Campagnes Dynamiques

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Les espaces ruraux et leurs populations ont par ailleurs connu des évolutions majeures au cours des dernières dé- cennies. En premier lieu, le recul de ces surfaces agricoles, sous la pression de l’artificialisation des sols. L’explosion des mobilités, la recherche d’un certain cadre de vie, le développement des ré- sidences secondaires ou l’étalement urbain, en drainant de nouvelles popu- lations vers l’espace rural, ont modifié la composition et la sociologie des popula- tions rurales. Les difficultés à construire une défini- tion objective de la ruralité se sont donc accrues alors que persistent, dans l’in- conscient collectif, des images révéla- trices d’une vision idyllique des campagnes. Ces dernières symbolise- raient une forme d’authenticité, une im- muable qualité de vie, perçues comme antithèses de la modernité et du dyna- misme urbains (2) . Autrefois sociétés agri-artisanales presque autosuffisan- tes, les collectivités rurales ont pour- tant connu depuis l’exode rural, la mécanisation, l’industrialisation. Mobi- lités alternantes, péri-urbanisation et extension du mode de vie urbain ont aussi gommé les distinctions. Ainsi, la frontière entre villes et campagnes semble s’inscrire en flou, laissant par- fois croire à une réalisation du mot d’es- prit d’Alphonse Allais, qui proposait de “construire les villes à la campagne”. Ce paradoxe n’est au demeurant pas si éloigné des opinions relevées par l’en- quête du Credoc sur les Français et l’es- pace rural : “dans les couronnes périurbaines (appartenant à l’urbain se- lon l’Insee), 85 % des habitants considè- rent qu’ils résident à la campagne” (3) . Les approches théoriques actuelles de la ruralité (4) reprennent cette ambiva- lence : la convergence des pratiques quotidiennes effaçant une partie des clivages entre ville et campagne, la ru- ralité se conçoit moins dans sa dimen- sion géographique que comme une représentation sociale et symbolique. Comme le notent les auteurs du Rapport dirigé par Olivier Mora sur les Nouvelles ruralités (5) , “alors que les modes de vie se sont unifiés, l’opposition urbain-rural reste centrale dans l’imaginaire”. Perçue comme un espace d’épanouis- sement, la campagne cristallise au- jourd’hui les aspirations de nombreux citadins. En mutation, à nouveau attrac- tive, innovante avec des modèles de dé- veloppement éco-dynamiques ou des circuits courts, elle est même paradoxale- ment associée à une certaine modernité... Le groupe de prospective sur les “nou- velles ruralités” préfère donc évoquer au 6 Territoires ruraux et pauvreté Quelle approche du milieu rural ? Campagnes, ruralités : définitions et mutations La Basse-Normandie est réputée rurale : son paysage est occupé à 86,7 % par des territoires agricoles (1) (contre 58,6 % en France métropolitaine). Mais où se situe, dans la région, la fron- tière entre villes et campagnes ? Cette frontière est-elle mouvante ? Comment définir aujourd’hui le milieu rural ? (1) Source : Union européenne - SOeS, Corine Land Cover, 2006 (2) Voir à ce sujet : Ward, N. and Ray, C., Futures analysis, public policy and rural studies, Working Paper 74, Centre for Rural Economy, University of Newcastle upon Tyne, 2004. (3) Régis Bigot et Georges Hatchuel, 2002, Enquête du Crédoc sur Les Français et l’espace rural, réalisé à la demande du Groupe de Prospective “ espaces naturels et ruraux et société urbanisée”, Dir. Philippe Per- rier-Cornet, UMR Inra-Enesad de Dijon, avec le soutien de la Datar et du Ministère de l’Agriculture (DERF), 2001. (4) Les différentes approches de la ruralité sont bien synthétisées dans la publication accompagnant les résultats de l’enquête européenne “Qualité de vie : différences urbain rural” , déjà citée. (5) Olivier Mora, Edith Heurgon, Lisa Gauvrit, Les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030, Rapport du groupe de travail Nouvelles ruralités, Juillet 2008

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Mutation de l'espace rural. Comprendre comment évolue les campagnes...

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Les espaces ruraux et leurs populationsont par ailleurs connu des évolutionsmajeures au cours des dernières dé-cennies. En premier lieu, le recul de cessurfaces agricoles, sous la pression del’artificialisation des sols. L’explosiondes mobilités, la recherche d’un certaincadre de vie, le développement des ré-sidences secondaires ou l’étalementurbain, en drainant de nouvelles popu-lations vers l’espace rural, ont modifié lacomposition et la sociologie des popula-tions rurales.

Les difficultés à construire une défini-tion objective de la ruralité se sont doncaccrues alors que persistent, dans l’in-conscient collectif, des images révéla-trices d’une vision idyllique descampagnes. Ces dernières symbolise-raient une forme d’authenticité, une im-muable qualité de vie, perçues commeantithèses de la modernité et du dyna-misme urbains(2). Autrefois sociétésagri-artisanales presque autosuffisan-tes, les collectivités rurales ont pour-tant connu depuis l’exode rural, lamécanisation, l’industrialisation. Mobi-lités alternantes, péri-urbanisation etextension du mode de vie urbain ontaussi gommé les distinctions. Ainsi, lafrontière entre villes et campagnessemble s’inscrire en flou, laissant par-fois croire à une réalisation du mot d’es-prit d’Alphonse Allais, qui proposait de“construire les villes à la campagne”.Ce paradoxe n’est au demeurant pas siéloigné des opinions relevées par l’en-

quête du Credoc sur les Français et l’es-pace rural : “dans les couronnespériurbaines (appartenant à l’urbain se-lon l’Insee), 85 % des habitants considè-rent qu’ils résident à la campagne”(3).

Les approches théoriques actuelles dela ruralité(4) reprennent cette ambiva-

lence : la convergence des pratiquesquotidiennes effaçant une partie desclivages entre ville et campagne, la ru-ralité se conçoit moins dans sa dimen-sion géographique que comme unereprésentation sociale et symbolique.Comme le notent les auteurs du Rapportdirigé par Olivier Mora sur les Nouvellesruralités(5), “alors que les modes de viese sont unifiés, l’opposition urbain-ruralreste centrale dans l’imaginaire”.Perçue comme un espace d’épanouis-sement, la campagne cristallise au-jourd’hui les aspirations de nombreuxcitadins. En mutation, à nouveau attrac-tive, innovante avec des modèles de dé-veloppement éco-dynamiques ou descircuits courts, elle est même paradoxale-ment associée à une certaine modernité...Le groupe de prospective sur les “nou-velles ruralités” préfère donc évoquer au

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Campagnes, ruralités : définitions et mutations

La Basse-Normandie est réputée rurale : son paysage est occupé à 86,7 % par des territoiresagricoles(1) (contre 58,6 % en France métropolitaine). Mais où se situe, dans la région, la fron-tière entre villes et campagnes ? Cette frontière est-elle mouvante ? Comment définir aujourd’huile milieu rural ?

(1) Source : Union européenne - SOeS, Corine Land Cover, 2006

(2) Voir à ce sujet : Ward, N. and Ray, C., Futures analysis, public policy and rural studies, Working Paper 74,Centre for Rural Economy, University of Newcastle upon Tyne, 2004.

(3) Régis Bigot et Georges Hatchuel, 2002, Enquête du Crédoc sur Les Français et l’espace rural, réalisé à lademande du Groupe de Prospective “ espaces naturels et ruraux et société urbanisée”, Dir. Philippe Per-rier-Cornet, UMR Inra-Enesad de Dijon, avec le soutien de la Datar et du Ministère de l’Agriculture (DERF),2001.

(4) Les différentes approches de la ruralité sont bien synthétisées dans la publication accompagnant lesrésultats de l’enquête européenne “Qualité de vie : différences urbain rural” , déjà citée.

(5) Olivier Mora, Edith Heurgon, Lisa Gauvrit, Les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030, Rapport dugroupe de travail Nouvelles ruralités, Juillet 2008

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pluriel cette notion complexe, à redéfi-nir, où des éléments hérités coexistentavec des phénomènes en émergence,tout en soulignant les nouvelles dyna-miques du dialogue urbain-rural.

Comment mobiliser, alors, des donnéeslocalisées pour l’observation des diffé-rentes composantes des espaces ru-raux ? Au-delà des découpagesadministratifs, les partitions des espa-ces peuvent s’appuyer sur des notionsde territoires vécus (accès aux servi-ces, à l’emploi) ou morphologiques(densité, continuité du bâti).

Typologie des cantons rurauxLa Société d’études géographiqueséconomiques et sociologiques appli-quées (Segesa) a réalisé en 1999 unetypologie des cantons ruraux à partird’indicateurs sur la population, l’activi-té, l’habitat, etc. La Délégation intermi-nistérielle à l’aménagement duterritoire et à l’attractivité régionale(Datar) a identifié, à partir de cette typo-logie, différents “visages de la Francerurale”.

La carte ci-contre, extraite du site del’observatoire des territoires de la Datar,en constitue un zoom à l’échelle de laBasse-Normandie.

En dehors des sept cantons urbains, ondénombre en Basse-Normandie dix-septcantons périurbanisés ou en voie del’être, que la Datar rassemble sous lenom de “campagne des villes”, et qui oc-cupent le Nord-Est du Calvados, de laplaine de Caen au Pays d’Auge.

Les autres territoires sont considéréscomme ruraux. Au sein de ces cantonsruraux figure une vingtaine de cantonscorrespondant à de “petites villes rura-les”, ainsi qu’une dizaine de cantons“ouvriers”. Seuls cinq sont considéréscomme “ruraux agricoles, vieillis et peudenses”. La région compte en outretrois “cantons à attractivité touristiquerésidentielle”.

Hormis ces cantons présentant desspécificités marquées, près de la moitiédes cantons bas-normands apparais-sent comme “ruraux en transition”. Cesespaces, caractérisant avant tout le

Grand-Ouest de la France, sont identi-fiés par la Datar(6) comme des cantonsintermédiaires : la densité de popula-tion y avoisine les seuils de faible densi-té (35 habitants au km²), et laprogression démographique y estfaible. Si la tertiarisation de l’économies’y avère rapide, les fonctions de loisirou de tourisme y sont peu développées,et l’emploi agricole et industriel yconserve un certain poids.

Cette analyse présente donc unegrande partie du territoire bas-normand

comme un espace intermédiaire, par-fois apparenté aux troisièmes “ceintu-res” périurbaines ou à des espacesrétro-littoraux(7). Sans évoquer le dé-clin éventuel de certains cantons, le de-venir de ces territoires peut encores’inscrire dans différentes logiques : decelles d’espaces résidentiels sous do-mination urbaine à celles de “nouvellescampagnes” dynamiques et attracti-ves, développant des fonctions produc-tives diversifiées, par exemple autourdu tourisme, des loisirs, d’une agricul-ture de qualité et de la valorisation del’environnement. La Datar souligne l’en-jeu que constitue, pour les politiquespubliques, leur capacité à donner uneorientation positive à ces évolutions.

Les travaux présentés dans ce dossierne s’appuient pas sur cette typologie,

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Quelle approche du milieu rural ?

(6) Quelle France rurale pour 2020 ? Contribution à une politique de développement rural durable, Datar,septembre 2003.(7) Cf. programme de recherche Dynamiques territoriales et foncières dans le rural en transition duGrand-Ouest (Dytefort), conduit par ESO-Nantes, UMR6590.

Quel avenir pour les ruralités bas-normandes ?

La Basse-Normandie fait l’objet d’approfondissements spécifiques dans le Rap-port dirigé par Olivier Mora et Edith Heurgon sur les Nouvelles ruralités à l’horizon2030(1). Quatre scenarios s’en dégagent. Deux d’entre eux prolongent les tendan-ces actuelles : diffusion métropolitaine, périrubanisation et économie résiden-tielle dans un cas, économie présentielle et forte innovation (transports, TIC) pourdes migrations intermittentes vers des villégiatures rurales attractives dansl’autre.

Le troisième scénario, contrasté et radical, correspond à une crise énergétiqueinduisant une rupture des mobilités et une densification urbaine.Caen-Rouen-Le-Havre concentreraient les espaces de vie, de détente, et de tra-vail, au détriment de territoires ruraux soit hyperspécialisés dans des fonctionsagri-alimentaires au service des métropoles, soit cantonnés à leur vocation depréservation des ressources naturelles et de la biodiversité sur le modèle deparcs nationaux, progressivement plus boisés et sauvages.

La Basse-Normandie constitue l’étude de cas illustrant le quatrième scénario, in-titulé “les campagnes dans les mailles des réseaux de villes”. Ce scénario équili-bré, limitant les effets de la périurbanisation, conduit à des espacesmultipolarisés et imbriqués, où l’accès aux différentes gammes de services estgaranti. Il voit l’émergence d’une économie diversifiée dans les villes moyennesou petites, complémentaires d’espaces ruraux à la fois résidentiels et productifs.La mise en place de ces “ruralités renouvelées” suppose une gouvernance effi-cace et des projets de territoire concertés et ambitieux.

Certains enjeux se dessinent alors en termes d’aménagement du territoire, avanttout pour contenir la périurbanisation, mais aussi pour développer des pôles d’ac-tivités ou de compétitivité. Le maillage des bourgs et petites villes doit être conso-lidé par des services afin de structurer des bassins de vie autonomes. Lesespaces ruraux concilient préservation d’un cadre de vie agréable et de la biodi-versité avec des fonctions productives diversifiées. Le département de laManche, en particulier, est cité pour ses atouts : un réseau de bourgs en soutienaux espaces ruraux, une économie alliant innovation, services, et filières, et unelongueur d’avance sur le numérique. La Manche serait ainsi à même “d’inventerde nouvelles formes de ruralité... pour intégrer compétitivité économique et cadrede vie”.(1) Olivier Mora, Edith Heurgon, Lisa Gauvrit, Les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030, Rapportdu groupe de travail Nouvelles ruralités, Juillet 2008

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qui fait apparaître des distinctions plusmarquées à l’échelle de la France mé-tropolitaine, et ne vise pas à définir l’es-pace rural. Construite sur les cantons,qui couvrent des réalités diverses enmatière de ruralité, elle ne permettaitpas toujours de différencier la situationde certaines villes rurales des campa-gnes qui les entourent.

Une approchepar les territoires vécus

Le maillage en bassins de vie s’appuiesur des notions de territoires vécus ets’efforce de définir, en évaluant l’ac-cessibilité à différents équipements,mais aussi aux services et à l’emploi,les plus petits territoires dans lesquelspeuvent s’accomplir la majorité des ac-tes quotidiens. Ce zonage élaboré parl’Insee, l’Inra, l’Ifen et le ministère del’Agriculture, est donc adapté à l’étudedes conditions de vie. S’il s’affranchitdes territoires administratifs, ce décou-page délimite en revanche des espacesrelativement vastes (74 bassins), etagrège par construction les pôles d’em-ploi ou d’accessibilité avec l’espace ru-ral qui les entoure. Il n’a donc pas paruopportun de réaliser l’ensemble decette étude en retenant la notion debassin de vie. La définition de ces bas-sins de vie s’accompagnait d’une étudesur leur orientation économique : cetteapproche a été rappelée dans le voletéconomique afin de caractériser lescomposantes résidentielles ou non del’économie bas-normande (voir p. 22).

En définitive, le groupe a retenu la défi-nition de l’espace rural correspondantau zonage en aires urbaines et airesd’emploi de l’espace rural (Zauer), quisemblait permettre la mobilisation d’in-dicateurs appropriés dans un tempsraisonnable. Ce zonage associe deséléments morphologiques (continuitédu bâti, entre autres, pour la constitu-tion des unités urbaines) et des prati-ques quotidiennes (déplacementsdomicile-travail). Selon cette définition,l’espace rural occupe 11 000 km², soitles deux tiers de la région. Afin que lelecteur puisse s'y reporter plus facile-ment, cette partition du territoire, quisous-tend donc la plupart des résultatsprésentés, est décrite en p. 37 (couverture).

Julien BECHTELInsee

De nouvelles dynamiques démographiques

Depuis 1999, la croissance démographique de l’espace ruralbas-normand rejoint celle de l’espace urbain, profitant d’a-bord au littoral et aux franges du périurbain. Cependant le dé-part des jeunes et l’arrivée de seniors accélèrent levieillissement des campagnes bas-normandes.

Quelle approche du milieu rural ?

Une densité de populationinégale

Au 1er janvier 2006, sur les 1 456 000bas-normands, 511 550 vivent dans l’es-pace rural, soit plus du tiers (35 %),contre 18 % en France métropolitaine.La Basse-Normandie est ainsi la 4e ré-gion la plus rurale de la métropole.

La densité de la population dans l’es-pace rural s’élève à 46 hab./km², maispeut être inférieure à 30 hab./km² danscertaines communes. Les plus faiblesdensités sont relevées dans l’Orne, no-tamment le Perche, mais aussi dans lazone des marais du Cotentin.

Plus de la moitié des 1812 communesbas-normandes appartiennent à l’es-pace rural (57 %, contre 51 % en métro-pole). Ces communes rurales sontsouvent de petite taille : la moitiéd’entre elles rassemblent moins de 248habitants, un seuil médian inférieur à

celui des communes rurales demétropole (268 habitants). Près de 9communes rurales bas-normandes sur10 accueillent moins de 1 000 habitants,et 778 - soit exactement les trois quartsdes communes rurales - comptentmoins de 500 habitants. L’IGAS rappelle,à cet égard, que la taille modeste descommunes, ou des intercommunalités,peut constituer un frein à l’émergencede projets de développement écono-mique et social, comme à la mutualisa-tion de moyens nécessaires aux actionscoordonnées dans le domaine social(pour le repérage des situations fragi-les, la mise en place de services collec-tifs à la population ou l’amélioration del’habitat)(1).

(1) IGAS-CGAAER, Pauvreté, précarité, solidaritéen milieu rural, septembre 2009, §14 et §244

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Des alternancesdémographiques

Au cours du XXe siècle, le milieu ruralconnaît deux évolutions démographi-ques notables : une dépopulation liée àl’exode rural, et un vieillissement de seshabitants.

Toutefois, de nouvelles évolutions sedessinent depuis 1999. La croissancedes espaces ruraux, au sens du Zauer(voir p. 37), rejoint celle des espaces ur-bains. Entre 1982 et 1999, la populationrurale stagnait. Entre 1999 et 2006 elleaugmente au contraire, de 0,3 % par an,alors que naissances et décès s’équili-brent. On constate par ailleurs que laplupart des pôles d’emploi de l’espacerural perdent des habitants, les gainsde population se concentrant dansleurs couronnes (+ 0,7 % par an), etdans les communes éloignées (+ 0,5 %par an). De nouvelles zones de fixationde la population apparaissent ainsi ausein des espaces ruraux à faible densi-té, notamment entre Argentan et Flers,le long de l’axe reliant Caen à Falaise,ainsi qu'entre L’Aigle et Alençon.

Un rebond démographique, maispas pour tous les territoires

Ce rebond démographique de l’espacerural cache de fortes disparités territo-riales. Il concerne la façade littorale,notamment manchoise, qui bénéficied’une attractivité importante. Profitantd’une attractivité moins intense, maisde mouvements naturels favorables,les espaces ruraux proches des espa-ces urbains, sur une large périphériecaennaise notamment, profitent égale-ment d’un rebond démographique. L’é-talement urbain est manifeste, bien

qu’encore éloigné du continuum obser-vé en Haute-Normandie. Cette attracti-vité de l’espace rural bas-normand nes’exerce pas qu’auprès des popula-tions urbaines de proximité, mais aussiau-delà des frontières régionales, au-près des franciliens notamment : plusd’une arrivée sur six a pour originel’Ile-de France.

Cependant tous les territoires ruraux nesont pas lotis à la même enseigne. LeSud manchois cumule déficit naturel etmigratoire. La façade littorale de lapresqu’île du Cotentin au Nord de Caren-tan est dans la même situation. Plusieursterritoires ornais présentent égalementdes fragilités démographiques.

Des migrations entraînant unvieillissement de la population

Les migrations vers l’espace rural, cu-mulées à l’effet générationnel dupapy-boom, contribuent à son vieillisse-ment progressif. On observe en effet unfort déficit migratoire des jeunes de 15 à24 ans, nombreux à quitter l’espace ru-ral lors de la recherche du premier em-ploi ou pour poursuivre des études. Lesdonnées issues du recensement 2006,qui interroge les personnes sur leur lieude résidence 5 ans auparavant, permet-tent d’en préciser l’impact : 8,5 % des15-19 ans ont quitté l’espace ruralbas-normand, cette proportion passantà 17,8 % pour les 20-24 ans.

A partir de 25 ans, et pour toutes les au-tres classes d’âges, le solde migratoireest excédentaire, et notamment pourles seniors. Ce phénomène, couplé audépart des jeunes, accélère le vieillis-sement de la population dans les cam-pagnes. En effet l’excédent d’arrivantsâgés entre 55 et 64 ans par rapport auxdéparts représente 7,3 % de cetteclasse d’âge. Cet afflux de jeunes re-traités (7 415 entrées contre 3 299 sor-ties) contribue à accroître leur poidsdans la population totale.

Ces phénomènes impactent donc lastructure par âge de la population ru-rale, notamment aux âges extrêmes.

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Les jeunes âgés entre 15 et 29 ans sontde moins en moins nombreux dans lescampagnes bas-normandes : formant20,6 % de la population totale en 1990,ils ne constituaient plus que 17,2 % de lapopulation en 1999, et 15,3 % en 2006.

En revanche les seniors (60 ans et plus)voient leur présence s’affirmer dansl’espace rural : 27,4 % de la populationtotale en 2006, contre 23,9 % en 1990.Cependant, au cours des sept derniè-res années (entre 1999 et 2006), seulsles plus âgés des seniors ont vu leurproportion s’accroître dans l’espacerural, la part des 75 ans et plus passantde 9,0 % à 11,4 %, alors que celle despersonnes de 60 à 74 ans diminuait lé-gèrement sur la période. Ce dernier ef-fet est aussi une conséquence dudéficit de naissances observé au coursde la seconde guerre mondiale.

L’examen de la pyramide des âgesconfirme ce constat, en montrant unepart moins importante de jeunes entre15 et 29 ans dans la population totale, etplus de seniors. On remarque aussi uneproportion moins élevée de femmes enâge d’être actives.

Les effets du vieillissement sont toute-fois plus ou moins marqués selon lesterritoires. Les campagnes manchoi-ses, dans la moitié sud du départementet dans la base de la presqu’île du Co-tentin, comptent beaucoup plus de per-sonnes âgées que de jeunes. C’estégalement le cas du Perche ornais.

Sabrina LEROUXInsee

Source : Insee, recensement de la population de 2006

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PYRAMIDE DES ÂGES EN BASSE-NORMANDIE

Âge

De plus en plus de personnes seules dans leur logement

La taille des ménages se réduit au sein des communes rurales bas-normandes. En moyenne, elle est passée de 3,2 personnesen 1968 à 2,3 personnes 40 ans après. Cette évolution, semblable à celle de la région, n’est donc pas singulière.

La baisse de la taille des ménages est notamment due à l’augmentation de la part des personnes seules parmi l’ensemble dela population de 30 ans ou plus. Cela s’observe aussi bien dans l’espace rural (+ 1,7 % entre 1999 et 2006) qu’en milieu urbain(+ 2,0 %). En 2006, 17,6% des ruraux de 30 ans et plus sont seuls (18,4 % en milieu urbain).

Les seniors sont les premiers concernés. Ainsi dans l’espace rural, parmi les personnes seules de 30 ans et plus, 64,3 % ontplus de soixante ans (soit dix points de plus qu’en milieu urbain). L’isolement est d’autant plus marqué que l’âge est avancé.En effet, si 20 % des personnes âgées de 60 ans et plus vivent seules dans leur logement, elles sont 37,8% dans cette situationau delà de 75 ans, souvent du fait d’un décès dans le couple.

Quelle approche du milieu rural ?

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