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Mensuel de la Confédération paysanne Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 367 décembre 2020 – 6 – ISSN 945863 Dossier La Scop, pour un autre statut paysan ? Covid Les productions de Noël ne sont pas à la fête

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Mensuel de la Confédération paysanneMensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 367 décembre 2020 – 6 € – ISSN 945863

Dossier

La Scop, pour un autre statut paysan ?

Covid Les productions de Noël ne sont pas à la fête

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Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de larubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.

Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

Sommaire

Dossier La Scop, pour un autre statut paysan ?4 Vie syndicale

Actualité6 Covid Les productions de Noël ne sont pas à la fête8 Agriculture et alimentation Une loi pour rien9 France Relance Un plan sans réelle impulsion sociale et écologique

10 Abattage à la ferme : un nouveau projet au Pays Basque10 Lactalis, une firme sans foi ni loi11 Agriculture et énergie Un projet démesuré à l’encontre de l’intérêt

des paysan·nes12 Tribune Enseignement agricole public : la représentation nationale

doit prendre ses responsabilités… maintenant !Point de vue

13 Covid Une gestion de la crise très loin des valeurs paysannesInternationales

14 Pour d’autres échanges commerciauxAgriculture paysanne

16 Les Volonteux, une ferme coopérativeAmi·e·s de la Conf ’

18 Quand les Ami·e·s soutiennent un projet d’installationCulture

19 Geoffrey Couanon Douce France19 Nyko Leras Vincent, paysan engagé21 Annonces21 Abonnement

2 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Le Samson du mois

À nos lectrices et lecteursComme bien d’autres activités, la rédaction, la fabrication et la diffusion de Campagnes solidaires sont perturbées en ces temps de coronavirus etde reconfinement.Nous n’avons pas ainsi pas pu passer tous les textes à une relecture attentive, traquant la faute dans les moindres recoins de ce numéro. De cefait, quelques coquilles se sont sans doute « planquées » dans nos articles : nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.Merci pour votre compréhension et pour votre fidélité. Le comité de publication de Campagnes solidaires

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On l’ouvre

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 3

RésisterNous vivons le deuxième confinement de l’année 2020 et il n’est pas aisé d’avoir une réaction

simple par rapport aux mesures qui nous sont imposées pour lutter contre la pandémie, quand bienmême Hippocrate a écrit que « le médecin doit à tout prix éviter le remède si le remède nuit àson patient ».

Oui, cette nouvelle maladie n’est pas plus tueuse que la pollution ou les cancers, et les chiffresdont on nous inonde quotidiennement ne permettent pas d’objectiver la situation sanitaire.

Oui, une alimentation de qualité, et donc l’agriculture paysanne, est un moyen de s’en préserveren réduisant les pathologies et en développant nos capacités immunitaires.

Oui, comme beaucoup d’entre vous, nous nous inquiétons de cette gestion de la pandémie qui,en n’intégrant que les seuls critères sanitaires et économiques, entraîne un recul de la démocratie,un affaiblissement de nos relations sociales, la fragilisation des personnes âgées coupées de leurfamille, la mort à petit feu des milieux associatifs, sportifs, culturels ; bref, la négation de tout ce quinous responsabilise, nous émancipe, donne du sens à notre vie, fait notre humanité.

Oui, investir dans l’hôpital public est une nécessité à laquelle nos gouvernements ont renoncédepuis trop longtemps et doit donc nous mobiliser avec l’ensemble du mouvement social.

Mais vu l’afflux important de malades nécessitant des soins urgents et l’incapacité hospitalièreà répondre à toutes et tous sans devoir accepter l’inacceptable – laisser mourir des personnes fautede soins suffisants et imposer au personnel soignant la terrible pression du tri des patient·es –nous préférons, faute de mieux, accepter ces reculs temporaires tout en restant lucides sur les levierspolitiques et économiques à engager urgemment pour ne plus jamais revivre ça, et surtoutempêcher une atteinte permanente à nos libertés.

Cela ne signifie pas pour autant se laisser imposer sans lutter les choix de productionet de consommation tournés de manière unilatérale vers une industrialisation de plus en plusprononcée, inacceptable et à terme beaucoup plus mortifère.

Résister, c’est continuer à faire notre travail syndical de lutte, de réflexion et de production d’idéesnouvelles à même de construire une autre façon de vivre, produire et faire vivre nos pays malgré lesobstacles et malgré les dissensus ou divergences de lecture concernant la gestion de cette crise.

Résister, c’est continuer à projeter des réunions, des actions, des formations malgré les risquesd’annulation. Se censurer serait faire le jeu du gouvernement qui, depuis le début du mandatprésidentiel, profite de toutes les occasions pour discréditer et amoindrir les contre-pouvoirs, élu·eslocaux, parlementaires, partis politiques, syndicats, monde associatif…

Résister, c’est avoir la capacité d’évaluer les risques, de choisir sa façon de s’y exposer ou non, touten respectant les autres.

Le secrétariat national de la Confédération paysanne

Mensuel édité par :l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : 0143628003campsol@confederationpaysanne.frconfederationpaysanne.frfacebook.com/confederationpaysanneTwitter : @ConfPaysanne

Abonnements : [email protected] de la publication :Nicolas GirodRédaction : Benoît Ducasse et Sophie ChapelleSecrétariat de rédaction :Benoît Ducasse

Comité de publication :Christian Boisgontier, Michel Curade, JoëlFeydel, Florine Hamelin, Véronique Léon,Jean-Claude Moreau, Michèle Roux,Geneviève SavignyDiffusion : Anne Burth et Jean-Pierre EdinDessins : Samson et Rodho

Maquette : Pierre RauzyImpression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens CedexCPPAP n° 1121 G 88580N° 367 décembre 2020Dépôt légal : à parutionBouclage : 24 novembre 2020

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Vie syndicale

4 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Jérôme Laronze n’aura jamais 40 ansLe 20 novembre, la Confédération paysanne de Saône-et-Loire appelait à manifester à Mâcon,3 ans et demi après la mort de Jérôme Laronze, éleveur du département, adhérent de laConfédération paysanne, abattu par des gendarmes le 20 mai 2017 à la suite d’un nou-veau contrôle administratif sur sa ferme. Le porte-parole national de la Confédération pay-sanne, Nicolas Girod, était présent, ainsi que le porte-parole régional, Jérôme Gaujard.La manifestation, en lien avec la famille, dénonçait l’irrégularité des contrôles opérés les4 juin 2015, 6 et 22 juin 2016. Irrégularité qui a été confirmée par un jugement du tri-bunal administratif de Dijon. Par un jugement en date du 28 février dernier, le tribunalqualifie les contrôles réalisés ces jours-là par la Direction départementale des territoires(DDT), avec la complicité de la gendarmerie de Cluny, de « procédure administrative decontrôle irrégulière ».Le tribunal juge que, lors de ces contrôles, les agents et gendarmes se sont affranchis durespect des règles de procédure visant à garantir le respect du domicile de la personnecontrôlée. Selon la réglementation, une visite au domicile d’une personne contrôlée nepeut être réalisée qu’avec son accord ou, à défaut, avec l’autorisation du juge des liber-tés et de la détention et en présence d’un officier de police judiciaire.Le tribunal administratif de Dijon a constaté que le préfet n’a démontré ni l’accord de JérômeLaronze pour une visite de son domicile – où se trouvaient les documents administratifsde l’exploitation, dont le registre d’élevage – ni avoir obtenu une autorisation du juge.Il a donc conclu à l’irrégularité de la procédure de contrôle et annulé la réduction desaides Pac des années 2015 et 2016.Ce jugement est aujourd’hui définitif.Cette décision claire et sans appel du tribunal administratif est déterminante. Elle doitpermettre de relancer l’instruction sur la mort de Jérôme. Le combat pour la vérité et lajustice continue.Le 13 novembre, Jérôme Laronze aurait eu 40 ans.

Martinique : pour une reconnaissance del'impact du chlordécone sur la populationLe 7 novembre, le collectif Lyannaj Pou Dépolyé Matinik (Col-lectif pour la dépollution de la Martinique) – dont fait partie l’Or-ganisation patriotique des agriculteurs de Martinique (Opam,membre de la Confédération paysanne) – manifestait à Fort-de-France, malgré le confinement. Le but : soutenir un militant pour-suivi devant le tribunal de la ville suite à une manifestation enjuillet (procès reporté au 17 mars) et rappeler ses revendications,dont la dépollution des terres empoisonnées au chlordécone, l’in-demnisation des petits paysans dont les terres ont été polluéeset l’accompagnement aux reconversions.Le chlordécone est un pesticide utilisé en Guadeloupe et enMartinique à partir de 1972. Jusqu’en 1993, les bananeraies enont été aspergées pour lutter contre le charançon de la banane.Mais le chlordécone est un perturbateur endocrinien, un poisonviolent aux graves conséquences sur la santé humaine. La Mar-tinique détient ainsi le record du monde de cancers de la pros-tate, avec 227 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaqueannée. La Guadeloupe est elle aussi très touchée par cette mala-die. Le chlordécone augmente également le risque de préma-turité et d’effets négatifs sur le développement cognitif etmoteur des nourrissons, une réduction de la fertilité, une mul-tiplication exponentielle des cancers du sein et des ovaires…Un rapport parlementaire de 2019 déclare : « La responsabilité

de l’État est avérée, malgré les remontées de terrain (…), l’État a

poursuivi les autorisations de vente du chlordécone, jusqu’en

1993. » Interdit dès 1976 aux États-Unis, son autorisation devente en France ne fut retirée qu’en 1990 et son utilisation s’estencore poursuivie aux Antilles. Un scandale pour lequel lesAntillais·es réclament justice.

La Conf’ en réseauRevoir le volet « abattoirs » du plan de relanceLe volet abattoirs du « plan de relance économique de la France de 2020-2022 » risque de profiter aux grands industriels, sans améliorer suffisammentla protection animale, le maillage territorial et les conditions de travail, affir-ment, le 4 novembre, sept organisations de salariés, agriculteurs et défenseursdes animaux d’élevage. « C’est une nouvelle occasion manquée de faire évo-luer le secteur de l’abattage », estiment dans un communiqué du 4 novembrela Confédération paysanne, le syndicat de salariés Fnaf-CGT, la Fnab (producteursbio) et quatre associations travaillant sur le bien-être des animaux d’élevage.Les signataires redoutent que ce plan devienne « une opportunité offerte àceux qui dominent la filière pour faire financer leurs investissements de routinepar l’État et renforcer encore leur compétitivité au détriment des abattoirs deproximité ». Ils proposent « que seuls soient éligibles à ce financement lesinvestissements destinés à la protection animale, au renforcement du maillagedes abattoirs de proximité et à l’amélioration des conditions de travail » et « quela création d’abattoirs fixes de proximité soit aussi accompagnée par ce plan demodernisation, afin de relocaliser les outils d’abattage dans les zones où ils fontdéfaut ».

Stopper Amazon avant qu’il ne soit trop tardLes 120 signataires de la tribune publiée le 16 novembre par France Info fontle constat d’une « crise sans précédent qui a une nouvelle fois révélé les pro-fondes inégalités de notre société ». Pendant que « les premiers de corvéesrisquent leurs vies au quotidien » et alors que « des dizaines de milliers depersonnes ont perdu ou vont perdre leur emploi, et qu’un million de personnessupplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté en France », le géantdu e-commerce a vu ses ventes « exploser » en 2020, et la fortune de sonPDG Jeff Bezos dépasser les 200 milliards de dollars. 100 000 emplois sontmenacés en France et des dizaines, voire des centaines d’hectares de terresagricoles pourraient être détruits pour l’implantation d’entrepôts de la firme(certains projets sont déjà lancés). La tribune sur : urlz.fr/efSN

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Vie syndicale

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 5

Une taxe sur les bénéficesdes GMS

Le 2 novembre, lors d’une réunion de tra-vail avec Julien Denormandie, le ministre del’Agriculture, la Confédération paysanne aproposé que « s’ouvre rapidement uneréflexion pour élaborer une taxe sur lesbénéfices générés par la grande distribu-tion durant les périodes de confinement ».« Elle pourrait servir à l’indemnisation des« perdants », notamment toutes celles etceux dont les productions sont tournéesvers des produits festifs et saisonniers quiseront très lourdement impactés ».

HVE : un « hold-up »desservant l’agroécologie

Par un communiqué du 10 novembre, laConfédération paysanne a demandé auxdéputé·es de ne pas voter l’amendementprévoyant un crédit d’impôt pour la certi-fication Haute Valeur Environnementale(HVE) dans le cadre du projet de loi definances (PLF) pour 2021. Dénonçant « unecertification qui n’a que l’apparence de latransition agroécologique », le syndicatassure que « certain·es certifié·es se van-tent d’ailleurs d’avoir obtenu cette labelli-sation “sans rien changer à leurs pratiques !”».Sur la forme, la Conf’ déplore que la mesureait été adoptée par la voie d’un amende-ment, une procédure ayant « l’avantage dene pas requérir d’étude d’impact et de sefaire dans la discrétion ». De plus, « l’amen-

dement défendu par ces députés demandeque ce crédit d’impôt soit rétroactif et béné-ficie aussi à celles et ceux qui se sont déjàengagé·es dans cette certification ! » Nousreviendrons sur le bluff de la HVE dans ledossier de notre prochain numéro.

Combien de temps un Premierministre peut-il contreveniraux injonctions du Conseild’État ?

C’est la question que la Conf’ a posé dansun communiqué de presse, le 17 novembre.

En février dernier, le Conseil d’État (CE) aenjoint au Premier ministre d’interdire lesvariétés cultivées et commercialisées enFrance en infraction à la réglementationsur les OGM. Cela concerne notammenttoutes les variétés de colza Clearfield deBASF rendues tolérantes aux herbicides.

Le 4 novembre, soit trois jours avant la finde l’échéance fixée par le CE, l’Union Fran-çaise des Semenciers (UFS) a « souhaité »,par voix de presse, une « adaptation régle-mentaire » permettant de ne pas appliquercette injonction. Après avoir refusé de publierdans les temps (le 7 août) le décret exigépar le CE et destiné à identifier les techniquesde mutagenèse pouvant être exemptées deces obligations, le Premier ministre n’a pasnon plus publié la liste des variétés de colzaCL non exemptées. On peut légitimementse demander qui commande à Matignon :la loi votée par le Parlement et confirmée

par le CE ou les multinationales semen-cières ?

Pendant que le gouvernement et lessemenciers jouent la montre, les colzasOGM illégalement cultivés et les herbicidesassociés à leur culture contaminent demanière irréversible les autres cultures, labiodiversité sauvage, les sols, l’eau et notrealimentation. L’île de Tasmanie vient ainsid’indiquer que des repousses de colzaOGM sont encore présentes sur son solalors que les quelques expérimentationsqui s’y sont déroulées sont stoppées depuis20 ans !

La Confédération paysanne appelle le Pre-mier ministre à exécuter immédiatementles injonctions du Conseil d’État.

Néonicotinoïdes : décrypterL’interdiction des néonicotinoïdes n’était

pas responsable des problèmes rencontréspar les productrices et producteurs de bet-teraves à sucre et la réautorisation en 2021de leur utilisation est bien un scandale. Lesmensonges de la Confédération généraledes planteurs de betteraves (CGB, filiale dela Fnsea) et ceux des responsables des filièresfrançaises du sucre et des agrocarburantssont décryptés, chiffres et schémas à l’ap-pui, dans un document de quatre pagespublié début novembre par la Confédéra-tion paysanne.Un document à lire et télécharger sur : urlz.fr/ecGc

La Conf’ a dit

Soutien à EHLGEuskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG)est une association de développement agri-cole et rural, une « chambre alternative »pour l’agriculture du Pays Basque. Du 12 au15 novembre, elle devait organiser sa 15ème

édition de Lurrama, la très populaire et fré-quentée vitrine de l’agriculture paysannebasque. Mais, à cause du Covid-19, cetteédition a été annulée sous sa forme habi-tuelle.C’est bien dommage : la thématique de Lur-rama 2020 – « Prenons soin du monde dèsaujourd’hui » – était l’occasion pour l’asso-ciation de présenter, entre autres, l’étudequ’elle vient de mener portant sur le systèmealimentaire depuis la terre nourricière jus-qu’à l’assiette au Pays Basque en 2050.Lurrama est une source importante de finan-cement d’EHLG. C’est pourquoi l’associa-tion appelle toutes celles et tous ceux quile souhaitent à contribuer quand même, viaun don, à son activité. En ligne sur : ehlgbai.org

Partenariat

Amnesty InternationalChaque année en décembre, autour de la Journée internationale des droits de l'homme

du 10 décembre, Amnesty International France concentre son action sur des situations

individuelles des violations des droits humains emblématiques des combats qui sont

menés dans la durée.

10 Jours Pour Signer est une campagne mondiale d'Amnesty International qui porte l’at-

tentio sur 10 cas emblématiques, 10 femmes et hommes jetés en prison pour leur oppo-

sition aux pouvoirs en place. Cette année, en France, la campagne se déroule du 4 au

13 décembre.

Parmi ces 10 cas défendus en 2020, Jani Silva qui se bat pour les droits des paysans contre

l'extraction pétrolière, l'accaparement des terres et la déforestation en Colombie. Victime

de harcèlement de la part de groupes armés, elle est aujourd'hui menacée de mort. Éga-

lement Paing Phyo Min, ancien président du syndicat étudiant de l'université de Dangon,

au Myanmar, qui a été condamné à 6 ans de prison pour avoir critiqué l'armée…

Pour signer les pétitions entre le 4 et 13 décembre : amnesty.fr/personnes

Pour le résumé de chacun des 10 cas :

amnesty.fr/actualites/les-10-jours-pour-signer-les-situations

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Christelle Rapée est paysanneà Hyères, dans le Var. Au domainede Fouques, avec ses associés(son père et son mari) et troissalariés (et demi), elle produit duvin de 22 hectares de vignes cul-tivées en biodynamie et 3 500volailles par an, proposant éga-lement 3 gîtes à la location (1).

« Dès le début, en mars, nosventes de vin à l’exporta-tion, surtout vers les États-

Unis, se sont effondrées. L’exportreprésente le tiers de nos ventesde vin, dont la moitié pour lesÉtats-Unis.

Les ventes sur place, au caveau,ont également fondu puisque toutle monde était confiné et qu’il n’yavait plus de touristes dans larégion. Or ces ventes représen-tent un autre tiers de notre chiffred’affaires pour le vin. On vendaussi à quelques restaurants quiont été et sont à nouveau fermés,

et nous faisons deux grandes foiresaux vins qui ont été annulées.

Ça a été mieux cet été, mais enautomne nous recevons beaucoupde touristes au caveau, surtout alle-mands et belges qui, avec ladeuxième vague et le reconfinement,ne sont pas venus. Nous nous retrou-vons avec un gros stock de rosé, leurvin préféré, sur les bras. Un vin quise garde peu et que nous essayonsactuellement de vendre en promo.

On essaie de commercialiserdavantage par correspondance, vianotre site Internet, en enregistrantet triant des adresses mails de clientsvenus au caveau ces dernièresannées, en les relançant. Tout ça faitbien plus de travail que d’habitude.Et pour tenir les prix, on va prendreen charge les coûts de transport.

Pour la volaille, nous vendonshabituellement 600 bêtes pour lesfêtes de fin d’année. Les commandessont au point mort en novembre,mais on espère qu’elles se déblo-

queront en partie en décembre, enfonction de l’évolution des mesuresprises pour faire face au Covid. Onessaye d’anticiper pour vendre lesvolailles, en contactant les amaps,en passant des encadrés dans lesjournaux locaux…

Quant aux gîtes, c’est bien sûrune mauvaise année puisqu’il n’ypas eu de location au printemps,ni à l’automne.

Mais finalement, on ne s’en sortpas trop mal comparé à d’autres,grâce à la diversification. On pensequ’il faudrait même se diversifierdavantage. On a commencé à enparler. On réfléchit à un atelier detransformation des volailles. Maisça demande à se former, peut-êtreà embaucher… On avait prévud’embaucher un salarié supplé-mentaire à la fin de l’année, maisc’est bien sûr reporté… » n

Propos recueillis par Benoît Ducasse

(1) fouques-bio.com

La récolte de châtaigne a étéplutôt bonne cette année enArdèche, mais l’annulation desfoires d’automne, des marchésde Noël et des animations tra-ditionnelles des « grilleurs »entravent fortement les ventesdans cette période de fin d’an-née très importante pour denombreuses fermes du dépar-tement.

Mi-novembre : la récolte setermine pour la plupartdes productrices et pro-

ducteurs ardéchois de châtaignes.Cette production est bonne aucentre et au sud du départementmais déficitaire au nord : la séche-resse y a été très marquée (unefois de plus !), doublée de cha-leurs anormales en septembre. Ilmanque ici du tonnage et du

calibre ; par chance, la qualité desfruits est partout au rendez-vous.

Globalement, c’est plutôt unebonne année pour la Châtaigned’Ardèche, signe de qualité AOP (1).Mais la crise du Covid et les effetsdes confinements pénalisent gra-vement l’écoulement de la pro-duction.

D’une part, la demande de ladistribution (la « grande », surtout)est orientée principalement surdes fruits de gros calibres : or laChâtaigne d’Ardèche, si elle secaractérise par sa typicité et ungoût sucré prononcé, produit desfruits de calibre moyen.

D’autre part, nous avons d’habi-tude de bons débouchés sur lesmarchés de détail, les foires d’au-tomne et les animations de« grilleurs » de novembre etdécembre, sans parler des marchés

de Noëls, événements majeurs pourécouler la partie transformation(confiture, crème, farine…); maiscette année, tous ces débouchéssont quasi inexistants.

La châtaigne représente une partimportante du revenu de nom-breuses et nombreux paysan·nesardéchois·es – entre 20 et 80 %selon les fermes, souvent cellesdes zones les plus difficiles dudépartement. Autant dire que l’im-pact de la crise du Covid estimportant pour ces paysan·nes.

À la Confédération paysanne del’Ardèche, il nous apparaît doncindispensable de soutenir cette pro-duction pour assurer la pérennitédes fermes et pour ne pas mettre enpéril un équilibre territorial et uneéconomie locale fragiles. n

David Loupiac,

producteur de châtaignes en Ardèche

(1) chataigne-ardeche.com

Le ruraleurQuand Jeff Bezosveut réinventerle mondeJeff Bezos, patron d’Amazon,à des projets près du pont duGard, à Nantes, à Lyon, àRouen… Partout des plate-formes logistiques s’installantsur des superficies proches des20 hectares.

Bezos, dont la fortune person-nelle dépasse les 200 milliardsde dollars, s’est fait les dentssur le livre. Sa révolution com-merciale est vieille comme lemonde : vendre un peu moinscher plus de marchandises pourmettre à genoux les magasinsclassiques. Sa technique de trides produits est une applica-tion de capacités numériquesmonstrueuses mais banale.

Le Covid 19 fait peur et apoussé aux achats en ligne ?Foin des initiatives locales etdes solidarités : Bezos ne laissepas passer l’occasion de fairebondir son taux de croissanceà deux chiffres. Le frais et l’ali-mentaire sont à portée demain : pas question pour lui delaisser ce secteur de côté. Il s’yessaye déjà en région pari-sienne.

Après le premier déconfine-ment, des voix ont demandé unmoratoire sur ces entrepôts.Dans la majorité politique, cesvoix se sont tues. Mais avecles fermetures sanitaires impo-sées aux commerces, Bezos estla personne au monde qui pro-fite le plus de ces mesures etça fait mal.

Obligée de communiquer pourcompenser son image qui sedégrade, Amazon enfume.Lorsque la marque doit fermerses activités pour mettre enplace des mesures de protec-tion de ses salarié·es, elle pré-tend le faire par souci de saclientèle et non pas parcequ’elle était tout simplementen infraction. Lorsqu’elle ditpayer des impôts, elle mélangetoutes sortes de dépenses à lasomme dérisoire qu’elle payeau titre d’impôts sur les béné-fices. Lorsqu’on lui reprocheson monopole, elle met enavant les petits partenaires…qui ont besoin de sa logistique.Et tout est à l’avenant.

Quand Jeff Bezos réinvente lemonde, le monde disparaîtdans la fumée des profits deJeff Bezos.

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6 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Actualité

Les productions de Noël ne sont pas à la fêteCette année, avec la pandémie du Covid-19 et les mesures mises en place pour éviter sa propagation,dont les confinements, nombre de productions agricoles ont vu leurs ventes entravées. En cette find’année, c’est particulièrement le cas des productions dites « festives ». Témoignages.

Châtaignes à la peine

« On ne s’en sort pas trop mal grâce à la diversification »

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Actualité

Près de Cordes-sur-Ciel, dans leTarn, Serge Barros gave, trans-forme et vend en direct l’équiva-lent de 700 à 800 canards par an.Une petite ferme en gavage tra-ditionnel mais qui subit elle aussiles conséquences des mesuresprises cette année pour faire faceà la pandémie du Covid-19.

« Au printemps, avec le pre-mier confinement, on a eudes soucis avec les ventes en

boutique à Cordes, village très tou-ristique mais déserté à cette occa-sion. Ça a été mieux durant l’été avecle déconfinement et le retour destouristes. On a fait une bonne sai-son en juillet-août et, si de mars àoctobre j’ai dû perdre environ 20 %de mon chiffre d’affaires habituel,les aides de l’État, les fameux1500 euros par mois touchésdurant trois mois, ont quasimentcompensé ma perte de revenu.

La grosse incertitude est bien sûrpour les fêtes de fin d’année. Habi-tuellement, je pars fin novembreen Haute-Savoie pour faire plu-sieurs petits marchés de Noël quiont tous été annulés. Ça repré-sente le tiers de mes ventesannuelles. J’y fais de 25 000 à30000 euros de chiffre d’affaires.Pour tenter de compenser, j’es-saie de vendre davantage par monsite Internet mais ce n’est pas évi-dent, d’autant que je n’ai pasconstitué de carnet d’adresses enprenant les mails de mes clientssur les stands les années précé-dentes… Et pour maintenir lesprix, je prendrai en charge les fraisde port. Si j’arrive à sauver10000 à 15000 euros de chiffred’affaires, je serai content.

Je produis et vends surtout desconserves : sauf le foie gras mi-cuit, tout pourra se conserver maisça aura un impact sur la produc-

tion à venir l’année prochaine qu’ilfaudra ajuster à la baisse.

Cette année, c’est vraiment dustress supplémentaire. Si on veutlimiter la casse, ça demande plusde boulot, de s’organiser commeon peut… J’en déduis qu’il nefaut vraiment pas mettre tousses œufs dans le même panier.Je vais ainsi essayer de vendredavantage localement. On estquelques-uns à avoir organisédes ventes directes sur des sitesde livraisons groupées dans leTarn, via le site lacagette.org.Ça a bien marché au printempset c’est bien reparti avec lereconfinement. À voir commentça va évoluer… J’espère quandmême que les pouvoirs publicset la MSA vont nous aider à pas-ser ce nouveau cap de la fin del’année… » n

Propos recueillis

par Benoît Ducasse

70 % du chiffre d’affaires desélevages de chèvres angora,producteurs et parfois trans-formateurs de mohair, se fontdurant la période hivernale etles fêtes de fin d’année.Nombre de ces élevages sonten difficulté.

Si certains se sentent pousserdes capes de super-héros,qu’ils revendiquent aux

bords de leurs champs, d’autresdont je suis sont classés parmi lesnon-essentiels.

Nous sommes la portion congruede l’agriculture, les non-alimen-taires. Produire de la laine, de l’an-gora, du cachemire, de l’alpagaou, comme moi, du mohair à desfins vestimentaires et autresréchauffements, est passionnant etle plaisir de ces matières nousélève.

Mais si nous sommes si peunombreux (150 pour le mohair),c’est qu’en vivre est une gageure.Les coûts de production élevés,

l’absence de prime nous dis-qualifient face aux grands paysproducteurs (1) et « obligent » àla transformation et à la ventedirecte. Pour faire face aux défistechniques et au coût de la trans-formation, les éleveuses et éle-veurs de chèvres angora pro-ducteurs de mohair, parexemple, se sont très tôt orga-nisés : unité de sélection géné-tique unique en Europe, syndi-cat spécifique, structurescollectives de transformation (dubrut au vêtement) et interpro-fession de promotion.

La période hivernale et les fêtes,c’est jusqu’à 70 % de nos chiffresd’affaires. Le premier confine-ment a déjà fait plusieurs vic-times, contraintes à renoncer.Celui de novembre (peut-êtreplus ?) s’annonce encore terrible,Internet ne faisant pas tout pourdes produits de niche tels queles nôtres.

Nous sommes donc des pay-sannes et des paysans qui ne peu-

vent ouvrir leur boutique, ne peu-vent aller sur les marchés ou évé-nementiels (tout bonnementannulés), et nous ne faisons pasnon plus partie des bénéficiairesdu fonds de solidarité !

Entre surcroît de travail pourtrouver et mettre en place dessolutions et catastrophe inéluc-table pour nombre d’entre nousse dessinent aussi les dégâtshumains et patrimoniaux pro-bables chez nos transformateurs,artisans et façonniers français etitaliens, qui sont souvent les der-niers à perpétuer les savoir-fairespécifiques de la transformation dela laine et du mohair. n

Mélanie Hoff,

paysanne en Moselle

(1) Les principaux élevages de chèvres angora,origine du mohair, se trouvent aujourd’hui enTurquie, en Afrique du Sud, en Argentine et enAustralie.

Plus d’info sur l’élevage : la-mariee-en-mohair.com/elevage

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ÉcobrèvesLe meilleurdes mondes

Le groupe Bel, fabricant des fro-mages en portion La Vache qui

rit, Kiri, Babybel et Boursin, veut« rééquilibrer » son portefeuilleen développant des proposi-tions sans lait. « On sait que les

protéines animales sont gour-

mandes en termes de CO2 »alors « on végétalise nos

gammes », a déclaré à l’AFP,en octobre, le PDG. Un Boursin100 % végétal – à base dematières grasses issues de lanoix de coco et du colza – estvendu depuis cet automne auxÉtats-Unis, sur la plateformeAmazon Fresh qui plus est. UnMini Babybel végétal devrait yvoir le jour l’année prochaine.Bel prépare aussi « le lance-

ment d’une nouvelle marque

internationale 100 % végétale

dans les prochains mois ». Pourle PDG, il ne s’agit pas d’oppo-ser les produits laitiers à ceuxd’origine végétale mais de«construire le meilleur des deux

mondes » au moment où lesconsommateurs et consom-matrices sont appelées à« réduire la part de l’animal au

profit du végétal » pour des rai-sons nutritionnelles et de pro-tection de la planète.

AppétitC’est le groupe Carrefour quia emporté le morceau : le2 novembre, son PDG aannoncé avoir été choisi parle tribunal de commerce deParis pour reprendre l’enseigneBio C’ Bon. Pour 60 millionsd’euros plus 40 millions d’eu-ros d’investissements, le géantde la distribution s’offre unréseau de 107 points de vented’alimentation bio en France etplus de 1000 salarié·es « reprisou reclassés ». La niche du bios’agrandit et l’appétit desgrandes firmes capitalistesaussi.

Un chiffreEn 2018, 65 % des produitsalimentaires étaient venduspar les grandes surfaces d’ali-mentation générale, selon unenote de l’Insee d’avril dernier,dont un tiers dans les hyper-marchés.Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 7

« C’est vraiment du stress supplémentaire »

Paysan·nes non-essentiel·les ?

Page 8: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

La loi « pour l’équilibre desrelations commerciales dansle secteur agricole et ali-

mentaire et une alimentation saine,durable et accessible à tous », cou-ramment appelée loi EGalim, aété adoptée il y a deux ans, le1er novembre. Mais pas de festi-vités pour cet anniversaire, plutôtun enterrement.

La Plateforme citoyenne pourune transition agricole et alimen-taire – qui regroupe 28 syndicatset associations, dont la Confédé-ration paysanne(1) – a publié dansune note argumentée de20 pages (2) un bilan d’échec de laloi et des États généraux de l’ali-mentation qui l’ont précédée.

Ainsi :• Le revenu paysan n’est pas

revalorisé, les profits de l’indus-trie et de la distribution conti-nuent d’augmenter, les prix à laconsommation aussi.

• Les négociations commercialesne sont pas plus encadréesqu’avant et subissent même destensions croissantes.

• Les ambitions en matière deréduction de l’usage des pesticidesont été revues à la baisse, avecmême un recul notable : le retourdes néonicotinoïdes validé enoctobre par le Parlement français.

• La protection des riverain·escontre les pesticides n’a pasavancé, l’État se défausse en livrantcette protection aux rapports deforces sur les territoires.

• Les objectifs d’au moins 20 %de bio dans la restauration col-lective et de 15 % de surface enagriculture biologique en 2022ne pourront être atteints, faute demoyens suffisants : nous n’ensommes respectivement qu’à4,5 % et 8,5 %.

• Aucune transition des modesd’élevage, intégrant notammentune meilleure prise en compte dubien-être animal, n’a été sérieu-

sement amorcée au sein desfilières.

• Enfin, la loi a laissé de côté denombreuses questions pour les-quelles tous les indicateurs sontau rouge : climat, solidarité inter-nationale, biodiversité, nutritionet alimentation…

Il y a un an, les organisations dela Plateforme alertaient déjà sur lemanque de volonté et de moyenspour assurer la mise en œuvre d’uneloi EGalim déjà peu ambitieuse. Làoù elles attendaient des amorcesde transition, elles constatent aumieux des statu quo, au pire de nou-veaux reculs comme sur les néo-nicotinoïdes. Là où les réformesengagées devaient permettre derevaloriser le revenu des paysans,celui-ci continue à se dégrader auprofit de l’agro-industrie. Là où desobjectifs intéressants étaient fixéspour la restauration collective, ilsparaissent aujourd’hui hors d’at-teinte tant les collectivités sont lais-sées livrées à elles-mêmes.

Or la dégradation du contextesocial et environnemental se pour-suit : la consommation de pesti-cides ne recule pas, le nombre depaysan·nes diminue, la biodiver-sité continue de s’effondrer, l’in-sécurité alimentaire explose enFrance et partout dans le monde…

D’autres leviers auraient permiscette année de corriger le tir : pro-

jet de loi de finances pour 2021,plan de relance économique 2020-2022, mise en œuvre de laConvention citoyenne pour le cli-mat… Mais tout indique à ce stadeque le gouvernement veut confor-ter l’immobilisme qui prévautdepuis le discours pourtant ambi-tieux d’Emmanuel Macron, devantles États généraux de l’alimenta-tion à Rungis, en octobre 2017.

La position de la France dans le cadrede la réforme de la Pac – notammentson Plan stratégique national (PSN) –reste un des derniers leviers de ce quin-quennat pour agir en faveur d’unetransition agroécologique. Et le plan derelance français dans son volet agricolene doit pas, lui, aller à son encontre.La Plateforme citoyenne pour une tran-sition agricole et alimentaire appelledonc à maintenir la pression. n

Communiqué de presse du 3/11/2020

(1) Plateforme citoyenne pour une transitionagricole et alimentaire : Attac, CCFD-Terre Soli-daire, CFSI, CIWF France, Commerce ÉquitableFrance, Confédération paysanne, FoodwatchFrance, Fondation Nicolas Hulot pour la Natureet l’Homme, Fédération Nationale d’AgricultureBiologique, France Nature Environnement, Eauet Rivières de Bretagne, Générations Futures,Greenpeace France, Miramap, Nature et Pro-grès, Réseau Action Climat, Secours Catholique,Caritas France, SOL (Alternatives Agroécolo-giques et Solidaires), Terre & Humanisme, UFC-Que Choisir, Union Nationale de l’ApicultureFrançaise, Welfarm, WWF.(2) Lien vers le décryptage : reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2019/10/decryptage-loi-egalim.pdf

Écobrèves

Influenza aviaire,le retour

Après l’apparition de foyers enRussie et au Kazakhstan cetété, l’épizootie a progressé versl’ouest. « La France a détecté unfoyer hautement pathogène(IAHP) de souche H5N8 enHaute-Corse », a annoncé leministère de l’Agriculture le16 novembre. C’était dans unejardinerie près de Bastia. Enconséquence, les éleveuses etéleveurs de volailles françaissont tenus d’enfermer leursanimaux ou de les protégeravec des filets. Une dérogationest possible pour des raisons debien-être animal, de conduited’élevage ou de cahier descharges. Ces dispositions sonten cours d’évolution.

TouchésUne attaque contre la libertéd’expression. C’est ainsi que lesresponsables du quotidienrégional L’Indépendant ont vécul’opération coup-de-poingmenée par le syndicat desvignerons de l’Aude, le9 novembre à Carcassonne. Les« syndicalistes » ont déversé dumarc de raisin devant les locauxdu journal pour protestercontre la parution d’un articlerelatant les résultats d’uneétude sur la qualité de l’air met-tant en avant la présence defongicides, herbicides et insec-ticides utilisés en viticulturedans l’air de la région et parti-culièrement dans l’Aude. Leprésident du Syndicat desVignerons de l’Aude revendiquel’action : « Je ne veux plus qu’onoppose l’agriculture à l’envi-ronnement. Donc chaque foisqu’il y en a un qui le fera, et benon agira. » Voilà.

Du bléLe gouvernement français asouhaité maintenir l’avantagefiscal accordé aux fabricantsd’éthanol d’origine agricole pourcarburants automobiles. Il ademandé aux parlementairesde maintenir cet avantage dansle projet de loi de finances pour2021. À la pompe, le carburantE10 devrait donc continuer debénéficier d’une « compétiti-vité » de 2 centimes par litre parrapport au SP 95-E5. Le « syn-dicat des éthanoliers », dit quec’est « pour favoriser la transi-tion vers des carburants renou-velables et décarbonés ». Si !

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8 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Actualité

Agriculture et alimentation Une loi pour rienÀ l’occasion des deux ans de la loi EGalim, la Confédération paysanne et ses 27 autresorganisations partenaires au sein de la Plateforme citoyenne pour une transition agricole etalimentaire dénoncent des « ambitions enterrées ». Une loi ou rien, ou pas grand-chose.

De septembre à décembre 2017 se sont tenus 75 réunions pour 14 ateliers et deuxchantiers dans le cadre des États généraux de l’Alimentation. Tout ça pour ça…

Page 9: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

Actualité

Annoncé en grande pompepar le gouvernement, le voletagricole du plan de relancenational post-Covidn’enclenchera pas latransition agricole dont nousavons besoin.

Le 3 septembre, le Premierministre français, Jean Cas-tex, a présenté le plan

« France Relance », « une feuillede route pour la refondation écono-mique, sociale et écologique du pays »à l’horizon 2030. Un plan,hélas, loin de la « refonda-tion » nécessaire face auxurgences et aux enjeuxd’aujourd’hui, comme entémoigne le volet agricole.

Tout d’abord, au regarddes enseignements de lacrise et de l’explosion de laprécarité alimentaire, l’en-jeu agricole et alimentaireaurait nécessité plus qu’unaussi maigre pourcentagede l’enveloppe des 100 mil-liards d’euros : seul 1 % duplan de relance national ysera consacré !

Au-delà des aspects bud-gétaires, ce plan était sur-tout une opportunité pourréorienter les systèmes agri-coles et alimentaires, sec-teurs indispensables au bonfonctionnement de nossociétés. Au lieu de cela, latransition agricole et alimentairene bénéficiera que de saupou-drage, sans réelle impulsion socialeet écologique. Si les grands objec-tifs comme la souveraineté ali-mentaire ou l’installation-trans-mission sont bien cités, unepolitique de soutien et d’accom-pagnement massif des paysan·nespour faire évoluer en profondeurnotre agriculture fait défaut.

Dans un cadre très contraint, laConfédération paysanne s’estmobilisée depuis septembre pourfaire évoluer les dispositifs pré-vus afin qu’ils bénéficient au maxi-

mum à l’agriculture paysanne.Nous avons ainsi obtenu l’ac-compagnement financier des abat-toirs mobiles et l’éligibilité d’uncertain nombre de matériels essen-tiels à l’agriculture paysanne pourla production de protéines végé-tales, et la protection face aux aléasclimatiques. À l’heure du bou-clage de cet article, nous conti-nuons à construire des solutionspour que les aides destinées au res-pect de la réglementation sur labiosécurité soient accessibles à

l’élevage de porcs ou de volaillesen plein air.

Toutefois ce plan de relance restereprésentatif du peu d’ambition dece gouvernement pour l’agricul-ture : un appui timoré teinté deverdissement à un secteur en crisesans proposer la moindre inflexiondans la direction choisie d’indus-trialisation du modèle agricole.L’aide aux agroéquipements en estun exemple : sous le verni de l’ob-jectif de réduction de la quantitéde pesticides épandus, cette aidede 135 millions d’euros ne serviraqu’à faire perdurer un système à

bout de souffle. La création d’unsoutien à la certification HVE(Haute Valeur Environnementale)– qui pourrait nous réjouir s’il nese trompait pas de levier pouraccélérer la transition agroécolo-gique – en est un autre. La HVE,quel que soit son niveau, ne garan-tit aucune obligation de résultatquant à une réelle transformationdes pratiques et ne questionne enrien les aspects sociaux, pourtantfondamentaux, pour une transi-tion agroécologique réussie et

pérenne.Rechercher la souverai-

neté alimentaire, objectifreconnu prioritaire pournotre agriculture, passepar une sécurisation durevenu paysan, par des ins-tallations massives, parune rupture avec le modèlelibéral favorable à l’agro-business et par une réelleimplication descitoyen·nes pour décidercollectivement, avec lespaysan·nes, de l’avenir denotre modèle agricole etalimentaire. De sorte quesi le gouvernement nerevient pas sur sa politiquede libre-échange et n’ac-compagne pas ce plan demesures de protection –via la maîtrise et la régu-lation des marchés et desvolumes – ce plan sera

sans effet positif. Car sans politiquede rupture, comme demandée parla Confédération paysanne dansson plan « Protéger-Installer-Socialiser » (2), les effets ne serontque marginaux sur les dynamiquesterritoriales et d’installation, sur lavalorisation du travail paysan etsur l’accessibilité à une alimenta-tion locale et de qualité pour touteset tous. n

Fabien Champion et Nicolas Girod

(1) gouvernement.fr/france-relance(2) À (re)lire sur le site : confederationpaysanne.fr

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Cocorico !L’entreprise française Innova-

Feed a annoncé le début, cet

été, de sa fabrication de farine

d’insecte dans la Somme, dans

« le plus grand site de produc-

tion d’insectes du monde ».

Objectif : élever en continu

7 milliards de larves de

mouches puis les transformer

en 15 000 tonnes annuelles de

farines protéinées pour nour-

rir les poissons d’élevage, les

volailles et les porcelets. Inno-

vaFeed lance aussi une huile

pour l’aviculture et un engrais

« bio » pour le grand public,

résultat du substrat digéré par

les mouches. L’usine s’est ins-

tallée sur 5 hectares près d’une

unité du groupe Tereos qui

fournira la vinasse (résidu de

betterave à sucre) et le son de

blé pour nourrir les larves. Bien

sûr, c’est « vert » : ça évite les

farines de soja importées, le

transport, des milliers de

tonnes de CO2, et ça crée de

l’emploi…

Cocorico ! (2)Déjà opérationnelle, celle qui

pourrait devenir la plus grande

ferme verticale d’Europe s’est

installée sur 3 000 mètres car-

rés au sol près de Château-

Thierry, dans l’Aisne. Elle pré-

voit la production en 2021 de

100 000 plants d’herbes aro-

matiques (coriandre, persil,

basilic…), des salades (laitue,

roquette) et des jeunes pousses

(radis pourpre, moutarde,

wasabi…). Épinard, mâche et

petits fruits sont en projet. Cul-

tivés en hydroponie et sous

lumière artificielle, les végé-

taux poussent hors-sol à l’aide

d’un substrat irrigué au goutte

à goutte par un mélange d’eau

et de nutriments. Tout ça est

vendu comme quasiment vert :

« On utilise zéro pesticide, her-

bicide ou fongicide », se vante

l’un des deux chefs de l’entre-

prise qui emploie 19 salarié·es

à ce jour et ambitionne 10 mil-

lions de chiffre d’affaires pour

2022. « C’est une nouvelle

industrie qui émerge sous cou-

vert d’écologie, mais c’est une

industrie », résume un maraî-

cher de la région.

Un plan sans réelle impulsion socialeet écologique

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 9

Page 10: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

Chaque année en France,Lactalis transformecinq milliards de litres de

lait en produits qui inondent lesrayons des supermarchés… Àforce d’innovations comme lavente des premières briques delait UHT dans les années 1960, lamodeste fromagerie Besnier deLaval (Mayenne) est devenue lenuméro un mondial des produitslaitiers. Un empire familial quipèse désormais 20 milliards d’eu-ros de chiffre d’affaires sans jamaisavoir été coté en bourse. Une

exception dans le monde desgéants de l’agroalimentaire quipermet à Emmanuel Besnier, petit-fils du fondateur et actuel prési-dent du groupe, de régner sur lemarché de l’or blanc sans avoir decomptes à rendre… ni à desactionnaires ni à personne.

Évidemment, on ne bâtit pas detelles fortunes qu’avec de bonnesidées et du travail… Pendant unan, l’équipe de Disclose a recueillides dizaines de témoignages, ana-lysé des centaines de documentsadministratifs et judiciaires, inter-

rogé de nombreux spécialistes. Cetravail de longue haleine dévoilel’étendue des dérives impliquantla multinationale : manquementsà la sécurité alimentaire, pollu-tion des rivières, dissimulationd’informations, faillite des méca-nismes d’autosurveillance, éva-sion fiscale à grande échelle, chasseaux lanceurs d’alerte… Lactalisest-elle donc une firme au-dessusdes lois ? n

Accompagner ses animauxjusqu’à leur dernière heure,c’est ce que permettrait le

projet d’abattage à la ferme quesouhaite mettre en place un grouped’éleveurs du Pays Basque.

D’autres projets partageant lamême finalité sont en cours deréalisation, comme celui porté enCôte-d’Or par Émilie Jeannin, éle-veuse de bovins viande et adhé-rente à la Confédération paysanne.

Les paysans basques tentent dedécliner un projet à l’échelle de leurterritoire et de leurs fermes. Ilsoptent pour « le principe du cais-son mobile qui assure le transportdes animaux à l’abattoir après queceux-ci ont été tués et saignés à laferme », explique Olivier Gervais,éleveur à Arbonne et initiateur dela réflexion. « L’idée est de travailleren partenariat avec les abattoirslocaux, c’est le plus pertinent. L’opé-ration de mise à mort pourrait êtreréalisée par un salarié de l’abattoir,et la carcasse serait ensuite achemi-née vers Garazi ou Mauléon. »

Pour l’heure, le groupe inté-ressé par l’initiative est encoreen cours de constitution. Lescontacts doivent être pris avec les

abattoirs pour apprécier le pro-jet qui ne serait pas limité auxbovins. « L’idée n’est pas de concur-rencer les abattoirs mais aucontraire d’augmenter les quanti-tés traitées, commente OlivierGervais. Chez nous, on envoie lesveaux et les vaches au maquignon.Avec un tel équipement, ça m’inté-resse de valoriser mes animaux plu-tôt que de les envoyer pour cela àdes dizaines ou centaines de kilo-mètres d’ici. » L’éleveur pense quec’est aussi une façon de « redo-rer l’image des abattoirs et d’assu-rer aux éleveurs et éleveuses unefaçon éthique d’accompagner leurs

animaux jusqu’à la mort », encohérence avec la façon qu’ilsont eue de les élever.

« Il y a aussi un avantage sur la qua-lité de la viande, car l’animal n’est pastransporté, pas stressé. » Enfin, l’abat-tage à la ferme répond aux attentessociétales en matière de bien-êtreanimal et pourrait aussi intéresserdes opérateurs acheteurs d’ani-maux sur pied (groupements, bou-chers, etc.). n

Source : article

de Maritxu Lopepe,

paru le 6 novembre dans Laborari,

hebdomadaire d’ELB, syndicat basque

membre de la Confédération paysanne.

Écobrèves

ArnaqueEmmanuel Macron avait d’en-trée fait jouer 3 « jokers » – selon ses termes – pour reto-quer 3 premières propositionsparmi les 149 formulées enjuillet par la Conventioncitoyenne sur le climat et quidevaient pourtant être adop-tées « sans filtre ». Un cadre deBercy a annoncé 25 jokers sup-plémentaires pour son admi-nistration. Pour Yolande Bouin,une des 150 participant·estiré·es au sort pour participerà la Convention : « Le gouver-nement se fout ouvertementde notre gueule. » Un exemplerécent : le moratoire sur leszones commerciales, proposépar la Convention, s’est trans-formé en simple circulaire auxpréfets pour leur « recom-mander » de ne pas artificia-liser des terres agricoles, cir-culaire qui ne prend pas encompte les hangars du com-merce numérique…

FléauUn architecte-conseil de laDirection régionale et inter-départementale de l’équipe-ment et de l’aménagement(DRIEA) témoigne avoir étu-dié 26 projets de plateformeslogistiques en Ile-de-Franceentre 2016 et 2018. Enmoyenne, ce type de pro-gramme nécessite une dizained’hectares d’un seul tenant,sans compter les accès. D’oùl’intérêt des firmes de la grandedistribution ou du commercepar Internet de s’installer dansles champs près d’infrastruc-tures routières. Un nouveaufléau qui prend de l’ampleur…

La vie résistePrès de Nantes, des habitant·esde Vallet résistent à un nouveauprojet de zone commercialequi devrait s’étendre sur 18hectares, actuellement des préset des champs. Un hypermar-ché et des commerces annexesdevraient y être transférés. L’as-sociation « Laissez-nous vivreun peu » présente une alter-native, avec notamment l’im-plantation d’une régie agricoleintercommunale pour appro-visionner les cantines desécoles et la maison de retraiteen produits locaux et de saison.Une vidéo de 12 minutes pré-sente le combat et ses enjeux :urlz.fr/e6OU

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10 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Actualité

Abattage à la ferme : un nouveau projetau Pays Basque

Lactalis, une firme sans foi ni loiSi vous ne l’avez pas vu le 22 octobre, à l’occasion de la diffusion dans l’émission Envoyé spécialsur France 2, vous pouvez toujours lire le reportage du média d’enquête Disclose sur Lactalis :lactalistoxique.disclose.ngo/fr

Un caisson mobile utilisé en Allemagne pour l’abattage à la ferme. Le pays est, avecl’Autriche et la Suède, en avance sur la France pour cette démarche.

À lire, donc, mais aussi à revoir sur :urlz.fr/ecqE

Page 11: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

Le 27 octobre, la Confédérationpaysanne de la Nièvre organisaitun rassemblement devantla chambre d’agriculturedu département, à Nevers.Elle s’oppose à un projet démesuréqui envisage la pose de panneauxphotovoltaïques sur 4 000 hectaresde terres agricoles.

Le projet est porté par le président dela chambre, Didier Ramet : il proposede couvrir 4 000 hectares de terres

agricoles par des panneaux solaires pourfinancer la construction de retenues d’eaudans tout le département. Celles-ci sont unimpératif, selon lui, pour répondre auxsécheresses et aux besoins qui se profilentpour les années et les décennies à venir.

Le 24 septembre, les élu·es à la chambred’agriculture ont voté majoritairement unemotion lançant l’étude de ce projet. DidierRamet a dressé un premier calcul : « LaNièvre compte 200000 habitants, à raison de1000 m³ d’eau par habitant et par an, il fautretenir 200 millions de mètres cubes d’eau.Une retenue d’eau coûte environ 4 euros lemètre cube : on tombe à un milliard d’euros,grosso modo. » (1)

Pour financer ça, « il faut installer des pan-neaux solaires dans une dizaine de fermes par

intercommunalité ». En maintenant si pos-sible une activité agricole sous les pan-neaux, par exemple du maraîchage : « Pen-dant le confinement du printemps, nosagriculteurs ont été capables de fournir destonnes de viande. Mais pour ce qui est dumaraîchage, on ne trouvait pas une carotte »,commente l’initiateur du projet. Pour lui,les panneaux concerneraient « seulement »4 % de la surface agricole de la Nièvre, soitquand même 4000 hectares.

La Confédération paysanne s’oppose à ceprojet, qu’elle trouve de plus irréaliste. Lesyndicat veut que les installations photo-voltaïques dans les fermes se cantonnentaux toits des bâtiments agricoles et pré-servent les terres. Pour Denis Sanchez, undes deux élu·es confédéré·es à la chambre :« Jusqu’il y a un an et le début de la nouvellemandature, la position de restreindre la poseaux toits de bâtiments faisait consensus. Maison sentait que ça bougeait. L’an dernier, un grospropriétaire du département a concrétisé l’ins-tallation de panneaux sur 70 hectares de prai-ries. Si on calcule entre 1000 et 3500 eurospar an et par hectare de loyer payé par les entre-prises qui posent et exploitent ces installations,forcément ça tente. »

En février 2020, juste avant le confine-ment, la chambre a fait évoluer sa posi-tion en estimant qu’au maximum 0,5 %

des terres agricoles (SAU) de la Nièvrepourrait servir à l’installation de pan-neaux solaires, soit environ un millierd’hectares. À l’été, après le premier confi-nement, le projet de son président estdonc venu quadrupler d’un coup la sur-face utilisable.

« On est d’abord sur un plan de récupéra-tion d’argent, sur de l’opportunité, commenteDenis Sanchez. On ne parle pas des besoinslocaux d’électricité. » Pour capter l’argentémanant de la fiscalité sur les terrains uti-lisés, la chambre travaille sur les statutsd’un groupement d’utilisation de finance-ments agricoles (GUFA).

Au détriment de l’installation« Didier Ramet est un entrepreneur dans

l’âme, son projet est plutôt sincère mais sa tra-duction va à l’encontre de l’intérêt des paysans.Vu les gains financiers pour les propriétaires,le coût du foncier devrait vite augmenter, desfermiers pourraient se voir retirer des terresen fin de bail que les propriétaires loueront plu-tôt à des entreprises du photovoltaïque, lesanciens, et même des actifs, seront tentés d’en-granger une rente au détriment de l’installa-tion. »

Les bassines de stockage d’eau, prétexteà ce grand déploiement de panneaux pho-toélectriques, posent aussi questions. PourDenis Sanchez, la police de l’eau va sansdoute s’y opposer, à la fois pour des ques-tions de quantités, de cycles naturels et dequalité des eaux. « Et si c’est pour pousser àla production de maïs irrigué, c’est non, biensûr, résume le syndicaliste paysan. On n’en-tend déjà parler de projets de méthaniseurs quidevraient avoir besoin de maïs comme cul-tures nécessaires à leur bon fonctionnement »…

« Pour toutes ces raisons, nous sommes à lafois dans le rejet au niveau syndical et dans letravail pour éviter les délires et les dérives auniveau de la chambre d’agriculture », précise-t-il. En rappelant les propos de NicolasGirod, le porte-parole national, lors du ras-semblement du 27 octobre à Nevers : « Nousvoulons bien être producteurs d’énergie à l’échelled’une ferme mais ce n’est pas avec un tel pro-jet qu’on va sauver les paysans. Pour cela, il fautd’abord s’attaquer à une meilleure rémunéra-tion de nos produits et de notre travail ! » n

Benoît Ducasse

(1) Le Journal du Centre, 27/10 et 30/9.

Agriculture et énergie Un projet démesuréà l’encontre de l’intérêt des paysan·nes

Actualité

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 11

Le 27 octobre à Nevers, le président de la chambre d’agriculture de la Nièvre est venu tenter de rassurerles militant·es confédéré·es rassemblé·es pour signifier leur rejet de son projet. Mais pour Sylvain Ratheau,porte-parole de la Confédération paysanne du département : « Ce projet de panneaux photovoltaïques, c’estde l’enfumage. Nous refusons que des parcelles agricoles servent d’opérations financières. »

Page 12: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

Actualité

12 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

D’abord, parce qu’il y a uneimpérieuse nécessité à réagir… avant qu’il ne soit trop tard !

L’histoire ne repasse jamais les plats…mais souvent ce n’est que la sauce quichange. C’est ce que vivent les personnelsde l’EAP, avec la reprise par l’actuelle majo-rité d’une politique de suppression d’em-plois à la saveur toute sarkoziste – qui avaitlaissé notre appareil public de formation tota-lement exsangue. Ici, il s’agit d’un schémade suppression d’emplois maintenu « quoiqu’il en coûte » jusqu’à la fin de la manda-ture d’Emmanuel Macron (50 équivalentstemps plein – ETP – supprimés à la rentrée2019, 60 à la rentrée 2020, 80 annoncéspour 2021 et pas moins de 110 pour 2022).Alors d’aucuns feront sans doute remar-quer que 300 ETP de moins, ce n’est que« l’épaisseur du trait »… Oui, mais rapportésau nombre total d’emplois dans l’ensei-gnement agricole, cela reviendrait à un plansocial à hauteur de 10000 ETP supprimésdans l’Éducation Nationale !

Ainsi, après deux années de dégradationcontinue des conditions d’enseignement(dédoublements supprimés, dotationshoraires insuffisantes, accompagnementpersonnalisé méprisé…), c’est maintenantla structure qui est touchée (plus aucunecapacité de développement, des gels et fer-metures de classes…). Dans nos établisse-ments « à taille humaine », le simple geld’une classe entrante, quand vous n’en pos-sédez que trois ou quatre, équivaut à enga-ger à très court terme l’affaiblissement dela structure, avec un tarissement mécaniquede vos effectifs en cycle terminal… Or, l’EAPa l’expérience des effets différés de ce typede politique d’assèchement et d’extrêmefragilisation, comme ceux de la Révisiongénérale des politiques publiques (RGPP)avec les fermetures des lycées de Vailly, dansle Cher, puis de Lapalisse, dans l’Allier.

Ensuite, parce que nous sommes enplein débat budgétaire au Parlementet que le gouvernement s’obstine !

Les rapports parlementaires sont una-nimes, député·es comme sénatrices et séna-

teurs en charge n’ayant pas de cris d’alertesuffisants et de mots assez durs alors queBercy reste sourd. Ainsi, fait inédit, courantoctobre, la commission des finances de l’As-semblée Nationale votait à l’unanimité unamendement de 5 millions d’euros en faveurde l’enseignement agricole, soit l’équiva-lent de 78 ETP… en regard des 80 sup-pressions annoncées pour 2021. Les motifsexposés par la rapporteure (LREM), Cathe-rine Osson, sont d’ailleurs aussi intéres-sants que les sommes avancées, car celles-ci visent en réalité à corriger le passif« pédagogique » subi par nos établisse-ments après deux années de suppressionsd’emplois. Amendement retiré en séanceplénière sous la pression du gouvernement !

Et le Sénat de prendre le relais – extraitdu communiqué du 20 novembre de lacommission de la culture et de l’éduca-tion : « Projet de loi de finance 2021 : l’ave-nir de l’enseignement agricole en danger ! Lesmembres de la commission estiment que l’en-veloppe budgétaire allouée à l’enseignementagricole n’est pas à la hauteur des défis qu’ildoit désormais relever. Pire, la crise sanitaireet économique est venue percuter de plein fouetun projet de budget construit autour d’unschéma de rationalisation des moyens datantde trois ans n’ayant fait l’objet d’aucune réac-tualisation, ce qui ne laisse aucune marge demanœuvre pour développer cet enseignement(…). La situation est telle que la survie de l’en-seignement agricole, à moyen terme, est mena-

cée. » Et Nathalie Delattre, rapporteure(RDSE), de conclure : « Je vous proposed’émettre un avis défavorable sur le pro-gramme 143 présenté en l’état, afin de tirerla sonnette d’alarme et d’essayer ainsi de gelerles baisses d’ETP prévues. »

Enfin, parce que les enjeuxclimatiques, environnementaux,agroécologiques et alimentaires nesauraient attendre davantage… et quel’outil public de formation doit êtreen mesure de relever l’exigencede renouvellement des générationsde paysan·nes !

Pour relever les défis sociétaux auxquelsnous nous devons de répondre sans plusde délai, il est essentiel que l’État puisse userpleinement de ces outils publics de forma-tion exceptionnels que sont les lycées agri-coles, CFA, CFPPA, exploitations et atelierssupports. Il s’agit de leur donner les moyenspour former cette nouvelle génération d’ex-ploitant·es (215000 paysan·nes, soit 45 %de la population agricole, seront en retraited’ici 2026). Et sauf à ce que la représenta-tion nationale opère un renoncement his-torique pour des économies aussi dérisoiresque destructrices, ce n’est pas une option,mais une nécessité ! n

Frédéric Chassagnette,

Co-secrétaire général du Syndicat national

de l’enseignement technique agricole public –

Fédération syndicale unitaire (Snetap-FSU)

Tribune Enseignement agricole public :la représentation nationale doit prendreses responsabilités… maintenant !Pourquoi cette tribune concernant l’avenir de l’enseignement agricole public (EAP) et cet appel à la représentationnationale ?

Page 13: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / I

Dossier

La Scop, pour un autre statut paysan ?Faire face à l’hémorragie que traverse le monde agricole depuis

de nombreuses années est un chantier immense. La tendance est

lourde et bien connue : des fermes de plus en plus grandes, le plus

souvent « enferrées » dans le productivisme, avec de plus en plus

de capitaux par active ou actif paysan, donc de plus en plus

endettées, un temps de travail et du stress qui ne diminue pas,

et une viabilité économique très aléatoire, voire absente sans les

aides publiques.

La Confédération paysanne répond à ce système absurde par

le projet politique et la pratique concrète de l’agriculture pay-

sanne. Mais est-ce suffisant ? C’est la question essentielle que

ce dossier veut soumettre à votre réflexion en abordant la ques-

tion du statut paysan. En entreprise individuelle ou en société,

nous devons, volontairement ou non, capitaliser l’ensemble des

moyens de production (cheptel, matériels, équipements, et même

parfois le foncier). L’endettement est donc devenu quasiment une

obligation du métier.

Avec ses effets : redoutable logique de l’endettement/agran-

dissement (« je m’agrandis parce que je m’endette ; je m’endette

parce que je m’agrandis »), l’élimination des paysan·nes s’inscrit

donc implacablement dans cette dynamique. En même temps,

c’est l’illusion que cette accession à la propriété

serait une voie d’émancipation et

d’autonomie, alors que la majo-

rité des paysannes et paysans

sont dépossédés de leur

métier par l’agro-indus-

trie, amont ou aval, et

par les banques.

Avec ses risques : le

retour sur investisse-

ment est si long et

les aléas écono-

miques, climatiques,

sanitaires et de santé

si importants que le

basculement dans la

« difficulté », voire

la faillite, est trop fré-

quent.

Et surtout avec ses

impasses : comment assurer

la transmission des exploitations et le renouvellement des actives

et actifs avec un tel niveau de capitalisation, de prises de risques

et d’incertitudes, tant pour le cédant ou la cédante (qui cherche

à réaliser son capital en complément d’une retraite paysanne déri-

soire) que surtout pour le repreneur ou la repreneuse (face au

mur de l’endettement) ?

Les enjeux sont doubles : assurer la transition agricole et ali-

mentaire et accueillir les nouveaux paysans et paysannes venant

d’autres horizons que le milieu agricole.

En s’inspirant de l’expérience et des principes des sociétés

coopératives de production (Scop commerciales), nous proposons

la Scop agricole. À ce stade, ce n’est ni une solution « clé en main »,

ni même LA solution, qui effacerait la nécessité des autres reven-

dications et actions de la Confédération paysanne. C’est l’ambi-

tion de proposer un autre statut paysan, celui d’associé·e-sala-

rié·e dans une forme sociétaire aux principes égalitaires et à

faible capitalisation des associé·es.

C’est évidemment une autre manière d’exercer et d’envisager

le métier de paysan·ne !

Manu Marie, Paul Bonhommeau et Mathieu Lersteau,

du groupe de travail de la Confédération paysanne sur les statuts innovants

Page 14: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

À Dolus-le-Sec, en Indre-et-Loire, laCoopérative paysanne de Belêtreest l’une des premières fermes fran-

çaises à avoir adopté, en novembre 2016,le statut de société coopérative de pro-duction (Scop). « Quand on a cherché à s’ins-taller ensemble en agriculture, ce qui moti-vait notre projet agricole était avant toutpolitique, explique Mathieu Lersteau, l’undes cinq cofondateurs. Dans notre projet,il y avait quelque chose d’assez tranché surle rapport au capital et la volonté de parti-ciper à un mouvement de transformationsociale. »

Avant de s’installer, Mathieu travaillaitdans le réseau InPACT très mobilisé sur lesquestions d’installation et de renouvelle-ment (1). « Dans nos réseaux, y compris à laConf ’, des paysannes et des paysans insistentsur l’importance de l’installation dans leur dis-cours militant mais mettent en vente leursfermes à 500 000 euros quand vient l’âge dela retraite. C’est une façon de compenserleurs faibles pensions : ils comptent sur lavente de leur capital pour assurer leurs vieuxjours. Mais ça écrème les candidats et can-didates à l’installation qui n’ont pas lesfinances ou la possibilité d’emprunts ban-caires. Ce n’est pas comme ça qu’on va pou-voir assurer le renouvellement des actifs enagriculture. »

Impossible aux yeux de Mathieu et de sescollègues d’avoir un discours défendant

l’agriculture paysanne tout en participantà un schéma qui concourt à l’agrandisse-ment des fermes, à l’endettement, à la dif-ficulté de reprendre et, au final, à la dispa-rition des paysan·nes. Dès lors, commentimaginer un projet où l’argent ne serait pasun obstacle? La Scop apparaît alors commele moyen de transmettre l’entreprise sanstransmettre le capital, mais en améliorantle niveau de protection sociale. « L’outil detravail reste la propriété de la coopérative,les parts sociales mises au début dans lasociété restent à leur valeur nominale. »Autrement dit, l’apport initial des associé·esne peut pas faire l’objet de plus-value. ÀBelêtre, chaque associé·e a apporté3 000 euros au capital social lors de la créa-tion de la Scop et le montant de la partsociale a été fixé à 50 euros. « Si l’une oul’un des associés part, ce sera avec3 000 euros. Et nous sommes sur le pointd’accueillir de nouveaux associés qui, avec50 euros en poche, pourront devenir asso-ciés-salariés-cogérants. »

Difficultés franchies etfonctionnement au quotidien

Lorsqu’ils se lancent en 2014, le statut deScop est peu connu des institutions agri-coles. Le statut associatif est alors privilé-gié et un bail agricole est signé avec le pro-priétaire au nom de l’association. « Lors dupremier rendez-vous à la DDT (2), avec la

cheffe du service agriculture, j’ai dit que nousallions nous installer en association puis latransformer ensuite en Scop, se souvientMathieu. Elle m’a dit que ce n’était pas pos-sible, sans être en mesure de m’en expliquerles raisons. Elle n’osait pas me dire qu’ils nel’avaient jamais fait. On a donc essuyé lesplâtres, ça a été compliqué les premiers mois.Mais ensuite, lors du passage de l’associa-tion en Scop, ça a été assez simple, c’était enfait la même structure juridique qui se pour-suivait avec le même numéro Siret. »

En choisissant ce statut, les associés-sala-riés ont dû renoncer à la DJA (dotation jeuneagriculteur) : en Scop, c’est la structure quiest reconnue comme cheffe d’exploitationet non les personnes physiques. « Aux yeuxde l’administration, nous ne sommes doncpas exploitants bien qu’étant associés et diri-geants de notre propre structure. C’est unchoix fait en conscience mais qui a des consé-quences importantes. À cinq en Gaec, çaaurait peut-être fait 100 000 euros de DJA, sion ajoute à ça les aides économiques ou fis-cales qui seraient multipliées par le nombred’associés, ça fait beaucoup… Actuellement,s’installer en Scop en agriculture est très per-tinent politiquement, mais une connerie éco-nomiquement », déplore Mathieu qui militeavec la Conf’ pour l’accès aux mêmes droitset aides que sous un statut agricole classique.Ce statut de Scop contraint également lesassocié·es à payer leurs journées de forma-tion : ils sont considérés comme salariésagricoles et émargent non pas à Vivea, maisà Ocapiat. Enfin, s’ils ont pu voter dans lecollège « chefs d’exploitation » lors des der-nières élections aux chambres, ils ont dûvoter dans le collège « salarié·es » lors desélections MSA…

Depuis sa création, la Scop de Belêtre adéveloppé une activité de paysans-boulan-gers et de maraîchage. Martin, l’un des cinqcofondateurs, l’a quitté cet été pour s’ins-taller dans une ferme à 300 m de là afin d’ex-périmenter autre chose que l’agriculturecollective. Alors qu’ils viennent de récupé-rer des terres et des bâtiments avec Terre deliens, les quatre associés-salariés d’aujour-d’hui recherchent de nouvelles personnes

Aux fondements

Transmission : imaginer un projet où l’argentne soit pas un obstacleVoilà quatre ans que la ferme de Belêtre, en Touraine, a initié le mouvement des Scop en agriculture. L’enjeu : limiter l’endettement, améliorer la protection sociale et faciliter la transmission. Quel premier bilan en tirentles associé·es-salarié·es ?

Dossier

II \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Les investissements à la ferme de BelêtreLes 163 000 euros d’investisse-ments réalisés depuis l’installa-tion sont composés de15000 euros d’apports au capi-tal des associé·es ; 15 000 eurosde la région Centre dans le cadredu CAP SCOP ; 31 000 euros desubventions publiques (région,agence de l’eau, département)pour investir dans du matériel ;7 000 euros de dons dans lecadre de l’association qui a pré-cédé la Scop ; 95000 euros d’au-tofinancement (excédent netde gestion).

Part

s so

cial

es in

itia

les

0 20000 40000 60000 80000 100000

Autofinancement

Dons

Subventions

CAP SCOP

Apportsassocié·es

Page 15: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

pour intégrer leur équipe. « On a des pistesde diversification mais rien n’est arrêté. Lapriorité est de trouver des gens qui partagentles valeurs du collectif (3) », précise Mathieu.

Partager les valeurs, c’est notamment adhé-rer à un fonctionnement autogestionnaire,comme l’illustre la réunion hebdomadaireet les nombreux outils d’organisation. Tousles mardis matins, les associé·es se retrou-vent pour prendre grandes et petites déci-sions. « Dans tous les cas, nous sommes codé-cisionaires et coresponsables des décisionsprises au consentement. Nous considéronsaussi que prendre soin du collectif et l’outillerfait partie du travail. »

Génération sacrifiée !Mathieu admet toutefois un facteur limi-

tant dans le statut actuel : « La Scop a investi163 000 euros depuis le début dans laconstruction de notre outil de travail (voirencadré). Nous avons choisi de ne pas faired’emprunt bancaire mais de se verser depetits salaires jusqu’en 2018 (4). » Les cogé-rant·es ont également fait le choix de ne pasrémunérer le capital (dividendes) et d’af-fecter 50 % du résultat en participationaux associé·es (en complément de leursalaire) et 50 % à l’entreprise, afin que celle-ci ait les moyens d’investir. « Depuis ledébut, nous avons fait une croix sur une par-tie de la rémunération de notre travail. Ainsi,beaucoup d’argent reste dans l’entreprisepour limiter l’endettement et privilégier l’au-tofinancement des investissements. Nousavons donc constitué un capital (via l’outilde travail) mais celui-ci ne nous reviendrajamais. C’est un choix que l’on assume maisc’est aussi un facteur limitant pour la créa-tion d’autres Scop en agriculture. Il y a unegénération sacrifiée dans ce modèle-là. »Dans quelques mois, les gros investisse-ments seront terminés pour les deux ate-liers principaux de la ferme, les nouveauxqui vont arriver n’auront qu’à mettre50 euros pour devenir associés-salariés-cogérants. « La génération qui va nous suivren’aura pas à sacrifier une partie de sa rému-nération car l’outil de travail est désormaisen place et c’est une bonne chose. Enrevanche, si nous souhaitons développerd’autres activités dans la Scop, nous devronsrecommencer. »

Si l’on se place du côté des cédant·es quisouhaiteraient lever l’obstacle de l’argentpour favoriser des installations, commentrenoncer à son capital et se contenter d’unemaigre retraite MSA (5) ? « Si on demande à

ces paysans et paysannes-là de ne pas réa-liser leur capital, c’est aussi un sacrifice. Ilsn’ont pas anticipé de choisir un statut béné-fique sur le plan de la protection sociale. »Pour Mathieu, c’est évident : « Aujourd’hui,on a besoin d’un soutien public lors de l’ins-tallation pour aider au démarrage en Scop.Ou alors il faut apporter une bonification deretraite à celles et ceux qui transmettraientleur ferme en y laissant le capital. »

Après avoir ouvert la voie, la bataille pourla reconnaissance d’un statut de type Scopen agriculture se poursuit à Belêtre, avec uneconviction : « La recherche de cohérence !On ne peut pas militer pour une agriculturepaysanne sans commencer par garantir desconditions favorables de reprise et de trans-mission de sa ferme. C’est un changementd’état d’esprit qu’il faut insuffler dans lemonde paysan : se rémunérer pour son tra-

vail plutôt que sur son capital. C’est unecondition essentielle pour que l’ambitiond’une agriculture française à un million depaysan·nes devienne un jour réalité (5). » n

Recueillis

par Sophie Chapelle

(1) agricultures-alternatives.org(2) Direction Départementale des Territoires (service del’État dans les départements)(3) Parmi les valeurs de la SCOP de Belêtre : expérimenterune agriculture bio et paysanne, la gestion d’une entreprisenon capitaliste, un fonctionnement en autogestion, unedimension humaine (« prendre soin de nous », « épanouis-sement personnel »), une dimension politique (« participerà un mouvement de transformation sociale »)(4) Désormais chaque associé·e est rémunéré·e au SMIC surla base de 35 heures En pratique, les associés de la SCOP deBelêtre estiment actuellement leur temps de travail de 40 à45 heures par semaine, avec un week-end d’astreinte surquatre (en attendant l’arrivée de nouveaux associé·es). Ilsbénéficient chacun·e de cinq semaines de congés payés/an,et peuvent prendre des semaines de congés sans solde.(5) cf. dossier CS n° 366 (novembre 2020).

Dossier

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / III

Les cinq cofondateurs et cofondatrices de la Coopérative paysanne de Belêtre qui a développé une activitéde paysans-boulangers et de maraîchage.

Hémorragie dans le monde paysanEn 30 ans, le nombre de paysannes et de paysans en France a été divisé par deux. Dans lemême temps, le capital moyen d’exploitation a augmenté de 75 %. Si on peut expliquer enpartie cette crise du renouvellement des actifs agricoles par les (in)conséquences des poli-tiques publiques et d’une économie libéralisée, il faut aussi reconnaître la responsabilité despaysans eux-mêmes dans ce processus d’autodestruction de la profession.Ils se sont engouffrés dans une logique d’optimisation sociale et fiscale les incitant à surin-vestir, à surcapitaliser et à minimiser leur revenu disponible et leurs cotisations sociales. Ilsarrivent donc à l’âge de la retraite avec la nécessité de « réaliser un capital » pour comblerune pension de retraite insuffisante au vu de la faiblesse des cotisations versées au long deleur carrière. Dans cette spirale infernale où on ne distingue plus capital et patrimoine, la trans-mission des fermes devient de plus en plus difficile. La stratégie d’agrandissement prévaut.Aujourd’hui, la moitié de ceux et celles qui restent ont plus de 50 ans. Selon que l’on réussisseou pas leur remplacement d’ici 10 ans, il n’y aura pas la même agriculture en France, ni lamême alimentation, les mêmes paysages, le même tissu rural…

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Un autre rapport au capitalDans une Scop, ce n’est pas le capital qui

dirige (c’est-à-dire le pouvoir de chaqueassocié·e selon le capital qu’il ou elledétient) mais les personnes qui y tra-vaillent en qualité d’associé·es (une per-sonne/une voix, quel que soit leur capitaldétenu). Cela se traduit aussi dans la répar-tition des résultats. Contrairement auxsociétés agricoles (Gaec, EARL…) où larémunération des associés fait partie durésultat, en Scop les salaires et cotisa-tions sociales n’en font pas partie. Selonla loi, le résultat est à répartir en troispostes : les réserves impartageables, laparticipation des salarié·es au résultat, etdans une moindre mesure la rémunérationdes parts sociales (1).

C’est donc un autre rapport à la propriétédes moyens de production que ce qui se pra-tique en agriculture où tous les résultats del’entreprise sont mis au compte de la capi-talisation des associé·es. Il n’y a pas de plus-value sur les parts sociales. C’est aussi pri-vilégier la pérennité et la stabilité financièrede l’outil au moment de la transmission oudu départ d’un·e associé·e qui sort avec lapartie du capital qu’il ou elle a déposé à sonarrivée.

Ce que permet la Scop peut heurter for-tement les mentalités et pratiques agri-coles. Un administrateur de la Safer Nor-mandie déclarait ainsi, lors d’un débat surl’augmentation du prix des terres, que le fon-cier « est une source de revenus ». Cetteassertion ne soulevait dans l’assembléeaucune contestation. Elle résumait pour-tant clairement le piège infernal dans lequelon nous enferme – et on s’y enferme avec

plus ou moins de consentement. Une foisle processus engagé, pouvons-nous reculerdevant la nécessité de faire « fructifier » lefoncier à notre compte, y compris en ayantrecours à des artifices juridiques et fiscaux,au surinvestissement pour réduire l’impôtet les cotisations sociales, mais avec très sou-vent pour effet de déséquilibrer l’exploita-tion et de la rendre intransmissible ?

Être en Scop, ce n’est pas sortir du sys-tème, mais ça permet d’envisager le capi-tal, qu’il soit foncier ou d’exploitation, toutau long de sa carrière comme un outil per-mettant de produire et d’en vivre dignementplutôt qu’un moyen de capitalisation. Lagestion de l’exploitation peut ainsi être plusfranchement « économique, sociale et éco-logique ».

C’est aussi compter davantage sur uneretraite « salariée » nettement plus consis-tante que celle du statut de « non salarié·eagricole » (NSA).

Un autre rapport à la cotisation sociale

Une idée largement répandue voudraitque le régime salarié soit plus protecteur quele régime des « non salarié·es agricoles »,mais qu’il serait beaucoup plus coûteux. Etque des exploitations parmi les plus petitesne pourraient y faire face.

Du côté des droits, c’est un fait : à cotisa-tions retraite égale, prestation inférieure de50 % à celle des salarié·es, couverture mala-die et accidents très nettement inférieure,pas d’accès aux indemnités chômage…

Du côté des cotisations, c’est plus difficileà comparer. L’assiette et le taux des cotisa-tions sont différents(2). Mais des abattementssont « légalement » applicables dans cha-cun des deux régimes. Coté salarié : exoné-rations des cotisations patronales sur les bassalaires (<1,6 Smic) ramenant le taux à moinsde 30 % du salaire net. Du côté exploitant,les situations sont très disparates : exonéra-tions en faveur des jeunes installé·es « DJA »,dispositifs fiscaux réduisant le revenu fiscalpar rapport au résultat réel, sans oublier lerégime de micro-entreprise qui applique un

Un rapport différent au travail, au capital et à la protection sociale

Dossier

IV \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Les aides publiques neseraient plus privatiséesActuellement les aides conditionnées austatut de l’agriculteur ou agricultrice « nonsalarié·e agricole » (NSA) ne sont pas acces-sibles aux associés d’une Scop. Or, justifiéespour l’efficacité de l’exploitation agricole, unefois amorties, elles entrent dans le patri-moine du paysan ou de la paysanne. Dansla Scop, elles devraient pouvoir être défini-tivement affectées à l’entreprise (ses réservesimpartageables) pour une meilleure effica-cité du soutien public à moyen terme. Celaconcerne plusieurs aides du second pilierde la Pac, dont la « dotation jeune agricul-teur » (DJA).

Panneaux à l’accueil de la ferme de Belêtre (Indre-et-Loire) : pour les paysans cofondateurs, le choix du statut de Scop s’inscrit dans un projet politique global.

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revenu fiscal forfaitaire par rapport au chiffred’affaires. Un repère : le Réseau d’informa-tion comptable agricole (Rica) constate pourles exploitations soumises au régime dubénéfice réel un taux moyen des cotisationssociales « NSA » entre 25 et 30 % par rap-port aux résultats de l’entreprise.

Mais voilà, tout est mis en place aujour-d’hui pour que les cotisations soient mal per-çues. À commencer par le nom qu’on leurdonne : des « charges sociales ».

Entre réticence à payer des impôts etréduction des coûts de production, beau-coup de paysans et de paysannes s’attaquentaux cotisations sociales, ce qui revient àgrever une partie de leur revenu direct (peuou pas de couverture en cas d’accidents dela vie) et indirect (retraite). Et c’est un cerclevicieux puisque justement nous avonsconscience que les prestations, elles, nesont en effet pas à la hauteur.

Une des causes de ce déséquilibre résidedans cette idée reçue : plutôt la capitalisa-tion que la rémunération du travail ! Ce sontnotamment les pratiques d’optimisationfiscale, pour minimiser surtout les cotisa-tions sociales. Le système – fiscal, comptable,bancaire – encourage les paysan·nes dansles pratiques de renouvellement incohé-rent du matériel agricole, de mouvementscomptables du troupeau totalement décon-nectés de la réalité de l’élevage, d’investis-sement/agrandissement systématique, etc.

Renverser notre rapport à la cotisationsociale grâce à un fonctionnement inspiré

de celui de la Scop, c’est privilégier la rému-nération du travail par le salaire auquel estorganiquement liée la cotisation. Cela sup-pose une confiance dans l’institution qui lagère, mais que le néolibéralisme s’emploieà démanteler depuis plus de 20 ans.

Un autre rapport au travailOn s’engage avec « sa » Scop par la signa-

ture d’un contrat de travail et l’engagement(ou l’obligation) de devenir associé·e auterme d’un délai prévu par les statuts. Lelien est double : celui du travail et de sarémunération, et celui de la participation àsa gestion interne selon des principes démo-cratiques.

En Scop, ce double statut d’associé·e et desalarié·e a l’effet de neutraliser la relationde subordination du salarié envers l’em-ployeur. On ne peut pas se subordonner àsoi-même avec la fonction d’associé·e par-ticipant entièrement aux prises de déci-sions et aux gestions - économique, tech-nique et humaine - de la structure. Posturequi s’apparente beaucoup plus à celle d’en-trepreneur autonome et maître de ses déci-sions sur la ferme. Le statut d’associé·e-salarié·e traduit bien plus une émancipationqu’une subordination.

Un contrat de travail doit se référer à uneconvention collective et au droit du travail.Pour les paysan·nes, la mise au débat d’untel statut pourrait aussi être l’occasion deréfléchir aux limites que chacun·e peut s’im-poser dans le travail quotidien, hebdoma-

daire, mensuel et annuel. Sans, bien sûr,perdre de vue le caractère obligatoire oualéatoire de certaines tâches et activités(saisons, climats, élevage…), il n’en restepas moins que les habitudes et les idéesreçues liées au travail difficile sont encoretrès ancrées : il faudrait souffrir dans soncorps pour estimer avoir passé une bonnejournée de travail…

Un statut d’associé·e-salarié·e ne rendrapas le désherbage des carottes ou une cor-vée d’ensilage nocturne moins difficiles. Parcontre, tous les mécanismes et les droits rat-tachés à ce statut, tels que décrits dans cedossier, permettront plus facilement au tra-vailleur et à la travailleuse de prendre lesmoyens de se reposer, de reprendre desforces, de vivre sa vie de famille… Dans cer-tains cas, un tel statut contribuera mêmeà résoudre des choix cornéliens pour beau-coup de paysans et de paysannes : pouvoirchanger d’activité, prendre sa retraite, s’ar-rêter de travailler pour cause d’accident oumaladie… n

Emmanuel Marie,

paysan dans le Calvados

(1) La loi sur la Scop encadre ainsi la répartition de sesrésultats à décider par les associés entre des minima etmaxima : réserves impartageables : 16 à 75 % ; participa-tion des salariés : 25 à 84 % ; rémunération des partssociales : 0 à 33 %. En moyenne les Scop existantes affec-tent l’essentiel de leurs résultats en parts égales entreréserves impartageables et participation des salariés.(2) En régime salarié : plus de 60 % du salaire net ; enrégime « non salarié·e agricole » (NSA) : environ 35 % durevenu fiscal (qui comprend la rémunération de l’exploitantet sa capitalisation).

Dossier

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / V

À la ferme des Volonteux (Drôme) : Un statut d’associé·e-salarié·e ne rendra pas le désherbage des carottes ou une corvée d’ensilage nocturne moins difficiles. Parcontre, tous les mécanismes et les droits rattachés à ce statut, tels que décrits dans ce dossier, permettront plus facilement au travailleur et à la travailleuse deprendre les moyens de se reposer, de reprendre des forces, de vivre sa vie de famille…

Page 18: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

Pourquoi est-ce important quela Scop en agriculture n’ait pas uncaractère commercial mais bien civil ?

Quand on parle de Scop, on met l’accentsur un régime de coopérative avec des prin-cipes démocratiques forts : une personne= une voix. En contrepartie d’une capitali-sation faible à nulle, l’associé·e est salarié·eet bénéficie de la protection sociale liée àce statut. Mais on oublie que la Scop se rat-tache soit à la SARL, soit à la SA ou la SASqui sont des sociétés commerciales (1).Devons-nous faciliter l’introduction en agri-culture de formes commerciales ? Ce dontnous avons besoin n’est pas seulement uneScop applicable à l’agriculture mais uneScop agricole en tant que telle, si on veutéviter les dérives.

Insister sur le caractère civil de l’activité agri-cole, c’est réaffirmer sa fonction essentiellemais non exclusive qui est de nourrir l’hu-manité d’un point de vue quantitatif, qua-litatif et culturel. On défend par là le prin-cipe de souveraineté alimentaire, aufondement des combats de la Confédéra-tion paysanne. C’est aussi affirmer que l’agri-

culture entretient un lien spécifique avec lesol fertile et le milieu naturel : un lien à lafois de dépendance et de responsabilité dansla préservation des ressources naturelles.

À quelles dérives se heurteraientles Scop commerciales pour l’activitéagricole ?

Une Scop-SARL peut accueillir jusqu’àcent associé·es. Et au-delà, elle passe obli-gatoirement en SA ou SAS. Ce nombre indé-fini d’associé·es interroge. Ce serait accep-ter de très grandes exploitations agricolesavec un grand nombre d’associé·es. Et ainsicautionner indirectement la concentrationet donc l’abandon d’exploitations de dimen-sion « familiale » de quelques travailleurset/ou travailleuses. On change de modèleet on participerait à cette tendance.

Une Scop commerciale peut aussi réunirdes associé·es personnes morales. C’est laporte ouverte à des organisations écono-miques ou financières qui, même minori-taires en capital social et en voix délibéra-tives, peuvent avoir un pouvoir sur la gestionde la Scop, alors même qu’une majorité de

paysan·nes subit déjà une forte dépendanceà l’agroalimentaire et à la banque. Enfin, laScop commerciale peut réaliser sans limitedes activités agricoles et non agricoles. Çapeut constituer un avantage pour des pay-san·nes qui veulent faire plusieurs activités(agricole, artisanale, commerciale…). Maisne faut-il pas veiller à protéger les pay-san·nes qui le sont à titre principal ou exclu-sif? Nous pensons qu’il faut que soit reconnuun régime de Scop, société civile spécifiqueà l’activité agricole.

Pourquoi le statut de Gaec oude l’EARL ne convient-il pas ?

Le problème fondamental, c’est le statutdu paysan (2). Que celui-ci exerce en sociétéou à titre individuel, il doit, volontairementou non, capitaliser l’ensemble des moyensde production (cheptel, bâtiments, matériel…y compris parfois le foncier). L’endettementest donc une obligation du métier, et quise renouvelle à chaque génération. Pour lerepreneur, tout le capital du cédant est àreprendre : celui-ci peut partir avec ce mon-tant et peut même demander à le rééva-

Les points de vigilance

« Nous privilégions une forme sociétaire dérivéedu Gaec et de l’EARL, en y renforçant les principescoopératifs »Entretien avec Paul Bonhommeau, ancien juriste à la Confédération paysanne et administrateur de la Coopérative pourl’installation en agriculture paysanne (Ciap) des Pays de la Loire.

Dossier

VI \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Réunion d’associé·esde la ferme des Volonteux,près de Valence (Drôme),une ferme sous statutde Scop (cf. p. 16-17) :« Quand on parle de Scop,on met l’accent sur unrégime de coopérative avecdes principesdémocratiques forts :une personne = une voix.En contrepartied’une capitalisation faibleà nulle, l’associé·e estsalarié·e et bénéficiede la protection socialeliée à ce statut. »Une petite vidéo de troisminutes présente la fermedes Volonteux etsa démarche (cinqassocié·es sont arrivé·esdepuis) : urlz.fr/egkw ousur le site agriliens.fr

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luer s’il considère que l’exploitation vaut plus.Vu la tendance à l’augmentation conti-nuelle du capital/actif, c’est la reprise quasiimpossible pour le repreneur ou la repre-neuse. Et ça favorise le démantèlement desexploitations petites et moyennes.

Le Gaec et l’EARL ne limitent que trèspartiellement les dégâts en permettant unetransmission des parts sociales un peu éta-lée dans le temps (dans le Gaec uniquementavant le départ de l’associé·e, en EARL pos-sible en principe avant et après le départ del’associé·e). En plus, c’est une pratique trèspeu fréquente en cas d’installation commehors cadre familial, et pourtant indispensableau renouvellement des générations.

Notre groupe de travail privilégie une Scopdérivée du Gaec et de l’EARL. D’un côté, elleappliquerait les principaux traits du régimeScop (régime salarié des associé·es, fonc-tionnement démocratique, règles de répar-tition des résultats…). De l’autre, elle res-pecterait les principales caractéristiques del’EARL et du Gaec. Par exemple pour ce der-nier : son nombre d’associé·es est limité à

10, uniquement des personnes physiques etqui doivent toutes travailler dans l’exploi-tation à titre principal. Il y a un principed’égalité et de responsabilité pour chaqueassocié·e qui est considéré·e comme co-exploitant·e. On le voit, le principe démo-cratique dans le Gaec est presque aussi fortque dans la Scop, auquel il faut ajouter leprincipe de transparence fiscale et écono-mique pour l’accès aux aides. L’EARL estégalement une société civile qui peut réunirau maximum dix associé·es personnes phy-siques : des exploitant·es majoritaires dansle capital social et des associé·es non exploi-tant·es minoritaires, le plus souvent desmembres de la famille, y compris mineurs.

L’enjeu désormais est de définir plusprécisément les contours juridiquesde cette Scop agricole. Commentavancer ?

Il faut obtenir auprès de l’État une adap-tation de la législation : d’une part la recon-naissance de l’exploitant associé-salariéd’une Scop dans les mêmes droits et obli-

gations que l’exploitant non-salarié agri-cole, d’autre part la reconnaissance de laScop-Gaec et de la Scop-EARL. C’est de lacompétence du Parlement. Pour cela, nousavons besoin d’une étude juridique pourdéterminer les contours de l’adaptation…

Nous estimons aussi qu’il faut des soutiensfinanciers à titre transitoire. Il faudra unepériode de 10 à 15 ans au moins pour quela Scop ait des effets réels sur les droits àretraite et sur la pérennisation de l’exploi-tation. Pour celles et ceux qui cèdent avant,il faudrait des aides spécifiques, par exempleen droits à retraite en contrepartie de la partdes résultats mise en réserves imparta-geables au compte de la Scop.

L’urgence est là si l’on ne veut pas voir l’hé-morragie s’aggraver. La réflexion et l’ima-gination doivent continuer : on en abesoin ! n

Recueillis par S. Ch.

(1) SARL : société à responsabilité limitée ; SAS : Société paractions simplifiées ; SA : société anonyme.(2) Lire le dossier « Sur le surendettement », Campagnessolidaires n° 361 mai 2020, page VIII.

Le projet initial est d’abord un projetagricole sur une ferme située à 1 200mètres d’altitude dans la vallée de

la Roya (Alpes-Maritimes). Les fondateurs,un couple franco-allemand, ont rachetéen 1985 un hameau en ruine sans accèsroutier, ni électricité, chauffage ou eaucourante… La première phase (15 ans)commence par la mise en place d’unebase économique avec un élevage laitierdiversifié, la construction d’une froma-gerie aux normes et la reconstructiond’un habitat décent avec l’accueil dejeunes en chantier (activité de construc-tion couplée à une activité culturelle ouartistique). Un potager couvre les besoinset des microproductions complémentairessont expérimentées (microbrasserie,macération de plantes…). Lorsque JérémieLefranc rejoint le projet, quatre principessont déjà posés : libre association, auto-gestion, caisse commune et non enri-chissement personnel (1). Entre 2002et 2006, le collectif passe de trois à neufpermanent·es.

Face aux limites du lieu pour développerdes manifestations culturelles (festivals,événements), le collectif change de site ets’installe en 2007 dans le Minervois(270 hectares d’un seul tenant, boisés à80 % avec maison d’habitation, bâtimentd’accueil…). Pour organiser la propriété pri-vée collective en vue de réaliser de la pro-priété d’usage, le statut de SAS est retenuet une nouvelle structure, Terres communes,est créée(2). Les membres de Cravirola déci-dent à ce moment-là d’adopter le statut deScop et développent un projet « agri-cul-turel » : l’activité de poly-élevage (fabrica-tion de fromages de vaches, chèvres, bre-bis, glaces et gâteaux au fromage blanc,production de viande bovine – bœuf etveau – cochons élevés au petit-lait, poulespondeuses), se conjugue avec les produc-tions de pain et de pizzas, de bois de chauf-fage et de légumes, à des activités extra-agricoles (camping, restauration utilisantles produits de la ferme, programmationculturelle et militante) et à des chantiersouverts à tous huit mois sur douze.

« L’apparition de désaccords de plus enplus fréquents », « des difficultés récurrentesà se parler et donc à se transmettre l’infor-mation » conduisent à des départs succes-sifs au sein de la Scop. Le collectif commenceà abandonner « symboliquement » le nomde coopérative Cravirola courant 2011-2012 pour lui substituer celui de coopéra-tive du Maquis, puis de commune du Maquis.Le début d’une autre histoire qui n’enlèverien à la puissance d’agir qu’a su dévelop-per la coopérative Cravirola. n

S. Ch.

(1) Le mouvement des coopératives Longo Maï fondé en1973 était l’une des sources d’inspiration du projet.(2) Terres communes comprend à sa création trois fermes –ferme autogérée de la Roya, ferme de Caracoles de Suc(Ardèche) et la coopérative Cravirola en Minervois – et troiscollectifs regroupés dans un premier collège détenant 48 %du pouvoir de décision. 80 actionnaires (personnes phy-siques et morales) constituent le 2e collège (52 % du pou-voir décisionnaire).

Cravirola, la première Scop au croisementde l’agriculture paysanne et de la cultureLa coopérative Cravirola a marqué les milieux militants du début des années 2000. Ses membres se sont posés commeenjeu politique de vivre et travailler autrement, choisissant comme moyen la coopérative, la paysannerie et la ruralité.Cheville ouvrière de la coopérative de 2002 à 2012, Jérémie Lefranc témoigne dans un livre.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / VII

Pour aller plus loin : Jérémie Lefranc, Cravi-rola : une expérimentation politique alliant vieet travail, éditions du Commun, janvier 2020

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Pour répondre aux enjeux de la tran-sition agricole et alimentaire et derépartition des richesses par le par-

tage du travail, il faut développer notre pro-jet d’agriculture paysanne. Celui-ci ne peutqu’être porté par des paysannes et paysansnombreux.

À l’heure d’un changement massif de géné-rations au sein de la population agricole, ilfaut faciliter l’accès au métier aux candi-dates et candidats non issus du milieu agri-cole ou « hors cadre familial ». Parmi eux,beaucoup veulent s’installer en cherchantà moins s’endetter, donc moins capitaliser,à avoir de bonnes conditions de travail etbénéficier d’une bonne protection sociale.En clair, ils et elles recherchent les droits durégime social salarié que beaucoup ontconnu auparavant.

Pour cela, il faut obtenir la reconnaissanced’un nouveau statut agricole où les « exploi-tant·es » associé·es-salarié·es d’une sociétécoopérative auront les mêmes droits etobligations que ceux des « exploitant·es »non salarié·es agricoles.

En s’inspirant de l’expérience de la sociétécoopérative de production (Scop) dans l’ar-tisanat et les services, la réflexion engagée

par la Confédération paysanne vise àrépondre à ces nouvelles attentes. Plusqu’une solution « clé en main » cette pro-position indique une direction, des objec-tifs à atteindre. Sans ignorer que la Scop,telle qu’elle existe aujourd’hui, n’est passatisfaisante pour l’activité agricole et enparticulier pour l’agriculture paysanne.

Un combat syndicalC’est un combat syndical à mener sur

deux plans :L’action de sensibilisation et de réflexion

auprès des paysan·nes. Il s’agit d’accom-pagner un changement important dansles mentalités : adopter un régime de typeScop exige d’avoir un autre regard sur larémunération du travail, sur la protectionsociale et sur la propriété des moyens deproduction. Nous le savons bien : l’endet-tement pour acquérir le capital et finan-cer des investissements importants (avecl’espoir d’en devenir propriétaire) créetrop souvent un carcan redoutable surtoute la durée de leur amortissement etfreine, sinon empêche, toute réorienta-tion significative du système de produc-tion qui s’avérerait souhaitable tant pour

le paysan ou la paysanne que pour la col-lectivité.

Mais aussi l’action auprès du pouvoirpolitique. Le temps presse face aux trèsnombreux départs en retraite dans les dixans qui viennent. Il faut obtenir les adap-tations réglementaires et législativesnécessaires afin d’offrir rapidement auxpaysan·nes la possibilité de la conversionjuridique et économique de leurs fermes.Pour l’État et les collectivités territoriales,c’est aussi le moyen de renforcer l’effica-cité à moyen terme de leur soutien à l’ins-tallation et aux investissements, puisquel’aide ainsi octroyée serait assurée decontribuer à la pérennité de la ferme. Etla puissance publique doit aussi « inves-tir » dans la transition afin que la géné-ration qui s’y engage ne soit pas, commel’évoque Mathieu Lersteau, une « géné-ration sacrifiée ».

Établir les alliancesnécessaires pour convaincreet gagner

Ces actions syndicales supposent aussid’interpeller et d’établir les alliances néces-saires pour convaincre et gagner. En prio-rité avec les organisations et les réseauxqui nous sont proches. Ne perdons pas devue que la transmission des fermes est unepréoccupation très largement partagée.

Nous considérons que ces propositionsfont partie des alternatives pour résister,contrecarrer la tendance à la concentra-tion des structures de production, l’aggra-vation du productivisme et la financiarisa-tion de l’agriculture. S’agissant de notreprotection sociale, c’est aussi le choix poli-tique de réintroduire pleinement les pay-san·nes dans les dispositifs de Sécuritésociale établis en 1946 par le Conseil Natio-nal de la Résistance, mais que la Fnsead’alors avait refusé. Pour les résultats qu’onconnaît aujourd’hui.

Il s’agit bien de choix politiques fonda-mentaux qui concernent la société toutentière : quelle agriculture et quel modèled’exploitations ou d’entreprises agricolesvoulons-nous réellement privilégier ? n

Véronique Marchesseau,

paysanne dans le Morbihan,

secrétaire générale

de la Confédération paysanne

VIII \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Dossier

Faciliter l’accès au métierLe travail de la Confédération paysanne sur l’adaptation à l’agriculture du statut de société coopérative de productiona pour but d’offrir de nouveaux outils pour faciliter l’installation. Un impératif au moment où il faut fortementrenouveler et augmenter la population agricole.

À l’heure d’un changement massif de générations au sein de la population agricole, il faut faciliter l’accèsau métier aux candidates et candidats non issus du milieu agricole ou « hors cadre familial », en répon-dant à leurs attentes.

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Voici près de dix mois que notre vieest bouleversée par une pandémiedue à un virus auquel on attribue

le décès d’environ 1,5 million de personnesdans le monde, à ce jour. La contagiositéimportante de la Covid-19 a semé lapanique dans les pays occidentaux, mal-gré sa virulence toute relative, et a fini parbouleverser le fonctionnement social, éco-nomique et politique de notre planète.

La Conf’ a réagi immédiatement pourdéfendre nos droits, notamment le fonc-tionnement des marchés de proximité, ets’est engagée dans un travail de réflexionavec un réseau de syndicats et d’associa-tions pour penser le monde d’après, ausein du collectif « Plus jamais ça » (1).

Par ailleurs, un groupe d’échange parcourriels s’est constitué au sein de la Conf’pour tenter de comprendre ce qui se jouaitdans cette crise inédite, au travers de nom-breux documents dont il faut constam-ment vérifier l’origine et la fiabilité. Unesomme impressionnante d’échanges…

Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui queles atteintes répétées aux écosystèmes sau-vages, et notamment aux forêts, favorisentla diffusion de zoonoses et leur possibletransmission aux humains, tout autant quel’élevage industriel. Mais l’hypothèse de laresponsabilité du pangolin des marchéshumides chinois semble maintenant écar-tée. L’origine naturelle du sras-cov2 restediscutée. En effet, il est aussi possible quece nouveau variant pathogène soit issu debricolages génétiques tels que les « gainsde fonction » et qu’il ait échappé à la sécu-rité de laboratoires.

Il y a également consensus sur l’impor-tance de favoriser une alimentation de qua-lité accessible à toutes et tous, en produitsfrais, végétaux comme animaux, pour seprémunir de ce type de maladie qui a beau-coup frappé les personnes porteuses decomorbidités de types cardio-vasculaires,diabète ou obésité notamment.

Il est également évident que les politiquesnéolibérales de destruction méthodique dessystèmes alimentaires territoriaux commedes capacités hospitalières durant ces quinzedernières années ont amené au débordementrapide des services de réanimation dans denombreux hôpitaux. La concentration des

pollutions aériennes industrielles, chimiqueset agricoles, dans les grands centres urbainset la mondialisation des échanges ont faitle reste. Ce sont donc ces choix politiquesdésastreux qui ont mené nos dirigeants àimposer cette mesure « moyenâgeuse » deconfinement généralisé en mars, puis ennovembre, dont les principales victimessont les plus précaires.

AccélérationLes choses aujourd’hui s’accélèrent ; l’aug-

mentation relative des « cas », puisquebasée maintenant non plus sur les décèsmais sur les personnes considérées positivespar un test jugé peu fiable, a servi à justi-fier un second confinement. On commenceà parler d’obligation vaccinale, avec desvaccins génétiquement modifiés pour plu-sieurs d’entre eux et hâtivement testés (2).

Les faillites, les licenciements, la misèreet la faim s’accroissent. Les citoyens pres-sés par la nécessité vitale de pouvoirreprendre leurs activités économiques,familiales et sociales, auront-ils véritable-ment leur libre arbitre pour faire des choixéclairés face à l’intense matraquage média-tique et aux pressions de tous ordres ?

Un élément nouveau est arrivé avec le coupde projecteur porté par le film « Hold-up »sur le Forum Économique Mondial (FEM)qui se propose « d’utiliser la crise » pour effec-tuer une réinitialisation – rien de moins ! –du système économique, écologique, social

et politique, en instaurant une gouvernancemondiale dirigée par les plus grosses fortunes,laissant aux gouvernements nationaux lesoin de contrôler les populations. C’est le« Great Reset » qui s’étale sur le site du FEM(WEForum) et qui fait la part belle auxacteurs du numérique (Gafa, IntelligenceArtificielle, 5G, télétravail, télémédecine,agriculture de précision…), du nucléaire(atome, géo-ingénierie…), de la manipula-tion scientifique des individus (transhuma-nisme), des populations et des mouvementssociaux (neurones) et du tout génétique,bref tous les acteurs qui profitent de la crisedu coronavirus.

Tout cela n’est pas de la science-fiction,ça se passe là sous nos yeux. Il ne fait aucundoute que ce projet se développe en dehorsde tout processus démocratique et qu’iltouche la question des systèmes alimentaireset agricoles qui nous concernent en premierlieu.

La vision et la gestion désastreuses de cettecrise sanitaire par les autorités, soutenuespar la plupart des médias, s’opposent vio-lemment à notre approche paysanne de lavie qui repose pour l’essentiel sur le respectde notre environnement social et naturel aveccomme base de nos actions le dialogue.Nous pouvons partager cette approche etdépasser les peurs qui paralysent. n

(1) urlz.fr/ejOR(2) infogm.org/7084-alleger-commercialisation-vaccins-ogm-reglement-europeen-conteste

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 13

Point de vue

Une gestion de la crise très loin des valeurspaysannesPoint de vue d’un groupe d’adhérent·es de la Confédération paysanne : Geneviève Savigny, paysanne dans les Alpes-de-Haute-Provence, avec Guy, Thierry, Jean-Jacques, Virginie, Georges… et bien d’autres.

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En réponse aux questions de la Com-mission européenne, soucieuse derelégitimer l’OMC, la Coordination

européenne Via Campesina (ECVC) nepeut que répéter son objectif fondamental :la souveraineté alimentaire. Pour nos orga-nisations paysannes, membres de La ViaCampesina, la souveraineté alimentairedésigne le droit des populations, de leursÉtats ou unions d’États à définir leur poli-tique agricole et alimentaire, sans dum-ping vis-à-vis des pays tiers.

L’OMC hors de l’agricultureAu contraire l’OMC, dans ses dogmes et

son fonctionnement, généralise un dum-ping tous azimuts au nom du commerce,sans s’occuper des droits fondamentaux– « droits de l’Homme », droits culturelset sociaux, droit du travail, droit à l’ali-mentation – ni même des conventions,chartes et accords, telle la Déclaration desNations unies sur les droits des paysans (2),ou les accords sur le climat.

Alors que les échanges internationaux dematières premières agricoles concernent àpeine 20 % de la production mondiale, lesprincipes du marché pour une concur-rence « libre et non faussée » impactent latotalité des productions, partout sur la pla-nète. La Politique agricole commune del’Union européenne (Pac) a dû renoncer auxrégulations des quotas laitiers, le Brésildevait réviser sa politique de « Faim zéro »,l’Inde renoncer à l ‘aide alimentaire pourles plus pauvres.

C’est une course effrénée sur les prix,indépendamment des réels coûts de pro-duction, qui donne priorité aux géants del’agroalimentaire.

C’est aussi un dumping social et environ-nemental puisque les droits et salaires destravailleuses et travailleurs de la terre pèsentpeu au regard des injonctions du marché quine s’embarrasse pas davantage de l’usagedes pesticides, des engrais, de l’alimentationanimale à base d’OGM ou des normes sani-taires des chaînes de fabrication…

Des accords de libre-échangetoujours plus dangereux

Dans un premier temps, la Commissioneuropéenne a privilégié ce type d’accordavec les pays en voie de développement,loin du regard des citoyen·nes. Mais com-ment la Tunisie peut-elle défendre ses inté-rêts face à la puissante Union européenne ?Que devient l’industrie textile argentinedans les négociations du ou avec le Mer-cosur (3) ?

L’OMC interdit de favoriser un pays ougroupe de pays dans les négociations com-merciales et l’Union européenne doit seplier à ses règles (auxquelles elle n’a pasvoulu ou su s’opposer). Elle a ainsi dûrenoncer aux accords de Cotonou (quiadoptaient l’absence de droits de douaneà l’entrée du marché européen), pour adop-ter une totale réciprocité dans les accordsdits de partenariat économique (APE) avecles pays d’Afrique, des Caraïbes et du Paci-fique. De même, elle doit accorder des quo-

tas d’importation équivalents à tous lespays, ce qui fait qu’un secteur comme laviande bovine est peu à peu grignoté partoutes sortes d’importations venues d’Amé-rique du Nord, d’Amérique latine, d’Aus-tralie ou de Nouvelle-Zélande.

L’OMC accordait une dérogation aux« pays les moins avancés », pays les pluspauvres, autorisés à maintenir des droits dedouane, indispensables à leur trésorerie.Aujourd’hui, par un savant découpage del’Afrique en « grandes régions », il n’en estplus question. L’Afrique du Sud dans larégion « Sud » et le Nigeria dans la région« Ouest », locomotives du continent, annu-lent ces sauvegardes.

Désormais, dans ces accords de libre-échange, les importations sont quantifiéeset parfois soumises à des volumes impo-sés (comme celles de viande bovine enEurope). La machine continue sa routepuisque les accords sont en perpétuellesrévisions, avec quotas obligés en hausse,droits de douane à la baisse et menacesciblées contre les barrières non tarifaires.

Comme d’autres pays ou unions de pays,l’Union européenne a des règles propres entermes d’origine, de normes sanitaires etphytosanitaires. L’OMC ne pouvant pas leséradiquer multilatéralement, c’est mainte-nant chaque accord bilatéral ou ALE quitente d’aplanir les derniers « obstacles »,tels le principe de précaution ou le mora-toire sur les cultures d’OGM.

La confidentialité des négociations permetd’instaurer des garanties de retour sur inves-tissements étrangers par la menace de juri-dictions commerciales et privées – ditesde règlement des différents – qui condam-neront toute velléité nationale ou citoyenne:une aubaine pour tous les accapareurs deterres, d’eau, de semences ou autres res-sources naturelles.

Non seulement les accords de libre-échange que négocie l’Union européennesont prisonniers d’un carcan réglementaireinflexible, mais souveraineté et démocra-tie sont exclues de toute négociation. Dif-ficile et illusoire dans cette perspective dedéfinir des priorités en réponse aux ques-tions formulées en ce sens par l’Union euro-péenne dans sa consultation sur sa politiquecommerciale.

Pour d’autres échanges commerciauxLe 16 juin, la Commission européenne a lancé une consultation publique en vue du réexamen de sa politiquecommerciale (1). À cette fin, elle appelle à mener une réforme profonde de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)pour que cette institution redevienne « un forum efficace dans l’élaboration de nouvelles règles commercialesappropriées, dans leur mise en œuvre et dans le règlement des différends ».

Internationales

14 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

L’accord UE-Mercosur contestéLe 9 novembre aurait dû marquer l’ouverture du processus de ratification de l’accord de libé-ralisation entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Para-guay). Mais jamais un accord de libéralisation du commerce n’a été aussi contesté : selon unsondage publié le 10 septembre, réalisé dans quatre pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas et Espagne), près de 80 % des personnes interrogées veulent que cet accord soit aban-donné. 8 à 9 sondé·es sur 10 aspirent à des formes de relocalisation des activités économiqueset d’autonomie alimentaire pour ne plus dépendre des marchés mondiaux. Le Parlement euro-péen vient de voter contre « la ratification en l’état » de l’accord UE/Mercorsur, un vote indi-catif qui s’ajoute à ceux de plusieurs parlements (Autriche, Pays-Bas, Irlande, Wallonie). La Com-mission européenne et les ministres du commerce des États-membres de l’UE, qui ne veulentpas « jeter à la poubelle 10 ans de travail », s’activent néanmoins pour sauver ce projet d’ac-cord (via un protocole additionnel ? Une déclaration interprétative ?). Car même si EmmanuelMacron a affirmé le 29 juin aux 150 participant·es de la Convention citoyenne pour le Climat :« Sur le Mercosur, j’ai stoppé net les négociations », le gouvernement français est loin d’avoirlâché l’affaire à Bruxelles…

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PME ou agriculture ?Paradoxalement, il n’est pas fait mention

de l’agriculture dans la batterie de questionsde la Commission. L’OMC prétend réduireet englober les questions agricoles sous leregistre des petites et moyennes entreprises.L’évitement renforce la conviction des orga-nisations paysannes européennes de La ViaCampesina du peu de cas que la Commis-sion européenne nous accorde comme pro-ductrices et producteurs, aménageurs del’espace et des territoires, pourvoyeursd’emplois, gardiens de la biodiversité, del’environnement et du climat.

Les fermes disparaissent rapidement danstous les États membres de l’Union euro-péenne. Un plan de croissance sur l’em-ploi passe nécessairement par des poli-tiques volontaires d’installation et desoutien dans l’agriculture (question 7). Lemodèle d’agriculture familiale est telle-ment fragilisé que la FAO, l’Organisationdes Nations unies pour l’alimentation etl’agriculture, ouvre une réflexion de dix ansà ce sujet.

Par contre, de plus en plus de migrant·essont exploité·es en Europe dans des condi-tions de travail indignes, notamment dansle secteur des fruits et légumes, au nomd’une concurrence soi-disant inévitable.ECVC dénonce les circulaires européennessur ces « travailleurs détachés », les dis-criminations à l’embauche, l’existence d’en-treprises de main-d’œuvre dans ce créneau,la criminalisation des mouvements de sou-

tien aux migrant·es en recherche de travailet/ou de refuge.

Aujourd’hui, l’OMC semble penser que desrésultats intéressants en termes de croissancepourraient être apportés par les nouvellestechnologies et le commerce par Internet (e-commerce). De même que nous revendi-quons la souveraineté alimentaire, il est grandtemps de construire une authentique sou-veraineté numérique pour l’Europe. Dans lamesure où les attaques contre nos règles etnos normes sont quotidiennes, le dévelop-pement d’un commerce virtuel, sans auto-rité de contrôle indépendante et fiable, ne peutque jouer contre les agricultrices et agricul-teurs européens. C’est une question de cohé-rence puisque la Pac impose traçabilité ettransparence sur son territoire (question 9).

Un nouveau paradigme pourl’Europe

Le changement climatique rend indis-pensable une totale refonte des règles com-merciales. Alors que tout le monde vantela nécessaire relocalisation des productions,il convient de faire le bilan de choix poli-tiques basés sur la croissance des échangesinternationaux. Les « accords de Paris » defin 2015 sur le climat veulent réduire lestransports, évoquant des taxes. ECVC donneun éventail de propositions qui vont dansce sens pour une révision de la Pac.

La crise sanitaire a provoqué toutes sortesde déclarations allant dans le même sens,pour « un monde d’après », et des velléi-

tés d’indépendance, voire de souverainetéde nos approvisionnements. Pourquoi nepas franchir le pas, en commençant parl’agriculture, capitale à nos vies ?

Bilans et études d’impact font cruelle-ment défaut en préalable aux négociationscommerciales. Ceux qui sont publiés dres-sent un bilan catastrophique dans leursrésultats. C’est le cas pour le traité de libre-échange de l’Amérique du Nord (Alena) entermes d’emplois et de croissance. De plusen plus de voix, dont des prix Nobel d’éco-nomie, dénoncent aujourd’hui la frénésielibérale des dernières décennies Noussavons aujourd’hui que les résultats atten-dus ne sont pas là, que les inégalités secreusent, que les campagnes se vident, queles personnes souffrant de malnutritionsont toujours plus nombreuses.

Plutôt que de tenter une réforme super-ficielle de l’existant, en sachant pertinem-ment que c’est illusoire, ne serait-il pastemps pour l’Union européenne de porterles bases d’un tout autre commerce ? n

Claude Girod,

paysanne en Saône-et-Loire, commission

« international » de la Confédération paysanne

(1) Présentation et documents : urlz.fr/e25F(2) Déclaration des Nations unies sur les droits des paysanset autres personnes travaillant dans les zones rurales, adop-tée par l’Assemblée générale des Nations unies, le17 décembre 2018 : viacampesina.org/fr/illustrations-droitspaysans(3) Le Marché commun du Sud, abrégé Mercosur, est unecommunauté économique qui regroupe l’Argentine, le Bré-sil, le Paraguay et l’Uruguay.

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 15

Pour La Via Campesina, la souveraineté alimentaire ne s’oppose pas aux échanges mais à la priorité donnée aux exportations. La souveraineté alimentaire répondà la définition de politiques et pratiques commerciales qui respectent les droits des populations à avoir une production saine, sûre et écologiquement durable : viacampesina.org/fr/la-souverainetliementaire

Internationales

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Le projetRémy, à l’initiative de cette structure agri-

cole particulière, au statut de Scop (cf. dos-sier), nous reçoit.

Rémy, tu peux nous faire un brefhistorique de cette ferme, encore trèsparticulière aujourd’hui en France ?

Eh bien, après avoir travaillé dans l’éco-nomie solidaire, je me suis rendu compteque j’avais la chance d’avoir une fermeinexploitée au sein de la famille depuisprès de vingt ans, et j’ai décidé de la relan-cer, avec l’objectif de m’associer. D’un côté,tu as des paysan·nes sans terre, et de l’autredes terres sans paysan·nes, ce qui n’est pastrès logique. Au début, nous étions deuxmaraîchers, et maintenant nous sommesvingt-deux, dans divers secteurs, sur ces26 hectares.

Il y a le maraîchage qui continue, l’arbo-riculture, un atelier de transformation desproduits, un magasin, une boulangerie, unsecteur jardinage et nous apprenons actuel-lement avec un apiculteur qui prend saretraite afin de lancer notre activité. Il fautaussi dégager un plein-temps administra-tif pour tout ce qui concerne le juridiqueet la compta.

Vos objectifs généraux ?Remettre l’humain au centre de la

réflexion, pour travailler moins et se lais-ser du temps pour vivre, et dégager des reve-nus décents. Une perspective dans cedomaine est de sortir un salaire net de

1700 euros par mois pour 45 heures de tra-vail hebdomadaires. Actuellement, c’estplutôt le Smic pour 50 heures. Ensuite,recréer une forme de polyculture-élevageavec ses cercles vertueux et viser le zérodéchet, tout en répondant aux exigencesactuelles des consommateurs et consom-matrices.

Deux mots sur la Pac ?La Pac finance ce qui coûte de l’énergie.

C’est aussi l’ubérisation de l’agriculture,la spécialisation uniforme, où les pay-san·nes ne contrôlent plus rien et ne sontplus que des ouvrier·es qualifié·es des cir-cuits industriels. C’est la mort des sols, oùon cultive des dizaines d’hectares pourune seule culture. Ici, on fait de tout surplace, et une catastrophe naturelle commela grêle ne met pas l’ensemble de la struc-ture en danger.

Peux-tu nous expliquer un peul’originalité de la structure juridique,sans trop de technique ?

C’est une Scop-CAE, une coopérativeque l’on peut intégrer soit en s’insérantdans une activité existante, soit en créantsa propre activité. Il est impossible de nosjours pour des personnes souhaitant s’ins-taller en agriculture d’acheter le foncier, lebâti, de rembourser les emprunts et de sesortir un salaire décent. L’idée est donc depermettre à des personnes de s’installersans avoir à s’endetter à vie pour vivre deleur métier.

Une nouvelle arrivante ou un nouvel arri-vant dispose de trois mois pour s’intégrerdans le collectif, la confiance étant en finde compte le principal atout. Il ou elletourne d’abord sur toutes les activités exis-tantes, à temps plein. Ensuite, il ou ellecontinue de travailler deux jours pour laferme et dispose du reste de son tempspour monter sa propre activité, en lien avecla comptabilité analytique qui étudie la fai-sabilité du projet. Le fait d’être associé-coopérateur permet aussi, contrairement austatut de travailleur indépendant, d’avoirune meilleure couverture sociale.

Quid de la propriété juridique danstout ça, puisque c’est une fermefamiliale ?

L’objectif est de passer d’une propriétéfamiliale à une propriété collective indivisepérenne, où tout le monde serait coopéra-teur ou coopératrice. Notre choix de Scop-CEA devrait pouvoir nous le permettre : ony travaille. La terre ne devrait pas être unbien marchand. Les humains passent, laterre reste. Cela permettra aussi de faire del’agriculture 10 ou 15 ans dans sa vie, etde passer à autre chose si on en a envie.Personne n’est obligé de faire le mêmemétier toute sa vie.

Et les rapports avec la MSA ?Elle plane : l’agriculture collective, elle ne

comprend pas.

BoulangeYann, paysan-boulanger, nous accueille

ensuite dans le fournil neuf qu’il vient deconstruire.

Que fais-tu en ce moment ?Là, je pèse les graines de courges, de tour-

nesol, de lin et de sésame pour les futurspains. Aujourd’hui, je prépare une fournéede quarante kilos. J’en ai trois par semaine,avec des céréales différentes : blé, seigle, petitépeautre, le tout au levain naturel.

Tu es responsable de ton activité ?Totalement. Au début, j’étais maraîcher,

puis l’envie du pain m’a pris. Mais il fal-lait investir, et seul je n’aurais pas pu.Les investissements ont coûté60 000 euros, pris en charge par la struc-

Les Volonteux, une ferme coopérativeLa ferme « Les Volonteux », tire son nom d’un quartier de Beaume-lès-Valence, dans la Drôme, et correspond bien à cequ’il suggère, à savoir beaucoup de courage quand on a décidé de pratiquer l’agriculture de façon respectueuse deshumains, de l’environnement, des produits, des animaux et de la santé.

Agriculture paysanne

16 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Yann, paysan-boulanger. La société coopérative de production (Scop) Ferme des Volonteux a été créée en2011. Elle fait aujourd’hui vivre 22 personnes sur une vingtaine d’hectares – fermedesvolonteux.com

Page 25: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

ture. Moi, j’ai mis 15 000 euros pour lematériel, que je pourrai emporter si jem’en vais. Le reste, tout le bâti, reste surplace, bien entendu.

Parle-nous un peu de ce métier, ici.Je produis moi-même les grains sur plu-

sieurs hectares. Je tourne autour de 10/15quintaux/hectare. Je fais des « mélanges-population », avec 20 variétés de blé. Puisje mouline, je panifie et je vends. J’ai achetéun moulin type Astrié et un four pour desfournées de 60 kg.

Et la vente ?Le pain est vendu ici, dans notre maga-

sin à la ferme, mais aussi dans une Biocoopet un magasin à Valence, le « Grammes &Kilogrammes », plus le marché sur la placeSaint-Jean…

Tu te paies avec ton activité ?Oui. C’est le principe ici : chacun doit

rentabiliser sa propre activité. Au départ,on fait les études avec la compta. Nousavons aussi un fixe de 250 euros par moisqui vient de la structure.

MaraîchageNous quittons Yann pour les champs.

Dans une des huit serres froides de50 mètres, l’équipe fait le tour hebdoma-daire des cultures. Sylvain, le responsable,

est penché sur un plan de tomate mal enpoint.

Sylvain, c’est quoi ces taches jaunes ?C’est le problème du moment, la cladio-

sporose, une maladie cryptogamique, unchampignon qui se manifeste par ces tachesjaunâtres sur les feuilles pouvant provoquerdes pertes de rendement importantes. Troistonnes sont produites ici, ce n’est donc pasun problème à prendre à la légère.

Vous êtes combien sur le maraîchage.Nous sommes neuf. Il nous est aussi arrivé

parfois d’accueillir des stagiaires.

Quand on voit les serres et leschamps extérieurs, cela doitnécessiter beaucoupd’amendements ?

200 tonnes de fumier ! On va le chercherà l’extérieur, mais on souhaite réduire. Onn’est pas encore très bons là dessus. On vou-drait aussi en produire un maximum surplace, avec le troupeau, dans l’avenir. Onsème aussi des engrais verts, du sorgho. Ontravaille sur la diversité des approches :bio-intensif sur petites surfaces, planchespermanentes, surfaces légumières.

Et pour l’eau ?Pareil, on souhaite réduire. On fait du

goutte-à-goutte. On a un forage profond.

On travaille sur des semences locales quidevraient nécessiter moins de fumure etmoins d’eau, ce qui est déjà un problèmemajeur dans l’agriculture. Il s’agit pournous de répondre aux exigences actuellesde la société tout en ayant un œil sur l’ave-nir, pour en faire un métier désirable.

Vous avez aussi beaucoup de matérielOui, c’est nécessaire. On ne peut pas se

permettre d’avoir de gros écarts de prix. Ontravaille avec L’Atelier Paysan(1) pour mettreen place des outils adaptés. Pour la démo-cratisation du bio, du local, il faut savoirfaire des choix.

Il y aurait encore beaucoup à dire à pro-pos de cette ferme : arboriculture, plantesmédicinales, jardins pédagogiques, agroé-cologie, production de semences, friperie,fête annuelle imposante. Cette expériencecherche un autre chemin que celui de laferme familiale traditionnelle et de la fermeindustrielle dévoreuse de pétrole que lesystème impose. Cette aventure collectiveest, à n’en pas douter, susceptible de fairedes petits. n

Joël Feydel,

paysan en Ardèche

(1) L’Atelier paysan est une coopérative d’intérêt collectif(Scic), à majorité paysanne, qui œuvre au développementde l’autonomie technique et technologique des paysan·nes,avec notamment des formations et de l’accompagnementà l’autoconstruction d’outils adaptés.

Agriculture paysanne

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 17

Les planches et les serres de maraîchage de la ferme. En arrière, recouvert de panneaux photovoltaïques, le magasin où sont vendues les productions du site maisaussi celles de paysannes et de paysans ami·es des alentours.

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Les Ami·e·s de la Confédérationpaysanne du Morbihan soutiennentla création d’une petite ferme, unprojet en coopération avec d’autrespaysan·nes et citoyen·nes d’Erdevenet des environs.

«Nous sommes actuellement 450 000paysannes et paysans en France. D’icidix ans, 60 % d’entre nous vont quit-

ter le métier pour partir à la retraite ou seréorienter. L’installation massive est donc unepriorité. Mais derrière cette évidence, ilconvient de se rap-peler qu’en plus dela vitalité de noscampagnes, ce sontdeux enjeux pro-fessionnels majeursqui se jouent avecle renouvellementdes générations : lepremier est lemaintien du tissuque compose l’agri-culture, de sesoutils, de sesfilières ; le secondtient au modèleagricole » : c’est cequ’on peut liredans le numérode novembre deCampagnes solidaires…

Les Ami.e.s de la Confédération paysannedu Morbihan ont décidé de participerfinancièrement, à la hauteur de leursmodestes moyens, au projet Graines deSaint Germain sur la commune littoraled’Erdeven.

Pourquoi donc ? Que se passe-t-il là-bas ?Là-bas, ils sont quatre quadragénaires. Il

y a Karine, prof de maths en collège, Natha-lie, professeur des écoles et maraîchère,Anne Sophie, dans l’univers de la com-munication et de l’audiovisuel, et Fran-çois, encadrant maraîcher.

Il y a un peu plus d’un an, il et elles sesont dit : « Chiche ! Et si ensemble on allaitplus loin : créer une activité agricole, le faire ànotre échelle, avec une assez grande variétéde produits, mettre en place un magasin de pro-ducteurs sur le territoire ? »

C’est ainsi que l’idée a émergé : fonderune micro-ferme multi-activités. « Micro »

car il s’agit de cultiver sur une surfaceréduite (environ 1,5 hectare) et « multi »puisqu’il et elles veulent proposer unegamme de produits bio et services diver-sifiés : légumes, œufs, plantes aromatiqueset médicinales, conserves, accueil pédago-gique, mise en place d’un magasin de pro-ducteurs.

Le projet est co-construit avec les pay-sans-boulangers du Moulin de Saint Ger-main (1), installés sur la même commune,car le but est de travailler sur les terres àproximité du fournil, de mutualiser l’usage

d’un bâtiment (pour l’espace de vente, lestockage, le labo de transfo…) et de vendreensemble les productions avec cellesd’autres productrices et producteurs locauxet bio.

Les quatre expliquent le sens de leurdémarche : « Parce que nous voulons don-ner du sens à nos activités professionnelles.Parce que nous pensons qu’il est vraimentimportant de tendre vers plus de rési-lience alimentaire locale : de développer l’agri-culture biologique sur notre territoire, de pro-duire et vendre dans un même lieu nosproductions, de rapprocher les consomma-teurs et consommatrices des producteurs etproductrices. Parce que nous souhaitons pro-duire et transmettre de la connaissance etpartager des expériences dans un lieu ouvertet convivial. »

Il et elles souhaitent créer un écosystèmele plus diversifié possible en respectant lesgrands principes de l’agroécologie, par

exemple en incorporant dans leurs par-celles de légumes et de plantes aromatiqueset médicinales des haies fruitières et desplanches fleuries pour les oiseaux et insectes.

Il et elles sont actuellement en cours d’ins-tallation : le Gaec Graines de Saint Ger-main vient juste d’être créé.

La mise en place est en cours et se pour-suivra durant l’hiver : préparation desterres, plantations, installation des serresmobiles, mise en place de l’irrigation, ins-tallation du labo de transformation, amé-nagement de l’espace de vente… Les pre-

mières ventessont prévues auprintemps 2021.

Le budget globalpour la créationde la ferme estd ’ e n v i r o n120 000 euros.

Les quatre ini-tiateur et initia-trices apportent48 000 euros, àquoi s’ajoute unprêt de60 000 euros etun financementparticipatif pour10 % de l’inves-tissement global.15 000 euros

sont en bonne voie d’être récoltés par cebiais, d’ici le 6 décembre (2), avec le sou-tien des Ami·e·s de la Conf’ du départe-ment (3).

Leur souhait est également de donner lapossibilité de s’impliquer et de les soute-nir pour créer une « communauté » autourde leur projet.

Les voilà donc en route pour faire partiede ces nouvelles et nouveaux installé·esqui viendront prendre la relève… Si vousvoulez en savoir plus, c’est par là :

facebook.com/grainesdesaintgermain. nLes Ami·e·s de la Confédération paysanne

du Morbihan

(1) lemoulindesaintgermain.fr(2) L’appel à don est terminé sur internet mais on peut tou-jours voir le petit film qui présente le projet sur :zeste.coop/fr/grainesdesaintgermain(3) [email protected] – 06 63 33 06 22 –Pour rejoindre les Am·e·s de la Confédération paysanne :lesamisdelaconf.org

Quand les Ami·e·s soutiennent un projetd’installation

Ami·e·s de la Conf ’

18 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Page 27: Campagnes solidaires - confederationpaysanne.fr

Douce France

Douce France suit en mode documentaire des lycéen·nes de premièreà Villepinte (Seine-Saint-Denis), engagé·es dans une enquête sur le pro-jet d’Europacity, courant 2018. Titre ironique : Europacity, gigantesque

projet commercial et de loisirs, illustrait parfaitement la brutalité marchandecapitaliste qui devait artificialiser la plaine agricole du triangle de Gonnesse.Aux environs, Villepinte abrite les populations les plus pauvres du pays, large-ment issues de la douceur migratoire post-coloniale, enclavées dans le bétonet n’ayant comme lieux d’approvisionnement et de divertissement que les centrescommerciaux. « Douce France ».

Avec sa fragilité technique, son peu de moyens (réalisé grâce à un finance-ment participatif), ce film courageux s’attaque avec candeur et intelligence àplusieurs problématiques cruciales. Son réalisateur, Geoffrey Couanon, avantde s’adonner au cinéma était éducateur, puis il a travaillé dans le maraîchagebio. Si on ajoute que son père travaillait sur de gros chantiers, on comprendqu’il réalise là une synthèse transversale de son vécu.

Il a pour ce film élaboré en amont avec des professeurs du lycée Jean Ros-tand de Villepinte (SVT, géographie et économie) un programme d’enquêteautour d’Europacity, croisant tour à tour des responsables politiques, des mili-tant·es opposé·es au projet, un promoteur immobilier, des commerçant·es, despaysans…

Les gamin·es sont loin des clichés habituels sur les jeunes de banlieue. On nepeut que saluer cette démarche, passerelle au-dessus de l’abîme séparant lestours de béton de la problématique agricole et paysanne.

Petit témoignage de notre confrère maraîcher confédéré, Florent Sebban : « Laparticipation au tournage du film fut pour moi une expérience extrêmement enri-

chissante. J’ai beaucoup appris au contact des jeunes lors de nos moments communs sur la ferme. La fraîcheur, l’ouverture d’esprit, la com-préhension des enjeux globaux et l’humour de ces lycéens ont été pour moi un véritable encouragement quant à la prise en main du mondepar les générations qui viennent. » n

Gaspard Manesse, paysan dans les Yvelines

Vincent, paysan engagé

Un hommage : tel est bien l’objet de ce petit, mais finalement très dense,ouvrage. Vincent Leras est le frère de l’auteur, Nyko, et l’éditeur Terre vivanteest un réseau environnemental national, sis dans le Trièves, en Isère, dans lequel

il travailla sous divers statuts. Puis il devint paysan. Un livre de copinages? Oui, maisqui assume la proximité très diversifiée existant entre tou·tes ces proches, nombreux,et cet homme décédé accidentellement de noyade à 49 ans. Si Vincent a vécu plu-sieurs vies, le livre n’en fait pas un héros – ce qui ne semblerait pas lui aller au teint –mais déroule les scènes de vie d’un « paysan engagé ».

« Engagé », aujourd’hui, ça ressemble à quoi ? Le livre se découpe en plusieurs ordresd’intérêts : la nature et l’environnement, la culture, le militant écologiste et interna-tionaliste (car les luttes auxquelles il participa sont nombreuses et pas seulementlocales), enfin son activité de paysan et les audacieuses initiatives qu’il généra, avecd’autres.

C’était un homme de transmissions. Or, ce qui se transmet, ce que l’on nous trans-met, est tout aussi difficile à caractériser qu’à en produire une expression de liberté,d’attachement et, tout autant, de joie et de désintéressement. La transmission ne peuts’imaginer sans une part de joie. La beauté humaine que ressentent celles et ceux quicôtoient cette générosité de transmission est la principale valeur de ces témoignages.

Le paysan Vincent Leras fut le sujet d’un article de Campagnes solidaires, ennovembre 2006 (n° 212). Le rachat d’un bâtiment imposant sous forme de SCI pourloger quatre activités agricoles indépendantes se révélera structurant pour des décli-naisons variées (marché, installations de paysan·nes…). L’article avait pour titre :« Croire à son rêve et aller jusqu’au bout ». Cela aurait pu être aussi le titre de celivre généreux. n

Jean-Claude Moreau, paysan retraité dans l’Indre

Culture

Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 19

Douce France, de Geoffrey Couanon, documentaire, 1 h 35, sortie : 9 décembre 2020 – Bande annonce : vimeo.com/413286646

Vincent, paysan engagé par Nyko Leras, 144 pages, éditions Terre vivante, 10 euros, terrevivante.org

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20 \ Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020

Emploi - stages - formation

Offres

• Eure-et-Loir - L’Association dépar-tementale pour le développementagricole et rural (Adear) recrute sonanimatrice ou animateur - Vousparticiperez principalement auxactions des pôles installation ettransmission sur le départementde l’Eure-et-Loir et ponctuellementsur le Loiret - accompagnementindividuel et collectif des por-teurs/porteuses de projet, sensibi-lisation (cafés installation-trans-mission, soirées débats), ingénierieet encadrement de formations, par-ticipation aux procédures de certi-fication - Formation supérieure enagriculture, économie sociale etsolidaire, développement rural,sciences humaines/ou expériencesignificative dans ces domaines -CDI à 80 % ETP, poste basé à Lui-sant (28), embauche le 1er février,possibilité de télétravail - Rému-nération selon la convention col-lective de la Confédération pay-

sanne (2 168,79 € brut pour un100 %) - Permis B - CV et lettre demotivation dès que possible (si pos-sible avant le 7 janvier) à :[email protected] en précisant(candidature poste installation -transmission)

Demandes

• Toutes régions - Berger, 59 ans,avec expérience en conduite d’éle-vage ovin - Formation en 1986 CEZRambouillet, expérience en fermethérapeutique en tant qu’éduca-teur - J’ai exercé mes deux com-pétences dans mon parcours pro-fessionnel - Je cherche un emploide confiance et dans la durée [email protected] -0608612374

Association - installationtransmission

Offres

• Hauts-de-France - Ferme en maraî-chage diversifié, en bio et ventedirecte, à transmettre - 14,5 ha enun seul bloc dont 1,5 ha de verger,4,5 ha de maraîchage, le reste en

rotation blé-luzerne-pomme de terre- Surface sous serre environ 4000 m²- Irrigation enterrée + forage - Han-gar agricole récent avec chambrefroide - Maison d’habitation avecmagasin de vente directe, clientèlefidèle existante - Cession mixte: unepartie à vendre, une partie à louer -Deux salariés en CDI - Idéal pourcouple et associé·es - Expérienceindispensable - 0613895320 [email protected]

• Oise - A céder en fermage, pourcause de retraite, ferme 100 % biodepuis 40 ans (biodynamie) - 160 ha(140 ha de polycultures et 20 ha depâtures) - Élevage bovins viandeet porcs (engraissement) - Trans-formation : meunerie, boulangerieet huilerie avec fort potentiel dedéveloppement - Vente directe -2 salariés - 2 maisons d’habitationen très bon état - Conviendrait pourcouple·s ou collectif - www.fermesaintebeuve.fr [email protected] -0365970305

• Aisne - A céder ferme bovin lait enThiérache, pour cause retraite - 71 ha(60 ha en fermage, 11 ha à vendre)- 180 VL + quelques vaches allai-tantes - Vente via coopérative laitièreet marchands de bestiaux - Salle detraite et stabulations semi-paillées- Matériel à vendre : plusieurs trac-teurs, matériel de fenaison, presse,telescopic, quad - Maison d’habita-

tion (90 m2), travaux à prévoir - Fer-mage et coûts de reprise à définir -06 13 89 53 20 - [email protected]

• Aisne/Nord - Ferme à reprendreen Thiérache, frontière Aisne et Nord- Gaec de 3 associés sur une fermeen polyculture élevage bovin lait ettransformation cherche repreneurspour cause retraite - 101,5 ha (40 %de terres cultivées et 60 % de prai-ries) : 4 ha à vendre, le reste enlocation - Plusieurs bâtiments(4000 m2) à vocation de stockage,d’élevage (stabulation aveclogettes, grange, bergerie, silo, etc.)et de transformation (fromagerie,magasin à la ferme, cave d’affi-nage) - Matériel : une dessileuse, dumatériel de fenaison et de travaildu sol, 3 tracteurs, 2 utilitaires dontun frigorifique pour les livraisons -Cheptel : 90 VL et 100 brebis - Ate-lier de transformation avec agré-ment européen : Maroille (AOC),tomme, fromage blanc et flamiches- Tout en vente directe (magasin àla ferme, crémerie et points de ventefermiers) - 1 maison d’habitation(203 m2) sur place, à vendre -06 13 89 53 20 - [email protected]

• Marne - Recherche de remplace-ment - Paysanne recherche une per-sonne (h, f) pour la remplacer sursa ferme d’élevage de vaches lai-tières pendant a priori un an (mala-

die longue durée) - Si entente, pos-sibilité d’intégrer l’entreprise avecun projet de transformation et ventedirecte - [email protected] -0681219615

• Vosges - Location terres + loge-ment + mandat de gîtes ruraux - Alouer ancienne ferme vosgienne,entièrement rénovée en 2020, com-prenant : logement T3 de 88 m2,espace atelier de 65 m2, cave, gre-nier et 2 dépendances (220 m2) sur6,7 ha de terres agricoles - Possi-bilité de construire un bâtimentagricole supplémentaire, selonmodalités à convenir - Il est égale-ment proposé un mandat de ges-tion de 2 gîtes ruraux neufs de4 personnes [email protected]

• Haute-Saône - Recherche d’as-socié·es pour une (et même deux)ferme·s - Au Gaec de la Modestine,4 associé·es, nous produisons descéréales en bio sur 95 ha et nousles transformons à la ferme enfarines et pains vendus localement.Nous avons également un projet demicromalterie et une partie des sur-faces en herbe. Nous sommes atta-chés au plaisir de travaillerensemble, à la qualité de vie dechacun·e ainsi qu’aux liens tissés surle territoire. En vue d’un prochaindépart en retraite, idéalement fin2021, nous recherchons un·e (voiredeux) personne·s motivée·s par

l’agriculture paysanne et bio. Pos-sibilités nombreuses : le projet d’ins-tallation sera à construire ensemble.Par ailleurs, nos voisins et amis duGaec des 3 Mulets recherchent un·eassocié·e sur une activité ovinviande bio en vente directe. Dessynergies entre les projets sont pos-sibles. L’accueil sur la ferme pourraprendre différentes formes afind’apprendre à se connaître : stages,salariat, dispositif start-agri… - [email protected] -0363771607

• Meurthe-et-Moselle - Recherched’un remplaçant en vue d’un départà la retraite - Ferme polyculture/éle-vage bio et diversifiée au sein duParc naturel régional de Lorraine :vaches laitières, céréales, transfor-mation (fromage, farine, pain) etvente directe - 4 associés, 6 sala-riés, fonctionnement collectif per-mettant l’autonomie de chacundans son travail - En vue du départen retraite d’un associé d’ici 3/4ans, nous recherchons un rempla-çant, en passant par une phase desalariat dans un premier temps (CDItemps plein) - Profil axé sur la pro-duction agricole (élevage, grandescultures, entretien matériel, petitbricolage), notamment sur les tra-vaux des champs - Ouverts à touteproposition correspondant au pro-jet de la ferme - 0661305795 [email protected] - fermedelasouleuvre.fr

Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernentl’emploi, les recherches et propositions d’installation, et touteautre demande à but non lucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

Nom ______________________________ Prénom __________________________________Adresse _____________________________________________________________________Code postal _____________Commune __________________________________________Profession_________________________Téléphone ________________________________Courriel : ____________________________________________________________________

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En signant ce formulaire de mandat, vous autorisez Média Pays à envoyer des instructions à votre banquepour débiter votre compte, et votre banque à débiter votre compte conformément aux instructions deMédia Pays. Vous bénéficiez du droit d’être remboursé par votre banque selon les conditions décrites dansla convention que vous avez passée avec elle. Une demande de remboursement doit être présentée dansles 8 semaines suivant la date de débit de votre compte pour un prélèvement autorisé.

Fait à...................................... Signature :

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Nom et adresse de l’établissement teneur du compte à débiter:Établissement/Agence _________________________________________Adresse_______________________________________________________Code postal _____________Commune ___________________________

Je vous prie de bien vouloir présenter en faveur de Média Pays sur le compteréférence ci-dessous les sommes correspondant à mon abonnement:Tous les quatre mois r 15 € ou r 20 € Soutien, collectivité et étranger(le 15ème jour du premier mois)

Annuellement r 45 € ou r 60 € Soutien, collectivité et étranger(à la date du renouvellement)

TARIFS : Annuel (11 numéros) : 46 €6 numéros : 24 €Soutien, collectivité et étranger: 60 € (ou plus)

Avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèqueà l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion de l’association

et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N°80 du 1/4/80 de la CNIL.

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Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessousà retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP)

Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

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Ou sur le site de la Confédération paysanne : www.confederationpaysanne.fr

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Bulletin d’abonnement#

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Campagnes solidaires • N° 367 décembre 2020 / 21

• Isère - Ferme maraîchère chercheassocié·e, voire repreneur/euse -Xavier est installé en maraîchageAB depuis 2007. Il loue 6,5 ha etcultive 1,2 ha de légumes AB enrotation, en vente directe, avecl’aide d’un saisonnier. Il souhaiteaujourd’hui réorienter son activitécomme paysan-boulanger. Ilrecherche idéalement quelqu’unavec qui s’associer sur l’ateliermaraîchage existant et fonction-nel, afin de réduire progressive-ment son implication sur cette acti-vité, et mutualiser les terrains(rotations), le matériel, le travail, lacommercialisation… Il est ouvertà accueillir d’autres projets com-plémentaires nécessitant peu defoncier - A Sassenage -06 72 39 93 05 [email protected]

• Savoie - A reprendre activité depaysan·ne-boulanger·e (ou bou-langer·e) - Au cœur du village d’Es-serts-Blay : ancien bar transforméen fournil paysan, avec vente directeà la ferme, en amaps et en pointsde vente collectifs - Four à boisPanyol 250 + pétrins (avec salle debar + cuisine + toilettes) et un abribois de 40 m2 - Logement au 1erétage (2 chambres) - Meunerie,moulin type Astrié, production deblé bio entre 1 ha et 1 ha 5 en rota-tion avec un maraîcher bio - Voletanimation de village à développer- 06 32 57 12 67 [email protected]

• Orne - A vendre ferme en AB(depuis 20 ans) dans le Perche -14 ha, en vente directe 100 % - 1) Activité de paysan-meunier-boulanger : production de blés,transformation sur place de la farineet fabrication au levain de painscuits dans un four à bois - 2) Acti-vité de maraîchage (2 tunnels),arboriculture en place (200 frui-tiers) et petits fruits - Possibilité deformer le futur repreneur - Fermede type longère, possibilité deuxlogements, conviendrait pour unprojet collectif [email protected]

• Orne - A céder, région Domfront,ferme AB laitière et cidricole - Terreset bâtiments en location, àreprendre en 2022, cause retraite- Peu de matériel individuel, utili-sation de matériel en Cuma - 65 haen prairies dont 55 ha groupés -50 VL, 234000 litres livrés à Biolait,6 ha de vergers traditionnels(30000 bouteilles de poiré, cidre,jus de pommes et poires, apéritifs)- Vente à la ferme, amap, magasinslocaux - Environnement préservéavec haies bocagères - Convien-drait pour projet à plusieurs - Ouvertà discussion - 02 33 30 16 89 -0686964120 - [email protected]

• Orne - A céder à la vente, régionDomfront, cause départ en retraite,atelier de confitures avec local devente et son corps de ferme avecun ou trois hectares de terre - Pos-sibilité de louer 23 ha de terre dont6 ha plantés en poiriers et pommiershaute tige (variétés pour poiré,cidre, confitures et jus de fruit),12 ha labourables, le reste en prai-rie - Certains bâtiments peuventêtre aménagés pour faire de l’ac-cueil - 06 15 74 36 65 [email protected]

• Mayenne - A Azé, proche Châ-teau-Gontier-sur-Mayenne (15000habitants), ferme laitière à trans-mettre courant 2021 - 50 vachesPrim’Holstein, contrat de413000 l/an chez Savencia - 50 haà louer, groupés en deux îlots prin-cipaux dont 14 ha de prairie direc-tement accessibles depuis la ferme- Possibilité d’achat de 10 ha sup-plémentaires - Bâtiments, fonc-tionnels, disponibles à la vente -Maison d’habitation disponible surplace, une seconde maison à réno-ver est également sur le site, pourhabitation ou gîtes - Environne-ment dynamique, avec une Cumaproche et un bon réseau d’entraideavec les agriculteurs voisins -07 70 65 38 51 - 06 74 28 85 04 [email protected]

• Vendée - Ferme à reprendre, àEssarts-en-Bocage - Productionviande bovine naisseur-engraisseur,sur 100 ha : 2 îlots de 40 ha avecbâtiments, plus 20 ha terresvolantes - 0689798406

• Deux-Sèvres (entre Thouars etParthenay) - Pour porteur ou por-teuse de projet aquaponique, vendsou loue une ancienne porcheriecomprenant 4 cases avec fosse de25 m3 chacune, hangar et bâtiment400 m² environ, forage 3 m3/h, fosseextérieure 800 m3, 1 à 5 ha atte-nants selon les souhaits du repre-neur, terrain plat - Accueil et miseen réseau assurés - 0688680749- 0683333368

• Vienne - Recherche associé·e pourferme en polyculture élevage,volailles, céréales et fruits en biodepuis 2006 - Actuellement 4 asso-ciés, nous recherchons une per-sonne pour cause de départ à laretraite - Une période de 2 ans desalariat est proposée en amont - Ins-tallation peu coûteuse - Souhait departager le travail, les décisions etles responsabilités. Un accompa-gnement sera fait par l’associé sor-tant - A Saint-Gervais-les-Trois-Clochers - 0664179322

• Pyrénées-Orientales - A céder enarboriculture et maraîchage bio - Àmoins de 10 km de Perpignan, envue d’un départ à la retraite, sontà transmettre : 13 ha de terres cer-tifiées bio (à l’exception de serrefroide), irrigués par forage et puits :8 ha d’abricotiers (45 variétés),1,7 ha de kiwis (plusieurs variétés),0,8 ha de figuiers (3 variétés), 0,5 hade verger expérimental (grena-diers…), 2 ha de maraîchage pleinchamp, 0,3 ha de serres froides(kumquat, limquat) + bâtiment agri-cole de 400 m² (stockage/condi-tionnement, labo de transfo, abrimatériel) et 2 chambres froides + lematériel agricole (tracteurs, cali-breuse, camion, stations de pom-page, station météo…) et circuitsde commercialisation + une mai-son d’habitation (120 m² habitable)- Pour des infos sur le bien agricole :[email protected] - Pour desinfos sur l’accompagnement pos-sible par Terre de Liens : [email protected]

• Var - Cherche candidat·es pourreprendre ferme maraîchère dansle Haut-Var - 1,2 ha de terre en ABavec tout l’équipement disponiblepour la culture de légumes - Le ou

la candidat·e devra passer par unephase de test avant d’envisagerune installation définitive - Annonceplus détaillée disponible en contac-tant : [email protected]

• Puy-de-Dôme - Nous recherchons2 associé·es pour cause départ enretraite au sein du Gaec - Noussommes 4 associé·es, dont 3 jeunesinstallé·es - Ferme en AB depuis2000, 65 vaches laitières de racesdifférentes, autonomie alimentairedu troupeau, parcellaire regroupé,outil de travail fonctionnel (bâti-ment, matériel, fromagerie récente)- Le lait produit est vendu en coopé-rative ou transformé en produitsfrais et fromages affinés vendus endirect - Le travail est organisé parateliers, dont chacun a la respon-sabilité tout en étant remplaçablepour permettre la gestion des week-ends et vacances - Nous recher-chons un éleveur pour le suivi et laresponsabilité du troupeau desvaches laitières et un·e fromager·epour la transformation des produitset vente, en collaboration avec notresalariée - La reprise du capital estaccessible, dans la volonté de péren-niser et transmettre l’outil de tra-vail en place - La ferme est activedans le milieu associatif local - [email protected] -06 84 10 79 71 - 06 79 97 48 60 - fermedelaterrasse.fr

• Ardèche - Ferme à reprendre surle plateau ardéchois, à Sagnes-et-Goudoulet - Élevage bovin allai-tant bio (race limousine, 20 mères)et culture de pommes de terre -Vente en circuits longs et en directpour une partie de la production(caissettes de viande) - Mise enplace d’autres ateliers (autresfilières, transformation…) possibles- 80 ha en location, pâtures et prai-ries de fauche - Construction d’unbâtiment/tunnel à prévoir ou loca-tion d’un bâtiment existant - Reprised’une partie du matériel possible -Installation en bio souhaitée -Importance pour le cédant desvaleurs de respect du vivant, del’humain et de la terre - Date de ces-sation prévue : fin 2021 - Possibi-lité de faire un stage reprise avecle cédant - [email protected] -0644948966

• Ardèche - Cause retraite pro-chaine (en janvier 2121), je chercheun·e repreneur ou repreneuse pourmon exploitation horticole, en bio,à Pailharès - Petite structure, ventedirecte sur marchés et profession-nels (maraîchers et PPAM) - Acéder : 2 tunnels (200 m2 + 50 m2),matériel, stocks et circuits de com-mercialisation - Terrain en locationavec bail - Prix : 15000 €, à discu-ter - 0475060405 - 0649324737- [email protected]

• Béarn - Nous sommes à larecherche de personnes ayant unprojet de production de légumes enpermaculture. Nous mettons à dis-position un terrain de 300 m2

exposé plein sud sur les coteaux deJurançon. Nous prendrions encharge l’achat de matériel agricole.Toute personne intéressée peutnous contacter à l’adresse :[email protected]

• Tarn - Ferme à reprendre avantdépart à la retraite fin 2022 - Fermeen bovin viande (30 blondes d’Aqui-taine) et gavage de canards(350/an), à Andouque, en fermagelongue durée - 33 ha d’un seultenant (10 ha de prairies naturelles,18,5 ha de prairies temporaires et4,5 ha de céréales) - Plusieurs hec-tares de bois (chênes, châtaigniers)ne feront pas partie des baux maisseront mis à disposition gratuite-ment par les propriétaires pour lebois de chauffage - Les fermierssont ouverts à toutes propositionsd’activités agricoles, bien que lesqualités agronomiques du lieu seprêtent plutôt à l’élevage de rumi-nants (viande ou lait) - Plusieursmoyens de reprise possibles : CEFIdans un premier temps dès 2021,possibilité d’intégrer l’EARL exis-tante, bail longue durée à partir dela fin 2022… - Les bâtiments sontà la location - Une Cuma localepropose une large gamme de maté-riel - Suivant le projet, de nombreuxdébouchés en vente directe peuventêtre créés de par la proximité d’Albiet Rodez - 05 63 51 03 70 [email protected]

• Tarn - Ferme à reprendre (àl’achat) avant départ à la retraiteà court terme - A Montredon-Labes-sonnié - Ouvert à toutes proposi-tions d’activités agricoles, bien queles qualités agronomiques du lieuse prêtent plutôt à l’élevage (viandeou lait) - Plusieurs moyens de reprisepossibles (CEFI etc.), modulable en

fonction du projet des repreneurs- Il est possible de reprendre unepartie du troupeau de limousinesexistant (70 mères à ce jour) - 30 had’un seul tenant (+1,5 ha de bois),la majeure partie étant menée enprairies naturelles, avec quelqueshectares de céréales - Chaque îlotdispose d’un point d’eau - La fermen’est pas labellisée bio mais il esttout à fait possible de la convertir- Les bâtiments sont aussi à la vente,le matériel en partie selon projet etbesoin - 50 % de vente directe et50 % de circuits long, le tout étantmodifiable à souhait -0563510370 - [email protected]

• Tarn - Cause départ à la retraite,ferme à reprendre à Anglès - 110 hade prairies en bio dans le parc natu-rel régional du Haut-Languedoc,en production de vaches allaitantes- Potentiel de diversification : porcs,céréales, légumes d’altitude(pomme de terre, choux…), fro-mage… - Bon potentiel local detourisme vert - Toutes les terressont en fermage et 10 ha de sagnes(zones humides) sont éligibles MAE- Une maison (4 chambres) - Villageavec toutes commodités (école pri-maire, épiceries, café, banque, bou-langerie) - 05 63 51 03 70 [email protected]

Animaux-Matériel

• Drôme (Sud) - A vendre (pas cher)une dizaine de jolies chevrettesprovençales (02/2020) -0783441746

Demandes

• Haute-Marne ou Bourgogne -Recherche terrain pour s’installer,à l’achat ou en bail emphytéotique,3 ou 4 hectares, si possible dans lepérimètre du Parc national desforêts de Champagne et de Bour-gogne, afin d’y créer un jardin-forêtet de pratiquer un maraîchage agro-forestier - 06 84 39 80 91 - [email protected]

Divers

• Vienne - Consultant pour pay-sannes et paysans de Poitou-Cha-rente, Limousin, Pays-de-Loire etCentre-Val-de-Loire : accompagne-ment centré sur facteur humain,individuel/collectif - Stratégie, res-sources humaines, transmission,économique - Tarifs accessibles -Site : olivierprothais.com -0649262747

À vos plumes !La plume vous gratte ? N’hésitez-pas !Adressez-nous vos propositions d’articles, decourriers en réaction d’articles publiés, votreenvie d’interviewer votre voisin·e paysan·ne,de raconter l’initiative paysanne locale àlaquelle vous participez, de raconter votrevoyage à la rencontre de paysannes ou de pay-sans d’autres pays, de proposer des lectures…Chaque mois, le comité de rédaction étu-diera (avec bienveillance, promis !) les pro-positions et donnera suite à celles retenues.Vous pouvez même participer aux travauxdu comité de rédaction…Alors, une idée, une proposition de texte, uneenvie : [email protected]

À Bure, 85 000 mètres cubes de déchets radioac-tifs doivent être enfouis à 500 mètres sous terre ety passer les 100000 ans à venir. Une folie, mais pourl'État français, l'enjeu est colossal : il en va de la sur-vie de l'industrie nucléaire. 3 100 hectares de terreagricoles et de forêt sont aussi concernés.Parue le 15 octobre aux éditions La Revue dessi-née/Seuil, une bande dessinée déroule l’histoire etl’enquête pour bien comprendre les enjeux de ceprojet fou (cf. CS n° 333 et 334).(18,90 euros, 160 pages)

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LE CRÉDIT MUTUEL, PARTENAIRE DES AGRICULTEURSFidèle à ses valeurs de solidarité et de proximité, le Crédit Mutuel

place ses clients au cœur de ses préoccupations et de ses actions.

Sécheresse, problèmes sanitaires, difficultés économiques…

Le Crédit Mutuel s’engage à vos côtés avec des solutions adaptées

aux différentes situations.

Confédération Nationale du Crédit Mutuel – 46 rue du Bastion – 75017 Paris

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Être agriculteur, c’est se lever aux aurores, tous les jours de l’année. D’ailleurs, comment faire autrement quand on doit nourrir des millions de personnes�? Alors, quand vous décidez de transformer votre production ou de la vendre en circuit court, nous sommes à vos côtés pour sécuriser et pérenniser votre activité.

CHAQUE JOUR, VOUS NOURRISSEZ DES MILLIONS DE PERSONNES EN FRANCE ET DANS LE MONDE.AGRICULTEURS. INDISPENSABLES AU MONDE.

Groupama Assurances Mutuelles, pour le compte des Caisses Régionales d’Assurances Mutuelles Agricoles - Siège social : 8 & 10 rue d’Astorg 75383 Paris Cedex 08 - 343 115 135 RCS Paris - Entreprises régies par le code des assurances - Document et visuels non contractuels - Réf. Com PS 01/2020 - Crédit photo : Bruno de Hogues - Création Marcel. Janvier 2020.

#agrispensables

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Que 1 000 nouveaux abonnements s’épanouissent !

« Vous trouverez ci-joint un chèque pour deux abonnements :le mien et celui que j’offre à un ami, installé paysan au pied desPyrénées depuis quelques années. » Nathan M, Haute-Garonne

« Vous comprendrez que le chèque joint règle deuxabonnements : le mien que je renouvelle, et un second que j’offreen cadeau de Noël à une amie qui s’est installée paysanne cetteannée ! C’est vous dire que j’apprécie beaucoup votre revue, espritet informations ! » Marie, Doubs

« Chers amis, je vous adresse ce chèque pour un abonnement àmon petit-fils qui prend ma relève : je passe le flambeau ! » Loïc L, Jura

« Vous trouverez dans ce courrier un chèque de 24 euros pour unabonnement découverte que j’offre à mon père. Il n’est pasencore retraité et travaille dans une administration en lien avecl’agriculture. Avec mon chaleureux soutien et mesencouragements à toute l’équipe du magazine ! » Marie, Manche

« Ma fille est en couveuse paysanne depuis janvier sur une fermecommunale en Isère. Je vous joins un chèque pour l’abonner àCampagnes solidaires, ça devrait lui être utile ! » Régine, Jura

« Faute de moyens, j’avais dû arrêter mon abonnement. Et là, j’aireçu le 25 octobre un nouveau numéro et une lettre m’annonçantqu’une prolongation de six mois m’est offerte grâce à la caisse desolidarité de Campagnes solidaires, alimentée par ses lecteurs etlectrices. Un grand merci, ça m’a fait chaud au cœur. » A, Allier

« Je viens abonner un jeune, futur maraîcher, qui a la pêche etqui un jour j’espère sera adhérent, militant et fidèle à la Conf ’. » René, Aveyron

« Veuillez trouver ci-joint notre réabonnement à Campagnessolidaires. Dès que la lecture du numéro du mois est terminée, lejournal circule entre des mains amies, dont celles d’un nouveauconseiller municipal qui m’a appris s’être lui-même abonné lemois dernier ! » Gabriel G, Eure

• Si votre fille débute sa formation agricole

• Si votre voisin paysan semble commencer à s’intéresser àvos propos

• Si votre neveu revient de son premier woofing

• Si votre vétérinaire se pose des questions sur l’évolution del’élevage

• Si votre sœur ouvre une auberge de campagne qui se veutselon ses termes « ancrée dans son territoire paysan »

• Si votre stagiaire termine à la fin du mois son stage dansvotre ferme

• Si votre nouvelle et sympathique voisine vient de vousrévéler qu’elle est prof au lycée agricole du coin…

La fin de l’année est l’occasion de leur offrir un abonnement à Campagnes solidaires. Un abonnement annuel, à 46 euros, ou unabonnement découverte, à 24 euros pour 6 numéros : il vous suffira de nous renvoyer rempli le bulletin que vous trouverez page 20 !

On peut aussi abonner ou s’abonner en ligne sur : confederationpaysanne.fr/campagnes_solidaires.php

Merci par avance à toutes celles et à tous ceux qui répondront positivement à cette proposition !

Et bonnes fêtes de fin d’année !

Le comité de publication de Campagnes solidaires

Ces courriers font bien sûr bien plaisir, et comme c’est la fin de l’année, on en profite :