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Benoît HEITZ – octobre 98 - NL 005 - "Guérisons Religion d'Yves Louyot " Page 1 sur 38 NOTES DE LECTURE NL 005 TITRE : GUERISONS RELIGION Duel ou Duo ( livre ou article ) AUTEUR : Yves LOUYOT Présentation de l'Auteur : Yves Louyot est lorrain, psychologue diplômé de l’Ecole de Psychologues Praticiens de Paris, ancien élève de Françoise Dolto. Il a accompagné, avec une équipe de grande valeur, de nombreux exclus de toute provenance dans une vie communautaire totale. Il a également été au service de l’ »Eglise conventionnelle » pendant trente ans, dont il a franchi les limites institutionnelles pour adopter une spiritualité chrétienne de plein air. Formateur d’une recherche conjointe entre approche biblique et sciences humaines, il travaille avec des groupes de chercheurs préoccupés par la connexion entre ces deux voies. Ceci pour dégager une pédagogie adaptée à l’équilibre de l’Homme contemporain et à son épanouissement spirituel. Yves Louyot a édité : L’HOMME CLEFS EN MAIN : relecture pédagogique des sept jours de la Genèse LA LONGUE M’ARCHE DE NOÉ : parcours symbolique de la nouvelle humanité inaugurée par Noé DIEUVINETTES : itinéraire initiatique et humoristique d’un électron libre dans l’Église GUÉRISONS-RELIGION : DUEL OU DUO : apprendre des « guérisons » dans l’évangile de Marc PSAUMES À PAS DE LOUP : essai d’interprétation actualisée de quelques psaumes et du magnificat ÉCHOGRAPHIE DE L’AMOUR : commentaire du Cantique des cantiques à la faveur des sciences humaines CROIX-SENS : découverte des deux croix présentes dans l’évangile et leurs conséquences pour aujourd’hui MARIE, LA FEMME QUI A DIT NON : portrait inattendu d’une femme défrayant la chronique de son temps et du nôtre. ÉGLISE ET CÉLIBAT – LA RÉSUR-ÉRECTION INTERDITE : contestation radicale des déviations majeures d’une Église débordée par la question du corps et surtout du sexe. EDITEUR : Yves Louyot Collection : Nbre de pages : 223 Date 1 ère édition : 08.12.1997 Date réédition : N° ISBN : 97 - 12 - 59 TITRE PUBLICATION : : Date : ( revue, journal, …) MOTS CLE : EN LIEN AVEC DOCS N° : Jaqu Ce livre permet une approche réalistes des fragilités de l'Homme contemporain à la poursuite de son humanité; La relecture des miracles dits de guérison dans l'Evangile de Marc donne des interprétations insoupçonnées à la lumière des sciences humaines actuelles. Qui est guéri ? De quoi est-il guéri ? Par quelles stratégies ?

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NOTES DE LECTURE NL 005

TITRE : GUERISONS RELIGION Duel ou Duo ( livre ou article ) AUTEUR : Yves LOUYOT Présentation de l'Auteur : Yves Louyot est lorrain, psychologue diplômé de l’Ecole de Psychologues Praticiens de Paris, ancien élève de Françoise Dolto. Il a accompagné, avec une équipe de grande valeur, de nombreux exclus de toute provenance dans une vie communautaire totale. Il a également été au service de l’ »Eglise conventionnelle » pendant trente ans, dont il a franchi les limites institutionnelles pour adopter une spiritualité chrétienne de plein air. Formateur d’une recherche conjointe entre approche biblique et sciences humaines, il travaille avec des groupes de chercheurs préoccupés par la connexion entre ces deux voies. Ceci pour dégager une pédagogie adaptée à l’équilibre de l’Homme contemporain et à son épanouissement spirituel. Yves Louyot a édité : L’HOMME CLEFS EN MAIN : relecture pédagogique des sept jours de la Genèse LA LONGUE M’ARCHE DE NOÉ : parcours symbolique de la nouvelle humanité inaugurée par Noé DIEUVINETTES : itinéraire initiatique et humoristique d’un électron libre dans l’Église GUÉRISONS-RELIGION : DUEL OU DUO : apprendre des « guérisons » dans l’évangile de Marc PSAUMES À PAS DE LOUP : essai d’interprétation actualisée de quelques psaumes et du magnificat ÉCHOGRAPHIE DE L’AMOUR : commentaire du Cantique des cantiques à la faveur des sciences humaines CROIX-SENS : découverte des deux croix présentes dans l’évangile et leurs conséquences pour aujourd’hui MARIE, LA FEMME QUI A DIT NON : portrait inattendu d’une femme défrayant la chronique de son temps et du nôtre. ÉGLISE ET CÉLIBAT – LA RÉSUR-ÉRECTION INTERDITE : contestation radicale des déviations majeures d’une Église débordée par la question du corps et surtout du sexe. EDITEUR : Yves Louyot Collection : Nbre de pages : 223 Date 1ère édition : 08.12.1997 Date réédition : N° ISBN : 97 - 12 - 59 TITRE PUBLICATION : N° : Date : ( revue, journal, …) MOTS CLE : EN LIEN AVEC DOCS N° :

Jaqu

Ce livre permet une approche réalistes des fragilités de l'Homme contemporain à la poursuite de son humanité; La relecture des miracles dits de guérison dans l'Evangile de Marc donne des interprétations insoupçonnées à la lumière des sciences humaines actuelles. Qui est guéri ? De quoi est-il guéri ? Par quelles stratégies ?

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Présentation générale Toute aventure humaine balance entre deux pôles ; la recherche invétérée du bonheur et de ses voies d'accès et l'hésitation permanente à identifier ces dernières au cœur même du cheminement personnel. Recouvrer la santé tout en restant dépendant d'uns source extérieure à sa guérison dénote une fragilité résiduelle potentielle : à chaque rechute, l'individu devrait recourir à un pouvoir qui lui demeure étranger ou au delà de lui même. Cette distinction permet-elle d'éclairer la différence entre : être guéri et être sauvé ? Le nœud vital entre souffrance et guérison chez tous les vivants qui s'emploient à le défaire, concerne l'objet de la guérison : qui est guéri ou qu'est-ce qui bénéficie d'une guérison chez la personne concernée ? Corps et histoire Rendu à ses dimensions propres, le corps prend la mesure de son aptitude à construire un histoire dynamique, unifiée (et non morcelée), signifiante. Tout en l'homme est orienté vers la communication et la relation (yeux, oreilles, bouche, ventre, sexe, esprit, mains, pieds, peau) ; chaque lieu de soi indique la capacité et le désir d'offrir une relation mais aussi de l'accueillir. Le corps est terre Le corps forme une plage immense en bordure de mer (mère) … sur son littoral, viennent se déposer en flux réguliers plus ou moins mouvementés, les vagues d'expériences vécues porteuses de leurs conquêtes ou leurs épaves. Dans son étendue inconsciente et peu explorée, le corps demeure une jonchée d'impressions enregistrées, de sensations reçues et rapidement enfouies, d'excitations provoquées ou repoussées. … terrain d'aventures réussies ou inachevées, de projets amorcés ou avortés. Plus "l'arrière-corps", c.à.d. les ressources inédites et ignorées gisant dans les profondeurs de l'histoire et de l'inconscient seront mobilisées, plus la valeur du corps tout entier sera reconnue et significative. Le corps est mémoire Loin de se limiter à un espace récepteur mais inerte, il se révèle comme une épaisseur vivante et complexe … qui conserve par devers lui le pli vivant et mémorisé de la moindre excitation ou du désir le plus ténu. Le corps assimile tout un nécessaire thérapeutique capable de lui fournir les outils d'intervention en cas de blessure à guérir ou de brèche à colmater, pour peu qu'une relecture intelligente des expériences stimule sa mémoire à le lui rappeler. La mémoire devient alors l'un des ressorts fondamentaux et dynamiques de l'histoire personnelle et d'une guérison ultérieure. Le corps est conscience Le corps dépasse l'état d'expériences accumulées et remémorées. A partir de l'expression imagée d'un "coffre à jouets" qui désignerait l'entassement qu'ont provoqué en lui tant de rencontres ou de confrontations, le corps serait bien

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plutôt un "coffre à jouer" … centre d'élans, d'inspirations, d'ascensions par l'intermédiaire de démarches conscientes qui vont tenter d'englober toutes les rêveries de l'imaginaire jusqu'au mouvement sourd des appels de l'instinct. Le mouvement de la vie qui le traverse est aussi important que le corps lui-même. Rien n'est donc fait qui ne soit encore à faire … rien n'est joué . Le corps se compare à une piste d'envol vibrant en permanence sous le trafic de ce qui s'y imprime ou de ce qui s'en exprime. Le corps est le premier événement palpable de l'histoire de quelqu'un, point de jonction permanent entre les énergies internes qu'il dispense et les appels externes qui le sollicitent. Tout ce qui va toucher au corps humain aura des résonances immédiates sur l'histoire de la personne. Le corps est symbole Ce que garde le corps de son rencontre avec un événement ou une parole entendue, c'est son contenu symbolique. C'est la propriété d'une chose capable d'en évoquer une plus profonde au travers de ce qu'elle dit, de nous rendre plus proche d'une réalité plus vaste parce que le symbole se trouve en elle en quelque sorte comme une ombre portée. Par son rôle centralisateur de tous les symboles, le corps renvoie à une myriade de significations possibles d'un acte qui le touche. Tant de personnes sont déjà "interdites d'imaginaires" que l'accession au sens symbolique leur est devenu impossible. On connaît les positions dites fondamentalistes ou intégristes impuissantes à dépasser le cadavre des événements historiques "décédés" …pathologie de l'imaginaire … on peut extraire du terme "momifié" celui de "même" ou de "môme" = même contenu que lorsque j'étais môme. Ces fixations cruciales (ou cruci-fixations) au passé proviennent souvent d'un viol de l'imaginaire enfantin par des irruptions agressives ou répressives de modèles clos ou de représentations magistrales réprimant tout désir légitime d'une personne d'élaborer ses propres images ou symboles. Le corps est porosité L'ultime réalité dont il devient symbole est la mort elle-même. … le corps va passer progressivement de l'attitude "d'insurrection" qui caractérise un état de conflit, à celle de "résurrection" désignant celui d'une guerre victorieuse au-delà même du conflit. Insurrection et résurrection sont les deux faces complémentaires de l'être qui refuse la mise sous tutelle d'une destruction inéluctable. Le phénomène de résurrection laisse entendre le dépassement des forces qui minent mon corps et mon histoire par des énergies inédites et massivement mobilisées. … la porosité devient une propriété du corps ouvrant sur un au-delà de lui-même : il devient alors symbole d'éternité et chemin pour y parvenir. L'ensemble du parcours biblique, les Psaumes en particulier, nous dessinent la structure corporelle de l'Homme comme une lente sédimentation de toutes les expériences qu'il a faites siennes parce qu'enracinées dans sa chair, parmi lesquelles passent et repassent les intuitions ou paroles divines telle une

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navette dans la trame d'un tissu. On y découvre l'importance du dessein divin incrusté dans l'histoire personnelle de chacun et dont le corps forme le réceptacle privilégié à cette aventure inédite. Approche d'ensemble Le regard analyste de l'évangéliste Marc atteint la structure même, quasiment génétique, ou encore échographique, de la constitution de l'histoire humaine : comment s'élabore l'Homme au travers des faits divers qui l'interpellent ? Et surtout que lui arrive-t-il lorsque ce processus se voit compromis, voire perverti… Le corps devient une parabole, un symbole de toute histoire humaine. Le tour du propriétaire Cet inventaire s'exécute par le biais symbolique du corps dans toutes les parties qui le composent, faisant ainsi le tour complet des agressions possibles qui assaillent le devenir humain. 1. Le corps serait le symbole vivant de toute l'Histoire de l'Humanité dans sa

rencontre "sanitaire" avec la parole de Jésus telle que l'a perçue l'évangéliste.

Les yeux concernent non seulement la guérison de la vue, mais plus encore celle du regard et celle de la vision intérieure

Les oreilles : il s'agit ici de la guérison de l'audition, mais surtout de l'écoute et de l'entendement : c'est la résonance intérieure en moi dont il est question.

La bouche : sa guérison touche dans ce cas non seulement le parler mais surtout le langage et la Parole.

La main : il s'agit du toucher offert, du contact rapproché et du maniement. On pense également à l'autonomie, à la prise en main choisie de son propre destin c.à.d. la dimension masculine, volontaire, de l'accomplissement de soi ainsi que la nécessité de la transmission : comment "passer la main" ?

Les viscères et le sang : non seulement les problèmes de circulation mais bien plus le sens de la communication de la Vie, son Origine et sa fécondité, ainsi que tous les conditionnements personnels qui la rendent opérationnelle. C'est également la dimension féminine, réceptive de moi-même grâce à laquelle je reçois de la condition humaine les éléments fondateurs qu'il m'appartient ensuite d'élaborer dans un programme cohérent.

La peau : c'est le masque, le terrain par où je propose une image de moi et par laquelle je reçois l'impact de celle des autres ; c'est donc l'écran révélateur de mon adaptation sociale et celui de ma tolérance et de ma réceptivité.

Le psychisme : la guérison des tensions entre la dépréciation de l'Homme que je suis et son exaltation dans laquelle entre la sensation d'être quelqu'un ou celle de n'être rien. Elle vise l'harmonie générale de l'Etre et les stratégies entreprises pour sa promotion.

La température : signe d'une présence étrangère et hostile qui régente le fonctionnement d'un vivant. Elle suppose la dépendance vis-à-vis d'un esclavage interne.

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La mort : c'est celle non seulement du corps, mais celle de l'instinct, de l'intuition, de l'imaginaire.

2. Les maladies apparaissent alors comme les symboles renvoyant à des

lieux de nous-mêmes dont la croissance est défigurée, stoppée, paralysée, aveuglée, assourdie, compromise ou corrompue par absence d'une rencontre avec quelqu'un qui leur redonnerait sens en les questionnant.

3. La foule est présentée souvent comme un obstacle à la guérison à cause de

son opacité, de sa menace d'absorption des "individus-alités" pour en faire des "fondus-enchaînés", sans autonomie. Elle menace par ses moqueries, ses dérives, ses doutes. Elle est le substitut des réalités qui en moi jouent le rôle d'éteignoirs (ou d'été noirs). D'où le mécanisme pédagogique de "dé-foulement" qui consistera à sortir, extraire de la foule celui en qui elle produit ses effets néfastes. Le re-foulement consistera à rejeter dans la masse de l'indistinct, du ténébreux et de l'inconscient ce que je ne veux ou ne peux pas encore regarder en face.

4. Toutes les guérisons ont lieu autour d'une Parole en laquelle elles prennent justement source et justification.

5. Je ne peux à mon tour devenir source de guérison que si je suis moi-même

guéri puisque la guérison est un passage, une voie de passage et le passage d'une voix : je ne peux m'en faire l'écho que lorsqu'elle a produit ses effets en moi.

6. En aucun cas je ne peux en rester à une lecture littérale du texte mais je

dois rebondir au plan de ma vie personnelle, dans ma langue, sur mon terrain d'expériences.

7. L'essentiel est de s'en tenir au réveil de la divinité en nous lorsqu'elle en a

été énucléée, les hommes ayant oublié depuis longtemps l'immanence de cette source en eux. La guérison consiste à se "garder de la guerre", à prendre garde aux conflits qui couvent sans cesse entre les éléments de moi. "Les guerres y sont" chez moi ; l'atténuation de deux s à un seul donne guérison. Elle va consister en une tra-duction, une traversée, une transparence, un cheminement au-delà de toute apparence enlaidie de moi.

Guérison de l'esprit impur (Marc 1 / 21-28) L'histoire se passe dans un contexte d'enseignement … et c'est un enseignement donné d'autorité ( mot qui signifie : faire grandir), c.à.d. quelque chose d'inouï, d'inédit, d'original : le neuf contient un potentiel de guérison … seul le neuf appelle à réagir. Esprit impur … se compare au minerai par rapport au métal qu'on extrait de lui. C'est l'état d'inaccomplissement de moi … l'impur = les formes les moins humanisées qui traînent encore à la périphérie de moi et qu'il me faut intégrer dans l'ensemble de ma construction.

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L'impureté mentionnée dans la synagogue, lieu par excellence de la proclamation de la Parole, indique que celle-ci n'a pas abouti au résultat escompté d'amener l'homme au bout de son humanisation : à savoir sa parenté proche avec sa source divine. Cette parole a été annoncée de façon inadaptée à son désir et que le message a plutôt brouillé le visage de Dieu qu'il ne l'a éclairé. "Que nous veux-tu" ? … "Es-tu venu pour nous perdre" ? La guérison envisagée passe apparemment par une perte préliminaire. Se perdre, c'est s'égarer, errer loin de ses repères habituels et se voir démuni de toute orientation ou ligne de conduite adéquate. Est é-garé, celui qui a perdu sa gare, ses gares de départ et d'arrivée … n'a plus de question (au départ) et plus de réponses (à l'arrivée). L'itinéraire d'une vie oublieuse ou ignorante de son origine et de son destin se réduirait au seul chemin à parcourir, sans compter sur des étapes pour jalonner sa progression. Les gares sont nécessaires dans la mesure où on les quitte. Etre malade se traduirait entre autres par des symptômes "d'arrêt prolongé sur image" ou d'installation dans un système de pensée clos. D'en-clos, je dois é-clore, sortir, naître. … toute guérison contient une composante d'ouverture à un élément inconnu ou surprenant, susceptible de modifier durablement l'enchaînement de symptômes … la sensation d'avoir à perdre quelque chose qui rive à un passé sécurisant confirme bien l'originalité de ce qui est perçu et le risque qu'elle entraîne. Le changement peut n'être qu'une mode ou que le remplacement d'un symptôme par un autre sans que soit touché le mécanisme. Le terme nouveauté inclut celui de "nouvelle" au sens de connaissance : tout apport de nouveauté doit s'appuyer sur une connaissance nouvelle par rapport à soi-même. La guérison ici ne va pas consister en un apport venu de l'extérieur mais à faire sortir de la personne un autre personnage qui le possède, qui ne le lâche pas, qui le parasite en quelque sorte. "T'es toi : essor (e) de lui" … relire autrement la construction de sa propre vie afin d'en libérer les articulations névrotiques là où elles coincent. …l'art d'ouvrir la porte à ce qui me colonise de l'intérieur, de ménager des issues aux présences étrangères qui m'habitent. Trouver des issues, c'est "ré-uscire" selon l'étymologie italienne : uscire : sortir, qui a donné réussite. Réussir, c'est la capacité d'ouvrir des issues … de laisser sortir ce qui t'obsède, ce qui te noue ou t'étrangle, les fonctionnements de la pensée et de l'affectivité, les contraintes à agir … c'est un essorage radical, sans lequel tu ne seras jamais d'aucune crédibilité à tes yeux. C'est la métamorphose de "l'homme tout fait" en "homme à tout faire". L'esprit impur opère sa sortie à grands mouvements et à grands cris. La libération de ce qui m'habite indûment ne se fait pas sans tapage. Mon passé refoulé mène grand train en deçà de mon désir de vivre réellement. Je suis habité par une violence contenue et continue, tel un viol

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permanent qui ne m'abandonne pas sans charivari. L'Etre impur n'est peut-être que l'être violé. Guérison de la belle-mère de Simon (Marc 1 / 29-31) Les relations de croissance sont souvent court-circuitées par la première nécessité de protéger le cercle familial et d'en conserver les traditions légitimes. Cercle et conserves …Le cercle, dans sa fonction conservatoire, suppose un début et une fin qui le rejoint obligatoirement, réduisant la Mémoire jaillissante à des souvenirs inoffensifs. … circuit fermé se nourrissant de ses propres ressources … autarcie… parfaitement étanche. En hébreu, tourner en rond et être malade découlent de la même racine. Tourner en rond témoigne donc d'une parfaite infidélité à la vie par exclusivité accordée plus au déjà vécu qu'à ce qui reste à vivre = proche de l'autisme. C'est hors de la ronde (Cant. Des Cant. 3/3 et 4), au-delà d'elle que la fiancée peut enfin saisir l'objet de son Désir fondamental, au prix d'une transgression qui, loin de la rendre malade ou angoissée, la guérit de sa menace d'enfermement dans la rumination stationnaire. Le cercle produit un effet "d'enfer-mement", repoussant à la périphérie ce qui lui est étranger (inferne : repousser au loin en latin). Ce terme a donné l'enfer = se tenir loin de tout. Si "l'enfer me ment", je ne puis demeurer sans dommage dans l'état de non vérité où il me confine. La fièvre = symptôme d'une infection … agent infesteur (lit. Celui qui n'est pas de la fête) = s'oppose de toutes ses forces au droit à la différence, l'infirmité qui m'empêche de recevoir une parole différente de la mienne et qui m'aiderait à m'accomplir. Simon devient le symbole de l'homme vivant au cœur d'une spiritualité malade de son autarcie, dé-fonctionnante (dé-funt) = pathologie de l'encerclement religieux dont il réussit à sortir en adoptant une Parole de liberté qui ex-centre au lieu de con-centrer. … les cercles, souvent concentriques, dans lesquels "on" enferme l'homme lorsqu'il ne s'y love pas de lui-même. Guérison d'un lépreux (Marc 1 / 40-45) … purification de l'impureté mais ici elle est visible, constatable. C'est la réalité interne d'un homme qui se rend apparente. L'impureté désigne donc l'état d'imperfection radicale ressentie entre ce à quoi l'Homme aspire et l'étape où il en est … ce qu'il laisse apparaître de lui alors que son intention et sont désir sont tout autres. … tension entre l'être provisoire et le vouloir-être, qui entraîne une image de soi invalidante qui met l'individu "mal dans sa peau". La peau nous relie au monde et nous en sépare à la fois.

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Elle marque l'identification, la délimitation de ma personne et sa différence d'avec les autres. Deux faces : interne que je ressens subjectivement et qui correspond à l'image intime que je me fais de moi-même … externe, tournée vers ce qui n'est pas moi et qui reçoit ainsi le regard des autres, des proches, des étrangers ainsi que l'image qu'ils se font de moi. La lèpre se révèle le symptôme recto-verso d'une dégradation, d'une décomposition, d'une dé-création en marche due à la manière négative, répressive, dévalorisante dont je me considère et dont me gratifie mon entourage … mécanisme de la décomposition de mon paysage intérieur qui entraîne l'incohérence de son apparence extérieure. Le lépreux découvre en deçà de sa lèpre, un désir fort qui le porte vers Jésus. Le signe est patent qu'en deçà de toute tentative d'autodestruction ou d'autodévalorisation de soi, se maintient un lieu ineffaçable de référence divine enfoui sous nos enlaidissements à répétition, où le Désir d'Etre ramasse l'essentiel de son élan. Ces tentatives multiples d'écraser le "Moi", à chaque étape de ses surgissements, sont des attitudes pathologiques allant du haut vers le bas = négation de soi. Alors que le reniement à soi-même amorce un mouvement de bas vers le haut, considérant chaque palier d'émergence de ma personne comme positif mais cependant insuffisant pour être représentatif du rêve de Dieu sur moi. Pédagogiquement, il ne s'agit de pas de répéter inlassablement des paroles positives à quelqu'un, mais bien de les susciter en lui vis-à-vis de lui même sous peine de ne dispenser qu'une guérison restant sous la dépendance du donateur. Le signe ultime de "l'opération" réussie sur le lépreux s'exprime justement dans la dissolution de son lien de dépendance à l'égard de Jésus qui le renvoie en le rudoyant. … la guérison n'entraîne pas l'épanchement d'une affectivité débordante qui aurait pour effet de noyer le sentiment d'autonomie à laquelle sa guérison provoque le malade. Jésus ne cherche pas à recréer une fusion de "gourou à disciple". Il se montre imperméable à la tentation récupératrice de l'investissement affectif, amoureux, idéologique même s'il y est sensible. On constate que pas ou peu d'anciens malades sont devenus disciples … A part Marie Madeleine dont Jésus avait chassé sept démons. La relation à la Parole neuve ne s'avère structurante à long terme que si elle se démarque de la triade : besoins-satisfaction-reconnaissance. … nombreux croyants partagés entre mendicité et soumission. "Je t'aime … donc va-t-en". L'amour authentique comporte une élément fondamental d'indépendance et d'éloignement entre deux partenaires. "Fais de toi une arche en bois résineux, tu la feras en roseaux et tu l'enduiras de bitume en dedans et au dehors" (Genèse 6 /14 - l'arche de Noé) … double isolation … la première, plus intérieure pour le protéger des jugements personnels à son encontre et provenant d'un lieu de lui-même non

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encore converti à une image positive de soi … et la seconde par rapport à la violence du regard que la société lui renvoie et dont il doit se tenir hors d'atteinte. … lépreux devient "les preux" …preux = prouesse vient de prodesse : être utile. La guérison est-elle autre chose qu'une réutilisation performante de soi lorsque le processus a fait son effet ? … la peau, recouvrant son état normal, métamorphosant la corruption- répulsion issue de sa dégradation, en passion-séduction accompagnant sa beauté retrouvée : … elle devient "l'appeau" attirant qui fait renaître des relations normales avec soi et l'entourage. Ma lèpre renvoie aux causes historiques et pédagogiques qui ont structuré mon histoire par leurs interférences inadaptées. Il en demeure des traces profondes dans mon inconscient, mon imaginaire, ma mémoire comme autant d'éléments de défiguration de mon véritable visage. La véritable guérison nous aiguille immanquablement d'une communauté d'appartenance à une communauté de référence, la différence s'établissant dans l'art d'assumer son indépendance sans renier pour autant le lien vital qui me relie à elle. Guérir, ce n'est pas contrarier mais aller au-delà. Le désert, c'est le "dés-être", c.à.d. le lieu de l'Homme où il n'y a plus que Désir, Intention et Projet. Le dés-être, c'est l'aptitude à se dé-faire du monde obsessionnel et frénétique des envies, des besoins, des dépendances. Lorsque la Parole neuve se dresse en mon centre déserté, alors seulement elle devient l'agent rassembleur du moi personnel, du moi familial, du moi professionnel, social, spirituel …et ce redressement du Moi ne peut s'accomplir que dans un au-delà des limites institutionnelles. Guérison d'un paralytique (Marc 2 / 1-12) Apprendre désigne à la fois l'annonce d'un événement et l'art de pratiquer un comportement. Vivre avec un Dieu extérieur à moi ou qui m'habite au contraire, au plus intime de moi, est susceptible en effet de changer toutes mes stratégies de progression. S'il me faut en faire l'apprentissage, c'est que l'habitude s'en est perdue ou qu'on m'a enseigné un Dieu si lointain, si distant, si étranger que j'en ai perdu le goût et le désir. C'est une cohue qui occupe toute la place au point même d'obstruer la porte et de provoquer une paralysie générale des mouvements. La foules des hommes se trouve en impossibilité de progresser à cause de l'entassement de tous ses membres à la même place : son drame est de ne plus

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avoir le moindre espace pour une liberté de manœuvre minimale. La "doctrine" rend caduc tout rêve d'horizon différent, toute audace de dire et de penser autrement que selon les codes officiels (famille, patrie, église ..). C'est une paralysie grandeur nature, verrouillant l'espace vital à des frontières convenablement homologuées. Cette maladie est également la conséquence d'un trop plein, d'une surcharge accumulée de savoirs, de pratiques, de rites, d'obsessions, de scrupules peut-être qui remplissent le cœur et l'esprit au point de mettre leur fluidité naturelle en "état d'arrestation". Pour pouvoir progresser dans une pièce de la maison, il faut d'abord la désencombrer un minimum pour faire de la place. La porte d'entrée bouchée indique ici qu'il est impossible d'entrer et de sortir, c.à.d. de se prononcer pour ou contre quoi que ce soit … privation totale de liberté. Dans ce cadre étouffant, quelle stratégie utiliser pour que la Parole neuve puisse se frayer un chemin ? Celle du trou qui consiste à "trouer", "trouver". Le paralytique est porté par quatre hommes, ce qui porte à cinq l'équipe des entrants. Le chiffre cinq renvoie au cinquième jour de la Genèse à l'issue duquel la croissance de l'Humanité parvient à un stade quasi achevé. Cette étape peut déclencher la tentation de se croire suffisamment achevé pour fonctionner en autarcie spirituelle. En même temps, l'intuition de croissance me dit que je suis cependant par trop incomplet pour déclencher l'ardeur amoureuse de Dieu à mon égard … ce que marque le sixième jour. Les hommes écoutent encore une Parole qui leur demeure extérieure sans se résoudre jamais à se l'incorporer comme élément moteur essentiel de leur être. Notre trop plein de savoir empêche toute remontée consciente d'un état de carence … il va falloir aménager un vide pour parvenir à ses fins. L'espace bloqué devient également l'espacement impossible pour se mettre en question, s'interroger voire douter. Les esprits qui ont reçu dans leur jeunesse plus de réponses que de questions, s'installent ainsi progressivement dans le non-doute, dans la paralysie du questionnement … on se croit sage parce qu'on ne bouge plus. Les enfants sages sont toujours paralysés : on dit à leur sujet : "on ne l'entend pas, il ne bouge pas". Faire le vide devient urgent pour que la pensée endolorie puisse s'étirer et refouler alors la paralysie. Cette opération va se faire au prix d'une fragilisation de toute la structure : ouvrir un toit relève du risque absolu. Symboliquement, le toit de la maison représente d'abord la limite de l'imaginaire … la guérison consistant à ouvrir une brèche dans l'imaginaire, ou plutôt une issue. Il faut laisser l'imaginaire "creuser son trou" pour lui faciliter la descente au fond de soi. Le toit est aussi le symbole de la Loi tel qu'on le trouve en Noé (Gen 6/16) quand il lui est demandé de faire un toit à l'Arche. Le toit est en effet le

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substitut du firmament destiné à marquer la différence entre les énergies divines (eaux du dessus) et les ressources proprement humaines (eaux du dessous). … ouvrir des brèches dans la loi pour ouvrir un champ d'expériences neuves et parfois vertigineuses … l'exigence fondamentale de se laisser habiter par des représentations nouvelles … le trou dans le toit s'apparente à une "cheminée", elle-même désignant un "cheminement" inédit. Le toit se rapporte enfin à une troisième instance de la vie humaine : celle du sur-moi. Le "Moi sous Toit" implique une dépendance, sinon une soumission, à l'ensemble des règles, principes, injonctions induits par les conditionnements parentaux, culturels, moraux hérités du creuset éducatif qui m'a façonné … croûte dure sous laquelle ma personnalité se résigne à camper avant de s'interroger sur son droit à oser s'aventurer au-delà. Sans recourir à leur élimination, assimilable à l'anarchie, j'ai également le droit d'y pratiquer des ouvertures afin de passer de la "sous-mission" à la mission que je pressens être la mienne. Il est inévitable que la triple atteinte à l'imaginaire, à la Loi et au Sur-moi réactive un sentiment de culpabilité … car il s'agit d'atteintes graves à la cohésion d'une société ou d'un milieu. " Tes péchés te sont remis". Lesquels ? … les trois péchés touchant à la loi, l'imaginaire et au sur-moi, trois audaces neuves que les porteurs se sont permis … ont tentés leur chance en attentant aux trois instances intouchables afin de toucher leur cible à leurs risques et périls. Démolir le plafond, c'est déplafonner les limites au-delà desquelles je m'interdis d'aller. Or, "peccare" (pécher) signifie en latin : rater sa cible … et Jésus leur rappelle qu'ils n'ont pas raté leur cible. Suit l'invitation par Jésus faite au malade de ramasser son grabat, c.à.d. de prendre en main le symbole même de sa tombe … Begraben (en allemand : enterrer) a donné Grab : la tombe. C'est le lieu où je suis "tombé". A partir de ce moment, il tient en main la destinée de son nouveau parcours en maîtrisant à la fois sa tombe et la menace d'y re-tomber. Le plancher du désespoir ou de la dépression dissimule en dernière instance un élan nouveau qui ne peut s'exprimer qu'à partir du moment où la personne touche véritablement le fond. Guérison d'un homme à la main sèche (Marc 3 / 1-6) Il n'est pas indifférent pour le rédacteur de faire coïncider le signe de la main le jour du sabbat … récit de la Genèse, 7e jour qui correspond à l'achèvement du parcours humain … Dieu constate la cohérence et l'autonomie du vis-à-vis qu'il a posé en face de lui comme sa propre image et se repose.

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… non pas "pourquoi Dieu se repose-t-il" mais "sur qui" ? Dieu "passe la main". "Porter la main" sur qq'chose ou qq'un = attitude d'accaparement autoritaire "Saisir la main" tendue = signe de la continuité dans la transmission "Imposer la main" = invitation à rentrer en soi-même La main sèche devient le symbole d'un refus du relais offert par Dieu … on continue à tout attendre de Lui. "Refuser sèchement" une telle proposition s'apparente à une fin de non-recevoir. Alors cesse la transmission divine qui ne se communique que par coopération humaine incontournable. Le sabbat devient doublement sacré lorsque Dieu et l'Homme y portent ensemble la main. Question de Jésus : le sabbat est-il une œuvre à faire ou une occasion de ne rien faire ? Faire le bien "bénir". Faire le bien est donc un élément essentiel du sabbat. Avoir la main sèche indique donc une inaptitude remarquée à faire le bien. La main séchée s'annonce comme la première atteinte d'une affection qui risque de se généraliser à l'Homme tout entier ainsi que le décrit Ezéchiel dans le passage sur les ossements desséchés (Chap 37). Le dessèchement révèle une humanité qui se dérobe à sa responsabilité de prendre sa vie en main. C'est cela même tuer la vie : refuser d'en assumer le cours lorsqu'elle nous passe entre les mains = amène une dessiccation totale de notre personnalité spirituelle. … maladie la plus grave = se rendre quasiment imperméable à sa condition de partenaire exclusif de la création en accumulant toutes les excuses possibles pour en retarder la prise de conscience. C'est le sens des maladies symboliques que doit affronter Jésus : surdités, cécités, paralysies lèpres, mutismes, fièvres etc .. dont on sait combien elles constituent médicalement des symptômes caractéristiques d'un refus du Désir. L'imaginaire n'a aucun mal a associer "maladie" à "mal dire" ou "mal dit". On m'a mal dit les choses : en conséquence j'ai du mal à les dire en retour. … réajuster la place de Dieu par rapport à celle de l'Homme. L'Homme est à tout moment au centre des préoccupations de Jésus. Dieu se situe "aux sources" et non au centre. S'il est ainsi à cette place et source lui-même, il ne peut que "s'écouler" par une transmission intégrale de ses puissances en l'Homme fait à son image (imago = insecte adulte capable de reproduction). Il peut hélas se produire une coagulation de cet héritage par refus de l'Homme de continuer l'œuvre de Dieu. Il sèche alors sur pieds : c.à.d. que le courant de la tradition vivante s'assèche …cf la sécheresse du sarment qui ne s'arrime plus au cep porteur … cf le figuier desséché (Marc 11 / 12 à 14 et 20-21).

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Le démoniaque gérasénien (Marc 5 / 1-20) … on me presse de quitter les rives de cette terre de sécurité pour m'en aller vers d'autres rives : on attend de moi que je "dé-rive" pour "ar-river" ailleurs. Savoir m'éloigner des rives connues est déjà un sérieux gage de guérison puisque je suis capable de quitter le connu pour l'inconnu, l'infirmerie pour la vie quotidienne, le cercle fermé pour peut-être l'errance. … structuré comme un archipel d'îles qu'il me faut explorer une à une pour faire le tour de ma personne et transiter du "il" au "Je". Le pronom "il" indique la façon dont on me perçoit ou me décrit de l'extérieur. Le "Je" me permet d'assumer consciemment les pièces de mon puzzle qui, au fur et à mesure qu'elles s'assemblent, me conduisent à une puissance de décision et d'organisation susceptible de modifier mon fonctionnement psychique et spirituel. Cette perspective vertigineuse de devoir me prendre en charge m'induit parfois à réduire mon puzzle de dix mille pièces à cent pièces. Sa plus grande maniabilité est incontestable mais au prix de quel appauvrissement ? Négliger, cacher, renier, repousser à la périphérie de soi tout ce qui dérange, angoisse, déprime ou fait honte, tout ce qui semble contredire une image de soi qu'on se forge hâtivement pour mieux résister à l'imprévu qui risque d'infléchir le cours des choses, relève d'une pathologie de l'amputation. C'est en abordant sans complexes ces zones à risques qui me cernent que j'accomplis le premier pas vers la guérison. La décision ne se prend pas sans agitation interne comme en témoigne le passage précédent de la tempête apaisée (Marc 4 / 35 à 41). … transition entre le monde de mes expériences sécurisantes et celui des territoires encore à conquérir. Les deux rives, celle que je quitte et celle que j'aborde, dessinent les différentes phases de mon histoire en train de se construire. La mer démontée entre les deux reflète la fragilité d'une conscience qui s'interroge sur le bien fondé d'un tel voyage intérieur. Il me faut maîtriser l'entre-deux-terres, l'entre-deux-rives, l'entre-deux-âges. Voici donc qu'une Parole neuve aborde ces "rives-âges" … qui me paraissent étrangères et même hostiles, refoulées depuis longtemps au fond des différents âges que j'ai franchis … enfouies dans les tombeaux : ces derniers précisent bien les lieux d'effondrement de moi dans lesquels je suis "tombé" sans vouloir ou pouvoir m'en sortir et du fond desquels je tire cependant un profit puisqu'au moins je n'ai plus à me fatiguer pour exister. Ce qui sommeille dans les tombeaux conserve malgré tout une vigilance et une virulence aux antipodes de la passivité et du renoncement. Ce ne sont pas des forces mortes, vidées de leur substance, qui pèsent de toute leur inertie sur les mécanismes de ma conscience, mais des forces déçues,

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déchues, "dé-cèdées", trahies qui ne digèrent pas leur éviction de la scène du Moi : moqueries, jugements à priori, disqualifications… Il peut s'agir d'expériences fondatrices tenaillées par l'amertume de ne pas les avoir poussées à exister … retombées de poussières radioactives à la suite de l'explosion nucléaire : le noyau central de la personne libère ainsi de multiples parasites incontrôlables et destructeurs lorsqu'il a été trop longtemps nié, ignoré, perverti. Elles ont laissé leurs empreintes "mornes" parce que "mort-nées", enterrées dans les cimetières … ensembles de trous, d'absences, creusés en terre, elle-même symbole de l'expérience humaine. Cela rend une personne incapable de s'assumer : se "terrer" ou "s'enterrer" au fond de soi est une attitude suicidaire et consciente. Ces cicatrices entraînent une sensibilité d'écorché vif rendant suspecte toute intrusion de parole nouvelle. L'homme en question n'en demeure pas moins critique, vigilant et protestataire : il se taillade avec des cailloux : l'automutilation forcenée, à caractère apparemment suicidaire, cherche en fait à refuser en les niant toutes les aliénations dont il est l'objet, les pulsions clandestines non identifiées, les ligatures de toutes sortes, psychologiques ou idéologiques, qui l'empêchent de surgir à lui-même. La condition pré-requise pour accéder à la guérison passe par la dénégation, le réflexe de dire non. L'attitude révoltée de l'Homme résolu en premier à "dire son non" va permettre à la Parole neuve d'aller plus loin pour l'engager à "dire son Nom". Jusqu'à l'arrivée de cette Parole Neuve, le moi oscille entre les montagnes et les tombes "dans" lesquelles il demeure, écartelé entre les pointes extrêmes de la dépression (tombes) et de l'exaltation (montagnes). … l'événement sans la relecture n'est rien de plus qu'un "fait d'hivers" sans fécondité ni signification. Mon nom se dissimule probablement sous mes "non" et mes "non" sont peut-être déjà mes "prénoms". … la démarche thérapeutique de Jésus … est de parcourir sa terre dévastée comme il le fait pour toutes les autres. Parcourir une terre, c'est accepter de faire sienne l'expérience qui lui correspond. Jésus considère donc les réalités les moins construites, les plus éloignées de ce à quoi j'aspire, comme des rampes d'accès à mon être le plus élaboré. Quel est ton nom sous tes pré-noms ou tes prête-noms ? A quelle parole aspires-tu sous tes pré-textes ? Qui prétends-tu être derrière tes "avants-toi(t)" ? La réponse de l'homme à décliner son identité peut se lire à deux niveaux :

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- Le premier indique que le Moi a perdu son unité … éclaté en mille petits moi éparpillés, écartelé entre les innombrables rôles que lui font jouer les multiples personnages dans lesquels son Moi est constamment tenté de s'installer définitivement. Ce Moi central se distribue entre les envies, les fantasmes, les passions, les désirs et les représentations qui le sollicitent sans pouvoir être à même de se définir face à leurs excitations … collier de perles dont le fil s'est rompu.

- Le second niveau insiste sur "car nous sommes beaucoup" … nous sommes beaucoup à souffrir de cette dépersonnalisation … perspectives universelles de ce cas.

Il considère ensuite le malade comme un territoire occupé par une présence passagère dont il appelle à se libérer en la "faisant sortir" : cette expression se traduit en latin par "e-ducere" qui a donné éducateur. Le malade ne manque pas de quelque chose mais il souffre au contraire d'un encombrement des voies spirituelles par saturation de discours inadaptés ou mensongers qui le mènent à un dévoiement de sa route, voire une déviance. Son cri est sans équivoque : "Ne me tour-mente pas". L'homme est habitué à ce qu'on lui mente ; on lui a fait faire le "tour-menteur" de lui-même à maintes reprises.

Jésus rejoint l'homme aux lieux positifs de son in-surrection (phase préliminaire de la résurrection) mais il la stimule en appelant à rejeter de soi tout ce qui dénature la personne, à rejeter l'injonction étrangère qui la commande de l'intérieur. … "le troupeau de porcs se précipita dans la mer" … le flanc de la montagne, lieu symbolique de la contemplation mystique, recouvert de porcs milite en faveur d'une pollution de mon horizon spirituel, la probabilité d'un regard contemplatif dénaturé. Même la vie mystique devient impropre à la consommation. Il est donc nécessaire de tout rejeter à la mer, lieu des recommencements et des gestations douloureuses (c'est le cas de Noé au Déluge, de Jonas ..). Les eaux-mères ne sont pas qu'un symbole de mort : ici, elles jouent le rôle d'un tableau noir sur lequel on efface un problème mal posé pour renouveler l'opération. Restent les gardiens de ces porcs et leurs propriétaires … ceux à qui profitent ces proliférations … ceux qui tirent avantage de la médiocrité … qui encouragent au "faire" plutôt qu'une éducation à "l'être". Devenir le théâtre d'une métamorphose significative entraîne une exigence. Tout comme Noé, transformé par son incubation dans l'Arche et devenu homme-de-paix, se voit proposé de débarquer sur une terre-de-paix, la personne-de-guérison va devoir s'investir sur une terre-de-guérison … prolonger l'expérience personnelle au plan communautaire. Le texte nous parle d'une Décapole (dix villes).

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Le sens du mot polis : la ville … d'où vient le terme politique … indique que l'un des symptômes les plus consistants d'une guérison, consiste à savoir passer du religieux au politique. C'est à ce niveau que se vérifie l'authenticité d'une rencontre de soi avec le divin … modifier le devenir du monde … amplification du mouvement de l'Etre et une maîtrise accentuée sur son environnement. L'Homme a retrouvé son bon sens, le sien, celui qui est le bon comme insiste le texte sur la semence en parlant de la bonne terre : celle qui est la bonne, la mienne, une fois débarrassée de toutes les ingérences qui me font croire que le bon sens est celui de tout le monde, le sens commun. La guérison doit remonter le cours de la pathologie ancienne pour en imprégner les différentes étapes ou acteurs, et le retour s'effectuer au moyen d'une langue nouvelle capable d'expliquer les choses d'une manière inédite en vue de provoquer l'étonnement. E-tonner vient du mot tonnerre et de la commotion qu'il engendre. Mais c'est également "sortir du ton". E-tonner ou dé-tonner fait donc partie des préliminaires d'une guérison potentielle : aider à sortir du ton, puis de la tonalité de certains discours. Le changement de ton est l'un des symptômes que quelque chose est en train de s'opérer dans la personnalité. Le point critique de la mise en place de l'Etre en moi s'appuie sur le droit et l'exigence première à passer au crible de l'analyse tout ce qui m'advient, parce que rien en moi n'est jamais achevé. Questionner m'ouvre le droit essentiel à inventer continuellement la suite de mon vécu. Ce n'est qu'à cette condition que je puis prétendre m'approcher de tout ce qui me fait peur. La raison de la peur, c'est la perspective de devoir considérer les étapes de ma croissance comme des réalisations effectives de ma vie, mais immobilisées à un stade définitif sans perspective de reprise ni d'évolution ultérieure, un peu comme un entassement de briques construisent un mur. La fixation, l'immobilisation sont plutôt l'apanage d'un organisme défunt et c'est ce qui effraie : identifier en nous des zones déjà dé-funtes (étym. Ayant cessé de fonctionner). Trans-fixere, c'est clouer une réalité en cours d'évolution pour l'empêcher de m'interpeller plus loin que je n'en suis. C'est le sens de la crucifixion de Jésus, fixé au carrefour de la rencontre qu'il propose entre Dieu et l'Homme. La crucifixion est en réalité une cruci-fixation. Existe-t-il un domaine ( images parentales, fonctionnement et ses conditions de ma vie affective, sexuelle, spirituelle, choix, désirs, fantasmes …) que je m'interdise d'aborder la question à la main ?

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Je peux alors aller plus loin dans l'inventaire de la "physiologie de l'Etre" en cours d'élaboration et principalement dans mon recours aux "non". Lorsqu'ils ne s'expriment pas, mes refus et mes dénégations ont souvent pour fonction inconsciente de protéger des situations, des personnes, des fonctionnements dont la colonisation m'apporte bien des avantages : parmi ces derniers, celui de ne pas savoir qui je suis et ce que j'ai encore à être n'est pas le moins sécurisant. Je "suis vécu" par ces prothèses interposées plus que je ne suis capable de m'assumer seul. Il est fondamental de pouvoir ainsi repérer la chaîne des non (les chaî-nons) qui ont favorisés l'émergence d'une histoire personnalisée. Qu'a-t-on attendu de moi ? Ai-je vécu comme objet de soumission ou comme sujet de mission : comme "omission" ou "Homme-mission" ? Simultanément, comment mes non parviennent-ils à dégager de l'espace pour mon Nom ? Reste alors l'identification de tout ce qui a été perverti en moi et qui se présentait pourtant au départ comme objet de désir : perversion des rêves, des premières intuitions, de l'imaginaire .. Per-vertere signifie rouler hors de ma portée, m'échapper tel un collier de perles dont le fil se rompt. En quoi cet Etre a-t-il été contraint de se métamorphoser au cours de mon histoire : en enfant sage, en élève studieux, en citoyen domestiqué, en héros, en sage ou en saint ? bref en simple exécutant avant d'être exécuté ? Quels critères me permettent de discerner une étape "pervertie" de mon être d'une étape "convertie", c.à.d. se rapprochant au plus près de mon Désir ? Guérisons d'une fille hémorroïsse et de la fille de Jaïre (Marc 5 / 21-43) Le texte prend la peine de préciser que Jésus change à nouveau de rive. La traversée de l'eau suppose que chaque guérison est une nouveauté originale acquise au prix d'une remise en question de tout prétendu savoir en la matière. Si Jésus se tient au bord de la mer, c'est qu'il se situe en même temps au bord de la terre, c.à.d. à la lisière entre ce qui constitue l'histoire accomplie de l'Homme (la terre ferme), ce sur quoi il peut s'appuyer pour se définir et cette partie encore à vivre (la mer), symbole de tout ce qui lui échappe encore puisqu'elle concerne l'avenir. La jointure mitoyenne à la mer et à la terre délimite la ligne de confrontation entre ce dont je suis sûr et ce que je suis encore en droit de conquérir ou d'espérer. La petite fille dont il s'agit peut renvoyer à celle qui est mise en scène par Ezéchiel (chapitre 16). Elle devient alors le symbole de la féminité réceptive, intuitive du peuple d'Israël grâce à laquelle le véritable visage de Dieu peut

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lui devenir accessible dans sa réalité de tendresse et de convivialité. "Ma" petite fille devient alors la part féminine de moi-même faite d'intuition et de réceptivité originelle arrivée à sa dernière extrémité = le fond originel de l'Humanité est un espace maternel se gonflant au passage de la poussée vitale de Dieu : Je Suis … le souffle est du genre féminin en hébreu. Dieu se fait d'abord connaître par intuition qui est le lieu féminin de l'Homme avant de se faire connaître par expérience. La petite fille représente ce lieu infiniment délicat, cette pointe de l'âme par laquelle s'établit le contact avec le divin. Elle concerne également la puissance reproductrice de l'Image Divine. Psaume 2 / 8 et 9 : "Demande et je te donne les nations pour héritage, pour domaine les extrémités de la terre ; tu les briseras avec un sceptre de fer, comme un vase de potier tu les casseras". … le terme terre signifie d'abord le terrain qui est le mien et à partir duquel je dois construire ma vie. Que peuvent donc signifier les extrémités de mon expérience humaine, le point le plus extrême de mon histoire que je doive assumer sinon l'expérience de la mort elle-même. Cette extrémité de la mort, cause de tant d'angoisses et d'incertitudes qui saisissent ceux qu'elle approche, n'a pas plus de réalité qu'un fragile récipient de terre cuite qu'on brise d'un coup de pied. Cette maîtrise n'est possible qu'à celui qui détient un sceptre de fer (v 9), c.à.d. qui, ainsi que le signale le verset 7, vient de se faire investir comme Fils. C'est l'appui intraitable de mon identité de fils de Dieu qui me confère ainsi une telle puissance sur ma propre mort, la ramenant à sa véritable dimension d'épouvantail inoffensif. Dieu ne donne pas "la mort", il nous fait cadeau de "notre" mort comme d'un espace inconnu à explorer et surtout à gérer : traite-la comme elle mérite … comme une collection de pots de glaise vides, remplis seulement de tes fantasmes, de tes craintes. Les pots ne sont que les constructions mentales édifiées autour d'un contenu sans objet. La mort n'est rien en elle-même : elle effraye seulement par le chahut qu'elle crée dans un imaginaire débridé. L'épisode de la femme est dans la continuité de la réflexion de l'évangéliste à propos de la petite fille …. Si ce point névralgique de ma sensibilité à Dieu décède dès son enfance, je deviens comme une femme perdant continuellement son sang ou son sens et dont on ne peut plus attendre aucune fécondité ni accomplissement. C'est un état d'orphelin par rapport à la filiation que je n'ai pas assumée, parvenu à l'état adulte tel un enfant sans père, un homme étranger à son destin divin. La femme "allait plutôt de mal en pis" … elle avait dépensé tout son avoir ; heureusement, il lui reste l'Etre. Sa présence ombrée dans la foule indique bien cette permanence, tout comme la petite fille qui a perdu la vie mais pas l'Etre : elle dort. La première se perd dans la foule, la seconde dans le sommeil. La distinction est d'importance entre l'Etre et la Vie : celle-ci n'est que

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l'apparition de l'Etre sur la scène visible. La dimension divine s'accroche en catimini à celui qui l'a égarée, attendant l'heure de sa manifestation. La maintenance de l'Etre au-delà du traitement que je lui fais subir, me pousse au dé-foulement, à dégager de mes multiples masques hermétiques l'audace de devenir réellement fils. La source d'Etre demeure intérieure, donc intarissable tandis que la loi imposée tarit. L'affirmation de Dieu en moi comme un "Je suis" ne peut plus se redire ni se communiquer tant que j'ai perdu le code d'acès à la réceptivité féminine dans laquelle il prend racine. Il me devient dès lors impossible de dire, moi aussi, mon "Je suis". Il est à présent question du manteau. Le vêtement revêt une double fonction : celle de voiler mais aussi celle de révéler … le vêtement royal n'est pas celui de l'exclu … élément d'identification en même temps que d'anonymat. Son ambivalence implique que je dois trancher : soit je respecte la limite qu'il m'impose, soit je tente de transgresser l'étanchéité qu'il oppose à ma curiosité ou à mon désir … sécurité en même temps que provocation : le charme d'un être ne réside-t-il pas en grande partie dans ce qu'il cache encore de lui et qu'il invite à découvrir ? C'est le sens même du mot mystère = excitation dynamique à explorer l'espace inconnu au-delà du fragment de vérité que j'ai déjà saisi d'une réalité au besoin en transgressant les lois quand elles s'avèrent restrictives lors de ma progression. Autrement dit, il est des cas où ôter le voile (étym. Re-velare : révéler) constitue une nécessité, un passage obligé pour atteindre son objectif. Le voile n'est pas une cataracte mais un appel muet et parfois violent à le retirer pour accéder à ce qui nous a été indûment dissimulé … la parenté voiler et violer indique bien le jeu subtil capable de déclencher des comportements proches du scandale. Mais qu'est-ce à dire : toucher ? Vient du latin "toccare" : produire un choc. Toucher la frange du vêtement n'a rien d'un effleurement timoré de la part de cette femme ; elle va tirer pour produire un choc. Le mot frange est issu de "frangere" : brise. Le geste de la femme est un geste de violence … c'est bien la tentative de viol de la divinité par les violents qui osent s'approcher du voile permanent tiré entre leur humanité et sa source divine qu'ils désirent dévoiler. Le Cantique des C. signale la présence de ce voile, paravent de tulle entre les regards que se portent le Bien Aimé et sa Belle "Tes yeux sont des colombes derrière ton voile (4/1) … tes joues sont des moitiés de grenade derrière ton voile (6/7). Dieu le premier se risque à percer du regard le voile que l'Homme jette entre lui et sa Source. L'acte de guérison semble contenu dans l'audace déployée par les patients à transgresser les limites (les vêtements) et dont la légitimité se fonde sur le voile du Temple qui se déchire à la mort de Jésus. L'Homme choisit : ou bien il préfère garder en lui une vision floue et lointaine, une appréciation estompée de sa source divine, comme dans le

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Cantique des C. … ou bien il entreprend d'arracher le voile qui l'en sépare avec la frénésie de celui qui veut enfin communier avec elle, comme un amant déshabille celle qu'il désire. Mais il n'y a pas viol effectif de Dieu car ce geste d'appropriation s'accomplit avec son accord et non contre son gré : "Quand je serai élevé, j'attirerai tout à moi". La femme symbolise ceux que leur intuition pousse à lever ainsi les obstacles …recherche de l'alliance et de la jouissance parfaites : les amants ne se "pressent" pas, ils se "touchent". La réaction tremblante et craintive de la femme … tremblement du désir enfin exaucé, retentissement de l'incroyable : j'ai osé et j'ai réussi, c.à.d. j'ai trouvé l'issue (de uscita : ré-ussite) à ma fuite d'être. C'est la sensation qui saisit les amants nus l'un devant l'autre, une fois éliminés tous les obstacles à leur rencontre. Immobiliser les pas de quelqu'un en se jetant à ses pieds suppose qu'on veut arrêter, enraciner en soi l'expérience vécue grâce ou avec lui. Le vrai pain, la Parole neuve qui guérit de tout rachitisme anthropologique, c'est celle qui pousse l'Homme à toucher son Dieu, à lui mettre la main dessus, non pas pour l'arrêter comme à Gethsémani, mais pour en prendre possession. Personne ne parvient à tuer l'intuition divine de croissance qui parle au fond de nous. On peut l'enfouir mais sans pouvoir s'opposer à sa silencieuse progression puisqu'on va la retrouver dans la petite fille, âgée de 12 ans, c.à.d. depuis toujours (tout le tour du cadran de l'horloge). Il existe dans l'humanité une ambivalence originelle, une rivalité entre deux tendances qui s'opposent depuis toujours : l'indéracinable conviction de n'être qu'un pécheur héréditaire et celle, aussi obstinée, mais moins consciente, d'être une image de Dieu sans la moindre trace de corruption (Belle au bois dormant). L'objectif est d'éveiller en soi ce lieu vierge de la divinité qui grandit pendant que je dors; Le grain lui-même pousse "que l'Homme soit conscient ou qu'il dorme". Le psaume affirme que Dieu comble son Bien Aimé qui dort et la fiancée du Cantique dira "je dors mais mon cœur veille". Mais le réveil est insuffisant : il s'agit de nourrir l'intuition dès son éclosion. Le texte (v.40) dit : "Il pénètre où était l'enfant". … lieu secret de chaque homme où sommeille encore l'enfant qu'il a ou n'a pas été mais profite de toutes les occasions pour tenter une sortie vers l'adulte. Remonter à sa source comme Moïse dans l'épisode du Buisson Ardent … comme les Mages parvenant à la Crèche : le lieu où se trouvait l'enfant. A partir de cette découverte, on ne peut plus rentrer en soi sans emprunter ce

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nouveau chemin. Jésus est présenté, non comme faiseur de guérisons, mais comme porteur d'une Parole qui devient thérapeutique … Parole à se réapproprier comme recours permanent de progression. "Tu es mon Fils : moi aujourd'hui je t'engendre" … trouve écho dans : "Ma fille, ta foi t'a sauvé". Le goût du sens, c'est percevoir la relation unique entre moi et les choses. La femme "est guérie et sauvée" … l'adhésion complice à la parole de Jésus valide et valorise ses potentialités humaines (guérie) et légitime simultanément sa prétention à "toucher" Dieu (sauvée). Une fois encore la recommandation est donnée de n'en rien dire … implique la transgression, le dépassement des consignes … le malade n'est considéré comme vraiment guéri que lorsqu'il franchit de lui-même les portes de l'hôpital. Guérisons au pays de Génésareth (Marc 6 / 53-56) Jésus met en valeur l'aptitude à l'auto-production : "Donnez-leur vous-mêmes à manger" (6/17). Le "vous-mêmes" est une indication thérapeutique fondamentale. Mais la permission de "donner du jeu au Je" que nous octroie la Parole neuve pour avoir accès à soi s'est vue soi-disant pervertie par le démon rampant de l'orgueil que des morales étriquées ont posté à tous les points d'accès à soi. Si bien que le "centre de soi" désinvesti de ses droits à exister, s'est replié jusqu'à n'être plus qu'un "centre de soin" = effacer la lettre "n" qui nie le soi. Les hommes que leur parcours n'a pas encore amené aux pierres de fondation que sont l'autonomie féconde (multiplication des pains) et l'audace d'un projet risqué (marche sur la mer) demeurent des errants à la merci de n'importe quelle récupération idéologique. Les personnes rendues malades par dévoration de la pression collective depuis l'enfance, ne peuvent prétendre réoccuper leurs espaces sociaux qu'une fois "remis en place". La place délimite une aire inoccupée, disponible, assortie d'une invitation à s'y établir. En tout lieu profond du cœur où pénètre la parole neuve, l'homme retrouve sa place, celle qui lui avait été masquée, dérobée, dissimulée depuis ses origines.

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La plupart des approches thérapeutiques contemporaines ont d'ailleurs bien compris que le premier stade contestataire de la maladie psychique consiste à faire sortir sur la place les problèmes dont on ne s'avouait jusque là ni l'existence, ni l'importance. Le second stade convie à l'exploration d'une nouvelle dimension de soi inédite, inviolée, enfouie comme un trésor au fond d'un très vieux château sur lequel on met la main par hasard avant de demeurer ébloui, incrédule devant un tel gisement de splendeur. Puis vient le temps d'apprentissage et surtout d'apprivoisement à l'état de nouveau riche et l'adaptation ajustée à ce qu'il exige de la part du bénéficiaire dès qu'il ose y porter la main. Le verbe "toucher" rappelle qu'il ne s'agit pas seulement d'un frôlement. Tocare : provoquer un choc, toquer à une porte … la confrontation avec la réalité met dans un état de choc qu'il faut accepter ("frappez et l'on vous ouvrira"). Affronter le choc indiquant que la barque vient d'accoster sur la rive, puis le dépasser en explorant le terrain inconnu, a pour effet de réveiller le Désir, de stimuler le suspense sur soi-même et l'émerveillement devant l'"état endémique de divinité" déposé en soi. "Jacob s'éveilla de son sommeil et dit : "en vérité Yahvé est en ce lieu et je ne le savais pas". Il eut peur et dit : "que ce lieu est redoutable ! Ce n'est rien moins qu'une maison de Dieu et la porte du ciel" (Gen 28 / 16-17). La peur n'est que la résonance causée en moi par le viol du sacré ou le percement du secret de mon origine : je suis de filiation divine. La peur accompagne fidèlement toute démarche de guérison authentique. Les appels réitérés de Jésus se résument à faire appel à l'autoguérison : "tu peux si tu veux. Il y a là conjonction entre le Désir de Dieu : "tu as la permission" et celui de l'Homme : " à condition que tu le veuilles". Pour peu que je me décide à rapprocher l'inapprochable : ma face humaine et ma face divine …. Il m'est demandé d'aimer Dieu et mon prochain comme moi-même sans établir de ligne artificielle ( ainsi qu'une tunique sans couture) de démarcation entre ces trois éléments. L'ensemble des guérisons évangéliques renvoie aux fondements radicaux de la Personne Humaine dans sa rencontre, son croisement (le chemin de croix) avec la Parole originelle, la Parole génétique touchant à la racine de son être. Croire ou ne pas croire "que je suis Fils de Dieu", telle est désormais la question. On peut dire qu'il n'y a véritable guérison que lorsque chaque expression de

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mon humanité s'accomplit en parfaite descendance de cette origine et en consonance avec l'anthropologie doublée, jumelle, humano-divine. La voix émise est alors unique parce qu'unifiée. La guérison ne consiste pas en une accumulation d'expériences réussies, reconnues … mais dans le fonctionnement interne et ajusté qu'elles engendrent au cœur de moi …. Réadaptation fonctionnelle dont le maniement nous est octroyé par le patrimoine génétique divin. Ajoutons encore que le lieu où Dieu rejoint l'Homme à son origine est vide … place à conquérir, à prendre en main ou par la main. Il n'est pas le néant mais un espace dans lequel se mouvoir. Dieu nous occupe par le vide. Seule l'idole trône sur le siège qu'elle occupe et refuse de partager, dessinant par sa position même, la vassalité de celui à qui elle s'impose. Dieu n'impose pas sa divinité mais la pro-pose : il la situe en avant, comme un objectif à atteindre. Jésus agira de même lorsqu'il ne laissera comme signe de sa résurrection qu'un tombeau vide. La place vide peut malheureusement s'encombrer par l'invasion d'une foule d'identités idolâtres et parasites que mon histoire s'empresse de forger pour masquer ce vertige ou cette "indignité" de l'espace sacré à investir. N'ayant plus la vision de ce lieu de lumière originelle, je ne suis plus capable de parler dans sa mouvance. Tout en moi est rempli comme une armoire bondée de laquelle je ne puis rien retirer sans risquer de tout faire tomber. Je fige alors ma démarche dans l'immobilisme requis pour ne pas ébranler le fragile équilibre et j'adopte une marche lente et raide comme quelqu'un qui transporte une pile de livres, en souhaitant qu'aucun mouvement intempestif ne vienne perturber le montage. L'idole occupe la place dévolue à Dieu. Dieu désoccupe la place en faveur de l'Homme. Guérison de la fille d'une syro phénicienne (Marc 7 / 24-30) … la réhabilitation "génétique et fonctionnelle" de Dieu au cœur de l'homme. Ils sont désormais inséparables comme une source se trouve tout entière dans le fleuve qu'elle fait naître tout en demeurant première dans l'engendrement. Faute d'avoir compris, cerné cette incapacité centrale, les hommes se sont trouvé livrés à l'éparpillement des éléments qui les composent et dont ils désirent préserver l'existence : les forces de l'esprit et de la raison, celles du cœur et des passions, celles des fonctions vitales organiques, sans être capables de les relier à l'Origine oubliée. Chacune des fonctions revendique le droit de régner sur les autres : c'est une atomisation de l'Etre dont chaque parcelle s'autodivinise. Mais l'éclatement tue la puissance opérationnelle de l'ensemble et chaque

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idole se réduit à un monument d'impuissance et d'inefficacité. La recherche des idoles est un premier pas que les hommes entreprennent vis-à-vis de Dieu. La scène de la femme intercédant pour sa fille relève de cette constatation. Elle est syrophénicienne de naissance et grecque de culture : elle rassemble symboliquement en elle tout ce qu'on peut trouver d'idoles dans la région … divinités inefficaces qui confisquent à leur profit des forces créatrices de la personne. Tout ce qui est donné aux dieux est retranché à l'homme. Ce type de croyance ampute celui qui s'y livre de son autonomie d'être. On trouve à nouveau la petite fille associée à la mère … petite fille comme l'enfance de la femme. Son enfance n'a été nourrie que d'un dieu déviant, inadapté, parcellaire qui rend toute progression réelle impossible par la tentation de tout diviniser. Elle peut tout juste se jeter aux pieds de Jésus = expression même du désir qu'elle a d'épouser le chemin ouvert par Sa parole dans l'histoire de celui qui la reçoit = assimiler Sa marche à son profit, avec la violence de celui qui arraisonne un navire en pleine mer. Remarquons d'abord que tout se joue autour d'une table : il y a le "dessus de la table" et les "dessous de table". Sur la table mangent les enfants ; en dessous, les étrangers. La répartition des convives se fait "sens dessus-dessous" … évoque le récit du second jour de la Genèse au cours duquel est créé le firmament qui sépare les eaux du dessus d'avec celles du dessous. On identifie le firmament à la Loi donnée par Moïse dès la sortie d'Egypte pour aider les Hébreux à discerner en eux la coexistence de deux pouvoirs : celui de Dieu toujours bénéfique (les eaux du dessus = la pluie toujours source de bénédiction en zone désertique) et celui des hommes caractérisé par son ambivalence, fait de l'ensemble des acquis, des connaissances, des possibilités d'agir et de mener son destin (les eaux du dessous symboliquement représentées par le Nil, lui-même ambivalent puisque signe de vie grâce à sa puissance d'irrigation et signe de mort puisqu'on y jetait les petits mâles hébreux dès leur naissance). Ces deux pouvoirs légitimes peuvent entrer en concurrence et même se combattre : afin d'en harmoniser les ressources dans une convergence bénéfique pour l'homme, Moïse prend conscience de la nécessité d'une Loi d'apprentissage qu'il écrira sur des tables. Mais ici, la table de la Loi n'apparaît plus comme la table de pierre, intransigeante, non négociable, mais comme une table de convivialité rassemblant ses enfants pour les nourrir de son enseignement = table "d'écoute" et d'école. Le repas des enfants "sur la table" désigne tous ceux qui font le choix d'un partenariat fonctionnel et constructif avec Dieu. Ceux qui sont "sous la table" représentent ceux qui n'ont pas eu accès à une

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claire connaissance de la loi de croissance et qui, de ce fait, sont livrés à l'éparpillement, à l'émiettement. Cependant, les miettes de pain n'en sont pas moins du pain pour autant. Mais leur dimension pulvérisée engage à ne leur reconnaître qu'une valeur nutritive limitée dont on se débarrasse. Les morceaux de pain du dessus de table sont aussi bien des miettes recomposées, réunifiée, reconstituées. Ce qu'on trouve sous la table est un témoignage incontestable qu'un festin se déroule au-dessus, donc un signe d'espérance = derrière leurs valeurs idolâtriques, les païens vivent de réelles valeurs humaines. Par exemple les pédagogies familiales ou scolaires ne doivent-elles pas viser à faire passer les enfants de dessous la table au-dessus d'elle ? Transiter de l'éparpillement du non-savoir, du caprice, de l'exploration discordante de leurs possibilités à laquelle s'adonnent des jeunes sans loi de croissance, à une construction intelligente de soi, motivée, féconde, unifiée. Il ne faut sans doute pas oublier, semble dire la femme à Jésus que les étrangers de dessous sont sans doute les futurs enfants du dessus. Si seule la méconnaissance de la Loi les sépare, ils peuvent tout de même se réclamer de la même nature, de la même origine divine les uns et les autres. C'est cette intuition qui déclenche le moteur de la guérison : la prise de conscience qu'une même humanité mange à la même table recto verso. Ces deux côtés opposés de la table font également résonner les deux faces de moi-même : celle du dessus, qui se "met à table" pour aborder consciemment la gestion des références qui me font vivre et celle du dessous, non encore émergée à la conscience et qui tire à hue et à dia dans toutes les directions où se manifestent ses besoins à satisfaire sans délais. Nous sommes tous porteurs sains d'une pureté potentielle qu'il nous appartient d'étoffer, de concrétiser, d'exprimer à tous les stades de notre développement. Les balbutiements païens sont tout à fait compatibles avec l'esprit de recherche que Dieu attend de l'Homme. L'incapacité morbide de percevoir cette évidence et de laisser le désir s'en emparer (ou de s'en parer) s'appelle l'impureté. L'expression "retourner dans sa maison" = elle ne retourne pas chez elle mais en elle et elle "retourne tout" dans sa maison, tout comme la femme à la recherche de sa drachme perdue. Elle est en fait toute retournée d'avoir découvert elle-même la clef de son problème et elle se retrouve sur le lit, c.à.d. comme quelqu'un qui se réveille de sa nuit et s'apprête à se lever. Le retour est ici un retournement de situation : le lit de mort se métamorphose en lit nuptial (cf Cant. des C. 1 / 16 …"notre lit n'est que verdure" déclare la fiancée à son amoureux. = renvoie au lieu même de la conception de l'Homme par Dieu : "Avant même de te former au ventre maternel, je te connais" (Jér 1/5) On pourrait oser la formule qu'avant même d'être "formé" par le couple parental, l'homme est le fils d'un "premier lit" : celui de la pensée de Dieu,

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unique pour chacun d'entre nous et reflet authentique de son Etre. … la femme aussi retrouve la première enfance de son Etre où aucun démon n'a accès. Guérison d'un sourd bègue (Marc 7 / 31-37) Le territoire commun des réalités humaines dans lequel Jésus ne cesse de passer est celui de la Décapole (dix villes). On entrevoit la guérison probable de dysfonctionnements humains entraînés par des visées politiques mal ajustées …. Cacophonies de voies multiples qui se mêlent sans s'entendre ("on ne s'entend plus ici"). Rien ne peut donc progresser. Apparaît alors le malade-symbole : un sourd qui parle difficilement. Il représente l'Homme assourdi en lequel l'écho et la conduction interne du "Je suis" divin sont rendus inaudibles à cause de la foule (des événements, des impressions, des passions, des obstacles, des doutes, des questions, des angoisses …). C'est une invasion qui le dépossède intégralement d'une parole sensée. Il suffoque sous la pression de langages imposés (discours politiques, religieux, publicitaires, idéologiques …) qui en le possédant, le dépossèdent de lui-même. D'où, première attitude pédagogique : l'amener hors de la foule inhibante … le "dé-fouler". C'est la reproduction du premier geste créateur de Dieu au livre de la Genèse : la séparation d'avec les matrices fusionnelles. Toi, sans la foule qui te conditionne, qui es-tu encore ? Le second geste thérapeutique : il lui met les doigts dans les oreilles … lorsque je me bouche les oreilles en émettant des sons, je n'entend plus que mon unique voix. Jésus restitue à l'Homme l'audition intérieure de sa propre voix. Simultanément, il lui met de la salive sur la langue. Le malade est touché à la langue, c.à.d. à l'outil destiné à faire résonner la voix qu'il entend en lui. A partir du moment où je me reconnais comme être parlant, mon langage cesse d'être desséché et ma voix se délie des contraintes de l'interdiction. La salive me rend symboliquement la faculté de parler une langue personnelle irremplaçable : c'est l'antidote de la "langue de bois" non humidifiée. Je me réapproprie ma source intérieure comme celle qui féconde un jardin en l'humidifiant. C'est le droit à récupérer mon "accord(e) vocal(e)". Si le Langage neuf de Jésus redonne accès à la voix, c'est parce qu'il attend de chacun une parole appropriée, inimitable puisqu'elle part de l'intuition profonde, de cette "petite voix" intérieure à l'écoute de laquelle je deviens attentif. Le comportement de Jésus jaillit d'une conviction intime puisée dans l'histoire de l'Homme hébreu : " Ma colombe cachée au creux des rochers, en des

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retraites escarpées, montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix car ta voix est douce et charmant ton visage" (Cant. des C. 2/14). Osons rapprocher l'oreille de l'os du rocher qui la supporte. Tu t'es laissé imprégner d'enseignements pétrifiés qui te rendent sourd. Ose prendre le large et fais moi entendre ta voix. Une voix qui manque dans le concert de l'Humanité crée un vide profond et angoissant qui ne sera jamais comblé par quelqu'un d'autre. Une simple voix sans Parole n'est qu'un instrument de musique sans partition. La privation de parole, acquise ou imposée, creuse des cratères de silence, de mutisme, au mieux des brouillages de l'expression personnelle au sein de la société qui rendent difficilement perceptible à cette dernière la présence divine. Son geste, Jésus l'accompagne d'un gémissement et d'une Parole simple "Ouvre-toi" … tout en levant les yeux au ciel. On sait que dans le code des sept clefs que l'on trouve au premier chapitre de la Genèse, le ciel représente la Loi. Il regarde donc vers la loi, tout en gémissant. On peut gémir pour se plaindre parce qu'on souffre d'un mal quelconque ou bien parce qu'on accouche. Jésus aide le sourd à un accouchement difficile auquel l'Homme ne croit plus: tu as droit à ta propre Parole, la Loi t'y autorise et t'y encourage … regard tourné vers la Loi de libération dans un clin d'œil de connivence. Dans un premier temps, on pourrait s'attendre à ce que la Parole

d'ouverture s'adresse aux oreilles et à la bouche qui semblent seules touchées. Mais c'est l'Homme en personne qu'elle atteint : "Ouvre-toi". C'est lui qui est fermé, ses organes sont en parfait état de marche … conditionnés seulement par la commande centrale. La foule des conditionnements pousse l'Homme à se refermer sur lui-même par protection réflexe puis par habitude, enfin par facilité. Les pouvoirs officiels favorisent ainsi une sorte d'autisme spirituel rendant chacun sourd à soi-même et muet devant son angoisse. D'un autre point de vue, l'ouverture appelée par Jésus est comparable à celle de la femme qui s'ouvre pour livrer passage à une vie neuve qui sort d'elle-même. Les oreilles et la langue sont "touchées" par le message "accouche". L'attouchement provoque l'accouchement. Une parole n'atteint son véritable objectif thérapeutique que lorsqu'elle suggère et suscite l'expression enfin personnalisée de quelqu'un. Les discours officiels adoptent le profil inverse : ils s'ingénient à "faire rentrer" leur message dans la tête de l'auditeur … de ce bourrage de crâne proviennent l'assourdissement, le silence résigné, l'anémie de l'intelligence, enfin les départs silencieux.

Dans un deuxième temps, "ouvre-toi" peut se lire autrement. La première interpellation relevait de l'autorisation et de la légitimité à se rendre disponible et fécond.

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La seconde phase en appelle à la seule responsabilité de la personne : "c'est à toi d'ouvrir" … "si tu n'ouvres pas toi-même, personne ne pourra le faire à ta place" …. " Voici, je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi" (Apoc 3/20). Seul celui qui est à l'intérieur a le loisir et le pouvoir d'ouvrir. L'Homme est quelqu'un de passionnément habité et la conscience de cette réalité lui permet de trouver la parole pour le dire.

Une troisième piste, en écho à l'audace de Noé : "Ouvre-toit" par laquelle il s'était reconnu le droit de faire une percée dans la Loi dont le toit de l'arche était le substitut …. Il ouvre son bateau par le toit et non d'abord par la porte. Il ose ainsi écarter délibérément la loi de son chemin une fois qu'elle a accompli en lui son œuvre de structuration.

Quatrième éclairage d'un mot à double entrée : ouvrir et ouvrer.

Le premier a donné ouverture, le second produit l'ouvrage. Ouvrer c'est œuvrer, travailler à soi-même, faire de son propre destin non une procession résignée derrière des porte-paroles omnipotents, mais un projet ouvragé parce que pris en main sous toutes ses incidences. Il s'agit d'une ouverture ouvragée par les soins du propriétaire.

On notera que le terme "dénouement" de la langue est très voisin du "dénuement" à un petit "o" près qui change toute la donne : la lettre "o" est celle que forme la bouche lorsqu'elle s'ouvre enfin sur un désir de parler. Symboliquement le "o" représente l'ouverture des puits par Moïse et d'autres. Le désarroi du sourd-muet est proche d'un dénuement de l'esprit : le droit d'ouvrir lui-même la bouche dénoue le drame. La langue nouée trébuche sur les "mots" devenus "nœuds" (terme qui a donné névrose), engendre un langage figé, non modifiable, non amendable … mort. Guérison d'un aveugle à Bethsaïde (Marc 8 / 22-26) Au sein des méandres de l'histoire de chacun se sont accumulées des alluvions dont l'entassement a dégradé l'approche intuitive du Dieu de vie en savoirs codifiés, lyophilisés, voire pétrifiés et insipides. Il devient alors impossible de "voir", c.à.d. d'avoir une vision claire d'un Dieu qui par définition ne peut se réduire à aucune formulation. Ce que l'on sait "sur" Dieu empêche d'arriver jusqu'à lui. L'aveugle-symbole a un besoin primordial d'être touché. Quelqu'un que rien ne touche demeure dans l'insensibilité et l'immobilité : froid, impassible, incommunicable telle une statue. Le toucher est l'expression d'une parole reçue de tellement près qu'il m'est impossible de placer une distance ou une défense entre son émission et

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l'impact qu'elle produit en un point central de moi. L'accès au contact immédiat, sans doctrine ou interprètes imposés, réduit les risques d'erreur en conservant la saveur originale du message. Les intermédiaires n'ont d'autre rôle que de préparer les destinataires à la rencontre sans médiation avec leur Dieu. La tentation est forte de se substituer à Lui sous le fallacieux prétexte que Sa lumière ne peut être assimilable que tamisée, adoucie, réfractée par d'innombrables prismes doctrinaux, moraux, théologiques … Une fois encore est revendiquée l'abolition, non pas de la différence, mais de la distance entre Dieu et l'Homme. Après l'avoir mis, lui aussi, hors du village, Jésus renouvelle le geste de la salive sur les yeux. Symbole humidificateur de la "langue de bois" (précédente guérison), la salive s'avère également porteuse d'effet sur les "regards de bois". Ces regards-là ne s'appuient que sur des repères fixes : les arbres …et ne seront capables de voir que la poutre dans l'œil du voisin. Les arbres, présentés dans la Genèse comme le symbole des expériences menées à leur terme issues de la terre d'enracinement des hommes (Gen 1/11), assurent des repères nécessairement fixes pour celui qui se déplace avec hésitation dans son existence. Mais ils peuvent se muer en durcissements idéologiques = ce sont des "repères" devenus "repaires". "Aperçois-tu quelque chose" ? Ce n'est pas : vois-tu mais seulement aperçois-tu. Car pour voir, il est nécessaire d'abord d'a-percevoir : c'est le droit à percer. La vision globale et nette n'est possible que si je m'autorise à percer le mystère et, avant lui, les obstacles qui le dérobent à mes yeux. En ce sens, les enseignants dont l'insuffisante approche personnelle du Dieu vivant le dérobent aux yeux de ceux qui veulent le "voir", sont qualifiés de "voleurs et de brigands" par Jésus = "dérober-cacher" devient "dérober-voler". Cacher à quelqu'un ce à quoi il a droit revient à le lui voler. L'aveugle "aperçoit les gens" : il perce l'opacité de leur apparence sociale, psychologique, admise, courante, pour atteindre en eux l'essentiel. Les points de repères que j'avais intégrés comme étant indépassables, se mettent à bouger. La vie ne relève pas d'une progression d'arbre en arbre auxquels je demande de garantir ma progression, mais d'un mouvement inventif issu du lieu indomptable de moi-même : ma filiation divine. Les gens sont perçus comme des arbres : c'est le passage d'une certaine anthropologie (vision de l'Homme), que la culture a contribué à fixer puissamment dans mon esprit, à une autre façon de l'envisager. L'Homme du vingt et unième siècle n'est pas celui du Moyen âge. Les points de repère de l'évolution humaine sont mobiles ; s'il faut les garder en mémoire, il n'est pas nécessaire de s'y accrocher comme à des bouées de sauvetage.

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S'il en est ainsi pour l'homme, ses relations à Dieu sont également sujettes à révision constante. Le Dieu que je fréquente aujourd'hui n'est sans doute pas le même que celui qui me séduira ultérieurement. Oser percer pour mieux perce-voir … la véritable vision divine ne nous est donnée qu'à condition de percer de part en part les images précédentes constituant l'apprentissage de "celui qui commence à voir" (Marc 8/24). "Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé" (Jn 19/37). Le dernier regard ne s'arrête même pas sur Jésus mort, mais le traverse en le transperçant pour pressentir son nouveau statut de ressuscité. Le coup de lance ouvre en fait une serrure par où la vison du disciple franchit l'invraisemblable. Je ne peux accéder au vin nouveau sans mettre le tonneau "en perce" et du même coup le fragiliser lui aussi. Aperçois-tu signifierait : te donnes-tu le droit à percer ? Jésus engage l'aveugle à passer des repaires immobilisants (parole réductrice et nivelante des groupes) aux repères mobiles pour accéder à "l'heureux Père". Tandis que la réponse a pour effet d'obturer, de clore la recherche et la curiosité de l'esprit, la question permet de creuser, de forer, d'affiner les perceptions et les convictions en suscitant l'insatisfaction, la continuité de la quête en ouvrant sur un chemin à poursuivre … maintient en éveil. La totale guérison n'est obtenue qu'au bout d'une seconde imposition des mains comme si la première n'était qu'une première condition : accéder à la vision intérieure. Mais si celle-ci ne se traduit que par un aperçu des choses, elle devient franchement insuffisante. Apercevoir n'est pas équivalent à voir. La seconde imposition des mains renvoie l'Homme en recherche à puiser suffisamment loin en lui afin d'acquérir à coup sûr la distance d'un jugement qui lui permettra de voir nettement et de loin. Mais le terme "a-percevoir" supporte également un autre sens : celui de "recevoir". Que perçois-tu du monde après l'avoir percé ? Tu perçois une qualité de contemplation selon la puissance que tu mets à la perce-voir. Le second symptôme de guérison parle de rétablissement. Rétabli signifie être stabilisé, remis à table. Celui qui n'est pas admis à table porte ce rejet comme un signe d'exclusion : exclu des tables de négociations, des tables d'opérations, des tables de communion, des tables rondes et des tables familiales = quelqu'un sur les compétences de qui on ne peut plus "tabler". Ré-tablir équivaut à re-tabler. La réinsertion sociale mais aussi humaine et spirituelle suppose une capacité de se rasseoir à toutes ces tables. On ne peut pas ne pas penser ici aux tables de la Loi … celles du partenariat engagé entre Dieu et l'Humanité. La Loi de croissance reprend tout son poids

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pour celui qui s'autorise à la considérer d'un regard perçant et personnalisé. La Loi passe d'une contrainte imposée à un contrat proposé. Jésus renvoie l'ancien aveugle chez lui, c.à.d. en lui. S'il doit entrer quelque part, c'est bien en soi et non dans les autres. Vivre parmi les autres est différent d'habiter chez soi, de s'habiter soi, de s'habituer à soi. Le démoniaque épileptique (Marc 9 / 14 - 29) Le fils malade, réduit à un objet dénué d'indépendance, avec lequel le dialogue semble impossible, devient l'image de ce Fils unique, d'essence divine qui gît au fond de l'Humanité. "Avant même de te former au ventre maternel, je te connais et te projette" (Jér 1/5). Le personnage du Fils qu'il appartient à chacun de nous de revendiquer de par sa naissance, se trouve ainsi en parfaite claustration … image repoussante, muette, sourde, n'émettant que des sons inarticulés et se roulant à terre, c.à.d. incapable d'assumer son existence. C'est ce Fils qui se trouve être mis à mal "depuis son enfance". Le contexte dessine le contour d'un cercle fermé : la foule entoure les disciples, les enclosant dans une situation apparemment sans issue. A l'intérieur la parole circule, tourne en rond sans progression. C'est la description d'une situation humaine bloquée, codifiée, ritualisée = aucune ouverture en vue. "Je t'ai apporté mon fils…" = amener vers la porte (étym du mot porter), peut- être pour le déporter, le jeter à la porte de moi-même …. "personne-alitée" affligée d'une cassure de l'Etre qu'évoque le mot coupé en son milieu. Comment guérir d'une telle blessure ? Les disciples n'ont pas suffisamment intégré la puissance de métamorphose de la Parole Neuve pour l'employer à bon escient et leur intervention avant de devenir Parole percutante passe par un stade préliminaire : celui du discours inopérant : "De quoi disputez-vous avec eux" ? "Dis-putare" marque étymologiquement un éloignement, voire une dissolution de la pensée qui tourne en rond. La porte est une brèche ouverte, soit pour éjecter un élément perturbateur et retrouver la sécurité première, soit pour prendre le risque d'un espace et d'un questionnement nouveaux. Ouvrir une porte, c'est aménager un blanc dans un texte qui va rendre ce dernier intelligible. Le blanc ménage une place à la pensée personnelle. Un discours sans faille est toujours signe d'une grande fragilité du système ou de la personne qui le produit. Lorsqu'une époque se méprend sur l'Origine de l'Homme, elle devient incompétente pour en rendre compte à l'Histoire. Elle ne peut rien en dire de

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cohérent ou de consistant. C'est la portée symbolique du texte qui parle " de se jeter à terre, d'écumer, de grincer des dents et de devenir raide (v. 18) suggérant l'image d'une parole monstrueuse, bredouillante, pathologique. Au lieu de se révéler comme un lieu de sens, la bouche se tord sous le vide d'une "non-parole" : l'écume évoque un discours qui s'échoue sur une plage. Les dents, symbole de l'aptitude à se saisir d'une réalité pour la broyer, l'analyser, la réduire en éléments assimilables, ne saisissent rien du tout mais s'épuisent les unes contre les autres en "grains-sang", faute justement de grain à moudre. La bouche, lieu d'une triple opération : parole, nourriture et tendresse se voit totalement niée dans son rôle prophétique d'énoncer le sens. La prière elle-même disparaît dans la tourmente puisque l' "ad-oration", issue du verbe ad-orare : porter à la bouche, est devenue impossible. Pour finir l'enfant devient raide : le personnage central du Fils prend l'allure compassée d'un David rendu incapable de se mouvoir du fait de l'énorme armure qu'on lui impose dans un souci compréhensible de sécurité (1 Sam 17 / 38-39). La clé de la guérison se laisse entrevoir par le biais du mot porte, prononcé quatre fois : apporter (trois fois) et supporter. Jésus s'est attribué l'image de la Porte (Jn 10 / 7 à 9). Une institution sans murs de soutènement ne serait qu'une passoire évanescente mais sans les portes, elle se réduit à une maison d'arrêt. "Engeance incrédule …" "Jusqu'à quand serai-je auprès de vous et jusqu'à quand vous supporterai-je" ? … jusqu'à quand serai-je la porte de secours dressée entre vous et celle que vous n'osez pas ouvrir de vous-même ? Suit une sorte de "bousculade aux portes" : "…vous sup-porterai-je … ap-portez-le moi … ils l'ap-portèrent". La démarche à accomplir consiste pour tout homme à porter sa dimension divine oubliée jusqu'au Moi, jusqu'à l'affirmation proclamée qu'elle fait partie intégrante de sa personne qui transite alors de la "personne-alitée" déchue à la "personnalité" reconnue. Le Moi dont il est question ne désigne pas le support simplement psychologique d'un individu, mais la convergence du courant humain et la source divine au cœur d'un destin personnel. Face à la Parole neuve qui lui parvient, l'enfant muet et sourd ne dispose d'aucun autre langage que le sien pour lui répondre = manifestations désordonnées : il ne fait que parler la langue à laquelle on l'a réduit. Le verset 22 insiste sur la fragilité de l'image divine en chacun : " Souvent il

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l'a jeté soit dans le feu soit dans l'eau pour le faire périr". L'eau indique l'impuissance à faire de sa vie une terre émergée avec menace d'enlisement et de renoncement par noyade (se sentir liquidé ou liquéfié). Le feu par contre, exalte le côté passionnel, clairvoyant, convaincu, de celui qu'habite un esprit totalement renouvelé. La suite du verset 22 : "Si tu peux quelque chose pour "nous", viens à notre aide", suggère le transfert symbolique du cas de l'enfant au plan collectif. L'éventualité du "si tu peux" utilisé par le père entraîne en écho le "Si tu peux" repris par Jésus. Autrement dit, tout dépend de toi. Jésus lui renvoie son souhait, ardent mais dépendant, transféré en pouvoir à sa disposition. Tout devient possible à celui qui vit sa condition d'Homme jumelée à sa face divine, comme une affiche adhérant pleinement à son mur porteur. L'action divine démontre que sans l'intervention plénière de son désir d'Homme et des moyens qu'il se donne, elle se trouve réduite à l'impuissance. La réponse du père : "Je crois mais viens en aide à mon peu de foi" abonde dans ce sens = accorde ton secours à ma foi pour qu'elle aille au bout de sa logique d'auto guérison dont ma démarche vers toi constitue le premier pas. L'enfant ne va pas guérir par inoculation d'un esprit nouveau qui viendrait couvrir ou remplacer l'ancien … Jésus va s'employer à lui faire abandonner un état d'esprit qui n'a désormais plus sa place dans un personnage touché par une Parole divinatrice qui lui restitue sa véritable valeur. Il lui indique une porte de sortie à sens unique. C'est celle de la "ré-uscite" (de uscita : la sortie, l'issue) qui consiste à trouver l'issue des problèmes qui nous engorgent et nous empêchent de parler correctement. C'est dans l'art de découvrir les issues que se constate la réussite. Mais l'imprégnation de notre supposée indignité à accueillir la divinité est telle qu'on finit par l'entériner comme fondement même de toute constitution humaine et surtout la seule qui plaise à Dieu. Elle ne peut sortir de nous qu'avec violence (v. 26) et provoquer un séisme qui s'apparente à un déchirement intérieur entre un vêtement et sa doublure, même si cette dernière s'avère de mauvaise qualité. Elle se présente comme un vomissement (l'écume sortie des lèvres), le rejet brutal de tout un contenu non comestible ingurgité en des années d'apprentissage irresponsable de notre métier d'Homme, gauchi dès l'origine par un enseignement suspect. Et si l'ensemble de ce qui m'a déstructuré depuis mon enfance m'abandonne un beau jour, il ne me reste rien d'autre qu'un vide angoissant, très proche des apparences de la mort (v.26). La perspective d'un recommencement à partir de ce vide pèse bien peu de

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choses en comparaison de tout ce que je dois abandonner même s'il s'agissait d'une histoire frelatée. D'où les immenses tergiversations jalonnant une route de conversion jamais évidente. Mais le vide n'est pas le rien. Faire le vide, c'est aménager un espace qui va permettre au germe divin confiné à l'étroit sous la férule de doctrines raidies, de bouger pour renaître. La place se dégage enfin pour permettre la libre circulation d'un Moi jusque là gardé à vue. Le prenant alors par la main, c.à.d. lui remettant en mains propres la gestion de son destin, Jésus le relève et le remet debout : c'est le symptôme le plus adéquat du ressuscité : de "suscitare" = se mettre debout. Pour parvenir à ce dénouement, l'enseignement ne suffit pas à lui-même : il faut encore le prier, c.à.d. le passer par la bouche (orare = prier), lieu où s'associent parole, nourriture et tendresse. L'aveugle de la sortie de Jéricho (Marc 10 / 46-52) " Or Jéricho s'était enfermée et barricadée contre les Israélites : personne n'en sortait et personne n'y entrait". La ville devient symbole de l'enfermement protectionniste contre toute tentative de renouvellement. Le fait plusieurs fois relaté de sortir un malade de la foule, de le protéger de la ville ou d'un village milite toujours en faveur d'un désenclavement institutionnel trop étroit. Une allusion à la Genèse éclaire davantage la situation : c'est celle que suggère le personnage de Noé dont toute la métamorphose se situe entre sont entrée dans l'Arche et sa sortie. Il prend tout le temps de faire l'inventaire des puissances qui l'habitent afin de s'appuyer désormais sur elles et non plus sur le support provisoire et sécurisant de l'Arche. Le texte insiste sur l'importance de la sortie avec tout son contenu : tout doit sortir afin de vivre et pulluler (Gen 8 / 15-19). La foule … le texte la qualifie de considérable : elle renvoie à la cohue des divers personnages qui se disputent la conquête et la maîtrise du Moi en chaque individu. Un seul personnage brouille les carte et porte la contradiction : c'est cet aveugle déjà sorti de la ville apparemment par ses propres moyens et donc détenteur d'une autonomie acquise malgré son handicap. Il symbolise l'une des composantes essentielles de ma personnalité spirituelle : fils de sang royal … mais je ne parviens pas à me voir en roi et je ne crois pas au "trésor de la couronne" qui me revient de droit, en tout cas pas au point

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de lui mettre la main dessus pour l'investir. Cet épisode intervient juste avant l'entrée de Jésus dans le Temple : lieu symbolique où l'Homme s'érige dans toute sa stature sous l'effet de l'Etre divin qui l'envahit. Là où le prophète Samuel révèle que David était dans le Temple mais que les boiteux et les aveugles n'y entreraient pas (2 Sam 5 / 6-8), Jésus dépasse David comme un fils se le permet par rapport à son père. L'aveugle va apprivoiser sa guérison en obtenant "gain de cause", autrement dit le droit de "causer" : son cri "perçant" traverse le mur isolant de la foule. Il est assis "au bord" du chemin, dans la marge, dans l'attente mais pas encore dans l'engagement résolu. Pas plus en cette histoire, le patient ne cherche à être soigné ou même guéri … mais sauvé. Les guérisons passent par deux phases distinctes :

La première semble reçue comme un don dont la personne n'est pas responsable : Jésus remet simplement en place, par une Parole ajustée à la stature de l'enjeu, le fonctionnement disparu ou atrophié de rouages essentiels à l'humanisation des gens = volet de guérison passive qui ne fait que remettre le patient en phase avec ses propres moyens de survie dont il se croyait démuni … phase de médicalisation joué par l'infirmerie et son personnel soignant lors d'un première prise en charge maintenant le malade dans une dépendance provisoire. Cette première étape en appelle une seconde, car le lieu et la fonction de l'infirmerie constituent une ambivalence redoutable. Ils induisent insidieusement un état de dépendance passive dont la prolongation signifierait que seule, une guérison assistée demeure possible, telle une prothèse prouvant par sa seule présence l'impossibilité d'un rétablissement total.

La seconde étape se reconnaît donc dans la récupération totale de ses moyens pour assurer une prise en charge autonome de son destin. On pourrait dire en somme que la guérison active commence à partir de la guérison obtenue, au moment où le malade franchit seul la porte de l'hôpital en direction de l'extérieur : il franchit son lieu de guérison pour celui de son salut. Jésus ne dit pas qu'il vient de guérir l'aveugle mais que sa foi l'a sauvé. Jésus lui rend l'autonomie capable de se mettre en chemin à sa suite et non pas dans son ombre. C'est le Salut, c.à.d. la Santé totale de l'Humanité, appelée à faire confiance à toute la dynamique divine qui l'habite, que vient

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promouvoir la Parole neuve … appel d'air sur son passage, un vide, une question, un mouvement qui remonte des espaces mythiques et mystiques où la Vie murmure inlassablement que Dieu fit l'Homme à son image.

"Appelez-le, on appelle l'aveugle, courage, il t'appelle". Ici Marc insiste sur le terme "appel" trois fois cité. Jésus n'appelle pas directement l'aveugle mais demande aux personnes présentes de transmettre l'invitation. C'est l'injonction adressée aux mille personnages qui m'habitent de faire appel à celui auquel tous veulent imposer silence. Faites venir au jour le personnage royal que vous reniez depuis si longtemps. Le terme appeler (du latin : pellere : pousser) supporte l'ombre portée d'un autre mot : pellis qui veut dire la peau. Ad-pellere : appeler : amener vers une nouvelle peau. Inter-peller : placer une peau intermédiaire. A nouveau, Jésus n'exige aucune soumission ou engagement préalable ; ce serait mettre le "Je" de chacun en liberté conditionnelle en exigeant une réciprocité que les hommes n'hésiteraient pas à lui consentir … ils retomberaient ainsi dans une nouvelle dépendance pire que la première : celle de la reconnaissance affective entravant le destin libre du Moi. "Que je recouvre la vue", rappelle cette exigence en fin de parcours : permets que je ne perde pas de vue l'Image Originale de Dieu que tu es et que tu ne cesses de raviver en moi. L'ultime tentation serait de s'arrêter à une Parole neuve qui ferait tout "pour" moi alors qu'elle désire accomplir tout "en" moi. A propos de la Résurrection " Si tu veux, tu peux". Il empêche l'esprit de s'endormir sur ses conquêtes en lui faisant faire l'expérience de l'extrême, en lui prouvant que les limites ne sont pas des limitations. "Re-susciter" des élans inespérés là où un point de non-retour semble être atteint = stratégie de croissance. Celui qui s'en va laisse un trou, un vide correspondant à la place qu'il occupait. Le vide du tombeau signale que la place est vacante et donc à prendre … alors qu'un cadavre demeure pesamment sur place. Le mort comble le trou : celui-ci se remplit du mort et clôt ainsi définitivement l'histoire du défunt.

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L'auteur a quitté la place du mort pour laisser un vide, une place à l'interrogation, à l'investigation, au jeu de la recherche. La place vide du tombeau devient une place à occuper : c'est ce que feront Pierre et Jean lorsqu'ils y entreront. Jésus tente d'apprivoiser notre panique de l'absence. Il opère donc sans être là, car il est ailleurs, conformément à son "Nom" dont l'étymologie hébraïque précise qu'il se compose de deux racines : l'une = "ici" et l'autre = "là-bas". Porter un nom c'est accepter d'aller constamment d'un "ici" à un "là-bas". La réalité divine dans l'Homme n'est qu'une absence qui se cherche. Une pédagogie de guérison ajustée comporte inévitablement l'aménagement d'environnements libres de toute domination étrangère dans le devenir du patient. Extérieurement et intérieurement, celui-ci a besoin de vide ambiant pour laisser sortir ce qui maintenait en sommeil son Moi qu'il considérait comme mort. A sa naissance, un enfant vient d'un "ici" pour aller vers un "là-bas" et ne laisse en mémoire à sa mère qu'un vide et un placenta désormais inutile qui a rempli son office : libérer plus grand que soi. La différence entre les parents qui attendent l'enfant à sa sortie et des croyant face à la résurrection, c'est que les premiers se situent résolument au delà du ventre maternel dont le vide ne les effraye plus. "S'usciter" soi-même, choisir et franchir ses propres issues paraît comme le sommet d'une démarche de guérison. L'Homme à la recherche du Sens de sa vie est poussé à "s'usciter" en permanence. Pour que la résurrection devienne plausible et opérante au quotidien, la foi du croyant doit réorienter sa cible, la déplaçant du tombeau à ceux qui parviennent à en sortir. La résurrection se "tient entre" la trajectoire de l'Histoire humaine et celle de l'Inspiration divine. Inspiration vient de "spirare" : respirer. La résurrection = relire et respirer l'Histoire de manière renouvelée ? Pour l'Histoire, le tombeau est le lieu où l'on inhume les personnes. Pour le Ressuscité, il est le lieu dont on les exhume. Les quarante jours (chiffre symbolique = quarante semaines que le fœtus passe dans le ventre de sa mère) traduisent toujours le temps qu'il faut pour permettre à un homme de vivre l'étape immédiate qui le conduira à la suivante. Il s'agit toujours d'un temps d'apprentissage. Ma seule aptitude à rendre compte de la Résurrection est d'exposer publiquement ce qu'il a fait de moi.

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Guérir de nos religions ? "Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel ; ce que tu déliera sur la terre sera délié dans le ciel" (Mt 16/19). L'usage de clefs laisse ouvert le recours au changement. L'usage d'une pédagogie de croissance est faite pour dénouer, déculpabiliser, désencombrer, désangoisser … elle délie les voies humaines encombrées de malfaçons. Par contre, ajoute Jésus, tu peux également t'en servir pour restreindre, fermer, verrouiller, étriquer, lier : sache seulement que les résultats des deux exercices sont inscrits au ciel = c.à.d. qu'ils prennent valeur de loi pour des hommes, sous lesquelles, soit ils s'épanouiront, soit ils régresseront. Le critère d'authenticité de toute religion devient le don qu'elle fait de ses secrets de croissance à celui dont elle n'ignore pas qu'ils le mèneront plus loin que ses sentiers balisés.