ARTICLE LE SOIR

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Article sorti dans LE SOIR à propos du dernier roman de Vincent Engel : LA PEUR DU PARADIS

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Comme une symphonie quiaurait cinq mouvements,comme une grande ode,dont les chants auraientpour thèmes lamer, les om-bres, les pierres, le vent et

la plage, comme un retable aux cinq pan-neaux. La peur du paradis, le nouveau ro-mandeVincent Engel, appelle ces référen-ces amples, sereines et puissantes. Il nenous avait plus donné, depuis sonmagnifi-que Oublier Adam Weinberger, un texteaussimaîtrisé, qui jamais ne déçoit l’atten-te, mais parvient au contraire, sur la lon-gue distance – ce qui n’est pas donné àtout le monde – à maintenir une tensioncontinue, et parfois bouleversante.Dans trois romans déjà, il nous avait

plongé dans cette Italie qui le passionne.Voici la quatrième étape de ce périple, quia l’âpreté d’un filmdes frères Taviani, d’au-tant que l’écrivain emprunte beaucoup aulangage cinématographique, avec ses vues

d’ensemble et ses gros plans, ses superbesralentis et ses brutales accélérations. Lapeur du paradis est orchestré avec brio, etrelève quelques redoutables défis.L’argument, comme on dit d’un opéra,

est des plus simples. Un amour surgi dèsl’enfance, et dont il ne nous est pas signifiéclairement s’il s’accomplira jamais, unitdans la séparation répétée Lucia et Basi-lio. Elle, la petite fée aux origines mysté-rieuses, lui, le jeune pêcheur de ce hameaudes Pouilles, San Nidro, à pic sur la mer.Rien ne devrait s’opposer à leur union,

et pourtant les forces maléfiques vont secoaliser contre eux, que ce soit l’Eglise, enla figure du répugnant Rosario, ou le pou-voir, incarné par le très équivoque Forza.L’énoncé de ces noms révèle déjà leur di-mension emblématique. Engel ne se refu-se aucun des artifices susceptibles de con-denser et de renforcer son propos.Comme il use de tous les procédés tradi-

tionnels du roman, sans lamoindre vergo-gne, avec jubilationmême. Il inscrit le des-tin fatal de ses héros dans le contexte del’Italie tragique des années vingt à quaran-te, et quoiqu’en ce talon de la botte l’onsoit au bout du monde, la folie politiquepèse sur le sort des hommes.Tout fait farine au moulin de l’auteur

qui joue des malentendus et des qui-proquos comme le ferait un feuilletonis-te, mais avec la lucidité historique dudernier Giono et, quelquefois, sa puissan-

ce lyrique.Un livre brûlant comme le bûcher qui

l’inaugure et qui le clôt, porté par l’amouret la colère, qui s’adjuge le souffle de la tra-gédie et l’envergure de l’allégorie. Il ne pa-

raît pas si souvent un ouvrage de cettegénérosité de talent et de vision dans no-tre littérature pour qu’on ne le salue pascomme un événement. JACQUES DE DECKER

Q uand Marcel Moreauparle de l’écriture, ilmet une majuscule aumot Verbe. C’est bien le

moins : Quintes, son premier ro-man, était un livre à ce point pos-sédé qu’une douzaine de méde-cins de son Borinage natal le dé-clarèrent bon pour l’interne-ment. Ce jugement, qui ne se fon-dait peut-être pas sur undiagnos-tic fiable, intervenait, il est vrai,en fin de banquet…Toujours Marcel Moreau s’est

senti enmarge, en raison à la foisde ses excès et de sa discrétion.La langue n’est certainement paspour lui un sujet de plaisanterie.Il s’y plonge physiquement, trou-ve le rythme, lutte contre les en-traves dans une saine fureur quifait de lui un extrémiste peu apteà être classé dans une catégoriefréquentée par le grand public.Chaque fois qu’il commence

un livre, on croit comprendre où

il veut en venir. Et on se trompe.Avec Des hallalis dans les al-léluias, il semble revenir sur sa« carrière » (le mot est malheu-reux, mais quel autre ?), d’autantque le sous-titre, entre parenthè-ses, annonce un « Regard surune vie secouée de Verbe, outreses mouvements de bascule enun abysse fait Femme ». La ré-trospective annoncée intéressepourtant moins l’écrivain que leprésent. Le voici qui s’en prendau lissage du vocabulaire, à tra-vers par exemple la disparitiondu mot métis à propos d’Obama.Il faut sans doute commencer

la lecture à la page 277, à moinsde s’être frotté déjà aux éructa-tions de ce phénomène inclassa-ble. Et découvrir, en 70 pagesd’un « Entretien avec la “femme”de mon dernier souffle, si j’encrois ma respiration », la traver-sée agitée que fut cette vie vouéeà l’écriture, à la mise en formed’une instinctivité traduite enune cinquantaine de livres.Il y fait aussi le point sur ses

rapports avec laBelgique.Diffici-les, le mot est faible, pour le ci-toyen d’honneur de son villagenatal. Il en pense ce qu’il veut :Marcel Moreau est un de nosgrands écrivains. PIERRE MAURY

nouvellesOpera mundi !!VINCENT ENGELLuc Pire112 p., 18 euros

essaiDes hallalis dansles alléluias !!MARCEL MOREAUDenoël353 p., 22 euros

Cinquante ans de poésie(1953-2003), dont envi-ron la moitié est inédite,

cela fait un énorme pavé. Pour-tant, il en manque : Jean-ClaudePirotte a perdu des manuscrits, ila publié d’autres livres depuis…Il n’a jamais pu se passer desmots, les siens et ceux des autres.Il semble bouger d’un bar à unechambre mansardée, d’une pro-vince à une province, avec tou-jours en poche son carnet de poè-mes, accompagné d’un recueild’un poète aimé. Pol Charles, quia tout lu et relu, affirme qu’un deses charmes tient au rabâchage, àla rumination (1). Sans doute :un demi-siècle ne le montre endéfinitive pas si différent entreses débuts et ses textes récents.Au contraire de nombreux dé-

butants, Pirottemontre une éton-nante maturité dans ses versd’adolescent. Et il a déjà trouvéce qui sera, ce qui est encore soninspiration : un quotidien revisi-té par des éclairs langagiers etdes rapprochements inattendus.Un premier temps, il semble ten-té par la chanson. Ce n’est peut-être qu’une impression, mais il ya, dans les années 50, bien despoèmes auxquels une musiquedonnerait une vie nouvelle.Déjà, l’homme est vagabond :

« je pars demain pour Suma-tra. » Il ne change pas : dans Le

promenoir magique, dernier re-cueil d’un vaste ensemble, il n’estquestion que de mouvement.Mais on ne définit pas Pirotte

en vitesse. Sa poésie se présenteavec une exemplaire modestie. Ila « de moins en moins de mots »,il écrit des poèmes « dépourvusde mystère poétique », « le poèmene résiste pas davantage/ à la du-rée que l’amour et l’amour/ com-me le poème est seulement imagi-naire/ tu n’auras rien écrit tun’auras pas aimé ».L’approche est douce mais dit

parfois le sentiment de la perte,d’un abandon progressif. Toutn’est pas bleu ciel chez l’écrivainqui aime pourtant cette couleur.Il pleut comme à Rethel. Et « jene suis parmi les ombres/ qu’unreflet que l’ombre élude ».Cette somme est un art poéti-

que. Le reflet d’une vie. Une for-midable invitation à revisiter lemonde dans ses aspects plus ba-nals,mais traversé ici par des ful-gurances qui obligent à s’arrêterlongtemps sur une page avant dela tourner. Un livre de chevet àouvrir souvent au hasard, jusqu’àfaire naître une complicité nou-velle, histoire d’approfondir la fa-miliarité que ressentaient déjàbien des lecteurs. PIERRE MAURY

(1) Les légendes de Jean-Claude Pirotte,Pol Charles, La Table ronde, 168 p., 14 ¤.

poésieLe promenoirmagique et autrespoèmes(1953-2003) !!!JEAN-CLAUDEPIROTTELa Table ronde920 p., 19 euros

Les musées sont des machi-nes à rêver. Les œuvres

qu’ils exposent sont des déclen-cheurs de l’imaginaire, tant il estvrai, comme disait Valéry, que« l’homme de génie est celui quim’en donne ». Les visites dansces lieux silencieux peuvent se vi-

vre comme des drames, voire desséismes intérieurs, que les ta-bleaux et les sculptures fomen-tent au plus intime des visiteurs.Dans Opera mundi, Engel re-

trouve sa virtuosité de nouvellis-te pour nous confier quelques-unes de ces expériences, saisis-

sant les motivations, les aspira-tions, les exaltations ou les décep-tions de ces promeneurs au ralen-ti qui, les yeux bien ouverts, ré-pondent aux invitations à la déri-ve que proposent les objets sacra-lisés par le temps et l’admirationcollective. Les neuf nouvelles

sont autant de variations surl’évasion culturelle.S’est-il laissé inspirer par les

photos d’Emmanuel Crooÿ quiclosent le volume ? Elles suggè-rent d’autres récits. Un livre oùl’affabulation se pratique en abî-me, un très raffiné délice. J. D. D.

romanLa solitude du vainqueur "PAULO COELHOPartout où se pose Paulo Coel-ho, il prend le ton du prédica-teur, élabore des fables desti-nées à nous faire comprendrele monde. La vanité des appa-rences et les vérités cachées.Le voici au Festival de Cannesoù s’exerce, par le meurtre, lafolie d’un homme. Chaque pro-fession liée à la fête du cinémaest représentée par une carica-ture peu crédible. Si Dieu et leDiable sont en compétitionpour une palme improbable, cedernier l’emporte largement : ilest dans la lourdeur des explica-tions. (P. My.)

traduit du portugais (Brésil) par Fran-çoise Marchand Sauvagnargues, Flam-marion, 381 p., 19 euros.

premier romanFake !GIULIO MINGHINIPour son premier roman, écriten français, Giulio Minghini, Ita-lien né en 1972 mais vivant àParis où il traduit vers sa lan-gue des auteurs français, a choi-si l’univers des sites de rencon-tres sur le Net. Au sortir d’unerupture, son narrateur s’inscritsur pointscommuns.com. Il s’yinscrit même sous plusieursnoms, créant des « fakes », desfaux. Et il raconte ses conquê-tes, innombrables, ses aventu-res, ses ébats, dans les moin-dres de leurs détails. Sa cruau-té est sa revanche sur unamour déçu. Jusqu’à ce qu’il sefasse prendre à son propre piè-ge par plus forte que lui. Sil’idée du roman (récit ?) estbonne, et l’écriture maîtrisée, larépétition des scènes de ren-contres lasse un peu. (L. C.)

Allia, 138 p., 9 euros.

essaiLa maison sur le divan !PATRICK ESTRADELe psychologue niçois PatrickEstrade raconte volontiers quedeux thèmes de livres l’ont han-té longtemps, lui qui a déjà unequinzaine de titres à son actif,avant qu’il ne se décide à lesécrire : les souvenirs, sur les-quels il a publié en 2006, et lamaison, thème de son nouveaulivre. Dans cet essai facile d’ac-cès, adressé au lecteur, le psypointe ce que nos habitationsrévèlent de nous, combien ellesnous sont indispensables etquels liens, bons ou mauvais,elles génèrent. Que ce soit lamaison matérielle ou la maisonsymbolique, elle est ancrée ennous aussi fort que l’image dela mère, explique-t-il dans despages richement habitées. (L. C.)

Robert Laffont, « Réponses », 318 p.,19 euros.

Dans « La peur du paradis », son nouveau roman en cinq grands mouvements, ancrédans l’Italie qui lui est chère, l’auteur romance superbement un amour né dès l’enfance.

MarcelMoreau,fou duVerbe

Jean-Claude Pirotte en poésie

Vincent Engel et lesbûchers de la passion

leslivres

romanLa peur du paradis !!!VINCENT ENGELJC Lattès408 p., 19 euros

Contes des contemplateurs contemplés

L’histoire d’un mariageANDREW SEAN

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bref

VINCENT ENGEL publie la quatrième étape de son périple italien, « La peur du pa-radis », un roman ample et tendu. © PIERRE-YVES THIENPONT.

Le Soir Jeudi 30 avril et vendredi 1er mai 2009

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1NL www.lesoir.be