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Né en février 1950, Georges Ayache fait partie de ces chercheurs de for- mation universitaire qui ont été mis très tôt à l'école du journalisme. Pro- fesseur d'histoire, il collabore à plu- sieurs revues spécialisées et se con- sacre tout particulièrement à l'étude du Parti socialiste français avec « les Barons du PS. » (Ed. Fayolle - 1977). D'autres ouvrages suivront, comme l'« Histoire des Niçois » (Ed. Nathan 1978), l'« Histoire des Alsaciens » (Ed. Nathan 1979) ou encore l'« Histoire mondiale des socialistes » (sous la direction de Jean Elleinstein - 1982). Diplômé en sciences politiques, spé- cialiste des relations internationales et plus particulièrement des questions pétrolières, il écrit également un « Dic- tionnaire du pétrole » (Ed. Le Syco- more). Il prépare enfin une thèse de doctorat de sciences politiques sur le thème « pétrole et stratégie ».

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Dans la même collection

L'Expérience zaïroise par Buana Kabué

Le Togo « en général » par Claude Feuillet

Le Défi africain par Kamanda wa Kamanda

Les Chemins de l'Unité par Jos Blaise Alima

Senghor et le monde par Nicolas Martin

Vers le Mont Cameroun par Joseph Charles Doumba

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«Si la maison de votre voisin brûle...»

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Du même auteur

Les baron du PS Ed. Fayolle - Paris/1977

Histoire des Niçois Ed. F. Nathan - Paris/1978

Histoire des Alsaciens Ed. F. Nathan - Paris/1979

Dictionnaire du Pétrole Ed. Le Sycomore - Paris/1981

Histoire des régions françaises (en collaboration)

Ed. F. Nathan/1982

A paraître

Histoire mondiale des socialismes (en collaboration)

Ed. Des Lilas - Paris

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georges ayache

« s i l a m a i s o n

d e n o t r e r a i s i n

b r û l e . . . "

9, rue du Château-d'Eau 75010 Paris

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Si vous désirez être tenu au courant des publications de l'éditeur de cet ouvrage,

il vous suffit d'adresser votre carte de visite aux Éditions ABC,

9, rue du Château-d'Eau, 75010 Paris, Tél. : 209.61.84

© 1983 ABC.

Tous droits de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

ISBN 2-85809-122-6

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«Si la maison de votre voisin brûle, gardez-vous bien de jubiler

car l'incendie peut gagner aussi votre maison.»

Gnassingbé EYADÉMA à l'occasion d'une visite

de quarante-huit heures à Kolwezi (Zaïre) lors de la première guerre du Shaba

(mars 1977)

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REMERCIEMENTS

La pratique de la diplomatie constitue assurément un art délicat. Mais non moins difficile se révèle, en défini- tive, la discipline consistant à rendre compte de tel aspect des relations entre Etats ou, a fortiori, d'une poli- tique extérieure dans son ensemble. En effet, une telle discipline met en jeu une pluralité remarquable de dimensions et de méthodes dont les frontières apparais- sent souvent ténues: biographique, sociologique, géo- graphique, économique, historique, politique, etc.

D'une manière générale, le présent ouvrage est le fruit de la juxtaposition de deux types d'approche parfaite- ment complémentaires. L'approche de l'historien tout d'abord qui, seule, permet d'appréhender convenable- ment les soubassements ainsi que les perspectives réelles d'un problème ou d'une tranche chronologique détermi- nés. L'approche du journaliste ensuite, qui appelle le «vécu» à la rescousse en confirmant, en affinant une hypothèse ou, au contraire, en corrigeant opportuné- ment une analyse s'aventurant sur des chemins tortueux.

Si les critères qui ont guidé nos pas sont ceux de la rigueur, de l'absence de préjugés et de l'honnêteté intel- lectuelle, il n'en reste pas moins qu'il s'agit ici d'une interprétation personnelle d'une politique, et qu'en tout état de cause cette étude ne saurait prétendre à l'exhaus- tivité absolue. Du reste, «felix qui potuit rerum cognos- cere causas...»

Au moment de confier cet ouvrage à la publication,

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nous tenons à remercier tout particulièrement le Général Eyadéma, Président-Fondateur du R.P.T. et Président de la République Togolaise, pour les entretiens qu'il a consentis à nous accorder, tant à Pya qu'à Lomé, en dépit des multiples activités liées à l'exercice de sa charge éminente. Notre gratitude s'adresse également à M. Kpotivi-Têvi Djidjobé-Laclé, membre du Bureau politi- que du R.P. T., ministre de l'Intérieur, pour son empres- sement ainsi que pour les précieux conseils qu 'il a bien voulus nous prodiguer. Reconnaissants, nous le sommes aussi envers M. Anani Kuma Akakpo-Ahianyo, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, et nous saluons comme elles le méritent la célérité et la compé- tence de M. Anani Dagba, directeur de l'Information au ministère des Affaires étrangères.

Cet ouvrage n 'eût probablement pas vu le jour sans le dévouement et l'efficacité des services du ministère de l'Information, en particulier de M. le ministre Gbégnon Amegboh, délégué à la Présidence de la République, chargé de l'Information et des Postes et Télécommuni- cations.

Nos remerciements s'adressent en outre aux services français du ministère des Relations extérieures et du ministère de la Coopération, en particulier à M. Jaquet, chargé de mission géographique du Togo. Que tous trou- vent ici l'expression de sa gratitude.

G. A.

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AVANT-PROPOS

Lomé, 13 janvier 1982. Vingt et un coups de canons retentissent dans l'aube ensoleillée et humide de la capi- tale togolaise. Ils marquent le début officiel des cérémo- nies du quinzième anniversaire de l'accession au pouvoir du Général Eyadéma, Président-Fondateur du Rassem- blement du Peuple Togolais et Président de la Républi- que Togolaise.

Anniversaire insolite s'il en est, en ce continent afri- cain où les détenteurs du pouvoir n'ont pas spécialement coutume de battre les records absolus de longévité au poste de responsabilité suprême. Que de coups d'Etat, que de putschs, que de révolutions depuis l'époque déjà éloignée des indépendances! Troubles endémiques, sub- version intermittente, instabilité quasi permanente: autant de phénomènes qui n'ont pas peu contribué, au fil des deux décennies écoulées, à ternir l'image de nom- bre d'Etats africains, mais qui ont curieusement épargné le Togo depuis 1967.

Ce n'est pas un des moindres paradoxes, en effet, de considérer le développement constant et harmonieux de ce petit Etat de quelque 56000 k m — dix fois moins que la moyenne des Etats africains — comparé à la crois- sance souvent échevelée et cahotique d'Etats beaucoup plus vastes sinon plus favorisés par la nature. Paradoxe également d'un pays au potentiel économique passable- ment limité mais dont la situation politique interne cons- titue à bien des égards un exemple de paix, de sécurité et

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d'unité nationale. Paradoxale enfin, et peut-être sur- tout, de cet Etat d'Afrique occidentale que rien ne pré- disposait à occuper sur l'échiquier international une place enviable.

Quinze ans après l'avènement du Général Eyadéma, le Togo est devenu à l'évidence un pays avec lequel il faut compter sur la scène africaine et mondiale. Partout en Afrique où menacent orages et conflits, la voix du Togo se fait entendre dans le sens de la modération et du dia- logue. Partout dans le monde où des liens peuvent être noués, où des passerelles de compréhension peuvent être jetées entre les peuples, le Togo répond présent et monte résolument en première ligne.

Aussi ce pays joue-t-il un rôle de tout premier plan dans le concert des nations. Petit par la superficie, le Togo est grand par le rayonnement qu'il exerce et par l'audience dont il bénéficie. Pratiquement inconnu, ou tenu pour quantité négligeable il y a une vingtaine d'années, il participe aujourd'hui à un niveau élevé aux activités des Nations unies. Mieux encore, depuis le 1 janvier 1982, le Togo siège au Conseil de sécurité de l'O.N.U.! Quant à Lomé, qui assume pleinement sa vocation de centre de grandes conférences internationa- les, elle jouit d'un prestige dont peu de capitales peuvent actuellement se prévaloir.

Pour enviable qu'elle apparaisse, une telle situation n'est en rien redevable au hasard ou au caractère heu- reux de certaines circonstances. Elle est le résultat logi- que d'une action patiente, cohérente, persévérante en faveur de la paix et de la justice entre les nations. Contre vents et marées, malgré les ambitions des uns, les convoi- tises des autres, le Togo s'efforce en toute occasion de donner leur chance au bon sens et à la sagesse. Ce n'est pas là solution de facilité et il faut bien du courage et de la constance pour faire triompher le point de vue de la conciliation, en cette époque de fer où les boutefeux sont souvent mieux entendus que les médiateurs.

Toutefois, le Togo n'occuperait probablement pas la position de premier plan qui est aujourd'hui la sienne s'il n'avait à sa tête un homme qui incarne à lui seul la diplo-

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matie active de son pays en même temps que la cohésion nationale qu'il a contribuée à forger en une décennie et demi de pouvoir.

Il est des hommes d 'Etat — profondément scrupuleux et bien intentionnés au demeurant — qui se contentent de gérer la chose publique du mieux possible et de navi- guer précautionneusement, non sans cautèle parfois, au gré des tempêtes et des accalmies. Il en est d'autres, au contraire, qui s'efforcent d'aller au devant des événe- ments, de gouverner en tâchant de prévoir et non en subissant. Les uns se résignent à une certaine fatalité et finissent par se replier frileusement sur eux-mêmes en pilotant à vue. Les autres tentent de peser de toute leur volonté sur le cours des choses si celui-ci vient à contra- rier leurs idéaux.

Gnassingbé Eyadéma appartient indubitablement à cette seconde catégorie, beaucoup moins nombreuse, des leaders qui font face et savent, le cas échéant, payer de leur personne. Ce n'est pas pour rien qu'il symbolise sur le continent africain, et bien au-delà, l'équité, la tolérance et la modération. Toutes les orientations du Togo depuis une quinzaine d'années, toutes les sollicita- tions dont il est désormais l 'objet sur le plan internatio- nal en sont la preuve tangible.

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PREMIERE PARTIE

LE LEGS DU PASSE

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CHAPITRE PREMIER

L'époque coloniale et ses séquelles

Toute politique extérieure, par définition, s'articule en fonction des nécessités du présent, de ses implications et, en fin de compte, de ce que les spécialistes des rela- tions internationales appellent les contraintes. Mais il existe également un autre type de contraintes, non moins pesantes que les précédentes et, en bien des cas, beau- coup plus tenaces: celles qui ressortissent à l'Histoire.

De ce point de vue, il est presque devenu un truisme d'affirmer que nombre de questions actuellement soule- vées sur le continent africain, nombre de difficultés ou de conflits induits par ces mêmes questions demeurent intimement tributaires du passé. Et, en particulier, du dernier siècle écoulé, c'est-à-dire de l 'époque coloniale.

Les caractères intrinsèques et les séquelles de cette période ont été étudiés à satiété et ont alimenté suffisam- ment de controverses pour que le détail en soit ici épar- gné. Qu'il nous suffise de mettre en relief l'essentiel, qui constitue d'ailleurs à nos yeux un des échecs majeurs de cette époque coloniale, tant en Afrique occidentale que dans le reste du continent. Nous voulons parler de la logique impérialiste consistant à créer ex nihilo de vastes structures de domination — comprenant des mécanis- mes calqués sur le modèle européen — en contradiction flagrante avec les institutions préexistantes, lesquelles reposaient sur une certaine spécificité ethnique ou tri- bale. Ainsi se constituèrent, vers la fin du X I X siècle, des ensembles géopolitiques gigantesques parfaitement

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artificiels puisque directement issus d 'un partage colo- nial arbitraire (1) et régis pour l'essentiel par les grandes puissances du moment: Grande-Bretagne, France, Alle- magne.

Certes, nous entendons bien que toute délimitation frontalière est en soi artificielle. Aucun pays au monde n'est apparu avec des limites naturelles, si l 'on fait abs- traction des situations exceptionnelles d'insularité. Cer- taines frontières ont été la conséquence de guerres achar- nées et violentes, choc d'ambitions antagonistes ou d'hostilité incoercible. D'autres ont résulté d'occupa- tions suite à un coup de force ou à une quelconque poli- tique de la canonnière. D'autres encore ont été le fruit de négociations à l'amiable. Le Togo, ainsi que nous le verrons plus avant, n'échappera pas à cette loi quasi obligée.

C'est en 1884 que le Togo, dont l'histoire a été jusque- là inséparable de celle des pays de la «côte des Esclaves» (Gold Coast, Dahomey, Nigeria occidental) est acquis par un Reich bismarckien tardivement gagné par la fiè- vre coloniale (2). Cette année-là, en effet, Nachtigal négocie avec le roi Mlapa II du petit village «Togodo» un traité de protectorat ouvrant l'installation et l'établis- sement de l'Allemagne dans la région. Dans la langue locale, «Togodo» signifie «l 'autre berge», toponyme rapidement abrégé en «Togo».

Jusqu'alors, obnubilé par les questions d'équilibre européen, le Chancelier de fer n'avait marqué qu 'un très faible intérêt pour les affaires d'outre-mer en général, africaines en particulier. De fait, ce traité de 1884 consti- tue plutôt le simple prétexte à une opération de colonisa- tion que l'Allemagne voulait, de toute façon, réaliser afin de manifester ses prétentions sur ce continent où elle avait été précédée par les Portugais, les Anglais et les Français.

Il n'est pas fortuit que l'artisan de l'implantation ger- manique au Togo soit Gustav Nachtigal. Un curieux personnage que ce Nachtigal, haut en couleur et qui intrigua nombre de ses contemporains. Explorateur

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impénitent, cet ancien médecin militaire avait été, quinze ans plus tôt, le premier Européen à visiter le Tibesti avant de parcourir le Soudan central. Consul d'Allemagne à Tunis en 1882, il était surtout connu comme président de la section germanique de l'Associa- tion internationale africaine, une des plus prestigieuses sociétés de géographie qui foisonnaient à l'époque dans le Reich, propageant les théories pangermanistes et colo- nialistes (3).

A l'est comme à l'ouest, le Togo est alors flanqué de deux pays déjà colonisés: l'un par les Anglais, la Gold Coast (le futur Ghana), l'autre par les Français, le Daho- mey (qui deviendra le Bénin). L'Allemagne doit donc négocier rapidement avec ses voisins la question des frontières de ce qui est en passe de devenir sa colonie du Togoland. D'où la myriade de traités, accords ou con- ventions, signés entre 1890 et 1901 (4), par le jeu des- quels le Togoland devient un territoire parfaitement individualisé, uni et universellement reconnu. Un terri- toire de quelque 85000 k m limité à l'ouest par la rivière Dakpa et dans l'hinterland septentrional par le secteur de Dapaong. Unité organique dotée d'une économie saine, le Togoland fait légitimement figure de «Muster- kolonie», de colonie modèle. Trente ans d'administra- tion allemande (1884-1914) contribueront à souder les populations et à transcender les étroites considérations tribales qui l'emportaient jusqu'alors.

Le premier conflit mondial a raison de ce bel ordon- nancement. Dès le 27 août 1914, les administrateurs alle- mands du Togo sont contraints de capituler devant un corps expéditionnaire anglo-français venu de Gold Coast et du Dahomey. Il est patent que le déclenche- ment de la guerre encourage chez les alliés de nouveaux desseins coloniaux africains. Antérieure aux hostilités, une proposition émanant du gouverneur intérimaire du Togo, von Doering (5), de conserver sur le sol africain un semblant de neutralité entre belligérants, afin de ne pas donner aux populations locales le spectacle lamenta- ble de luttes fratricides entre Européens, demeure sans écho.

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A la suite de la reddition allemande, le Togo devient la proie d'une série de revendications dont l'un des enjeux primordiaux est constitué par les hautes terres occidenta- les, riches productrices de cacao. C'est le départ de com- plications graves à l'occasion desquelles l'unité politique et administrative du pays se trouve rompue. Tandis que la partie orientale du Togo est occupée par les troupes françaises, la partie occidentale tombe sous la coupe bri- tannique. Confirmé le 30 août 1914 par la Convention de Lomé ratifiée par le gouverneur français du Dahomey et les autorités anglaises de Gold Coast, le partage provi- soire du Togo devient effectif: les districts de Lomé, Missahô, Kété-Kratchi et une partie de Mango-Yendi tombent aux mains des Britanniques, les Français pre- nant pour leur part les districts d'Aného, Atakpamé, Sokodé, Bassar ainsi que le reste du district de Mango- Yendi (6).

A la suite de la défaite de l'Allemagne, l'assemblée plénière de la Conférence de la paix adopte, le 13 février 1919, un projet de pacte envisageant notamment l'éta- blissement d'un système nouveau destiné à mettre fin dans certains pays, dont le Togo, au système colonial par le nouveau régime des mandats. Le 28 juin 1919, le traité de Versailles dépossède définitivement l'Allema- gne de tous ses droits et titres sur ses colonies et protec- torats d'outre-mer (article 119). Ceux-ci sont bientôt redistribués sous forme de mandats exercés au nom de la Société des Nations par des puissances tutélaires ou P.P.A.A. (Principales Puissances Alliées et Associées).

Le 10 juillet 1919, enfin, est signée à Londres une déclaration par laquelle Britanniques et Français arrê- tent d'un commun accord les frontières arbitraires scin- dant malheureusement le Togoland. C'est le glas de l'entité togolaise. Comme le souligne un célèbre avocat international, Maître Claude Lewy: «Ce pays a été coupé en deux dans le sens de la longueur, comme un homme que l'on aurait sectionné à la scie, à partir de l'entrejambe jusqu'au sommet de l'occiput... en jetant la partie droite de son corps d'un côté et la partie gauche de l'autre !» (7).

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Pas plus que les précédentes, en effet, les nouvelles partitions ne prennent en compte les considérations d'ordre ethnique ou ne se fondent sur une consultation quelconque des populations autochtones. La nouvelle frontière coupe en deux les communautés éwé, kon- komba, tyokossi, et autres, créant ainsi un problème politique et humain à bien des égards dramatique. Au point que le commissaire de la République française au Togo, Alfred Wœlffel, s'en fait lui-même publiquement l'écho à la première séance du «conseil d'administra- tion» du Togo, à Lomé, le 23 novembre 1920 : «L'accord du 10 juillet 1919 n 'a pas suffisamment tenu compte des conditions ethniques. La nouvelle frontière brise des liens familiaux de populations de même race qui désirent ardemment rester unies et le manifestent par tous les moyens mis à leur disposition» (8).

Couvrant une superficie de 33800 k m la partie togo- laise sous mandat anglais s'étend donc sur toute la partie occidentale de l'ancienne colonie allemande, laquelle jouxte le territoire de la Gold Coast (9). Aussi le «Togo- land britannique» est-il, dès l'origine, administré con- jointement avec le futur Ghana et gouverné d'Accra. Il s'agit en l'occurrence d 'une annexion pure et simple qui n'ose dire son nom. Quant à la partie du Togo adminis- trée par la France, elle est liée de facto à la Fédération de l'Afrique occidentale française dont le gouverneur géné- ral devient en même temps haut commissaire du Togo. Le Togo sous mandat français occupe une superficie de 56000 k m

Il va de soi qu'une telle situation n'est pas de nature à satisfaire les aspirations des Togolais eux-mêmes. Ceux- ci ont pris goût à l'unité en trois décennies d'occupation allemande et acquis un «esprit» (au sens de «Volkgeist») et ils entendent vivre en commun dans un cadre clairement défini. La partition politique leur appa- raît par conséquent comme une véritable hérésie, tout à fait anachronique de surcroît. Sans parler des inconvé- nients économiques évidents impliqués par le cloisonne- ment politique ainsi créé.

Absurde sur le plan moral, la partition est également

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contraire au droit international. Pour expéditive qu'elle ait semblé, l'installation allemande de 1884 avait fait l'objet d'une négociation sérieuse entre les chefs tradi- tionnels représentants authentiques des populations et les autorités impériales de Berlin. Tel n'était absolument pas le cas pour la situation consécutive au traité de Ver- sailles. Trois types de mandats différents étaient prévus par la S. D.N. : le mandat A, s'appliquant aux territoires considérés comme déjà presque capables de s'adminis- trer eux-mêmes, pour lesquels il n'était qu'une étape vers la pleine indépendance; le mandat B, qui ne pré- voyait aucune consultation des intéressés; le mandat C, qui s'appliquait aux territoires à population «arriérée» et de faible densité et qui, administrés par la puissance mandataire d'après ses propres lois, étaient en fait annexés. Le Togo se trouvait désormais régi par le man- dat B.

Sur le plan juridique stricto sensu, le régime colonial conférait un droit de souveraineté à la métropole sur la colonie. Il lui permettait également d'en disposer en tout ou en partie, de lui réserver soit un traitement différen- tiel, soit un traitement d'assimilation, en la considérant alors comme une province d'outre-mer. Le système des mandats, par contre, n'avait nul pouvoir d'induire un contexte de souveraineté, quel qu'il fût. Pas plus qu'une occupation militaire prosaïque, ce système ne pouvait avoir effet juridique d'annexion ou de modification de souveraineté en vertu du droit international très clair applicable à l'époque. Il pouvait évidemment encore moins porter une atteinte juridique quelconque à l'unité préexistante du Togo.

A qui appartenait, en fait, la souveraineté du Togo au moment de l'instauration officielle du mandat (20 juillet 1922 pour ce pays) mettant fin au régime colonial ? Cer- tainement plus à l'Allemagne qui y avait officiellement renoncé trois années auparavant. Pas davantage aux P.P.A.A. qui ne devaient qu'attribuer les mandats et donner une mission aux mandataires. Ni non plus aux Etats mandataires eux-mêmes, ceux-ci devant rendre compte de leur gestion devant la commission perma-

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nente des mandats et n'ayant même pas le pouvoir dis- crétionnaire de choisir les termes du mandat d'adminis- tration (10). Cette souveraineté n'appartenait pas, enfin, à la Société des Nations qui n'était pas la vraie man- dante. A cet égard, dans un tel contexte de vacance de souveraineté, l'erreur capitale de la S.D.N. fut de n'avoir pas posé en termes suffisamment précis l'abou- tissement dans le temps ainsi que les limites juridiques du régime des mandats, c'est-à-dire en l'espèce: l'adminis- tration des deux Togo par les puissances tutrices fran- çaise et britannique, dans la perspective unique et inalié- nable de la reconstruction de l'entité géographique (et, partant, politique) du Togo allemand en fin de mandat. Au lieu de cela, chacun se contenta — et pour cause ! — d'un flou artistique laissant accroire, certes, que le terme du mandat devait être l'indépendance des territoires, mais à condition que «le peuple soit capable de se con- duire dans les conditions difficiles du monde moderne», et que l'Etat soit «capable de maintenir son intégrité ter- ritoriale et son indépendance politique».

Comme il était prévisible, toutes ces erreurs commises par les puissances tutrices encouragées, au moins impli- citement par la S.D.N., ne manquèrent pas d'engendrer de profonds mécontentements au sein des populations togolaises. Mécontentements qui débouchèrent bientôt, dès la ratification du traité de Versailles, sur diverses for- mes de luttes dont l'objectif ultime était la réunification du Togo.

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ANNEXE 5

Interview accordée par le Général Eyadéma à la «Revue Afncaine

de Stratégies*

Revue africaine de stratégie: Monsieur le Président, vous avez, à diverses reprises, proposé un pacte de défense entre les Etats membres de la C.E.D.E.A.O. Ne s'agit-il pas pourtant d'un organisme à vocation plutôt économique ? G. Eyadéma : Comme vous le savez, nos Etats, en accé- dant à l'indépendance politique, n'ont pas pour autant acquis la meme indépendance économique et ne se sont pas développés d'un coup. Je dirais également que beaucoup d'entre eux se sont trouvés confrontés à des problèmes d'unité nationale. Au Togo, la politique politicienne a retardé les décisions qui s'imposaient pour notre développement. Aujourd'hui que nous don- nons la priorité absolue à celui-ci, nous constatons, d'une part, qu'il faut nous unir dans des ensembles éco- nomiques plus vastes et organiser la défense de cette priorité en empechant que des conflits ne paralysent nos efforts. A cet égard, le conflit qui s'était déclenché il y a quelques années entre la Haute-Volta et le Mali m'amena à considérer qu'une action régionale d'entente au niveau militaire s'imposait. Nous avons ainsi abouti au Traité de non-agression des membres de la C.E.O.E.A.O., lors de notre réunion d'avril dernier à Lagos. II y a également un accord au niveau de la C.E.A.O., auquel nous sommes associés, et cet orga-

* Editions Cible - n° 1 - 1 trimestre 1979.

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nisme dispose aujourd'hui d 'un secrétariat général à Abidjan, poste occupé présentement par le colonel Tavares Da Souza. Mais le contexte actuel nous impose, à mon avis, d'aller plus loin, vers un pacte de défense régional, ainsi que nous l'avons proposé avec la République fédérale du Nigeria. La conjoncture qui prévaut aujourd'hui dans le monde, et singulièrement en Afrique, nous autorise à considérer que cette proposition prend plus que jamais une dimen- sion nouvelle à l'heure où notre continent s'interroge sur la nécessité de disposer de forces propres à assurer sa sécurité. Déjà au cours de la réunion constitutive de la C.E.D.E.A.O. , à Lomé, en novembre 1976, nous avions posé des jalons pour une organisation militaire de notre sécurité commune. Revue africaine de stratégie: Ce pacte de défense impliquera-t-il une force militaire commune ? G. Eyadéma : Oui. Comme je vous l'ai indiqué, nous voulons consacrer nos efforts au développement, à la paix, et, pour cela, il importe d'arrêter, coûte que coûte, la course aux armements en Afrique, qui ne pro- fite qu'aux pourvoyeurs d'armes, au demeurant tous étrangers à notre continent. La politique militaire com- mune que je propose permettrait de nous accorder dans une perspective de répartition des tâches. Plutôt que de nous doter chacun d'une armée de terre mécanisée, d 'une aviation et d 'une marine opérationnelles, qui sont des objectifs excessivement coûteux pour nos Etats, nous pourrions organiser notre défense com- mune de telle sorte que chacun, en fonction de sa voca- tion stratégique, développe plutôt une arme qu'une autre, laquelle serait intégrée au tout commun. Un tel dispositif militaire me semblerait de nature à dissuader les adversaires qui, pour l'heure, plongent notre conti- nent dans des guerres fratricides. Revue africaine de stratégie: Le général Erskine, com- mandant la F.I .N.U.L. au Liban, proposait, dans une interview récente, de créer un Haut Commandement africain qui, affirmait-il, «faciliterait une meilleure organisation, une meilleure administration et, mieux