cadre achète le travail de l’employée, qui achète du pain".

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conclusion Les inégalités se transforment plus qu’elles ne disparaissent, accompagnant les transformations économiques liées à la croissance et à la situation du marché de l’emploi.

Les trente glorieuses ont connu une incontestable dynamique de moyennisation. Depuis les années 80, avec le chômage de masse et les transformations du capitalisme qui valorisent le patrimoine, il est de plus en plus difficile de parler de moyennisation. Aujourd’hui certains parleraient d’avantage d’une polarisation de la société. C’est-à-dire d’une fragmentation de la population en deux groupe distincts, chacun à une extrémité d’une échelle sociale.

Ces transformations contribuent à ce que les inégalités soient d’avantage vécues sur le mode individuel que collectif. La frontière des groupes sociaux est, de ce fait, beaucoup moins claire. Mais ceci ne signifie pas que la hiérarchie entre le les groupes sociaux n’existe plus.