Bidez Note Sur Les Mystères Néoplatoniciens

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J. Bidez Note sur les mystères néoplatoniciens In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 7 fasc. 4, 1928. pp. 1477-1481. Citer ce document / Cite this document : Bidez J. Note sur les mystères néoplatoniciens. In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 7 fasc. 4, 1928. pp. 1477- 1481. doi : 10.3406/rbph.1928.6567 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1928_num_7_4_6567

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J. Bidez

Note sur les mystères néoplatoniciensIn: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 7 fasc. 4, 1928. pp. 1477-1481.

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Bidez J. Note sur les mystères néoplatoniciens. In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 7 fasc. 4, 1928. pp. 1477-1481.

doi : 10.3406/rbph.1928.6567

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1928_num_7_4_6567

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à Olympie entre la 6e et la 80e olympiade, et parmi eux Ikaros d'Hyperasia à la 23e olympiade. (x) Or Hyperasia est le nom antique de la cité achéenne d'Aigeira, cette dernière appellation ayant été adoptée à l'époque des Ioniens, soit bien avant la 23e olympiade (2),

Jules Hebbillon,

Note sur les mystères néoplatoniciens

Dans un passage trop peu remarqué jusqu'ici, à propos de divinités propres à la théologie des Oracles Chaldaïques, Martianus Capella parle de « mystères de Platon » (3). Pour savoir de quels mystères il s'agit, c'est Marinus, le biographe de Proclus, qu'il faut tout d'abord consulter. Marinus rapporte (4) que le chef de l'école néoplatonicienne d'Athènes, le petit fils et l'héritier des traditions du « grand Nestorius », Plu- tarque (f 431), avait transmis à sa fille Asklépigéneia la connaissance des prières, des roues magiques et de toute la liturgie d'un culte secret (οργιά). Initié à son tour à ce culte par Asklépigéneia, continue Marinus, Proclus usa des rites chaldaïques pour purifier son âme ; il s'entretint avec des visions lumineuses d'Hécate, et il produisit des miracles en se servant des sistres et des rhombes de la déesse. Il serait difficile de contester que ces οργιά platoniciens et chaldaïsants du récit

(x) Paus., IV, 15, 1. (2) Paus., VII, 26, 2. Il est juste pourtant d'ajouter que

d'après Pausanias lui-même, VII, 26, 4, le nom d'Aigeira ne l'emporta pas tout de suite sur celui d'Hyperasia.

(3) Martianus Capella, II, 205 : Quandam etiam fontanam virginem deprecatur, secundum Platonis quoque mysteria άπαξ και δις έπέκεινα potestates. Sur le rôle de ces entités, qui caractérisent le panthéon des Λόγια Χαλδαϊκά, cf. W. Kroll, De Oraculis chaldaicis (Breslau, 1894), p. 16 suiv. et p. 74, 5 suiv. ; etc.

(4) Vie de Proclus, 28 ; on trouvera le texte, insuffisamment commenté, chez Zeller, Philos, der Griechen, III, 2, p. 808, η. 1.

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de Marinus doivent être identifiés avec ceux que mentionne Martianus Capella. L'existence de tels mystères est d'ailleurs prouvée par d'autres textes encore.

Un disciple d'Edésius de Pergame, appartenant, semble-t-il, à la génération de Nestorius, le fameux maître néoplatonicien de l'empereur Julien, Maxime d'Ephèse, initiait ses amis et ses disciples aux arcanes d'un sanctuaire d'Hécate où il lui suffisait de murmurer quelques mots et de brûler un grain d'encens pour que la statue de la déesse se mît à sourire et pour qu'une flamme jaillit des torches qu'elle tenait dans ses mains (x). Or, on sait que la triple Hécate, identifiée avec Rhéa, l'Hécate dont la ceinture était faite de serpents entrelacés, l'Hécate qui portait dans ses flancs la nature, l'âme du monde et la source de la vertu, était la divinité la plus caractéristique du culte préconisé dans les Λόγια Χαλααϊκά (2). Julien lui-même donne à penser qu'il fut personnellement initié par son maître à des mystères néoplatoniciens chaldaïsants. Mentionnant certaines révélations de son homonyme, le prophète chaldéen,, au sujet du dieu aux sept rayons (6 επτάκτις θεός), il déclare que ce sont « des choses ignorées, ignorées du vulgaire surtout, mais bien connues des théurges bienheureux », et il ne se croit point autorisé à les divulguer (3). Comme lui, plus d'une fois, les derniers des néoplatoniciens, Damascius et Proclus entre autres, font allusion à des secrets qu'il sont tenus de respecter (4).

(x) Eunape, p. 475, éd. Didot ; cf. Psellus, Catalogue des manuscrits alchimiques grecs (Bruxelles, Lamertin), t. VI, p. 202, 1 suiv.

(2) Cf. W. Kroll, Rhein. Mus., 1895, p. 637. Dans un passage provenant des écrits de Proclus, Psellus (Μεσαιωνική Βιβλιοθήκη, t.V, p. 57) mentionne des Έκατήσια au milieu d'allusions aux divinités des mystères chaldaïqucs. Sur ce sujet, on trouvera un texte inédit de Psellus dans le Catalogue des manuscrits alchimiques grecs, t. VI, p. 02, 7 suiv. : cf. p. 218, 7 suiv.

(3) Julien, Orat., V, p. 172 I) suiv. Chez les néoplatoniciens, lorsqu'il est question de théurges, c'est des théurges chaldéens qu'il s'agit.

(4) Damascius, chez Suidas, s. ν. Έπιφάνιος, s'abstient de divulguer une doctrine de l'Éon. Cf. R. Reitzenstein (Das

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Dans sa Théologie platonicienne (x), Proclus allègue la multiplicité des apparitions divines qu'ils a appris à connaître εν <ταΐς> τελεωτάταις των τελετών, et ce n'est pas le seul endroit de ses écrits où il loue Γ eminente vertu de certaines cérémonies mystérieuses (2). De plus, nous possédons de nombreux extraits d'ouvrages où il s'occupait de ce qu'il appelle l'art hiératique (3). 11 est naturel que les premiers auteurs de pareilles interprétations des liturgies païennes aient tenu à avoir leurs sanctuaires à eux, pour y officier conformément à leurs principes. Un papyrus a d'ailleurs montré par un exemple que des conventicules païens de toute sorte devaient encore s'assembler dans l'ombre au Ve siècle (4).

Ainsi donc, lorsque Julien appelle Jamblique un hiérophante (ίεροφάντωρ), lorsque le successeur immédiat de Jamblique, Sopatros d'Apamée, est surnommé 6 τελεστής (5), on peut prendre ces expressions à la lettre, tout comme le mot μνσταγω- γός dans les récits de l'apostasie de Julien où il s'applique à

iranische Erlösungs-Mysterium, Bonn, 1921, p. 197, η. 2), qui voit juste en supposant l'existence de mystères néoplatoniciens, mais dont l'affirmation est trop vague, et qui n'a trouvé, pour la soutenir, que les moins précis des textes.

0) Proclus, In Plat. Theolog., I, 19, p. 53, 1. 30 suiv. (éd. Portus), où il n'est sûrement pas question des mystères d'Ë- leusis.

(2) Voir par ex. Proclus, ibid., Ill, 18, p. 151 en bas ( ώσπερ εν ταΐς άγιωτάταις τελεταϊς προ των μυστικών θεαμάτων εκπλη- ξις των μυον μένων) ; In Alcib. p. 39, 61 et 142 éd. Creuzer et maint autre passage où Lobeck (Aglaophanus, p. 115) a décelé « theurgorum mysteria sive potius deliramehta » ; cf. encore Proclus, In Remp., I, p. 80, 18 suiv. éd. Kroll : ταΐς τε άγιωτάταις των τελετών και τοις τελειοτάτοις των μυστηρίων. Ibid., p. Ill, 1 suiv., l'expression ή θεοπαράδοτος μυσταγωγία a peut-être un sens figuré.

(3) Cf notamment l'inédit publié dans le t. VI du Catalogue des manuscrits alchimiques grecs, p. 148 suiv.

(4) Cf. U. Wilcken, Archiv für Papyrusforschung, t. I, p. 407, suiv. (Heidnische Vereine in christlicher Zeit).

(5) Juliani imp. Epistulae etc., rec. J. Bidez et F. Cumont (Paris, 1922), p. 214, 21 ; cf. 231, 1 ; Joh. Lydus, De Mens.,

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Maxime d'Ephèse i1). Déjà de leur temps, sans renoncer aux mystères d'Isis, de Cybèle ou de Mithra, les néoplatoniciens se mirent à pratiquer un culte particulier dont certains chefs de l'école se transmirent la direction, et où se continuait la pratique des rites prescrits par les prophètes des Oracles chal- daïques, c'est-à-dire les deux théurges chaldéens du nom de Julien qui s'illustrèrent à Rome par leurs prestiges sous Marc Aurèle (2). Les visions lumineuses jouaient un grand rôle dans ces mystères, ainsi que les offrandes d'herbes et de parfums, les bétyles, les vocables, les ingrédients et les symboles magiques destinés à évoquer les dieux ou à repousser les mauvais démons. Quant aux sacrifices sanglants, il semble que, dans ces mystères, on se soit abstenu d'en offrir à la divinité. C'est à ce culte secret des néoplatoniciens que se rattachent les ouvrages de Jamblique sur les doctrines des Λόγια Χαλδαϊκά, ouvrages dont Julien réclama instamment un exemplaire au confrère de Maxime, le néoplatonicien Priscus, et dont dérivent, par l'intermédiaire de Proclus, les élucubrations analogues des byzantins Psellus et Gémiste Pléthon (3). N

Parmi les traits les plus caractéristiques de la doctrine des derniers néoplatoniciens, on voit figurer leur gradation des vertus : au haut de l'échelle, ils plaçaient les vertus théur- giques, appelées aussi hiératiques (4). C'est dans la pratique de leur culte secret qu'ils prétendaient arriver jusque là, et la théurgie à laquelle on s'initiait chez eux dérivait directement de celle des Oracles chaldaïques (5). Proclus reconnaissait à sa façon cette filiation de sa foi mystique, lorsqu'il se donnait

IV, 2 ; p. 65, 21 éd. Wünsch ; cf. J. Bidez, Le philosophe Jam- blique et son école, Rev. Etudes grecques, t. 32, 1921, p. 37.

(*) Grégoire de Ναζιανζέ, Orat. IV, 56. (2) Cf. Kroll, De oraculis chaldaicis, p. 71, et Catalogue des

manuscrits alchimiques grecs, t. VI, p. 238, s. ν. 'Ιουλιανός. (3) Cf. Catalogue des manuscrits alchimiques grecs, t. VI,

p. 107 suiv. (4) Cf. Zeller, /. /., 770, note 2. (5) Cf. O. Schissel von Fleschenberg, Marinos von Nea-

polis und die neuplatonischen Tugendgrade (Athènes, 1928, p. 26 et 97), n'a point tenu compte du texte de Psellus, cité dans le t, VI du Catalogue des manuscrits alchimiques grecs, p. 169,

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pour un représentant de la « chaîne angélique d'Hermès », de même que Julien le Chaldéen (*), le fondateur des mystères où il pontifiait.

J. Bidez.

Encore un mot sur l'organisation

centuriate au IIe siècle av. J. C.

En lisant quelques-uns des derniers travaux consacrés à l'histoire de la République romaine, en particulier le livre de mon collègue et ami Mr Piganiol (2), j'ai constaté avec regret que je n'avais pas réussi à faire prévaloir mes idées sur l'organisation centuriale à la belle époque de la République (3). Le sujet est de telle importance qu'il vaut la peine de faire encore effort pour l'éclaircir. Je me reproche de n'avoir pas, dans mes écrits précédents, séparé assez nettement le domaine du prouvé et le domaine de l'hypothèse, et d'avoir donné ainsi l'impression d'un amalgame inquiétant pour les esprits ouverts mais prudents (4). J'écris les pages qui suivent, non pour répéter ce que j'ai dit ailleurs, mais pour séparer, avec toute la rigueur dont je suis capable, les deux domaines.

Le texte fondamental est, comme chacun sait, un discours prêté par Cicéron à Scipion Émilien.Il ne faut pas y voir uniquement un document sur l'époque cicéronienne. Cicéron était assez rapproché de l'époque d'Émilien, et la connaissait assez bien, pour qu'on ne lui impute pas un naïf anachronisme. Le texte vaut pour le ne siècle (5).

Il nous apprend qu'alors l'assemblée centuriate était toujours divisée en 6 classes et 193 centuries, soit, outre les 18 centuries

texte curieux attribuant la θεουργική αρετή au προηάτωρ de certains cultes mystiques.

(!) Marinus, l. L, 28 fin ; cf. Psellus ( = Proclus), Catalogue man. alchimiques grecs, t. VI, p. 143,n. 2.

(2) Piganiol, La Conquête romaine, 1927. (3) Op. cit., p. 293. (4) Journal des Savants, 1911 et 1913. (·) Cic, De republ, II, 22.