Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

649
Université Lumière Lyon II Ecole doctorale : 3LA (Lettres, Langues, Linguistique et Arts) Laboratoire ICAR (UMR 5191) - Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations Thèse de doctorat en Sciences du Langage Argumentation et didactique du Français langue étrangère pour un public vietnamien Thi Thu Ha NGO Sous la direction de Christian PLANTIN Rapporteurs : Mme Sabine BASTIAN, Professeur des Universités, Université de Leipzig Mme Patricia Von MÜNCHOW, Maître de conférences HDR, Université Paris Descartes Composition du Jury : Mme Sabine BASTIAN, Professeur des Universités, Université de Leipzig Mme Christine DEVELOTTE, Professeur des Universités, INRP – École Normale Supérieure de Lyon Mme Marianne DOURY, Chargée de Recherche, CNRS Mme Chantal PARPETTE, Maître de conférences, Université Lumière Lyon 2 M. Christian PLANTIN, Directeur de Recherche, CNRS M. Thế Hùng TRN, Professeur des Universités, Université Nationale de Hanoï Juin 2011

Transcript of Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Page 1: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

i

Université Lumière Lyon II Ecole doctorale : 3LA (Lettres, Langues, Linguistique et Arts)

Laboratoire ICAR (UMR 5191) - Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations

Thèse de doctorat en Sciences du Langage

Argumentation et didactique du Français langue étrangère pour un

public vietnamien

Thi Thu Ha NGO

Sous la direction de Christian PLANTIN

Rapporteurs :

Mme Sabine BASTIAN, Professeur des Universités, Université de Leipzig

Mme Patricia Von MÜNCHOW, Maître de conférences HDR, Université Paris Descartes

Composition du Jury :

Mme Sabine BASTIAN, Professeur des Universités, Université de Leipzig

Mme Christine DEVELOTTE, Professeur des Universités, INRP – École Normale Supérieure de Lyon

Mme Marianne DOURY, Chargée de Recherche, CNRS

Mme Chantal PARPETTE, Maître de conférences, Université Lumière Lyon 2

M. Christian PLANTIN, Directeur de Recherche, CNRS

M. Thế Hùng TRẦN, Professeur des Universités, Université Nationale de Hanoï

Juin 2011

Page 2: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

ii

Page 3: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

iii

Remerciements

Une thèse de doctorat est, comme le souligne un collègue au laboratoire « Interaction, Corpus, Apprentissage, Représentation », « le fruit d’un long travail personnel » mais sa réalisation a été dépendante de certaines personnes que je ne remercie jamais assez…

Je tiens à exprimer ici ma profonde reconnaissance :

- à Monsieur Christian PLANTIN, mon directeur de thèse, sans qui ce travail n’aurait pu être réalisé. Je le remercie tout spécialement de ses encouragements, de ses conseils précieux, de ses critiques sévères et aussi de ses questionnements pertinents qui m’ont beaucoup orientée dans la recherche. Il a aussi effectué des démarches pour améliorer ma situation administrative.

- à Monsieur TRẦN Thế Hùng, mon premier professeur en sciences du langage et co-directeur de recherche, qui m’a accompagnée de son soutien au fil des années.

- à Madame Catherine KERBRAT-ORECCHIONI pour son aide précieuse et ses nombreux conseils.

- à Madame Chantal PARPETTE pour sa présence tout au long du chemin, ses conseils, ses suggestions, sa disponibilité, son soutien et beaucoup de choses encore…

- à Monsieur André DUPONT qui a bien voulu relire à plusieurs reprises mon travail. Ses relectures minutieuses, ses corrections et ses remarques ont enrichi cette thèse.

Je remercie également :

- Véronique Laurens pour les échanges d’idées et les suggestions concernant l’élaboration des unités didactiques.

- Daniel Valero pour son aide précieuse lors des enregistrements des données.

- Tous les enseignants et tous les étudiants du département de langue et de culture françaises de l’Université Nationale de Hanoï qui m’ont aidée à établir le corpus de la thèse.

Pour conclure, je tiens à remercier mes parents, mon mari et mes enfants pour leur soutien indéfectible, leur présence réconfortante, leur confiance et leur patience durant ces longues années d’étude.

Pour tout ce qu’on a partagé et qu’on partagera, je vous exprime ma profonde gratitude !

Page 4: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

iv

Page 5: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

v

Avant-propos

L’origine de ce travail de thèse remonte à un séminaire de 13 heures, intitulé « L’argumentation dans la langue, dans le discours, dans les interactions », animé par Christian Plantin dans le cadre de la formation continue des enseignants de français langue étrangère à l’Université Nationale de Hanoï en 1998. Dès le début de son exposé, il réussit à captiver son auditoire, et en particulier mon attention, par un discours vivant, imprégné de la passion d’un expert de recherches dans le domaine de l’argumentation.

Il faut avouer qu’à ce moment-là, bien que très intéressée par ses cours, j’avais du mal à comprendre tout ce qu’il a expliqué. Cela n’est pas surprenant car nous n’avions eu, à l’époque, tout au long de notre cursus universitaire, aucune formation préalable portant sur l’argumentation. C’est sans doute ce handicap qui m’a poussée à me préoccuper de ce domaine d’étude pour que, 7 ans après, en 2005, frustrée de ne pas avoir davantage d’éléments pour satisfaire ma curiosité, j’aie décidé de communiquer à Christian Plantin mon intérêt pour ce vaste terrain de recherche. Le temps passait, je croyais qu’il me faudrait changer de domaine d’étude car la rentrée arriverait sous peu. Mais tout d’un coup, un jour de septembre, un courrier m’est arrivé à l’improviste : « Je vous donne très volontiers mon accord de principe. Il faut maintenant discuter de la mise en place de votre projet. Vous pensez vous inscrire à Lyon ? ». Inutile de dire combien j’ai été heureuse ! C’est ainsi que je me suis lancée dans l’argumentation et ai démarré ma thèse.

Les années suivantes de préparation de ma thèse ont été remplies d’émotions variées : joies, tristesses, contentement, découragements, remontées du moral, déceptions, gratitudes, embarras, doutes, incertitudes… En fait, n’ayant pas une appropriation solide de la méthodologie de travail, ni une bonne acquisition des connaissances minimales de l’argumentation, j’ai eu de nombreuses difficultés tout au long de la réalisation de la thèse. A tous ces moments de hauts et surtout de bas, Christian Plantin a été à mon écoute, il m’a beaucoup appris en me donnant des conseils pertinents et aussi en faisant des critiques sévères. Avoir l’occasion d’acquérir ses méthodes et de travailler auprès de lui, chercheur d’une grande expérience et source intarissable d’idées nouvelles et originales, constitue, pour moi, une opportunité inhabituelle. Je ne peux pas réciter ici toutes les discussions entre nous, tous les encouragements et toutes les gronderies qu’il m’a réservés ; je ne peux que dire que j’ai appris énormément de choses et que j’ai beaucoup « grandi » intellectuellement après 6 ans de travail sous la direction de Christian Plantin. Il a

Page 6: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

vi

vraiment tout à fait raison de me rappeler en plaisantant qu’il était directeur, et non pas co-auteur de la thèse. Oui ! Parce qu’accepter de diriger mes travaux de recherche, c’est assurer une lourde tâche de direction, non seulement sur le plan scientifique et méthodologique mais aussi sur le plan de la distance géographique.

En effet, n’ayant pas bénéficié d’une bourse doctorale pour pouvoir rester travailler sur place pendant plusieurs années consécutives, j’ai dû effectuer une fois par an des va-et-vient entre Lyon et Leipzig et chaque séjour n’a pas pu durer plus de deux mois et demi. Une telle fréquence d’assiduité serait difficilement acceptée par d’autres directeurs de recherche. Mais Christian Plantin, jamais avare de son précieux temps, m’a donc proposé de multiples séances de travail par skype, c’est pourquoi il a constamment eu un œil bienveillant et critique sur le déroulement de mes travaux. Ayant aussi compris mes difficultés de temps et de finance, il a effectué toutes les démarches nécessaires pour que je puisse obtenir 6 mois de bourse de mobilité de la région Rhône-Alpes, cette précieuse « récompense » en 2008-2009 m’a aidée énormément dans l’avancement de la thèse.

Pour finir, je me rappelle ce que Christian Plantin m’a dit lors d’une discussion entre nous : « J’aimerais que vous continuiez à faire quelque chose après la thèse au lieu de mettre solennellement votre diplôme sur l’autel des ancêtres. Pensez à écrire des articles ou à établir, à diriger, pourquoi pas, une petite équipe de recherche sur l’adaptation de l’argumentation au contexte vietnamien. Vous êtes tout à fait capable de le faire. Croyez-moi ! Dans 10 ans, je serai beaucoup plus vieux mais je serai content de lire votre travail ». Oui, Monsieur le Professeur ! Si, pour une raison personnelle je restais là, en Europe, je penserai à continuer ma carrière dans le domaine de l’argumentation pour ne pas gaspiller nos années de travail ensemble où j’ai acquis un « trésor » de connaissances et d’expériences.

Page 7: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

vii

Sommaire

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : Théorie de l’argumentation 7

Chapitre 1 : Approche théorique............................................................................. 8 1. Différentes approches théoriques ...........................................................................8 2. Synthèse : Cadre théorique de l’argumentation....................................................14 Récapitulation ..................................................................................................................20

Chapitre 2 : Types d’arguments............................................................................ 21

1. Argumentation et causalité ...................................................................................21 2. Argumentation et analogie....................................................................................23 3. Argumentation sur la nature des choses et leur définition....................................24 4. Les ressources de la langue ..................................................................................25 5. Désignation et prise de position............................................................................26 6. Argumentation dans la langue ..............................................................................26 7. Argumentation par la force...................................................................................28 8. Argumentation par l’ignorance.............................................................................28 9. Argumentation sur la personne.............................................................................29 10. L’argumentation d’autorité...................................................................................30 Récapitulation ..................................................................................................................31

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation........................................................ 35

1. La justification......................................................................................................35 2. La réfutation .........................................................................................................37 3. Contre-argumentation...........................................................................................42 4. La concession, un procédé rhétorique très utilisé de la contre-argumentation ..................................................................................................................48 Récapitulation ..................................................................................................................51

DEUXIEME PARTIE : Le langage argumentatif : essai d’étude contrastive français-vietnamien 53

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation ......................................................... 54 1. Argument, argumenter / luận cứ, lập luận ............................................................55 2. Arguer / argutie.....................................................................................................63 3. Persuader / convaincre (thuyết phục) ...................................................................65

Page 8: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

viii

4. Polémique, controverse, débat, discussion (cuộc luận chiến, cuộc tranh cãi, cuộc tranh luận, cuộc thảo luận)................................................................................68 5. Objecter et réfuter (bắt bẻ và bác bỏ)....................................................................70 6. Concéder (nhượng bộ) ..........................................................................................73 7. Contredire et démentir (nói trái lại - bác bỏ et phủ nhận - đính chính).................73 8. Objectivité / Parti pris (Thái độ khách quan / Quyết định dứt khoát)...................76 9. Sophisme et paralogisme (ngụy biện et ngộ biện) ................................................78 10. Remarque : l’effet de métaphore dans l’argumentation........................................82 Récapitulation ..................................................................................................................87

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs...............................................................88

1. Connecteurs : diversité terminologique ................................................................88 2. Opérateur argumentatif et connecteur argumentatif .............................................92 3. Description de quelques connecteurs argumentatifs : étude contrastive...............96 4. Les verbes connecteurs .......................................................................................123 Récapitulation ................................................................................................................135

TROISIEME PARTIE : Argument d’autorité : analyse en contexte vietnamien 137

Chapitre 1 : Études lexicales du mot Autorité.....................................................138 1. Étude dérivationnelle du mot Autorité ................................................................138 2. Étude du champ sémantique : autorité et notions voisines.................................141 3. Vocabulaire critique de l’Autorité : Cratopathie ................................................143 Récapitulation ................................................................................................................144

Chapitre 2 : Problème de définition.....................................................................145

1. Qu’est-ce que l’autorité ?....................................................................................145 2. L’autorité dans le milieu scolaire vietnamien .....................................................152 3. Autorité dans l’interaction ..................................................................................162

Chapitre 3 : Autorité et argumentation...............................................................175

1. Définition de l’argument d’autorité ....................................................................175 2. Autorité montrée, autorité citée ..........................................................................175 3. Mécanisme de fonctionnement de l’argument d’autorité ...................................177 4. Formes d’argumentation d’autorité.....................................................................177 5. Réfutation des argumentations d’autorité ...........................................................180 Récapitulation ................................................................................................................181

Page 9: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

ix

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et son influence sur le comportement verbal ainsi que sur les pratiques argumentatives ................... 182

1. Qu’est-ce que la culture ? ...................................................................................182 2. Le rapport entre la culture, la langue et le comportement humain .....................183 3. Les caractéristiques de la culture vietnamienne .................................................184 4. L’acculturation ...................................................................................................192 5. La culture communicative des Vietnamiens.......................................................199 6. La notion de « face » dans la culture vietnamienne............................................206 7. L’habitude argumentative des Vietnamiens .......................................................212 Récapitulation ................................................................................................................220

Chapitre 5 : Étude de cas ..................................................................................... 222

1. Problématique.....................................................................................................222 2. Constitution du corpus........................................................................................224 3. Analyse du corpus ..............................................................................................225 4. Mise en pratique : Quelques propositions d’exercices d’analyse d’arguments d’autorité ...................................................................................................247 Récapitulation ................................................................................................................252

QUATRIEME PARTIE : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation au Vietnam 255

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé............................................................ 256

1. L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam.....................................................................................................................256 2. Le public visé .....................................................................................................260

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam : Analyse des productions orales et écrites réalisées par des étudiants ................................................................................................... 265

1. Les comportements langagiers dans les classes de langues................................265 2. Etude des productions des étudiants ...................................................................269

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère ................................................................................................................ 286

1. Les manuels pris en compte................................................................................286 2. L’argumentation dans les manuels de FLE ........................................................290 3. Comment l’argumentation est-elle enseignée ? ..................................................294

Page 10: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

x

4. Méthode Rond-Point...........................................................................................312 5. Quelques propositions didactiques .....................................................................327 Récapitulation ................................................................................................................331

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam..................................335

1. Les principes d’élaboration des unités didactiques.............................................335 2. Elaboration des unités didactiques : « On en discute ».......................................350 UNITÉ 1 : Introduction au débat français.....................................................................353 UNITÉ 2 : Caméra de surveillance – On en discute ! ...................................................377 UNITÉ 3 : La croissance économique – On en discute ! ...............................................413 UNITÉ 4 : Clonage humain – On en discute ! ...............................................................435 Récapitulation ................................................................................................................509

CONCLUSION GÉNÉRALE 511

Bibliographie 519

Page 11: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

1

INTRODUCTION

Page 12: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

2

Problématique

Au Vietnam, depuis la mise en œuvre de la politique d’ouverture du pays, la société s’est transformée en un « univers communicationnel », l'argumentation apparaît donc de plus en plus comme une pratique sociale critique indispensable au développement et elle est devenue un objet d’étude prioritaire.

Mais cette question reste encore nouvelle pour beaucoup de professeurs et d'étudiants. Actuellement, aucun cours d’argumentation, pratique ou théorique, n’est dispensé en liaison avec l’enseignement du français, au niveau du lycée. Il n’existe aucun ouvrage théorique sur les procédures argumentatives en vietnamien. Les documents sur l’argumentation, s’il y en a, sont plutôt des traductions.

On part de la constatation que beaucoup d'enseignants de français se contentent de corriger les élèves au niveau de la langue, sans se préoccuper de la structure du discours. Certains refusent même l’organisation de débats en classe sous prétexte que les apprenants ne savent pas prendre la parole et refusent de proposer des points de vue différents, entre eux et à fortiori vis à vis de leur professeur, même si celui-ci les y invite. Face à un sujet d’expression à l’écrit, et plus encore à l’oral, soit ils n’ont pas d’arguments précis à proposer immédiatement pour engager une discussion, soit les arguments exposés restent superficiels et ne sont pas appuyés sur des données. Ils ne maîtrisent pas les actes argumentatifs fondamentaux ; ils ne savent pas poser un problème, prendre une position, donner un exemple, refuser un contenu, tenir compte des avis des autres, donner une conclusion… Ils ont vraiment beaucoup de difficultés dans la maîtrise de l’argumentation.

Cette attitude contraste fortement avec celle des étudiants français, très actifs, ayant l’habitude de se couper la parole, n'hésitant pas à contredire et à réfuter.

Cette opposition, sans le vouloir, entraîne le préjugé selon lequel les élèves français argumentent bien alors que les apprenants vietnamiens argumentent mal. A notre avis, cette constatation est erronée, ce n’est pas parce qu’en France les étudiants parlent beaucoup et se coupent la parole qu’ils argumentent bien. Réciproquement, ce n’est pas parce que les étudiants vietnamiens en particulier et les Vietnamiens en général prennent des formes pour contredire en ménageant la face de leur interlocuteur qu’ils argumentent mal.

Page 13: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

3

Questions et hypothèses de recherche

En tant que formateur des enseignants de français langue étrangère, nous nous sommes demandé pourquoi les Vietnamiens sont considérés comme étant moins intéressés par la polémique que les Français. Comment faut-il comprendre le refus du débat par les étudiants vietnamiens, leur fuite devant l'échange polémique ? Est-ce qu’ils fuient devant l’échange argumentatif ou devant l’échange polémique violent ?

A notre avis, refuser de se disputer n’est pas refuser d’argumenter. Dans notre pratique, nous avons fait l’hypothèse que les étudiants participaient à une culture où l’autorité est très importante et qu’il fallait, par conséquent, mettre le problème de la relation des étudiants avec l’autorité à la base de leurs difficultés à entrer dans des discussions argumentatives. Dans cette perspective, parler, manifester son désaccord, traiter un désaccord dans une relation d’autorité et, surtout, dans une société marquée par l’autorité et le consensus n’est pas quelque chose d’évident. De même, savoir utiliser et critiquer l’argument d’autorité dans un échange argumentatif est censé être difficile.

En réalité, nous constatons que les Vietnamiens cherchent toujours à éviter d’entrer en confrontation avec l’interlocuteur ; s’ils doivent justifier ce qu’ils disent, ils se contentent de faire appel à l’autorité. Les autres questions sont donc posées : Quelles sont leurs formes préférées de raisonnement par autorité ? L’autorité bloque-t-elle l’accès à l’argumentation ? Comment l’argument d’autorité est-il utilisé en vietnamien ? Quelle est la place de l’argumentation dans la didactique de langue ? Comment l’argumentation est-elle enseignée dans les manuels du Français langue étrangère ? Dans le contexte vietnamien, comment amorcer l’enseignement/apprentissage de l’argumentation en français ? Que faut-il faire pour que les étudiants parviennent à argumenter, en face à face, de façon structurée et constructive ? Enfin, comment se pose la question de la formation en argumentation des enseignants ?

Voilà les premières questions qui nous ont fait débuter notre recherche. Dans le cadre de ce travail, nous allons essayer d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions.

Page 14: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

4

Au fond, le pari est le suivant : apprendre à argumenter, c’est apprendre à gérer des situations marquées, pour longtemps encore, par l’autorité et la recherche du consensus. Notre but consiste à faire comprendre aux étudiants que le consensus a priori n’a pas à être survalorisé, d’une part ; et qu’argumenter peut permettre d’atteindre un consensus plus solide, mieux fondé, d’autre part.

Page 15: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

5

Structure et objectifs de la thèse

Notre travail va se présenter de la façon suivante :

La première partie a pour objectif de parvenir à un choix motivé d'un modèle cohérent de l'argumentation, compatible avec les objectifs pédagogiques concrets poursuivis. La structure de cette partie repose sur le principe méthodologique selon lequel travailler l’argumentation en français langue étrangère suppose qu’on travaille aussi, en parallèle, la capacité d’argumenter comme capacité linguistique générale et la capacité d’argumenter dans sa propre langue, le vietnamien. Ainsi, le premier chapitre sera consacré à un travail de synthèse de différentes approches théoriques, qui sont respectivement la théorie de Perelman, de Toulmin, de Ducrot et d’Anscombre. Il permettra de décrire l’état de la question sur les études de l’argumentation. Le deuxième chapitre de cette partie, ayant comme point de départ la classification de Plantin, appuyée sur l’analyse des arguments en fonction des paramètres d’objets, de langage et d’interaction, nous offrira une vision parfaitement claire et détaillée sur les différents types d’argumentation. Dans le troisième chapitre, nous regarderons quelles sont les stratégies de l’argumentation.

L’objectif de la seconde partie est d’étudier le langage argumentatif dans une perspective contrastive français-vietnamien. Dans le premier chapitre, il s’agit d’un travail comparatif du vocabulaire de l’argumentation. Nous tenterons de traduire en vietnamien des termes et des expressions qui sont, à notre avis, des notions de base mais susceptibles de poser à nos étudiants des difficultés de compréhension. Le deuxième chapitre qui suit concerne des connecteurs argumentatifs. Une étude contrastive entre les deux langues, français et vietnamien, occupe toujours une place importante tout au long de ce chapitre.

La troisième partie sera réservée à l’étude d’un type d’argumentation, le raisonnement par autorité, qui joue un rôle déterminant dans la façon d'argumenter des Vietnamiens. L'analyse repose sur un corpus constitué d'extraits de journaux et de films télévisés vietnamiens. Elle jettera les bases d'une étude contrastive du fonctionnement de l'autorité discursive. Le premier chapitre concerne l’étude lexicale du mot Autorité. Le deuxième chapitre vise à étudier les différentes définitions de ce terme sous l’angle sociologique et à décrire son fonctionnement dans le milieu scolaire vietnamien et sa relation avec l’interaction. Le troisième

Page 16: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

6

chapitre s’attache à étudier l’argumentation d’autorité : son mécanisme de fonctionnement, ses formes et la réfutation de ce type d’argument. L’objectif du quatrième chapitre est de chercher à savoir comment la culture vietnamienne influence le comportement verbal des Vietnamiens, en particulier leurs habitudes argumentatives. Nous essaierons d’expliquer pourquoi les Vietnamiens sont « sages » en interaction. Nous tenterons de rendre compte de la prégnance de la « préférence pour l'accord » en vietnamien, ce qui se manifeste clairement à travers des proverbes et des locutions traditionnelles, et de montrer comment cette tendance s'articule avec une pratique « dialectique » du langage, qui pèse toujours le pour et le contre et qui refuse la polémicité. Enfin, le cinquième chapitre, à partir de l’analyse de différentes positions autour de la question de la bauxite au Vietnam, a un double objectif : il vise d’une part à illustrer la maîtrise de l’argumentation des Vietnamiens, d’autre part sert de fil de conducteur pour la partie qui suit.

Cette dernière partie sera consacrée à la recherche de propositions en vue d’une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français langue étrangère au Vietnam. Nous commencerons par faire, dans le premier chapitre, une brève présentation de l’enseignement du français au Vietnam, en particulier dans le cadre du cursus universitaire. Puis, dans le deuxième chapitre, nous tenterons d’étudier le modèle d’élèves vietnamiens ainsi que la relation enseignant-apprenant en classe de langue. Le chapitre qui suit proposera l’analyse d’une dizaine de méthodes du Français langue étrangère les plus utilisées actuellement dans les classes de langue dont celles du Vietnam. Le but est de procéder à une analyse critique des activités d’argumentation proposées par ces manuels. Rond-Point, la méthode qui nous semble la seule à proposer une progression raisonnable, en partant de l’expression des points de vue opposés, de la façon de les défendre par des arguments pour/contre pour arriver à la pratique du débat, sera choisie en vue d’une analyse détaillée. Cette-ci, de caractère théorique, est complétée par l’analyse des productions orales et écrites des étudiants vietnamiens lors du chapitre deux. Elles nous permettront de proposer une démarche pour l’enseignement/apprentissage de l’argumentation que nous croyons adaptée à nos étudiants, en tenant compte bien sûr de leurs caractéristiques, des difficultés rencontrées et en déterminant la tâche ciblée que l’enseignant et des étudiants ont à accomplir : développer leur capacité à argumenter. C’est tout ce travail qui va nous intéresser dans le quatrième chapitre. Ce dernier sera réservé à l’élaboration des unités didactiques, notre but étant de proposer une nouvelle démarche d’enseignement/apprentissage en vue d’une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français langue étrangère au Vietnam.

Page 17: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

7

PREMIERE PARTIE Théorie de l’argumentation

Page 18: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Approche théorique

8

Chapitre 1 : Approche théorique

1. Différentes approches théoriques

1.1. Traité de l’argumentation de C.Perelman et L.Olbrechts-Tyteca

Le « Traité de l’argumentation » a vu le jour en 1958.

L’intérêt majeur de cet ouvrage est d’avoir fondé l’étude de l’argumentation sur celle des « techniques argumentatives ». L’objet de la théorie de l’argumentation est défini, selon C.Perelman et L.Olbrechts-Tyteca, comme :

« l’étude des techniques discursives permettant de provoquer ou d’accroître l’adhésion des esprits aux thèses qu’on présente à leur assentiment » (1958 :5).

Le Traité s’occupe particulièrement des moyens discursifs employés dans le but de persuader et de convaincre l’auditoire. Une argumentation considérée comme efficace doit être celle

« qui réussit à accroître cette intensité d’adhésion de façon à déclencher chez les auditeurs l’action envisagée (action positive ou abstention), ou du moins à créer, chez eux, une disposition à l’action, qui se manifestera au moment opportun » (1958 :59).

Il est important de préciser que « l’adhésion des esprits » est comprise dans cette perspective comme l’accord des esprits sur la volonté de débattre, de dialoguer ensemble sur une question déterminée ainsi que sur les croyances partagées, les valeurs admises, les hiérarchies…L’idée d’adhésion permet de définir l’importance de la notion d’auditoire. Elle implique également l’idée de conviction et aussi celle de persuasion, parce que tout discours s’adresse éventuellement à un auditoire, et pour pouvoir emporter son adhésion, l’orateur se trouve sans aucun doute dans l’obligation de s’adapter à ce public. En d’autres termes, toute argumentation se développe en fonction d’un auditoire et exerce sur lui une action par le discours. Tel est aussi le second principe fondamental posé par les auteurs de cet ouvrage.

Page 19: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

9

Malgré la prise de conscience qu’il existe une variété d’auditoires particuliers entraînant par conséquent une diversité de l’argumentation, Perelman et Olbrechts-Tyteca introduisent la notion d’« auditoire universel » comprise comme une représentation de l’humanité entière. Toujours selon eux :

« L’auditoire universel est constitué par chacun à partir de ce qu’il sait de ses semblables, de manière à transcender les quelques oppositions dont il a conscience. Ainsi chaque culture, chaque individu a sa propre conception de l’auditoire universel, et l’étude de ces variations serait fort instructive, car elle nous ferait connaître ce que les hommes ont considéré, au cours de l’histoire, comme réel, vrai et objectivement valable » (1958 : 43).

Il est bien clair qu’en insistant sur la notion d’auditoire, le Traité a étudié l’argumentation dans la perspective d'une communication avec un auditoire. Il s’agit là d’un autre mérite de la théorie perelmanienne.

Dans cet ouvrage, les auteurs abordent également la notion de « dissociation ». Selon leur définition :

« la dissociation présuppose l’unité primitive des éléments confondus au sein d’une même conception, désignés par une même notion. La dissociation des notions détermine un remaniement plus ou moins profond des données conceptuelles qui servent de fondement à l’argumentation : il ne s’agit plus , dans ce cas, de rompre les fils qui rattachent des éléments isolés, mais de modifier la structure même de ceux-ci » (1958 :551).

Dans cette perspective, Perelman affirme que la dissociation d’une notion est une des techniques les plus efficaces pour « lever une incompatibilité » (1958 : 552). Cela revient à dire qu’il n’est pas facile de réfuter un argument fondé sur la dissociation. Ainsi, lors du débat relatif à la peine de mort, par exemple, les trajets argumentatifs partent bien de la notion de droit à la vie, mais face à un conflit de règle, opèrent une dissociation de cette notion.

Un dernier apport essentiel de cet ouvrage est la construction d’un répertoire des arguments que les auteurs classent en fonction des types de raisonnement variant selon 3 entrées :

a. Les arguments quasi logiques :

Les arguments quasi logiques sont compris comme des arguments proches des raisonnements formels. Ce qui les caractérise, c’est donc leur caractère non-formel qui ouvre la possibilité de controverses. Sont classés dans ce type d’arguments notamment les arguments de réciprocité, les arguments de transitivité, les arguments de comparaison et les arguments fondés sur la définition.

Page 20: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Approche théorique

10

b. Les arguments basés sur la structure du réel :

Les arguments basés sur la structure du réel regroupent les argumentations sur la cause, la personne, et celles qui reposent sur des liens symboliques.

c. Les liaisons qui fondent la structure du réel :

Sous cette appellation, on trouve l'argumentation par l'exemple, l'argumentation par l'illustration, par le modèle et par l’analogie dont la métaphore est un cas particulier.

En résumé, avec le « Traité de l’argumentation », Perelman, tout en se situant dans la lignée d’Aristote, a réussi à bien distinguer l’argumentation de la rhétorique, science globale du discours persuasif. L’argumentation a été dotée d’un statut autonome et étudiée dans la perspective d’une communication avec un auditoire.

1.2. Les usages de l’argumentation de S.E.Toulmin

La même année que le « Traité de l’argumentation », en 1958, est paru l’ouvrage intitulé « Les usages de l’argumentation » de S.E.Toulmin.

L’apport de cet ouvrage consiste dans la proposition d’un schéma représentant le modèle de l’argumentation monologale. Ce schéma permet de traiter le discours argumentatif comme une « cellule argumentative » (Plantin, 1996 : 23) composée de 6 éléments :

Une conclusion (5) est affirmée sur la base d’une donnée (1)

Une loi de passage (2) apporte à la donnée le sens argumentatif qu’elle n’avait pas auparavant. Elle sert de règle, de principe pour passer de l’énoncé argument à l’énoncé conclusion.

à moins que (6) Restriction

Donnée (1) donc (4) Modalisateur, (5) Conclusion

étant donné (3) Support

puisque (2) Loi de passage

Page 21: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

11

En général, la loi de passage et les données ne permettent pas d’inférer la conclusion avec un degré absolu de certitude. C’est pourquoi, pour atteindre la conclusion, ce pas argumentatif doit être appuyé sur un support (3) et également nuancé par l’intermédiaire d’un modalisateur (4) qui peut être développé en une restriction (6).

L’exemple suivant va éclairer le schéma :

Il fait sa thèse à Lyon 2 ; or toutes les thèses réalisées à Lyon 2 sont en général bien appréciées, en vertu de l’exigence des directeurs de thèses et des règlements bien stricts concernant la rédaction des thèses ; donc probablement sa thèse sera bien appréciée ; à moins qu’il n’y investisse pas suffisamment de temps et d’énergie, ou qu’il se contente de faire des recopiages par-ci par-là.

- Donnée : « Il fait sa thèse à Lyon 2 »

- Loi de passage : « toutes les thèses réalisées à Lyon 2 sont en général bien appréciées »

- Conclusion : « sa thèse sera bien appréciée »

- Support : « en vertu de l’exigence des directeurs de thèses et des règlements bien stricts concernant la rédaction des thèses »

- Modalisateur : l’adverbe modal « probablement »

- Restriction, réfutation : « à moins qu’il n’y investisse pas suffisamment de temps et d’énergie, ou qu’il se contente de faire des recopiages par-ci par-là »

Le modèle de Toulmin s’applique au discours continu, au monologue et donne au discours une forme de rationalité. Un discours rationnel, selon la définition de Plantin, est « un discours fortement connecté, s’appuyant sur une hiérarchie de principes d’une généralité croissante, et faisant une certaine place à la réfutation » (2005 : 24). L’intégration dans le raisonnement argumentatif de la notion de « loi de passage » correspondant à la notion traditionnelle de « topos » est une redécouverte de Toulmin. C’est grâce à ce chaînon que le lien argumentation-conclusion, autrement dit la cohérence argumentative, est implicitement assuré : l’enchaînement « il est paresseux, il va échouer à son examen » est appuyé sur le topos « s’il est paresseux, il a de mauvais résultats ». Ce topos est un topos à la Ducrot inscrit dans la structure sémantique des mots : « moins on travaille, moins on réussit ».

Page 22: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Approche théorique

12

1.3. La théorie de l’argumentation de Ducrot et Anscombre

Selon la théorie de l’argumentation de Ducrot et Anscombre, l'argumentation revient à exercer une certaine influence sur autrui tout en demeurant à l’intérieur du discours. Une argumentation a lieu quand le locuteur L1 présente un énoncé E1 ou un ensemble d’énoncés dans le but de faire admettre par un locuteur L2 un autre énoncé E2 (ou une classe d'énoncés). E1 est l’argument, E2 est la conclusion.

D’une façon générale, tout énoncé est considéré comme contenant un aspect argumentatif et en particulier une orientation argumentative et un aspect thématique. L’aspect thématique peut être compris comme la valeur informative ou le sens lexical de l’énoncé.

L’orientation argumentative, quant à elle, est une « classe de conclusions suggérées au destinataire : celle que l’énoncé présente comme une des visées de l’énonciation » (Anscombre et Ducrot, 1983 : 150).

Dire par exemple à quelqu’un : « C’est un bon film », c’est d’abord faire une assertion sur l’objet film présenté comme ayant pour qualités : « il est intéressant », « les acteurs jouent bien », « les scènes sont belles »…, puis orienter le destinataire vers la conclusion argumentative : « Je te recommande de voir ce film ».

On voit bien, à travers cet exemple, que l’énoncé accomplit un acte qui n’est pas simplement celui d’asserter ou d’informer mais aussi un acte d’argumenter, basé sur une vision favorable ou défavorable de l’objet en question. En d’autres termes, toute une classe d’énoncés évaluatifs ou appréciatifs, qui sont apparemment informatifs, sont fondamentalement argumentatifs, « l’informatif étant un dérivé délocutif de l’argumentatif » (Anscombre et Ducrot, 1983 : 174). Pour ce type d’énoncés, l’argumentativité est plus importante que l’informativité.

Revenons à la notion d’orientation argumentative. L’orientation argumentative détermine la valeur argumentative de l’énoncé. Deux énoncés sont coorientés lorsqu’ils s’orientent vers une conclusion commune, et anti-orientés lorsqu’ils sont destinés à servir des conclusions opposées.

Si on dit par exemple : « Je suis fatigué mais j’ai un rendez-vous important ». L’énoncé se compose donc de deux propositions dont « je suis fatigué » est p et « j’ai un rendez-vous important » est q. On peut dire que p s’oriente vers la conclusion r « je ne vais pas sortir » alors que q sert la conclusion non-r « je vais sortir ». Par contre, les deux propositions dans l’énoncé « je suis fatigué, d’ailleurs

Page 23: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

13

je n’ai pas de cours aujourd’hui » sont argumentativement orientées vers la même conclusion « je ne vais pas sortir ».

Travailler sur l’argumentation, c’est aussi décrire les différents moyens dont dispose le locuteur pour orienter son discours, pour mettre en relation des arguments,…Dans ce sens, Ducrot et ses collaborateurs portent particulièrement leur attention sur un certain nombre de mots qu’ils appellent des mots du discours ou encore connecteurs argumentatifs. Ces outils de la langue donnent au discours son orientation argumentative. Ils possèdent une double fonction : ils lient deux unités sémantiques et confèrent un rôle argumentatif aux unités qu’ils mettent en relation. Nous en parlerons plus en détails dans la partie portant sur les connecteurs.

Dans cette théorie de l’argumentation, Anscombre et Ducrot font aussi la distinction entre argumentation et acte d’argumenter.

Parler de l’argumentation, c’est parler des discours comportant au moins deux énoncés E1 et E2, dont l’un est donné pour autoriser, justifier ou imposer l’autre. L’énoncé « Il est malade, il reste donc à la maison » par exemple a pour E1 : « Il est malade » et E2 : « Il reste à la maison ».

L’acte d’argumenter, comme tous les actes illocutoires, se réalise dans et par un énoncé unique. En d’autres termes, nous pouvons dire que tout énoncé est l’objet d’un acte d’argumenter. Des conclusions explicites ou implicites sont tirées de l’énoncé discursivement employé. Lorsqu’un énonciateur dit « Il est minuit ! », il conduit le destinataire de l’énoncé vers la conclusion implicite : « Il est tard », « Il faut aller se coucher ».

L’analyse de la polyphonie énonciative constitue un point privilégié de Ducrot dans sa réflexion sur l’argumentation. Ducrot introduit ce concept dans « Esquisse d’une théorie polyphonique de l’énonciation » (1984 : 171-233) et précise explicitement qu’il emprunte ce concept à Bakhtine.

Son apport est de montrer qu’un discours argumentatif met généralement en scène plusieurs voix : la voix de l’opinion commune, celle de contradicteurs potentiels, celle de l’argumentateur. Il propose donc de distinguer l’auteur, le locuteur et l’énonciateur tout en faisant la comparaison avec le théâtre et le roman :

- L’auteur est défini comme le producteur réel du discours.

- Le locuteur dont l’équivalent littéraire est le narrateur, est celui qui dit « je » et prend la responsabilité de l’acte de parole.

- Les énonciateurs sont ceux auxquels le locuteur donne existence et dont il organise les points de vue. Ils correspondent aux personnages.

Page 24: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Approche théorique

14

Le discours argumentatif est assumé par un seul locuteur qui intègre dans son argumentation (c’est-à-dire dans son énonciation dominante) les arguments ou les points de vue (c’est-à-dire des énonciations prêtées à d’autres) qui, non seulement ne sont pas tous identifiés au locuteur mais sont plus ou moins en accord ou en désaccord avec son point de vue pour les intégrer, les mettre à distance et les réduire. Dans cette perspective, la polyphonie permet donc au discours argumentatif de recourir à des stratégies pour mettre en scène un débat ou un ensemble de points de vue au sein d’un discours unique.

2. Synthèse : Cadre théorique de l’argumentation

Dans cette partie, nous essaierons d’établir un cadre théorique de l’argumentation. Notre travail s’inspire largement des travaux de Plantin. A noter aussi que nous nous intéressons essentiellement à des notions de base de l’argumentation, étant donné qu’elles sont d’une grande importance pour attaquer les parties suivantes portant sur l’enseignement/apprentissage de l’argumentation dans les manuels FLE et sur l’analyse des arguments d’autorité en contexte vietnamien.

2.1. La notion d’argumentation

Il est tout d’abord important de souligner qu’« argumenter » n’est pas synonyme de « prouver » ni de « déduire ». Selon la définition de Moeschler, argumenter, ce n’est pas « démontrer la vérité d’une assertion » ni « indiquer le caractère logiquement valide d’un raisonnement », mais plutôt « revient à donner des raisons pour telle ou telle conclusion » (1985 : 46). Les raisons, une fois énoncées, constituent des arguments. Il existe donc une forte relation entre un ou des arguments et une conclusion, ce qui est la principale caractéristique d’une argumentation.

Pour éclairer la notion d’argumentation et d’argumenter, nous prenons la définition de Plantin :

« L’argumentation est ainsi une opération qui prend appui sur un énoncé assuré (accepté), l’argument, pour atteindre un énoncé moins assuré (moins acceptable), la conclusion.

Page 25: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

15

Argumenter c’est adresser à un interlocuteur un argument, c’est-à-dire une bonne raison pour lui faire admettre une conclusion et l’inciter à adopter les comportements adéquats » (1996 : 24).

Selon cette définition, l’argumentation est un processus composé de deux éléments de base :

Nous voyons que l’argument et la conclusion ont des statuts bien distincts. L’argument ayant, selon l’expression de Plantin (1989, fiche 2), « le statut d’une croyance partagée, d’une donnée factuelle incontestable», amène l’interlocuteur à la conclusion. L’interlocuteur peut évidemment refuser d’admettre cette donnée, mais dans ce cas il devra justifier son refus.

Quant à la conclusion, en argumentation, ce mot porte un sens spécifique. Il est donc nécessaire ici de distinguer entre la conclusion d’un texte et la conclusion soutenue par un texte. La première se trouve mécaniquement en fin du texte alors que la deuxième peut très bien venir en première place et précéder les arguments. C’est souvent le cas des articles journalistiques.

Pour pouvoir passer de l’argument à la conclusion, il faut avoir recours à des principes, des conventions généralement admises qui sont des « lois de passage ». Ces « lois de passage » sont également appelées « lieux communs » ou « topoï » selon l’ancienne rhétorique. Ils ont été définis par Aristote, et, avec un autre sens, par Ducrot et Anscombre. La loi de passage est alors considérée comme jouant le rôle fondamental dans les opérations argumentatives. En apportant à la donnée le sens argumentatif, elle contribue à assurer l’enchaînement discursif argument - conclusion.

Pourtant, il arrive aussi que les lois de passage soient mises en question, ce qui correspond à un mode de réfutation. En d’autres termes, on peut dire qu’il y a réfutation lorsque le destinataire de l’argumentation trouve les arguments non pertinents ou faiblement pertinents par rapport à la conclusion orientée.

2.2. La situation d’argumentation

L’argumentation est une conduite humaine parfaitement banale de la vie quotidienne. Elle peut se décrire en terme de situation de communication.

Pour qu’il y ait situation d’argumentation, il faut satisfaire les conditions suivantes :

un ARGUMENT une CONCLUSION

Page 26: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Approche théorique

16

- Participants : normalement, il faut la présence d’au moins deux participants : un argumentateur et un destinataire, c’est-à-dire le destinataire de l’argumentation. Pourtant, il arrive aussi des cas où le locuteur argumente avec lui-même.

- Visée argumentative : ces deux participants vont exprimer des opinions divergentes à propos d’un sujet qui les concerne. Ils essaient de défendre leur point de vue, d’emporter les convictions d’autrui voire de modifier son comportement.

- Moyens pour convaincre : ils mettent en œuvre des moyens discursifs, ou plus précisément des arguments (y compris arguments pour, arguments contre, contre-arguments) destinés à modifier les convictions initiales du destinataire.

Pour résumer, nous prenons la définition de Plantin :

« La situation d’argumentation est une situation de confrontation discursive, où un « Proposant » rencontre un « Opposant » sur une « Question » qui les divise et à laquelle ils construisent, par l’argumentation, des réponses antagonistes » (1994 : 77).

2.3. Les acteurs de l’argumentation

L’argumentateur est le locuteur qui argumente.

Les acteurs de la situation argumentative reçoivent traditionnellement différentes désignations.

- Les énoncés utilisés dans une argumentation sont linguistiquement analysés comme produits par un locuteur pour un interlocuteur. Si on met l’accent sur le contenu et sur les actes, on parle d’énonciateur et de destinataire.

- En rhétorique, on emploie le terme d’orateur, qui s’adresse à un groupe de personnes relativement important, son auditoire ou son public.

- Lorsqu’on décrit les échanges argumentatifs organisés en débat, on distingue parmi les argumentateurs le Proposant et l’Opposant. Le Proposant tient le discours, et l’Opposant soutient le contre-discours. On appelle Tiers tous les membres du public témoin intéressés par l’échange mais qui n'ont pas encore pris position sur la question.

Page 27: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

17

2.4. Thèse, argument, contre-argument

• On appelle thèse le point de vue général défendu par un argumentateur sur le problème posé.

• L’argument est la raison qu’on présente pour ou contre une thèse. Un argument est toujours orienté vers une conclusion. Or, les thèses sont antagonistes. On a alors recours à des arguments pour et à des arguments contre.

Ainsi :

- si on est favorable au tabac, on utilise des arguments pour :

Le tabac permet d’endurer les misères de la vie

- si on est défavorable au tabac, on utilise des arguments contre :

Le tabac est nuisible à la santé

Dans ces deux cas, les arguments servent à justifier des points de vue opposés.

• Le contre-argument : l’interlocuteur met en doute l’argument avancé par le Proposant et lui propose donc un contre-argument. Dans ce sens, le contre-argument a le caractère réfutatif.

Prenons comme exemple le dialogue suivant :

A : Vous êtes seul, vous n’êtes pas malheureux ?

B : Mais je ne suis pas seul. J’ai mes chats, mes livres. Je suis tranquille, je suis heureux.

L’énoncé « vous êtes seul » est présenté comme l’argument pour la conclusion « vous êtes malheureux ». Pourtant, le locuteur B a contesté la vérité de cet argument en utilisant des contre-arguments « Je ne suis pas seul. J’ai mes chats, mes livres. Je suis tranquille ». Ces arguments s’orientent vers la conclusion inverse « je suis heureux ». Nous en parlerons plus en détails dans les lignes qui suivent.

2.5. Réfutation

Sur ce point, nous nous basons sur la théorie de Moeschler. Pourtant, nous allons commencer par analyser les définitions proposées par les dictionnaires qui sont respectivement le Trésor de la langue française et Le Petit Robert.

Page 28: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Approche théorique

18

Selon le Trésor de la langue française, réfuter c’est « repousser ce qui est affirmé par une démonstration argumentée qui en établit la fausseté » (article Réfuter). Et Le Petit Robert définit la réfutation comme « démontrer la fausseté d’une opinion, d’une proposition ».

A partir de ces deux définitions nous retenons les points suivants :

- la réfutation présuppose l’existence antérieure d’un acte d’assertion (ce qui est affirmé).

- elle traduit le désaccord de l’interlocuteur vis-à-vis de cette assertion, et fonctionne par conséquent comme un acte réactif (repousser ce qui est affirmé).

- l’interlocuteur, c’est-à-dire le destinataire du premier énoncé, essaie de convaincre de l’invalidité de l’assertion en question (démontrer la fausseté)

- la réfutation a un caractère argumentatif (démonstration argumentée).

La réfutation est donc une forme particulière de l’argumentation. Elle implique, selon l’expression de Moeschler, la présence d'une relation d'ordre argumentatif : « Une réfutation est ainsi un acte complexe ou macro-acte de langage caractérisé par l’existence d’une relation d’ordre argumentatif entre ses constituants » (1982 : 123). C’est une démarche qui consiste à intégrer, autrement dit à « rentrer dans » le raisonnement de l’autre pour en déceler les incohérences ou les contradictions sur lesquelles reposent ses arguments afin de le discréditer.

Ainsi, dans l’exemple suivant1 :

A : Le foot est un sport d’équipe.

B : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi. Si on parle d’un sport d’équipe on parle de la bonne entente à l’intérieur de l’équipe. C’est sans doute cette entente qui donne la victoire. Or, au foot, chaque footballeur est obsédé par l’argent et par son image de marque. C’est pourquoi chacun joue pour soi.

L’intervention de A est un acte initiatif d’assertion et l’intervention de B un acte réactif de réfutation. Dans son intervention, B cherche à démontrer la fausseté de la proposition énoncée par A en donnant des arguments « chaque footballeur est obsédé par l’argent et par son image de marque » et « chacun joue pour soi » pour la conclusion anti-orientée « le foot n’est pas un sport d’équipe ». On appelle l’énoncé de B l’énoncé réfutatif. Un énoncé réfutatif est donc un mouvement contre-orienté. Que signifie alors le terme « contre » ? Dans le cas de cet exemple,

1 La production de cet exemple se base sur l’exercice 2, Café Crème 3, p.124

Page 29: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

19

« contre » consiste à montrer que les arguments sur lesquels repose la conclusion « Le foot est un sport d’équipe » sont intenables. Et une fois que les arguments sont intenables, la conclusion, à son tour, est invalidée. En un mot, on peut dire que la réfutation constitue un processus d’invalidation qui consiste à produire des raisons en faveur d’une conclusion différente et incompatible, autrement dit, il s’agit simplement d’un processus de justification. C’est le cas de l’exemple ci-dessous2 :

A : Le foot, c’est un sport d’équipe.

B : Tu as tort d’y croire. Au foot, chacun joue pour soi, c’est-à-dire contre tous. Le footballeur est un égoïste qui ne pense qu’à soi. Ils se prennent tous pour des vedettes au lieu de jouer en équipe.

Depuis Aristote, on distingue deux manières de rejeter une conclusion / une argumentation : la réfutation et l’objection. Une réfutation est considérée comme quelque chose de plus puissant qu’une objection. On dit généralement que la réfutation est l’argumentation qui contredit la conclusion de l’adversaire alors que l’objection est l’expression d’une opposition argumentative par le biais d’un argument faible. On peut aussi remarquer que la première tend à clore le dialogue alors que la deuxième appelle une réponse, donc maintient le dialogue.

2.6. Valeur et effet de l’argumentation

Comme nous l’avons dit plus haut, l’argumentation est un processus qui se compose de deux éléments essentiels : l’argument et la conclusion. Un argument est un moyen qui nous oriente vers une conclusion. Et lorsque l’argumentateur impose cette conclusion au destinataire de son argumentation, il nourrit évidemment l’idée de lui faire adopter un certain comportement qui convienne à cette croyance.

C’est le cas de l’exemple suivant :

Le père s’adresse à son fils :

Assieds-toi un peu plus loin de la télévision ! Sinon tu auras des problèmes avec tes yeux.

Ici, le père, à travers cet enchaînement argumentatif, veut voir son fils changer de place, s’asseoir loin du petit écran. Il cherche donc à influencer le comportement de son fils.

2 Idem.

Page 30: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Approche théorique

20

Pourtant, il est à noter également que l’argumentateur ne vise pas uniquement à imposer telle croyance ou telle attitude à son destinataire. Il essaie aussi, par son discours argumentatif, de faire croire à l’interlocuteur qu’il est tout à fait logique, raisonnable en adoptant cette croyance ou cette attitude.

Bien sûr, l’argument est soit accepté soit repoussé par celui-ci. S’il s’agit du deuxième cas, c’est-à-dire que l’argument n’est pas admis ou est jugé moins bon, moins pertinent, l’interlocuteur recourt à la réfutation.

Etudions les deux énoncés suivants :

(1) « Arrête de manger trop de graisse, tu risques de prendre des kilos »

(2) « Pierre ne viendra pas nous voir ce week-end, il est parti ce matin pour Paris »

Dans le 1er énoncé, « manger trop de graisse » est un bon argument pour la conclusion « tu prendras des kilos », mais dans le 2e énoncé, l’argument « il est parti ce matin pour Paris » n’est pas considéré comme persuasif pour aller vers la conclusion « Pierre ne viendra pas nous voir ce week-end ». C’est pourquoi, l’interlocuteur peut très bien réfuter en disant « Si, car il reviendra vendredi après-midi ».

Récapitulation

Nous venons de faire une synthèse des différentes approches théoriques qui sont respectivement celle de Perelman, de Toulmin, de Ducrot et d’Anscombre. Ce travail vise à décrire l’état de la question sur les études de l’argumentation. Les notions de base de l’argumentation ont été également présentées dans le but de construire un modèle cohérent d’argumentation, compatible avec les objectifs pédagogiques concrets poursuivis que nous allons préciser dans les parties à venir.

Page 31: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

21

Chapitre 2 : Types d’arguments

Dans ce chapitre, nous nous basons essentiellement sur la classification de Plantin qui classe les argumentations en fonction « des paramètres d’objet, de langage, d’interaction » (1996 : 39).

La première catégorie d’argumentation manipulant des objets et des relations entre objets regroupe :

- Argumentation et causalité

- Argumentation et analogie

- Argumentation sur la nature des choses et leur définition

La deuxième catégorie est l’argumentation qui subit les contraintes du langage :

- Les ressources de la langue

- Désignations et prises de position

- L’argumentation dans la langue

La troisième catégorie comprend les argumentations présentées comme un processus interactif :

- L’argumentation par la force

- L’argumentation par l’ignorance

- L’argumentation sur la personne

- L’argumentation d’autorité

1. Argumentation et causalité

Il s’agit de bien distinguer entre les argumentations qui établissent une relation causale et les argumentations exploitant cette relation.

Page 32: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Types d’arguments

22

1.1. Argumentation établissant une relation causale : argumentation causale

L’argumentation causale vise à expliquer un phénomène quelconque en cherchant à le rattacher à une cause. Autrement dit, ce mode d’argumentation sert à établir un lien causal entre deux événements. Selon l’expression de Plantin, « dans ces argumentations, la relation de causalité a donc le statut de thèse, à confirmer ou à infirmer » (1990 : 217). Il précise aussi des démarches à suivre pour une argumentation de ce type : formulation des hypothèses, mise au point d’expériences cruciales permettant de rejeter certaines de ces hypothèses, confirmation de l’hypothèse qui prend le statut de « cause ».

1.2. Argumentation exploitant une relation causale

1.2.1. Argumentation par la cause

Dans cette argumentation, la relation causale n’a plus le statut de conclusion mais le statut d’argument. Elle met l’affirmation causale au service d’une conclusion pratique.

Soit l’exemple ci-dessous :

Ne viens plus chez elle ! Chaque fois que tu la vois, tu as des histoires avec elle !

La conclusion « Ne viens plus chez elle » est justifiée par l’argument « Chaque fois que tu la vois, tu as des histoires avec elle ».

De cet argument, on peut tirer des présupposés :

« Tu viens chez elle » (E1)

« Tu as des histoires avec elle » (E2)

On peut dire par conséquent que la formulation de cet argument repose sur une affirmation de causalité : E1 est la cause de E2.

Cet argument est donc appelé « argument par la cause ».

En second lieu, l’énoncé ci-dessus présuppose un jugement de valeur sur l’effet E2

« Avoir des histoires avec elle provoque un mauvais état psychologique »

Page 33: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

23

et conclut donc que E2 doit être éliminé, d’où la conclusion « Ne viens plus chez elle ! »

1.2.2. Argumentation par l’effet

Dans l’exemple :

S’il n’est pas malade, c’est qu’il a été vacciné

l’argument « il a été vacciné » est la cause et la conclusion « il n’est pas malade » peut être considérée comme l’effet, donc vice versa, si l’effet est constaté, on peut affirmer la cause.

1.2.3. Argumentation par les conséquences

Ce mode d’argumentation se rencontre bien fréquemment dans la vie courante. L’argumentation pragmatique donnée par le Proposant est réfutée par l’Opposant. Ce dernier, étant l’adversaire de la mesure en question, refuse le raisonnement du partisan en exploitant des effets pervers de la mesure. C’est le cas de l’exemple suivant :

Question : Faut-il enseigner une langue étrangère aux enfants de 3 ans ?

Proposant : Oui, l’enseignement précoce des langues étrangères contribuera à développer l’esprit logique des enfants (argumentation pragmatique : bonne conséquence)

Opposant : Non, au contraire, les enfants auront du mal à maîtriser et la langue maternelle et la langue étrangère (réfutation par effets pervers : mauvaise conséquence)

2. Argumentation et analogie

L’argumentation par analogie joue le rôle prépondérant dans la production et la justification des propositions malgré l’incertitude de sa valeur explicative.

Nous trouvons ci-dessous la forme schématique de l’argumentation par analogie présentée par Plantin :

L’objet P a les propriétés A1, A2,…, An, An+1

L’objet P’ a les propriétés A1, A2,…, An

Page 34: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Types d’arguments

24

Par analogie, l’objet P’ a aussi la propriété An+1

De ce schéma, nous pouvons dire que tout argument par analogie comporte la comparaison d’objets non identiques ; il y a donc toujours des dissimilarités. La force des arguments par analogie réside dans le nombre de similarités pertinentes pour l’argument, et sa faiblesse dans le nombre de dissimilarités pertinentes pour l’argument. Ainsi, on peut comprendre pourquoi un expérimentateur a considéré le rat comme un « bon » animal de laboratoire pour l’évaluation d’effets possibles sur les humains. Il s’agit sans doute du processus de l’argumentation par analogie.

Il est aussi à noter que la métaphore est un cas particulier de l’argumentation par analogie comme dans l’énoncé suivant :

Il faut équiper tous les avions d’un radar, puisque le radar est à l’avion ce que l’oeil est au chasseur.

Ici, le locuteur établit une similitude de rapport entre deux couples de termes « le radar est à l’avion » et « l’œil est au chasseur ». Si on admet « l’œil est au chasseur », on admet aussi « le radar est à l’avion ».

3. Argumentation sur la nature des choses et leur définition

L’argumentation par la définition consiste dans l’explication d’un terme de façon détaillée en privilégiant les traits essentiels. Une définition bien établie peut servir de bon fondement à des argumentations par la définition. Si elle s’oriente dans le sens d’une thèse qu’on soutient, elle devient elle-même argumentative. En d’autres termes, une définition argumentative en définissant un terme exprime aussi une prise de position qui peut être favorable ou défavorable vis-à-vis de l’objet défini.

Question : Avez-vous passé de bonnes vacances en Thaïlande ?

Définition argumentative : J’appelle ça un triste souvenir. J’ai donné de

l’argent pour acheter de la fatigue, voire de l’angoisse.

Cette définition inclut le trait négatif « un triste souvenir ». Ce « triste souvenir » est justifié encore une fois par l’énoncé qui suit. On dira alors que l’interlocuteur redéfinit argumentativement l’expression « vacances en Thaïlande ». Cette définition laisse entendre la conclusion : « Les vacances en Thaïlande se sont mal passées »

Page 35: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

25

4. Les ressources de la langue

La première remarque consiste à dire que la langue contient en elle une « logique linguistique » (Plantin, 1996 : 56) qui règle certains enchaînements argument - conclusion.

Cette montre est suisse, et les montres suisses sont de bonne qualité. Donc, cette montre est de bonne qualité.

Dans cet exemple, de 2 arguments on déduit la conclusion. C’est le cas du syllogisme (un discours composé de 3 énoncés simples : une conclusion inférée de 2 prémisses).

L’argumentation est, en second lieu, présentée comme une transformation d’énoncés. On a recours à une « paraphrase argumentative » (Plantin, 1996 : 57), c’est-à-dire qu’on essaie de reformuler ou de paraphraser la conclusion pour donner un argument pour cette conclusion.

Ainsi, l’énoncé :

Les étudiants de moins de 28 ans ont droit à un abonnement mensuel de 31 euros parce que c’est leur droit.

se compose de deux énoncés : l’énoncé conclusion « Les étudiants de moins de 28 ans ont droit à un abonnement mensuel de 31 euros » et l’énoncé argument « parce que c’est leur droit » dont l’énoncé conclusion est une paraphrase de l’énoncé argument.

Dans notre vie de tous les jours, nous entendons des énoncés comme suit :

Les salaires modestes doivent payer très peu d’impôts car ils ne permettent de vivre que modestement ; par contre, les hauts salaires doivent être fortement taxés car ils permettent de vivre luxueusement, donc de se priver du superflu.

Il s’agit ici de l’argumentation par les contraires. Cette argumentation est aussi un mode d’argumentation par transformation d’énoncés. La transformation consiste au remplacement du terme sujet par son contraire (salariés modestes / salariés bien payés) et du terme prédicat par son contraire (payer très peu d’impôts / être fortement taxés). L’argumentateur met aussi en contraste deux autres expressions : vivre modestement / vivre luxueusement.

L’argumentation par les contraires, selon Plantin (1996) prend la forme schématique suivante :

a est P donc non-a est non-P

Page 36: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Types d’arguments

26

5. Désignation et prise de position

Plantin insiste sur la double fonction du mot qui est de désigner et d’orienter.

Nous examinons l’exemple suivant :

A : Comment trouves-tu Pierre ?

B : C’est un gros menteur

Le groupe nominal « gros menteur » ne vise pas seulement à décrire le type de personne auquel appartient Pierre (ceux qui mentent toujours, qui peuvent tromper quelqu’un, qui sont assez dangereux…) mais aussi à orienter le discours. « C’est un gros menteur » peut être considéré comme un argument conduisant l’interlocuteur vers la conclusion implicite « J’aime pas ce genre de personnes » ou « Je ne l’apprécie pas ».

6. Argumentation dans la langue

6.1. Les topoï

Dans leur théorie de « l’argumentation dans la langue », Anscombre et Ducrot ont introduit le concept de topoï (au singulier : topos), trajet que l’on doit obligatoirement emprunter en vue d’atteindre une conclusion déterminée. Un topos est défini par Ducrot comme « le garant qui autorise le passage de l’argument A à la conclusion C » (1995 : 85). D’après Plantin, il s’agit d’« un instrument linguistique connectant certains mots, organisant les discours possibles et définissant les discours « acceptables », cohérents dans cette communauté » (1996 : 66). Ainsi, en disant :

Ce manteau est trop cher. Ne l’achetez pas !

Cet enchaînement argumentatif s’appuie sur le topos « plus cher est le prix, moins on a la possibilité d’acheter »

De même :

(1) - Je n'ai plus de cigarettes.

(2) - Tu sais, il y a un bureau de tabac au coin de la rue.

(2) s’enchaîne à (1) de façon cohérente grâce à l'implication contextuelle : « On vend des cigarettes dans le bureau de tabac ». Au contraire :

Page 37: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

27

(1) - Je n'ai plus de cigarettes.

(3) *- Tu sais, il y a une fromagerie au coin de la rue.

Cet échange est agrammatical, puisqu'il n'y a aucun rapport entre cigarettes et fromagerie.

Les topoï fonctionnent comme les « lieux communs », ou vérités de bon sens sur lesquelles se repose la pratique de l’argumentation.

6.2. Les connecteurs

Les connecteurs sont des mots ou des groupes de mots de nature très variée qui ont pour fonction de relier des segments de texte et d’en assurer l’organisation en marquant des relations logiques et sémantiques entre les propositions ou entre les séquences qui le composent.

Sous l’angle argumentatif, les connecteurs sont définis par Plantin comme :

« mots de liaison et d’orientation qui articulent les informations et l’argumentation d’un texte. Ils mettent notamment les informations contenues dans un texte au service de l’intention argumentative globale de celui-ci » (Plantin, 1989 : fiche 10)

Nous parlerons plus en détail des connecteurs dans une partie à part.

6.3. La notion de « sémantique intentionnelle »

Dans la théorie de « l’argumentation dans la langue », on parle d’un nouveau type de sémantique que Plantin appelle « sémantique intentionnelle » (1996 : 70). Pour être plus précis, nous disons que le sens d’un mot ne se trouve pas à l’intérieur du mot mais doit être recherché dans un cadre discursif, cela veut dire également qu’un énoncé doit être analysé en relation avec « la poursuite du discours » selon l’expression de Plantin (1996 : 70). En effet, tout énoncé tend à orienter l’interlocuteur vers une certaine direction discursive. Et un interlocuteur intelligent est celui qui comprend l’intention du locuteur ainsi que les intentions linguistiquement exprimées dans l’énoncé. Bref, il est capable de prévoir la suite de l’énoncé, en d’autres termes, la conclusion vers laquelle s’oriente cet énoncé.

Pour résumer, on dit que le sens de l’énoncé argument est déterminé par l’énoncé conclusion, et cette dernière reflète fidèlement l’intention linguistique de l’argumentateur.

Page 38: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Types d’arguments

28

7. Argumentation par la force

L’argumentation par la force revient à présenter un argument à quelqu’un en vue de lui faire admettre une proposition. Plantin a tracé la structure de cette argumentation comme suit :

- X n’a pas envie de faire A.

- Y a intérêt à ce que X fasse A.

- Y menace X et donne un moyen d’échapper à cette menace en faisant subir un désagrément moindre.

- X fait face à un rapide calcul de ses intérêts, et décide d’accepter un mal moindre pour éviter un mal plus grand.

Ainsi, nous avons l’exemple suivant :

Si vous ne payez pas vos amendes, je suis obligé de faire venir un commissaire de police.

L’interlocuteur se trouve devant un choix entre deux solutions : « payer des amendes » ou « avoir des problèmes avec la police », la première est désagréable et la deuxième encore plus. Autrement dit, l’interlocuteur envisage la situation où un petit inconvénient balance un grand désavantage. Les caractéristiques de ce mode d’argumentation consistent essentiellement dans l’appel à la force, au pouvoir ou à la volupté.

8. Argumentation par l’ignorance

On a recours à cette stratégie d’argumentation lorsqu’on veut que l’adversaire admette ce qu’on lui présente comme preuve, ou bien qu’il fournisse un meilleur argument.

Exemple :

A : Trouves-tu une autre solution à cette situation ?

B : …….

C : Puisque tu ne trouves pas d’autre solution, fais comme je t’ai dit. C’est la meilleure solution pour le moment.

Page 39: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

29

9. Argumentation sur la personne

Ce mode d’argumentation tend à rendre non valable une autre argumentation en diminuant le prestige de la personne qui la soutient. Il a donc le caractère réfutatif parce qu’on a souvent affaire à une stratégie de rejet au lieu d’un processus argumentatif positif, au cours duquel on essaie d’étayer une conclusion par un argument. Cette argumentation prend la forme suivante :

- X avance une argumentation A

- Y rétorque en attaquant X

9.1. Mise en contradiction

La première manière d’argumenter sur la personne consiste à mettre cette personne en contradiction avec elle-même. Il s’agit de « presser un homme par les conséquences qui découlent de ses propres principes, ou de ce qu’il accorde lui-même » (définition de Locke citée par Plantin, 1996 : 84). Cette tactique d’argumentation englobe :

- mise en contradiction des paroles

- mise en contradiction des paroles et des croyances

- mise en contradiction de paroles et d’actes

- mise en contradiction des prescriptions et des pratiques.

Nous examinons l’exemple ci-dessous :

A : Connais-tu quelqu’un à Lyon qui ait des chambres à louer ?

B : Non. Moi, je n’ai pas d’expérience en ce domaine.

A : Eh ben, mais tu m’as dit, lors de notre dernière conversation téléphonique, que tu me trouveras un logement quand je viendrai à Lyon.

C’est le cas de la mise en contradiction des paroles où le locuteur A met en contradiction les affirmations de l’interlocuteur B.

Un autre exemple :

Vous voulez soutenir votre mémoire au mois de septembre et vous ne changez pas votre rythme de travail.

L’énonciateur met en contradiction entre ce que son destinataire prétend faire et ce qu’il réalise en réalité. Le « et » fonctionne dans l’exemple cité comme un marqueur

Page 40: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Types d’arguments

30

d’opposition argumentative. C’est le cas de mise en contradiction de paroles et d’actes.

Alors que dans le cas suivant :

Vous demandez à vos élèves d’écrire une belle lettre de motivation et vous êtes incapable d’en écrire une vous-même.

La contradiction est relevée entre ce que le destinataire exige des autres et ce qu’il peut fait réellement. On parle donc du quatrième cas de mise en contradiction.

9.2. Attaque personnelle contre l’adversaire

La deuxième manière d’argumenter sur la personne consiste en une attaque personnelle contre l’adversaire.

A : Il paraît qu’à partir de l’année prochaine on va supprimer le concours d’entrée à l’Université.

B : T’es trop manipulé par les médias ! Arrête maintenant de dire des bêtises !

L’Opposant B se montre opposé à l’intervention du Proposant A. Il attaque ce dernier en parlant de lui en termes négatifs.

10. L’argumentation d’autorité

Il est à noter que nous allons accorder dans la troisième partie de la thèse une part importante à la présentation détaillée de ce type d’argument. Nous nous contentons d’aborder dans cette partie des questions concernant la définition de l’argument d’autorité.

L’argument d’autorité vise à rendre légitime une proposition en faisant appel à une personne, une institution considérées comme dignes de foi. Ce mode d’argumentation est largement influencé par le « prestige » qui est défini comme « la qualité de ceux qui entraînent chez les autres la propension à les imiter » (définition de Dupréel citée par Perelman et Olbrechts-Tyteca, 1958 : 407).

Plantin appelle l’argument d’autorité « argument de confirmation » (1996 : 88) qui soutient une conclusion dans une argumentation. Cette argumentation prend la forme suivante :

- Proposant : - P, car X dit que P, et X est une autorité en la matière

Page 41: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

31

A partir de cette présentation, nous disons que le Proposant utilise l’argument d’autorité lorsqu’il veut donner comme argument pour une affirmation P le fait que cette affirmation a été énoncée ou admise par un locuteur X particulièrement autorisé, qui se prend pour le garant de la justesse de P.

L’argument d’autorité apparaît dans les énoncés du type suivant :

X dit / soutient / affirme / pense que P, et il s'y connaît

Pierre a dit qu’il ferait beau demain, et c’est un météorologiste de première classe.

Tout le problème de l'argument d'autorité tourne autour de la crédibilité de l'expert cité et de la pertinence de son savoir vis-à-vis du thème de la discussion. Cette « interaction autoritaire », selon l’expression de Plantin (1990 : 212), renvoie aux mécanismes de citation et de polyphonie, à une structure de communication particulière où le discours donateur d'autorité est transposé, vulgarisé, traduit. L'argumentation par autorité a donc un caractère polyphonique évident dont nous parlerons ultérieurement.

Récapitulation

Cette classification de Plantin appuyée sur l’analyse des arguments en fonction des paramètres d’objets, de langage et d’interaction nous offre une vision parfaitement claire et détaillée sur les différents types d’argumentation. Ce serait l’idéal si nous insérions ce classement dans un cours purement théorique sur l’argumentation, cours, bien sûr, réservé uniquement aux enseignants et aux futurs enseignants de français langue étrangère. L’explication est tellement simple : un enseignant ne peut pas apprendre à ses élèves à argumenter quand il ne comprend pas à fond ce qu’est l’argumentation ou qu’il est incapable d’argumenter lui-même. Ce cours, accompagné, bien entendu, d’autres cours portant sur d’autres aspects de l’argumentation, a pour but d’apporter une formation complémentaire sur l’argumentation, un domaine qui reste encore, pour les enseignants vietnamiens, plus ou moins un terrain « inexploité ». Nous utilisons le terme « inexploité » parce que nos enseignants de français, en ce qui concerne la linguistique, n’ont pas tellement de difficultés car ils sont bien formés, mais en matière d’argumentation, il leur faut absolument une formation afin de remplir leurs lacunes en cette discipline. D’ailleurs, grâce à leur connaissance antérieure de la théorie de la langue, ils peuvent capter sans trop d’obstacles, de nouvelles notions en argumentation.

Page 42: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Types d’arguments

32

Au contraire, en ce qui concerne nos apprenants de français, nous devrions prendre des précautions. En fait, compte tenu de leur programme de formation, de leur expérience, de leur personnalité, de leur état d’esprit, et notamment de leur niveau en français encore très modeste, nous pensons que l’adoption d’une telle classification d’argumentations constituera pour eux un enjeu extrêmement épineux.

C’est pourquoi, dans l’espoir de les aider à bien distinguer et à bien employer des arguments, nous adoptons le classement de Mirabail (1994). Sa classification, que nous jugeons plus simplifiée et accessible aux apprenants, prend comme point de départ la question portant sur des procédés utilisés en vue de valider une prise de position ou plus précisément encore, de développer un argument.

Avant de passer au classement des arguments, il nous paraît important d’éclairer le terme « idée-prise de position » que l’auteur utilise fréquemment tout au long de son ouvrage. Une « idée-prise de position » (IPP) contient toujours un mot-thème (ou une expression) qui désigne ce dont on parle et un mot-thèse (ou une expression) qui indique ce que l’on veut prouver. Ce mot-thèse détermine l’orientation argumentative des faits.

Selon son approche, les arguments sont classés en deux grandes catégories :

Les arguments affirmatifs

Sont regroupés dans ce type d’arguments de simples confirmations de l’idée-prise de position. Dans cette catégorie, le développement rend plus claire, plus familière, plus concrète, plus explicite l’idée-prise de position. Il la renforce mais il n’apporte aucune preuve de sa validité.

• Soit on s’appuie sur des faits qui illustrent l’idée-prise de position. On a alors recours à l’exemple, à des faits significatifs qui ont la force du concret. C’est le cas de l’argument fondé sur le recours à l’exemple.

• Soit on s’appuie sur des valeurs. On fait alors référence :

- à l’autorité (grands acteurs, savants, hommes renommés,…)

- à l’opinion, à la tradition, à des valeurs consensuelles (proverbes, dictons…)

On a donc affaire à des argumentations d’autorité.

• Soit on éclaire un argument :

- par une définition

- par l’explication

- par le symbole ou la métaphore

Page 43: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

33

- par l’analogie

Les arguments logiques

Lors d’une argumentation, les arguments s’enchaînent les uns aux autres par l’intermédiaire des relations logiques. Il est donc important que l’enseignant fasse découvrir aux élèves ces différentes relations. A chaque type de relation correspond un type d’argument. Ces arguments se caractérisent par la présence des connecteurs à l’intérieur de leur développement. Voici les raisonnements les plus couramment utilisés :

• La causalité

C’est un procédé qui consiste à étudier un phénomène par l’analyse de ses causes ou de ses conséquences. Dans le langage courant, la cause est exprimée par « car, en effet, parce que, sous prétexte que, puisque, comme…» ; et la conséquence est exprimée par « donc, c’est pourquoi, d’où, de là, de telle sorte que, de sorte que, si bien que,… »

Ce type d’argument renvoie au mode d’argumentation par la cause proposé par Plantin.

• La déduction

A la différence des arguments qui utilisent l’exemple comme une simple illustration de l’idée-prise de position, la déduction est un raisonnement qui vise à tirer, à partir des principes, une conclusion nécessaire et logique. Le syllogisme est un cas typique de ce type d’argument.

• L’induction

L’induction est un mode de raisonnement qui permet de passer du particulier au général, de l’individuel à l’universel, c’est-à-dire des faits aux lois. Ce procédé est souvent utilisé dans l’argumentation car il permet de dégager, en se référant à la réalité concrète, une règle générale grâce à l’observation et à la confrontation d’une série de faits. C’est une généralisation qui peut conduire à une illustration grâce à des exemples.

Exemple :

Les jeunes ne respectent pas les personnes âgées. J’ai vu encore ce matin dans le bus une vieille dame rester debout alors qu’un étudiant, assis tranquillement sur un siège, continuait à lire son journal.

Page 44: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Types d’arguments

34

• La comparaison

Ce mode de raisonnement consiste à mettre en relation deux termes dont on relève rigoureusement les points de similitude, les différences, les oppositions par l’intermédiaire de termes comme : comme, tel, ainsi que, de même que, plus que, moins que.

• La concession

Elle introduit la polyphonie dans une séquence (paragraphe à l’écrit). Ce procédé se caractérise par la mise en présence de deux (ou plusieurs) thèse dont l’une est réfutée ou nuancée avant que celle de l’idée-prise de position ne soit confirmée. La concession est exprimée par « malgré, bien que, quoique, sans doute, certes… ». Le plus utilisé est « mais ». L’auteur constate qu’il existe des faits ou des arguments qui s’opposent à sa thèse mais il maintient son opinion et poursuit son raisonnement.

Bien que l’auteur ait fait une erreur en considérant la concession comme un type d’argument, nous espérons que ce classement de catégories d’arguments, de caractère plus ou moins sommaire, est plus accessible aux apprenants de français langue étrangère, vu leur niveau de connaissance de langue, leur passion pour l’argumentation et aussi la question de gestion de temps en classe. Les enseignants, quant à eux, ont la possibilité de faire référence à notre travail de synthèse proposé auparavant, qui s’inspire largement des travaux de Plantin pour acquérir une vision plus théorique, plus académique, plus détaillée et aussi plus complexe en ce qui concerne les argumentations.

Nous avons abordé dans les deux chapitres précédents des conceptions de base de l’argumentation et les différents types d’arguments. Le chapitre qui suit sera réservé à l’exploitation des stratégies de l’argumentation.

Page 45: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

35

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

Dans ce chapitre, nous allons parler, de façon détaillée, des opérations argumentatives qui sont respectivement la justification, la réfutation, la contre-argumentation et la concession.

1. La justification

1.1. Définition

La justification d’un point de vue est l’opération de base de l’argumentation. Si le débat et la délibération sont de nature prospective, la justification est au contraire de nature rétrospective. La thèse est connue de l’argumentateur et ce dernier a à trouver des arguments et à utiliser des moyens appropriés pour établir sa validité. Une justification est acceptable lorsqu’elle remplit deux critères : critère d’efficacité et critère de clarté.

1.2. Critère d’efficacité

Pour être efficace, le discours doit être rigoureusement construit. L’argumentateur a recours à plusieurs arguments. Ces arguments sont juxtaposés, hiérarchisés et construits en faisceau. Nous empruntons le schéma proposé par Mirabail (1994 : 151) pour représenter la construction des arguments :

Introduction de la thèse

Argument 1

Argument 2

Argument 3

Conclusion

Réaffirmation de la thèse

Page 46: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

36

La validité de la thèse se justifie donc par un ensemble d’arguments co-orientés.

L’efficacité réside aussi dans la manifestation de la conviction personnelle. L’auteur peut adopter un ton impersonnel ou un ton plus polémique. Dans le premier cas, l’énonciateur s’efface et la conviction apparaît à travers d’autres indices tels que « il est certain », « évidemment », « efficacement », « on peut soutenir que »,… alors que dans le second cas, il utilise des procédés de prise en charge personnelle comme « je pense », « je crois », « je suis convaincu », « de mon point de vue », « il m’apparaît »,…

1.3. Critère de clarté

Classer les arguments a pour finalité la clarté. Cela veut dire que dans un discours de justification, les arguments doivent être classés en fonction de :

• leur domaine d’analyse (du point de vue psychologique, du point de vue langagier, sur le plan familial, sur le plan social…)

• leur catégorie logique : situation – cause – conséquence – solution, cas particulier - cas général, faits – lois…

• couple d’opposition : avantage / inconvénient, point positif / point négatif, apparence / réalité, avant / après (en publicité)…

Il est tout à fait possible que ces classements soient combinés. Par exemple, quand on parle de l’inondation de Hanoï en octobre 2008, on peut aborder les conséquences financières, médicales, culturelles…

Un autre point non moins important auquel nous devons porter notre attention, c’est l’orientation argumentative des arguments. Ceci est dit dans le schéma ci-dessus : les arguments sont regroupés autour d’une thèse. Ils doivent être coorientés, c’est-à-dire présentés comme destinés à servir une même thèse. L’argumentation ouvre jusque là une autre exigence : celle de la hiérarchisation et de la gradation des arguments au nom de l’efficacité. Nous touchons donc à la notion de « force argumentative » précisée par Moeschler d’après Ducrot, comme suit :

« Les arguments appartenant à une même classe argumentative sont dans une relation d’ordre : certains arguments sont plus forts, d’autres sont plus faibles. Soient deux énoncés p et p’ appartenant à la même classe argumentative. On dira que p’ est présenté par le locuteur comme un argument plus fort que p, si

Page 47: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

37

la conclusion de p à r implique la conclusion de p’ à r, l’inverse n’étant pas vrai » (1994 : 281)

Examinons l’exemple suivant :

La cellule familiale est encore un élément essentiel dans notre société : elle est un refuge et même un milieu éducatif irremplaçable.

La thèse « La cellule familiale est encore un élément essentiel dans notre société » est justifiée par deux arguments coorientés dont le premier « elle est un refuge » est considéré comme moins fort que le second « même un milieu éducatif irremplaçable ». Ici, l’opérateur argumentatif « même » a la fonction d’attribuer un statut argumentatif plus fort, voire décisif au deuxième argument. Autrement dit, « même » a la propriété de décider de la force argumentative de l’argument.

Bref, la justification d’une thèse consiste à valider cette thèse par un système d’arguments ayant la même orientation argumentative qui sont classés et hiérarchisés en fonction de leur force argumentative.

2. La réfutation

2.1. Définition

Nous reprenons la définition de la réfutation donnée dans la partie antérieure.

Réfuter, au sens propre du terme, consiste à produire des raisons contre une conclusion. Du point de vue argumentatif, il s’agit donc d’un mouvement contre-orienté, ce qui différencie « réfuter » de « justifier », puisque justifier, au contraire, revient à produire des raisons en faveur d’une conclusion. L’important est de ne pas confondre entre la réfutation et la défense de la thèse adverse. En effet, si la réfutation est une démarche qui consiste à s’intégrer dans le raisonnement de l’autre pour en déceler les incohérences ou les contradictions sur lesquelles reposent ses arguments afin de le discréditer, la défense de la thèse adverse est simplement un processus de justification. Ainsi, dans l’échange suivant :

A : - La mode permet d’exprimer sa personnalité.

B : - Non, la mode n’exprime pas sa personnalité. Elle nous est plutôt imposée et détermine nos goûts vestimentaires.

Réfuter c'est refuser une argumentation en prouvant sa fausseté. La réfutation est donc une démarche négative, un processus d’invalidation.

Page 48: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

38

2.2. Réfutation de l’argumentation

Il y a plusieurs types de réfutation. Moeschler distingue trois types de réfutation qui sont respectivement les rectifications, la réfutation propositionnelle généralement suivie d’une justification et la réfutation présuppositionnelle accompagnée nécessairement d’un acte de justification. Maingueneau, quant à lui, propose aussi trois types : réfutation complète, réfutation par dénégation et réfutation par retournement. Dans le cadre de notre travail, nous nous intéressons particulièrement à la réfutation de l’argumentation. Alors, qu’est-ce que c’est que la réfutation de l’argumentation ? Quelle composante du schéma argumentatif fait l’objet de la réfutation ? Notre réponse est que toute composante fait l’objet de la réfutation y compris l’argument, la conclusion et la loi de passage.

2.2.1. La réfutation de l’argument

Réfuter les arguments de l’interlocuteur constitue l’une des stratégies couramment utilisées pour invalider son argumentation.

Examinons l’exemple suivant :

A : - On m’a dit que vous avez une résidence secondaire à la campagne. Alors, vous y passez vos vacances d’été ?

B : - Non, moi, je n’ai rien d’autre que mon petit appartement au centre-ville.

Dans l’intervention de A, « vous avez une résidence secondaire à la campagne » est un argument orienté vers la conclusion « Vous y passez alors vos vacances d’été ». B, en déclarant faux l’argument formulé par A « je n’ai rien d’autre que mon petit appartement au centre-ville », réfute justement cet argument.

Il arrive aussi des cas où l’argument n’est pas entièrement accepté. Il est atténué, diminué ou infléchi :

A : - LCL est une banque de grande taille. Il vaut mieux y poser ta candidature pour la demande de stage.

B : - Elle n’est pas si grande que ça, je pense.

L’argument « LCL est une banque de grande taille » n’est pas considéré comme suffisamment efficace pour en tirer la conclusion visée par A.

Page 49: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

39

2.2.2. La réfutation du topos

Comme nous l’avons dit plus haut, la loi de passage peut être mise en question et cette mise en question donne lieu à des possibilités de réfutation. Un topos peut être réfuté de plusieurs manières :

• La non pertinence du topos

On a simplement à déclarer que le topos n’est pas pertinent. Soit le dialogue suivant :

A : - Pierre a beaucoup travaillé, il va réussir son examen.

B : - Regarde Jean, il n’a pas travaillé et il a quand même réussi.

C’est la validité du topos que A a réfutée. En rejetant l’idée que plus on travaille plus on réussit, B cherche à démontrer que le travail ne mène pas forcément au succès.

• La négation du topos

Examinons l’exemple ci-dessous :

A : - Bientôt arrive l’été ! Tu vas passer tes vacances à la plage ?

B : - Je n’aime pas aller à la plage en été. Je préfère y aller en hiver.

B nie le topos selon lequel on va généralement à la plage en été. Son désaccord porte sur l’orientation de l’argument. La conclusion formulée par A est par conséquent invalidée.

• Refuser l’application du topos tout en reconnaissant sa pertinence

A : - Paul est un père excellent. Il a cessé de fumer dès la naissance de son bébé.

B : - Lui c’est lui, moi je suis moi !

Dans ce dialogue, B reconnaît la pertinence du topos « le tabac est nuisible à la santé, notamment à celle des nouveau-nés », pourtant il refuse de l’appliquer à son cas.

• Rejeter la conclusion en utilisant la gradualité du topos

A : - Il y a de la neige aujourd’hui. On va faire du ski ?

B : - Au lieu de faire du ski aujourd’hui, fais-en demain. La météo annonce qu’il y aura bien plus de neige. D’ailleurs il fera aussi soleil, ce sera un temps idéal pour faire du ski.

Page 50: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

40

L’interlocuteur B rejette la conclusion de A et joue sur le caractère graduel du topos « plus il y a de neige, mieux on peut faire du ski ».

2.2.3. La réfutation de la conclusion

Cette réfutation consiste à insister sur la difficulté d’admettre la conclusion.

A : - Maman, il fait beau aujourd’hui. Allons faire du vélo dans la forêt !

B : - C’est impossible, mon chéri. Il fait beau aujourd’hui mais la forêt est très loin. D’ailleurs, tu n’es pas totalement guéri.

Dans cet échange se pose la question de force de l’argument. Le 1er argument « il fait beau » sert à la conclusion « allons faire du vélo dans la forêt », mais le 2e argument « la forêt est très loin », qui est au moins aussi fort, sinon plus fort que le premier, s’oriente vers la conclusion inverse, et décide de l’orientation argumentative finale « c’est impossible (d’aller faire du vélo dans la forêt) ». La présence du 3e argument introduit par « d’ailleurs » encore une fois renforce la conclusion énoncée par B.

2.3. Techniques de réfutation

On entend par « technique de réfutation » les procédés intégrés à la stratégie argumentative de réfutation qui permet de contester la thèse de la partie adverse.

2.3.1. Destruction du discours de l’opposant

Lors d’une situation de confrontation de positions face à face, il arrive à l’argumentateur de recevoir des énoncés comme suit :

Tu parles très mal français.

Ton intervention se fait dans un français incorrect, on n’y comprend rien.

Tes arguments sont mal organisés. Ils sont confus.

Ton exposé est ennuyeux !

Nous constatons que ces discours n’ont pas pour effet de réfuter mais plutôt de détruire le discours argumentatif du locuteur. En fait, il est tout à fait évident qu’un discours argumentatif doit être grammaticalement correct, clair, intéressant, raisonnable, persuasif. L’Opposant peut donc le rejeter en fondant le rejet sur un défaut linguistique ou sur le manque de clarté (« tes arguments sont mal

Page 51: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

41

organisés »), de décoration (« ton exposé est ennuyeux »)… Ces stratégies de destruction sont toujours efficaces parce qu’elles consistent à discréditer l’adversaire.

2.3.2. Dévaluation de l’adversaire par « le coup du mépris »3

Cette stratégie est à rapprocher de la stratégie de « ridiculiser » de Plantin. Elle consiste à dénier la capacité d’autrui de parler du thème en question.

A : - On va supprimer le concours d’entrée à l’université à partir de l’année prochaine. Nous aurons tous la chance de faire des études universitaires.

B : - La pauvre ! T’es trop manipulée par les médias. Moi, je travaille dans l’éducation, et je n’ai jamais entendu une pareille nouvelle.

Dans son intervention, B adresse à A un discours de disqualification. En même temps, il se légitime lui-même, se présente comme la seule personne capable de traiter le sujet.

2.3.3. Détournement des arguments adverses

Cette stratégie consiste à désorienter ou déstabiliser le discours de l’adversaire en vue d’en tirer des conclusions opposées. De façon générale, on reprend le discours de l’adversaire et propose ensuite son point de vue qui n’adopte pas la même orientation que le discours opposé. Voici les formules qui servent à rappeler l’argument d’autrui :

- Vous avez tout à fait raison de souligner (dire, insister sur…)… Mais comment expliquer alors…

- Si j’ai bien compris vos paroles (si j’interprète bien vos propos, si je comprends bien ce que vous dites…) Mais dans ce cas, comment expliquer…

2.3.4. Recours à la concession

Par l’usage des discours concessifs, l’argumentateur reconnaît une certaine validité du discours de son adversaire. Pourtant il ne veut pas renoncer à ses propres arguments. Bien qu’il n’ait aucun argument à opposer à ceux de son opposant, il veut quand même maintenir son point de vue.

3 Terme emprunté à Plantin

Page 52: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

42

Les formules les plus courantes sont les suivantes :

- Certes… mais… , D’accord… mais…

- S’il est vrai que… il ne faut pourtant pas oublier que…

- Sans vouloir faire de polémique, …

- Excusez-moi, je vais peut-être vous choquer mais il me semble que ce que vous venez de dire n’est pas tout à fait exact

- Admettons que sur ce point vous avez partiellement raison, mais…

- Je m’excuse de vous contredire. Quatre plus trois ne font pas toujours sept

- Tu crois vraiment que … ?

- Est-ce que tu penses vraiment que… ?

- Si l’on suivait ton raisonnement jusqu’au bout, cela signifierait que…

- A vous entendre, on croirait que…

- Ce n’est pas pour te contredire mais…

Dans les lignes ci-dessus, nous avons accordé une place majeure à la présentation de la réfutation de l’argumentation et à la mise en œuvre des stratégies de réfutation. Ces deux aspects sont d’une extrême importance pour aider les étudiants à savoir identifier les différents modes de réfutation, à invalider des arguments et puis les thèses des adversaires, parce que l’une des difficultés des apprenants réside dans le fait qu’ils ne savent pas quoi dire et comment le dire lorsqu’ils sont en situation d’argumenter et de réfuter une thèse.

3. Contre-argumentation

3.1. Définition

Plantin considère que toute argumentation visant à conseiller telle mesure peut être souvent réfutée par une argumentation sur ses effets négatifs. C’est l’opération de contre-argumentation : procédé qui consiste à inverser l’orientation argumentative de l’argumentation antérieure. L’interlocuteur utilise cette opération pour répondre aux arguments de son adversaire afin de les rejeter, les atténuer ou relativiser tout en maintenant son propre point de vue. Il produit des arguments pour une conclusion qui va dans le sens inverse de celle visée par l’autre.

Page 53: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

43

Exemple :

A : - Je te conseille de choisir ce professeur comme directeur de recherche. Il est très gentil.

B : - Justement, parce qu’il est trop gentil, il ne doit pas être exigeant. Or, moi je préfère un professeur exigeant. Il me fera certainement des critiques pertinentes et me forcera à travailler.

Dans le cadre d’un échange oral, la contre-argumentation se produit entre les interactants dans une sorte de jeu de renvoi d’arguments et de contre-arguments. Dans la production d’une argumentation écrite, la confrontation des arguments est prise en charge par un seul locuteur, qui n’est personne d’autre que le responsable de l’énoncé. Celui-ci doit imaginer un dialogue fictif, prévoit les objections des argumentateurs, les reformule, les réfute, puis réaffirme, consolide son argumentaire. La contre-argumentation a donc un caractère dialogique.

Nous examinons maintenant l’exemple suivant :

Certaines personnes, particulièrement les jeunes qui travaillent tout en étudiant, soutiennent que les vacances sont faites pour travailler. Or, par définition, les vacances sont une période d’arrêt du travail, une période de repos pendant laquelle on doit faire des activités de loisirs. Il est donc illogique de dire qu’elles sont faites pour travailler.

Dans cette argumentation, l’énonciateur rejette la position de son adversaire (« certaines personnes particulièrement les jeunes qui travaillent tout en étudiant ») en montrant qu’elle contient des contradictions internes (« les vacances sont une période d’arrêt du travail, une période de repos », or les étudiants travaillent durant cette période), qu’elle est illogique et par conséquent inacceptable, insoutenable. C’est une variante de la contre-argumentation.

3.2. Utilité de la contre-argumentation

Dans le cadre d’un dialogue ou d’une argumentation orale interactive, l’intérêt de la contre-argumentation est d’ordre psychologique et tactique. Cette stratégie vise à accepter certains aspects de la thèse de l’adversaire afin d’arriver plus tard à en critiquer d’autres. Ainsi, la contre-argumentation peut être considérée comme une feinte ou un procédé oratoire purement formel auquel on a recours en vue de développer son propre point de vue en toute sécurité.

Page 54: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

44

Dans le cadre des argumentations de type scolaire comme la discussion ou la dissertation, la contre-argumentation est le procédé le plus représentatif de l’activité argumentative. En premier lieu, elle met les apprenants dans une situation de débat, c’est-à-dire les apprenants doivent simuler un dialogue plus ou moins fictif au cours duquel ils expriment des opinions opposées. En second lieu, elle oblige l’argumentateur à prendre conscience des points faibles de sa position et, par la suite, à les annuler par l’anticipation des objections potentielles.

Bref, cette opération de contre-argumentation suppose la capacité à reprendre les opinions de l’autre, à en repérer les valeurs implicites, à justifier son propre point de vue et à le comparer avec l’idée d’autrui. On peut dire aussi que c’est une opération double qui se compose de la réfutation des arguments d’autrui et de la justification de son propre argument.

3.3. Quelques techniques de contre-argumentation

3.3.1. Mise en cause de l’argument

La première manière de contre-argumenter est de mettre en cause l’argument.

• L’argument invoqué à l’appui de la conclusion est faux, douteux :

Exemple :

A : - Tu ne le trouves pas intelligent parce que tu n’as jamais eu l’occasion de travailler avec lui

B : - Mais si, nous avons travaillé ensemble il y a deux ans

• L’argument invoqué est considéré comme insuffisant pour amener à la conclusion

Exemple :

A : - La ville de Hanoi a subi une terrible inondation parce qu’il avait plu durant toute une semaine.

B : - A Hochiminh ville, il a plu aussi pendant toute une semaine, pourtant la ville n’a pas été inondée.

• L’argument invoqué ne peut pas être utilisé à l’appui de la conclusion.

Exemple :

Page 55: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

45

A : - Vous n’avez pas raison de sous-estimer Paul. Moi, personnellement, je le trouve très compétent. Jusqu’à aujourd’hui, il a toujours bien assumé toutes ses lourdes fonctions.

B : - Je pense que la personnalité et la compétence professionnelle sont deux choses tout à fait différentes.

3.3.2. La contre-argumentation porte sur l’orientation argumentative des arguments

La contre-argumentation peut aussi porter sur l’orientation argumentative des arguments et inverse alors cette orientation, c’est-à-dire que la raison invoquée plaide en défaveur de la conclusion, voire en faveur de la conclusion inverse.

Exemple :

A : - Vous refusez d’enseigner le débat parce que vous ne savez pas comment animer un débat vous-même.

B : - Justement, je sais bien quelles sont les démarches nécessaires pour faire un débat, je refuse donc de l’enseigner car je ne peux pas tout faire pendant une séquence de 45 minutes. D’ailleurs, il est nécessaire que nos étudiants possèdent d’autres capacités de type linguistique et communicatif pour pouvoir mener à bien ce type d’activité. Cela ne peut pas se réaliser d’un jour à l’autre.

3.3.3. Attaque contre la conclusion

La troisième manière de contre-argumenter est de s’attaquer directement à la conclusion.

Exemple :

A : - Pierre ne tient jamais ses promesses. Ne pense pas qu’il t’aidera à trouver un logement.

B : - Au contraire, je pense qu’il me trouvera sûrement un petit logement chez les particuliers. J’ai confiance en lui.

3.3.4. Contre-argumentation sans entrer dans le raisonnement de l’autre

Une autre réaction qui pourra se produire est de donner une réponse commençant par des introducteurs de type « de toute façon », « d’ailleurs », « quoi qu’il en soit » sans entrer dans le raisonnement du locuteur.

Page 56: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

46

Exemple :

A : - Il a fait une excellente thèse sur l’argumentation écrite. Essaie de la lire, tu apprendras beaucoup de choses.

B : - De toute façon, l’argumentation n’est pas ma préoccupation.

3.3.5. Attaque contre l’énonciateur

Cette stratégie souvent mise en oeuvre a pour but de récuser soit la compétence, soit l’autorité, soit la conscience morale de l’énonciateur.

Exemple :

A : - Pourquoi aimes-tu faire des recherches en linguistique ? Ça ne sert pas à grande chose. Arrête-toi et fais une étude plus intéressante, sur l’investissement bancaire, par exemple.

B : - Merci et garde tes conseils pour toi !

Il est important de noter que dans les exemples 3.3.4 et 3.3.5, les deux répliques de B sont anti-orientées relativement à deux conclusions visées par A. Ses effets contre-argumentatifs pourraient être paraphrasés ainsi :

- en 3.3.4. : Il est peut-être vrai qu’il a fait une excellente thèse sur l’argumentation mais je ne la lirai pas parce que je ne m’intéresse pas à ce sujet.

- en 3.3.5. : Tu n’as aucune raison de penser qu’une étude sur l’investissement bancaire est beaucoup plus avantageuse que celle sur la linguistique. Cette conception montre clairement que tu ne connais rien du tout à la linguistique.

3.4. Comment présenter l’argument adverse ? Comment introduire son point de vue ?

Comme nous l’avons dit plus haut, la contre-argumentation est un procédé de doublement qui conjugue souvent réfutation de l’argument d’autrui et justification de son propre argument. Dans le cadre d’une contre-argumentation monogérée, il s’agit de justifier sa position tout en reformulant l’argument adverse. Quels sont donc les moyens linguistiques nécessaires pour réaliser cette opération aussi complexe ? Nous nous permettons d’en proposer quelques-uns dans cette partie parce que nous reviendrons sur cette question dans la partie qui suit.

Page 57: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

47

• Formulation du discours d’autrui :

- Vous dites, pensez, affirmez, assurez que…

- Vous supposez, avez l’impression, croyez que…

- Vous semblez croire, objectez, insinuez que…

- Vous prétendez que,…

• Formulation de sa propre position :

- Je pense au contraire, néanmoins, cependant, pourtant, en revanche…

- Il semblerait plus juste de dire que, il n’en reste pas moins vrai que… (formule d’atténuation de la critique)

- Nous pouvons penser avec raison que…

- Quant à moi, je vais contre-argumenter en montrant qu’au contraire …

Pour être plus précis, nous proposons l’exemple suivant :

« Vous dites que l’éléphant est actuellement une espèce menacée d’extinction et qu’il est nécessaire d’interdire le commerce international de l’ivoire, cependant je pense qu’il est difficile, voire impossible d’adopter cette mesure parce que les états africains n’arrivent pas à améliorer le niveau de vie de leurs paysans. Or, la vente d’une paire de défenses peut nourrir pendant plusieurs mois un villageois et sa famille ».

L’auteur de cet énoncé exprime son point de vue tout en faisant un mouvement de concession-réfutation. Nous avons donc :

• La thèse défendue par l’allocutaire : « faire admettre que l’éléphant est aujourd’hui une espèce menacée d’extinction, donc faire admettre la nécessité d’interdire le commerce international de l’ivoire ».

• La thèse à défendre par l’auteur de l’énoncé : « Il est difficile, voire impossible d’interdire le commerce international de l’ivoire ».

• Les arguments à argumenter pour la thèse à défendre :

- Argument 1 : « Les états africains n’arrivent pas à améliorer le niveau de vie de leurs paysans »

- Argument 2 : « La vente d’une paire de défenses peut nourrir pendant plusieurs mois un villageois et sa famille ».

Des exemples de ce type sont nécessaires pour travailler avec les élèves de français langue étrangère sur les formes syntaxiques et discursives de la concession-

Page 58: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

48

réfutation. L’entraînement à ces techniques argumentatives les aide à mieux comprendre l’argumentation et donc à mieux rapporter les positions argumentatives.

Nous parlerons plus en détails du mouvement de concession-réfutation dans la partie qui suit.

4. La concession, un procédé rhétorique très utilisé de la contre-argumentation

4.1. Définition

Le Trésor de la langue française définit la concession comme « un fait de renoncer de façon plus ou moins volontaire ou désintéressée à une opinion, à une conviction, à un droit ou à une prétention » (entrée : Concession). Dans ce sens, nous avons des expressions comme « faire une concession à quelqu’un, obtenir une concession de quelqu’un, concession mutuelle, réciproque ». Au niveau de la rhétorique, toujours selon ce dictionnaire, la concession est définie comme « une figure consistant à accepter, sans perdre l’avantage, un argument ou une objection que l’on pourrait réfuter » (entrée : Concession). Les auteurs du Trésor de la langue française ont cité l’énoncé ci-dessous :

« Par la concession, on veut bien accorder quelque chose à son adversaire, pour en tirer ensuite un plus grand avantage » (P. Fontanier, Les Figures du discours, Traité général des figures du discours autres que les tropes, Paris, Flammarion, 1968 [1827], p. 415).

A travers cette définition, nous retenons quelques points suivants :

- la concession est un procédé de type argumentatif.

- la concession a aussi le caractère dialogique : elle reprend du déjà dit et anticipe simultanément des dires.

- elle suppose deux mouvements : approuver et désapprouver les propos d’autrui. Le premier mouvement d’approbation partielle est immédiatement suivi d’un second mouvement prédominant qui est une rectification ou une réfutation. Il nous reste maintenant à clarifier la notion d’« approbation partielle ». Nous commençons alors par l’examen de deux dialogues :

Page 59: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

49

(1) - Monsieur, le livre dont vous m’avez parlé l’autre jour est épuisé. Je n’arrive pas à en trouver un.

- Je sais bien que ce livre est épuisé et je vais vous prêter le mien.

(2) - Monsieur, le livre dont vous m’avez parlé l’autre jour est épuisé. Je n’arrive pas à en trouver un.

- Je sais bien que ce livre est épuisé mais vous pouvez certainement l’emprunter à la bibliothèque.

En (1), l’énonciateur a recours à un procédé approbatif qui entraîne des conséquences coorientées alors qu’en (2), à la différence de (1), l’énonciateur reconnaît la vérité de l’argument de l’allocutaire mais il l’estime non-pertinent dans le contexte envisagé. Son approbation est alors instantanément suivie d’une réfutation. Ce procédé réfutatif se produisant par l’intermédiaire de « mais » consiste à amener un contre-argument qui limite la portée de cet accord. On appelle ce mouvement discursif concession/réfutation, en d’autres termes, la concession se réalise sous la forme d’une approbation dont l’effet est suspendu par une restriction. Une telle approbation est nommée l’« approbation partielle ».

Un autre exemple contribue à illustrer ce propos :

Il est bien vrai qu’il est nécessaire d’introduire l’argumentation dans le programme de formation des futurs enseignants mais à condition que les formateurs bénéficient eux-mêmes d’une formation de l’argumentation et de sa méthodologie.

L’auteur de cet énoncé reconnaît la nécessité d’introduire l’argumentation dans le programme de formation des futurs enseignants mais il estime cette option inefficace dans le contexte actuel, contexte où les formateurs, eux-mêmes, n’ont pas encore une bonne connaissance de l’argumentation ni une bonne méthodologie pour enseigner cette discipline. Son approbation est donc suivie d’une réfutation avancée par l’intermédiaire de « mais » renforcé par « à condition ».

Bref, du point de vue argumentatif, nous pouvons définir la concession comme un procédé qui consiste dans un premier temps à présenter de manière plus ou moins nuancée une partie de la thèse de l’interlocuteur afin de mieux convaincre de la pertinence de sa propre thèse dans un deuxième temps. Selon l’expression de Plantin :

« en tenant un discours concessif, le locuteur reconnaît une certaine validité à un discours soutenant un point de vue différent du sien, tout en maintenant ses propres conclusions » (2005 : 71).

Page 60: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

50

Il appelle aussi la concession « un pas fait vers l’adversaire » (2005 : 72), cela est tout à fait exact parce que le fait d’accorder quelque chose à son adversaire, par exemple en approuvant un de ses arguments, signifie qu’on fait un recul stratégique pour mieux faire admettre plus tard un argument réfutatif, présenté comme plus puissant que l’argument antérieur. Dans ce sens, nous pouvons dire que la concession est un procédé rhétorique très utilisé de la contre-argumentation.

4.2. Quelques formules pour exprimer la concession

Les formules qui servent à exprimer la concession sont extrêmement variées et correspondent à des types syntaxiques différents. Dans cette partie, nous empruntons le tableau de récapitulation de Mirabail (1994 : 175). Dans ce tableau, les moyens linguistiques sont classés en fonction de deux principaux mouvements du procédé concessif que l’auteur appelle l’approbation et la désapprobation. Dans la rubrique portant sur la phase d’approbation, les formules sont divisées en deux catégories : la première exprime l’accord partiel et la deuxième exprime le doute ou la mise à distance. Dans la rubrique de désapprobation, l’auteur classe des formules selon leur fonction de rectification, de réfutation, de dénégation.

Page 61: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Première partie

51

Quelques formules pour exprimer la concession

Premier mouvement APPROBATION

(formule introductive de la parole d’autrui)

Connecteur marquant l’articulation des deux

points de vue

Deuxième mouvement DESAPPROBATION

Accord partiel - Il est vrai (exact, certain, sûr, évident, incontestable, irréfutable,…) - Je sais bien que… - Admettons que… - Il faut admettre que … - Considérons comme admis que… - Evidemment, naturellement, incontestablement, de toute évidence,… - Bien sûr, sans doute, bien entendu, certes… - Je vous accorde, je reconnais que… - S’il est vrai que…

Doute ou mise à distance

- Selon votre opinion, selon l’opinion générale… - Si l’on suit ce raisonnement… - Si, à première analyse (dans un premier temps) on peut penser que… il est possible que… - Même si…Quoique… Bien que… - On pourrait croire que… - Tout en reconnaissant le fait que…

Mais Pourtant

Au contraire Néanmoins En revanche Malgré tout

Or Toutefois Cependant

Rectification - Il faut (cependant) signaler, noter, remarquer, ajouter, rectifier… - Il reste que… - Reste à savoir si… - Il n’en reste pas moins vrai que… - A mon avis, selon moi, selon mes analyses… - Il semble plutôt que…

Réfutation

- Je ne crois pas, je ne pense pas que… - Il est inexact, faux, injuste, excessif, immoral, contradictoire, contestable…

Dénégation

- Je pense, je crois, j’affirme au contraire. - Il faut dire (au contraire) que…

Récapitulation

Toute argumentation vise à préciser ou à renforcer l’accord sur une position déterminée qui ne serait pas suffisamment claire ou qui ne se manifesterait pas avec une précision suffisante. En d’autres termes on pourrait dire que pour qu’il y ait une activité argumentative, il faut absolument la mise en doute d’un point de vue. Le doute appelé également la « suspension de l’assentiment » (Plantin, 2005 : 52) se manifeste par la non- prise en charge du locuteur vis-à-vis de la proposition qu’il énonce et s’accompagne très souvent d’un état psychologique du type « inquiétude ». Lors d’une situation interactionnelle, celui qui met en doute le point de vue de l’autre se trouve dans l’obligation de justifier sa position en développant ses bonnes raisons de douter. Soit il doit apporter des arguments orientés vers un

Page 62: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation

52

autre point de vue, soit il doit réfuter les bonnes raisons en faveur de la conclusion originelle. Pour résumer, on dit qu’il doit donc adopter une thèse et essaie par la suite de la rendre acceptable grâce à des arguments. Le processus de passage d’un argument à un système d’arguments nécessite non seulement la capacité d’établir un circuit argumentatif mais aussi la maîtrise des différentes opérations argumentatives que nous venons de présenter précédemment.

Nous avons abordé, jusqu’à maintenant, des conceptions de base de l’argumentation, les différents types d’arguments ainsi que les opérations argumentatives. Pourtant, tout cela est loin d’être suffisant pour assurer une bonne maîtrise du discours argumentatif. En vue d’atteindre un tel objectif, nous essaierons, dans la partie qui vient, de faire un inventaire des termes autour de l’argumentation et par la suite de parler du rôle des connecteurs sur le plan argumentatif.

Page 63: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

53

DEUXIEME PARTIE Le langage argumentatif : essai d’étude

contrastive français-vietnamien

Page 64: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

54

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

Dans tout ce chapitre, nous nous référerons très souvent aux travaux de Plantin.

Quand on parle, on argumente et il arrive souvent qu’on argumente sans le savoir. Cette pratique argumentative est apparemment très fréquente dans notre vie de tous les jours, or la tradition scolaire voire universitaire se montre rarement à l’aise avec cette activité langagière. Quelle en est la raison ? Selon notre point de vue, l’exercice de l’argumentation de type scolaire, ou plus exactement l’argumentation dans son sens « technique », demande aux élèves de se situer à un niveau différent, plus ou moins académique. Pour illustrer cette idée, nous citons la phrase de Plantin :

« La pratique argumentative est toujours « méta-argumentative », en d’autres termes, elle est indissociable de l’analyse critique des arguments. Pour appuyer ou réfuter une argumentation, il faut être capable de la décrire, de l’exposer, de la démonter, afin de mettre au grand jour ses qualités et ses défauts. Tout un vocabulaire est indispensable pour cela » (1989 : fiche 3).

L’auteur précise également que la compréhension ou l’élaboration d’un exposé argumentatif exige une bonne maîtrise des mots ainsi que des constructions dans lesquelles ils entrent et éventuellement des conditions d’emploi. Or, en réalité, les élèves, et aussi de nombreux professeurs, ne connaissent pas bien ce vocabulaire plus ou moins technique de l’argumentation, voire n’en ont pas de notions et il est sans doute assez difficile à acquérir en peu de temps. D’autres professeurs se contentent de donner simplement des explications en recourant à des définitions de ces mots proposées dans les dictionnaires de langue française. Il est alors temps de programmer l’acquisition de « ce vocabulaire des activités argumentatives » (expression empruntée à Plantin) dans le programme de formation.

Non seulement du côté lexical mais aussi du côté syntaxique, Plantin attache une très grande importance à l’enseignement/apprentissage du verbe en tant que « centre organisateur de la phrase », selon son expression. Il considère que connaître un verbe implique non seulement connaître son sens mais aussi :

« savoir construire correctement les différentes complémentations qu’il exige ou tolère, les manipuler selon les paragraphes et les transformations qu’elles

Page 65: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

55

admettent, et surtout être capable de différencier les sens selon les constructions » (1989 : fiche 3).

Dans cette perspective, l’auteur propose de traiter pour chaque terme ou famille de termes les points suivants4 :

- A quel type de vocabulaire le mot appartient-il ? Distinguer ses différents domaines d’usage. Quelles sont les notions qui lui sont associées ?

- Dans quelles circonstances-types l’utilise-t-on ? Selon quels scénarios et stéréotypes ? Quelles idées reçues lui associe-t-on ?

- Quels sont les mouvements argumentatifs qu’il peut soutenir (termes dits « péjoratifs » / « mélioratifs ») ?

- Quels sont ses synonymes, antonymes, homonymes ? Quelle est sa famille étymologique ?

- Dans quelles associations syntagmatiques le mot entre-t-il ? Quel type de complémentation, quelles constructions admet-il ? Dans quelles locutions entre-t-il ?

En nous basant sur ces questions de suggestion, nous allons aider les apprenants à construire dans un premier temps la famille dérivationnelle du mot « argument » et à faire la distinction dans un deuxième temps entre les verbes concernant le champ argumentatif comme persuader/convaincre, objecter/réfuter/concéder. Cette procédure se fera par le biais d’une série d’exercices5 que nous emprunterons à Plantin.

Dans le cadre de cette partie théorique, nous nous limitons à une description des résultats auxquels nos étudiants doivent arriver. Celle-ci est aussi largement inspirée des travaux de Plantin. Nous nous permettons également de proposer une traduction en langue vietnamienne des termes et des expressions qui, selon nous, sont considérés soit comme notions de base soit comme posant à nos étudiants des difficultés de compréhension.

1. Argument, argumenter / luận cứ, lập luận

Nous allons commencer par la présentation de la famille dérivationnelle du mot « argument ».

4 Voir Plantin, 1989 : Fiche 3. 5 Voir Plantin, 1989 : Fiches 4-9.

Page 66: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

56

Du point de vue lexical, ce schéma nous montre que le mot « argument » est le mot de base de cette famille. Un argument est défini par le Trésor de la langue française comme une « affirmation particulière présentée à l’appui d’une démonstration » (entrée « Argument »)

Du côté vietnamien, au cours de notre travail sur les différents dictionnaires y compris les dictionnaires ordinaires et les dictionnaires de linguistique vietnamienne, nous avons constaté qu’il n’y a pas encore un accord sur les traductions de ce terme « argument ». En effet, en vietnamien, outre l’équivalent « lí lẽ », on le traduit tantôt « luận cứ » tantôt « luận chứng ». Dans le dictionnaire de la langue vietnamienne de l’Edition de la Culture et de l’Information (2006) par exemple, « luận cứ » renvoie à un événement servant d’appui à une prise de position, alors que « luận chứng » réfère à une preuve servant de fondement à une argumentation. Dans ce sens, on a l’impression que ces deux appellations sont synonymes. Mais selon notre point de vue, « luận cứ » et « luận chứng » n’ont pas la même signification :

- « luận cứ » sert à argumenter, à controverser. Il s’utilise pour justifier, pour confirmer ou pour réfuter une argumentation. Dans ce sens, « luận cứ » signifie « argument ».

- « luận chứng » est la preuve qu’on expose au cours de la discussion, de la présentation d’un projet en vue de convaincre les auditeurs, les lecteurs et, pourquoi pas, les examinateurs.

Ce terme est utilisé davantage dans l’économie : on dit souvent « luận chứng kinh tế ». « Luận chứng kinh tế-kĩ thuật », selon le dictionnaire encyclopédique du Vietnam, est défini comme un texte dans lequel on présente des raisons économiques et techniques d’appui à une demande d’investissement pour un travail

(il) argumente

Un contre-argument (il) contre-argumente

(une) argumentation

(un) argumentateur

(un) argumentaire

argumentaire (adj.)

argumentatif (-ive)(adj.)

Un argument

Page 67: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

57

de construction. Ces raisons aident les examinateurs à approuver ou à refuser un projet du point de vue de l’option d’investissement, du fond d’investissement ou encore de l’efficacité d’investissement. Dans ce sens, ce terme ne désigne pas « argument ».

Dans les anciens dictionnaires du Vietnam, on traduit le terme « argument » en « luận chứng ». Vu les explications antérieures, nous constatons que cette traduction n’est pas exacte : « luận cứ » est défini comme argument servant à illustrer, valider ou réfuter une thèse alors que « luận chứng » est compris comme une preuve servant de base à un raisonnement. Il vaut mieux le traduire en « luận cứ » comme dans le dictionnaire actuel de linguistique vietnamienne.

Une autre explication que nous trouvons intéressante c’est de préciser que le terme « luận cứ » est plus utilisé par les gens du Nord alors que « luận chứng » est plus utilisé par les gens du Sud du Vietnam. La cause réside dans le fait que le nord du Vietnam est plutôt influencé par la culture chinoise. C’est pourquoi, le terme « luận cứ », ayant une origine chinoise, s’implante au Vietnam d’une façon évidente et tout le monde l’utilise sans savoir quelle en est la provenance. Cela contribue à éclairer notre affirmation selon laquelle les linguistes s’accordent à proposer dans le dictionnaire de la linguistique vietnamienne le terme « luận cứ » au lieu de « luận chứng ».

Du point de vue des constructions syntaxiques, le terme « argument » s’accompagne d’adjectifs, de prépositions ou de verbes caractéristiques. Il entre même dans des locutions. Nous avons par exemple :

Argument + adjectif : argument convaincant, valable, décisif, douteux ; argument contradictoire, irréfutable, raisonnable

Argument + préposition : argument pour/contre ; argument en faveur de / en défaveur de qqc, de qqn

Verbe + argument : avancer, admettre, réfuter, repousser un argument ; être à bout, être à court d’argument

En vietnamien, le terme « luận cứ » s’accompagne aussi d’adjectifs ou de verbes, par exemple :

Luận cứ + adjectif :

luận cứ có tính thuyết phục / argument convaincant

luận cứ không thể bị bác bỏ / argument irréfutable

Verbe + luận cứ :

Page 68: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

58

đưa ra một luận cứ làm cơ sở cho một luận đề / avancer un argument à l’appui d’une thèse

bắt bẻ một luận cứ / objecter un argument

bác bỏ một luận cứ / repousser un argument

Parmi les expressions contenant « argument », celle qui pose le plus de difficultés aux apprenants, c’est « être à bout, être à court d’arguments». J’ai essayé plus d’une fois de demander spontanément à quelques étudiants vietnamiens ce que voulait dire l’expression « être à court d’arguments ». Et les résultats obtenus sont relativement surprenants : les étudiants assez forts en français ont dit avec prudence qu’ils ne savaient pas, et ceux qui sont plus faibles n’ont pas hésité à affirmer que cette expression signifiait « on présente des arguments courts ». Or, en vietnamien, il existe une expression quasiment équivalente à « être à court d’arguments », c’est « đuối lý ». Dans la conversation courante, nous entendons souvent des énoncés comme :

- Nó đuối lí nên phải ngậm miệng

Il manquer argument c’est pourquoi devoir fermer bouche

- Nó đuối lí nên tịt ngòi luôn

Il manquer argument c’est pourquoi s’arrêter mèche toujours

- Nó đuối lí đành phải im.

Il manquer argument se résigner devoir se taire

- Nó đuối lí bèn lảng chuyện

Il manquer argument alors se détourner histoire

Les trois premiers énoncés peuvent être traduits en français : « Comme il est à court d’arguments, il doit se taire » alors que le dernier s’oriente vers une autre compréhension : « Comme il est à court d’arguments, il détourne la conversation (il change de sujet, il parle d’autre chose) »

Une autre difficulté consiste à faire la distinction entre « évoquer un argument » et « invoquer un argument ». Nous avons les deux exemples suivants :

(1) (…) Contraventions qui pourraient ne pas être valables en raison d’une publication tardive au Journal Officiel de l’arrêté d’application concernant l’homologation des radars automatiques. Cet arrêté est intervenu le 1er novembre et n’est entré en vigueur que le 3 novembre. Des avocats souhaitent inciter leurs clients à évoquer cet argument devant les tribunaux pour ne pas payer leurs contraventions (…).

Page 69: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

59

Source : http://www.caradisiac.com/php/actu_enq/enq/radars/radar145/mg_4885_radars_ automatiques4.php#2 (consulté le 15-8-2007)

(2) Ainsi, à quelqu’un qui nous demanderait si l’or est cher, nous pourrions répondre que oui et invoquer comme argument justifiant cette réponse, le fait que l’or est un métal rare sur le marché.

(Le dissertoire, Jacques Colson, p41)

Évoquer un argument signifie rappeler quelque chose comme argument. Invoquer un argument, c’est donner quelque chose comme argument, comme justification pour quelque chose. Ce second verbe est dans une certaine mesure synonyme de « prétexter » ou « arguer de ». Les équivalents vietnamiens sont respectivement « nhắc lại một luận cứ » et « viện dẫn một luận cứ ».

Nous revenons maintenant à notre schéma ci-dessus. De ce mot « argument » dérivent les autres mots suivants :

▪ Le verbe « argumenter » (lập luận) : tirer argument de quelque chose, argumenter sur qqc = discuter sur qqc.

SYNT. Argumenter sérieusement, posément, raisonnablement, d'une manière décisive ; sans fin, sans raison ; sans plus argumenter. Argumenter au sujet de qqc.; sur le fond, la forme, les principes ; en faveur de qqc.; contre un adversaire, un projet, les idées reçues (Trésor de la langue française, article « argumenter »)

Ce verbe donne à son tour naissance aux deux substantifs : une argumentation et un argumentateur

- (une) argumentation (sự lập luận) : il est à remarquer que le suffixe « -ion » produit des noms désignant une action comme par exemple « Il a été interrompu au cours de son argumentation » ou le résultat de l’action dans « une argumentation irréfutable »

SYNT. a) Argumentation logique, spéculative ; argumentation fragile, superficielle, irréfutable, lumineuse, rigoureuse. b) La faille, la ténacité d'une argumentation ; art, talent, ressources d'une argumentation; sous forme, en forme d'argumentation. c) Appuyer, fortifier, détruire, dégager une argumentation; répondre à une argumentation; exceller dans l'argumentation; ébranler, vaincre qqn par une argumentation; se rendre à l'argumentation de qqn. (Trésor de la langue français, article « argumentation »)

Nous portons particulièrement notre attention sur les expressions suivantes :

Argumentation spéculative : lập luận tư biện

Argumentation rigoureuse : lập luận rõ ràng, chặt chẽ

Argumentation fragile - superficielle : lập luận không vững - hời hợt

Page 70: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

60

La faille d’une argumentation : điểm yếu của lập luận

La solidité d’une argumentation : tính chặt chẽ của lập luận (à noter que dans les dictionnaires, on propose l’expression « la ténacité d’une argumentation », nous la remplaçons par « la solidité d’une argumentation » étant donné que l’expression précédente n’est pas très française)

Appuyer - renforcer une argumentation : ủng hộ - tăng sức mạnh một lập luận

Détruire une argumentation : phá bỏ một lập luận

Exceller dans l’argumentation : giỏi về lập luận

Ébranler quelqu’un par une argumentation : làm lung lay quan điểm của ai bằng cách lập luận

Se rendre à l’argumentation de quelqu’un : bị thuyết phục bởi lập luận của ai

Notre difficulté consiste dans la recherche de l’équivalent vietnamien du terme « argumentation spéculative ». En effet, le verbe « tư biện », étant plus ou moins de nature philosophique, n’apparaît pas dans tous les dictionnaires vietnamiens. Dans le syntagme nominal « lập luận tư biện » (argumentation spéculative), ce verbe est utilisé en tant qu’adjectif. L’explication de ce genre d’argumentation est quasiment introuvable dans n’importe quel dictionnaire vietnamien. Notre travail est alors d’en expliquer le sens en recourant à des paraphrases et en français et en vietnamien. Pour favoriser ce travail nous empruntons les propos de Garcia-Debanc lorsqu’elle parle des trois finalités de l’argumentation dont l’argumentation spéculative :

« l’argumentation spéculative, mise en œuvre par exemple dans les essais ou les dissertations scolaires, a pour enjeu de prouver qu’on sait raisonner sur un sujet donné. Relèvent de l’argumentation spéculative les épreuves d’examen ».

Source : http://users.skynet.be/fralica/refer/theorie/theocom/produire/6mpargu.htm (consulté le 16-10-2008)

En fait, l’argumentation spéculative ne vise pas à une prise de décision pratique, ce qui est donc opposé à l’argumentation pratique, dont on trouve ci-dessous un exemple :

Le fils : Maman, on va au cinéma demain ?

La mère : Non, chéri. Il vaut mieux rester à la maison. T’as encore des devoirs à faire.

Le fils : Maman, s’il te plaît. Ce film, on ne le donne que demain, c’est la première et la seule fois. D’ailleurs, les devoirs, je les ai tous finis.

Page 71: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

61

La mère : Ok, si t’as fini tous tes devoirs, on y va.

Il est bien clair que le fils dans ce dialogue a réalisé une argumentation qui n’est pas du tout spéculative en vue d’obtenir une prise de décision pratique de sa mère (aller au cinéma avec lui).

Enfin, il est à noter que l’« argumentation spéculative », sauf dans le domaine philosophique, est relativement péjorative en français.

- (un) argumentateur (người lập luận) : Le suffixe « -eur » produit des noms désignant l’agent de l’action.

SYNT. Grand, insupportable, subtil, terrible argumentateur ; argumentateur habile.

Le substantif « (un) argumentaire », par le suffixe « -aire » qui dérive des substantifs à partir de substantifs. (ex : (une) action → (un) actionnaire)

L’adjectif « argumentaire », par le suffixe « -aire » qui dérive des adjectifs à partir de substantifs. (ex : (une) minorité → minoritaire)

L’adjectif « argumentatif », par le suffixe « -if » qui dérive des adjectifs à partir de substantifs (ex : (une) relation → relatif, relative)

- (un) argumentaire : Notre remarque consiste à dire que le terme « argumentaire » n’apparaît pas systématiquement dans tous les dictionnaires de la langue française. Il est aussi quasiment introuvable dans ceux de la langue vietnamienne. Par conséquent, nous nous contentons de chercher son sens dans les différents sites d’Internet. Nous citons ici quelques formulations contenant ce mot :

« Un argumentaire de vente est une suite logique et structurée d’arguments destinés à convaincre un prospect d’acquérir votre produit. La construction d’un argumentaire de vente au plan technique aussi bien qu’au plan commercial doit être adaptée en fonction des besoins du client ».

« Argumentaire produit est indispensable pour présenter les caractéristiques du produit et les mettre en valeur. C’est souvent cette mise en valeur que l’argumentaire produit qui devient un facteur principal dans la réalisation de l’acte d’achat ».

« La députée rédige un argumentaire pour défendre son projet de loi »

Ainsi, « argumentaire », au sens général, pourrait être compris comme un ensemble ou une liste d’arguments visant à justifier, appuyer ou réfuter une proposition, une affirmation ou une action. En ce sens, ce terme se traduit par « bản tập hợp các luận cứ » en vietnamien. Pourtant, il est à noter que cet équivalent

Page 72: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

62

vietnamien n’est pas courant. Il n’est pas facile de trouver un article contenant cette expression telle quelle. Dans l’objectif de trouver un terme ayant plus ou moins la même signification que « argumentaire », nous examinons l’extrait journalistique suivant :

« Ngày 13.5, QH họp phiên toàn thể nghe Chính phủ trình bày tờ trình về việc mở rộng địa giới hành chính thủ đô Hà Nội rộng hơn gấp 3,6 lần. UB Pháp luật của QH cũng tiến hành thẩm tra tờ trình này của Chính phủ và đã báo cáo trước QH - chỉ ra sự sơ sài về luận cứ khoa học trong việc mở rộng thủ đô cũng như sự vội vã về thời gian thực hiện »

Source : http://www.laodong.com.vn/Home/So-sai-ve-luan-cu-khoa-hoc/20085/88397.laodong (consulté le 08-6-2009)

Le 13 mai, l’Assemblée Nationale a organisé une réunion d’ensemble au cours de laquelle le gouvernement a présenté un exposé sur l'expansion des frontières administratives de la capitale de Hanoï dont la superficie devrait être multipliée par 3,6. La Comité de la loi de l’Assemblée Nationale, après l’examen des documents du gouvernement, a montré le caractère rudimentaire des arguments scientifiques en faveur de l’expansion de la capitale ainsi que la hâte dans les temps d’exécution.

Premièrement, nous essayons de trouver le sens du mot « tờ trình ». Selon l’encyclopédie vietnamienne, ce terme est défini comme le document expliquant les exigences, le contenu ainsi que la structure nécessaire d’un texte qui peut présenter des projets de lois, des décrets, des circulaires, un plan de projet de programmes, des projets de missions,…etc. Ce document soulève également des problèmes qui font l’objet de plusieurs discussions au cours de son élaboration. Il sera ensuite exposé au supérieur afin de le faire adopter ou présenté aux autorités pour obtenir leur signature.

Deuxièmement, l’examen de l’extrait en question nous fait savoir que le mot « tờ trình », traduit à titre provisoire par « exposé » en français, est l’ensemble des arguments que donne le gouvernement afin de justifier, devant l’Assemblée Nationale, son projet d’expansion des frontières administratives de Hanoï.

Ainsi, « tờ trình » dans l’extrait cité possède exactement la même signification que « argumentaire » dans « La députée rédige un argumentaire pour défendre son projet de loi ».

Il vaut mieux, en conséquence, remplacer la proposition « le gouvernement a présenté un exposé sur… » par « le gouvernement a présenté un argumentaire sur…».

Page 73: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

63

Pourtant, dans le cas des deux autres exemples « argumentaire produit » et « argumentaire de vente », l’application du mot « tờ trình » est difficile à accepter. Nous proposons une autre traduction en vietnamien : « bản thuyết trình chào hàng ». Il est ici important de souligner que le sens du mot « argumentaire » réside dans la combinaison de deux éléments constituants « bản thuyết trình » et « chào hàng », parce que pour convaincre des clients d’acheter un produit (« chào hàng »), il est nécessaire de bien comprendre leurs besoins ainsi que leur motivation afin de construire des arguments en faveur du produit en question.

2. Arguer / argutie

Nous commençons par noter que l’emploi du verbe « arguer » n’est pas très fréquent. Pourtant, ce verbe contient des sens différents :

1. Arguer de qqc. Arguer que : donner comme prétexte, comme argument :

Il argua d’un violent mal de tête pour se retirer

Ils arguent que s’ils ont agi ainsi, c’est que vous les avez poussés à commettre pareille action.

2. Arguer sur qqc : débattre de, discuter

Les avocats arguent sur un fait.

3. Arguer de qqc : tirer un argument, une conclusion d’un fait ; déduire, inférer, conclure.

On ne peut rien arguer (rien tirer) de ces témoignages.

4. Arguer qqc de qqc. Arguer de qqc que… : prétendre que qqc est, par exemple, nul, irrégulier.

Arguer un acte de faux, c’est affirmer la fausseté de quelque chose

Dans son travail intitulé « Argumenter : de la langue de l’argumentation au discours argumenté » (1989), Plantin souligne que celui qui utilise le verbe « arguer » ne prend pas en charge, ne se prononce pas sur la validité des arguments qu’il mentionne. En conséquence, l’auteur oppose « arguer » à « argumenter » en disant que :

« (…) fondamentalement, l’opposition entre arguer et argumenter est d’ordre interlocutif et citationnel. Moi, j’argumente, et c’est mon adversaire, celui dont je ne partage pas les conclusions qui argue, que sa cause soit la pire ou la

Page 74: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

64

meilleure ; j’argumente donc déjà en disant que j’argumente et je réfute mon adversaire en disant qu’il argue (…) » (1989 : fiche 4-5).

Dans ce sens, nous traduisons ce verbe en vietnamien par « lấy cớ », « kiếm cớ », « lí sự », « cãi ». Ce qui est intéressant à dire, c’est que contrairement au verbe « arguer » qui n’est pas fréquemment employé, ses équivalents vietnamiens sont couramment utilisés.

Nó lấy cớ xe hỏng để không đến gặp ông ta

(Il argue d’une panne de voiture pour ne pas venir le voir)

La maman : Con đi làm bài tập đi

(Chéri, fais tes devoirs)

Le fils : Chỉ có hai bài thôi mà mẹ, tí nữa con làm

(J’en ai que deux. Je vais les faire tout à l’heure)

La maman : Con làm luôn đi, tí nữa ăn xong nghỉ ngơi rồi đi ngủ, mai phải dạy sớm

(Fais tout de suite. Tout à l’heure, tu n’auras qu’à te reposer et à aller au lit. Demain, tu te lèveras tôt)

Le fils : Nhưng mà con hết vở rồi

(Mais je n’ai plus de cahiers)

La maman : Đừng có cãi nữa, vở mới ở trên giá sách, vẫn còn hai quyển

(Arrête d’arguer, des nouveaux cahiers sont sur l’étagère, il t’en reste encore deux)

Les deux exemples ci-dessus montrent bien que les verbes « lấy cớ » et « cãi » sont utilisés lorsque les arguments avancés ne sont pas appréciés comme étant valables.

Le substantif « argutie » est dérivé du verbe « arguer ». Il désigne un raisonnement ingénieux, subtil mais sans valeur, purement verbal ! Un raisonnement ou un argument subtil est un raisonnement ou un argument malin, intelligent. Le plus souvent, ce terme est mis au pluriel et il est péjoratif. Il désigne une subtilité excessive d’argumentation qu’on utilise pour pallier la faiblesse, le vide ou la fausseté de la pensée.

Il y a plus d’arguties dans ce discours que de raisonnements solides.

Vous avez beau user d’arguties, vous ne me convaincrez pas.

Toutes vos arguties ne me convaincront pas.

Page 75: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

65

Le terme « argutie » est traduit en « sự tế nhị quá đáng » (subtilité excessive) dans les dictionnaires français-vietnamien. Pourtant, selon nous, une telle traduction n’est pas satisfaisante parce qu’on ne voit aucune relation avec le domaine de l’argumentation, d’où la nécessité de la réviser. Nous nous permettons alors de proposer un autre équivalent « lập luận vô căn cứ », « lí lẽ vô căn cứ » (raisonnement sans valeur, sans fondement).

3. Persuader / convaincre (thuyết phục)

Nous avons les deux familles dérivationnelles suivantes :

• La première remarque est qu’il n’y a pas de forme de participe présent actif « persuadant ».

• La deuxième remarque consiste dans le fait que le suffixe « -ion » nominalise différemment les bases des verbes « persuader » et « convaincre »

Nous examinons les définitions données par le Trésor de langue française.

- « persuasion » : action de persuader (on insiste donc sur le procès). On a donc des syntagmes nominaux : « force, puissance, moyen de persuasion » dont l’équivalent en vietnamien sont « sức thuyết phục » « cách thuyết phục ». Nous avons par exemple : « Một bài phát biểu có sức thuyết phục » (Un exposé plein de force de persuasion) ou « 5 cách thuyết phục khách hàng » (5 moyens de persuasion des clients)

(Trésor de la langue français, article « persuasion »)

- « conviction » : « certitude de l’esprit fondée sur des preuves jugées suffisantes » (on insiste plutôt sur le résultat, le produit de l’action). On a donc des structures syntaxiques : « amener, arriver à une conviction, s’enfoncer dans une conviction, partager une conviction » et des

persuasif

(il) persuade (la) persuasion

(la, une) conviction

convaincu

convaincant

(il) convainc

Page 76: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

66

syntagmes nominaux : « conviction profonde, absolue, inébranlable ; conviction religieuse, morale, politique ; l’intime conviction ». On peut dire « l’art de convaincre/persuader » ; « l’art de la persuasion » (nghệ thuật thuyết phục ou bien nghệ thuật gây ảnh hưởng) mais pas « *l’art de la conviction ». Ainsi, l’expression « la conviction de Untel » (Untel est le sujet passif, c’est-à-dire le destinataire de la persuasion) est acceptable mais «* la persuasion de Untel » ne se dit pas en français. On parle souvent de « la force de la persuasion de Untel » (dans ce cas, Untel est le sujet actif, c’est-à-dire l’auteur de la persuasion).

(Trésor de la langue français, article « conviction »)

• La troisième remarque porte sur la différence entre « convaincu », « convaincant » et « persuasif ».

A la première vue, nous croyons que « convaincu » est synonyme de « persuasif », cela est-il vrai ou faux ? Observons les exemples suivants :

Cet étudiant a donné des arguments convaincants / persuasifs

Il parle d’un ton convaincu / persuasif / convaincant

Une argumentation convaincante / convaincue

Il est à noter qu’une argumentation convaincante, selon la définition du concept « convaincant » de Perelman, est une argumentation visant à obtenir l’adhésion d’un auditoire universel.

L’adjectif « convaincu » au sens passif signifie que le locuteur croit en ce qu’il soutient, alors que « convaincant » et « persuasif » au sens actif désignent quelqu’un ou quelque chose qui a le talent, la manière de convaincre, de persuader. Dans ce sens, « convaincant » et « persuasif » sont des synonymes de « éloquent ». De cette précision, on pourrait conclure que ces deux adjectifs équivalent à « có sức thuyết phục » en vietnamien alors que « convaincu » signifie « tin chắc », d’où la traduction suivante :

Il parle d’un ton convaincu : Anh ta nói với giọng tin chắc

Il parle d’un ton persuasif / convaincant : Anh ta nói với giọng đầy thuyết phục

Une argumentation convaincante : Một lập luận có tính thuyết phục

Une argumentation convaincue : Một lập luận chắc chắn

• La dernière remarque concerne l’opposition sémantique entre les deux verbes : « convaincre » et « persuader ».

Nous commençons aussi par l’examen des explications données dans le Trésor de la langue française

Page 77: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

67

Verbe « convaincre » :

- convaincre quelqu’un, c’est l’amener par des preuves ou par un raisonnement irréfutable, à admettre quelque chose comme vrai ou comme nécessaire. Dans ce cas, « convaincre » se construit avec un complément en « de » ou une complétive :

Il est convaincu de la nécessité d’apprendre à lire des textes argumentatifs.

Il est convaincu qu’il faut apprendre à lire des textes argumentatifs.

Dans ce sens, le verbe « convaincre » se traduit par « thuyết phục », « làm cho ai tin » en vietnamien.

- convaincre quelqu’un d’un délit, c’est lui administrer la preuve irréfutable de son crime, de son délit. Dans ce cas, « convaincre » se combine avec un complément en « de » mais exclut une complétive. L’équivalent vietnamien est alors « làm cho phải nhận là » (obliger quelqu’un à prendre sur lui une responsabilité, à convenir d’une erreur).

On l’a convaincu de vol = On a prouvé de façon irréfutable qu’il a volé

* Il est convaincu qu’il a volé

Verbe « persuader » :

- persuader quelqu’un, c’est l’amener à être convaincu de quelque chose par une argumentation logique ou faisant appel aux sentiments. Nous traduisons ce verbe en « thuyết phục ai, làm cho ai tin »

Son papa l’a persuadé qu’il réussirait à cesser de fumer

- persuader quelqu’un, c’est l’amener à faire quelque chose. Dans ce sens, le verbe se traduit « thuyết phục ai làm gì » en vietnamien.

J’ai fini par le persuader d’apprendre l’allemand

A partir de ces aspects sémantiques illustrés par des exemples concrets, nous constatons que « persuader » peut correspondre à « convaincre » dans son 1er sens que nous appelons convaincre-1. Autrement dit, « persuader » est synonyme de « convaincre-1 ». Quant au deuxième sens de « convaincre », convaincre-2, on ne peut pas le remplacer par « persuader ».

Pourtant, dans son travail, Plantin a montré que dans certains contextes, la sélection de tel ou tel verbe, de tel ou tel dérivé lexical ou adjectival ne dépend pas forcément des attentes théoriques. Nous citons ses quelques exemples :

- On pourrait parfaitement le soigner à la maison, mais il reste ( ? convaincu + persuadé) de la nécessité d’une hospitalisation.

Page 78: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

68

- Les meilleurs arguments du monde ne parviendraient pas à le convaincre + ? persuader)

- Je suis (persuadé + convaincu) de l’intérêt du projet.

- Le ton de sincérité de ses paroles m’a (convaincu + ? persuadé)

Pour conclure, nous disons qu’il n’est pas du tout facile de distinguer clairement ces deux verbes. La question devient encore beaucoup plus complexe si l’on doit travailler avec les dérivés nominaux et adjectivaux. Pour favoriser un peu la compréhension, nous prenons le propos de Perelman :

« Pour qui se préoccupe du résultat, persuader est plus que convaincre, la conviction n’étant que le premier stade qui mène à l’action […] Par contre, pour qui est préoccupé du caractère rationnel de l’adhésion, convaincre est plus que persuader […]. Pour Pascal, c’est l’automate qu’on persuade, et il entend par là, le corps, l’imagination, le sentiment, bref tout ce qui n’est point la raison » (Perelman et Olbrechs-Tyteca cité par Plantin, 1990 : 141).

En d’autres termes, convaincre consiste à argumenter en s’adressant à la raison de l’interlocuteur. Celui qui convainc doit présenter des faits, des exemples, faire appel à l’expérience… La persuasion, quant à elle, joue beaucoup plus sur les émotions. Celui qui persuade cherche à séduire, à charmer l’interlocuteur. En un mot, par la persuasion, on s’intéresse plus à enchaîner l’adhésion de l’autre qu’à le convaincre de façon rationnelle.

4. Polémique, controverse, débat, discussion (cuộc luận chiến, cuộc tranh cãi, cuộc tranh luận, cuộc thảo luận)

Polémique, controverse, confrontation, débat, dispute, querelle sont des mots qui reviennent fréquemment dès que se produisent des conflits, des antagonismes de nature intellectuelle ou savante. Nous portons particulièrement notre attention sur les termes « polémique », « controverse », « débat » et « discussion », parce que les apprenants vietnamiens ont du mal à distinguer ces mots et confondent souvent l’un avec l’autre.

Polémique, selon la définition du TLF, est « discussion, débat, controverse qui traduit de façon violente ou passionnée, et le plus souvent par écrit, des opinions contraires sur toutes espèces de sujets (politique, scientifique, littéraire, religieux, etc.), genres dont relèvent ces discussions ». D’après cette définition, on pourrait

Page 79: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

69

dire que la polémique contient forcément une certaine agressivité. C’est aussi pour cette raison que, quand on parle d’une polémique, on parle alors d’ « une joute verbale », d’ « une lutte verbale », d’ « une riposte » pouvant contenir des « remarques blessantes »…

Voici la famille dérivationnelle à laquelle appartient le mot « polémique » :

Son équivalent vietnamien est « cuộc luận chiến » ou « cuộc bút chiến ». Ces deux termes renvoient à des luttes verbales qui se passent souvent de façon violente, surtout à l’écrit (dans les journaux, par exemple). Nous avons donc les expressions suivantes :

engager, poursuivre une polémique avec quelqu’un : tham gia vào một cuộc luận chiến với ai

faire de la polémique : bút chiến

article polémique, écrit polémique : bài bút chiến

ton polémique, style polémique : giọng bút chiến, thể văn bút chiến

Controverse est aussi « une discussion argumentée, une contestation sur une opinion, un problème, un phénomène ou un fait », selon l’explication du TLF. Du nom « controverse », nous avons « controversé » (qui suscite une controverse) et « (in)controversable » (qui a le même sens que « (in)discutable »). Le verbe « controverser » et le substantif « controversiste » ne s’intègrent pas absolument dans cette famille dérivationnelle, étant donné que le verbe est souvent utilisé dans le sens passif, donc synonyme de « mettre en discussion » et que le substantif « controversiste » désigne la personne qui est doué dans la controverse. Nous avons ainsi le schéma ci-dessous :

Le changement climatique global est controversé.

Le changement climatique global fait l’objet d’une controverse.

Sự thay đổi khí hậu toàn cầu gây nên nhiều tranh luận

Débat vient du verbe « débattre ». Il se caractérise par une discussion sur une question controversée entre plusieurs partenaires. Ces derniers essaient de modifier

(in) controversable (adj)

controversé (adj) (une) controverse

(un) polémiste

(une) polémique (il) polémique polémique (adj)

Page 80: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

70

les opinions et les attitudes d’un auditoire. Le mot « débat » se traduit en vietnamien par « cuộc tranh luận » ou « cuộc bàn cãi », à savoir que les verbes « tranh luận » et « bàn cãi » signifient le fait de discuter, exprimer et justifier des prises de position par des arguments afin d’arriver à une prise de décision. Dans cette optique, le « débat » peut être envisagé comme un moyen d’atteindre un consensus. Il précède ou plus précisément prépare une prise de décision.

Parlant des débats, on ne peut pas ne pas parler des débats télévisés ou des débats à la radio. Ce sont plutôt des discussions organisées et dirigées.

Au Vietnam, il est vraiment difficile de trouver des débats dans les émissions à la télévision et à la radio, car les Vietnamiens évitent souvent les conflits interactionnels. Nous reviendrons sur ce point dans les 3e et 4e parties.

Le terme Discussion est défini par le Petit Robert comme le fait de discuter par exemple une décision, de s’y opposer par des arguments, autrement dit, il s’agit d’un échange d’arguments, de vues contradictoires.

Il est à remarquer que les apprenants vietnamiens de langue française ont du mal à faire la distinction entre discussion et débat, ce qui est compréhensible, les sens de ces termes se recoupent partiellement d’autant plus que dans les dictionnaires français-vietnamiens, on traduit le mot « discussion » par « cuộc tranh luận », « cuộc tranh cãi », « cuộc thảo luận ». La première et la deuxième propositions, selon nous, ne sont pas tout à fait exactes, car ces mots impliquant plus ou moins l’idée d’une certaine agressivité, semblent plus convenir au terme « débat ». Alors que la troisième proposition reflète plus fidèlement les caractéristiques d’une discussion qui est un échange de points de vue autour d’une question.

5. Objecter et réfuter (bắt bẻ và bác bỏ)

Du verbe « objecter » et « réfuter » sont dérivés les mots suivants :

(un) objecteur (une) objection (il) objecte

(un) réfutateur (une) réfutation (il) réfute

Page 81: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

71

On parle d’un « objecteur de conscience », celui qui refuse d’accomplir ses obligations militaires, en alléguant que ses convictions lui enjoignent le respect absolu de la vie humaine.

Ci-dessous les constructions syntaxiques de deux verbes « objecter » et « réfuter » :

Objecter quelque chose

Objecter quelque chose à quelque chose

Objecter quelque chose à quelqu’un

Réfuter quelque chose

Réfuter quelqu’un

Dans l’argumentation, on peut objecter à une thèse, à une information, à une proposition :

Je ne nie pas le fait que Paul n’est pas un homme énergique. Pourtant cela suffit-il pour dire qu’il n’arrive pas à mettre fin à sa consommation de drogue?

On peut aussi objecter à l’argumentateur soutenant la thèse :

Vous êtes encore trop jeune pour en parler !

Le verbe « réfuter » fonctionne, quant à lui, de façon plus violente, c’est-à-dire que l’on peut aussi réfuter un argument, une thèse ou un comportement :

Tu as tort de l’avoir traité de telle façon. Un jour, tu vas être contrit d’avoir offensé un bon ami comme lui.

La seule différence entre une objection et une réfutation, c’est que si une thèse se heurte à une objection, on peut toujours continuer à la soutenir à condition qu’on soit capable de répondre à cette objection étant donné que l’objection ne vise pas à obliger l’adversaire à abandonner sa position ou qu’on montre qu’il s’agit en fait d’une « simple objection ». Par contre, dans le cas de la réfutation, ce sera plus dur parce que la réfutation tend à clore le dialogue. On ne peut le continuer que si on réussit à « réfuter la réfutation ». Autrement dit, celui qui objecte tend à faire des difficultés, il laisse alors la conversation ouverte, tandis que celui qui réfute veut fermer la conversation.

Nous remarquons qu’en vietnamien, comme c’est le cas en français, il existe une variété de termes ayant le même sens que « objecter » et « réfuter ». Nous en citons ici quelques-uns : bác, bẻ, bác bỏ, phản bác, bắt bẻ, bẻ lại, bác bẻ, vặn vẹo, vặn hỏi… Les verbes les plus synonymiques de « objecter » et « réfuter » ont alors tous comme radical « bác » ou « bẻ ». « Bác » signifie repousser, rejeter, réfuter l’opinion de l’autre par des arguments alors que « bẻ » c’est plutôt faire des

Page 82: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

72

objections. Nous divisons donc ces verbes en deux catégories dont l’une est plus proche de « objecter » et l’autre appartient à « réfuter ».

Objecter : bẻ, bắt bẻ, bác bẻ, bẻ lại

Réfuter : bác, phản bác, bác bỏ

Nous notons également qu’à l’heure actuelle, dans le langage parlé, on trouve souvent d’autres verbes catégoriquement synonymes de « objecter » ou « réfuter » :

A : Em thi nói tốt không ?

Toi examen parler bien marqueur de négation

→ Ton oral, ça s’est bien passé ?

B : Trời ơi, em bị vặn từ Ciel marqueur moi marqueur interroger depuis d’appellation de passif

đầu đến cuối

début jusque fin

→ Oh mon Dieu ! J’étais coincé du début à la fin ! (Oh mon Dieu ! On a cherché à me coincer du début à la fin)

B peut aussi répondre par « Trời ơi, em bị quay từ đầu đến cuối » en remplaçant le verbe « vặn » par « quay », qui a le même sens. Si on se contente de traduire cette réponse de B en « Le professeur m’a posé des questions depuis le début jusqu’à la fin », on n’arrive pas à dégager l’idée de « bắt bẻ » exprimée par le biais du verbe « vặn » ou « quay ». Ainsi, on propose la traduction comme suit : « Oh mon Dieu ! On m’a fait des objections depuis le début jusqu’à la fin » ou encore « Oh mon Dieu ! On a cherché à me coincer du début à la fin »

Nous constatons enfin qu’il existe dans l’utilisation de ces deux verbes l’aspect métaphorique. « Vặn » et « quay » signifient « tourner ». Dans la cuisine, on dit aussi « quay một con gà » (rôtir un poulet). Le fait d’interroger un élève de façon suivie, de l’accabler par des questions lors de son examen exprimé par l’intermédiaire de ces verbes a, par conséquent, un effet imagé.

Page 83: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

73

6. Concéder (nhượng bộ)

Voici la famille dérivationnelle du verbe « concéder » :

Dans une discussion, concéder consiste à céder momentanément ou définitivement sur un point, un argument ou une objection du partenaire. Cela ne veut pas dire que celui qui fait des concessions affaiblit sa position. Par contre, il fait un recul stratégique pour revenir plus tard afin de restreindre la validité de l’argument de son adversaire ou même de le détruire. « Concéder » est donc synonyme de la locution française : « faire la part du feu » dans l’exemple : « Dans certaines circonstances, il faut savoir faire la part du feu ». On parlerait alors de la nécessité de savoir sacrifier certaines choses pour ne pas tout perdre. C’est ainsi que la concession prend place dans la liste des principales manoeuvres de l’argumentation.

Dans cette perspective, si nous nous contentons de traduire « concéder » en « nhượng bộ », les lecteurs ont du mal à imaginer qu’il s’agit là d’une tactique argumentative. Il est donc préférable de proposer une autre traduction paraphrastique « lùi một bước để tiến hai bước » qui se traduit littéralement en « faire un pas de recul pour avancer de deux pas ». En classe de langue, le professeur peut aussi expliquer le sens du verbe « concéder », « faire des concessions » par des paraphrases telles que : « on sacrifie un petit avantage présent pour en obtenir plus tard un beaucoup plus grand », « on recule pour mieux sauter ».

7. Contredire et démentir (nói trái lại - bác bỏ et phủ nhận - đính chính)

Voici la définition de deux verbes « contredire » et « démentir » selon Le Petit Robert.

Concessif (adj.)

(une) concession (il) concède

Page 84: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

74

Verbe « contredire » :

- c’est s’opposer à quelqu’un en disant le contraire de ce qu’il dit, par exemple « contredire un témoin ». Dans ce sens, contredire est synonyme de démentir, réfuter.

Nous avons des expressions comme « prendre plaisir à contredire tout le monde » pour parler de quelqu’un qui a l’esprit de contradiction, ou « aimer à contredire » qui signifie « critiquer ».

- c’est nier la vérité de quelque chose, dire des choses incompatibles avec quelque chose comme dans l’exemple « contredire une assertion, une déclaration, le témoignage de quelqu’un »

- le verbe pronominal « se contredire » dans l’exemple « Il n’arrête pas de se contredire depuis le début de son récit » signifie dire des choses contradictoires successivement, et signifie aussi « se disputer », « s’opposer systématiquement » dans « Ils se contredisent sans cesse ». De même, « Les témoins se contredisent » signifie que « leurs témoignages sont contradictoires ». Il y a donc symétrie, ce qui n’est pas le cas pour « A contredit B »

- aller à l’encontre de = démentir

Verbe « démentir » :

- c’est contredire quelqu’un en prétendant qu’il n’a pas dit la vérité : « démentir un témoin ». Ce sens est surtout valable dans le cas de « démentir une information »

- prétendre quelque chose contraire à la vérité, déclarer qu’un fait ou qu’un discours est faux : « il dément avoir tué sa femme » → nier une affirmation.

- aller à l’encontre de = contredire

Il est à noter que Moeschler a précisé que dans l’exemple : « il dément avoir tué sa femme », l’objet de l’acte de démenti n’est pas pour l’énonciateur le fait d’avoir tué sa femme, mais le fait que quelqu’un ait affirmé qu’il a tué sa femme. L’énoncé prend la forme suivante : « il dément l’affirmation (d’avoir tué sa femme) ».

A la différence du verbe « démentir », dans « il nie avoir tué sa femme », l’objet de l’acte de nier est le fait d’avoir tué sa femme. On peut paraphraser l’énoncé d’une autre manière : « Il nie être l’auteur du crime (la mort de sa femme) » ou « Il nie d’être impliqué dans la mort de sa femme »

Page 85: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

75

Il est donc clair qu’une négation porte sur un fait alors qu’un démenti porte plutôt sur un acte d’énonciation, d’assertion ou d’information. De ce point de vue, « démentir » est à rapprocher de « réfuter ».

Ce qui semble différencier « démentir » et « contredire », selon nous, c’est que « contredire » comme « réfuter » présupposent l’existence préalable d’une argumentation alors que ce n’est pas nécessairement le cas avec « démentir ».

Dans le but d’illustrer plus clairement cette différence entre ces deux verbes, nous nous inspirons du travail de Moeschler (1982 : 122) pour synthétiser l’ensemble de leurs particularités :

1. démentir : X dément que p

posé : X dit que p est faux présupposé : p est ON-vrai condition : p a fait l’objet d’un acte d’énonciation (acte d’assertion ou d’information)

2. contredire : X contredit que p

posé : X dit que p est faux présupposé : p est ON-vrai condition (i) : p a fait l’objet d’un acte d’énonciation (acte d’assertion) condition (ii) : Y a une attitude propositionnelle négative vis-à-vis de p condition (iii) : X a donné ou donnera des q, r, s… en faveur de non-p

A partir de ces schémas, nous proposons de traduire les verbes « contredire » et « démentir » en « bác bỏ bằng cách nói trái lại » (réfuter en disant le contraire) et « bác bỏ bằng cách phủ nhận, đính chính » (réfuter en niant). Les traductions proposées dans les dictionnaires français-vietnamien qui sont respectivement « nói trái lại » et « bác bỏ, phủ nhận » ne semblent pas satisfaisantes, car elles ne reflètent pas la différence entre ces deux verbes. « Nói trái lại » (contredire) et « phủ nhận, đính chính » (démentir) sont, d’après nous, des procédés de réfutation différents. Mais l’acte de réfuter en contredisant ne signifie pas la même chose que l’acte de réfuter en démentant. Dans le premier cas, l’auteur de cet acte, n’ayant pas la même position que celui de l’assertion initiale, peut ou pourra éventuellement donner des arguments en défaveur de la thèse défendue par son allocutaire. Dans le second cas, il n’a qu’à nier la validité de l’assertion initiale.

Page 86: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

76

8. Objectivité / Parti pris (Thái độ khách quan / Quyết định dứt khoát)

8.1. Partiel et partial

Nous avons deux familles dérivationnelles auxquelles appartiennent ces deux adjectifs.

Ainsi, quand on parle par exemple d’« un exposé partiel », on veut dire qu’il est incomplet. Par contre, un exposé considéré comme « partial » est celui qui manifeste de la partialité ou du parti pris. Ces deux critiques sont donc tout à fait différentes.

Dans notre vie de tous les jours, nous parlons souvent d’un « juge partial », d’un « arbitre partial », d’un « jugement partial », d’une « opinion partiale », d’un « exposé partial »…, à noter entre parenthèses que l’expression « exposé partial » se dit rarement en langue vietnamienne. Cet adjectif « partial » équivaut à « thiên vị » en notre langue. Pourtant, si on traduit l’énoncé « c’est un exposé partial » par « đây là một bản thuyết trình thiên vị » ou par « đây là một bản thuyết trình có định kiến », les deux énoncés sont alors mal dits et posent, par conséquent, des problèmes de compréhension, bien que l’on puisse, sans aucune difficulté, comprendre qu’il s’agit dans les deux cas d’une critique négative : c’est un exposé qui manifeste la partialité ou le parti pris. Afin de favoriser la compréhension et d’aider à bien distinguer entre « partial » et « partiel » nous allons analyser ces deux termes dans la situation de communication concrète suivante :

Lors d’une conférence de linguistique, un professeur est invité à présenter un exposé sur l’état linguistique. Les deux cas sont possibles :

• le premier cas : Il présente d’abord plusieurs écoles linguistiques différentes et ensuite il donne son point de vue.

• le deuxième cas : Il présente seulement une école linguistique en en faisant l’éloge.

Dans le premier cas, on dit que son exposé est excellent alors que dans le second cas, l’exposé est jugé partial parce que son auteur ne parle que de l’école linguistique à laquelle il s’intéresse. « Partial » signifie donc que, dans son exposé,

(la) partie partie

partialité (le) parti partial

Page 87: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

77

on prend nettement le parti de quelqu'un ou de quelque chose ; on n'est pas absolument objectif, donc, à la limite, pas honnête car on ne voit pas les mauvais côtés de la personne ou de la chose, par exemple, ou les bons côtés des autres personnes. On se met trop du côté d'une personne ou d'une thèse sans se soucier assez de l'objectivité, de la vérité...La partialité est un défaut ! Dans ce sens, un exposé partial est un mauvais exposé. On peut dire aussi que l’exposé du deuxième cas est un exposé partiel parce que son auteur ne présente pas suffisamment toutes les écoles linguistiques en question. Un exposé partiel est alors synonyme d’un exposé incomplet.

Nous passons maintenant à quelques expressions importantes :

- Être partial envers quelqu’un, dans quelque chose (Manifester une attitude de partialité, de préférence envers qqn) : Tỏ ra thiên vị ai

- Agir (juger) avec partialité : Hành động, đánh giá một cách thiên vị

- Être juge et partie (Être intéressé directement dans une affaire que l’on devrait considérer, apprécier avec impartialité, objectivité) : Nhận định, đánh giá khách quan (công minh, vô tư) một sự việc.

«Partial », « partialité » ont respectivement des antonymes « impartial », « impartialité ». Les adjectifs « équitable », « objectif » et « équité », « objectivité » sont synonymes de « impartial » et « impartialité ».

8.2. Prendre parti

« Parti » et « prendre parti » se présentent dans de nombreuses syntagmes nominaux. Dans le but d’en préciser le sens en cherchant des synonymes et en donnant des équivalents vietnamiens, nous essayons de faire un inventaire de ces expressions.

- Faire un bon parti (si on veut parler d’une personne à marier, vu sa situation sociale et financière) : Một đám tốt.

- Faire un mauvais parti à quelqu’un (faire subir un mauvais traitement, un mauvais sort) : Bạc đãi ai.

- Prendre parti (se décider pour un point de vue) : Quyết định ủng hộ hoặc chống đối.

- Prendre un parti (faire un choix) : Lựa chọn, quyết định.

Page 88: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

78

- Prendre le parti de faire quelque chose (Décider de faire qqc) : Quyết định làm theo cách nào.

- Prendre son parti de quelque chose, en prendre son parti (Accepter ce qu’on ne peut éviter, accepter quelque chose de pénible, de déplaisant) : Đành theo việc gì.

- Prendre parti pour, contre quelqu’un (Se prononcer en faveur de quelqu’un ou non, lui donner raison ou tort = Prendre position pour, contre) : Quyết định ủng hộ hay không ủng hộ ai.

- Prendre le parti de quelqu’un (Protéger, défendre la cause de qqn = prendre position pour) : Ủng hộ quan điểm của ai đó.

- Être du parti de quelqu’un (Défendre la même opinion que quelqu’un) : Có cùng quan điểm với ai.

- Être de parti pris, être partial : Quyết định dứt khoát.

Les constructions syntaxiques contenant « parti » et « prendre parti » risquent de poser énormément de problèmes de compréhension aux apprenants de français langue étrangère. Citons comme exemple les deux questions posées par Plantin (1989 : fiche 8) : « Si l’on prend le parti de quelqu’un, est-on de parti pris ? » et « Si l’on prend le parti de faire telle chose, cela signifie-t-il qu’on en a pris son parti ? » Il n’est pas toujours facile, pour les élèves vietnamiens, de trouver de bonnes réponses à ce genre de questions.

Les équivalents vietnamiens que nous avons mentionnés ci-dessus contribuent sans doute à remédier partiellement aux difficultés d’interprétation de ces locutions syntaxiques. Mais, il est à remarquer qu’il nous faut, en vue d’une meilleure efficacité d’enseignement, préparer une série d’exercices d’emploi et de réemploi de ces expressions françaises, dans lesquels celles-ci sont mises dans des contextes concrets. Cela est très important car il permet à nos élèves de mieux comprendre et aussi de mieux mémoriser ce vocabulaire si difficile.

9. Sophisme et paralogisme (ngụy biện et ngộ biện)

9.1. Sophisme

Un « sophisme » est un raisonnement qui a l’apparence de la validité, de la vérité mais qui, en réalité, est faux ou non concluant. Ce raisonnement part toujours

Page 89: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

79

de prémisses vraies ou considérées comme vraies et obéit à des règles de logique, pourtant il aboutit à une conclusion inadmissible. Il est avancé généralement avec mauvaise foi et par conséquent, a pour effet de tromper l’interlocuteur ou de faire illusion.

En vietnamien, on appelle ce raisonnement « ngụy biện ». Le suffixe « biện » signifie « raisonner » et le préfixe « ngụy » fait référence à « trompeur ». Nous avons l’exemple suivant :

Luận điệu ngụy biện : Raisonnement plein de sophismes.

« Ngụy biện » est un terme plus ou moins technique. En langue vulgaire, on a affaire à une autre traduction : « lập luận sai lầm » (un raisonnement faux).

La personne qui utilise des sophismes, des arguments ou des raisonnements spécieux pour tromper les autres est un « sophiste ». Ce substantif a encore une autre signification, désignant des maîtres de rhétorique et de philosophie qui enseignent l’art de parler en public, la science du raisonnement orientée vers des fins utilitaires. Son équivalent vietnamien est « bậc thầy về triết lý và hùng biện ».

9.2. Raisonner, Ergoter, Ratiociner

En vietnamien comme en français, il existe toujours des mots ou des expressions désignant des personnes qui se livrent à une activité d’argumentation. En d’autres termes, on dirait que celui qui raisonne est suspect d’être un raisonneur. « Raisonneur » fait penser d’une part à quelqu’un chez qui le raisonnement est la manière naturelle ou habituelle d’appréhender les choses, et qui utilise du raisonnement pour convaincre quelqu’un, pour prouver ce qu’il dit. Nous avons dans ce sens l’expression « un raisonneur profond » (người lý luận sâu sắc). D’autre part, dans son sens péjoratif, ce mot fait allusion à la personne qui abuse du raisonnement, qui lasse son auditoire par des raisonnements sans fin. « Raisonneur » s’accompagne alors d’adjectifs tels que « assommant », « ennuyeux »… En vietnamien, nous avons les expressions « người hay cãi lý khó chịu », « người hay lý sự khó chịu ».

D’autres verbes ayant à peu près le même sens péjoratif que « raisonner » sont « ergoter » et « ratiociner » qui donnent respectivement les dérivés « ergoteur » et « ratiocineur ». « Ergoteur » ou « người hay bắt bẻ » en vietnamien est la personne qui contredit quelqu’un inlassablement et à tout propos. « Ratiocineur » ou « người hay lý sự » est la personne qui fait de vains raisonnements.

Page 90: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

80

Il est important de noter qu’il existe en vietnamien une grande variété d’expressions et de locutions verbales adressées à quelqu’un qui aime raisonner à tout propos :

- « Cãi lấy được » : raisonner tant bien que mal (à tout prix, malgré tout)

- « Cãi cùn » : raisonner 1) sans tenir compte du bien ou du mal, du juste ou d’injuste, 2) sans s’intéresser aux réflexions des autres.

- « Lý sự cùn » : raisonner comme une pantoufle, raisonner comme un panier percé. A remarquer que le terme « cùn » en vietnamien renvoie à l’image d’un balai usé, pas à celle d’une pantoufle ou d’un panier percé comme en français. Dans la vie courante, il arrive que l’on dise brièvement « mày cùn lắm » au lieu de « mày lý sự cùn » (Tu raisonnes comme une pantoufle).

- « Cãi chày cãi cối » : persister à répliquer sans arguments valables, s’entêter à rétorquer (à savoir que l’image de « chày » (pilon) et celle de « cối » (mortier) font allusion à l’obstination, l’entêtement).

- « Trứng cãi vịt » : l’œuf qui veut rétorquer un raisonnement au canard. « Trứng đòi khôn hơn vịt » : l’œuf qui veut être plus intelligent que le canard.

= C’est Gros-Jean qui en remontre à son curé (C’est Gros-Jean qui fait des remontrances à son curé)

- « Gà mái cãi nước sôi » : la poule qui veut rétorquer un raisonnement à l’eau bouillante.

- « Thằng chết cãi thằng khiêng » : Le mort qui veut raisonner contre celui qui le porte sur l’épaule.

Nous avons comme exemple le dialogue entre une mère (M) et sa fille (F) :

- M : Con à, lấy chồng rồi phải biết lo toan cho

Enfan terme épouser mari déjà devoir savoir s’occuper pour

d’appellation

gia đình.

famille

→ Écoute, ma chérie, une fois mariée, tu dois t’occuper de la famille.

- F : Mẹ ơi, giờ khác rồi không như hồi xưa

Maman terme maintenant différent déjà marqueur comme autrefois

d’appellation de négation

→ Maman, les temps ont changé.

Page 91: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

81

- M : Sao mày cứ trứng cãi vịt thế hả con ?

Pourquoi toi toujours œuf raisonner canard ainsi interjection enfant

→ Mais pourquoi tu veux toujours me rétorquer (me répondre)? Un œuf ne peut pas être plus intelligent qu’un canard.

La locution « trứng cãi vịt » dans ce dialogue a un double effet. D’une part, la mère manifeste explicitement son mécontentement du fait que sa fille argumente contre son propos. D’autre part, cette locution sous-entend qu’il ne faut pas se passer des conseils des gens expérimentés. Une fille devrait toujours savoir écouter sa mère, à qui la vie a donné plus d’expérience. La locution « Gà mái cãi nước sôi » a la même orientation argumentative que « trứng cãi vịt ».

L’analyse de ces expressions vietnamiennes contredit, dans un premier temps, l’idée selon laquelle les Vietnamiens ne s’intéressent pas à l’argumentation. Au contraire, ils argumentent mais de façon plutôt implicite, parce qu’ils préfèrent de toute façon le tact et la discrétion à l’attaque et à l’agressivité. Dans la vie de tous les jours, les Vietnamiens accordent d’ailleurs la priorité au sentiment. Ainsi le disent quelques proverbes :

- « Một bồ cái lý không bằng một tí cái tình »

(Un gros panier de raisons ne vaut pas une pincée de sentiments)

- « Lời nói chẳng mất tiền mua

Lựa lời mà nói cho vừa lòng nhau »

(Les mots ne coûtent pas d’argent

Choisissez-les bien pour contenter tout le monde)

Il est bien clair que les Vietnamiens sont très prudents dans la façon de parler. Les sentiments, dans leur mentalité, valent beaucoup plus que la raison. Attachant une importance cruciale au mot « tình » (sentiment), ils ne veulent pas faire perdre la face à l’autre, ni le blesser. Cela explique partiellement pourquoi, en vietnamien, le désaccord n’est presque jamais explicitement et directement formulé. La fille, dans l’exemple cité ci-dessus, au lieu de réfuter directement le propos de sa mère en disant « con không đồng ý với mẹ » (je ne suis pas d’accord avec toi) a choisi une formule implicite « mẹ ơi giờ khác rồi không như hồi xưa đâu » (maman, les temps ont changé). Il est bien clair qu’elle ne dit pas son désaccord mais elle le montre. A noter également que la réfutation est manifestée par le biais de plusieurs éléments linguistiques différents : termes contraires « giờ / hồi xưa » (maintenant / autrefois), marqueur de négation « không » et enfin « đâu » qu’on appelle opérateur de négation. En insérant « đâu » dans son assertion, la fille veut encore une fois

Page 92: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

82

renforcer l’idée que sa mère n’a pas raison, ou du moins, que la raison de sa mère n’est pas applicable au temps présent.

Nous en parlerons plus en détail dans la partie portant sur le comportement verbal des Vietnamiens.

9.3. Paralogisme

Un paralogisme est un terme technique. Il désigne un raisonnement non valide bien que la forme rappelle celle d’un raisonnement valide, comme le témoigne l’exemple suivant :

Tous les Allemands aiment boire de la bière ;

Stéphane n’aime pas la bière,

Donc il n’est pas allemand.

Ce raisonnement appelé en langue vietnamienne « ngộ biện » ( à savoir que le préfixe « ngộ » signifie « se tromper ») se distingue du sophisme en ce que ce dernier a tendance à induire l’interlocuteur en erreur. Le raisonnement captieux et le raisonnement fallacieux sont aussi de mauvais raisonnements. Pourtant, selon Plantin :

« le problème n’est pas tellement d’opposer les formes valides du raisonnement à ses formes captieuses, fallacieuses, aux paralogismes ou aux sophismes. L’étude de l’argumentation montre précisément qu’une telle dichotomie des raisonnements n’est pas tenable : il faut distinguer des degrés de validité » (1989 : fiche 9).

10. Remarque : l’effet de métaphore dans l’argumentation

Le travail comparé nous apporte une vision plus claire du sous-système constitué par le vocabulaire argumentatif en langue vietnamienne. Une traduction plus complète et détaillée de tout ce vocabulaire serait bienvenue parce qu’elle fournirait la matière d’une introduction d’un premier cours théoriquement indispensable à l’argumentation. Dans le cadre de notre travail, nous ne proposons que des traductions des termes susceptibles de poser des difficultés de compréhension aux apprenants.

Page 93: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

83

Tout au long de notre recherche, nous nous sommes aperçu également qu’il existe en langue vietnamienne une grande variété d’expressions métaphoriques. Dans cette partie, nous en parlerons plus en détails. Mais, avant d’aborder cette question, nous réservons quelques lignes pour présenter sommairement les différents tropes. Cette présentation théorique nous aide à mieux comprendre ce qu’est la métaphore et à la distinguer d’autres procédés rhétoriques.

D’après Eggs (1994 : 165-231), argumenter consiste à appliquer un certain nombre de procédés inférentiels. La construction du sens d’une énonciation est essentiellement basée sur quatre champs de connexions anaphoriques qui sont :

- Les relations sémantiques d’identité, de synonymie, d’hyponymie ou d’hypéronymie. Cette relation est purement linguistique.

- Les relations d’appartenance - Les relations accidentelles - Les relations de similarité

A ces trois dernières relations correspondent les trois figures rhétoriques qui sont respectivement la synecdoque, la métonymie et la métaphore, à savoir que la synecdoque est une « espèce de métonymie », selon l’expression de Dumarsais. Le point commun entre les procédés synecdochiques et métonymiques est qu’ils s’appliquent entre des espèces homogènes. La seule différence entre ces deux figures est que dans la métonymie, il y a au moins deux choses différentes liées par une relation extrinsèque et accidentelle alors que dans la synecdoque, cette relation est intrinsèque et non-accidentelle à l’intérieur d’un seul objet qui forme un tout. Nous avons les exemples suivants :

La grosse tête vient de sortir sans avoir payé (synecdoque)

Il aime bien lire Victor Hugo (métonymie)

Passons maintenant à la métaphore ! Selon la définition de Dumarsais (1730), « la métaphore est une figure par laquelle on transporte, pour ainsi dire, la signification propre d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison qui est dans l’esprit » (définition de Dumarsais citée par Brault, 2008 : 176). Quant à Fontanier, la métaphore consiste « à présenter une idée sous le signe d’une autre idée plus frappante ou plus connue, qui, d’ailleurs, ne tient à la première par aucun autre lien que celui d’une certaine conformité ou analogie » (1968 : 99) Si la métaphore est vue par Dumarsais comme une « comparaison abrégée », d’après Fontanier, elle se fonde sur une analogie.

Ce trope n’est pas seulement une caractéristique du langage. Elle concerne également le processus de pensée et d’action de l’homme. En ce sens, Aristote a

Page 94: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

84

souligné qu’« il faut former ses métaphores de choses appropriées et non immédiatement évidentes, comme en philosophie où voir les similitudes entre les choses fort éloignées est un signe d’un esprit sagace » (Aristote cité par Eggs, 1994 : 194). Il est clair que la métaphore n’a pas seulement une fonction d’ornement mais aussi et avant tout une fonction cognitive. Elle se distingue des deux autres procédés métonymiques et synecdochiques par l’hétérogénéité de deux domaines mis en jeu.

En réalité, la plupart des gens réduisent la métaphore à un procédé de l’imagination poétique et de l’ornement rhétorique. Selon ces gens, la métaphore n’est qu’une caractéristique du langage poétique, elle maintient alors une relation étroite avec la littérature. Or dans notre vie de tous les jours, la métaphore est partout présente, non seulement dans le langage mais aussi dans la pensée et dans l’action. Selon Lakoff et ses collaborateurs, « notre système conceptuel ordinaire, qui nous sert à penser et à agir, est de nature fondamentalement métaphorique » (1986 : 13). En d’autres termes, on pourrait dire que la métaphore contribue à structurer notre manière de percevoir, de penser et de faire. Pour illustrer ce propos, nous empruntons un exemple de l’auteur :

La discussion, c’est la guerre

Ici, nous constatons bien que la « discussion » et la « guerre » sont deux types de choses tout à fait différentes. La « discussion » renvoie au discours verbal alors que la « guerre » concerne le conflit armé. Ces deux termes sont hétérogènes mais grâce à l’effet métaphorique, de nouveaux rapports d’identités sont mis en jeu. Dans le cas de cet exemple concret, la « discussion » est structurée, comprise, pratiquée et commentée en termes de « guerre ». Par conséquent, cette métaphore conceptuelle donne naissance à une variété d’expressions dans notre langage quotidien :

Vos affirmations sont indéfendables.

Ses critiques visaient droit au but.

Tu n’es pas d’accord ? Alors défends-toi !

Si tu utilises cette stratégie, tu vas te faire écraser.

Les arguments qu’il m’a proposés ont tous fait mouche.

Il a attaqué chaque point faible de mon argumentation.

J’ai démoli son argumentation.

Je l’ai bombardé de questions.

Ils ont eu une discussion à fleurets mouchetés.

Page 95: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

85

Je l’ai poussé dans ses derniers retranchements.

etc.

On comprend très bien que dans une discussion, les participants peuvent « gagner ou perdre ». L’un « attaque » souvent la position de l’autre et essaie également de « défendre » la sienne. En fait, il ne s’agit pas d’une bataille physique mais plutôt d’une bataille verbale. La structure de la discussion est ainsi constituée de différentes phases telles que attaque, défense, contre-attaque…

De toute façon, il est à noter que cette métaphore reflète fidèlement la façon de penser et celle d’agir des anglo-saxons et peut-être des Français en ce qui concerne la discussion. Cela n’est pas pareil dans notre culture vietnamienne parce que, chez nous, la discussion n’est pas vue en termes de guerre. Lors de la discussion, il n’y a ni gagnants ni perdants, attaquer ou se défendre, gagner ou perdre du terrain n’ont aucune signification. La raison est simple : les Vietnamiens cherchent toujours à éviter des conflits interactionnels.

Comme nous l’avons dit plus haut, en langue vietnamienne, il existe une grande variété d’expressions métaphoriques. Nous allons essayer d’en analyser quelques-unes.

« Nó đuối lí nên tịt ngòi luôn » : Comme il est à court d’argument, il doit se taire.

« Trứng cãi vịt » : L’œuf qui veut rétorquer un raisonnement au canard.

« Gà mái cãi nước sôi » : La poule qui veut rétorquer un raisonnement à l’eau bouillante (qui veut raisonner contre l’eau bouillante).

Dans le premier cas, la métaphore réside dans le terme « tịt ngòi » qui est compris comme synonyme de « im lặng » (se taire) ou « ngậm miệng » (fermer la bouche). Pourtant, « tịt ngòi » est une expression imagée. En effet, en vietnamien, pour parler de quelqu’un qui tend à parler sans cesse, nous disons :

Nó nói như pháo rang

Il parle comme pétard sauter

Il parle comme les pétards qui sautent (éclatent / explosent) (Il parle trop).

L’image du pétard qui explose (en contact avec du feu) fait penser à une suite de sons continus. Selon l’ancienne tradition vietnamienne, à l’occasion de la fête traditionnelle (le Tet lunaire), on tirait des chaînes de pétards. Et lorsqu’on met le feu à la mèche des pétards, il est impossible d’arrêter les explosions. Les pétards qui explosent à la suite les uns des autres sont les symboles de la chance, du bonheur pour le Nouvel An. Au contraire, l’image du pétard qui n’éclate pas va apporter le malheur. Cet état fait référence à une interruption brusque. Ainsi, dans le langage

Page 96: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation

86

parlé, on utilise l’image de « la mèche de pétards » qui cesse d’éclater pour parler d’une personne qui arrête brusquement de parler alors qu’avant elle parlait sans cesse. Nous pouvons donc traduire « Nó đuối lí nên tịt ngòi luôn » par « Comme il n’a plus d’arguments, il cesse de parler ».

L’analyse de cette image « pháo tịt ngòi » (la mèche de pétards qui n’explose plus) nous amène à dire que la parole argumentative, dans notre culture vietnamienne, renvoie à un spectacle. Elle s’associe à la joie, au bonheur, et non à la guerre que précise l’exemple connu de Lakoff (1986) « la discussion, c’est la guerre ». Sur ce point, la culture vietnamienne partage la même valeur que celle des Français recourant à l’image métaphorique : « la parole brillante » ou « un discours brillant ». Ce procédé rhétorique se construit à partir de deux choses hétérogènes qui sont la « parole » et la « lumière ». Encore une fois, la parole argumentative est étroitement liée à la joie, au bonheur et non à la guerre.

Dans le deuxième cas, nous pouvons élaborer deux domaines de comparaison :

- Enfant Mère

- Inférieur Supérieur

- Celui qui est moins âgé Celui qui est plus âgé

- Celui qui a moins d’expériences Celui qui a plus d’expériences

- ŒUF CANARD

Un œuf ne peut pas rétorquer à un canard. Ainsi, un enfant ne peut-il pas raisonner contre sa mère. Cet exemple montre bien que la métaphore est une forme d’argumentation par l’analogie.

Le troisième exemple est aussi une locution figée. Bien que le mécanisme soit presque pareil (la métaphore se fonde sur l’analogie), la valeur métaphorique n’est pas exactement la même que dans la locution précédente. En effet, au Vietnam, on a l’habitude de mettre la poule déjà tuée dans l’eau bouillante pour la plumer. L’image de la poule renvoie à la personne qui est moins âgée, moins expérimentée. L’eau bouillante fait allusion à un pouvoir suprême auquel on ne peut pas résister. La poule, une fois plongée dans l’eau bouillante, est déjà tuée. Il est donc hors question qu’elle raisonne contre cette « autorité ». Il s’en déduit que celui qui a moins d’expériences dans le domaine en question doit savoir écouter les personnes les plus expérimentées. L’exemple suivant contribue à mieux illustrer cette locution figée.

Page 97: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

87

Le professeur remet sa rédaction à un étudiant. Celui-ci, n’étant pas content de la note donnée, essaie de prouver à son professeur qu’il a fait un bon travail, qu’il a su argumenter et qu’il faut que le professeur augmente sa note. Le professeur explique à l’étudiant quelles sont ses maladresses en disant : « Vous êtes comme une poule qui rétorque à l’eau bouillante ».

La locution implique que la décision prise est tout à fait juste et que le professeur a la puissance, le pouvoir de prendre la décision. Elle sous-entend également que l’étudiant, qui a fait un mauvais devoir, est comparé à une poule déjà morte sans le savoir.

Récapitulation

Nous avons fait, dans ce chapitre, une étude contrastive du lexique de l’argumentation en français et en vietnamien. Cette étude consiste à montrer qu’il existe, dans le trésor de la langue vietnamienne, une variété de vocabulaire argumentatif.

Le travail de traduction est non seulement utile à nos apprenants vietnamiens en favorisant chez eux la compréhension des termes plus ou moins spécialisés mais il nous est aussi indispensable parce que nous nourrissons l’ambition d’élaborer dans un avenir proche un cours de théorie de l’argumentation en vietnamien tout en gardant une vision contrastive avec celle en langue française. Or, pour apprendre l’argumentation, il faut non seulement un effort linguistique mais aussi un effort d’adaptation interculturelle.

Page 98: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

88

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

Notre travail sur les connecteurs se compose de deux parties. La première porte sur la vision des linguistes à l’égard de ce concept. La deuxième partie est consacrée à la description de quelques connecteurs les plus utilisés et qui posent aussi le plus de difficultés à nos étudiants.

1. Connecteurs : diversité terminologique

Il existe une large variété de termes pour désigner le connecteur. Plusieurs raisons expliquent cette diversité terminologique, dont le fait que les chercheurs focalisent souvent sur une fonction ou un emploi particulier rattaché aux unités qu’ils décrivent. De plus, cette diversité reflète également les préoccupations théoriques de chercheurs qui viennent d’horizons intellectuels différents.

1.1. Selon la Grammaire méthodique du français

Riegel et ses collaborateurs, dans Grammaire méthodique du français, traitent les connecteurs dans le cadre de l’enchaînement linéaire du texte comme :

« des éléments de liaison entre des propositions ou des ensembles de propositions, ils contribuent à la structuration du texte en marquant des relations sémantico-logiques entre les propositions ou entre les séquences qui le composent. Pour rapprocher ou séparer les unités successives d’un texte, les connecteurs jouent un rôle complémentaire par rapport aux signes de ponctuation » (Riegel et al., 1994 : 616-617).

1.2. Selon le Dictionnaire encyclopédique de Sciences du langage

Les auteurs du Dictionnaire encyclopédique des Sciences du langage (Ducrot et al., 1979) parlent de trois types principaux d’emplois des connecteurs en Sciences

Page 99: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

89

du langage : connecteurs logiques, connecteurs pragmatiques, connecteurs sémantiques discursifs.

Le connecteur logique est défini comme un foncteur ayant pour argument une paire ordonnée de propositions.

Le connecteur pragmatique rend compte des processus inférentiels déclenchés par l’usage des mots comme « et », « mais », « si ».

Les connecteurs sémantiques discursifs désignent des mots ou des expressions (conjonctions, adverbes, syntagmes propositionnels) dont la fonction est de lier des séquences discursives de nature phrastique ou textuelle pour assurer la cohésion et la cohérence du discours, à savoir que la cohésion renvoie au caractère de solidité du lien logique qui unit des arguments ou l’ensemble des parties du discours, et la cohérence, c’est plutôt l’harmonie, le rapport logique, l’absence de contradiction dans l’enchaînement des différentes parties du discours.

Ce groupe de connecteurs englobe :

- des expressions qui assurent une simple fonction de connexion :

• organisateurs spatio-temporels : à droite, à gauche, la veille, le lendemain,…

• organisateurs additifs ou intégratifs : d’une part, d’autre part, également, de même, par ailleurs,…

- des expressions qui combinent une fonction de connexion et une fonction de prise en charge énonciative :

• connecteurs de reformulation : enfin, finalement, au bout de compte,…

• connecteurs de structuration conversationnelle : ben, alors, euh, tu sais,…

- des expressions qui combinent la fonction de connexion, la fonction de prise en charge énonciative et la fonction d’orientation argumentative :

• connecteurs argumentatifs : pourtant, toutefois, certes, parce que, puisque, car,…

1.3. Selon le Dictionnaire de linguistique

Le Dictionnaire de linguistique (Dubois et al., 1973) propose une autre vision à propos des connecteurs. Les auteurs utilisent le terme « conjonction » et le définissent comme un mot invariable qui met en rapport deux mots ou groupes de mots de même fonction dans une même proposition, ou bien dans deux propositions

Page 100: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

90

de même fonction ou de fonction différente. Ils distinguent deux types de mots qui jouent le rôle de connecteur ou d’articulation logique du discours :

- Les conjonctions de coordination : joignent des mots, des groupes de mots, des propositions ou des phrases telles que « mais », « ou », « donc », « et », « or », « car », « ni ».

- Les conjonctions de subordination : relient une proposition subordonnée à celle dont elle dépend et expriment des rapports de cause (comme, parce, puisque,…), de but (afin que, pour que, de peur que,…), de conséquence (si bien que, de sorte que, de façon que,…), de concession ou d’opposition (bien que, quoi que, encore que,…), de temps (quand, lors que, avant que,…), de comparaison (comme, de même que, ainsi que,…)

1.4. Selon le Dictionnaire encyclopédique de pragmatique

Dans l’ouvrage intitulé Dictionnaire encyclopédique de pragmatique (1994), Moeschler et Reboul parlent de l’inflation terminologique concernant « connecteurs » : « On parle par exemple de connecteurs sémantiques et connecteurs pragmatiques (Van Dijk, 1977), de connecteurs argumentatifs (Ducrot et al., 1980), de connecteurs discursifs (Blakemore, 1987), de connecteurs interactifs (Roulet et al., 1985), de connecteurs pragmatiques (Moeschler, 1989a), de marques de connexion (Luscher, 1994), d’opérateurs argumentatifs (Ducrot, 1983),…etc » (Moeschler et Reboul, 1994:179). Ils abordent par la suite la notion de connecteur pragmatique et de connecteur argumentatif. Vu l’importance de ces connecteurs dans l’analyse des textes et des dialogues argumentatifs, nous en parlerons plus en détails dans le chapitre suivant.

Le connecteur pragmatique est défini par Moeschler comme suit :

« Un connecteur pragmatique est une marque linguistique, appartenant à des catégories grammaticales variées (conjonctions de coordination, conjonctions de subordination, adverbes, locutions adverbiales), qui :

- articule des unités linguistiques maximales ou des unités discursives quelconques

- donne des instructions sur la manière de relier ces unités

- impose de tirer de la connexion discursive des conclusions qui ne seraient pas tirées en son absence. » (Moeschler et Reboul, 1998:77)

Page 101: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

91

Cette définition attribue trois propriétés aux connecteurs pragmatiques concernant respectivement leur domaine, la nature de leur contenu et les effets de leur usage.

Les auteurs illustrent cette définition par l’exemple de « mais » dans l’énoncé :

1) Il fait beau mais j’ai envie de rester à la maison

Le connecteur « mais » :

- articule deux propositions indépendantes : il fait beau / le locuteur a envie de rester à la maison (domaine)

- il introduit un contraste entre les conclusions que le locuteur invite le destinataire à tirer à partir de deux propositions : « il fait beau » est une raison de sortir alors que « j’ai envie de rester à la maison » est une raison de ne pas sortir (nature du contenu)

A supposer qu’on efface « mais », on obtient l’énoncé :

2) Il fait beau, j’ai envie de rester à la maison

Cet énoncé ne contient aucun contraste. L’interlocuteur se trouve dans la possibilité de comprendre que le fait de rester à la maison est motivé par le beau temps. (effet cognitif et contextuel)

De même :

3) John est anglais ; il est donc courageux

4) John est anglais ; il est courageux

En (3), « donc » implique que les Anglais sont courageux, alors que dans (4) l’absence de « donc » n’impose aucune connexion de ce type.

Dans l’approche pragmatique, le connecteur a donc la fonction de relier des segments de discours et aussi de rendre la connexion non ambiguë et univoque. C’est la fonction discursive du connecteur pragmatique.

Nous venons de faire un inventaire de différentes définitions de « connecteur ». A chaque fonction et emploi particulier est rattaché au connecteur une appellation particulière. Pourtant, malgré cette variété terminologique, toutes ces appellations ont un point commun, c’est de signaler que les connecteurs fonctionnent dans le discours comme des marques indiquant des connexions. Dans le cadre de ce travail, nous n’avons pas l’intention de proposer un classement plus fin des connecteurs ni de faire une description détaillée des proriétés syntaxico-

Page 102: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

92

textuelles des connecteurs. Notre étude a pour seul but de montrer l’importance de ces « mots vides » : d’une part ceux-ci servent à construire nos textes et d’autre part, nous permettent de mieux comprendre les textes des autres. Plus précisément, nous essaierons de justifier l’idée selon laquelle les connecteurs ont pour fonction de « mettre les informations contenues dans un texte au service de l’intention argumentative globale de celui-ci ». (Plantin, 1989 : fiche 10). Cette fonction argumentative des connecteurs a fait l’objet de plusieurs recherches approfondies dont l’ouvrage fondamental est le volume publié en 1980 sous la direction de Ducrot : « Les mots du discours ».

2. Opérateur argumentatif et connecteur argumentatif

Ducrot, dans ses travaux sur l’argumentation et la polyphonie, a beaucoup parlé de la fonction argumentative des connecteurs. Cette propriété du connecteur est mise à jour dans l’approche de l’analyse de discours (au sens de Moeschler et Reboul).

Moeschler fait la distinction entre opérateur argumentatif et connecteur argumentatif.

2.1. L'opérateur argumentatif

L'opérateur argumentatif est « un morphème qui, appliqué à un contenu, transforme les potentialités argumentatives de ce contenu » (Moeschler, 1985:62).

Soient ces exemples:

5) Il est déjà huit heures.

6) Elle lit même le chinois.

« déjà » et « même » sont des opérateurs argumentatifs qu’on appelle x

L’énoncé (5) laisse entendre une attitude de surprise et induit « On est en retard, il faut se dépêcher » alors que (5’) « Il est huit heures » ne vise qu’à donner une information relative au temps.

L’énoncé (6) conduit vers la conclusion « Elle est érudite », alors que l'énoncé sans le morphème « même » (6’) « Elle lit le chinois » a pour orientation argumentative « Elle est sinologue ».

Page 103: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

93

Le morphème x est un opérateur argumentatif si les conclusions argumentatives vers lesquelles conduit l'énoncé contenant x ne sont pas les mêmes que les conclusions dégagées à partir de l'énoncé sans x, et cela indépendamment des informations apportées par x.

L’opérateur argumentatif donne des instructions sur l’orientation argumentative de l’énoncé, et cette orientation, à son tour, donne des indications sur la façon d’interpréter l’énoncé.

Nous comparons les deux énoncés suivants :

7) Il est presque huit heures.

8) Il n’est que huit heures.

L’opérateur « presque » indique que l’énoncé (7) est orienté vers le tard. On a donc la possibilité d’enchaîner cet énoncé avec la suite « Dépêche-toi ! ».

L’opérateur « ne…que » indique que (8) s’oriente vers le tôt : « on a encore du temps ». L’enchaînement avec « Ne te presse pas » devient alors tout à fait naturel.

2.2. Le connecteur argumentatif

Le connecteur argumentatif est un morphème (de type conjonction de coordination, conjonction de subordination, adverbe, locution adverbiale, etc.) qui sert à articuler deux ou plusieurs énoncés intervenant dans une stratégie argumentative unique.

« Contrairement à l'opérateur argumentatif, le connecteur argumentatif articule des actes de langage, c'est-à-dire des énoncés intervenant dans la réalisation d'actes d'argumentation » (Moeschler, 1985 : 62).

L’auteur distingue dans la description du connecteur son environnement matériel des variables argumentatives articulées par le connecteur qu’il appelle respectivement la séquence X CA Y et la séquence p CA q. X et Y sont des segments matériels alors que p et q sont des variables argumentatives articulées par le connecteur argumentatif. CA signifie connecteur argumentatif.

Il propose également de classer les différents types de connecteurs en fonction de trois critères classificatoires : la nature du prédicat, la fonction argumentative de l’énoncé introduit par le connecteur et le caractère coorienté ou anti-orienté des arguments.

Page 104: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

94

a) Critère 1 : La nature du prédicat

- Des prédicats à deux places : Les connecteurs donc, alors, par conséquent, car, puisque, parce que, eh bien constituent des prédicats à deux places.

« Un connecteur argumentatif est un prédicat à deux places, si les segments X et Y qu'il articule en surface peuvent remplir une fonction argumentative et s'il n'est pas besoin de faire intervenir un troisième constituant implicite (à fonction d'argument ou de conclusion) » (Moeschler, 1985 : 62 - 63).

- Des prédicats à trois places : C'est le cas de décidément, pourtant, quand même, finalement, mais, d'ailleurs, même.

« Un connecteur argumentatif est un prédicat à trois places s'il est nécessaire de faire intervenir, entre les deux variables argumentativement associées à X et à Y, une troisième variable implicite à fonction d'argument ou de conclusion » (Moeschler, 1985 : 63).

b) Critère 2 : La fonction argumentative de l’énoncé introduit par le connecteur.

L’auteur distingue les connecteurs introducteurs d'arguments (car, d'ailleurs, or, mais, même) des connecteurs introducteurs de conclusion (donc, décidément, eh bien, quand même, finalement).

c) Critère 3 : Le caractère coorienté ou anti-orienté des arguments

Lorsque le connecteur est un prédicat à trois places, il faudra distinguer les connecteurs dont les arguments sont coorientés (décidément, d'ailleurs, même) de ceux dont les arguments sont anti-orientés (quand même, sinon, pourtant, mais)

Soient les énoncés suivants :

9) Il pleut, alors je resterai à la maison

10) Il a frappé son amie parce qu’il ne l’aime pas

11) Cette voiture est chère mais elle est confortable

12) Je ne veux pas lire ce livre : il est trop difficile, d’ailleurs il ne m’intéresse pas

« alors » dans (9) est un prédicat à deux places qui fonctionne comme un introducteur de conclusion.

« parce que » dans (10) est un prédicat à deux places qui fonctionne comme un introducteur d’argument.

« mais » dans (11) est un prédicat à trois places, un introducteur d’argument et constitue un connecteur dont les arguments sont anti-orientés. Le segment X

Page 105: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

95

« cette voiture est chère » (p) conduit à une conclusion négative « il ne faut pas l’acheter » (non-r) alors que le segment Y « elle est confortable » (q) renvoie à une conclusion positive « il faut l’acheter » (r). Nous avons donc le schéma suivant :

p → non-r, q → r, (p mais q) → r

(p et q désignent les variables argumentatives articulées par le connecteur). A ajouter que p et q appartiennent à deux classes argumentatives opposées. Ils sont donc anti-orientés, autrement dit, ils ont une orientation argumentative opposée.

« d’ailleurs » dans (12) est un prédicat à trois places, un introducteur d’argument et constitue un connecteur dont les arguments sont coorientés. L’énoncé prend la forme :

p, d’ailleurs q → r

Le locuteur prétend viser une conclusion r « je ne veux pas lire ce livre », il donne pour cette conclusion l'argument p « il est trop difficile » qui la justifie. Et, dans un second mouvement discursif, il ajoute un argument q « il ne m’intéresse pas », allant dans le même sens que p. Ces deux arguments p et q appartiennent à la même classe argumentative. Ils sont alors coorientés, autrement dit, ils ont la même orientation argumentative.

Comme l’opérateur argumentatif, le connecteur argumentatif apporte aussi des instructions sur l’orientation argumentative des arguments qu’il articule. Nous examinons les deux énoncés suivants :

13) Paul est intelligent mais paresseux.

14) Paul est intelligent et même travailleur.

L’énoncé (13) prend la forme p mais q dont p s’oriente vers la conclusion positive et q vers la conclusion négative. « Mais » indique que les deux arguments sont anti-orientés.

L’énoncé (14) a la forme p même q, p et q ont la même orientation argumentative.

L’anti-orientation ou la coorientation déterminent la nature de l’acte d’argumentation, c’est-à-dire qu’elles déterminent la nature d’une part de l’argument (orienté positivement ou négativement) et d’autre part de la conclusion (positive ou négative).

Pour conclure, nous dirons que l’opérateur et le connecteur argumentatif constituent des marques argumentatives. Ces marques donnent des instructions sur l’orientation argumentative de l’énoncé et déterminent ainsi la procédure d’interprétation de l’énoncé.

Page 106: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

96

3. Description de quelques connecteurs argumentatifs : étude contrastive

3.1. Mais

3.1.1. « Mais » en français

Bien que « mais » ait fait couler beaucoup d’encre chez les linguistes, nous nous donnons ici pour but de préciser diverses valeurs de ce connecteur. Nous accordons à celui-ci une première place d’importance parce qu’il est très utilisé dans les conversations et les dissertations des élèves. Il est à noter aussi que, dans cette partie, nous nous basons essentiellement sur les travaux de Ducrot.

« Mais » est un connecteur argumentatif reliant deux énoncés différents. Sa forme fondamentale est la suivante :

p mais q

Ce connecteur indique que p et q ont des orientations argumentatives opposées, autrement dit la conclusion r vers laquelle s’oriente p ne va pas dans le même sens argumentatif que la conclusion non-r visée par q.

Nous examinons maintenant les exemples suivants :

(15) A : - Quand vas-tu au cinéma ?

B : - Je ne vais pas au cinéma mais au théâtre.

(16) A : - Ce film est très intéressant

B : - Peut-être, mais l’interprétation des acteurs n’est pas bonne.

(17) A : - Pierre a trouvé un travail très bien payé. Il doit être content.

B : - Mais ce travail n’est pas intéressant.

(18) A : - Louise, ne chante plus et laisse-moi travailler.

B : - Mais je ne t’empêche pas du tout de travailler. Je chantonne discrètement…

Dans l’exemple (15), on appelle p : « je ne vais pas au cinéma », p’ : « tu vas au cinéma » et q : « je vais au théâtre ». Le dialogue prend la forme suivant :

A : p’ et B : p mais q

Dans son intervention, B nie p’ et remplace p’ par q. Le « mais » dans ce cas a la valeur de rectification.

Page 107: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

97

Dans l’exemple (16), nous avons p : « Ce film est très intéressant », p’: « Peut-être » et q : « l’interprétation des acteurs n’est pas bonne ». Dans la réplique de B qui prend la forme :

B : p’ mais q

B reprend p et ajoute q, à savoir que q s’oriente vers la conclusion non-r qui va à l’encontre de la conclusion r qu’on pourrait tirer de p : « ce film est bon ». L’argument q annule donc cette conclusion. On a ici ce que Ducrot appelle un « redressement argumentatif » : « il s’agit d’effacer l’effet argumentatif d’une proposition p, allant dans un certain sens, en lui ajoutant une proposition q, allant dans le sens opposé et y allant de façon plus décisive » (1978:43). Selon la thèse plus récente de Ducrot, q est argumentativement plus fort que p et décide alors de l’orientation argumentative de l’énoncé. Le « mais » dans ce cas est un « mais » concessif.

Dans l’exemple (17), si on appelle p : « Pierre a trouvé un travail très bien payé », q : «ce travail n’est pas intéressant » et r : « Il doit être content », le dialogue prend la forme :

A : p, r ; B : mais q

A la différence de deux exemples précédents, B donne un autre argument n’ayant pas la même orientation argumentative que celle de l’argument donné par A : q est orienté vers la conclusion non-r « il ne doit pas être content ». Il s’agit alors d’un « mais » d’argumentation ayant pour fonction d’introduire un contre-argument ou un argument contraire à la conclusion visée par l’argument de l’adversaire.

Dans l’exemple (18), « mais » se trouve tout au début de la réplique de B. Il introduit une proposition manifestant l’opposition de B à l’acte de parole accompli par A. Cette opposition n’est pas une opposition entre les propositions ou entre les énoncés, mais c’est plutôt l’opposition entre les interlocuteurs. Elle peut être comprise dans le sens d’un affrontement, on parlerait alors d’un dialogue conflictuel. Ainsi, ce « mais » a pour fonction la réfutation.

Le « mais » de réfutation fonctionne très bien dans les énoncés de type :

Mais mange ta soupe !

Mais finis ton devoir !

Mais fermez la porte !

Ces discours d’ordre « mais q » présupposent l’existence d’un énoncé antérieur qui n’est pas verbalement explicité. Il s’agit souvent d’une conduite contraire à celle qui est ordonnée, par exemple « Mais mange ta soupe » ne

Page 108: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

98

s’adresse à un enfant que s’il renâcle depuis un certain temps. « Mais q », en terme de Ducrot, « prétend explicitement ou implicitement orienter ou infléchir la conduite du destinataire» (1980 : 128).

3.1.2. « Nhưng » en vietnamien

Dans notre langue maternelle, il y a de nombreux connecteurs quasiment synonymes de « mais » tels que « nhưng », « mà », « nhưng mà », « song ». En fonction de la région, on peut obtenir également d’autres variantes comme « dưng mà », « cơ mà ». Pourtant, au Vietnam, on se contente seulement de faire des descriptions purement sémantiques, aucune recherche n’adopte une vision argumentative. Ainsi, dans notre travail, nous essayons d’étudier ces connecteurs sous l’angle argumentatif, tout en nous basant sur la partie précédente.

Ces connecteurs se placent soit au milieu de l’énoncé pour relier les deux propositions, soit au début de l’énoncé. Malgré une petite différence dans leur utilisation, tous ces connecteurs ont un point commun, c’est d’avoir, comme « mais », de multiples fonctions :

- fonction d’opposition :

Hứa mà không giữ lời

(Promettre mais ne pas tenir la promesse)

Bài toán này dễ với anh nhưng khó với con

(Cet exercice de maths est facile pour toi mais difficile pour notre enfant)

- fonction de rectification :

- Bố đi đâu đấy ? Bố đến trường à ?

- Không, bố không đến trường mà đến công ty

(- Papa, où vas-tu ? Tu vas à l’université ?

- Non, je ne vais pas à l’université mais au bureau)

- fonction de concession :

Làm anh thật khó nhưng mà thật vui

Ai yêu em bé thì làm được thôi.

(C’est difficile d’être grand frère, mais c’est aussi bien amusant

Tous ceux qui aiment les bébés peuvent être bons frères)

- fonction de réfutation :

Page 109: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

99

- Muộn rồi, đi thôi !

- Nhưng em vẫn chưa làm xong bài

(- Il est tard, allons-y !

- Mais je n’ai pas encore fini mes devoirs).

Ce qui est important à noter, c’est que dans certains cas, ces connecteurs synonymes ne peuvent pas se remplacer l’un l’autre. On pourrait dire par exemple « Làm anh thật khó nhưng mà thật vui » ou « Làm anh thật khó nhưng (cũng) thật vui » (à savoir que « cũng » équivaut à « aussi »), mais « Làm anh thật khó mà thật vui » risque de poser des problèmes de compréhension. Cette énonciation ne peut être comprise que si l’on fait une petite pause entre les deux parties « Làm anh thật khó // mà thật vui ». C’est aussi le cas pour la réplique « nhưng em vẫn chưa làm xong bài ». On pourrait dire « nhưng mà em vẫn chưa làm xong bài », mais non pas *« mà em vẫn chưa làm xong bài ». Cette dernière donne à l’auditeur l’impression d’une phrase incomplète du fait que « mà » peut fonctionner non seulement comme marqueur d’opposition mais aussi comme :

- marqueur de but : « Tìm việc mà làm » (Chercher du travail à faire)

- marqueur de conséquence : « Ai nói gì mà nó tự ái ? » (Qu’as-tu dit pour la vexer ?)

- marqueur d’une hypothèse : « Bây giờ mà nó đến thì cũng muộn rồi » (S’il vient maintenant, c’est déjà trop tard)

- pronom relatif : « Người mà tôi sắp kể là một người nổi tiếng » (La personne dont je vais parler est un homme bien connu)

- ...

Pourtant, il y a des cas où l’énoncé a toujours le même sens malgré l’emploi de ces connecteurs :

Nó 24 tuổi mà tính tình như trẻ con

Nó 24 tuổi nhưng tính tình như trẻ con

Nó 24 tuổi nhưng mà tính tình như trẻ con

Nó 24 tuổi dưng mà tính tình như trẻ con

Nó 24 tuổi cơ mà tính tình như trẻ con

Nó 24 tuổi song tính tình như trẻ con

(Elle a déjà 24 ans mais son caractère est encore enfantin)

Page 110: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

100

Une autre remarque consiste à dire que le sens de « nhưng mà » est dans une certaine mesure plus fort que « nhưng ». Le connecteur « nhưng mà » s’utilise plus fréquemment dans le langage parlé et sert à expliquer, justifier quelque chose. Le locuteur manifeste par l’intermédiaire de ce connecteur une attitude d’hésitation, d’indécision.

Enfin, il est à souligner que « cơ mà » et « dưng mà » appartiennent au langage familier alors que « song » est plutôt soutenu étant donné qu’il est souvent utilisé dans les styles journalistiques, littéraires :

Người đã lớn song trí còn non nớt

(Le corps est bien grand mais l’esprit reste encore jeune)

Họ rất dễ sa vào ngoại tình song họ không hề muốn vứt bỏ gia đình.

(Ils tombent facilement dans la relation extraconjugale mais ils ne veulent jamais quitter leur famille)

3.2. D’ailleurs

3.2.1. « D’ailleurs » en français

Ce connecteur fait aussi objet d’une très intéressante étude de Ducrot. Il se présente dans la forme canonique suivante :

r : p d’ailleurs q

(19) Je ne vais pas acheter cet ordinateur : il est trop cher, d’ailleurs il ne me plaît pas.

« Le locuteur prétend viser une conclusion R, il donne pour cette conclusion l’argument P qui la justifie. Et, dans un second mouvement discursif, il ajoute un argument Q allant dans le même sens que P. Dans la mesure où P tout seul devait déjà conduire à R, Q est ainsi présenté comme n’étant pas nécessaire pour l’argumentation. Le locuteur prétend donc ne pas utiliser Q mais simplement l’évoquer (en d’autres termes, tout en présentant Q comme un argument, il prétend ne pas argumenter à partir de Q) » (Ducrot, 1980 : 195).

Cette explication de Ducrot montre que, d’une part, le fonctionnement de « d’ailleurs » demande l’existence d’un « avant » discursif, un segment ou un énoncé X et que, d’autre part, ce connecteur régit toujours un énoncé Y. Ainsi, il apparaît dans la structure : X d’ailleurs Y. Pourtant, il est à remarquer qu’il n’est pas absolument nécessaire que « d’ailleurs » soit précédé de deux énoncés représentant respectivement la conclusion r et le premier argument p. Dans bien des cas,

Page 111: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

101

« d’ailleurs » n’est précédé que d’un des deux éléments. Soit l’argument p soit la conclusion r est alors du domaine de l’implicite. Examinons l’énoncé suivant :

(20 a) Je sais que Marie est venue, d’ailleurs ta chambre est bien parfumée.

Ici, la présence de « d’ailleurs » implique que le locuteur a un autre argument p qui n’est pas verbalement formulé. L’argument q « ta chambre est bien parfumée » est présenté seulement comme un indice supplémentaire qui n’est pas celui permettant de dire « je sais ». Si on compare cet énoncé avec un tel énoncé sans « d’ailleurs » :

(20 b) Je sais que Marie est venue : ta chambre est bien parfumée.

On constate alors une différence de sens : « ta chambre est bien parfumée » constitue la preuve qui conduit directement à l’assertion « je sais que Marie est venue ». Cet énoncé n’implique nullement la présence de l’argument p.

Dans la suite p d’ailleurs q, l’argument q a toujours une valeur argumentative. C’est ce qui fait que « d’ailleurs », à la différence de « par ailleurs » ou de « de plus », ne peut pas s’utiliser dans un contexte non argumentatif, lorsqu’on se contente par exemple d’inventorier un certain nombre de faits.

L’argument q est toujours co-orienté avec l’argument p. Le « d’ailleurs » serait impossible si on remplaçait q par non-q, c’est-à-dire un argument qui s’oriente vers une conclusion opposée à celle visée par l’argument p.

* Je ne vais pas acheter cet ordinateur : il est trop cher, d’ailleurs il me plaît.

Dire que l’argument q est donné « au second mouvement discursif », en termes de Ducrot, revient à affirmer que les deux arguments p et q articulés par « d’ailleurs » sont donnés dans deux mouvements énonciatifs successifs et différents. Au moment où le locuteur avance l’argument p, il n’a pas dans sa tête l’argument q, et il ne pense à q qu’après coup. Bref, la présentation de q n’était pas prévue au moment de celle de p.

L’argument q est présenté comme n’étant pas nécessaire pour l’argumentation. Cela laisse entendre que l’on peut se contenter de p pour atteindre la conclusion r, mais n’implique pas du tout que q soit présenté comme un argument plus faible que p pour la conclusion r. Cela n’implique pas non plus que l’enchaînement « d’ailleurs Y » soit inutile pour l’interprétation générale du discours. Ainsi, dans l’exemple suivant :

(21) A : - Tu peux me prêter ton cours de lexicologie de mercredi dernier ?

Page 112: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

102

B : - Excuse-moi, je ne peux pas te le prêter (r) : j’étais aussi absent ce jour-là (p). D’ailleurs, je ne viens jamais au cours de lexicologie (q).

P est considéré comme largement suffisant pour justifier la conclusion r. Mais q, qui englobe p, a l’intérêt d’orienter le locuteur A vers une conclusion r’ plus forte que r : « je n’ai aucun cours de lexicologie y compris celui de mercredi dernier ». L’utilité de cette conclusion, selon l’expression de Ducrot, consiste à « éliminer d’avance toute nouvelle requête » (1980:221).

Un autre point important dans les travaux de Ducrot, c’est qu’il a introduit le terme « destinataire empirique ». L’auteur montre qu’en disant « X d’ailleurs Y », le locuteur construit deux destinataires :

« Lorsqu’il présente l’argument P, il se donne un destinataire caractérisé par cette propriété qu’il considère l’argument P comme suffisant pour R. En ajoutant « d’ailleurs », il fait comme s’il avait un doute sur la légitimité de sa supposition ; il envisage la possibilité que le destinataire empirique ne soit pas prêt à conclure à R à partir de P ; il se donne alors un autre destinataire qui aurait besoin de Q pour conclure à R » (1980 : 217).

L’exemple ci-dessous va illustrer ce propos :

(22) Apprenez le français (r) ! Cette langue développe votre esprit logique (p). D’ailleurs, si vous n’aimez pas le français, vous pouvez très bien passer à l’anglais sans aucune difficulté (q).

p et q ne sont donnés comme arguments pour un même destinataire empirique que si l’on fait d’autres hypothèses sur ses goûts.

Pour conclure on pourrait dire que dans la structure p d’ailleurs q, p et q sont co-orientés. Q est donné comme un argument supplémentaire pour r, pourtant certains n’ont pas besoin de cet argument pour arriver à r.

3.2.2. « Vả lại » en vietnamien

« D’ailleurs » en français correspond à « vả lại » en vietnamien. Ce connecteur est défini dans les dictionnaires de la langue vietnamienne comme un mot de liaison servant à introduire une autre proposition qui vient renforcer la proposition antérieure. Il est utilisé lorsqu’on veut expliquer ou réfuter quelque chose.

a) Tôi muốn đi công tác đợt này cùng các anh, vả lại nhân chuyến đi tôi ghé thăm nhà luôn thể.

Page 113: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

103

(Je voudrais faire cette mission avec vous, d’ailleurs à cette occasion je reviendrais chez moi)

b) Đã muộn rồi vả lại lại mưa nữa, anh về làm gì cho vất vả

(Il se fait tard, d’ailleurs il pleut, il vaut mieux rester)

Nous constatons à partir de ces deux exemples que « vả lại » fonctionne de la même façon que « d’ailleurs ». Dans le premier énoncé, par exemple, « vả lại » implique que le locuteur a un autre argument qui n’est pas verbalement explicité. L’argument « nhân chuyến đi tôi ghé thăm nhà luôn thể » introduit par le biais de ce connecteur ne constitue qu’un indice supplémentaire et se situe par conséquent au deuxième mouvement discursif. Dans le second exemple, les deux arguments et la conclusion sont tous explicites. L’énoncé prend la forme canonique :

p vả lại q : r.

En vietnamien, les arguments qui précèdent et suivent ce connecteur sont aussi coorientés.

Ayant le même sens et la même valeur argumentative que « d’ailleurs », à côté de « vả lại », nous avons également « vả chăng », « hơn nữa », « thêm vào đó » « mới cả », à noter que ces termes sont classés par ordre de ressemblance.

c) Tôi không làm vả chăng có làm cũng vô ích

(Je ne le fais pas, d’ailleurs c’est inutile de le faire)

d) Đường thì xa hơn nữa trời lại mưa nên chúng tôi đành nghỉ lại

(Le chemin est long, d’ailleurs il pleut, c’est pourquoi nous devons nous reposer au cours du chemin)

e) Ốm mới cả lười đi học nên nó nghỉ ở nhà

(Malade et de plus n’ayant pas envie d’aller aux cours, il reste à la maison)

f) Nó học kém thêm vào đó lại lười nữa

(Il est faible, d’ailleurs il est très paresseux)

Parmi ces connecteurs, « mới cả » n’est utilisé que dans le langage parlé.

Pour conclure, nous voudrions préciser les différents emplois de « hơn nữa », étant donné que ce connecteur est un peu plus compliqué que les autres. Examinons la suite d’exemples suivants :

g) […] Hơn nữa, người dân được biết khó có dự án tập thể cũ nào ở Hà Nội mà chủ đầu tư lại được « ăn dày » như I1, I2, I3 Thành Công

(selon le journal électronique VietNamNet, 30-12-2008)

Page 114: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

104

([…] D’ailleurs, la population est bien informée qu’il n’y a aucun autre projet que celui de I1, I2, I3 Thanh Cong dont l’investisseur peut soutirer beaucoup d’argent).

h) Để đỗ được kỳ thi này các em cần phải cố gắng nhiều hơn nữa.

(Pour réussir ce concours, vous devriez faire beaucoup plus d’efforts)

i) Kinh tế Mỹ sẽ còn xấu hơn nữa.

(L’économie des Etats-Unis sera encore pire)

j) Đi học đi con, đừng xem ti vi nữa, hơn nữa sắp thi rồi còn gì

(Va apprendre tes leçons ! Ne regarde plus la télévision, d’ailleurs l’examen s’approche).

k) Con phải đầu tư hơn nữa vào việc học

(Tu devras t’investir davantage dans tes études)

l) Chúng ta phải tăng cường hơn nữa quan hệ hợp tác toàn cầu

(Nous devrions renforcer davantage notre relation de coopération avec le monde entier)

Nous constatons bien que « hơn nữa » a encore d’autres significations. Il fonctionne comme « d’ailleurs » dans les exemples (g) et (j). Dans d’autres exemples, « hơn nữa » possède soit le sens de « plus » lorsqu’il est précédé d’un adjectif (exemples (h) et (i)) soit le sens de « davantage » lorsqu’il se place après un verbe (exemple (k) et (l)). Ce connecteur « hơn nữa » peut se situer au début ou à l’intérieur de l’énoncé. Au cas où ce terme se présenterait au début de l’énonciation, il nous faut remonter plus haut pour identifier le premier argument.

3.3. Même

3.3.1. « Même » en français

« Même » est un opérateur argumentatif. Selon Anscombre, toutes les énonciations comportant « même » sont prononcées à des fins d’argumentation.

« Le locuteur cherche à prouver à l’interlocuteur la vérité d’une certaine assertion ; il invoque à cet effet, explicitement ou implicitement, un certain nombre d’arguments dont l’un, qu’il met en relief à l’aide de « même », lui paraît avoir plus de force que les autres, être le meilleur de ce qu’il avance » (Anscombre, 1973 : 53).

Page 115: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

105

En d’autres termes, situé à l’intérieur d’une énonciation, « même » présente une proposition P’ comme un argument en faveur d’une conclusion R, et cet argument est plus fort que la proposition antérieure pour cette conclusion. Sa forme canonique est la suivante :

p et même p’.

Nous comparons les deux énoncés suivants :

(23 a) Elle enseigne à Paris III.

(23 b) Elle enseigne même à Paris III.

(23a) est un énoncé descriptif, constatif qui n’introduit aucune appréciation qualitative à propos de la capacité intellectuelle du sujet exprimé par « elle ». Par contre, dans (23b), la présence de l’opérateur « même » introduit une preuve, un argument fort. En effet, on a l’impression que « elle enseigne même à Paris » se trouve au sommet de l’échelle argumentative, échelle dont les autres arguments sont probablement les suivants : « elle enseigne à l’université de Poitiers, à l’université d’Amiens… ». La conclusion ou la visée argumentative de (23b) est donc « elle est un professeur de grand prestige ». Ainsi, l’opérateur « même » a fondamentalement une valeur argumentative.

Dans beaucoup de cas, « même » peut concerner la totalisation de p et p’. Pourtant, pour que cet opérateur porte sur la totalisation, il faut que soient réalisées les conditions argumentatives suivantes :

• L’introduction de « même » est impossible lorsque l’ensemble p + p’ est inférieur à p pour la conclusion r.

(24) Il mange très peu pour le petit déjeuner : un petit bol de soupe chinoise et même un grand morceau de riz gluant.

Nous remarquons que cet énoncé ne se rencontre que dans des emplois ironiques. Ce qui empêche dans (24) le « même » de porter sur la totalisation, c’est que p + p’ (« un petit bol de soupe chinoise + un grand morceau de riz gluant ») n’est guère supérieur, comme argument pour r (« il mange très peu pour le petit déjeuner »), à p (« un petit bol de soupe chinoise »).

• Une autre condition pour que la portée de « même » soit la totalisation des contenus sémantiques p + p’ est que p soit déjà considéré comme argument en faveur de r.

(25) Pierre est très heureux : il a trouvé un travail très bien payé et même intéressant.

Page 116: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

106

• Une troisième condition est que p et p’ soient argumentativement coorientés.

Comparons les deux énoncés suivants :

(26) Il est le premier mathématicien vietnamien ayant d’excellentes réussites à l’étranger : il a été professeur de mathématiques à l’Université de Paris-Sud et même il a obtenu le Clay Research Award.

(27) C’est bizarre : Paul est intelligent et il n’a pas beaucoup d’amis.

Dans (26) p (« il a été professeur de mathématiques à l’Université de Paris-Sud ») a la même orientation argumentative que p’ (« il a obtenu le Clay Research Award »), « même » est donc juxtaposable à « et ». La portée de « même » concerne ainsi la totalisation p + p’. Par contre, dans (27), p (« Paul est intelligent ») et p’ (« il n’a pas beaucoup d’amis ») sont argumentativement opposés. C’est pourquoi, l’introduction de « même » est difficile et même impossible !

La deuxième remarque consiste à dire que dans une phrase de type p et même p’, il y a une implication de p vers p’.

(28) Il a fini tous ses devoirs, même ceux les plus difficiles.

Enfin, on peut également noter que « même » sert aussi à relier les propositions p et p’ qui sont logiquement contradictoires. Nous empruntons cette fois-ci l’exemple d’Anscombre et de Ducrot (1997 : 65).

(29) Cette route est à peine éclairée, elle n’est même pas éclairée du tout.

Dans ce cas, c’est la stratégie discursive qui fait disparaître cette contradiction. L’intention argumentative du locuteur contribue à la tolérance de cette contradiction. On peut dire également qu’il y a un peu d’humour dans ce « même ».

Pour résumer, nous pouvons dire que l’opérateur argumentatif « même » entraîne un argument plus fort par rapport aux propositions antérieures en faveur d’une conclusion visée. Dans ce sens, « même » structure le principe de force argumentative.

3.3.2. « Thậm chí » en vietnamien

En vietnamien, il existe également des mots et des expressions ayant le même sens que cet opérateur argumentatif « même » tels que « thậm chí », « cả », « ngay cả », « kể cả ». Nous avons comme exemples les phrases suivantes :

a) Cả mẹ nó cũng đến.

(Même sa mère est venue).

Page 117: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

107

b) Họ phải làm việc cả lúc trời mưa để tìm xác các nạn nhân.

(Ils travaillent même quand il pleut pour rechercher les corps des victimes).

c) Ngay cả những người già cũng tập thể dục

(Même les vieillards font de la gymnastique).

d) Cô ấy tự tin ngay cả khi không trang điểm.

(Elle a confiance en elle même quand elle ne se maquille pas).

e) Ngay cả tôi cũng bất ngờ.

(Même moi, je suis surpris)

f) Tất cả mọi người đều làm việc, kể cả các cụ già.

(Tout le monde travaille, même les vieillards)

g) Kể cả bị ốm nó vẫn đi học.

(Même s’il est malade, il va à l’école)

h) Thậm chí (đến) bạn thân cũng tìm cách xa lánh nó.

(Même ses anciens amis cherchent à le fuir).

Ces mots de connexion ont la même valeur argumentative, c’est-à-dire que la proposition mise en relief par le biais d’un de ces connecteurs est considérée comme un argument plus fort que les autres arguments antérieurs explicitement ou implicitement présentés.

Ce qui est important à souligner, c’est que le mot « cả » pourrait, le cas échéant, poser des problèmes de compréhension, notamment aux étrangers apprenant le vietnamien. En effet, ce mot a différentes significations, ainsi le montrent les exemples suivants :

Chị ấy cả lo lắm = Elle est très inquiète

Cơn bão này đã tàn phá cả thành phố = La tempête a détruit entièrement la ville

Cả nhà tôi về quê = Toute ma famille rentre à la campagne

Chớ thấy sóng cả mà ngã tay chèo (pro.) = Face à la forte vague, il ne faut pas abandonner la pagaie pour la rame.

Cả Lan cũng tới sinh nhật Hoa = Même Lan est venue à l’anniversaire de Hoa.

En raison de la variété d’emplois de ce connecteur, le locuteur doit absolument faire référence à la situation d’énonciation pour bien saisir le sens de l’énoncé. Ainsi :

Page 118: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

108

i) Chồng tôi làm việc cả ngày chủ nhật

signifie soit « Mon mari travaille tout le dimanche » soit « Mon mari travaille même le dimanche ». Pour éviter cette redondance, soit on tend à remplacer « cả » par « kể cả », et on a alors l’énoncé :

ii) Chồng tôi làm việc kể cả ngày chủ nhật = Mon mari travaille même le dimanche

soit on met « cả ngày chủ nhật » au début de l’énoncé et on ajoute « cũng » (aussi) entre le sujet « chồng tôi » et le verbe «làm việc », on obtient donc :

iii) Cả ngày chủ nhật chồng tôi cũng làm việc = Même le dimanche mon mari travaille.

Ces trois énoncés orientent probablement l’interlocuteur vers des conclusions implicites « Mon mari est bien occupé » ou « Mon mari se passionne pour son travail » ou « Mon mari est un homme de travail » ou encore « Mon mari est exploité », les arguments donnés sont respectivement implicite (mon mari travaille tous les jours de la semaine) et explicite (y compris le dimanche).

Nos dernières remarques concernent le connecteur « thậm chí ». D’une part, ce connecteur peut se combiner avec d’autres connecteurs tels que « cả », « ngay cả », « cả đến », « kể cả » dans la phrase sans en modifier le sens. Le seul effet de cette combinaison consiste à renforcer la valeur argumentative de l’énoncé. Nous avons par exemple :

- Thậm chí cả tôi cũng không hiểu nổi nó.

(Même moi, je n’arrive pas à le comprendre).

- Anh ấy đã nói tất cả thậm chí kể cả những việc anh ấy vẫn giấu từ trước tới nay.

(Il a tout dit, voire même ce qu’il a cherché à cacher depuis longtemps).

D’autre part, dans certains cas, aucun de ces connecteurs (cả, đến cả, ngay cả, kể cả) ne peut remplacer « thậm chí » :

- Cô ấy không xinh thậm chí hơi xấu

* Cô ấy không xinh, cả hơi xấu

(Elle n’est pas jolie, voire un peu laide).

- Công việc này phải thực hiện trong nhiều tháng thậm chí nhiều năm.

* Công việc này phải thực hiện trong nhiều tháng, cả nhiều năm

(Ce travail doit se faire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années).

Page 119: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

109

3.4. Quand même

3.4.1. « Quand même » en français

« Quand même » est un des marqueurs interactifs qui se situent dans une zone intermédiaire entre l’approbation et la réfutation. Il donne au locuteur la possibilité « de refuser et d’accepter à la fois la situation, le comportement ou l’acte linguistique de son interlocuteur » (Moeschler & Spengler, 1981 : 93).

Il peut apparaître dans le discours monologal, étant accompagné de « mais ». Sa forme canonique est la suivante :

p mais quand même q

Nous avons comme exemple la phrase ci-dessous :

(30) Je n’ai pas de temps, mais je vais quand même vous accorder quelques minutes.

Si l’on enlève « mais », l’énoncé :

(30’)* Je n’ai pas de temps, je vais quand même vous accorder quelques minutes.

devient inacceptable.

Dans une séquence dialogale, la présence de « quand même » entraîne une relation de contradiction entre l’acte contenant ce connecteur et l’acte précédent. Cette relation contradictoire va donner lieu à une réfutation. Ainsi, dans l’exemple suivant :

(31) A : - La fumée de cigarettes me fait mal à la tête.

B : - T’as quand même vidé tout un paquet aujourd’hui.

B en utilisant « quand même » manifeste une opposition vis-à-vis de l’acte accompli par A.

« Quand même » a donc deux emplois : l’emploi concessif et l’emploi réfutatif.

a) L’emploi concessif

L’emploi concessif de « quand même » ne concerne que ses occurrences dans des séquences monologales.

(32) Il est très intelligent mais il n’a quand même pas d’expérience dans ce travail.

Page 120: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

110

On pourrait dire que dans (32), « quand même » a un emploi concessif. L’argument p « il est très intelligent » conduit vers la conclusion r « il faut l’embaucher » et l’argument q s’oriente vers la conclusion non-r « il ne faut pas l’embaucher ». Q est un argument plus fort pour non-r que p pour r. Il s’agit là de la concession argumentative.

La concession argumentative implique donc deux mouvements contradictoires chez le même locuteur : admission dans un premier temps de la vérité du contenu p argumentativement orienté vers une conclusion r et assertion dans un second temps du contenu q argumentativement orienté vers une conclusion inverse non-r. Ces deux mouvements sont indissociables. Soit ils sont tous deux explicites soit l’un des deux est implicite. Moeschler précise aussi que ce n’est pas la vérité du contenu qui est en cause mais c’est plutôt sa valeur d’argument en faveur d’une conclusion r, c’est-à-dire sa pertinence argumentative, selon son expression.

Si l’on compare « quand même » avec d’autres connecteurs comme « certes » ou « pourtant » on pourrait voir que « quand même » semble plus proche de « pourtant ». En effet, si « certes » marque toujours le premier mouvement de la concession (approbation), « quand même » en marque le deuxième mouvement (désapprobation). A ce niveau, on constate que « quand même » et « pourtant » sont apparemment substituables.

Ainsi :

(33a) Je suis fatigué pourtant je continue à jouer avec vous

(33b) Je suis fatigué mais je continue à jouer avec vous quand même

(33a) pose une contradiction qui n’est pas prise en charge par le locuteur. Elle est présentée et considérée comme objective, nécessaire. Alors que 33b marque une contradiction prise en charge par le locuteur. C’est lui qui est responsable de la décision qu’il prend.

b) L’emploi réfutatif

Lorsque « quand même » apparaît dans des séquences dialogales, il introduit une réfutation.

(34) A : - Ce film est superbe !

B : - Les acteurs sont quand même pas beaux.

Dans (34), l’énoncé de B contient implicitement deux mouvements de la concession. En effet, B ne réfute pas explicitement l’assertion de A. Il admet la vérité du contenu de la proposition p énoncée par A, pourtant en assertant q « les acteurs sont quand même pas beaux », B produit un énoncé qui entre plus ou moins

Page 121: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

111

en contradiction avec l’acte d’assertion de A. En d’autres termes, on pourrait dire que B en utilisant « quand même », refuse implicitement le contenu préalablement asserté par l’interlocuteur. B réalise alors un acte de réfutation.

Ainsi, « quand même » a un emploi réfutatif lorsqu’il est précédé d’un acte illocutoire de type assertif de l’interlocuteur et enchaîne directement sur cette assertion. Le locuteur de « quand même » manifeste son désaccord avec l’assertion antérieure. La réfutation réalisée par l’intermédiaire de « quand même » repose sur le mode de l’implicitation et de l’atténuation.

Pour conclure, nous dirions que les deux emplois essentiels de « quand même » sont liés au type de discours dans lequel il apparaît.

3.4.2. « Dù sao thì », « cứ » en vietnamien

La première chose qu’on voudrait faire observer à propos de « quand même » c’est qu’il n’est pas du tout évident de trouver son équivalent vietnamien. Dans l’espoir de trouver la meilleure solution, nous allons commencer par traduire des exemples français cités dans 3.4.1.

(30) Je n’ai pas de temps, mais je vais quand même vous accorder quelques minutes.

(Tôi không có thời gian nhưng dù sao tôi cũng dành cho anh mấy phút.)

(31) A : La fumée de cigarettes me fait mal à la tête.

B : T’as quand même vidé tout un paquet aujourd’hui.

(A : Khói thuốc làm anh nhức đầu quá

B : Nói gì thì nói anh cũng đã hút hết cả bao hôm nay rồi)

(32) Il est très intelligent mais il n’a quand même pas d’expérience dans ce travail.

(Cậu ta rất thông minh nhưng dẫu sao cũng không có kinh nghiệm trong công việc này)

(34) A : Ce film est superbe !

B : Les acteurs sont quand même pas beaux.

(A : Bộ phim này rất tuyệt !

B : Gì thì gì diễn viên cũng không đẹp)

Ainsi, « dù sao » peut être considéré comme équivalent de « quand même ». De plus, en vietnamien, « dù sao », « dẫu sao », « nói gì thì nói », « gì thì gì » ont le

Page 122: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

112

même sens, c’est pourquoi nous pourrions choisir l’un de ces termes pour exprimer l’idée de ce connecteur français. Pourtant, il faut noter que les deux premiers « dù sao » et « dẫu sao » sont utilisés et à l’écrit et à l’oral alors que « nói gì thì nói » et « gì thì gì » se produisent particulièrement en langage parlé. Ces expressions signifient aussi « de toute façon », « malgré tout », « quoi qu’il en soit »…

A travers tous ces exemples, nous constatons que lorsque le locuteur utilise ces connecteurs, il tend à recourir également à un mot complément « cũng » (aussi). Ce mot, selon les dictionnaires de la langue vietnamienne, sert à entraîner une autre séquence considérée comme ayant lieu dans la même situation que la séquence antérieure. Cette combinaison constitue une différence entre l’utilisation de « quand même » en français et celle des connecteurs équivalents en vietnamien. En effet, en français, les énoncés tels que :

(30’) * Je n’ai pas de temps, mais je vais quand même aussi vous accorder quelques minutes.

(32’) * Il est très intelligent mais il n’a quand même aussi pas d’expérience dans ce travail

sont inacceptables du point de vue syntaxique et sémantique.

Pourtant, la question n’est pas aussi simple. En vietnamien, nous entendons souvent des phrases de type :

a) Cấm cứ cấm, những người bán hàng rong cứ bán.

(Bien qu’on l’interdise, les marchands ambulants vendent quand même).

b) Cứ nói đi, đừng sợ !

(Dis-le quand même, n’aie pas peur !)

c) Mọi người can ngan hết sức mà anh ấy cứ làm.

(On l’a déconseillé mais il le fait quand même).

d) Dù thế nào thì chúng tôi cứ đi.

(De toute façon nous partons quand même).

e) Bác bận chút việc, cháu cứ ngồi chơi chờ Nam nhé.

(J’ai quelque chose à faire, attends quand même Nam)

Dans ces énoncés, « cứ » joue aussi le rôle d’un mot complément. Selon les linguistes vietnamiens, son apparition dans l’énoncé implique premièrement une activité ou un état que le sujet parlant considère comme invariable, voire définitivement invariable malgré l’influence des facteurs extérieurs. C’est l’aspect sémantique principal de ce mot, montré par les exemples a), c) et d). En outre, dans

Page 123: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

113

les exemples b) et e), « cứ » sert à exprimer un aspect impératif lorsque le locuteur veut demander à son interlocuteur de commencer ou de continuer inconditionnellement une activité quelconque. C’est probablement pour cette raison qu’en vietnamien, dans les phrases impératives contenant ce mot complément, « cứ » est parfois précédé de « hãy » et à la fin de la phrase est souvent apparu le terme « đi », à savoir que « hãy » et « đi » sont des mots servant à renforcer l’idée d’une invitation (exemple e)) ou d’une requête (exemple b)). Nous avons comme exemples d’autres énoncés suivants :

- Anh cứ làm đi.

(Fais-le quand même !)

- Hãy cứ nói cho cô ấy biết cậu nghĩ gì đi !

(Dis-lui quand même ce que tu penses)

Ce mot « cứ », représentant des mots compléments en vietnamien et considéré d’ailleurs comme posant de nombreux obstacles de compréhension aux apprenants étrangers, a fait l’objet d’études de plusieurs linguistes et enseignants du vietnamien langue étrangère. Malgré une telle variété de recherches, ce qui est important à noter, c’est que dans aucune recherche on n’aborde ni son emploi concessif ni son emploi réfutatif. C’est aussi le cas pour le connecteur « dù sao » et ses synonymes. Or, « cứ », « dù sao » et d’autres connecteurs de cette même catégorie ont un point commun, c’est d’impliquer, comme « quand même » deux mouvements contradictoires chez le même locuteur : admission dans un premier temps de la vérité du contenu P argumentativement orienté vers une conclusion R et assertion dans un second temps du contenu Q argumentativement orienté vers une conclusion inverse non-R. Dans les séquences dialogales, le recours à ces connecteurs a pour effet de refuser implicitement le contenu antérieurement asserté par l’interlocuteur. En d’autres termes, ils assument le rôle de réfutation.

3.5. Justement

3.5.1. « Justement » en français

Notre synthèse sur ce connecteur se base essentiellement sur le travail de Bruxelles et de ses collaborateurs (1982 : 151-164). Nous n’avons pas l’intention de faire dans cette partie une description détaillée des différents emplois de « justement ». Nous ne nous intéressons qu’à présenter les emplois de « justement » comme inverseur argumentatif, selon le terme de l’auteur. Dans cet emploi,

Page 124: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

114

justement se situe toujours en tête d’une réplique dans un dialogue. Deux cas de « justement » seront étudiés : justement absolu et justement Y. Justement est absolu lorsqu’il constitue à lui seul dans un dialogue une réplique complète. Justement Y, par contre, ne constitue pas une réplique complète, étant suivi d’une proposition. Dans les deux cas, justement a la fonction d’inversion argumentative.

a) Justement absolu

Le cas le plus fréquemment rencontré est celui où le locuteur B, en disant X, présente un argument p en faveur d’une conclusion r. Ce même argument p est utilisé plus tard par le locuteur A en vue de retourner contre la conclusion r de B, c’est-à-dire il est utilisé en faveur de non-r. Ainsi dans le dialogue :

(35) A : - Je ne veux pas être médecin plus tard.

B : - Pourtant, tu devrais aimer ce métier parce que tes parents sont tous médecins.

A : - Justement.

Nous considérons comme X la réplique complète de B qui se compose d’une conclusion r « tu devrais aimer ce métier » et un argument p en faveur de r « tes parents sont tous médecins ». A indique par son « justement » que c’est au contraire, parce que ses parents sont médecins qu’il n’aime pas ce métier. Ici, on voit bien que la conclusion soutenue par A n’est pas directement la même conclusion qu’il avait soutenue dans sa première réplique, mais elle est l’inverse de celle présentée par B.

Dans cet exemple, l’argument p est une proposition mais dans bien d’autres cas, p peut être un objet, comme le témoigne le dialogue (36) :

(36) A : - Cette Marie, elle ne sait vraiment pas s’habiller.

B : - Mais pourquoi ? Elle est bien à la mode. Regarde sa jupe.

A : - Justement.

La robe de Marie est alors pour B une preuve dont il tire argument pour justifier la conclusion r « Marie est à la mode », mais elle est pour A l’objet pour illustrer la non-r. C’est ce renversement argumentatif qu’indique « justement ».

D’autres cas possibles sont ceux où le locuteur B en disant X ne présente pas à proprement parler d’argument bien que son énoncé s’inscrive dans une argumentation. L’argument utilisé par A est probablement un objet ou une expression formulée par B sans lui servir d’argument en vue d’aller contre la conclusion visée par B.

Page 125: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

115

b) Justement Y

Comme nous l’avons dit plus haut, justement Y n’est pas absolu parce qu’il est suivi d’une proposition Y. Le locuteur, en ajoutant Y, se contente d’expliciter un retournement argumentatif, ce qui est identique à celui opéré par le justement absolu. Cette séquence Y peut avoir plusieurs fonctions.

• La première fonction constitue l’explicitation de la conclusion non-r.

(37) A : - Ne sortons pas ! (r) Il tombe beaucoup de neige (p).

B : - Justement, sortons pour que nos enfants jouent avec la neige (non-r).

• Y peut insister sur le fait que l’énoncé X engendre le retournement argumentatif en faveur de non-r.

(38) A : - Viens avec moi ce soir à l’anniversaire de Marie. Tu seras content parce qu’il y aura du monde.

B : - Justement, c’est pour ça que je n’ai pas envie d’y aller.

Ici, B en disant Y, utilise l’argument p formulée dans X par A pour argumenter pour la conclusion opposée à celle envisagée par A.

• La troisième fonction de la séquence Y consiste dans la spécification de la raison : le locuteur B en disant X présente une raison ou un argument P en faveur de la conclusion R. Le locuteur A, à son tour, en prononçant Y, précise pourquoi cet argument P va dans le sens inverse, autrement dit est utilisé en faveur de la conclusion non-R.

(39) A : - Lève-toi ! Viens avec moi faire un petit tour, tu seras mieux.

B : - Mais je suis fatigué, j’ai tellement mal à la tête.

A : - Justement, parce que t’as mal à la tête, sors avec moi, l’air pur à l’extérieur te fera du bien. Il vaut mieux que tu changes un peu d’air.

• Une autre fonction possible, c’est que la séquence X formulée par B ne contient pas d’argument. La séquence Y a alors pour objectif de préciser ce qui dans X sert de point d’appui à la conclusion non-r.

(40) A : - Je t’assure que tu ne peux pas l’épouser. Elle est bien cultivée, bien polie… Bref, je la trouve tout à fait différente de toi.

B : - Et alors ? Je m’en fous ! Tu vas voir, je vais faire de mon mieux pour l’avoir.

A : - Justement, si tu continues à agir comme ça, tu n’arriveras jamais à rien.

Page 126: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

116

Dans ce dialogue, on voit bien que la séquence X formulée par B ne contient aucun argument. Pourtant, dans sa seconde réplique, A souligne que la façon d’agir de B manifestée dans son énoncé X appuie sa conclusion non-r « tu n’arriveras jamais à rien ».

Nous venons d’étudier des cas où le locuteur A répond par justement Y à un énoncé X formulé par B. Cet énoncé peut contenir ou non un argument p bien qu’il s’insère dans une argumentation. Dans le cas où X véhicule l’argument p, c’est alors ce même argument que A utilise en faveur de la conclusion non-r, c’est-à-dire retourne contre la conclusion r visée par B.

Une autre possibilité qui pourrait avoir lieu, c’est que ce n’est pas absolument le même argument présenté dans l’énoncé X que l’on retourne contre la conclusion de son interlocuteur. C’est le cas de l’exemple suivant :

(41) A : - On va voir « Femme sanglante » au cinéma ce samedi ? Paul, ton ami, vient aussi parce que sa femme joue le rôle principal dans ce film.

B : - Justement, je n’aime pas l’interprétation de sa femme.

L’argument p employé par A pour inciter B à venir, c’est la présence de Paul, ami de B. L’idée concernant l’interprétation de la femme de Paul dans le film à voir n’est mentionnée que de façon incidente, elle ne sert pas d’argument en faveur de la conclusion visée par A. Autrement dit, A n’a pas l’intention d’inciter B à venir au cinéma à partir de cette proposition. En revanche, B tire de cette idée un argument p’ « je n’aime pas l’interprétation de sa femme » pour conclure à non-r : refuser l’invitation de A. Ici, B ne renverse pas P mais il opère par « justement » un renversement argumentatif.

Ainsi, on peut dire aussi que p’ est constitué par tel ou tel aspect de l’énonciation de X. Dans cette perspective, p’ est dissociable de p ou, en d’autres termes, p’ ne se confond pas avec p.

Pour conclure, nous remarquons que « justement » employé de façon absolue est toujours inverseur mais ce n’est pas toujours le cas pour « justement Y ». Ce second justement a, dans certains cas, la fonction de marquer une coïncidence entre deux faits, comme témoigne l’exemple suivant :

(42) A : - Ta mère t’a appelée plusieurs fois cet après-midi.

B : - Justement, je viens de lui téléphoner.

La question se pose de savoir distinguer quand « justement » est utilisé en tant que marqueur d’inversion argumentative et marqueur de coïncidence. Très

Page 127: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

117

souvent, avec le « justement » inverseur, le locuteur tend à reprendre le discours de l’autre et à l’utiliser par la suite à des fins argumentatives.

3.5.2. « Thì bởi thế » en vietnamien

Il est vraiment difficile de trouver en vietnamien un équivalent de « justement » susceptible d’être utilisé comme inverseur argumentatif. « Justement », selon les dictionnaires, est traduit en vietnamien par « đúng » (vrai), et nous avons par exemple :

C’est justement ce qu’il nous faut

(Đấy đúng là cái tôi cần)

Comme on l’a dit justement

(Đúng như người ta đã nói)

Cette traduction est-elle applicable dans les exemples cités dans 3.5.1. ? Pour répondre à cette question, nous examinons maintenant les dialogues (35) et (37).

Dans (35), si « justement » prononcé par A signifie simplement « đúng » (c’est vrai), nous avons alors deux possibilités d’interpréter son énoncé. Soit « đúng » veut dire « oui, tu as raison de dire que je devrais aimer ce métier », soit « đúng » est compris comme « oui, j’aime bien ce métier ». Dans les deux cas, la traduction de « justement » par « đúng » ne manifeste aucun effet d’inversion argumentative. Alors, comment doit-on traduire en vietnamien le terme « justement » ? Dans ce contexte, nous sommes obligés de recourir à la paraphrase. Nous proposons la traduction suivante : « Chính vì bố mẹ mình là bác sĩ nên mình không muốn làm bác sĩ » (c’est parce que mes parents sont médecins, je ne veux plus exercer ce métier)

Dans (37), si nous traduisons « justement » en « đúng », nous supposons également que la réplique de B va dans la même orientation argumentative que l’énoncé de A. Or, cette réplique, qui prend la forme « c’est vrai, sortons pour que nos enfants jouent avec la neige », est argumentativement opposée à la conclusion visée par A. Le dialogue ne passe pas parce que les contraintes structurelles sur les connecteurs argumentatifs ne sont pas respectées.

A travers l’examen de ces deux dialogues, nous constatons que « đúng » ne peut pas être considéré comme équivalent de « justement » lorsque celui-ci est utilisé comme marqueur de renversement argumentatif.

Page 128: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

118

En vue de trouver dans la langue vietnamienne un mot ou une expression susceptible de transmettre cet aspect argumentatif, nous essayons d’examiner cette fois quelques dialogues en vietnamien.

a) E : Bố ơi bố cho con đi chơi đi bố

P : Bố nhiều việc lắm, hay ở nhà con nhé. Ngày mai bố cho con đi chơi.

E : Bố nhiều việc, bố càng phải ra ngoài một lúc để thay đổi không khí, khi về bố sẽ làm việc tốt hơn nữa.

(E : Papa, sors avec nous

P : Chéri, j’ai beaucoup de travaux à faire, alors je préfère rester à la maison. Demain, on sortira.

E : […] ? T’as beaucoup de travaux à faire, il te faut alors sortir un peu pour changer d’air. A ton retour, tu travailleras beaucoup mieux, papa)

b) Ce dialogue se produit entre deux amies A et B. A vient d’attaquer verbalement son mari du fait que celui-ci reste depuis longtemps au chômage. Furieux, son mari s’en va. B, amie de A est au courant de toute l’histoire.

A : Mày xem tao đâu có nói sai cho ông ấy. Ông ấy tức thì đi, một lúc hết tức lại về. Đàn ông hay đề cao cái tôi cá nhân.

B : Bởi thế, lúc nãy mày nói chồng mày không nuôi nổi vợ con, nhất là trước mặt người khác là mày hơi quá.

A : Tao tức thì nói thế, chẳng có ý gì cả.

B : Mày cùn lắm. Dù sao cũng phải giữ thể diện cho chồng.

(A : Tu vois, je ne lui ai pas dit du mal. Il est parti furieux, mais il va rentrer tout à l’heure quand il ne sera plus fâché. Les hommes, ils mettent trop en valeur leur face personnelle.

B : [Justement] ?, tu l’as fait exprès en disant qu’il n’arriverait pas à nourrir sa femme et ses enfants, notamment quand je suis là.

A : Je dis ainsi parce que je suis aussi fâchée. Je n’ai aucune idée là-dessus.

B : Tu raisonnes comme une pantoufle. De toute façon, tu ne devrais pas lui faire perdre la face)

c) M : Con đi ngủ đi con trai. 9 giờ rồi

F : Mẹ ơi, hôm nay thứ sáu mà mẹ. Ngày mai con không phải đi học

Page 129: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

119

M : Bởi thế, hôm nay là thứ sáu, con không ngủ trưa nên phải đi ngủ sớm.

( M : Au lit, mon chéri, il est déjà 9 heures.

F : Maman, aujourd’hui, c’est vendredi. Demain, je n’ai pas de cours.

M : [Justement] ?, parce que nous sommes vendredi aujourd’hui, tu n’as pas fait la sieste, tu dois te coucher tôt)

Dans le dialogue a), si on appelle X l’énoncé du père, on considère qu’en disant X, le père présente un argument p « j’ai beaucoup de travaux à faire » qui est argumentativement orienté vers la conclusion r « on ne va pas sortir aujourd’hui ». Il fait par la suite une promesse en disant qu’il fera sortir son enfant le lendemain. Pourtant, dans son interaction, l’enfant utilise ce même argument pour renverser la conclusion, autrement dit pour orienter son père vers la conclusion opposée non-R « il faut sortir aujourd’hui pour changer d’air ».

Dans le dialogue b), la situation n’est pas la même. La séquence X formulée par A ne contient aucun argument. Cependant, dans sa réplique, B tire d’une idée selon laquelle « Les hommes mettent trop en valeur leur face personnelle » un argument pour conclure non-r « tu as fait exprès en disant qu’il n’arriverait pas à nourrir sa femme et ses enfants, notamment quand je suis là ». Ici, B opère également un renversement argumentatif.

Dans le dialogue c) la mère utilise le même argument p avancé par son fils « aujourd’hui, c’est le vendredi » en faveur d’une conclusion opposée à celle envisagée par ce dernier. On dirait alors que l’argument p est renversé pour retourner la conclusion.

L’analyse de ces trois dialogues nous montre que les locuteurs vietnamiens adoptent à peu près la même démarche que les locuteurs français. Il s’agit bien d’un renversement argumentatif. Cela implique également que « justement » équivaut à « bởi thế » en vietnamien. « Bởi thế » et « bởi vậy » sont synonymes, ils servent tous les deux à exprimer l’idée que ce qu’on va bientôt dire est à l’origine de ce qui vient d’être dit. Du point de vue sémantique, ces deux connecteurs vietnamiens sont parfaitement identiques à « c’est pourquoi » ou « c’est pour cela que » en français, mais sous l’angle de l’argumentation, ils sont susceptibles d’être utilisés en tant qu’inverseurs argumentatifs comme « justement ».

Page 130: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

120

3.6. Quelques remarques relatives à l’apprentissage de « mais » et de « d’ailleurs » français

Dans cette partie, nous nous intéressons particulièrement aux deux connecteurs argumentatifs qui sont « mais » et « d’ailleurs », d’autant plus que ces connecteurs sont très utilisés par les apprenants vietnamiens. Le « justement », un « vrai » connecteur argumentatif, susceptible de poser le plus de problèmes aux apprenants vietnamiens, reste encore un « nouveau terrain » car il n’est guère utilisé. Dans une certaine mesure, on pourrait dire que ce connecteur est un peu trop difficile pour eux, c’est pourquoi ils ne sont pas encore habitués à l’employer.

Revenons maintenant à « mais » et à « d’ailleurs ». Nous constatons qu’à cause des grandes différences entre ces mots français et leurs équivalents vietnamiens, l’apprentissage de ces connecteurs pose des problèmes aux apprenants vietnamiens. Les raisons en sont bien variées.

Premièrement, dans l’enseignement du français, on n’insiste pas beaucoup sur la fonction argumentative de ces mots vides. On se contente de donner des explications simples et superficielles en disant par exemple que « mais » sert à exprimer une opposition. Par conséquent, les apprenants peuvent parler plus ou moins la langue mais ils sont toujours bloqués lors des situations conflictuelles ou imprévues.

La deuxième raison est que nos étudiants ont en général une compétence discursive encore insuffisante pour pouvoir réussir à manifester une protestation, exprimer un désaccord ou enchaîner un contre-argument.

Vient enfin la mentalité asiatique qui fait que les gens ont tendance à éviter toute formulation susceptible de déboucher sur un conflit relationnel.

En vietnamien, on rencontre souvent des phrases suivantes :

Ông ấy tuy già nhưng vẫn còn khỏe

Il Dét. malgré vieux mais toujours fort

→ Bien qu’il soit vieux (mais) il est encore en forme

Dẫu nó lười học nhưng nó vẫn thi đỗ đại học

Malgré il paresseux étudier mais il toujours réussir université

→ Bien qu’il soit paresseux (mais) il a réussi au concours d’entrée à l’Université

Page 131: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

121

Dù bị ốm song Hoa vẫn đi học

Malgré marqueur de passif malade mais Hoa toujours aller étudier

→ Bien que Hoa soit malade (mais) elle va toujours à l’école

A partir de ces phrases, nous avons la structure globale :

Tuy … nhưng (mà) (vẫn) …

Tuy … song (vẫn) …

Dẫu / (mặc) dầu / (mặc) dù … nhưng (mà) (vẫn) / song (vẫn) …

A savoir que les mots « tuy », « dầu », « dù », « mặc dầu », « mặc dù » et « nhưng », « nhưng mà », « song » forment des couples de mots d’orientation argumentative. En fait, à travers le mot « tuy », l’interlocuteur peut immédiatement deviner que la seconde proposition de l’énoncé sera argumentativement contre-orientée à la conclusion tirée de la proposition sans « tuy ». Dire par exemple « Ông ấy già » (il est vieux) consiste à s’orienter vers la conclusion «Ông ấy không còn khỏe » (il n’est plus en forme) mais avec la présence de « tuy », on s’attend à une conclusion contraire commençant par « nhưng » « (nhưng) vẫn còn khỏe » (mais il est encore en forme).

Habitués à cette structure syntaxique vietnamienne, les étudiants tendent à combiner systématiquement dans leurs phrases françaises les deux éléments : « bien que » et « mais ». Nous avons comme exemple les phrases suivantes :

* Bien qu’il aime le français mais il a décidé d’apprendre l’anglais et le chinois.

* Bien que la grippe aviaire soit devenue une épidémie à l’échelle nationale mais les habitants n’en sont pas encore suffisamment conscients des dangers.

(exemples tirés de rédactions d’ élèves)

De plus, parce que les étudiants, comme nous l’avons dit plus haut, ne sont pas suffisamment dotés des connaissances concernant l’argumentation et l’emploi des connecteurs argumentatifs, le « mais » constitue pour eux un efficace signal passe-partout. Ce mot sert de stratégie pour s’assurer de la prise de parole, et quelquefois même pour acquérir le droit à la parole. En ce sens, il est bien clair que le schéma de Ducrot n’est pas applicable. Nous reviendrons sur cette question plus tard dans une autre partie.

Page 132: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

122

Non seulement le connecteur « mais », le connecteur « d’ailleurs » pose également de nombreuses difficultés aux apprenants. Nous rencontrons par exemples des phrases comme suit :

* Comme les mesures disciplinaires est encore légères, par exemple, les élèves qui utilisent les documents interdits ne sont que blâmés, la situation de triche ont tendance à augmenter. D’ailleurs, les sujets ont la qualité faible favorisant le « par cœur » et n’appréciant pas la créativité personnelle.

* Tout d’abord, je veux parler de la bonne qualité d’Internet. Il est le plus utile, le plus rapide, le plus comfortable, moyen de l’information. On peut trouver n’importe quoi grâce à un click. Avec Internet, la distance n’est plus devenue un grave problème pour les amoureux, pour les amis, pour les personnes qui vivent loin de la famille, loin de le pays natal. On peut aussi voir par webcam, se bavarder par voice chat. D’ailleurs, le prix est très acceptable.

(exemples tirés de rédactions d’ élèves)6

Il est à remarquer que les apprenants ne sont apparemment pas informés de la fonction argumentative de cet articulateur. A la question : « Quelle est la différence entre d’ailleurs et par ailleurs ? », ils sont tous contents de répondre : « D’ailleurs s’utilise à l’oral alors que par ailleurs s’emploie à l’écrit ». A quoi est due cette réponse ? C’est parce que les professeurs, quand ils corrigent les devoirs des élèves, ne sont satisfaits que de barrer le « d’ailleurs » et de marquer en rouge « par ailleurs » sans donner aucune autre explication. C’est pourquoi, il est certainement inévitable que les élèves confondent ces deux connecteurs et les utilisent comme « de plus », « en outre »… Autrement dit, le « d’ailleurs » n’est pas du tout étudié sous l’angle argumentatif.

Dans cette situation, il faudrait sans doute élaborer un certain exercice en vue d’une meilleure distinction entre d’ailleurs et par ailleurs. Voici les exemples d’un exercice à trou :

Consigne : Etablissez un lien entre les phrases suivantes en utilisant d’ailleurs ou par ailleurs :

1) Le vent se lève ………. j’ai l’impression qu’il va y avoir un orage.

2) Les enfants sont sages ………. ils jouent tranquillement dans leur chambre.

3) La nourriture est excellente, le cadre est magnifique ………. on se fait de nouveaux amis.

4) Elle n’a pas réussi à se lever ce matin ………. elle a de la fièvre.

6 Les copies des élèves sont gardées telles qu’elles sont.

Page 133: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

123

5) Je me suis coupé le doigt en épluchant des pommes de terre ………. tout va très bien.

→ Corrigé : d’ailleurs, d’ailleurs, par ailleurs, d’ailleurs, par ailleurs

Le professeur pourrait demander aux élèves d’imaginer des contextes où ces phrases seraient utilisées. Dans cette perspective, on aura à voir d’ailleurs dans son emploi argumentatif.

Une étude contrastive des connecteurs argumentatifs en français et en vietnamien est aussi d’une grande nécessité. Elle permettra aux apprenants d’une part de mieux comprendre le fonctionnement de ces moyens linguistiques dans la langue maternelle et dans la langue cible et, d’autre part, d’éviter des erreurs dues à l’interférence entre deux langues.

4. Les verbes connecteurs

Quand on enseigne l’argumentation aux élèves, on a tendance à attirer leur attention sur les connecteurs adverbiaux (par conséquent, de ce fait…), prépositionnels (à cause de, malgré…) et conjonctifs (si bien que, de sorte que…). Pourtant, nous croyons qu’il serait important de les faire travailler aussi sur les connecteurs verbaux, plus particulièrement sur les verbes de relation causale. Deux questions sont alors posées : Qu’est-ce que c’est qu’un connecteur verbal ? Et pourquoi insiste-t-on sur ce type de verbes de cause ?

A la première question, nous appelons verbe « verbe connecteur » un verbe qui assume, dans la phrase où il se situe, la fonction de connexion. Nous avons par exemple :

1) Cette campagne publicitaire cherche à mobiliser les jeunes

2) La violence à l’école qui s’aggrave constitue actuellement la principale préoccupation des autorités allemandes. On peut évoquer à ce sujet le drame qui s’est déroulé le 11 mars dans un collège professionnel du sud-ouest de l’Allemagne.

Dans (1), le verbe « chercher à » s’utilise comme un connecteur exprimant le but. La phrase peut être formulée d’autres façons :

1a) Cette campagne publicitaire a pour but de mobiliser les jeunes.

1b) Le but de cette campagne publicitaire est de mobiliser les jeunes.

Page 134: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

124

Dans (2), « on peut évoquer à ce sujet » fonctionne comme un connecteur servant à introduire une nouvelle idée, un exemple, une illustration. Dans ce cas, cette expression sert à mentionner un événement ayant le statut d’une preuve en faveur de la gravité de la violence scolaire. Pour exprimer cette intention communicative, l’auteur peut certainement recourir à d’autres connecteurs « comme, par exemple, ainsi… ».

A la deuxième question, « pourquoi insiste-t-on sur ce type de verbes de cause ? », nous constatons que le rapport de causalité est, d’une part, pour l’homme, de toute première importance. Cela se manifeste dans la langue par la diversité et la multitude des moyens pour l’exprimer. D’autre part, la relation causale est indissociable de la relation argumentative.

En vue d’éclairer cette idée, nous ferons dans un premier temps une description syntaxiquement théorique de ce type de verbes en nous basant essentiellement sur le travail de Le Pesant (2006 : 61-78). Dans un second temps, nous essaierons d’analyser le fonctionnement de certains verbes afin d’étudier comment la fonction de connexion est assumée par les verbes dans la phrase. Cette analyse sera également complétée par une étude contrastive.

4.1. Les verbes de relation causale : description syntaxique

La propriété essentielle des verbes de cause consiste, selon Denis Le Pesant, à relier les arguments dans l’ordre sujet actant antécédent causal / complément d’objet actant conséquent. Ces arguments se présentent soit sous forme d’une proposition subordonnée complétive, soit sous forme d’une proposition subordonnée à l’infinitif sans sujet exprimé, soit sous forme d’un syntagme nominal.

3) Le fait que Pierre parte a entraîné une crise dans leur relation (le sujet actant est une proposition subordonnée complétive)

4) La grève générale a causé de fortes perturbations des transports en commun dans de nombreuses villes (le sujet actant est un syntagme nominal)

Un autre point important pour les verbes de cause est que si l’on applique la négation aux phrases contenant ce type de verbes, celles-ci seront dotées d’un effet de sens concessif. Ainsi, nous avons :

Page 135: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

125

3a) Le fait que Pierre parte n’a pas entraîné une crise dans leur relation. = Il n’y a pas eu de crise dans leur relation bien que Pierre parte.

4a) La grève générale n’a pas causé de fortes perturbations des transports en commun dans de nombreuses villes. = Malgré la grève générale, il n’y a pas eu de fortes perturbations des transports en commun dans de nombreuses villes.

Selon Le Pesant, il y a trois types de verbes de cause :

a) Les verbes exprimant la seule relation causale (ou les verbes de cause sans nuance aspectuelle ni modale) : aboutir à, conduire à, entraîner, causer, engendrer, induire, produire, provoquer, semer,…

b) Les verbes de cause aspectuels : susciter, déclencher, arrêter, interrompre, stopper,…

c) Les verbes de cause modaux : demander, exiger, empêcher, permettre, nécessiter, interdire,…

4.2. Étude des verbes

Dans cette partie, nous portons particulièrement notre attention sur quelques verbes : causer, entraîner, empêcher, demander,

4.2.1. Causer / gây ra

« Causer » est un verbe transitif à complément d’objet de forme syntagme nominal à tête prédicative.

5) Le réchauffement risque de causer des bouleversements irréversibles pour la planète.

Essayons maintenant d’analyser la fonction de connexion du verbe « causer » dans (5).

Nous constatons que ce verbe a deux arguments de types événementiels. Le schéma d’arguments de (5) peut alors être représenté de la façon suivante :

Causer (réchauffement, bouleversements irréversibles pour la planète)

Il est bien clair que ce verbe est de nature prédicative. Il a, bien sûr, un sens lexical propre à lui et on peut éventuellement paraphraser. A supposer qu’on associe

Page 136: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

126

ce prédicat verbal à une forme nominale « cause » par l’intermédiaire du verbe « être », on obtiendra :

(5a) Le réchauffement risque d’être la cause de bouleversements irréversibles pour la planète.

Les seules différences entre (5) et (5a) consistent dans la catégorie grammaticale du prédicat (verbe et nom) et dans l’actualisation de ces prédicats (désinence verbale et verbe support « être ») alors que le schéma d’arguments correspondant à cette phrase (5a) est identique à celui de (5).

A partir de cette construction nominale, on peut procéder à une inversion d’arguments à l’aide de la locution « avoir pour cause » :

(5b) Des bouleversements irréversibles pour la planète auraient pour cause le réchauffement.

D’autres restructurations sont observées :

(5c) La cause des bouleversements irréversibles pour la planète serait le réchauffement.

(5d) Des bouleversements irréversibles pour la planète seraient causés par le réchauffement.

(5e) Les bouleversements irréversibles que devraient subir la planète sont à cause du réchauffement.

(5e) peut être formulé d’une autre manière :

(5f) Il y a des bouleversements irréversibles pour la planète à cause du réchauffement.

En 5e, la locution prépositive « à cause de » est comprise comme un prédicat dont la principale et la subordonnée sont considérées comme des arguments. Le schéma d’argument est toujours identique à celui des phrases précédentes :

Cause (réchauffement, bouleversements irréversibles pour la planète)

A travers les opérations que nous venons d’effectuer, nous concluons que le verbe « causer » peut assumer dans la phrase la fonction de connexion cause-conséquence. Ce mot lexical a la même valeur sémantique que le mot grammatical « à cause de ».

« Causer » se traduit en vietnamien par « gây ra ». C’est aussi un verbe exprimant la relation causale. Comme « causer », ce verbe est également de nature prédicative.

Page 137: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

127

Nous avons par exemple :

Hút thuốc gây ra những bệnh về đường hô hấp

(Le fait de fumer cause des maladies de l’appareil respiratoire)

Pour rendre plus claire la fonction de connexion cause-conséquence assumée par le verbe « gây ra », nous pouvons paraphraser la phrase comme suit :

(6a) Những bệnh về đường hô hấp do hút thuốc gây ra

(Les maladies de l’appareil respiratoire sont à cause du tabac)

Le schéma d’arguments est le même dans les deux cas :

Gây ra (hút thuốc, bệnh về đường hô hấp).

Ce qui est, d’après nous, important à signaler, c’est que le synonyme de « causer », le verbe « provoquer », se traduit en vietnamien par « gây ra » ou « khiến cho ». Ces deux verbes expriment, eux aussi, la relation causale. Pourtant, leur emploi n’est pas tout à fait identique. Le verbe « khiến cho » peut être suivi d’une proposition complétive.

(7) Cách học ở đại học khác xa phổ thông đã khiến cho không ít các tân sinh viên bỡ ngỡ

(La différence dans la façon de travailler à l’université et au lycée entraîne le fait que beaucoup de nouveaux étudiants sont dépaysés).

Il importe de remarquer que « khiến cho » dans (7) a la même valeur que « rendre quelqu’un + adjectif ». Ainsi, nous proposons une autre traduction : La différence dans la façon de travailler à l’université et au lycée rend beaucoup de nouveaux étudiants dépaysés.

C’est aussi pour cette raison qu’il est impossible d’y appliquer la transformation passive. De toute façon, « khiến cho » assume sa fonction de connexion cause-conséquence par la présence de deux arguments dont le schéma est le suivant :

Khiến cho (cách học ở đại học khác xa phổ thông, không ít các tân sinh viên bỡ ngỡ)

4.2.2. Entraîner / kéo theo

« Entraîner » est un verbe à complément d’objet de forme proposition subordonnée complétive.

Page 138: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

128

(8) Sa brillante réussite a entraîné le fait que ses parents rayonnaient de bonheur.

On a la possibilité de remplacer « a entraîné le fait que » par « a fait que » sans que le sens de la phrase ne soit modifié.

Ce verbe peut bien sûr être suivi d’un complément d’objet de forme syntagme nominal :

(9) Cette négligence entraîne de graves conséquences.

Son équivalent vietnamien, le verbe « kéo theo », fonctionne de la même façon. La seule différence réside dans le fait que ce verbe se combine directement avec la proposition complétive sans avoir besoin de l’intermédiaire « que ». Nous avons l’exemple suivant :

(10) Hầu hết các doanh nghiệp chế biến tôm ở đồng bằng sông Cửu Long hiện chỉ hoạt động cầm chừng do khan hiếm nhiên liệu, kéo theo hàng chục ngàn lao động phải mất việc.

(A cause du manque de combustible, presque toutes les entreprises de production de crevettes dans le delta du fleuve Cuu Long ne fonctionnent qu’avec un certain ralentissement, ce qui entraîne le fait que des dizaines de milliers de travailleurs ont perdu leur travail)

Nous mettons en caractère gras « ce qui » et « le fait que » dans le but de signaler que ces éléments ne sont pas présents dans la phrase de version originale.

Dans l’autre exemple, « ce qui » (équivalant à « điều đó » en vietnamien) existe mais se place au début de la phrase :

(11) Cuộc sống ngày càng phát triển nhanh một cách chóng mặt, các nhà máy, khu dân cư mọc lên ngày càng nhiều. Điều đó kéo theo các vấn đề về ô nhiễm môi trường sống, ô nhiễm nguồn tài nguyên.

(La vie se développe de façon spectaculaire. Des usines, des quartiers d’habitation s’installent de plus en plus, ce qui entraîne la pollution de l’environnement, la pollution des sources naturelles).

L’étude de ces exemples en langues française et vietnamienne nous amène à conclure que le verbe « entraîner » ou « kéo theo », fonctionnant comme un connecteur, a pour fonction de relier les deux arguments d’ordre cause-conséquence. Si nous appelons X l’argument précédant le prédicat verbal et Y l’argument suivant le prédicat, nous avons le schéma suivant :

Entraîner / kéo theo (X, Y)

Page 139: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

129

dont X est la cause de Y, autrement dit, Y a pour cause X ou Y est à cause de X.

4.2.3. Aboutir à, conduire à / dẫn đến

« Aboutir à », « conduire à » et leur équivalent vietnamien « dẫn đến » sont des verbes à complément d’objet de forme syntagme nominal à tête prédicative ou proposition subordonnée complétive.

(12) La pauvreté aboutit à / conduit à une menace pour la paix et la sécurité mondiale.

(13) La pauvreté aboutit à / conduit à ce que la paix et la sécurité mondiale soient menacées.

(14) Giá bất động sản tăng vọt dẫn đến khủng hoảng kinh tế

(L’augmentation vertigineuse du prix de l’immobilier aboutit à une crise économique)

Il est clair que « aboutir à », « conduire à » et leur équivalent vietnamien « dẫn đến » sont tous des verbes de relation causale, qui assument la connexion entre l’argument cause et l’argument conséquence.

4.2.4. Découler de, provenir de, résulter de / sinh ra từ

« Découler de », « résulter de », « provenir de » se traduisent en vietnamien par « sinh ra từ », « do » exprime aussi une relation de conséquence-cause. Observons les exemples suivants :

(15) Son échec dans cet examen découle de son manque de sérieux dans le travail.

(16) Cet incendie provient de la négligence.

(17) Je pense que votre fatigue résulte du surmenage.

(18) Sự nóng giận của anh ta là do không kiềm chế được trước những lời lăng mạ quá đáng của cô ta.

(Sa colère résulte de la non maîtrise devant ses injures exorbitantes)

Nous pouvons reformuler ces phrases d’une autre manière :

(15’) Il a échoué à l’examen parce qu’il n’a pas été sérieux dans son travail.

(16’) La négligence est à l’origine de cet incendie.

(17’) Je pense que votre fatigue est due au surmenage.

Page 140: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

130

(18’) Anh ta nóng giận bởi vì anh ta không kiềm chế được trước những lời lăng mạ của cô ta.

(Il se met en colère parce qu’il ne peut pas se maîtriser devant ses injures exorbitantes)

Ces verbes assument donc la connexion entre l’argument conséquence et l’argument cause.

Concernant le verbe « résulter », nous avons encore d’autres structures syntaxiques avec le mode impersonnel. Ainsi en témoignent les exemples ci-dessous :

(19) De ces dissensions, il résute un conflit dans leur famille

(Từ những nỗi bất hòa ấy mà sinh ra xung đột trong gia đình họ)

(20) Les eaux de crue continuent à monter dans le Centre du Vietnam. Il en résulte que des milliers de maisons sont inondées et plusieurs personnes doivent fuir leur domicile.

(Nước lũ tiếp tục dâng cao ở miền Trung Việt Nam. Kết quả là hàng nghìn hộ bị ngập và rất nhiều người phải rời bỏ ngôi nhà của mình)

« Il en résulte que » annonce un résultat induit par ce qui a été énoncé précédemment. Cette expression se traduit en vietnamien par « kết quả là » qui fait aussi référence à la proposition antécédente.

4.2.5. Demander, exiger / đòi hỏi

Comme d’autres verbes tels que « nécessiter », « appeler »,… « demander » et « exiger » sont classés parmi les verbes de cause à nuance modale, autrement dit, ils appartiennent aux verbes de type « rendre quelque chose nécessaire ». Ces verbes ont aussi un complément d’objet de forme syntagme nominal à tête prédicative ou une proposition complétive.

(21) Les risques de tremblement de terre exigent qu’on prenne un maximum de précautions.

(22) Les violences à l’école nécessitent l’intervention immédiate des autorités.

Le verbe « đòi hỏi » en vietnamien peut s’accompagner d’un syntagme nominal :

(23) Chống tham nhũng đòi hỏi quyết tâm và thời gian

(La lutte contre la corruption demande de la décision et du temps).

Page 141: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

131

ou d’une proposition :

(24) Phát triển khoa học công nghệ trước nhu cầu thực tiễn của phát triển xã hội đang đòi hỏi các nhà khoa học, quản lý, chính quyền các cấp phải có một tầm nhìn chiến lược.

(Le développement de la science et de la technologie en vue de répondre aux besoins du développement de la société demande aux scientifiques, aux dirigeants et aux autorités d’adopter une vue stratégique).

Nous pouvons réécrire ces phrases selon la formule ci-dessous :

Parce que X, il est nécessaire que Y

Parce qu’il y a des risques de tremblement de terre, il est nécessaire qu’on prenne un maximum de précautions.

Parce qu’il y a des violences à l’école, il est nécessaire que les autorités interviennent immédiatement.

X est alors la cause de Y. La relation entre ces deux éléments est actualisée par le verbe « exiger », « demander ». Le schéma d’arguments ressemble, par conséquent, à celui d’autres verbes de cause.

Exiger (X,Y)

4.2.6. Empêcher / cản trở ; permettre / cho phép

« Empêcher », « permettre »,… sont classés parmi les verbes de cause de type « rendre quelque chose possible / impossible ». Ce sont des verbes modaux à complément d’objet de forme syntagme nominal à tête prédicative ou proposition complétive.

(25) La tombée de la neige durant toute une semaine a empêché la circulation en ville

(26) L’arrivée du printemps permet que les arbres deviennent verts

L’équivalent vietnamien du verbe « empêcher », « cản trở », et celui du verbe « permettre », « cho phép », fonctionnent de façon analogue. Nous rencontrons souvent des phrases de type :

(27) Tham nhũng cản trở kế hoạch kích thích kinh tế

(La corruption empêche le respect du planning d’accroissement économique)

(28) Nghiêm túc trong công việc cho phép anh ta gặt hái nhiều thành công

(Le sérieux dans le travail lui permet de réussir)

Page 142: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

132

Les exemples cités montrent que ces verbes de cause relient, comme les verbes étudiés précédemment, les arguments selon l’ordre cause-conséquence. Pourtant, il importe de souligner que l’argument précédant ces deux verbes a des valeurs différentes. En d’autres termes, il est question de bien distinguer entre cause et raison : la cause est négative alors que la raison est plutôt positive. Nous avons alors les restructurations suivantes :

(25’) La circulation en ville a été empêchée à cause de la tombée de la neige durant toute une semaine.

(26’) Les arbres deviennent verts grâce à l’arrivée du printemps.

(27’) Kế hoạch kích thích kinh tế bị cản trở do tham nhũng.

(Le planning d’accroissement économique est empêché à cause de la corruption)

(28’) Anh ta gặt hái nhiều thành công nhờ nghiêm túc trong công việc.

(Il réussit grâce à son sérieux dans le travail)

Ces constructions, encore une fois, nous permettent de voir comment la connexion est assumée par ces verbes de cause.

4.2.7. Susciter / gây nên ; stopper / chấm dứt

« Susciter » est un verbe de cause à nuance aspectuelle inchoative.

(29) Le vote de cette loi a suscité des prises de position divergentes.

(30) Dự thảo luật bảo hiểm y tế gây nhiều tranh cãi

(Le projet de loi sur l’assurance médicale a suscité de nombreuses discussions)

Si nous appelons X l’argument qui précède le verbe et qui joue le rôle de sujet, et Y l’argument qui suit le verbe en jouant le rôle de prédicat, nous avons :

X a suscité Y

Ce schéma peut être représenté de différentes façons :

Y a été suscité par X

Y a eu pour cause X

Il y a Y à cause de X

On en déduit alors que « susciter » est un verbe de cause assumant la fonction de connexion. Il a pour but de relier les arguments dans l’ordre cause-conséquence.

Page 143: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

133

A côté des verbes à nuance aspectuelle inchoative, nous avons également ceux à nuance aspectuelle terminative tels que « arrêter », « interrompre », « stopper »,…

(31) Son intervention a stoppé les conversations particulières des étudiants.

→ Les conversations particulières des étudiants ont été stoppées par son intervention.

Les conversations particulières des étudiants ont été stoppées grâce à son intervention.

(32) Đứa con ra đời đã chấm dứt những chuỗi ngày buồn tẻ của cô ấy.

(La naissance du bébé a stoppé ses jours pleins de tristesse / La naissance du bébé a égayé ses journées)

→ Ses jours pleins de tristesse ont été stoppés grâce à la naissance du bébé.

4.2.8. Déduire / suy ra

« Déduire » peut être considéré comme un verbe de cause, car ce verbe sert à raisonner à partir d’une suite de propositions découlant rigoureusement les unes des autres en allant de la cause aux effets, du principe aux conséquences. Ces propositions peuvent être explicites ou implicites. Nous avons comme exemple la phrase suivante :

(33) Après une longue réflexion, j’en déduis qu’il faut quelquefois savoir sacrifier une certaine ambition de carrière et de richesse et que la seule issue de ma situation actuellement difficile à supporter, c’est de trouver un mode de vie où j’aie du temps pour m’occuper de ma famille et de mes enfants.

Dans cette phrase, les arguments (les causes) qui amènent l’auteur à la conclusion (la conséquence) actualisée par le biais du verbe « je déduis que… » sont probablement mentionnés antérieurement.

En français, on rencontre souvent « j’en déduis que » ou « je déduis de là que » qui se traduisent en vietnamien par « từ đó (tôi) suy ra rằng » :

(34) Con gái tôi lúc sinh ra được có 2 cân rưỡi, nhưng bây giờ 1 tuổi cũng nhanh nhẹn hoạt bát như các bé khác. Từ đó suy ra rằng cân nặng lúc mới sinh cũng không thật quan trọng.

Page 144: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

134

(Ma fille ne pesait que 2 kilogrammes à la naissance, maintenant à l’âge de 1 an, elle est aussi vive et agile que les autres enfants. J’en déduis que le poids à la naissance n’est pas d’une grande importance)

La conclusion introduite par « từ đó (tôi) suy ra rằng » est tirée à partir des propositions antérieures.

4.2.9. Conclure / kết luận

Comme le verbe « déduire », « conclure » est utilisé lorsqu’on veut tirer une proposition, une conséquence d’un élément ou d’un ensemble d’éléments abstraits ou concrets à la suite d’une observation attentive ou par le moyen d’un raisonnement. Dans le cadre de ce travail, nous ne nous intéressons qu’à la structure syntaxique : conclure de quelque chose que + proposition (indicatif) qui sert à exprimer une affirmation.

(35) On peut conclure à partir des renseignements obtenus que les médias exercent beaucoup d’influences sur les comportements et le style de vie des adolescents.

Nous avons d’autres structures comme :

- Je conclus de cette affirmation (de ce fait…) que …

- On conclut de ce qui précède que …

- Cette recherche (le test, l’analyse…) permet de conclure que …

- On peut donc en conclure que …

- Par conséquent, on peut conclure que …

Ces structures montrent que le verbe « conclure », ayant comme point de départ des propositions (causes), amène le locuteur vers une affirmation (conséquences / effets). Il fonctionne donc comme un verbe connecteur de relation causale.

Son équivalent vietnamien, le verbe « kết luận », fonctionne de façon identique. Il se combine avec une proposition par l’intermédiaire de « rằng » (que)

(36) Những nghiên cứu mới đây đã kết luận rằng sóng điện thoại di động có ảnh hưởng xấu đến sức khỏe của trẻ.

(De récentes recherches ont conclu que les ondes des mobiles ont de mauvaises influences sur la santé des enfants)

Page 145: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Deuxième partie

135

Récapitulation

Au cours de notre étude contrastive des connecteurs en français et en vietnamien, nous nous apercevons progressivement que nous avons eu tort en nourrissant depuis longtemps un jugement hâtif de nature subjective et catégoriquement fausse selon lequel, le vietnamien serait considéré comme assez pauvre en moyens linguistiques utilisables à des fins argumentatives. Notre recherche a prouvé le contraire. Elle montre que la langue vietnamienne est très riche en matière de connecteurs et d’opérateurs argumentatifs. Pourtant, il est regrettable de souligner que ces mots de connexion ne sont essentiellement étudiés qu’au niveau sémantique et syntaxique. Par ci et par là, nous avons aussi des recherches où ces mots sont vus du point de vue pragmatique mais ils ne sont pas, à proprement parler, étudiés sous l’angle de l’argumentation.

L’analyse d’un certain nombre de verbes de relation causale-argumentative montre que ces verbes fonctionnent dans la phrase, ou plus largement encore, dans le texte, comme des connecteurs. Ils assument la fonction de connexion tout en reliant, au niveau phrastique, les arguments selon l’ordre sujet actant antécédent causal / complément d’objet actant conséquent, et au niveau textuel, assurent le caractère logique et l’enchaînement entre des arguments / conclusion. L’analyse nous amène à avoir conscience de la nécessité de faire travailler les étudiants sur les connecteurs verbaux, notamment sur les verbes de cause qui sont indispensables dans la pratique de l’argumentation.

Page 146: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs

136

Page 147: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

137

TROISIEME PARTIE Argument d’autorité : analyse en contexte

vietnamien

Page 148: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Études lexicales du mot Autorité

138

Chapitre 1 : Études lexicales du mot Autorité

Étudiant l’autorité, nous ne pouvons pas nous passer de l’étude lexicale de ce terme « autorité ». Ce travail est d’une grande importance car sa signification n’est pas toujours facile, notamment en discours, lorsqu’il entre dans des syntagmes verbaux ou nominaux. En l’éducation, par exemple, on a de nombreuses expressions telles que « être autoritaire », « avoir l’autorité », « avoir de l’autorité », « faire preuve d’autorité », « faire autorité »… ; celles-ci, en apparence, s’avèrent faciles à comprendre, mais au fond, elles posent énormément de problèmes d’interprétation. Parfois, on rencontre aussi « autorité despotique », « autorité aimante », « autorité de compétence »... Que signifient tous ces mots ? A quels genres de situation renvoient-ils ? L’autorité est-elle synonyme de pouvoir ? Dans quelle mesure ce terme renvoie-t-il à la notion de soumission ou d’obéissance ?... Les exemples sont abondants pour affirmer la nécessité de réaliser un petit travail de recherche autour du mot.

Dans le cadre de ce chapitre, nous allons tenter, dans un premier temps, de synthétiser les différentes définitions de ce terme dans le dictionnaire. Les équivalents vietnamiens seront proposés aux groupes de mots liés à la vie quotidienne et qui nous semblent difficiles pour les apprenants. Dans un deuxième temps, nous recentrerons plutôt sur l’étude des synonymes et des antonymes d’autorité.

1. Étude dérivationnelle du mot Autorité

• Le substantif (une) Autorité

Le terme autorité vient du latin auctoritas. Il a pour racine auctor (auteur) et se rattache à augere (faire croître, augmenter).

Selon le Petit Robert (entrée « Autorité »), ce mot a les significations suivantes :

1) Le droit de commander, pouvoir d’imposer l’obéissance

- Autorité légitime : quyền hợp pháp

Page 149: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

139

- Autorité despotique : quyền chuyên chê

- Autorité parentale : quyền làm cha làm mẹ

- Abus d’autorité : sự lạm quyền

- Etre sous l’autorité de quelqu’un : dưới quyền ai

- Agir de sa propre autorité : tự ý quyết định

- Déléguer son autorité : ủy quyền

- Avoir pleine autorité pour faire qqch : toàn quyền làm việc gì

2) Les organes du pouvoir

- Les autorités (les représentants de l’autorité) : nhà chức trách

3) Force obligatoire, exécutoire d’un acte de l’autorité publique

- Autorité de la chose jugée : uy lực quyết tụng

- Agir d’autorité (d’une manière absolue, sans consulter personne) : hành động một cách độc đoán

4) Pouvoir de se faire obéir

- Air d’autorité, geste d’autorité, ton d’autorité : l’autorité psychique permet à une personne d’inspirer le respect, l’admiration, d’imposer sa personnalité à son entourage.

- Avoir de l’autorité : có ảnh hưởng, có uy >< manquer d’autorité : thiếu uy tín, không có uy thế

Exemple :

Ce professeur n’a aucune autorité sur ses élèves = Ce professeur est incapable de montrer son autorité à ses élèves.

(Người thầy này không có chút uy nào với học sinh của ông ta)

5) Supériorité de mérite ou de séduction qui impose l’obéissance, le respect, la confiance.

- Autorité de l’expérience

- Autorité de la tradition

- Faire autorité (s’imposer auprès de tout comme incontestable, servir de règle dans un domaine) : là mẫu mực (cho người khác theo)

Exemple :

Un savant qui fait autorité / Un ouvrage qui fait autorité (Một nhà văn / một cuốn sách có uy tín)

Page 150: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Études lexicales du mot Autorité

140

6) Personne qui fait autorité

Exemple :

Ce professeur est une autorité dans l’argumentation

- S’appuyer sur une autorité : dựa vào người có uy tín

- Invoquer une autorité à l’appui de sa thèse : dẫn chứng một nhân vật có uy tín để chứng minh cho luận đê.

A partir de ces significations, nous pouvons définir l’autorité comme la faculté d’une personne ou d’un groupe de personnes d’imposer l’obéissance, le respect et la confiance, et ce sans recourir aux contraintes physiques. En ce sens, la relation d’autorité est une relation d’influence établie sur la base du mérite et de la séduction.

• Le substantif et l’adjectif Autoritaire

1) Qui aime l’autorité, qui en use ou abuse volontiers

2) Qui aime à être obéi

Exemple :

Un homme autoritaire

Il est trop autoritaire avec ses enfants.

A cet exemple, nous voulons apporter un élargissement parce que les apprenants de français langue étrangère confondent souvent « être autoritaire » et « avoir de l’autorité » : Un homme autoritaire est le contraire d’un homme qui a de l’autorité. Le premier manque assez de personnalité pour s’imposer, mais ne l’acceptant pas, il cherche à masquer sa faiblesse sous un extérieur dur. Il a besoin d’écraser pour se sécuriser. Il demande une obéissance absolue sans réactions. Le second, au lieu de dépendre de quelqu’un, devient auteur de lui-même. Il est presque toujours prêt à participer à un dialogue, à une négociation en vue d’arriver enfin à un accord commun. Il a une autorité aimante, reconnue facilement par son entourage.

• L’adverbe Autoritarisme

1) Caractère d’un régime politique, d’un gouvernement autoritaire : tính chất chuyên quyền

2) Caractère, comportement d’une personne autoritaire : tính khí độc đoán

Page 151: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

141

• L’adjectif Autorisé

1) Qui jouit d’une grande autorité

2) Qui fait autorité, est digne de créance

Exemple :

Une personne autorisée : một người có thẩm quyền

Un critique autorisé : một nhà phê bình giỏi

2. Étude du champ sémantique : autorité et notions voisines

Certes, en réalité, les termes autorité, domination, pouvoir, et influence sont censés être des synonymes mais, dans le cadre de ce chapitre, pour être plus clair, nous voudrions les schématiser en nous appuyant sur leur trait sémantique particulier.

• Autorité et Domination

Domination (sự chế ngự):

- Fait de dominer, autorité souveraine

- Le fait d’exercer une influence déterminante, prépondérante.

Exemple : Il exerce sur tous une domination irrésistible.

Le mot domination est synonymique de l’autorité. Elle suppose l’imposition des contraintes.

La relation dominant-dominé est une relation asymétrique.

La domination peut se bâtir par l’obtention d’un consentement spontané du sujet dominé. Le groupe dominant, lorsqu’il arrive à ses fins, n’a nul besoin de recourir à la force, bien qu’il soit libre de s’en servir.

• Autorité et Pouvoir

Pouvoir (quyền hành):

- Autorité, puissance que détient une personne

- Moyen d’action de quelqu’un sur quelqu’un ou sur quelque chose

Exemple : Pouvoir de décision, pouvoir paternel

Page 152: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Études lexicales du mot Autorité

142

Le pouvoir se construit par le recours à la force alors que l’autorité le fait par le mérite, la séduction sans la moindre contrainte physique.

Le pouvoir s’exerce sur le mode de l’obéissance totale mais l’autorité sur le mode de la reconnaissance.

Le pouvoir impose l’autre. L’autorité contraint mais respecte l’autre.

• Autorité et Influence

Influence :

- Action volontaire ou non qu’une personne exerce sur quelqu’un (ảnh hưởng)

Exemple : Je compte sur votre influence pour le persuader.

- Pouvoir social de celui qui amène les autres à se ranger à son avis (uy thế)

Exemple : Cet homme a beaucoup d’influence.

En ce sens, l’influence engendre un désir d’imitation d’un modèle ou la production d’une conviction. L’influencé fait ou pense ce que désire la personne influente sans contrainte ni contrat, sans subir de violence, sans y être obligé.

Comme l’autorité, l’influence s’acquiert. Mais l’influence est invisible alors que l’autorité, qui renvoie au crédit, a besoin de la visibilité. L’autorité n’exclut pas l’influence.

• Autorité vs Soumission

Soumission (sự phục tùng) :

- Fait de se soumettre, d’accepter une autorité, une loi.

- Action de se soumettre, d’accepter une autorité contre laquelle on a parfois lutté.

La soumission à l’autorité entraîne inévitablement les relations d’influence vis-à-vis de l’autre.

Cette soumission repose sur le constat d’inégalité : inégalité d’expériences entre l’adulte et l’enfant, inégalité de savoir entre les diplômés et les non-diplômés, inégalité de culture entre les natifs et les immigrés…

Malgré ce conditionnement satisfaisant, la soumission n’est pas toujours acceptée par ceux qui la subissent, d’où des plaintes de type « Moi, qui t’ai nourri depuis que tu étais tout petit, tu me fais ça ! », « Moi, qui ai tant fait pour toi, tu me

Page 153: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

143

traites de cette manière ! », « Moi, qui ai trouvé un bon travail pour toi, tu me méprises ! »

• Autorité vs Obéissance

Obéissance (sự vâng lời) :

- Action d’obéir à quelqu’un ou à quelque chose.

- Marques de respect, de dévouement soumis.

Si on obéit, on est dans la bonne voie. Comme la soumission, l’obéissance constitue un des mécanismes de défense du moi contre la crainte de ne pas être aimé. En se soumettant aux ordres, ceux qui adoptent ce mode de comportement se sécurisent.

3. Vocabulaire critique de l’Autorité : Cratopathie

Très souvent on parle d’autorité en mauvaise part : désigner un argument comme un argument d’autorité c’est l’invalider, dire d’une personne qu’elle est autoritaire, c’est la critiquer.

Dans cette rubrique, nous aimerions étudier cratopathie, un néologisme journalistique que nous avons trouvé dans le Courrier International (2006). Impossible de trouver ce mot dans un article de dictionnaire, nous proposons donc de le traiter d’une autre manière. Les explications, les commentaires sont essentiellement inspirés de l’article dont le titre est noté au pied de page courante. Il est aussi important de signaler qu’il y a de l’humour dans ce néologisme.

Le mot cratopathie vient du grec kratos (pouvoir) et pathos (maladie).

Elle est définie comme « la passion compulsive pour toutes les marques, surtout extérieures, de l’autorité »7 qui se déclenche chez certains détenteurs du pouvoir. Le terme est péjoratif, d’autant que l’auteur le remplace par des mots dits négatifs, montrant un déséquilibre, un manque : « soif de pouvoir inextinguible », « symptôme », « pathologie », « ce mal galopant ». Nous proposons une autre appellation : « la maladie du pouvoir »

• Cratopathie domestique

• Cratopathie politique

7 Ce terme se trouve dans l’article « Cratopathie précoce, cratopathie sénile » (Jean-Noël Cuénod), Courrier International, supplément au numéro 811 (Voir en annexe 8)

Page 154: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : Études lexicales du mot Autorité

144

- Cratopathie politique précoce : renvoie aux politiciens « qui, n’étant pas encore au sommet, sont persuadés de s’y trouver déjà ».

- Cratopathie politique sénile : désigne « les dirigeants en fin de mandat et qui s’accrochent avec l’énergie du désespoir aux symboles les plus futiles de leur puissance disparue »

- Cratopathie aiguë : concerne les dirigeants qui se sentent déjà au pouvoir, qui sont frustrés de ne pas encore l’être, qui ne pensent qu’à l’être.

Autres combinaisons possibles : « poussée de cratopathie aiguë », « cratopathie de type berlusconien »8

Antonyme : « céder le pouvoir », « démissionner », « partir sur une bonne impression ».

Récapitulation

L’étude lexicale du mot « autorité » nous a permis de voir dans quelles locutions il entre, quels sont ses synonymes et ses antonymes. Elle nous a aidé à mieux comprendre comment ce terme fonctionne dans ses constructions syntaxiques. Notre plus grande difficulté concerne la traduction en langue vietnamienne parce que ce travail demande chez nous non seulement des connaissances au niveau du vocabulaire mais aussi au niveau culturel. C’est particulièrement le cas du terme « cratopathie », un néologisme dont on n’arrive pas à trouver un article dans le dictionnaire. Il y a aussi quelques syntagmes nominaux dont nous ne trouvons pas facilement un équivalent vietnamien : « autorité de l’expérience » et « autorité de la tradition ». Or ces notions sont d’une grande importance, surtout lorsqu’on étudie l’argument d’autorité.

Dans le chapitre qui suit, nous essaierons d’étudier les différents types d’autorité, en nous basant sur les différentes définitions de ce terme proposées par les sociologues.

8 Berlusconi est cité dans le texte comme le représentant de la cratopathie politique.

Page 155: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

145

Chapitre 2 : Problème de définition

Du point de vue social, on constate l’existence des inégalités de savoir entre les détenteurs de diplômes et les autres, des inégalités d’expériences entre l’adulte et l’enfant ou encore des inégalités de positions sociales entre les différents agents… Ce décalage hiérarchique engendre ce qu’on appelle l’autorité : l’adulte a l’autorité sur l’enfant, l’enseignant sur l’apprenant, l’employeur sur l’employé. Cette question, censée être fondamentale dans tout type de relations sociales, se pose partout, dans la famille, à l’école, dans l’entreprise,… etc.

Dans le cadre de ce chapitre, nous allons essayer dans un premier temps de faire une synthèse de définitions de l’autorité en nous basant sur les travaux des chercheurs relevant de différentes disciplines, à savoir respectivement Max Weber, Freud, Gérard Leclerc, et Gérard Mendel. Dans un deuxième temps, nous étudierons la question de l’autorité dans le milieu scolaire au Vietnam.

1. Qu’est-ce que l’autorité ?

1.1. L'école de pensée de Max Weber : autorité et légitimité

Si nous parlons de la question de l'autorité, il nous faut citer au premier rang le sociologue allemand Max Weber. Pour lui, l’autorité est ce qui fait qu’on obéit à un ordre sans que l’autre ait besoin de recourir à la force, et ce peut-être simplement parce que telle est la loi. Il distingue trois types d’autorités : autorité traditionnelle, autorité légale et rationalisée, autorité charismatique.

a) L'autorité traditionnelle

L’autorité traditionnelle repose sur des croyances anciennes, sur des traditions immémoriales. Cette autorité est considérée comme ayant toujours existé. Prenons comme exemple des pratiques telles que les interdits alimentaires chez les Musulmans, pour qui la consommation de viande de porc est interdite, sur la base d’une tradition très ancienne.

Page 156: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

146

L'impression d'autorité provient donc de l'extrême ancienneté de ce souvenir. C'est en ce sens qu'on dit d'une coutume qu'elle a été consacrée par la tradition.

b) L'autorité légale et rationalisée

Ce type d’autorité trouve son fondement dans la légalité, c’est-à-dire qu’elle est fondée sur un ensemble de règles et de droits faisant l’objet d’un consensus général. Les personnes titulaires de cette catégorie d’autorité doivent généralement disposer d’une sphère précise ou d’un champ de compétence attestée en fonction de principes connus de tous. Autrement dit, cette autorité découle du statut et de la position professionnelle d’un individu. Mais, plus la société évolue, plus cette conception d’autorité légale change. Jusque dans les années 60-70 par exemple, on trouvait tout à fait normal que les élèves obéissent aux professeurs parce que ces derniers occupaient une position hiérarchique supérieure. Dans les sociétés modernes, l’autorité du professeur n’est plus automatiquement acceptée par les élèves comme légitime, au contraire, celui-ci doit savoir négocier avec eux et faire preuve de compétence. Dans cette optique, on peut dire que dans les milieux où la compétence est censée être le facteur prépondérant, l’autorité légale et rationnelle est moins la qualité naturelle d’une personnalité que la qualité qui s’acquiert, et au fur et à mesure, se cultive et se perfectionne.

c) L’autorité charismatique

La troisième catégorie est l'autorité charismatique qui repose sur la reconnaissance d’une société vis-à-vis d’un individu dont les qualités personnelles permettent de le distinguer des autres membres de la société, autrement dit ses caractères exceptionnels lui procurent l’appartenance à l’élite. Napoléon Bonaparte, Charles de Gaulle, Ho Chi Minh et d’autres incarnent ce type d'autorité.

Ces trois catégories d’autorités se combinent presque toujours, étant donné que l’autorité possède rarement un fondement unique. L’autorité légale rationnelle, par exemple, peut trouver sa légitimité dans la tradition, ou bien les deux premières peuvent s’appuyer sur le charisme.

S’agissant de la légitimité, on n’oublie pas de constater que le plus important dans l'approche de Weber, c'est l'identification qu'il propose entre autorité et légitimité. Les gens n'obéiront pas de leur plein gré à ceux qu'ils estiment illégitimes.

Le militaire obéit à son chef, le petit enfant à ses parents, l'ouvrier à son patron... souvent sans réfléchir, sans discuter, sans demander l'explication. Il s'agit là d'une soumission quasi réflexe, inscrite dans l’esprit, le langage et les institutions. Ceux qui ont de l'autorité se sentent justifiés par la religion, l'idéologie, la force des

Page 157: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

147

habitudes et ils peuvent en tirer de sérieux avantages dans la vie quotidienne. Ceux qui subissent l'autorité, quelquefois, ne se rendent pas compte de leur soumission, la vivant comme un fait de nature. Nous obéissons à nos grands-parents, à nos parents, à notre mari (ou à notre femme), à notre chef de bureau, plus généralement à toute personne revêtue d'autorité à nos yeux. On entend très fréquemment dans notre vie quotidienne des propos comme « J'obéis à untel parce qu'il est très compétent dans ce domaine », « parce qu'il est mon supérieur hiérarchique », ou encore « parce que je le juge un grand homme ».

Bien sûr, il faut remarquer que cela ne veut pas dire que l’on obéit aveuglément à l’autorité, qu’il n’y a plus de révolte contre elle. Comme nous l’avons dit plus haut, l’autorité évolue parallèlement avec la société. On tend, en réalité, à passer d’une autorité hiérarchique à une autorité négociée.

De toute façon, l’autorité et la légitimité se trouvent associées terme à terme. Elles représentent deux facettes d’un même contenu, chacune gardant bien sûr sa spécificité. L’autorité, c’est le pouvoir plus la reconnaissance de la légitimité. Dans l’autorité, il y a une condition de sa légitimité, autrement dit, « la légitimité est la source et la justification de l'autorité » en termes de Bastide (cité dans Mendel, 2002 : 37).

1.2. L'école de pensée de Freud

Si Weber détermine la question de l'autorité par les conditions du pouvoir, Freud met l'accent sur le processus de la naissance de l’autorité au cours du développement de l’enfant. Son constat consiste à dire que l’enfant a un impérieux besoin d’amour et que par la crainte de le perdre, il se soumet et obéit.

Il nous présente aussi des images de l'autorité qui se sont formées dans l'enfance et ont persisté dans la vie adulte. D’après lui, dans notre enfance, chaque action de nos parents a contribué à l'image que nous nous sommes faite de leur force. Au début, l'enfant a tendance à imiter le parent de même sexe que lui. Le petit garçon veut prendre la place de son père, la petite fille la place de sa mère.

Plus tard, les adolescents refusent d'obéir à leurs parents mais ils attendent toujours que ces derniers prennent soin d'eux chaque fois qu'ils ont des difficultés.

La conception de l'autorité de Freud, hantée par des images infantiles de la force, a fortement influencé des chercheurs en sciences sociales. Ces derniers ont essayé de montrer dans leurs ouvrages quels mécanismes psychologiques permettent aux représentations infantiles de la force de persister dans la vie adulte.

Page 158: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

148

Nous empruntons l’exemple cité dans Mendel (2002) pour illustrer ce propos. La situation est la suivante : un conducteur de voiture se voit interpellé par un agent de police. Bien qu’il ne s’agisse que d'un simple contrôle et que le conducteur soit en règle, on n’est pas sûr qu’il garde toujours un calme intérieur parfait. La raison principale se trouve dans l’inégalité relationnelle. En effet, les éléments qui représentent l’autorité sont nombreux.

• Il y a tout d'abord la situation sociale :

- L'uniforme indique qu'il s'agit du « représentant de la loi », d’un fonctionnaire dit « d’autorité ». Cet uniforme est porteur d'une autre signification : il place la situation dans un rapport d'asymétrie. Il y aura, dans le face à face, celui qui pose la question, qui formule des demandes, et l'autre qui devra répondre et présenter des documents exigés.

- La force matérielle : l'homme en uniforme porte en évidence une arme et dans certaines limites, la société lui donne le droit de se servir d'elle.

• Ensuite vient l'attitude physique de l'agent (expressions du visage, raideur du corps exprimant la gravité, la contention et une grande neutralité affective)

- La voix elle même n'exprime aucun sentiment (la voix froide), les phrases prononcées d'un ton très ferme, dans la vie courante, apparaîtraient offensantes par leur froideur.

- Niveau corporel : l'agent se déplace, fait le tour du véhicule, vérifie la plaque d'immatriculation, s'assure de l'état des feux et des phares, et peut-être demande que le coffre soit ouvert. De plus, l’agent est debout et, souvent, le conducteur dans la voiture, assis, donc dominé physiquement par la hauteur du policier. Et l’automobiliste, attaché par la ceinture, se sent comme ligoté…

Tous ces éléments induisent dans le vécu du conducteur. Ils le ramènent vers l'époque de l'enfance et, plus particulièrement, vers le côté inquiet de celle-ci. Il se rappelle des personnages de son passé, dont le visage, en cas de faute, pouvait devenir ferme, inexpressif ou bien sévère. Ce sont eux qui, avec la voix froide, étaient en droit de poser des questions et d'exiger des réponses précises. Ils pouvaient aussi vérifier sa tenue, tournant autour de son corps comme l’agent de police autour de sa voiture… Tous ces souvenirs d’enfance créent chez le conducteur contrôlé le sentiment présumé d'une faute et donc, un malaise, une inquiétude. C'est aussi le facteur fondamental qu'introduit toute relation d'autorité.

Page 159: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

149

1.3. Gérard Mendel : la relation d'autorité, relation hiérarchique

Toujours à propos de la conception « autorité », Gérard Mendel, psychanalyste et sociologue, dans son ouvrage intitulé « Une histoire de l'autorité : Permanences et variations » (2002), a fait la distinction entre l'autorité personnelle et l'autorité sociale.

Si l'autorité personnelle d'un homme est quelque chose de naturel et d'inné, l'autorité sociale est de nature institutionnelle. Cette dernière est avant tout une fonction sociale et possède un rôle social. Elle est considérée comme nécessaire au fonctionnement social, car aucune société ne peut exister sans hiérarchie et il n’y a pas de hiérarchie sans autorité. L’autorité sociale, par conséquent, est fonctionnelle dans la mesure où elle sert à « faire marcher » les hommes et les choses.

L'exemple du conducteur face à l'agent de police suffit à illustrer le cas de l'autorité sociale. De même, au tribunal, le juge, assis en hauteur par rapport au prévenu ou au témoin, porte lui aussi un uniforme et parle de haut. Ou bien l'image du professeur qui traditionnellement domine la classe depuis l'estrade, la couleur blanche de la blouse du médecin à l'hôpital,… tout cela représente l’autorité sociale.

Comme nous l’avons dit plus haut, la relation d’autorité est une relation hiérarchique, ce qui est toujours vrai qu'il s'agisse d'une hiérarchie rigoureusement définie, comme dans les organisations bureaucratiques, ou d'une hiérarchie souple, voire confuse, comme c'est le cas dans les groupes où l'autorité repose essentiellement sur le prestige et l'influence. Ce caractère engendre alors l'asymétrie des rôles dans la mise en scène des conversations. En d’autres termes, on peut dire que la hiérarchie constitue une « ligne » le long de laquelle sont inscrits des rapports de subordination et de dépendance : tel poste est subordonné à tel autre, tel individu est soumis aux ordres et au contrôle de tel autre. C’est là la caractéristique fondamentale de la relation d’autorité.

Jusqu'à maintenant, on entend généralement par autorité la propriété du pouvoir. Elle est caractérisée « comme la variété du pouvoir qui assure l'obéissance des subordonnés sans user de la force manifeste, de la contrainte physique, de la menace explicite, et sans avoir à fournir justifications, arguments ou explications » (Gérard Mendel, 2002:26).

Pourtant, pendant des siècles, l'autorité a porté une autre signification. Elle a censé être la capacité de certains individus appartenant au monde de la haute culture textuelle : des auteurs, des « énonciateurs », qui commandent le respect et la

Page 160: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

150

confiance, qui persuadent les lecteurs de leur crédibilité. Il s’agit là de la relation entre l’autorité et le savoir que nous allons développer dans les lignes qui suivent.

1.4. Gérard Leclerc : Autorité et savoir

Le sociologue Gérard Leclerc, dans son ouvrage intitulé « Histoire de l'autorité : L'assignation des énoncés culturels et la généalogie de la croyance » (1996), parle de l'autorité institutionnelle et de l'autorité énonciative tout en mettant l'accent sur l'autorité énonciative ou l'autorité discursive.

L'autorité institutionnelle est définie comme :

« le pouvoir légitime dont dispose un individu (ou un groupe) d'imposer l'obéissance à ceux qu'il prétend diriger ; c'est encore, dans une organisation, le pouvoir de prendre des décisions qui engagent l'activité de subordonnés ; c'est même, en un sens plus restreint, la ligne de commandement qui existe dans une entreprise ou une administration » (1996 : 7).

L'autorité énonciative,

« c'est le pouvoir symbolique dont dispose un énonciateur, un auteur, d'engendrer la croyance, de produire la persuasion, c'est encore le pouvoir d'un texte, d'un énoncé, d'un discours d'être persuasif, d'engendrer la croyance, de se transformer en croyance » (1996 : 8).

En ce sens, l’autorité énonciative renvoie à la « crédibilité » ; on parle alors de la crédibilité d’un penseur, de la crédibilité d’une théorie… Ce critère est évalué par le lecteur, en principe, sur la base des énoncés antérieurs lus et appréciés.

Bien qu’elles soient distinctes, ces deux formes d'autorités sont liées l’une à l’autre. Parlant de l'autorité énonciative, c’est-à-dire de l'autorité intellectuelle des « penseurs » ou de l'autorité culturelle des « textes », il ne faut pas négliger l'autorité des institutions. En fait, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de comprendre la nature de l’autorité énonciative sans vérifier la crédibilité d’un individu, d’une œuvre par le biais des actions et des réactions des autorités officielles, à savoir des États, des Églises, des Académies ou des Universités,… qui ont en charge et gèrent socialement l’énonciation de la vérité.

Revenons un peu sur l'origine du mot autorité. Ce mot vient du latin autocritas, lui-même dérivé d'auctor (auteur). L'idée d'autorité implique donc l'idée de production.

En ce sens, Gérard Leclerc parle du concept de signature. Quel est donc le rapport entre l'histoire de l'autorité et le concept de signature ? Quels liens existent

Page 161: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

151

entre l'autorité énonciative entendue comme crédibilité et l'auctorialité entendue comme nom de l'auteur ?

On est tous d’accord pour dire qu’un énoncé a toujours une source individuelle et une origine déterminée. L’autorité énonciative, quant à elle, est intimement liée à la qualité et à la vérité de l’énoncé. Entre la signature de l’auteur et la qualité de l’énoncé, il existe une relation étroite. De même, il existe un lien entre le nom du créateur et la qualité de son œuvre. En termes de Leclerc, « croire c'est savoir qu'on croit et savoir pourquoi l'on croit » (1996 : 19). C’est pour cette raison que les lecteurs ont toujours tendance à poser des questions sur l'origine historique, sur la source individuelle de l'oeuvre énonciative, sur les caractéristiques de l’auteur supposé et de l’institution qui le patronne. Les questions telles que Qui t'a dit cela ? Comment le sais-tu ? Dans quel journal as-tu appris cette information ? Quel est l'auteur de l'article ? Tu l'as entendu à la télévision ? Sur quelle chaîne ? Tu fais confiance à cette chaîne ? Ce texte dit-il vrai ? Cet énoncé est-il exact ? Cette oeuvre est-elle originale ? L’auteur de l’article est-il connu ? Est-il un spécialiste dans le domaine où il travaille ? A-t-il déjà produit des recherches importantes ?... se rencontrent souvent dans la vie quotidienne. Elles visent à évaluer la validité des affirmations, ce qui deviendra une sorte de garantie de qualité pour gagner la confiance du lecteur.

Pour conclure, nous empruntons le propos de Leclerc :

« L'histoire de l'autorité n'est pas une histoire des idées, c'est-à-dire des énoncés auxquels adhèrent ou ont adhéré les hommes à un moment donné, mais une histoire de l'enracinement sociale des idées » (1996 : 18).

L'autorité énonciative qu’on peut aussi appeler l’autorité intellectuelle n'appartient pas au passé. Au contraire, elle continue à occuper une place importante dans les secteurs les plus avancés de la recherche scientifique. (Voir « argument d’autorité »).

1.5. Récapitulation

Nous venons de faire une synthèse de différentes définitions d’autorité proposées par des chercheurs relevant de nombreux domaines de recherche.

Bien que chaque école de pensée adopte une vision particulière vis-à-vis de cette notion, elles partagent toutes les points suivants :

- L’autorité joue un rôle important dans la vie sociale pour ne pas dire qu’elle est indispensable pour le fonctionnement d’une société.

Page 162: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

152

- L’autorité a besoin de la légitimité.

- La relation d’autorité est une relation d’inégalité entre le détenteur de l’autorité et celui sur lequel elle s’exerce.

- Le rapport d’autorité est un rapport d’influence. Différente du pouvoir qui fait obéir par plusieurs moyens y compris par la force, l’autorité s’exerce pour influencer les comportements de l’autre et obtenir son obéissance sans avoir recours à la contrainte physique.

- Tous les types d’autorités sont complémentaires : L’autorité légale-rationnelle trouve sa légitimité dans la tradition, l’autorité personnelle a plus de poids si elle est attestée par le biais d’une institution, l’autorité énonciative est évaluée par les autorités officielles…

2. L’autorité dans le milieu scolaire vietnamien

Dans cette partie, nous allons étudier la question de l’autorité dans le milieu scolaire au Vietnam. Cette étude vise à répondre aux grandes questions suivantes : « L’autorité a-t-elle sa place à l’école ? », « Quelles sont les représentations de l’autorité dans les établissements scolaires vietnamiens ? » et « Comment se manifeste l’autorité dans le rapport enseignant-enseigné ? ».

2.1. Autorité et espace scolaire

2.1.1. L'Oncle Ho, incarnation de l'autorité charismatique

Différente de la société française, qui est une société à éthos égalitaire, la société vietnamienne est, elle, à éthos hiérarchique. La hiérarchie se trouve non seulement dans la relation entre supérieur et inférieur mais se voit aussi dans la décoration du milieu scolaire. Partout dans les établissements scolaires, depuis le niveau élémentaire jusqu'au niveau universitaire, dans le bureau du directeur, dans l'espace réservé aux professeurs, dans les amphithéâtres et dans les salles de classe, la photo du Président Ho Chi Minh occupe toujours la place la plus respectée. Nous remarquons également que dans la salle de cours, au-dessous de la photo du Président (que les enfants vietnamiens appellent par un nom affectueux « l'Oncle Ho ») sont toujours collées sur le mur ses pensées presque apprises par coeur par toutes les générations de professeurs et d'élèves vietnamiens. Vous vous posez

Page 163: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

153

probablement la question : Pourquoi s’agit-il de la photo du Président Ho Chi Minh et non pas de celle d'autres Présidents ? Parce que la vie de cet homme est une vie exemplaire, et c'est lui qui est la première et l'unique personne qui ait trouvé la voie pour sauver le peuple vietnamien de deux grandes guerres sanglantes. Il est considéré comme le grand-père et le père dans la famille et non pas comme un Président au sens propre. C'est aussi pour cette raison que sa lettre, écrite aux enfants vietnamiens il y a longtemps, est encore lue aux écoliers à l'occasion de la rentrée scolaire. A la fin de l'année scolaire, en se basant sur les résultats, les meilleurs élèves méritent d'obtenir le titre « Cháu ngoan Bác Hồ » (le bon enfant de l'Oncle Ho).

Revenons à la décoration des milieux scolaires : si dans la salle de classe se trouvent la photo et les pensées du Président, dans le bureau du directeur de l'école ainsi que dans la salle des professeurs se rencontrent par ci par là, à côté des énoncés de ce type, des slogans tels que « Đảng Cộng sản Việt Nam quang vinh muôn năm » ( Vive le Parti Communiste), « Sống, chiến đấu, làm việc và học tập theo gương Bác Hồ vĩ đại » (Vivre, lutter, travailler et étudier tout en suivant l'exemple du Président Ho Chi Minh).

Les exemples ci-dessus suffisent à constater que l'image de l'Oncle Ho, aux yeux des Vietnamiens, est l’incarnation de l'autorité.

2.1.2. Manifestation de l'autorité dans la hiérarchie de l'espace

Comme dans les écoles françaises, dans les écoles vietnamiennes il y a une hiérarchie de l'espace. L'occupation d'un espace donné établit la différence entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent : nous avons le bureau du directeur et l'espace réservé aux professeurs. Au niveau de la salle de classe, l'espace est aussi structuré et hiérarchisé. D'un côté, l'estrade délimite l'espace de l'enseignant. Cependant, il importe de dire que l’enseignant actuel, notamment celui dans les classes de langues, ne se contente pas de donner des cours depuis l'estrade, il circule dans la classe, entre des groupes d'élèves afin de les aider en cas de difficultés. D'un autre côté, la distribution des places et le fait que les élèves s'y fixent établissent entre eux une hiérarchie fondée sur le mérite scolaire : les mauvais devant et les bons au fond de la classe. Bien évidemment, un bon élève peut être assis à côté d’un élève plus faible, cette fixation des places est variable en fonction de l’enseignant. Il s'agit là des classes du niveau secondaire et du lycée. Quant au niveau supérieur, le choix des places devient plus occasionnel, cependant les meilleurs préfèrent s'asseoir près du bureau du professeur, ce qui favorise la captation du savoir et facilite les échanges enseignant-enseigné. Bien sûr, il faut remarquer que les élèves préfèrent se

Page 164: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

154

placer près des professeurs qu’ils trouvent dévoués, enthousiastes et compétents, bref dotés d’autorité professorale, c’est-à-dire grâce à qui ils peuvent apprendre quelque chose et qui permettent leur engagement dans l’activité d’apprentissage par le biais des encouragements et des sollicitations de prises de parole. Nous allons revenir prochainement sur ce point.

2.1.3. Autorité traditionnelle : cérémonie du salut du drapeau

L’histoire de l'autorité ne s'arrête pas là. Au Vietnam, à l'échelle nationale, sauf au niveau universitaire, tous les lundis, les élèves et aussi les professeurs doivent porter des uniformes parce que le lundi commence toujours par le salut du drapeau qui est suivi du chant de l’hymne national.

La question d'autorité n'est donc pas quelque chose d'abstrait, elle s'intègre dans notre vie de façon naturelle dès que nous sommes tout petits sans nous laisser la reconnaître.

Passons maintenant à la relation pédagogique entre professeur et élève qui est perçue comme l’élément central de la communauté scolaire.

2.2. Autorité et relation professeur-élève

Beaucoup d'éducateurs et de pédagogues d'autrefois ont écrit et proclamé que « l'éducation doit nécessairement être fondée sur l'autorité, qu'on doit contraindre l'enfant pour qu'il apprenne l'obéissance, qu'il doit apprendre l'obéissance pour être bien élevé, qu'il doit être bien élevé pour devenir un adulte adapté » (Lobrot, 1973 : 10).

La citation ci-dessus reste-elle toujours valable au Vietnam ? Nous allons donc analyser la relation pédagogique.

Cette relation est définie par Maria Teresa Estrela dans « Autorité et discipline à l’école » (1994) comme :

« le contact établi entre les intervenants d'une situation pédagogique et le résultats de ces contacts. Au sens large, la relation recouvre tous les intervenants directs et indirects du processus pédagogique : élèves-professeur, professeur-professeur, parents-professeurs... Dans un sens restreint, elle recouvre la relation professeur-élève et élève-élève à l'intérieur des situations pédagogiques » (1994 : 36).

Page 165: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

155

Dans le cadre de notre travail, c’est surtout la première relation qui nous intéresse.

2.2.1. Les maîtres, une image parentale pour les petits élèves vietnamiens

Pour les petits enfants, le premier jour où ils vont à l'école maternelle, c'est aussi la première fois qu’ils quittent la famille pour subir et établir des liens nouveaux avec des maîtres et des camarades.

Dans la famille, le père constitue un facteur d'équilibre familial. Sa présence empêche la mère de centrer toutes ses préoccupations sur l'enfant car, pour elle, celui-ci est considéré comme le centre de l'univers. Avant tout, le père est pour les enfants le prototype de l'homme, et la mère le prototype de la femme. Le père représente la sécurité qui se manifeste extérieurement par la fermeté de son caractère et la stabilité de son humeur. La mère, quant à elle, représente l’amour, l’affection, la douceur. Son sentiment pour ses enfants se manifeste par de grandes démonstrations de tendresse. Quand l'enfant entre à son tour dans la société par la porte de l'école, il va donc transférer sur ses maîtres les sentiments qui le lient à ces images parentales. Le maître, symbole de l'autorité, réveille chez l'enfant ses réactions à l'égard de l'image paternelle. Et la maîtresse, par la voix douce et des gestes de tendresse, remplace l'image maternelle. A l'école maternelle ainsi qu'à l'école primaire, elle s'occupe de chaque élève. Elle lui pose des questions empressées du type As-tu un souci aujourd'hui ? Qu'est-ce que tu as ? Ça ne va pas aujourd'hui ? Elle se montre attentive à la vie intérieure de ses élèves. Tout en jouant le rôle de la mère dans la famille, elle s'intéresse au repas et au sommeil des petits. Elle prend plaisir à leur lire une petite histoire pour les endormir à l'heure de la sieste.

Il arrive souvent que le maître ou la maîtresse vérifie si les plus grands vont en classe avec suffisamment de matériels (trousse, cahier,...) ou ramasse des copies au hasard pour la correction et la notation.

De toute façon, il y a une différence entre la famille et l'école. Dans la famille, l'enfant est symboliquement et physiologiquement le produit du père et de la mère. Dans le milieu scolaire, il n'est qu'un membre du groupe soumis à une autorité professorale. Il lui est donc plus facile de prendre de la distance à l'égard du maître et des camarades.

Page 166: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

156

2.2.2. Conception de l'autorité selon la pédagogie traditionnelle

La pédagogie traditionnelle est marquée par le fait que l’apprenant, au lieu de construire lui-même ses futurs savoirs guidés par son professeur, avait pour mission d’en absorber une quantité massive sans forcément en comprendre le sens.

Cette pédagogie réserve la place centrale à la parole professorale. Elle a pour objectif d’établir « une relation de dominant - dominé, fondée sur la différence des statuts et révélatrice de l'infériorité et de la minorité de l'élève » (Maria Teresa Estrela, 1994 : 22).

Pourquoi le professeur est-il en position dominante alors que ses élèves se trouvent en position dominée ?

Maria Teresa Estrela l’explique en affirmant que le professeur du passé a tendance à privilégier l’« organisation monarchique de la salle de classe » (1994 : 22). Il a le droit de sélectionner le savoir et les moyens pour accéder à ce savoir. Il est la seule personne à dicter les règles, à contrôler les comportements et à superviser les relations humaines dans la salle de classe. C'est aussi lui qui détermine les critères d’évaluation, c’est-à-dire les critères de ce qui est bon, vrai, beau, utile et correct. En outre, la relation pédagogique traditionnelle, centrée sur le verbe professoral, exige de l'ordre et de la discipline pour que le message ne soit pas perturbé par des bruits. L'élève doit donc obligatoirement se taire, être sage, attentif, obéissant et respectueux. Ce dernier n’a droit à la prise de parole que quand il est invité à le faire.

Imaginons que nous sommes dans une salle de classe ! Une telle atmosphère favorise-t-elle des échanges professeur-élève et vice versa, élève-professeur ? De notre propre expérience, nous constatons que le pauvre élève, placé dans une situation absolument passive, devient plutôt « récepteur humble et obéissant étant donné son âge et son statut d'infériorité culturelle » (Maria Teresa Estrela, 1994 : 38) tandis que le professeur demeure « émetteur du savoir et gardien des valeurs traditionnelles » (id., 1994 : 38). Ces deux images nous poussent à penser d'un côté à l'image d'un élève soumis et d'un autre côté à celle d'un professeur autoritaire.

Malgré ces critiques, nous ne pouvons pas nier que le contact entre l'enseignant et l'enseigné, c'est toujours le contact s'établissant entre celui qui détient le savoir, et qui a été socialement délégué pour le transmettre, et celui qui doit l'acquérir. Il ne s'agit pas ici d'un savoir quelconque, mais d'un « savoir socialement déterminé, un savoir qu'une société donnée considère utile à sa préservation et à la réalisation de ses objectifs » (id., 1994 : 36)

Page 167: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

157

Autrefois, à l'époque où le professeur était le dépositaire presque exclusif du savoir transmis à l'école, son autorité se fondait sur ce savoir et il devenait sans doute détenteur d'un charisme particulier.

2.2.3. Nouvelle conception de l'autorité

A l'heure actuelle, le rôle de l'enseignant cesse d'être celui du seul émetteur de connaissances. Il devient le gestionnaire de l'apprentissage et le stimulateur du développement cognitif et socio-affectif des élèves. L'école actuelle, en fait, n'assure pas seulement la transmission du savoir mais doit aussi encourager la recréation du savoir.

Avec le développement de la technologie et des moyens de communication, l'école n'est pas le seul lieu où l'élève peut acquérir de la connaissance. Une grande part de son bagage intellectuel est acquise hors de l'école. C'est pourquoi l'image traditionnelle du professeur, qui est tellement routinier et accommodé à une fonction de transmission de savoir, a tendance à disparaître pour céder la place à un professeur plus dynamique et plus intervenant. Ce dernier, sans perdre sa fonction d'expert dans une discipline, devient aujourd'hui un assistant de l'apprentissage et un animateur du travail en groupe. Aussi, la relation entre enseignant-apprenant, sous forme de relation traditionnelle de domination- soumission, est-elle remplacée par la relation de type respect mutuel qui fonde une nouvelle convivialité entre eux. Nous reviendrons sur cette question plus tard tout en analysant notre expérience durant nos premières années d'enseignement au Vietnam.

Avant de passer à une autre idée, nous voudrions conclure que le pouvoir du professeur, quoi qu'il en soit, se fonde essentiellement sur le pouvoir légitime ainsi que sur le pouvoir de l'expert parce qu'il incarne l'autorité sociale et l’autorité dite de compétence, y compris la compétence scientifique et pédagogique, étant donné sa fonction de transmission culturelle.

2.2.4. Autorité et discipline

Revenons maintenant à la question de « respect mutuel » dont nous avons parlé précédemment.

Si nous parlons de l'autorité en milieu scolaire, il ne faut pas nous passer de la « discipline ». Cette dernière « ne pourra jamais être obtenue avec des ordres » mais elle est « le résultat du respect des lois naturelles, de principes de travail et de liberté » (Maria Teresa Estrela, 1994 : 23). En d'autres termes, l'autorité du

Page 168: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

158

professeur ne signifie pas du tout que celui-ci doit donner des ordres, formuler des interdictions ou punir les élèves. Au contraire, elle consiste à créer un cadre, expliciter des règles contribuant à assurer le respect de l’un et de l’autre, car il n’y aura pas de transmission du savoir dans la confusion, ni d’apprentissage dans le bruit et le désordre. Toutes les activités d’apprentissage doivent s’effectuer avec un minimum d’organisation.

• 1ere expérience : Une autorité suffisante mais non excessive !

Je me souviens toujours de mes premiers jours d'enseignement. La première fois où je suis entrée dans la salle de classe, il n'y a eu que quelques étudiants qui se sont levés pour me saluer. La plupart d'entre eux sont restés assis et se sont demandé si j'étais vraiment professeur. Pour eux, j'étais sans doute quelqu'un de trop jeune pour être chargée des cours de français à l'Université. Certains d’entre eux ont même essayé d'établir le lien de « copains » plutôt que le lien enseignant-enseigné avec moi. J'ai bien compris à ce moment-là qu'ils n'avaient pas du tout confiance en moi. Ils n'arrivaient pas à croire qu'une jeune comme moi soit capable de leur donner des explications satisfaisantes. Les jours suivants ont été des jours vraiment difficiles pour moi. Quelques étudiants arrivaient souvent avec dix minutes de retard. Pire encore, quand ils étaient à leur place ils sortaient très lentement leurs affaires tout en alimentant des conversations sans aucun rapport avec le cours. Ils bavardaient, ils blaguaient, ils riaient... Le cours se déroulait avec un bruit de fond. Je peux dire qu’il n’était pas efficace.

J'ai donc demandé, à l'heure de la pause, à quelques élèves sages de la classe pourquoi certains avaient adopté un tel comportement dans mes cours. Une élève m'a répondu que j'étais trop sympathique et un autre a ajouté que je manquais d'autorité. J'ai ensuite essayé de demander des conseils auprès de mes collègues qui avaient été mes professeurs, ayant des expériences vis-à-vis des élèves difficiles. Leurs propositions étaient variées. Les uns m'ont dit qu'il me fallait être sévère, les autres m'ont conseillé de recourir à des sanctions, à l'exclusion de la salle de classe par exemple. Alors comment me faut-il agir face à ces apprenants ? Je n'ai pas aimé et je n'aime pas, jusqu'à présent, ces formes de punitions parce que mes élèves sont déjà majeurs. D’ailleurs, je ne pense pas que l’autorité soit efficace si l’enseignant se transforme en une machine à distribuer les punitions. L'exclusion de la salle de classe risque, en effet, d'aggraver, non seulement chez l'individu en question mais encore pour toute la classe, des attitudes agressives. Et la conséquence est le manque de confiance envers l’enseignant. Alors, j'ai décidé de leur parler. Au début, la communication n’était pas facile. J'ai essayé de telle sorte qu'elle ne tourne pas au conflit tout en appliquant des remèdes qui touchent à la psychologie des élèves. Je

Page 169: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

159

les ai aidés à mieux voir leurs défauts sans oublier de souligner leurs qualités pour les encourager à travailler. J'ai enfin réussi. La situation de la classe s'est nettement améliorée les jours suivants. Les élèves se montraient plus sympathiques avec moi.

L'expérience m'a montré que les élèves, d’une part, n'aiment pas les enseignants qui manquent d'autorité, et d’autre part, n'aiment pas non plus ceux qui en abusent. Ils trouvent nécessaire qu'il y ait une discipline bienveillante, une autorité suffisante mais non excessive pour leur permettre de structurer leur personnalité. Ils aiment que l'enseignant suggère mais n'ordonne pas. Dès lors, la participation au bon déroulement du cours ne leur paraît plus comme une contrainte désagréable mais comme une tâche qu'ils remplissent avec bonne volonté.

• 2e expérience : L’autorité de compétence, facteur important dans l’acte éducatif !

Cette expérience révèle encore un autre problème que l’on rencontre souvent et qui est l'origine de désordre et d'indiscipline dans la classe. C’est « l'ennui ». Multiplier les activités différentes permet de lutter contre cet ennui. En fait, les élèves sont très sensibles à la surprise et apprécient qu'une partie de l'apprentissage prenne la forme d'un jeu. Étant consciente de ce désir, je pratique fréquemment avec eux la recherche du vocabulaire sous forme de mots croisés. Ce jeu mobilise l'intelligence et la mémoire des élèves. Je privilégie ce style d'exercice au début du cours, moment difficile où les esprits embrumés entrent avec peine en apprentissage. J'ai recours quelquefois aux chansons françaises. Il s'agit pour les élèves de bien écouter l'enregistrement et par la suite de remplir les trous ou, plus difficile encore, de transcrire la parole. J'estime que cette activité est bien efficace pour les entraîner à la compréhension orale. Pourtant, je ne recours à ce type d’exercice qu'au dernier moment du cours, moment où la fatigue et la faim commencent à influencer l'ambiance de la classe.

La créativité du professeur encourage les élèves à travailler. Ces derniers, n’étant pas devant la répétition d'un modèle routinier, retrouveront l'appétit d'apprendre.

Je me rappelle d'un souvenir lors de ma dernière année universitaire. A l'époque, ma classe comprenait une vingtaine d’étudiants reconnus au département pour ne pas être soumis à un mode de communication arbitrairement imposée. Un jour, notre professeur de français, qui était aussi professeur responsable de la classe a eu l'idée de nous faire participer à l'évaluation. Curieux de savoir comment nous sommes évalués, nous nous sommes tous mis au travail avec beaucoup d’enthousiasme : le devoir fini, le professeur nous a donné des critères d'évaluation. A notre tour, nous sommes devenus responsables de la notation. Cette proposition

Page 170: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

160

du professeur a soulevé chez nous l’intérêt et les stimulations et nous avons pris notre rôle très au sérieux. Certes, la séance a duré l'heure entière et notre professeur avait du mal à faire régner l'ordre mais le cours a été loin d'être ennuyeux.

Actuellement, en tant qu'enseignante, je trouve aussi très efficace l'auto-évaluation. Demander aux apprenants de se juger eux-mêmes les oblige à mieux connaître les critères d'évaluation. De plus, en les considérant comme des personnes capables de s’évaluer, le professeur leur donne l'occasion de devenir plus responsables et autonomes. En outre, l’application de cette démarche s’avère intelligente en ce qui concerne son caractère légèrement ludique qui plaît aux apprenants.

Cette expérience montre qu'il est tout à fait possible de rendre les élèves actifs dans le processus d'apprentissage et d'utiliser le groupe pour favoriser la responsabilité de chacun. Le professeur peut faire preuve d'autorité devant la classe sans punir les élèves. C'est là une nouvelle forme d'autorité.

Il est à souligner que la mise en place d'une discipline librement acceptée par les élèves demande de la part du professeur une réorganisation du contenu de séance et quelquefois la nécessité d'introduction dans la salle de classe d’un matériel auquel l'élève pourrait avoir accès et qu’il pourrait manipuler. Les élèves ne peuvent soutenir leur attention que si le cours éveille leur intérêt, stimule leurs connaissances et les maintient en activité. Il s'agit là précisément de l'« autorité de compétence » du professeur.

De nos jours, le professeur doit être « un technicien muni d'un ensemble de compétences de nature didactique et relationnelle, en plus de la compétence relative aux contenus des disciplines enseignées » (Maria Teresa Estrela, 1994 : 91). Il s'agit là de savoir motiver, susciter l'intérêt chez l'apprenant et aussi de se faire respecter, respecter les élèves, autrement dit d'être en bons termes avec eux.

Bref, le modèle de professeur actuel, c'est quelqu'un qui enseigne bien, qui a de l'autorité sans être autoritaire, qui est un grand ami des élèves, compréhensif et juste.

2.3. Récapitulation

L’autorité occupe donc une place fondamentale à l’école pour ne pas dire qu’elle est nécessaire au fonctionnement de l’éducation. En vue de valider notre thèse, nous empruntons la définition du pédagogue B. Robbes selon laquelle l’autorité ou plutôt l’« autorité éducative » est :

Page 171: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

161

« une relation statutaire asymétrique dans laquelle l’auteur, disposant de savoirs qu’il met en action dans un contexte spécifié, manifeste une volonté d’exercer une influence sur l’autre reconnu comme sujet, en vue d’obtenir de sa part et sans recours à la contrainte physique une reconnaissance que cette influence lui permet d’être à son tour l’auteur de lui-même » (Robbes, 2006)

En ce sens, l’auteur arrive à la conclusion : « L’autorité est par essence éducative. L’autorité est synonyme d’éducation » (id., 2006).

L’enseignant, pour comprendre et aider efficacement les élèves dans leur processus d’apprentissage, doit mettre en place les gestes professionnels correspondant à 3 formes d’exercices de l’autorité pédagogique : faire preuve d’autorité, avoir de l’autorité et faire autorité, c’est-à-dire qu’il doit être capable de superviser le groupe classe, d’intervenir à temps sur une situation (situation de conflit par exemple) pour assurer le bon ordre et la bonne entente entre les sujets apprenants. Il doit savoir animer le groupe classe, créer suffisamment de conditions permettant l’engagement de l’élève dans l’activité d’apprentissage tout en lui adressant des encouragements, des sollicitations. Enfin, l’enseignant doit également séduire l’élève par ses compétences et son expertise. Il doit être capable de lui faire comprendre les caractéristiques de sa spécialité pour pouvoir échanger avec lui tout en transmettant des connaissances et éveillant en même temps chez lui l’attention et la curiosité. Autrement dit, l’enseignant doit représenter en même temps 3 images qui sont respectivement celle de « l’arbitre », celle du « leader » et celle de « l’expert ». L’autorité professorale, ce n’est pas quelque chose d’inné ; elle s’acquiert et se développe. L’exercice de l’autorité nourrit la compétence professionnelle.

L’apprenant, dans cette relation pédagogique, joue aussi une place considérable. Il importe qu’il se soumette et obéisse… pour assurer le bon déroulement de l’acte éducatif. Mais, il est sans doute nécessaire qu’il existe comme l’auteur de lui-même, c’est-à-dire comme un sujet éducable qui se construit progressivement par la prise, au fur et à mesure, de responsabilités. Il doit être dynamique dans le processus d’acquisition des savoirs et des savoir-faire. L’autorité de l’enseignant est nécessaire pour engager la relation didactique mais la soumission totale de l’élève est considérée comme obstacle au processus d’apprentissage pour ne pas dire génératrice de ses difficultés scolaires. L’élève n’arrivera jamais à une bonne réussite scolaire s’il ne refuse pas de faire semblant qu’il comprend tout ce que dit l’enseignant, ayant peur que ce dernier soit toujours derrière son dos pour lui indiquer ses erreurs.

Page 172: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

162

3. Autorité dans l’interaction

Avant de parler de l’autorité dans l’interaction, nous rappelons que Kerbrat-Orecchioni distingue les 3 types d’interaction :

- Interaction égalitaire sans hiérarchie : interaction entre des amis.

- Interaction dissymétrique sans hiérarchie : interaction vendeur-client

- Interaction dissymétrique avec hiérarchie : interaction professeur-élève

Parler de l’autorité dans l’interaction, c’est parler du « rapport de places ». Cette notion, proposée par Kerbrat-Orecchioni, renvoie à l’idée que dans une situation d’interaction, les participants peuvent se trouver en un lieu différent sur l’axe de la relation interpersonnelle. Autrement dit, l’un d’entre eux prend la position « haute », de « dominant » et l’autre, la position « basse », de « dominé ». Prenons comme exemple le cas d’un entretien d’embauche. La personne qui se trouve occuper une position haute, c’est celle qui occupe, la plupart du temps, l’espace discursif, qui prend des initiatives, qui pose des questions, qui est également le principal responsable de l’ouverture et de la clôture des unités conversationnelles. Au contraire, la personne qui est mise en position basse est celle qui se tait, qui accueille « sagement » ce qui lui est proposé, voire de faire ce qu’on lui propose.

Dans cette optique, on dit alors que le rapport de place fonctionne dans des interactions inégalitaires, comme par exemple les échanges entre le supérieur et le subordonné, entre les locuteurs natifs et les locuteurs non natifs, entre l’adulte et l’enfant… Pourtant, il est important de noter que ce rapport de place ne reste pas toujours tel qu’il est tout au cours du déroulement de l’interaction. Par contre, il peut devenir, comme le dit Kerbrat-Orecchioni, l’objet de « négociations » permanentes entre les différents partenaires de l’échange, d’où la mise en œuvre de stratégies organisant le conflit discursif.

Très nombreux sont les éléments qui déterminent ce système de place, à savoir les indices non verbaux, les indices para-verbaux (l’apparence physique de l’interactant, l’organisation proxémique de l’espace communicationnel,…), les données prosodiques (la hauteur du volume, le débit…), les indices verbaux. Ces facteurs entrent dans une catégorie qu’on appelle les « taxèmes de place ».

Dans le cadre de notre travail, nous nous intéressons particulièrement aux taxèmes verbaux. Nous allons faire une synthèse sur ces indicateurs de place en nous basant essentiellement sur le travail de Kerbrat-Orecchioni, tout en essayant également de répondre à la question : Est-ce que l’autorité bloque l’accès aux trois

Page 173: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

163

actes fondamentaux constituant le dialogue argumentatif qui sont respectivement la proposition, l’opposition et le doute ?

A préciser que la mise en doute, en termes de Plantin, est l’état de « suspension de l’assentiment » vis-à-vis d’une proposition. Elle est considérée comme le déclencheur de l’activité argumentative. D’une manière plus précise, on dirait alors que dans cette situation interactionnelle se croisent les discours et les contre-discours. L’opposant se trouve dans l’obligation de justifier ses réserves, soit en réfutant les arguments présentés par le proposant, soit en développant des arguments anti-orientés par rapport à ceux qui soutiennent la proposition initiale.

Grosso-modo, dans le sens limité de l’autorité radicale, celui qui a de l’autorité n’a pas à justifier sa position. Celui qui est en position dominée, lui, n’a pas le droit de contester ou de réfuter. Mais, en réalité, en fonction des circonstances, l’autorité devient plus souple. Prenons comme exemple la situation d’interaction entre le professeur et l’élève : très souvent, le premier acteur justifie sa position et le second conteste. Il arrive aussi des cas où le premier demande au second de contester, et ce dans le but d’établir une sorte d’équilibre dans l’interaction et plus important encore, de savoir où sont les niveaux des élèves. De même, la mise en doute est aussi très encouragée en situation scolaire, pour ne pas dire qu’elle reste le mobile de la pédagogie active, celle qui veut que les apprenants peuvent constituer une « communauté de chercheurs », c’est-à-dire qu’ils doivent savoir écouter, débattre, défendre leurs points de vue, faire preuve d’intelligence, reconnaître leurs erreurs et trouver un moyen à mettre en œuvre pour réussir. La mise en doute, en un mot, a des effets positifs sur le processus d’apprentissage en favorisant des « conflits cognitifs » du fait des confrontations entre des propositions divergentes.

3.1. Les taxèmes de place

3.1.1. Au niveau de la forme de l’interaction

Concernant la forme de l’interaction, le choix de la langue utilisée au cours de l’échange joue le rôle important dans l’instauration des rapports de place. Un locuteur peut se trouver en position basse du fait qu’il est d’origine étrangère. Au contraire, un locuteur natif est incontestablement beaucoup plus « initié ».

De même, une personne ayant un accent régional ou produisant des propos grossiers se trouve en position d’infériorité par rapport à celle qui est plus attachée à un registre soutenu.

Page 174: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

164

3.1.2. Au niveau de la structure de l’interaction

En général, la quantité de la parole est considérée comme un élément déterminant pour la constitution des rapports de place. Autrement dit, celui qui parle le plus et le plus longtemps tend à dominer la conversation comme le dit Windisch « prendre la parole c’est aussi chercher à évincer les paroles virtuelles des autres ; c’est déjà l’amorce d’un acte de pouvoir » (1987 : 79). Pourtant, ceci n’est pas toujours vrai. Prenons comme exemple la situation d’un examen oral où l’élève est la personne qui occupe longtemps l’espace discursif et le professeur l’écoute. Le silence de ce dernier ne peut pas du tout être interprété comme le marqueur de l’infériorité interactionnelle. Bien au contraire, cette attitude renvoie à l’autorité.

Vient ensuite le fonctionnement des tours de parole. De ce point de vue, il est à remarquer que les interruptions et les intrusions constituent des taxèmes de position haute parce que ces deux procédés manifestent la tentative d’accaparer le pouvoir.

- Interruption : L2 cherche à empiéter sur le territoire discursif de L1 en s’emparant de sa parole sans le laisser finir son tour.

- Intrusion : L2 prend la parole sans avoir la permission de le faire, soit parce qu’il n’a pas été sélectionné par L1, soit pour une raison quelconque, il n’a pas droit à la prise de parole.

Enfin, on dirait que le sujet occupant une position dominante doit toujours être responsable des séances d’ouverture et de clôture de l’interaction. Entamer une conversation signifie déterminer son orientation, son objet de discours alors que clore un échange renvoie au fait de prononcer le mot de la fin, ce qui demande un certain « pouvoir » discursif et un sens de l’initiative.

3.1.3. Au niveau du contenu de l’interaction

Du point de vue des thèmes et des sous-thèmes, la gestion thématique d’une conversation est souvent réservée au sujet occupant une position haute dans l’interaction. Ici émerge la question de l’autorité du savoir. Si le thème en discussion relève davantage du « territoire » du locuteur, c’est-à-dire de son domaine de compétence, il va à priori dominer la conversation.

Du point de vue des signes et opinions, se met en position supérieure la personne qui impose à l’interlocuteur son vocabulaire, son énoncé, qui l’invite à le suivre sur le terrain d’une interprétation. Par contre, se trouve en position inférieure celui qui accepte de suivre la pensée de l’autre, qui reçoit « sagement » ses

Page 175: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

165

propositions, ou même ses interdits. Nous pouvons citer comme exemple des situations d’interaction familiale où l’enfant peut se soumettre à tous les interdits de ses parents. On dirait alors qu’il est bien obéissant. Cette soumission se reproduit essentiellement à l’école, à l’hôpital, à l’église… où l’autorité symbolise celle des parents.

Du point de vue des actes de langage, la valeur taxémique constitue, selon Cosnier et Kerbrat-Orecchioni (1987), la catégorie la plus importante dans l’ensemble des indicateurs verbaux de place. Elle précise deux cas :

« fonctionne comme taxème de position haute tout acte de langage qui constitue une menace potentielle pour l’une et/ou l’autre des faces du destinataire » (1987 : 339)

« fonctionne comme taxème de position basse tout acte de langage qui constitue une menace pour l’une et/ou l’autre des faces du producteur de l’acte en question » (1987 : 339)

Dans cette perspective, la valeur taxémique d’un acte de langage varie en fonction du contexte communicatif.

L’acte de réfutation, vu sous l’angle d’un acte de réaction, est considéré comme marqueur de position basse. Mais en tant qu’acte de langage qui menace la face positive du réfuté, la réfutation est censée être un taxème de position haute.

Examinons les exemples suivants :

Exemple 1

La maman : - Chéri, termine tes devoirs avant 3 heures. Nous allons chez le dentiste après.

Le fils : - Maman, je n’ai plus de devoirs. Je les ai tous finis hier soir.

Dans ce cas, la réponse du fils n’est qu’un acte de rectification-réfutation qui fonctionne comme un marqueur de position basse.

Exemple 2

L’avocat : - Monsieur le juge, je ne pourrai pas être présent à la séance de demain. J’aurai à participer à un colloque international.

Le juge : - En tant qu’avocat, vous savez bien que votre absence à une séance d’une telle importance devra absolument être justifiée par des papiers officiels. Ce que vous me dites aujourd’hui n’a aucune valeur.

Différent du 1er cas, la réplique du juge dans cet exemple ne fonctionne pas comme un simple acte de réaction. Le juge se met dans une position supérieure. Sa

Page 176: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

166

réfutation (rejet de l’excuse sous la forme sous laquelle elle a été présentée) menace la face positive de l’avocat et fonctionne donc comme un taxème de position haute.

3.1.4. Les termes d’adresse

Les derniers marqueurs importants pour l’instauration des rapports de place sont les termes d’adresse. Le fonctionnement dissymétrique de ces moyens dans le déroulement de l’interaction manifeste clairement la relation hiérarchique des participants.

3.2. Analyse de cas

En vue d’apporter une bonne illustration de la valeur taxémique des indicateurs de place et de répondre à la question de savoir si l’autorité bloque l’accès aux trois actes fondamentaux du dialogue argumentatif, nous allons analyser une interaction extraite d’un film à la télévision vietnamienne. Le passage est transcrit dans l’annexe (1.1)

Le dialogue se passe entre Monsieur Le Hoe, le père et Le Dai, son fils. Le Hoe est cadre supérieur spécialisé en politique, il est maintenant en retraite. Son fils Le Dai travaille depuis des années dans une entreprise étatique. Mais n’ayant plus voulu exercer son métier dans le mécanisme étatique, il a décidé de créer sa propre entreprise. Il n’a pas tenu son père au courant de cette décision. Ce dernier, l’apprenant par hasard, est venu voir Le Dai à son bureau sans le prévenir. La discussion entre eux s’est déroulée de façon incisive.

3.2.1. L’utilisation des termes de parenté

Du point de vue de l’utilisation des termes de parenté, on peut dire que ce système d’appellation suit la règle symétrique, c’est-à-dire qu’un terme appelle automatiquement le converse. Nous avons dans ce dialogue deux paires :

Bố - Con (papa - enfant)

Tôi - Anh (moi/je - frère aîné)

Cette appellation indique précisément la place de chacun et ceci va jusqu’à distinguer les diverses positions. D’un côté, Monsieur Le Hoe qui occupe le rang supérieur a tendance à valoriser son fils Le Dai en le nommant « anh » (frère aîné) et à se rabaisser en se nommant « tôi » (moi/je). De l’autre, Le Dai, qui occupe le rang

Page 177: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

167

inférieur, se dit « con » (enfant) pour le « je » français ; et s’adresse à son père en l’appelant du nom de « père » comme le « tu » français. Malgré tout, nous aimerions noter qu’au Vietnam, même dans le milieu familial, la hiérarchie joue le rôle décisif dans la détermination de la position des gens dans l’interaction.

Afin de mieux clarifier la relation parent-enfant ainsi que leur conflit interpersonnel dans le cas de ce dialogue ainsi que leur conflit interactionnel, nous dirions plutôt que le père (Monsieur Le Hoe) vouvoie avec son fils (Le Dai) alors que ce dernier tutoie avec son père.

3.2.2. L’utilisation des particules de politesse

Observons l’exemple suivant :

Dạ, con xin lôi, bố ngồi đi ạ

Oui enfant demander erreur père s’asseoir marqueur marqueur d’impératif de respect

→ Oui, excuse-moi, assieds-toi, s’il te plaît !

Nous constatons que le fils, à chaque fois qu’il répond à son père, tend à recourir à des formules de politesse. « Dạ », situé souvent au début de la réplique et « ạ », situé à la fin de l’énoncé, fonctionnent comme des marqueurs de respect. Ces unités linguistiques sont des marqueurs de la position basse.

3.2.3. L’espace discursif

En ce qui concerne l’espace discursif, nous constatons que le père parle le plus et le plus longtemps. Apparemment, il domine la conversation. Est-ce que cette tendance persiste tout au long de l’interaction ? Nous allons analyser dans les lignes qui suivent séquence par séquence.

• Séquence 1 : Séquence d’ouverture

Depuis le commencement du dialogue, le père se trouve toujours en position haute :

Chắc anh định hỏi tôi đến đây có việc gì phải không ? Tôi có thể ngồi không ?

Vous vous demandez pourquoi je suis là ? Je peux m’asseoir ?

L’interrogation montre bien qu’il est la personne qui prend l’initiative, qui se trouve donc dans la position active. Mais ensuite, une fois dans la conversation, il

Page 178: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

168

accepte, par condescendance, de se déposséder de sa supériorité, c’est-à-dire de se rabaisser :

Anh cứ việc ngồi cái ghế giám đốc của anh, tôi có ghế của tôi. Tôi chỉ muốn hỏi anh ngắn gọn thôi, những việc mà tôi cần, sau đó tôi sẽ không phiền hà đến anh nữa.

Vous pouvez vous asseoir sur votre fauteuil de directeur, moi j’ai ma place. Je veux juste vous demander brièvement des choses que je veux savoir, après je ne vous dérange plus.

L’image « votre fauteuil de directeur », qui manifeste apparemment la supériorité interactionnelle, nous conduit vers l’impression que le fils se trouve en position haute et le père en position basse, mais, en réalité, ce dernier recule un peu pour mieux attaquer son fils. Il a recours, dans ce cas, à une moquerie sarcastique en utilisant des paroles allusives (demander brièvement, ne plus déranger…) avec un ton satirique.

Le fils, situé en position dominée, comprend parfaitement la stratégie de son père. Il reste « sage » dans sa position, malgré les attaques plus ou moins amères :

Sao bố nặng lời với con thế ạ ?

Pourquoi me parles-tu de façon si dure ?

La présence du marqueur de respect « ạ » en fin de la question donne des informations sur l’infériorité du fils. En d’autres termes, on peut dire que « ạ » est un marqueur de mise en position basse. Mais, de toute façon, cette question fonctionne comme sa première accusation vis-à-vis du père.

• Séquence 2 :

En réponse à cette accusation, le père formule une autre condamnation qui vise son fils :

Trong thâm tâm anh không còn coi tôi là bố của anh nữa, cho nên những việc tày đình như thế này anh qua mặt tôi chứ gì ?

Du fond de votre cœur, vous ne m’avez plus pris pour votre père, c’est pourquoi vous avez effectué un tel énorme travail sans me demander l’avis.

Le fils, sûr de sa décision, lui répond en évoquant sa mère en tant que complice :

Con xin lỗi bố, việc này con đã bàn với mẹ rồi, con biết bố sẽ không bao giờ đồng ý nên con chưa dám nói. Con đợi khi nào có thành quả lúc đó con sẽ nói với bố.

Page 179: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

169

Excuse-moi, papa. J’ai discuté avec maman, sachant que tu n’es jamais d’accord, je n’ai pas osé te parler de mon projet. J’attends le moment où j’aurai eu de bons résultats, je t’en parlerai.

« Excuse-moi » fonctionne dans cet énoncé non comme un acte d’excuse mais plutôt comme un marqueur de politesse. Le fils essaie d’établir une relation de complicité pour renforcer sa position. Son intervention peut être considérée comme une deuxième accusation vis-à-vis du père. L’explicite « tu n’es jamais d’accord » laisse entendre l’implicite « tu imposes toujours tes décisions », « tu es un despote ». Nous pouvons donc reformuler ce que dit le fils d’une autre manière : « Je ne t’informe pas de ma décision parce que tu es despotique »

La séquence se termine par la raillerie du père :

Anh đừng có mơ, đưng có lạc quan tếu.

Arrêtez de rêver, arrêtez d’être follement optimiste.

Le mépris du père vis-à-vis de la compétence professionnelle du fils le pousse vers une « bataille » tendue où il n’accepte plus de recueillir sagement les paroles du père, mais il essaie, au contraire, de justifier sa position.

• Séquence 3 :

La contradiction porte atteinte à la puissance paternelle lorsque le fils, malgré sa position basse dans l’interaction, réfute la parole de son père. Cette première réfutation du fils influe plus ou moins l’instauration des rapports de place. En d’autres termes, elle tend à restructurer le rapport de position. Elle menace la face positive du père, et donc fonctionne comme un taxème de position haute.

Encore une fois, le fils se montre sûr de sa décision. Il défend sa position par un argument portant sur le non-développement de sa compétence dans le milieu de travail étatique.

Không, con rất tự tin với quyết định của mình bố ạ. Con đã từng là quân nhân, đã từng về phòng kinh doanh của sở nhưng con thấy năng lực của mình không được phát huy một cách đúng mức. Con muốn làm nhiều hơn, tốt hơn những gì mình nghĩ, vì vậy con cần phải bung ra, con muốn làm chủ bản thân mình bố ạ.

Non, papa, j’ai confiance en moi. J’ai été soldat, j’ai travaillé dans le service de commerce mais je trouve que je n’ai pas pu développer correctement mes compétences comme il fallait. Je veux mieux travailler, c’est pourquoi je dois m’en aller, je veux m’affirmer, papa.

Page 180: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

170

Le père se met cette fois en position basse et essaie de sauver sa face en formulant une autre objection. Il a particulièrement recours à une autorité : « le mécanisme étatique » et « les entreprises étatiques ».

Anh nói như vậy nghĩa là những người tài giỏi tự bung ra tự làm tự hưởng chứ gì còn những người trong cơ chế nhà nước như tôi đây này thì tài năng bị thui chột chứ gì. Dưới con mắt anh những người bao nhiêu năm sống trong biên chế như tôi đều là lũ vô dụng chứ gì ?

Vous voulez dire que les gens qui ont du talent doivent abandonner les sociétés étatiques pour travailler pour eux seuls, et que les gens comme moi, qui vivent et travaillent dans le mécanisme étatique, sont ceux dont les compétences restent stériles. A vos yeux, ceux qui travaillent pendant des années dans les entreprises étatiques sont des bons à rien, n’est-ce pas ?

Il applique ce que dit le fils dans son cas et croit que celui-ci le met en cause : « Toi qui as travaillé pendant des années dans les entreprises étatiques, tu as raté ta vie ! ».

Le fils, à son tour, réfute cette explicitation du sous-entendu :

Con xin bố đừng hiểu lầm ý con !

Papa, je te prie de ne pas mal interpréter mon idée

Cette phrase peut se comprendre de manière suivante : « Je te prie de ne pas voir dans mon propos ta vie. Je ne te vise pas, je ne parle pas de toi. Je ne parle que de moi. Il ne faut donc pas interpréter ce que je dis sur moi comme te concernant ».

• Séquence 4 :

Le conflit devient de plus en plus tendu, surtout lorsque le père impose violemment son jugement subjectif :

Tôi đẻ ra anh chẳng nhẽ tôi lại không biết cái đầu óc của anh tối tăm như thế nào à ?

Je vous ai donné la vie, ne suis-je pas capable de savoir à quel point votre esprit est inintelligent ?

Il récupère sa supériorité conversationnelle en rappelant explicitement son autorité parentale : « Je vous ai donné la vie » = « Je suis votre père ». La suite de l’intervention constitue une condamnation très amère du fils. Le père le juge stupide en se donnant le droit d’être créateur de son enfant : « Je suis votre père donc je connais tout sur vous ».

Page 181: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

171

Toujours très poli, très calme, le fils réplique à son père tout en utilisant le marqueur de politesse « ạ ». Mais on peut lire dans sa réponse une attaque contre l’autorité, non seulement contre l’autorité parentale mais aussi une autre autorité ; il s’agit, en effet, à travers l’image du père, de l’incarnation d’un collectif, d’une génération :

Bố sinh ra con, bố biết con muốn gì cần gì nhưng đó là lúc con còn nhỏ, khi con trưởng thành thì thế hệ của bố đã lùi lại vài chục năm rồi. Tại sao bố không muốn con bước theo thế hệ của con mà cứ kéo con lùi lại thế hệ của bố là sao, như vậy là không công bằng bố ạ !

Papa, tu m’as donné la vie, c’est vrai, tu savais bien ce que je voulais et ce dont j’avais besoin, mais tout ça tu le savais seulement quand j’étais un enfant. Depuis que je suis majeur, ta génération a reculé de dizaines d’années par rapport à la mienne. Pourquoi ne veux-tu pas que je sois de ma génération ? Pourquoi veux-tu que j’appartienne à la tienne ? Ce n’est pas juste, papa !

Le nœud du conflit s’ouvre : il s’agit du conflit des normes entre les deux hommes. Selon le père, le fils a le devoir de lui obéir inconditionnellement. Il incarne l’autorité despotique. De ce point de vue, il est tout à fait normal qu’il trouve le fils monstrueux et insolent. Par contre, dans la perspective du fils, être majeur est lié au fait d’être autonome, de savoir s’affirmer… Il explicite sa norme : « Puisque je suis majeur, j’échappe à ton autorité ». Il essaie, dans cette interaction, de faire une négociation en explicitant des divergences de normes, en justifiant sa position, sa conception du bien mais, apparemment, c’est une négociation vaine.

• Séquence 5 :

Câm, câm ngay, đồ bất hiêu, anh lại dám mở miệng nói đến công bằng à. Anh có xứng đáng là một người công dân hay không mà lại còn đòi hỏi ?

Tais-toi, tais-toi ! Quel enfant ingrat ! Oses-tu encore parler de la justice ? Penses-tu mériter d’être un bon citoyen pour demander des choses ?

Nous remarquons que le terme « đồ » renvoie à une personne ou à un groupe de personnes très mal vu. Ce terme d’appellation est employé lorsqu’on veut injurier ou faire de vives remontrances à quelqu’un. Dans la mesure du possible, nous pourrions traduire ce terme en « espèce de ». C’est aussi pour cette raison que nous aimerions, jusqu’à cette séquence, marquer un changement dans l’utilisation de terme d’adresse du père : le vouvoiement cède la place au tutoiement.

Une des stratégies de résistances du père, c’est qu’il utilise très souvent les mots prononcés par son fils pour le réfuter, même pour leur faire dire le contraire.

Page 182: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

172

Le mot « công bằng » (justice), prononcé par le fils, est repris encore une fois par le père :

- […] như vậy là không công bằng bố ạ

[…] ce n’est pas juste, papa !

- […] anh lại dám mở miệng nói đến công bằng à

[…] Oses-tu encore parler de la justice ?

C’est aussi le cas dans l’exemple suivant :

- Con vẫn nghĩ con luôn đã và đang là một công dân tốt

Je pense que j’ai été et suis toujours un bon citoyen

- Vô tổ chức coi thường kỷ cương mà là tốt à ?

Indiscipliné comme toi, penses-tu vraiment être un bon citoyen ?

Le mot « tốt » (bon), formulé antérieurement par le fils, est répété de nouveau par le père dans le but de le perturber.

Ici, le père perfectionne sa conception de l’obéissance qui comprend 2 facettes :

- Obéissance filiale : le fils doit obéir inconditionnellement au père.

- Obéissance en tant que citoyen : savoir penser à l’intérêt commun, ne pas penser à l’intérêt individuel.

Encore une fois, on peut voir une divergence de concept de « citoyen » entre les deux locuteurs.

Dans la suite de son intervention, le père s’appuie sur une autre autorité : autorité institutionnelle :

Trên cương vị là một đảng viên tôi hỏi anh nhé đã đứng trong hàng ngũ của đảng thì có được tư lợi kinh doanh tư bản tư nhân hay không ?

En tant que membre du Parti, je te pose une question : Un membre du Parti a-t-il le droit de faire du commerce privé ?

Il est à noter également que la réfutation sous forme de questions a pour objectif de désorienter l’adversaire. Le conflit de génération se double d’un conflit politico-économique.

Dans cette interaction, surtout vers la fin du dialogue, le père ne cesse pas de poser des questions qui ont pour effet de menacer la face négative du questionné, c’est-à-dire du fils. Elles fonctionnent comme un empiètement territorial qui vise à coincer l’adversaire.

Page 183: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

173

Face à un grand nombre de questions de réfutations du père, on a l’impression qu’il occupe une supériorité conversationnelle et que le fils va échouer dans cette conversation. Mais les positions ont été renversées lorsque ce dernier reformule sa thèse sous une autre forme :

Con biết đảng qui định không được làm kinh tế tư nhân chính vì thế con đã làm đơn xin ra khỏi đảng.

Je sais que le Parti n’autorise pas le commerce privé, c’est pourquoi j’ai déposé la demande de me retirer du Parti.

Cette conclusion clôt le dialogue en cassant totalement tous les arguments du père. Ce dernier, à la suite de cette réplique, a fait une crise cardiaque. Ce détail de clôture consiste à justifier la défaite, pour ne pas dire la mort, de l’ensemble de l’autorité en question : l’autorité parentale, l’autorité de l’expérience du travailleur et l’autorité du Parti dont le père est une incarnation.

La séquence constitue donc une représentation particulièrement dramatique du conflit des autorités.

Le film, pour ces raisons, a été beaucoup aimé dès sa première projection. Il semble décrire fidèlement un changement qui devient de plus en plus net dans la société vietnamienne.

3.3. Récapitulation

L’interaction entre le père et le fils que nous avons analysé ci-dessus est une interaction dissymétrique avec hiérarchie. Le conflit entre eux est dû à une divergence de normes. Le père, attaquant respectivement en tant que père, professionnel et membre du Parti, incarne donc une triple autorité : autorité parentale, autorité de l’expérience et autorité institutionnelle, parmi lesquelles l’autorité paternelle et l’autorité politico-sociale sont les plus saillantes. Il nourrit une conception d’autorité radicale, selon laquelle, le fils doit obéir inconditionnellement au père. De ce point de vue, il trouve ce dernier insolent et monstrueux lorsque celui-ci décide d’ouvrir une entreprise privée sans lui demander son avis. Le fils, quant à lui, adopte une autre conception plutôt égalitaire. Selon lui, chaque génération a le droit de faire ce qu’elle veut. Mineur, un fils doit obéir aux parents mais une fois majeur, il doit s’affirmer, être autonome dans sa décision.

Page 184: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : Problème de définition

174

L’analyse du dialogue montre que l’autorité ne bloque pas du tout l’accès à l’argumentation. Le rapport de place n’est pas quelque chose d’inchangeable, il est, au contraire, l’objet de la négociation tout au long de l’interaction.

Page 185: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

175

Chapitre 3 : Autorité et argumentation

1. Définition de l’argument d’autorité

Avant de parler de différentes formes d’argument d’autorité, il nous est préférable de rappeler la définition de ce type d’argument.

L’argument d’autorité tient à tout raisonnement qui prend comme point d’appui le prestige ou la renommée de quelqu’un pour justifier la vérité de ses affirmations. Perelman appelle ce type d’argument « argument de prestige » :

« L’argument de prestige le plus nettement caractérisé est l’argument d’autorité, lequel utilise des actes ou des jugements d’une personne ou d’un groupe de personnes comme moyen de preuve en faveur d’une thèse » (1958 :411)

Pour Plantin, il porte un autre nom : « argument de confirmation » (1996 :88) c’est-à-dire qui soutient une conclusion dans une argumentation. Dans ce sens, on peut dire que lorsqu’on fait appel à une autorité dans son discours, le but visé n’est pas de raisonner sur le prestige de quelqu’un et sur la pertinence de son savoir, mais plutôt de partager avec lui la responsabilité énonciative de ce qu’on dit.

L’argument d’autorité apparaît dans les énoncés du type suivant :

X dit / soutient / affirme / pense que P, et il s'y connaît

« Pierre a dit qu’il ferait beau demain, et c’est un météorologiste de première classe »

L’exemple montre que le locuteur essaie d’établir la crédibilité de son affirmation en l’imputant à quelqu’un de prestigieux : « un météorologiste de première classe ». C’est ainsi qu’on dit que l’'argumentation par autorité a un caractère polyphonique.

2. Autorité montrée, autorité citée

Plantin fait la distinction entre l’autorité montrée et l’autorité citée.

Page 186: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Autorité et argumentation

176

2.1. Autorité montrée

L’autorité montrée est l’autorité qui se manifeste dans le discours. D’après Plantin, cette autorité renvoie à un ensemble des éléments tels que le bruit discursif (réputation, rumeur), la qualité physique de la parole (voix autoritaire, voix chaleureuse), la force de conviction (charismatique), le prestige et le statut social du locuteur… Toute sorte de conclusion, de proposition d'action et d’injonction appuyée sur cette autorité de nature personnelle appelle chez l’interlocuteur la soumission, c’est-à-dire la croyance ou l'obéissance. En d’autres termes, l’autorité montrée est en relation étroite avec la valorisation d’un dire. Par exemple, si le professeur dit : « Allez les enfants, notre cours commence ! », donc tous les élèves s’arrêtent de parler, s’assoient à leur place et le cours commence.

2.2. Autorité citée

Cette deuxième forme d’autorité sous laquelle s’abrite le locuteur, est prise comme objet privilégié dans les études d'argumentation. Plantin considère qu’en terme d’autorité citée, citer de façon exacte les locuteurs consiste à rapporter le vrai. Le « citeur » fait parler une instance, autrement dit prête sa voix à une instance, supposée plus ou moins infaillible.

Les sources autorisées sont fort variables :

- L’autorité diffuse de grands acteurs autoritaires anonymes : Autorité des Livres, sagesse des ancêtres ou des Chinois, la Coutume, la Science ; vérités sorties de la bouche des enfants ; manifestations de l'opinion régnante,

- L'autorité est liée à des compétences professionnelles validées : autorité du médecin, du garagiste, du comptable, du professeur… qui sont crus et dont les conseils sont généralement suivis,

- Parfois il s’agit d’autorités nommément désignées,

- Les proverbes, les vers célèbres sont aussi des autorités.

Page 187: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

177

3. Mécanisme de fonctionnement de l’argument d’autorité

Plantin nous propose deux mécanismes de fonctionnement de l’argumentation d’autorité : l’un repose essentiellement sur un mécanisme de citation de dires et l’autre consiste dans la connotation autoritaire.

La première forme d’argumentation suppose un discours comprenant deux locuteurs dont l’un, appelé locuteur citant, s’abrite sous l’autorité de l’autre, locuteur cité.

Quant à la deuxième forme d’argumentation, la connotation argumentative, le discours du particulier autorisé n’est pas cité mais littéralement caché dans le discours de l’argumentateur, c’est-à-dire :

« la source du discours s’efface et ne subsiste que l’allusion : d’hétérogène le discours est devenu homogène, l’autorité externe est devenu invisible ; on n’a plus affaire à une autorité citée, mais à une autorité montrée » (1996 : 91).

4. Formes d’argumentation d’autorité

Nous adoptons l’approche de Ducrot qui distingue deux formes d’argumentation d’autorité : autorité polyphonique et raisonnement par autorité.

4.1. L'autorité polyphonique

L'autorité polyphonique repose sur l'idée que l'énoncé comporte deux dires: un dire1, équivalent de asserter, et un dire2 , équivalent de montrer. Ce second dire2 sert à montrer la parole comme contrainte, il témoigne de la modalité énonciative. Cette caractérisation de la parole en termes du dire2 n'est pas justiciable d'une appréciation en termes de vérité ou de fausseté.

L'autorité polyphonique comporte, selon Ducrot, deux étapes:

• Etape 1 : Le locuteur L introduit dans son discours un énonciateur (qui peut être lui-même ou quelqu'un d'autre) assertant une proposition P. Il « montre » donc une voix, qui n'est pas forcément la sienne et qui est responsable de la proposition P. Cette assertion « montrée » est analogue

Page 188: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Autorité et argumentation

178

aux actes de promesse, d'ordre, de question dans les énoncés respectivement promissifs, impératifs ou interrogatifs.

• Etape 2 : Le locuteur L appuie sur cette première assertion une seconde assertion relative à une autre proposition Q. Ce faisant, le locuteur s'identifie avec le sujet qui asserte Q. Et il le fait en se fondant sur une relation logique entre les propositions P et Q, sur le fait que l'admission de P rend nécessaire ou légitime d'admettre Q. Pour être plus précis, Ducrot a décrit le mécanisme comme suit : « le locuteur se donne, à partir d'une assertion de P, le droit d'asserter Q : l'existence montrée (dire2) d'une assertion de P fonde ainsi une assertion de Q, ce rapport étant garanti par une relation entre les propositions P et Q » (1984 : 154).

Ainsi, dans le discours suivant :

Les météorologistes ont estimé que les pluies abondantes continueraient d’inonder la capitale de Hanoï : les dégâts seront énormes.

Il y a deux énoncés exprimés par deux énonciateurs distincts. La proposition P exprimée par la complétive « les pluies abondantes continueraient d’inonder la capitale de Hanoï » est assertée par des énonciateurs qui sont ici « les météorologistes ». La proposition Q exprimée dans le deuxième énoncé : « les dégâts seront énormes » est, quant à elle, prise en charge par un autre énonciateur, auquel L s’identifie. Bien que l’assertion de P ne soit pas prise en charge par le locuteur L, elle constitue le point de départ d'un raisonnement et sert à justifier l’assertion de Q.

C'est là le cas d'une argumentation par autorité :

« L’énonciateur de P joue le rôle d'une autorité en ce sens que son dire suffit à justifier L de devenir à son tour énonciateur de Q, en se fondant sur le fait que la vérité de P implique ou rend probable celle de Q » (Ducrot, 1984 : 155).

L’assertion de P, dont l’auteur n’est pas le même que celui de l’assertion de Q, est considérée non seulement comme argumentativement orientée vers Q (vu la relation entre P et Q) mais aussi comme un argument utilisé en faveur de Q. D’ailleurs, le fait que P a été asserté a pour effet de lui donner une efficacité supplémentaire : le droit d’être cité en tant qu’un argument de confirmation.

Page 189: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

179

4.2. Le raisonnement par autorité

A propos de cette deuxième forme d’argumentation, Ducrot formule la thèse suivante :

« On ne peut conclure, dans un discours, de la proposition X asserte que P à la proposition P, ces deux propositions étant présentées séparément, que si la première proposition (X asserte que P) est l'objet d'une assertion (dire1); la conclusion est impossible si X asserte que P est seulement montré (dire2). Autrement dit, la prémisse d'un raisonnement par autorité, dans un discours suivi, doit être l'assertion d'une assertion, et non pas la simple monstration d'une assertion » (Ducrot, 1984: 159).

Cette thèse explique la bonne formation de l’enchaînement (1) et l’agrammaticalité de l’enchaînement en (2) :

(1) La météo a prévu qu’il pleuvrait aujourd’hui. Je pense donc qu’il pleuvra.

(2*) Il paraît qu’il pleuvra aujourd’hui. Je pense donc qu’il pleuvra.

Dans ces deux enchaînements, les informations apportées par les 1er énoncés de (1) et de (2) sont identiques : quelqu’un a annoncé qu’il pleuvrait aujourd’hui. Pourtant, la différence est que dans (2), l’assertion « il pleuvra » est seulement montrée par le biais de « il paraît que ». Cette expression, bien entendu, donne pour source de l’assertion un énonciateur qui ne s’identifie pas au locuteur. Alors que dans (1), cette assertion a été assertée par un énonciateur qui est ici « la météo ». On part du fait que « X a dit que P » (la météo asserte qu’il pleut), se base sur l’idée que X (la météo) est un particulier autorisé (qui se trompe très rarement), et on en conclut à la vérité de P (il pleut). La parole de X a ainsi le statut d’indice de vérité de P. Cette parole est prise comme le contenu d’une assertion.

Bref, pour distinguer entre deux formes d’argumentation d’autorité, Ducrot montre que l’autorité polyphonique consiste

« à introduire dans la parole, à y montrer, à y dire2, à y jouer l’assertion d’une proposition, puis à enchaîner sur cette assertion » (1984 : 167)

alors que le raisonnement par autorité est considéré comme

« une sorte d’étalement discursif de ce mécanisme : on s’autorise du fait que quelqu’un a asserté une proposition pour se donner le droit de l’asserter soi-même » (1984 : 168).

Page 190: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : Autorité et argumentation

180

5. Réfutation des argumentations d’autorité

D'une façon générale, on attaque l’argumentation d’autorité lorsque l’autorité invoquée est mise en question. Dans son article intitulé « Autorité montrée, autorité citée » (2006), Plantin montre deux principales stratégies de réfutation :

5.1. Attaque ne prenant pas en compte la structure d'autorité de l'argument

Dans la situation de confrontation de positions face à face, on a affaire à des mécanismes de destruction, de désorientation, ou de réorientation du discours afin de rejeter la proposition P.

• Destruction :

L’Opposant peut rejeter un discours en fondant son rejet sur un défaut de la langue : « Vous parlez mal ! », « Votre intervention est dans un français incorrect. On n’y comprend rien »… Les énoncés de ce type ont pour effet non de réfuter mais de détruire le discours argumentatif.

• Désorientation, réorientation :

Ce sont des stratégies de réfutation par le retournement du discours. Nous empruntons l’exemple de Plantin :

A : - Nous n’avons pas pu vous réserver un hôtel, en ce moment c’est la foire à Lyon.

B : - J’ai l’impression que c’est souvent la foire à Lyon.

Le terme « foire » dans ce dialogue est un terme polysémique. Ce terme est repris avec deux sens différents, dont le second invalide le premier. L’énoncé de B ici laisse entendre l’idée de reproche : « Vous auriez dû réserver la chambre plus tôt, bien avant la foire. Vous n’avez pas le sens de l’organisation ».

5.2. Attaque prenant en compte la structure d'autorité de l'argument

L’attaque peut aussi être :

Page 191: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

181

• dirigée contre le locuteur citant, qui se réfugie derrière le statut d'autorité de la personne citée :

- A n'a pas dit cela ou n'a pas voulu dire cela ;

- P n'est pas citée correctement, a été détournée de son contexte, a été reformulée, réorientée de façon tendancieuse ;

• dirigée contre l'autorité citée :

- par application de l'argument ad hominem : P est peu compatible, contradictoire avec d'autres affirmations (prescriptions) de A ;

- retournement de l'autorité : A a évolué sur ce point ; il y a des déclarations/des résultats plus récents qui ne vont pas dans le même sens ; il y a des résultats plus récents qui ne vont pas dans le même sens

- d'autres experts ne disent pas la même chose

- des énoncés de type : A a parlé hors de son domaine de compétences ; il n'est pas expert dans le domaine précis dont relèvent les prises de position du type P ; A n'est pas un expert, il est dépassé, il se trompe, il s'est souvent trompé ;

Enfin, on peut aussi opposer à P des arguments de meilleure qualité. Ces arguments ne sont pas tirés de l’autorité mais plutôt du savoir historique, de la raison scientifique.

Récapitulation

L’argument d’autorité, utilisé dans le but d’établir la validité des affirmations en se basant sur le prestige ou la réputation de quelqu’un, se rencontre très fréquemment dans la vie de tous les jours.

Les questions qui tournent autour de son utilisation, de sa réfutation nous semblent intéressantes à exploiter dans le cadre des séquences d’enseignement/apprentissage de l’argumentation, d’autant plus que les Vietnamiens en général et nos élèves en particulier font souvent appel à l’autorité.

Ainsi, nous nous permettons de proposer quelques exercices d’analyse de l’argument d’autorité dans la dernière partie de la thèse, tout en espérant aider notre public d’apprenants à mieux comprendre le fonctionnement de l’autorité dans l’argumentation ainsi que sa valeur argumentative.

Page 192: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

182

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et son influence sur le comportement verbal ainsi que sur les pratiques argumentatives

Dans ce chapitre, nous essaierons de répondre à la question : « Quelles sont les influences des facteurs culturels sur le comportement verbal ainsi que sur les pratiques argumentatives des Vietnamiens ? ».

Afin d’y répondre, après avoir parlé brièvement du lien entre la langue, la culture et le comportement humain, nous présenterons de manière détaillée les caractéristiques de la culture et du comportement communicatif vietnamiens. Nos propos seront illustrés par le biais de l’analyse des proverbes et des dictons. Enfin, nous tirons des conclusions sur les pratiques argumentatives des Vietnamiens.

1. Qu’est-ce que la culture ?

Notre travail sur la culture s’inspire essentiellement du portail Culture du Dictionnaire Encyclopédie Scientifique en ligne.

Dans la langue française, la première signification de culture a été donnée en 1862 dans le dictionnaire national de Bescherelle, selon lequel elle renvoie à l’ensemble des connaissances générales d’un individu. C’est ce que nous appelons aujourd’hui la culture générale.

Après le milieu du XXe siècle, ce terme prend sa deuxième signification. Elle désigne en plus de la conception individuelle, une conception collective : « l’ensemble des structures sociales, religieuses,… et les comportements collectifs telles que les manifestations intellectuelles, artistiques… qui caractérisent une société » (Portail « Culture »).

Actuellement, dans tous les dictionnaires français, les définitions de la culture relèvent de deux acceptions :

• la culture individuelle de chacun

Page 193: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

183

• la culture d’un peuple, l’identité culturelle de ce peuple, la culture collective à laquelle on appartient.

La culture individuelle s’enrichit à travers la construction et l’élaboration. Elle a donc un caractère évolutif et individuel.

La culture collective, quant à elle, correspond à des valeurs liées étroitement à une histoire, à une unité invariable d’identités. L’évolution de cette culture se fait de manière très lente. C’est pourquoi, par rapport à la culture individuelle, cette culture collective a un caractère beaucoup plus stable.

La culture, que ce soit individuelle ou collective, est très importante, car l’homme, depuis sa naissance, est devenu un être culturel. Il a besoin d’un sentiment d’appartenance. Or la culture, comme nous l’avons dit plus haut, représente les connaissances et la façon de vivre d’une société.

2. Le rapport entre la culture, la langue et le comportement humain

La langue, selon le Petit Robert, est « un système d’expression et de communication, commun à un groupe social » (Entrée « Langue »). A notre avis, cette définition n’est pas suffisante : la langue est encore un instrument de représentation du monde et d’action sur autrui.

A partir de cette définition et de la présentation précédente de la notion de « culture », nous pouvons dire qu’il existe une relation d’inclusion entre ces deux phénomènes : la langue est le moyen qui véhicule le mieux une culture, tant à l’oral qu’à l’écrit. En d’autres termes, si la langue constitue la forme de la communication, la culture est son contenu. Et ce sont des caractéristiques culturelles manifestées dans la langue qui déterminent la particularité culturelle du langage de différents peuples.

En ce qui concerne le comportement, on peut dire que les comportements des gens sont aussi en relation étroite avec l’ensemble des codes culturels et des systèmes de valeurs sociales qui leur ont été transmises de génération en génération.

Page 194: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

184

3. Les caractéristiques de la culture vietnamienne

La culture ne fait pas l’objet de notre étude. Pourtant, comme nous l’avons dit plus haut, la culture exerce une grande influence sur le comportement verbal de l’être humain. Dans le cadre de ce chapitre, nous allons donc essayer d’éclairer des éléments de base de la culture vietnamienne qui agit plus ou moins directement sur la communication des Vietnamiens.

Avant d’aborder les caractéristiques de cette culture, il est préférable de montrer que le développement de la culture du Vietnam est fortement influencé par d’autres cultures comme celles de l’Asie du Sud-est, celle de la Chine, celle de l’Inde et aussi celle de l’Occident, parmi lesquelles l’apport chinois est d’une importance singulière. Les grands courants de pensée du Vietnam viennent de la Chine. Mais cela ne veut pas dire que le Vietnam n’en est que la reproduction réduite. Bien au contraire, on peut dire que la culture vietnamienne est avant tout une culture syncrétique. Nous allons maintenant parler des caractéristiques de cette culture.

3.1. La culture vietnamienne a la particularité d’une culture agricole de caractère communautaire.

La nation vietnamienne s’est formée essentiellement par l’essaimage de villages, c’est-à-dire de communes rurales. Ces unités politiques, sociales et économiques constituent de solides bastions où s’est forgée la solidarité dans les combats incessants à la fois contre les catastrophes naturelles et les envahisseurs étrangers. Ce modèle d’organisation sociale influe aussi directement sur la culture de la communication des Vietnamiens. Lorsqu’on donne par exemple des conseils à des personnes, ou notamment lorsqu’on éduque nos enfants, on a tendance à les orienter vers le sentiment communautaire et à leur conseiller d’éviter l’égoïsme ou l’individualisme.

Cette mentalité se manifeste à travers de nombreux proverbes et des chansons populaires qui appellent à l’entraide.

(1) « Lá lành đùm lá rách »

(La feuille intacte recouvre la feuille déchirée)

Page 195: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

185

Ce proverbe exprime la nécessité de l’entraide mutuelle en cas de difficultés. Prenons comme exemple le cas d’une région vietnamienne qui subit des dommages à la suite d’un typhon, les autres régions doivent lui venir en aide.

(2) « Một con ngựa đau cả tàu không ăn cỏ »

(Si un cheval tombe malade, les autres chevaux ne mangent plus)

Pourquoi les autres chevaux refusent-ils de manger ? Parce qu’ils n’ont plus le moral. L’image d’un cheval qui est malade fait penser à l’image d’une personne qui est en détresse. Et la proposition « les autres chevaux ne mangent plus » laisse entendre le partage de son groupe d’appartenance. De même, si une région subit des dommages à la suite d’une catastrophe, tout le peuple vietnamien montre de la compassion.

Le proverbe exprime donc la solidarité entre les personnes qui ont conscience d’une communauté de sentiments ou d’intérêts.

(3) « Bầu ơi thương lấy bí cùng

Tuy rằng khác giống nhưng chung một giàn »

(Oh courge, aie pitié de la citrouille

Malgré la différence d’espèces, vous êtes sur le même treillage)

« Bầu » (courge) et « bí » (citrouille) sont des légumes d’espèces différentes. Pourtant, ils sont plantés sur une même bande de terre étroite au bord d’un étang ou au coin d’un jardin. Ces plantes grimpantes sont d’ailleurs accueillies sur le même treillage. Ainsi, elles ont les mêmes conditions de vie, ou dans un sens plus large, on peut dire qu’elles ont presque le même sort.

Le proverbe demande à la courge d’avoir pitié de la citrouille. Il apprend à ces deux plantes à ne pas être jalouses l’une de l’autre en pensant que l’une est plus belle que l’autre, à savoir que la courge est plutôt ronde, la citrouille est plutôt longue, et que la fleur que donne la courge est blanche alors que celle que donne la citrouille est jaune. En lisant ce proverbe, on pourrait penser que la courge est « supérieure » à la citrouille. Mais ce n’est pas le cas. Comment se fait-il alors qu’on demande à la courge d’avoir pitié de la citrouille et non pas l’inverse ? La seule raison consiste dans la mélodie de la chanson.

A travers l’image de la courge et de la citrouille qui partagent, malgré la différence d’espèces, le même treillage, nous pensons à la population vietnamienne

Page 196: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

186

comprenant environ cinquante-cinq ethnies9. Ces ethnies vivent dans des milieux variés avec différentes conditions matérielles et spirituelles, elles parlent aussi des langues différentes mais elles ont des points communs, c’est de vivre dans le même pays, d’avoir la même source culturelle traditionnelle et d’être toutes « enfants de Dragon et petits-enfants de Fée »10.

Le proverbe rappelle la solidarité entre les différentes ethnies dans une même nation.

(4) « Một cây làm chẳng nên non

Ba cây chụm lại nên hòn núi cao »

(Un arbre ne fait pas la montagne

L’union de trois arbres fait la montagne)

Un arbre renvoie au singulier, trois arbres renvoient au pluriel. Un seul arbre, malgré sa grandeur, est considéré comme étant fragile, donc facilement déraciné par une tempête. Au contraire, si plusieurs arbres sont situés les uns à côté des autres, les branches et les feuilles se mêlent et se soutiennent, cela forme la solidité.

Une question se pose : pourquoi ne dit-on pas « un arbre ne fait pas la forêt », ce qui paraît plus raisonnable ? C’est parce qu’il existe en vietnamien plusieurs mots composés qui renvoient à l’image sacrée du pays : « đất nước » (terre-eau), « non sông » (montagne-rivière), « non nước » (montagne-eau). Nous avons alors des groupes de mots « đất nước Việt Nam », « non sông Việt Nam » ou « non nước Việt Nam ». L’image de la montagne (« non ») est alors introduite dans la phrase afin de faire appel à l’union populaire.

C’est aussi un des proverbes favoris du président Ho Chi Minh pour conseiller aux gens du nord, du centre et du sud de s’unir pour libérer et reconstituer le pays, pour « faire le pays », car « une partie ne suffit pas pour faire un tout », un individu ne peut pas effectuer seul un grand projet.

9 Le Vietnam est un pays multi-ethnique dont l’ethnie principale, le Viet (ou Kinh) représente 86 % de la

population et environ 54 ethnies minoritaires. La langue centrale est le Viet (le vietnamien). 10 La légende veut que les Vietnamiens soient nés d’un dragon et d’une fée… Le pays lui-même est en forme de

dragon. Vers 4000 avant J-C, le petit-fils de la 5e génération de Shennong, Lac Long Quan, dragon roi de la mer de l’Est, a épousé une fée, Au Co, fille du roi De Lai. Au Co donna naissance à un sac de cent œufs d’où sortirent cent garçons tous vigoureux et intelligents. Le Dragon est une créature liée à la mer et la fée liée à la montagne et à l’air. Ils se sont ensuite malheureusement séparés. Cinquante princes suivirent leur père pour aller s’installer dans la mer. Ils devinrent plus tard futurs Kinh ; les cinquante autres, avec leur mère, se dirigèrent vers les montagnes, et devinrent après des peuples minoritaires.

Page 197: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

187

3.2. Le caractère d’humanité

Cette caractéristique se manifeste dans la façon de vivre des Vietnamiens. Il faut dire qu’ils mettent en valeur le mot « nghĩa ». Ce mot est la description phonétique vietnamienne du caractère chinois, un des mots clé du Confucianisme. Il régit toutes les relations de l’individu avec autrui, avec la communauté, le couple et la famille, le village et le pays. Ce mot « nghĩa » est défini par Huu Ngoc comme

« un concept éthique vietnamien traditionnel qui pourrait être conçu comme obligation morale, justice, devoir, dette de reconnaissance, attachement mutuel fondé sur le devoir, dette sentimentale… » (1993 : 223).

C’est aussi une des conceptions des Vietnamiens dans la vie de tous les jours : « trọng tình trọng nghĩa » (respecter le sentiment, respecter l’humanité). Ainsi le témoigne le proverbe :

(5) « Có tình có nghĩa hơn cả của tiền »

(Sentiment et attachement valent plus qu’argent et biens matériels)

En vietnamien, il y a un dicton disant que l’on peut tout acheter, même une fée, à condition que l’on ait de l’argent. L’argent joue donc un rôle important dans la vie de tous les jours. Personne ne peut le nier. Mais pour les Vietnamiens, il y a encore une autre chose qui est beaucoup plus précieuse que l’argent, voire la plus précieuse, c’est le sentiment humain. Les Vietnamiens le mettent au premier rang. Ce fil conducteur exerce de fortes influences sur leur esprit et leur comportement verbal. Le spirituel, pour cette raison, se place au-dessus du matériel, ce qui est noté dans un autre proverbe :

(6) « Lời chào cao hơn mâm cỗ »

(Le salut vaut plus que le plateau de repas copieux)

Il est à noter que le salut vietnamien ne se limite pas aux simples « bonjour » ou « au revoir ». Chez nous, « chào » (saluer) s’accompagne toujours de « hỏi » (questionner). On pose des questions de type « Où allez-vous ? », « Avez-vous dîné ? », « Vous allez faire de la gymnastique ? »… sans en attendre la réponse. Certes, on se salue en questionnant l’un et l’autre dans le but de resserrer le sentiment. Le salut pourrait être pris comme étant un critère pour qualifier une personne, pour savoir si elle jouit d’une bonne éducation en sachant adresser à quelqu’un un salut « de qualité ». Le salut n’est pas payé mais on préfère le recevoir qu’être invité à un repas copieux, qui coûte cher mais après lequel son auteur se montre indifférent, prouvant que le salut ne sert à rien.

Page 198: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

188

3.3. Le caractère villageois

Dans la mentalité vietnamienne, les relations de voisinage sont considérées comme la relation sociale la plus proche de la vie de chaque personne. Le fait de respecter le sentiment, de respecter l’humanité se manifeste parfaitement dans les rapports relationnels avec son entourage :

(7) « Tối lửa tắt đèn có nhau »

(Feu léger, lampe éteinte, les voisins sont toujours l’un à côté de l’autre)

L’image « tối lửa tắt đèn » (feu léger, lampe éteinte) renvoie aux moments de nuit où les incidents imprévus peuvent survenir. Dans un sens plus large, elle nous fait penser à des situations de difficultés. Le proverbe parle d’une belle habitude comportementale ancrée dans la mentalité vietnamienne, c’est la conscience de s’entraider en cas de difficultés.

L’entraide permanente entre les voisins engendre une relation sentimentale de caractère communautaire qui est parfois considérée comme plus importante que le rapport de parenté :

(8) « Bán anh em xa mua láng giềng gần »

(Vendre un parent éloigné pour acheter un proche voisin)

Le proverbe met en symétrie deux couples de mots : « bán - mua » (vendre - acheter) et « anh em xa - láng giềng gần » (parents éloigné - voisin proche). Cette disposition sous-entend que sur la balance relationnelle, un voisin proche est aussi lourd, voire plus lourd qu’un parent éloigné. Avec le couple verbal vendre - acheter, le proverbe insiste sur la nécessité de maintenir une bonne relation avec notre entourage.

Cette pensée influence plus ou moins les stratégies des gouverneurs, les aidant à trouver de bonnes solutions pour maintenir la stabilité nationale.

3.4. Le caractère d’une culture fortement influencée par la philosophie Yin-Yang

3.4.1. Qu’est-ce que c’est que la philosophie Yin-Yang ?

Comme nous l’avons dit plus haut, la culture vietnamienne est une culture d’origine agricole. Le premier souci des agriculteurs est la multiplication des récoltes et de l’homme. Ils ont soif d’avoir des moissons abondantes et des familles

Page 199: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

189

nombreuses. Cela est d’une très grande importance pour ces populations de riziculteurs en terrain inondé. Parce que la culture de cette plante dépend étroitement des saisons, elle nécessite une main d’œuvre abondante. Autrefois, la superficie n’était pas limitée, plus on était nombreux, plus on travaillait et plus on récoltait.

Les Vietnamiens constatent que la multiplication de l’homme, ainsi que celle des récoltes, dépend de deux éléments, qui sont respectivement le père et la mère (ou le mâle et la femelle), la terre et le ciel. La terre est assimilée à la mère, qui donne la naissance et le ciel au père, qui nourrit. En un mot, ces deux phénomènes ont la même nature. La fusion des deux couples « mère-père » et « terre-ciel » est précisément la première synthèse de la philosophie Yin-Yang. Les agriculteurs de la riziculture n’ont pas uniquement une préoccupation concernant ces couples antagonistes, ils sont aussi en contact permanent avec d’autres couples tels que « inondation - sécheresse », « soleil - pluie », « eau - feu »…Le riz lui-même est un végétal particulier qui vit les pieds dans l’eau et la terre (yin) tandis que la tête est dans le vent et le soleil (yang).

Yin-Yang sont pour nous actuellement des notions abstraites et vagues mais dans le temps passé, ils ont été des mots aux connotations concrètes. Le sens originel n’est pas autre chose que « mère-père – terre-ciel ».

C’est de ces notions Yin-Yang avec ces deux couples antagonistes que les hommes dans l’antiquité ont tiré une multitude d’autres couples opposés.

En vue d’une meilleure compréhension de la cosmologie du yin et du yang, nous empruntons la définition de Li Liu (2007) :

« Le yin et le yang sont considérés comme le deux forces régissant l’univers. Le yang représente la virilité, le pouvoir, la chaleur, la lumière, la sécheresse et la dureté, tandis que le yin incarne la féminité, la passivité, le froid, l’obscurité, l’humidité et la douceur. Tout dans le monde contient du yin et du yang et atteint l’harmonie en équilibrant ces deux forces » (2007 :151-152)

3.4.2. Les caractéristiques de la philosophie Yin-Yang

Toutes les caractéristiques de la philosophie Yin-Yang peuvent être ramenées à deux lois fondamentales :

• La loi sur la nature des constituants

Selon cette loi, rien n’est totalement Yin ou Yang. Dans le Yin, il y a du Yang et vice-versa.

Page 200: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

190

Au cœur de la terre froid (yin) il y a la chaleur (yang), dans les rayons du soleil est cachée la pluie et dans la pluie est caché le beau temps. Dans le masculin existe le féminin…

Ainsi :

(9) « Người có lúc vinh lúc nhục, nước có lúc đục lúc trong »

(L’homme est tantôt honoré, tantôt déshonoré ; l’eau est parfois trouble et parfois claire)

Afin de bien comprendre ce proverbe, il est nécessaire de parler du symbole de « nước » (l’eau) dans la culture vietnamienne. Issus de la riziculture en terrain inondé, les Vietnamiens attachent à l’eau des côtés positifs et aussi négatifs. D’une part, l’eau est considérée comme étant la source de vie, élément de reproduction spirituelle et matérielle, signe de douceur, de bonne intelligence, de tolérance et de vertu. D’autre part, dans certaines circonstances, elle constitue pour l’homme une angoisse majeure en causant des inondations, des déluges… Bref, l’eau est très proche de la vie humaine. C’est pourquoi, elle est comparée à l’homme.

L’eau a sa duplicité. Ses aspects positif et négatif correspondant respectivement à Yang et à Yin se manifestent dans ce proverbe par la combinaison des deux adjectifs : « claire » et « trouble ». De même, l’homme a dans sa vie des moments où il se sent honoré, et aussi des moments où il se sent humilié. Le proverbe aborde une vérité générale : dans la vie il y a des hauts et des bas.

Cette loi nous fait savoir que la détermination Yin ou Yang d’une chose est toute relative, dans la comparaison avec une autre chose. C’est pour cela qu’avec des couples opposés (comme les antonymes en matière linguistique), c’est-à-dire déjà avec une comparaison sous-jacente, la détermination du caractère yin-yang n’est pas difficile, tandis qu’avec des éléments isolés, elle peut être ardue.

• La loi concernant les relations entre les éléments

Selon cette loi, le Yin et le Yang sont toujours en étroite relation. Ils sont constamment en mouvement et se transmutent continuellement l’un et l’autre : un Yin extrême produit du Yang et un Yang extrême produit du Yin. Nous avons par exemple le jour et la nuit, l’ombre et la lumière, la pluie et la chaleur, …qui fonctionnent selon ce principe.

Ainsi :

(10) « Trèo cao ngã đau »

(Plus on grimpe haut, plus dure sera la chute)

Page 201: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

191

Ce dicton s’utilise pour conseiller aux gens de savoir mesurer leur compétence ainsi que leur talent, de bien peser le pour et le contre avant de prendre une décision quelconque, car si on est trop ambitieux, on risque d’affronter des échecs lamentables.

3.4.3. La philosophie Yin-Yang et le caractère des Vietnamiens

La philosophie Yin-Yang est devenue la base ingénieuse de l’élaboration du caractère des Vietnamiens. Ses marques sont omniprésentes dans la façon de vivre et celle de penser des Vietnamiens. En parlant de « đất » (terre), par exemple, ils pensent immédiatement à « nước » (eau), et de même, en parlant de « cha » (père), à « mẹ » (mère). « Cha » et « đất » sont Yang alors que « mẹ » et « nước » correspondent à Yin. En conséquence, nous avons la chanson populaire suivante :

(11) « Công cha như núi Thái Sơn

Nghĩa mẹ như nước trong nguồn chảy ra »

(La peine du père est semblable au mont Tai-chan

L’amour de la mère est comme l’eau qui coule de la source)

On introduit dans le proverbe deux couples de comparaisons : la peine du père est comparée au mont Tai-chan, et l’amour de la mère à l’eau de source. Ici, on rencontre encore une fois les deux images « núi » (ou « non ») et « nước », qui correspondent parfaitement à Yang-Yin, et qui sont étroitement liées à la culture agricole.

- Le Tai-chan est une montagne très connue, classée parmi les cinq monts les plus sacrés de la Chine. Sa hauteur représente la peine paternelle.

- L’eau qui coule de la source n’est jamais épuisée. Son abondance représente l’amour de la mère qui est infini.

Influencés profondément par les caractères Yin-Yang, les Vietnamiens, dans la vie courante, essaient toujours de maintenir la bonne entente et de ne vexer personne. Cette ligne de conduite règle non seulement leur façon de vivre mais aussi leur façon de parler :

(12) « Ở sao cho vừa lòng người,

Ở rộng người cười, ở hẹp người chê »

(Comment se conduire pour contenter les autres,

Page 202: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

192

On rit de vous quand vous êtes large ; on se moque de vous quand vous témoignez de l’étroitesse)

Le proverbe montre qu’il n’est pas du tout facile de plaire à tout le monde. Être trop généreux ou être trop pingre peuvent mécontenter autrui.

En ce qui concerne la façon de parler, nous allons la traiter dans les autres parties.

C’est également cette philosophie qui a doté les Vietnamiens d’une grande capacité d’adaptation à toute situation. Ils ne se découragent presque jamais devant les difficultés. C’est vraiment un peuple qui vit tourné vers l’avenir. Il s’attend toujours à un lendemain meilleur.

(13) « Ở hiền gặp lành »

(Qui vivra gentiment trouvera le bien)

Ce dicton illustre en quelque sorte le comportement vietnamien qui accorde une grande priorité à la maintenance d’un équilibre entre le sentiment et la raison, le premier étant un peu plus lourd que le second. « Ở hiền » signifie savoir montrer de la compassion, ne pas faire de mal à l’autre.

L’équilibre entre le sentiment et la raison reflète le lien harmonieux entre le Yin et le Yang considéré comme le principe directeur dans la manière de vivre, dans celle de penser, dans celle de communiquer et pourquoi pas dans les pratiques argumentatives des Vietnamiens. Nous en parlerons dans les lignes qui suivent.

4. L’acculturation

Le sociologue vietnamien Tran Ngoc Them, dans son ouvrage intitulé « Recherche sur l’identité de la culture vietnamien » (2001), a remarqué que le Vietnam, situé à un carrefour de civilisations, attache une importance particulière à toutes les valeurs culturelles de l’humanité :

« De la culture indienne sont nés une culture cham originale et les fondements du bouddhisme vietnamien. De la culture chinoise, le confucianisme et le taoïsme. L’Occident a apporté le christianisme et des modes de pensée nouveaux sur plusieurs plans. Ce processus d’échanges culturels pluriséculaires des Vietnamiens, en dehors de la tolérance et du pacifisme, est marqué par l’esprit de synthèse, de coexistence et d’intégration » (2001 : 567)

Page 203: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

193

Nous allons donc essayer de présenter ci-dessous les traits les plus caractéristiques qui influencent le comportement verbal en général, et les habitudes argumentatives en particulier, des Vietnamiens.

4.1. Le Bouddhisme et la culture vietnamienne

La morale bouddhique se résume magnifiquement dans la pratique de huit voies authentiques qui sont respectivement la compréhension juste, la pensée juste, la parole juste, l’action juste, les moyens d’existence justes, l’effort juste, l’attention juste et la concentration juste. Ces huit orientations de l’âme doivent se pratiquer simultanément dans le creuset du quotidien. On peut dire qu’ils recueillent toute la finesse de la morale bouddhique.

Ce qu’il faut dire, c’est l’introduction dans cet Octuple Sentier de la notion de justesse. Il faut être juste dans chaque acte de sa vie : dans ses paroles, dans ses actions et dans ses efforts quotidiens. Nous parlons ici un peu plus en détail de la parole juste étant donné que cet aspect exerce une influence énorme sur la culture communicative des Vietnamiens. Par la parole juste, nous n’entendons pas simplement l’impératif de ne pas mentir. Cette voie sous-entend encore l’acte de ne pas offenser, ne pas blesser les autres avec ses mots. Toutes les paroles blessantes, humiliantes, insultantes, vulgaires et grossières sont donc à éviter pour céder la place aux mots amicaux, bienveillants, agréables et doux. En un mot, les paroles doivent être utilisées pour exprimer l’amour, la compréhension et le réconfort.

Dans cette perspective, les Vietnamiens adoptent toujours le principe « modestie pour soi, honneur pour les autres » dans la communication de tous les jours. Ce principe reflète la tendance à s’effacer pour maintenir la bonne entente.

4.2. Le Confucianisme et la culture vietnamienne

Le confucianisme est un produit de la culture chinoise. Il est plutôt une morale politique qu’une religion.

La doctrine confucéenne recommande à l’homme de vivre en harmonie et en équilibre avec le monde extérieur. Constatant que dans chaque être humain se trouvent les valeurs telles que la générosité, la volonté, le cérémonial, la sagesse et la bonne foi et que l’homme doit se perfectionner en vue d’une meilleure adaptation

Page 204: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

194

à la vie communautaire, la théorie confucéenne a essayé de construire des personnalités modèles qui soient de bons exemples à suivre.

« … l’on caractérise l’enseignement au sein du confucianisme comme une éducation du modèle ou éducation de l’imitation. Dans cette vision de l’homme idéal, on considère que toutes formes de confrontations relationnelles bilatérales résultent de l’absence de sympathie ou du manque de compréhension ou encore du mépris entre le sujet et l’objet. Il faut donc les éviter ou les maîtriser par le perfectionnement de sa personnalité humaine ». (Lee-Le Neindre, 2002 : 158)

Cet enseignement au sein du confucianisme contient à la fois des aspects positifs et des aspects négatifs. D’un côté, il contribue à orienter l’être humain vers une image idéale et parfaite par la voie de l’auto-perfectionnement et, d’un autre côté, il forge chez le sujet une grave passivité qui fait de lui un individu s’adaptant difficilement, voire incapable de se débrouiller face à des situations de confrontations ou de conflits.

En accordant une énorme priorité à l’obéissance et à l’adaptation, cet enseignement, qualifié comme étant une « éducation de modèle » ou plutôt une « éducation de l’imitation », selon l’expression de Lee-Le Neindre (2002), a empêché, sans le vouloir, le développement du « moi » personnel. En effet, on a cherché, par plusieurs recherches, à démontrer chez les Asiatiques en général et chez les Vietnamiens en particulier un grave manque d’intention de se chercher, de se fixer un but ou un objectif à suivre et enfin de construire leur image conformément à une position prise. Ce point faible se traduit aussi par le manque de sens de créativité et d’imagination chez les apprenants vietnamiens dont nous parlerons plus en détails dans la quatrième partie.

Une autre chose importante à dire, c’est la mise en valeur du sentiment humain. C’est la caractéristique de cette société d’attachement dans laquelle la famille est la cellule de base de la construction de la communauté humaine. En d’autres termes, Liu précise que « des relations familiales harmonieuses ont toujours été la pierre angulaire de la société » (2007 : 153). C’est pourquoi, il est absolument nécessaire que toutes ses relations se basent essentiellement sur l’amour envers autrui. Ce sentiment affectif permet aux gens de s’accorder parfaitement avec les deux vertus majeures recommandées par la doctrine confucéenne : « nhân » (l’humanité) et « nghĩa » (la droiture).

Avant de passer à une autre idée, nous voudrions parler de la relation parent-enfant, ou plus précisément de la « piété filiale », perçue comme un des plus importants principes issus du confucianisme.

Page 205: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

195

Hwang (1999) a comparé l’image des parents et celle des enfants aux deux parties du corps humain qui sont respectivement la tête et les pieds :

« La famille est vue en analogie avec le corps humain, la relation entre les parents et les enfants étant métaphoriquement comparable à celle qui existe entre la tête et le pied ». (L’idée de Hwang (1999) résumée et citée dans Liu, 2007 : 154).

La tête renvoie à la position supérieure et les pieds à la position inférieure. Cette relation entre ces deux parties comme celle entre les parents et les enfants sont asymétriques. Les enfants ont le devoir d’obéir aux parents. Bi et D’Agostino (2004) ont remarqué que « c’est à travers la piété filiale que le confucianisme sanctionne l’autorité indiscutable des parents et l’obéissance indiscutable des enfants » (Bi et D’Agostino cités dans Liu, 2007 :154). Toutefois, il est à noter que cette obéissance n’implique jamais une obéissance aveugle à des parents car il existe toujours, au sein de la famille, des conflits entre des générations. De plus, la réalité montre également qu’il existe encore, bien que ce soit très rare, des situations particulièrement tendues où le père, afin d’obtenir la soumission de son enfant, le menace de rompre avec lui toute relation. Cette rupture relationnelle constitue la dernière stratégie de persuasion au sein de la famille car elle suscite un sentiment d’angoisse chez l’enfant risquant d’être mis hors de la généalogie familiale initiée par ses ancêtres. En effet, la « famille », c’est-à-dire la relation entre des gens de même consanguinité, joue un rôle extrêmement important chez les Vietnamiens. C’est ainsi que des notions comme « trưởng họ » (chef de la ligne aînée d’une famille), « nhà thờ họ » (maison de culte des ancêtres), « gia phả » (registre généalogique d’une famille),… les touchent de très près. La famille, pour le confucianisme, constitue vraiment le noyau minimal de la société. Être refusé par la famille, cela signifie donc qu’on est privé éternellement de toute amour, de toute protection, qu’on est solitaire et, plus dangereux encore, qu’on perd plus ou moins son identité personnelle, ce parce que la famille est aussi le seul lieu où un individu se reconnaisse d’après la position et le rôle qu’il y joue.

Cet exemple contribue à éclairer l’idée que dans la société influencée par le confucianisme, la relation humaine se base plus essentiellement sur l’affection que sur la raison, ce qui fait que cette société se caractérise comme une société d’attachement.

Avec toutes les caractéristiques qu’on vient de présenter, on peut dire que le confucianisme exerce d’importantes influences sur le comportement des Vietnamiens. Cette culture produit des individus qui se débrouillent difficilement dans des situations d’opposition, de contradictions ou de conflits. Pourquoi ? Parce

Page 206: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

196

que l’autonomie et l’indépendance, c’est-à-dire l’individu dans son « moi », sont affaiblies pour céder la place à une forme de passivité profonde et intériorisée, quelquefois inexplicable comme, par exemple, dans le milieu scolaire dont nous parlerons plus tard. Dans un tel contexte, il ne nous est pas difficile d’imaginer à quel point il serait difficile pour un sujet de s’imposer et, plus simple encore, de s’exprimer ouvertement et de prendre position.

4.3. Le taoïsme

Le Taoïsme est une théorie philosophique qui s’est constituée au IIe siècle, développée par Lao Zi et parachevée par Zhuang Zi.

Lao Zi insiste sur l’idée que l’univers, étant régi par la loi de l’équilibre Yin-Yang, existe alors dans un ordre naturel parfaitement logique, équitable et scrupuleux.

Lao Zi compare l’ordre naturel au fait de bander un arc, quand c’est trop haut, on le rabaisse ; quand c’est trop bas, on le relève. L’ordre naturel a par conséquent un caractère logique. Le caractère équitable s’explique par le fait que dans l’univers, tout ce qui est superflu est automatiquement enlevé pour rajouter là où il y a un manque. Enfin, il est scrupuleux car il est comme le filet de ciel11 céleste dont les mailles sont très lâches mais rien ne s’en échappe. C’est pourquoi, il est merveilleux au point de triompher sans combattre, d’avoir raison sans parler, de rallier sans solliciter. Tout ce qui est excédent ou déséquilibre est anti-naturel et doit s’autoréguler suivant le principe Yin-Yang : le Yin produit le Yang et vice-versa.

En réalité, appliquant ce principe, beaucoup de parents vietnamiens tendent à éduquer leurs enfants en disant :

« Bố Mẹ không cần phải nói nhiều. Giải thích nhiều quá sẽ thành nhàm. Đến một lúc nào đó con sẽ hiểu rằng Bố Mẹ nói đúng »

(Nous ne voulons pas te donner trop d’explications. Tout ce qui est trop n’est pas bon, tu t’en moqueras. Un jour, tu comprendras que nous avons raison)

Cette manière d’imposer, faisant réfléchir les enfants, paraît plus efficace que de longues « leçons morales », qui fatiguent les oreilles et qui rendent encore plus tendue la relation parents-enfants.

11 « Filet de ciel » (lưới trời) est une image métaphorique bien utilisée au Vietnam. « Lưới » (filet) est un outil

tressé par plusieurs types de fils. Il a donc beaucoup de mailles et sert à prendre des poissons ou des oiseaux. On compare le ciel à un filet (filet de pêche) pour conseiller aux gens de ne pas faire de mal aux autres. Tout ce qui est mauvais ne peut pas s’échapper du filet.

Page 207: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

197

Revenons à la théorie du Taoïsme ! A partir de cette conception de l’univers, Lao Zi constate que dans la vie quand on veut réaliser quelque chose, il faut partir du point opposé, c’est-à-dire ne pas agir. Ne pas agir ne signifie pas ne rien faire du tout, mais c’est plutôt s’accorder avec la nature, et ne rien faire d’excessif. En effet, ce qui est excessif risque d’aboutir à des résultats parfois plus catastrophiques que si on n’a rien fait. Il s’agit là de la philosophie de la vie optimale de Lao Zi.

Cette philosophie, appliquée à la vie de chacun, nous enseigne de savoir rendre le bien pour le mal, de ne pas se mettre devant les autres, de ne pas faire de compétition. Autrement dit, il nous faut user du souple pour vaincre le dur, employer la douceur pour triompher du rigide.

Ce règlement, si l’on fait attention, on peut le retrouver dans nos pratiques argumentatives. Si l’on fait attention parce que d’une part, influencés par le confucianisme qui nous fait perdre le sens de l’autodéfense et l’esprit concurrentiel dans le sens positif des termes, d’autre part, régis par la morale communautaire de l’Orient qui dit que la coopération, l’entraide et l’harmonie sont des vertus primordiales alors que l’opposition et la concurrence ne sont que des valeurs négatives, nous sommes considérés par les Occidentaux, ceux pour qui l’autonomie, la confrontation et l’esprit concurrentiel passent plutôt pour des valeurs positives, comme des sujets passifs, faisant difficilement face à la contradiction et au conflit. Est-ce vrai ?

Pour répondre à cette question, on invoque ci-dessous un vrai exemple dont on a été témoin. C’est l’histoire d’un Vietnamien qui rentre dans son pays après une mission de longue durée en Europe. Il a une valise de 35 kilogrammes à faire enregistrer à la douane, donc 5 kilogrammes de bagages excédentaires. Nous allons voir s’il devra payer un coût supplémentaire pour la franchise de bagages.

La douanière : - Monsieur, votre bagage dépasse 32 kilogrammes. On est désolés, on ne peut pas faire l’enregistrement. Si vous voulez, vous devriez payer une franchise de bagage.

Le passager : - Vous pensez ? Ce n’est pas vrai (faisant semblant d’être étonné). C’est ma femme qui m’a fait la valise. Je sais bien que les bagages ne peuvent pas excéder 32 kilogrammes. Je sais (rire). Mais regardez ce monsieur ! Il a une valise de 30 kilogrammes mais vous voyez, il est bien gros, environ 130 kilos. Alors que moi, j’ai 3 kilogrammes de plus mais je suis beaucoup plus mince, seulement 60 kilos. Qu’en pensez-vous ? Moi, de toute façon, j’accepte de payer un coût supplémentaire, oui, avec plaisir (rire), parce que c’est ma faute.

Page 208: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

198

La douanière : - (éclat de rire) Bon, cette fois c’est la seule fois. Je vous fais enregistrer vos bagages.

Le passager : - Merci Madame, c’est très gentil.

La réponse du passager est vraiment surprenante. Surprenante, parce que normalement, dans cette situation, soit on accepte de payer un coût supplémentaire, soit on cherche à insister pour obtenir son objectif : faire enregistrer son bagage. Ce passager, lui, a formulé une argumentation intelligente mais humoristique, qui laisse comprendre que la franchise de bagage n’est pas une catastrophe. De plus, l’allocutaire, c’est-à-dire la douanière, n’a pas du tout l’impression d’être impliquée dans une affaire embarrassante. Enfin, la sagesse du passager a réussi : il ne doit pas payer une somme de franchise de bagages, d’ailleurs il obtient un moment de vie agréable au lieu d’une discussion tendue et vaine. Il est bien clair que le souple a vaincu le dur, la douceur a gagné sur le rigide. L’exemple montre que la concurrence, la confrontation ou l’attaque directe, selon la vision « occidentale », ne sont pas toujours le meilleur remède dans une situation d’opposition.

4.4. L’Occident et la culture vietnamienne

Les premiers échanges entre le Vietnam et l’Occident existent depuis le 16e siècle sur le plan religieux et commercial. Petit à petit, ces contacts ont gagné le domaine politique. Durant plusieurs siècles, la culture occidentale a exercé de fortes influences sur celle du Vietnam, notamment sur le plan matériel et spirituel.

Sur le plan matériel, elle a apporté le développement urbain, l’industrie et les voies de communication qui correspondaient aux avancées de la France et servaient les desseins de la colonisation.

Sur le plan culturel et spirituel, outre l’arrivée du christianisme, il y a eu d’autres influences importantes dans les domaines de l’écriture et du langage, de l’information, des arts et de la littérature, de l’éducation et des sciences, de la pensée,…On peut dire que l’invention la plus importante, c’est la création du Quốc ngữ (écriture de la langue nationale) à partir de l’alphabet latin complété d’accents spécifiques à certaines langues européennes. Très vite, cette écriture a permis de vulgariser l’éducation et ainsi de relever le niveau intellectuel du peuple.

Bref, la culture vietnamienne est influencée par le Bouddhisme, le Confucianisme, le Taoïsme et aussi par la culture occidentale. La force de la culture vietnamienne consiste à ne pas assimiler tous les éléments d’une culture étrangère,

Page 209: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

199

mais à en conserver certains pour les adapter et constituer une nouvelle structure. En effet, le Vietnamien a toujours reconnu dans les trois religions des principes identiques exprimés de manières différentes. Ces différences ne constituent pas des contradictions, mais au contraire se complètent. Le confucianisme est consacré à l’organisation sociale en vue d’une plus grande efficacité, le taoïsme cultive la personne humaine, le bouddhisme s’attache à la vie spirituelle, à l’existence après la vie.

Mais comment cette complicité se traduit-elle dans la culture communicative des Vietnamiens ? Dans les parties qui suivent, nous essaierons de présenter de manière détaillée les particularités du comportement verbal ainsi que des pratiques argumentatives vietnamiennes.

5. La culture communicative des Vietnamiens

Comme nous l’avons dit plus haut, entre la culture et le langage existe une relation intime. Le langage est un moyen d’expression des caractéristiques de la culture, un instrument primordial de la pensée et de la communication. En d’autres termes, il est la manifestation de l’âme d’un peuple. L’art verbal des Vietnamiens, lui aussi, reflète fidèlement le caractère de l’homme vietnamien et les caractéristiques fondamentales de la culture vietnamienne.

L’analyse ci-dessus des religions et des doctrines nous permet de relever quelques éléments qui, sans aucun doute, exercent des influences sur l’art de la communication des Vietnamiens; ces éléments sont : la culture d’origine agricole : son but est de maintenir la bonne entente et ne vexer personne ; la philosophie Yin-Yang : un équilibre entre la raison et le sentiment ; le bouddhisme : la parole juste ; le confucianisme : respecter l’entente sociale et le juste milieu sans partialité et ne pas faire à autrui ce que l'on ne désire pas que les autres nous fassent ; et enfin le taoïsme : l’effacement qui signifie ne pas se mettre devant les autres ou éviter de faire de la compétition.

Ces éléments contribuent à déterminer les particularités du comportement verbal des Vietnamiens que nous allons décrire dans les lignes qui suivent.

Page 210: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

200

5.1. L’attitude des Vietnamiens à l’égard de la communication

Dans la vie de tous les jours, les Vietnamiens en général et les paysans en particulier ont tendance à dépendre mutuellement les uns des autres. Ils respectent énormément le fait de maintenir de bonnes relations avec tous les membres de la communauté. Cet aspect, ayant pour origine le caractère communautaire, fait des Vietnamiens des sujets qui sont particulièrement attentifs à maintenir une bonne communication. En effet, ceux-ci respectent la communication car elle crée des rapports :

(14) « Dao năng liếc năng sắc, người năng chào năng quen »

(Plus on aiguise le couteau, plus il est affûté ; plus on se salue, plus on maintient une bonne relation)

Comme nous avons expliqué dans le proverbe (6), « chào » (saluer), pour les Vietnamiens, n’est pas simplement un acte rituel. Il est pris comme un moyen d’exprimer le respect, le sentiment, la préoccupation du locuteur à l’égard de l’interlocuteur. C’est pourquoi, leur façon de saluer est extrêmement variée. « Chào » (saluer) est accolé à « hỏi » (questionner). On pose des questions, qui sont vues par les étrangers comme presque indiscrètes, mais on n’attend pas de réponse ou on se satisfait d’une réponse vague du genre : « Je vais par là un petit moment » ou d’une réplique sous forme de question en retour : « Oui, et vous, où allez-vous ? ». En dehors de cette façon de saluer, les Vietnamiens peuvent aussi saluer par des invitations : « Asseyez-vous et mangez du riz avec nous », par des compliments : « Vous avez une belle coiffure aujourd’hui ! », par des appellations à haute voix : « Ah, maman est rentrée ! », par des félicitations : « Je vous félicite »,…Quelle que soit la façon de saluer, le locuteur nourrit le seul désir d’être en bons termes avec ses interactants. Plus on salue, plus on est en bonne relation.

Toujours concernant ce proverbe, nous voudrions dire quelques mots sur l’image de « dao » (le couteau), étant donné qu’il y aurait des malentendus autour de la comparaison entre la relation interpersonnelle et l’aiguisement de cet ustensile.

En effet, le groupe de mots « con dao, cái liềm » (le couteau, la faucille) ont été très liés à la vie paysanne vietnamienne. Ils ont été des instruments indispensables pour récolter le riz. C’est aussi pour cette raison qu’ils sont entrés plusieurs fois dans les proverbes ou chansons populaires. Le proverbe cité ci-dessus est une variante du suivant :

(15) « Đôi ta như đá với dao

Page 211: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

201

Năng liếc thì sắc năng chào thì quen »

(Nous deux sommes comme un affiloir et un couteau

Plus on aiguise, plus le couteau est affûté ; plus on se salue, plus on devient intime)

Le comportement verbal est considéré par les Vietnamiens comme le premier critère pour évaluer un homme :

(16) « Vàng thì thử lửa thử than,

Chuông kêu thử tiếng, người ngoan thử lời »

(L’or s’éprouve au feu, à la braise

La cloche au son et l’homme à la façon de s’exprimer)

Ce proverbe met en valeur le rôle des paroles. On éprouve l’or en le mettant au feu. On éprouve la cloche en écoutant sa sonorité. Quant à l’homme, pour savoir s’il est « ngoan » (sage) ou non, on se base sur sa façon de parler. La sagesse, dans ce cas, doit être comprise dans un sens un peu plus large. Elle renvoie à la politesse, à la manipulation de la parole. A travers les paroles, on peut savoir à quel genre de personne appartient le partenaire : bon ou mauvais, gentil ou méchant, doux ou agressif,…Ainsi en témoigne le proverbe :

(17) « Chim khôn kêu tiếng rảnh rang

Người khôn nói tiếng dịu dàng dễ nghe »

(Le sage oiseau a un chant mélodieux

L’homme sage a des paroles douces, agréables à entendre)

Les paroles qui viennent du cœur sont toujours très aimables, et par conséquent, ont la puissance de persuasion. Elles sont sûrement le produit des gens sincères et chaleureux.

En d’autres termes, les énoncés formulés au cours de l’interaction reflètent fidèlement le style de vie d’une personne. Cela a été également confirmé d’une manière académique par un écrivain français très célèbre : « Le style, c’est l’homme même »12.

Une particularité facile à observer dans l’habitude communicative des Vietnamiens, c’est qu’ils sont ouverts et aiment le contact, mais seulement en milieu

12 Cette phrase a été écrite par Georges-Louis Leclerc (1707-1788, comte de Buffon, dans son « Discours sur le

style » prononcé pour sa réception à l’Académie française. Il est naturaliste, mathématicien, biologiste, cosmologiste et écrivain français.

Page 212: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

202

connu, dans la limite de la communauté familière, là où le caractère communautaire prédomine. Lorsqu’on sort des limites de la communauté, face à un étranger, les Vietnamiens agissent toujours avec circonspection. Pourquoi ? Parce que c’est le moment où le sujet autonome et indépendant doit travailler, mais hélas, il n’est pas efficace ! C’est pour cette raison que la timidité est souvent le caractère premièrement remarqué par les observateurs étrangers.

D’un côté, l’hospitalité et de l’autre, la timidité, ce sont deux caractères apparemment contraires mais ils ne sont pas du tout en contradiction. Au contraire, ils sont précisément les deux faces d’une seule et même nature. C’est la manifestation de la flexibilité du comportement des Vietnamiens.

5.2. Le respect du sentiment humain dans le comportement

Comme nous l’avons dit plus haut, la ligne directrice dans le comportement des Vietnamiens est la tendance à respecter le sentiment humain. Ce caractère les a conduits à considérer les sentiments, y compris l’amour et la haine, comme base du comportement dans leurs relations. Nous avons plusieurs proverbes et des chansons populaires qui en témoignent :

(18) « Yêu nhau chín bỏ làm mười »

(Quand on s’aime, on considère neuf comme dix)

Comment neuf peut-il devenir dix ? C’est une chose incroyable. Incroyable mais vrai si ce principe est appliqué dans le comportement à la vietnamienne. Nous sommes tous d’accord qu’il y a entre neuf et dix un petit écart. Mais si on s’aime, on peut négliger ces différences pour arriver à un accord commun. « Yêu nhau » (s’aimer) ne signifie pas seulement la relation entre des aimés mais recouvre aussi la relation familiale, relation de voisinage, relation amicale… Le proverbe nous apprend que les Vietnamiens, dans la vie de tous les jours, se font volontiers des concessions mutuelles afin de maintenir une bonne entente. Dans une sphère plus étroite, comme dans les conversations entre des amis, par exemple, on tend à tolérer les fautes pour éviter des conflits interactionnels. D’ailleurs, le numéro dix dans ce proverbe symbolise le caractère plein et invariable du sentiment que les Vietnamiens vous témoignent.

Dans l’ensemble, les Vietnamiens, régis par la philosophie Yin-Yang, essaient toujours de maintenir un équilibre entre la raison et le sentiment, avec une

Page 213: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

203

préférence pour le sentiment. C’est pourquoi, s’il faut peser entre les sentiments et la raison, les premiers priment toujours sur les seconds :

(19) « Một bồ cái lý không bằng một tí cái tình »

(Un gros panier de raison ne vaut pas une pincée de sentiment)

Nous remarquons, avant d’analyser le proverbe, que « bồ » (gros panier) est un objet pour contenir du paddy. Un gros panier de paddy peut nourrir toute une famille vietnamienne pendant un certain temps. La comparaison entre deux images entièrement opposées en quantité, « một bồ » (un gros panier) et « một tí » (une pincée), est largement suffisante pour justifier à quel point le sentiment est important. Pourtant, toute chose a son revers. Il en est de même pour cette manière de vivre des Vietnamiens. La raison, par conséquent, ne se situe qu’au deuxième rang. Ainsi,

(20) « Đưa nhau đến trước cửa quan

Bên ngoài là lý bên trong là tình »

(On se traîne en justice,

En apparence, on argumente, mais dans le fond, il y a le sentiment)

« Cửa quan » ou « công đường » (salle d’audience d’un mandarin), selon l’ancienne conception, est le lieu de travail des mandarins sous le régime féodal. C’est aussi le lieu où les causes sont jugées. Bref, c’est là où la justice doit travailler et exercer ses influences. Or, même dans ce milieu, le sentiment domine quelquefois la raison. Ce mode de travail des mandarins a souvent entraîné des conséquences néfastes dont les paysans, les pauvres ont été des victimes.

C’est sans doute un des côtés négatifs du mode de vie où le sentiment passe avant la raison, l’affectif avant la logique.

5.3. La délicatesse et la réserve vietnamiennes

La façon de vivre en s’orientant vers le sentiment et la façon de penser en respectant tous les liens sont à l’origine de la délicatesse et de la réserve des Vietnamiens au niveau de la communication. Ces deux caractères font qu’ils ont toujours l’habitude d’« y aller par quatre chemins » et de ne jamais aborder le sujet de front comme les Occidentaux. Traditionnellement, afin de commencer une conversation, les Vietnamiens tendent à parler de la pluie et du beau temps, à poser des questions sur la maison, les champs… Pour créer une atmosphère, on avait la tradition de « la chique de bétel pour amorcer l’entretien » (« miếng trầu làm đầu

Page 214: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

204

câu chuyện »). Actuellement, la fonction d’ouverture de dialogue avec la chique de bétel se modernise et est dévolue à une tasse de thé, une cigarette ou un verre de bière…

La délicatesse et la réserve dans la communication engendrent également une habitude de peser le pour et le contre avant de parler. Cette habitude est remarquée dans de nombreux proverbes et des chansons populaires. En voici quelques exemples :

(21) « Ăn có nhai, nói có nghĩ »

(Mâcher en mangeant, réfléchir en parlant)

Dans ce proverbe, on fait appel à une comparaison très simple et populaire mais aussi très profonde et subtile. « Ăn » (manger) et « nói » (communiquer) sont deux activités indispensables à l’existence et au développement de l’homme. Au cours de la réalisation de ces deux actions, si on ne fait pas attention, on risque de subir de mauvaises conséquences.

Le proverbe nous conseille de bien balancer le pour et le contre, de choisir et de ciseler soigneusement les mots et les paroles avant de les laisser sortir de la bouche parce que :

(22) « Một lời đã trót nói ra

Dù rằng bốn ngựa khó mà đuổi theo »

(La parole une fois sortie de la bouche par inadvertance

Même quatre chevaux ne peuvent pas l’attraper)

ou

(23) « Sẩy chân đã có ngọn sào

Sẩy miệng biết nói làm sao bây giờ »

(Si on fait un faux pas, on s’appuie sur une cime de perche

Si on laisse échapper une fausse parole, on ne sait plus quoi faire)

L’introduction de l’image de « quatre chevaux » ainsi que la comparaison entre deux actions « sẩy chân » (faire un faux pas) et « sẩy miệng » (laisser échapper une fausse parole) suffisent à décrire la gravité des réflexions désobligeantes.

Il est bien clair que la parole, ou plutôt la langue, a sa force magique qui se manifeste par le fait qu’elle agit sur la pensée et sur le sentiment de l’interlocuteur, dirige plus ou moins son action. Les douces paroles peuvent rendre les gens plus proches les uns des autres. Au contraire, les paroles malveillantes risquent de les

Page 215: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

205

séparer pour toujours. C’est pourquoi les Vietnamiens ont toujours présent dans l’esprit le proverbe :

(24) « Uốn lưỡi bảy lần trước khi nói »

(Se courber la langue sept fois avant de parler)

Ce proverbe est presque identique au français : « Il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler »13 Il faut bien prendre le temps de réfléchir avant de parler afin de ne pas risquer de regretter ce qu’on dit.

C’est précisément cette façon de peser minutieusement le pour et le contre qui rend les Vietnamiens peu aptes à prendre une décision. Pour éviter de décider, et pour ne vexer personne, ils sourient souvent. Le sourire fait partie de leurs habitudes relationnelles. On peut rencontrer ce sourire dans des moments pour le moins inattendus.

« A partir du sourire, on peut constater chez les Vietnamiens un équilibre spécial dans toutes les branches des activités qui leur fait accepter en toute logique tous les points de vue, et concilier toutes les idées les plus dissemblables. La vie de ce peuple ne comporte pas de triomphalisme exagéré malgré les victoires, ni d’écœurement excessif malgré les défaites » (Pazzi, 1970 : 12-13).

L’esprit de prôner la bonne entente dicte au Vietnamien un comportement de s’effacer et de céder aux autres, comme en témoigne le proverbe :

(25) « Một câu nhịn chín câu lành »

(Une phrase concédée équivaut à neuf phrases de concorde)

Le verbe « nhịn » dont l’équivalent français est « se résigner » reflète une caractéristique dans la relation interpersonnelle des Vietnamiens.

Ce proverbe nous rappelle l’importance de savoir se retenir, se tolérer, surtout en cas de confrontation et de conflit pour maintenir la bonne entente entre les individus d’une même communauté au lieu de produire du ressentiment.

A propos de cette particularité, il ne nous est pas facile de qualifier si elle est bonne ou mauvaise. En fait, à notre avis, la résignation englobe, dans une certaine mesure, la soumission et l’obéissance. Nous sommes d’accord pour dire qu’elle est une bonne solution dans certains cas. Mais dans certains autres, elle n’est pas sûre de l’être. Pourquoi ? Parce que ce proverbe nous apprend à nous maîtriser nos sentiments comme l’opposition, la colère, la haine ; cela veut dire qu’il méconnaît,

13 Ce proverbe a été recensé dans le Dictionnaire de l’Académie française en 1835.

Page 216: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

206

voire refuse, l’existence de l’individualité dans chaque personne, c’est-à-dire l’existence du « moi ». Nous reviendrons sur cette question ultérieurement.

6. La notion de « face » dans la culture vietnamienne

Attachant à l’honneur la plus grande importance dans la vie, les Vietnamiens font très attention à la « face » ; cette notion, en terme de Zheng Li Hua (1995), un chercheur chinois, présente trois aspects : face en tant que « réputation sociale », face en tant que « prestige social » et face en tant que « sentiment personnel ».

Dans n’importe quel aspect, la face est considérée comme le bien le plus précieux, le refuge le plus confortable de chaque individu. C’est pourquoi, dans les relations interpersonnelles, respecter la face des autres est la préoccupation prioritaire pour chacun. Avant d’entrer dans les détails, dans les lignes qui suivent, nous présenterons d’une manière sommaire la notion de « face ».

La notion de « face » a fait l’objet des recherches de plusieurs sociologues et linguistes, à savoir Goffman, Brown et Levinson, Kerbrat-Orecchioni,…Elle joue une place prépondérante dans la recherche sur les interactions verbales en général et de politesse en particulier.

La face est une notion abstraite, voire mystérieuse, mais elle existe, ancrée dans la culture de la société et elle tend à se refléter en même temps dans les comportements humains et les pratiques linguistiques.

Influencée par la doctrine confucéenne, la face occupe une place fondamentale dans la mentalité vietnamienne. Elle constitue la ligne directrice de conduite des Vietnamiens dans leurs relations interpersonnelles. Son importance cruciale est justifiée par l’existence, en langue vietnamienne, d’une multitude d’expressions contenant ce terme, à savoir que « face » se traduit en vietnamien par « mặt » et « thể diện ».

« Mặt » est une partie du corps et équivaut à « visage ». Mais il arrive aussi que ce terme soit employé pour désigner le sujet personnel. Bref, il a la valeur métaphorique :

(1) Mày đi đâu mà mất mặt mấy ngày hôm nay ?

(Où vas-tu ? Je ne t’ai pas vu depuis quelques jours)

Page 217: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

207

Dans cette question, « mất mặt » se traduit littéralement en français par « perdre visage ». Cette expression signifie « être absent » dont le mot « mặt » renvoie à l’image du sujet personnel.

« Thể diện » est une variante de « mặt ». Ce terme fait allusion à l’image sociale du sujet.

Ces deux mots peuvent s’employer au sens figuré pour parler de la face.

En vue d’étudier le contenu figuré de la notion de « face » vietnamienne, dans notre travail, nous nous intéressons plus particulièrement à l’usage métaphorique de « mặt ».

6.1. La face renvoie à la personnalité et à la dignité personnelle - Thể diện phẩm chất

Examinons l’exemple suivant :

(2) Không chồng mà chửa, nó chẳng còn mặt mũi nào mà nhìn mọi người nữa.

(Accouchée sans s’être mariée, elle n’a plus la face de se montrer aux autres)

Dans (2), on parle d’une fille qui a honte d’avoir accouché hors mariage. Cela reste encore un tabou dans la société vietnamienne. « Mặt » renvoie dans ce cas à la réputation vierge, à la moralité que cette fille veut présenter aux autres. Mais à cause de son accouchement hors mariage, elle viole les conventions sociales, elle s’attire par conséquent des commentaires ou des critiques et perd le respect de son entourage. « Mất mặt » équivaut donc à « perdre la face ». C’est une grave atteinte à sa personnalité et à sa dignité.

De même :

(3) Nó ngượng đỏ mặt khi bị cả lớp phát hiện đã lấy 250000 đồng của bạn.

(Il est rouge de honte d’être condamné par toute la classe pour avoir volé 250000 dongs à son ami)

L’attitude de « ngượng đỏ mặt » (être rouge de honte), formulée d’une autre manière par « avoir chaud à la face », ne se produit qu’au moment où le locuteur sent que la face est perdue. Dans ce cas, la perte de la face est causée par l’acte volontaire de la personne en question : le vol.

Une fois la face perdue, il est tout à fait naturel qu’on n’ait plus la face nécessaire pour se montrer devant les autres. « Les autres » dans le deuxième cas, par exemple, renvoient aux parents, aux collègues, aux voisins,…et dans le

Page 218: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

208

troisième cas, aux professeurs, aux amis,… La face est alors considérée comme quelque chose d’indispensable à l’existence sociale de l’individu.

6.2. La face renvoie au statut social de l’individu - Thể diện nhận diện xã hội

Non seulement la face implique la personnalité et la dignité personnelle, mais cette notion s’étend encore au prestige social de l’individu. En effet, plus le statut social d’un homme est élevé, plus il a de la face. Ici, on n’est plus dans la vision où l’on « perd la face », mais où l’on « perd un peu de face ». La face, comme nous l’avons dit plus haut, est apparemment quelque chose d’indispensable que tout le monde recherche. On essaie de faire le mieux possible, de dépasser les autres pour obtenir l’approbation de son entourage et donc, pour acquérir de la face. Une fois la face gagnée, on a plus de confiance en soi-même et on garde la tête haute devant les autres. Cette tendance aboutit parfois à des excès, ce qui se dit dans l’énoncé suivant :

(4) Loại người như anh ta có tí chức tí quyền vào thì tha hồ mà lên mặt

(Le genre d’homme comme lui, ayant un peu d’autorité, prendra de grands airs sans frein ni limites)

Dans cette phrase, « lên mặt » (prendre de grands airs, faire l’avantageux) signifie « faire la face ». Ce terme est utilisé dans le but de critiquer la personne qui, après être promu, adopte des comportements orgueilleux, méprisants envers les autres, ou essaie d’accomplir des actes dépassant de loin ses possibilités. Le fonctionnement de « lên mặt » dans la phrase montre que le statut social est une composante de la face.

De même :

(5) Mày làm sao cho đáng mặt đàn ông. Đàn ông gì mà suốt ngày ở nhà bám váy vợ !

(Pense à faire quelque chose pour te montrer digne d’être un homme. Un homme ne reste pas toute la journée à la maison à s’agripper à la robe de sa femme)

L’énoncé (5) pourrait être la parole d’une mère adressée à son fils. A ses yeux, son fils, qui n’assume pas bien le rôle de chef de famille (être au chômage et vivre dépendant de sa femme), n’a donc pas la qualité d’un homme. Un vrai homme doit aller au travail, avoir un salaire stable et, au moins, suffisant pour nourrir la

Page 219: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

209

famille. « Mặt » dans cet exemple renvoie au rôle de soutien de la famille que doit assumer le fils. La parole de la mère a pour effet d’éveiller en lui la dignité de sa face.

La face dans la culture vietnamienne est alors comprise comme étant la combinaison entre plusieurs éléments dont les qualités, les capacités personnelles et le rôle social de l’individu. L’ensemble de ces aspects, qui se résume en un mot « prestige social », correspond parfaitement à la « face positive » de Brown et Levinson. Cependant, dans la culture vietnamienne, la réputation sociale n’est pas la seule connotation de la notion de face.

6.3. La face vietnamienne a le caractère collectif - Thể diện mang đặc tính tập thể

Dans une société profondément influencée par le confucianisme comme celle du Vietnam, la question de « face » n’est pas strictement quelque chose de personnel. Autrement dit, la face est à la fois individuelle et collective. D’une part, quand une personne la perd, la réputation de tous ceux qui sont en relation avec elle est atteinte : sa famille, son village, le groupe social auquel il appartient… D’autre part, si on a des liens avec une personne bénéficiant d’une face considérable (« thành đạt », « có danh tiếng »), on devient également quelqu’un qui a de la face (« mát mặt », « mở mày mở mặt », « được thơm lây » = relever la tête devant les autres en jouissant en partage de la renommée de quelqu’un). Il s’agit là du caractère collectif de la face.

Par conséquent, si une personne accomplit un acte glorieux, elle n’oublie jamais de le montrer à toutes ses relations, notamment à des gens ayant un lien de sang avec elle. Sa belle face (« đẹp mặt ») n’appartient plus à elle seule mais est partagée avec des gens de son milieu, avec qui elle est liée. Et d’une manière réciproque, si cette personne jouit d’un prestige social élevé, tout son entourage l’écoute et lui réserve une considération personnelle importante.

Nous essaierons d’éclairer ces idées par des exemples concrets :

(6) Kết quả xuất sắc của anh trong kỳ thi toán quốc tế đã làm cả họ mát mặt

(Son excellent résultat au concours international de mathématiques a rafraîchi la face de toute sa famille)

Le groupe verbal « làm mát mặt » que nous traduisons littéralement en français par « rafraîchir la face » signifie exactement « donner de la face à

Page 220: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

210

quelqu’un » ou « faire honneur à quelqu’un ». La brillante réussite de cette personne à un concours d’envergure internationale ne consiste pas seulement à donner « une grande face » à elle-même mais aussi à ses parents, voire à ses ancêtres.

Comme « làm mát mặt », nous pouvons trouver en vietnamien d’autres expressions synonymes, à savoir « làm mở mày mở mặt » (faire ouvrir le visage), « làm đẹp mặt » (embellir le visage), …Toutes ces expressions signifient « donner de la face ».

Par contre, comme il est dit auparavant, quand un individu perd sa face, il risque de blesser celle de sa parenté, voire celle de son groupe d’appartenance. L’expression « faire perdre la face » se traduit en vietnamien par « làm mất mặt » ou « làm bẽ mặt », mais sa signification est encore exprimée dans d’autres locutions verbales comme : « còn mặt mũi nào » (n’avoir plus de face), « muối mặt » (se couvrir de honte), « xát muối vào mặt » (frotter du sel sur le visage)… Toutes ces expressions renvoient à une grave sensation de se couvrir de honte. Ainsi en témoignent les exemples suivants :

(7) Cái thói keo kiệt của mợ khiến nhiều phen cậu tôi phải muối mặt với bà con chòm xóm

(L’avarice de ma tante a fait plusieurs fois perdre la face à mon oncle devant la parenté et les voisins)

(8) Mày làm thế thì tao còn mặt mũi nào mà nhìn ai nữa !

(Ta façon d’agir me fait perdre la face. Je n’ai plus assez de face (la face) de me présenter devant les autres)

Ces trois exemples (6-7-8) nous amènent à dire que la face n’est plus une affaire personnelle. On gagne de la face non pas pour soi mais aussi pour les autres. De même, quand on perd la face, les autres risquent de la perdre aussi.

Ainsi, dans la famille vietnamienne, les phrases de type « ne nous fais pas perdre la face » (nous = parents → « Đừng làm mất mặt cha mẹ ») sont couramment prononcées par les parents dans le but de rappeler à l’enfant de bien se comporter dans la société car lorsqu’il commet une faute quelconque, la critique sociale ne porte pas seulement sur lui mais aussi sur l’ensemble des responsables de son éducation. C’est pourquoi, une fois la face perdue, l’individu, d’une part, n’a plus la face nécessaire (« không có mặt mũi nào ») pour se présenter devant les autres, d’autre part, doit subir une sorte de sanction psychologique qui se traduit à travers le langage :

(9) Mày còn dám vác mặt đến gặp tao à ?

Page 221: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

211

(Oses-tu t’amener impudemment de nouveau pour me voir ?)

→ Comment, tu as encore la face de venir me voir ?

(10) Mày còn dám ngẩng mặt nhìn mọi người không ?

(Oses-tu encore garder haute la tête pour voir les autres ?)

→ As-tu encore la face de te montrer aux autres ?

Ces deux énoncé montrent à quel point les locuteurs sont furieux d’avoir une relation avec l’interlocuteur ayant perdu sa face (9) et comment ils ont honte de tout ce qu’a fait cette personne (10).

En outre, il existe en vietnamien d’autres mots composés qui manifestent l’appréciation de la société envers la face de quelqu’un tels que « đẹp mặt » (belle face) si l’on a une attitude positive ; « mặt mo »14 (visage semblable à la face d’une spathe d'aréquier), « mặt dày » (avoir une peau épaisse sur la face) si l’on a une attitude négative. Le deuxième terme est synonyme de « gueule d’empeigne » en français. Le troisième renvoie à l’idée que cette face est recouverte d’une peau épaisse que l’opinion publique a du mal à pénétrer. Dans la culture vietnamienne, ce mot fait allusion à quelqu’un qui exprime toujours des prétentions exorbitantes sans porter attention aux réactions des autres. Le point commun entre ces deux termes, c’est qu’ils désignent des individus « ne voulant pas la face » (không cần có thể diện). Parce qu’ils ne veulent pas la face, ils n’ont pas peur de la perdre. Ainsi, ils violent des normes comportementales, notamment des normes morales. Ils sont prêts à affronter l’opinion publique. Sur ce type de gens, le contrôle social perd entièrement de son efficacité.

Pour conclure, nous dirons que la face vietnamienne présente trois aspects essentiels qui sont respectivement l’aspect moral, l’aspect social et l’aspect interactionnel. Ces trois aspects sont étroitement liés l’un à l’autre. On peut gagner ou perdre la face vis-à-vis des autres, pour les autres, grâce aux autres et à cause des autres. Cela explique la tendance relationnelle des Vietnamiens qui consiste à préserver sa propre face tout en respectant l’image que l’autre veut donner de lui.

14 « Mo » qui se traduit en français par « spathe », se trouve autour du tige de l’aréquier. Pour exprimer l’idée

d’avoir honte de faire quelque chose de mauvais, on dit souvent en vietnamien : « Đeo mo vào mặt » (porter le spathe pour cacher le visage), ce parce qu’on n’a plus de face pour se présenter devant les autres.

Page 222: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

212

7. L’habitude argumentative des Vietnamiens

Est-ce que les caractéristiques de la culture communicative ainsi que la conception vietnamienne à l’égard de la notion de « face » influent l’habitude argumentative des Vietnamiens ? La réponse est certainement oui.

7.1. Le cheminement de la prise de décision

En Occident, des termes comme discussion, débat… ne sont pas du tout étrangers aux gens. Bien au contraire, ce sont les meilleures solutions pour résoudre un problème. Lors d’une discussion, par exemple, les gens expriment ouvertement leurs points de vue et essaient de les défendre avec tous les arguments possibles. La prise de décision se fait ainsi par la négociation et par la coopération. Ce n’est pas pareil dans les pays orientaux influencés par la morale confucianiste.

Dans ces pays en général, et au Vietnam en particulier, on tend à éviter d’exprimer directement et clairement son point de vue. D’une part, parce qu’on considère cet acte comme une sorte d’imposition, voire d’offense envers l’interlocuteur. D’autre part, parce qu’on a toujours peur de heurter les sentiments de ce dernier surtout quand celui-ci ne partage pas la même opinion. Alors comment la prise de décision se fait-elle ?

La tendance générale qu’on peut observer chez les Vietnamiens, c’est de dire des choses à demi tout en scrutant l’opinion des autres. Examinons l’exemple (11) suivant15:

Situation de communication : Deux mamans ont des enfants du même âge. Leurs enfants vont bientôt commencer la première classe16 au mois de septembre. Elles discutent sur la question de faire apprendre l’anglais ou le français à leurs enfants.

A : Ta fille va bientôt commencer la classe préparatoire. Tu penses la laisser apprendre quelle langue ? Anglais ou français ?

B : J’hésite entre les deux langues. Et toi, qu’en penses-tu ?

A : Je pense que si on apprend le français, on peut mieux développer l’esprit logique. Plus tard, si on apprend l’anglais, ce sera plus facile. De plus, les

15 Voir la version en langue vietnamienne dans l’annexe 2 16 La première classe au Vietnam correspond au cours préparatoire en France.

Page 223: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

213

enseignants de français ont eu une très bonne formation. D’ailleurs, si nos enfants apprennent le français, on peut aussi le leur apprendre à la maison.

B : Oui, c’est vrai mais de toute façon, l’anglais est plus pratique. Si on passe à l’anglais après cinq ans d’apprentissage du français, c’est vraiment le gaspillage. Il vaut donc mieux apprendre l’anglais dès le début…

A : Oui, mais pour l’anglais, on vient de pratiquer les classes bilingues, on ne sait pas quelle est la qualité…

B : Ah oui… mais de toute façon, j’hésite…, je ne sais pas encore quelle décision je vais prendre. Bon, je vais quelque part maintenant, à la prochaine fois.

Il est bien clair que chacune a déjà sa décision : A veut que sa fille apprenne le français et B s’oriente plutôt vers l’anglais. Pourtant, au moment où A demande à B sa décision, B lui adresse une question en retour au lieu de donner la réponse précise. Elle devine apparemment ce que pense son interlocutrice, c’est pourquoi, elle évite de verbaliser clairement son opinion. La façon de poser une autre question en retour lui permet d’un côté de scruter, de confirmer le point de vue de l’interlocuteur et d’un autre côté, de revenir, si nécessaire, ajuster sa propre opinion. Autrement dit, en ne donnant pas ouvertement son opinion, le locuteur s’établit à l’avance une sortie de secours à laquelle il peut recourir en cas de risque de perte de face. C’est pourquoi, jusqu’à la fin de la conversation, face à plusieurs arguments donnés par A en faveur du français, B, pour ne pas blesser A en manifestant directement sa décision allant à l’encontre de celle de A, refuse toujours d’exprimer son opinion en disant « De toute façon, j’hésite…, je ne sais pas encore quelle décision je vais prendre ». Cette façon de cacher sa logique est aussi une bonne solution pour éviter toutes sortes de conflits relationnels.

Une autre remarque concerne l’expression « oui, mais …» (vâng/đúng, nhưng mà…). L’utilisation de « oui, mais… » se présente dans 3 sur 6 tours de parole, ce qui justifie le désir de recherche de l’harmonie entre les locuteurs. Ce « oui » est moins un « oui » d’approbation qu’un « oui » de politesse ou de sympathie. Le locuteur, en disant « oui », vise à maintenir la bonne relation et aussi à ne pas heurter le sentiment de l’interlocuteur. Autrement dit, ce « oui » sert à maintenir le contact tout en cachant la « logique de l’intérieur » du locuteur (Lee-Le Neindre, 2002 : 161).

Pour conclure, nous dirons que pour les Vietnamiens, la prise de décision ne se base pas sur la discussion, elle ne résulte pas non plus de la confrontation des différents points de vue. En revanche, elle se fait par l’interpénétration dans les

Page 224: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

214

opinions des interactants, ce qui permet de garder sa face et également de préserver celle des participants.

7.2. L’évitement des oppositions

D’abord, comme il est dit plus haut, dans la communication face à face, la préoccupation primordiale des Vietnamiens consiste toujours à garder leur propre face et à respecter la face des autres. Cet acte est même considéré comme une vertu prioritaire pour les Vietnamiens, car les relations interpersonnelles, pour eux, sont basées sur la face ; elles sont, par ailleurs, contrôlées et soutenues par la face. De plus, ayant comme fil conducteur « ce que l'on ne désire pas pour soi, il ne faut pas le faire à autrui », les Vietnamiens, dans les relations interactionnelles, tendent à éviter le plus possible la manifestation explicite de l’opposition. Les stratégies d’opposition directe, à leurs yeux, constituent en effet des actes langagiers menaçants, susceptibles de blesser les autres, et plus gravement encore, de leur faire perdre la face. Or, faire perdre la face aux autres signifie également perdre sa propre face. Pourquoi ? D’abord, parce que l’individu vit toujours en tant que membre d’un groupe : sa famille, son entreprise, sa région, son pays… Faire perdre sa face, c’est donc faire perdre la face à tout son groupe. Ensuite, on considère qu’en préservant la face de l’autre ou en lui donnant de la face, dans une logique de contre-don, l’autre est aussi amené à augmenter la face de son partenaire. Avec une telle façon de penser, les Vietnamiens s’efforcent toujours d’adopter un comportement adéquat vis-à-vis de leurs interactants. Par exemple, dans la famille, les enfants doivent absolument obéir aux parents et aux grands-parents ; à l’école, les élèves doivent obéir aux maîtres ; au travail, les inférieurs doivent suivre les ordres des supérieurs. Il s’agit pour eux de se conduire de façon à donner de la face aux autres, c’est-à-dire de leur faire bonne figure.

Cette conception hiérarchique, ancrée dans la culture vietnamienne, entraîne le fait que toutes les manifestations directes et excessives d’opposition sont considérées comme la violation des conventions sociales, et par conséquent, difficiles à admettre socialement.

Dans les lignes précédentes, nous avons dit également que les Vietnamiens sont ouverts mais uniquement en milieu connu. En milieu inconnu, ils se montrent plutôt fermés et économes de paroles. Cela explique pourquoi, lors des interactions avec les étrangers ou avec quelqu’un ayant une place considérable dans la société, l’opposition, pour ne pas dire l’opposition directe, est encore moins envisageable. Plus la distance sociale entre les interactants est grande, moins la confrontation se

Page 225: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

215

produit. Elle se manifeste par la tendance à refuser de proposer des points de vue différents, d’exprimer franchement son désaccord, autrement dit, de prendre position même si ces actes sont les bienvenus. Il s’agit, pour les Vietnamiens, de penser comme leurs supérieurs. Avoir une autre opinion serait considéré comme manquer aux rites. Attenter à ses supérieurs, c’est commettre la faute la plus grave dans l’optique de la société. Ainsi, dans la communication, ils accordent une attention particulière à chaque geste et à chaque parole.

Ce comportement reçoit quelquefois des critiques des observateurs étrangers, selon lesquels, les Vietnamiens sont plus ou moins hypocrites dans les relations interactionnelles. Ce jugement n’est pas vrai pour plusieurs raisons. Premièrement, en s’attachant à garder leur face et à préserver celle des autres, les Vietnamiens tendent à perdre leur individualité. Cette déduction paraît apparemment contradictoire mais c’est tout à fait raisonnable, car pour réussir à le faire, les Vietnamiens doivent laisser de côté leurs désirs primitifs ou biologiques et ne penser qu’à des désirs conformes aux principes moraux et sociaux. Ainsi, parallèlement à la perte du « moi » individuel, ils sont devenus des individus démunis du sens de l’autodéfense et de l’esprit concurrentiel. Deuxièmement, comme nous l’avons dit plus haut, ils placent toujours le sentiment humain au dessus de la raison. Ils préfèrent, en tout cas, maintenir la bonne entente, et si besoin est, acceptent avec plaisir de s’effacer devant les autres, surtout dans les situations qui risquent de les conduire à perdre leur face ou la faire perdre aux autres. Plutôt que d’exprimer un désaccord ou une réfutation à l’encontre de leur interlocuteur, ils cherchent à calquer leurs propres sentiments sur ceux de ce dernier ou ils adoptent une stratégie d’évitement, de réparation ou d’atténuation. Autrement dit, ils évitent à tout prix des actes menaçants. Plus que jamais, ils comprennent que « faire perdre la face à quelqu’un » et pire encore, « lui déchirer la face » (« mạt sát thể diện ») dans les relations sociales signifie rompre totalement cette relation interpersonnelle, ce qui est tout à fait le contraire de la bonne conduite vietnamienne. Cette façon de penser et de vivre des Vietnamiens explique leur refus de débat ainsi que leur fuite devant les échanges polémiques.

Pourtant, cela ne veut pas dire que les Vietnamiens manifestent toujours leur accord, qu’ils n’expriment jamais une opinion opposée. Au contraire, cela se fait de manière très fréquente, mais plutôt dans des milieux connus, et quand le sujet de discussion les concerne directement.

Page 226: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

216

7.3. Remarques sur les marqueurs d’opposition

Dans des milieux connus, par exemple lors des interactions entre des amis ou entre des gens ayant des statuts sociaux plus ou moins égaux, les Vietnamiens se montrent plus à l’aise dans la communication. Ils expriment plus facilement leur point de vue et le cas échéant, manifestent l’opposition. Un travail de recherche récent a montré la variété des marqueurs de réfutation en vietnamien :

« La réfutation peut être exprimée par certains lexèmes, par les phrases négatives […]. Mais les marqueurs les plus employés, les plus fréquents sont des questions qui expriment une négation très forte qui n’est autre que la réfutation » (Tran The Hung, 2002 : 100).

Nous analysons maintenant l’exemple (12) suivant :

A : Chị Lan thương bác lắm.

Grande sœur Lan aimer vous beaucoup

→ Lan vous aime bien.

B : Không có thương đâu.

Nég. y avoir aimer nég.

→ Non, elle ne m’aime pas.

Thương gì mà bác ốm cả tháng nay nó chẳng được lời Aimer quoi MdR moi malade tout mois-ci elle nég. avoir parole

hỏi thăm.

demander rendre visite

→ Elle m’aime et elle ne m’adresse aucun mot pour demander mon état de santé bien que je sois malade depuis un mois ?

(Pas du tout, parce que je suis malade depuis un mois et elle ne m’adresse aucun mot pour me demander si je vais mieux).

Nous observons que B a utilisé plusieurs stratégies d’opposition. Son intervention se compose de deux éléments : le premier « Không có thương đâu » est une phrase négative servant à s’opposer à l’assertion formulée par A, et le second « Thương gì mà bác ốm cả tháng nay nó chẳng được lời hỏi thăm » est un argument que B utilise pour justifier son opinion, pour renforcer la réfutation. Examinons plus en détail les deux énoncés formulés par B :

• Le premier a la valeur négative. La négation se fait par le biais d’une suite d’éléments :

Page 227: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

217

- « không có » équivaut à « ne…pas » en français. C’est la combinaison entre deux éléments dont l’un, « không », est le marqueur de la négation et le deuxième, « có », qui se traduit en français par « y avoir » ou « posséder », exprime l’existence de quelque chose. De là, on peut déduire que « không có » sert à exprimer la négation d’existence. Il s’agit dans le premier énoncé de B, de la négation d’existence de l’amour de Lan à l’égard de B, qui est sans doute sa mère. Dans les conversations de tous les jours, les gens suppriment quelquefois « có » sans changer la valeur négative de la phrase. Cependant, la présence de ce terme, quant à nous, rend plus forte cette négation.

- « đâu » est un adverbe qui se trouve en fin de la phrase pour marquer la négation. Ce terme correspond à « pas du tout ».

On peut dire que cet énoncé nie directement l’assertion de A.

• Le deuxième énoncé est une phrase interrogative.

- La valeur interrogative se manifeste par l’intermédiaire du mot « gì » (quoi). Il se situe souvent après un nom, un adjectif ou un verbe pour former un opérateur de réfutation. L’auteur de cette phrase, B, formule la question sans attendre la réponse de A, parce que sa question implique déjà la valeur réfutative. D’ailleurs, il sait bien que son partenaire ne peut jamais trouver une réponse adéquate à cette question.

- La conjonction « mà » sert à introduire une idée opposée. Dans ce deuxième énoncé, par le biais de « mà », l’interlocuteur B donne un argument qui s’oriente vers une conclusion opposée à l’assertion formulée par le locuteur A. Plus précisément, B met en opposition le fait avancé par A et le fait avancé par lui-même pour réfuter l’opinion de A. B pense que sa fille, Lan, ne l’aime pas car si elle l’aimait vraiment, elle aurait dû venir la voir ou au moins, lui demander si elle allait mieux parce qu’elle est malade depuis un mois.

- Enfin, il est à noter que « chẳng » est une particule très employée à l’oral dans les conversations quotidiennes. Elle est un marqueur de négation et correspond à « ne…pas, ne…point, non pas, nullement, sans » en français.

Il est donc clair que ce deuxième énoncé avec la valeur interrogative est employé dans le but de remettre en cause l’existence du contenu de l’assertion positive de A. Pour manifester son désaccord vis-à-vis ce que dit A, l’interlocuteur

Page 228: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

218

B peut très bien se contenter de dire négativement : « Nó không thương bác đâu » (Elle ne m’aime pas) mais il a recours à une autre stratégie en questionnant son partenaire A. La question construite avec « gì » implique par ailleurs un mécontentement de B à l’égard de la mauvaise conduite de sa fille.

En un mot, on peut dire que la stratégie d’opposition en (12) comprend deux phases. La première consiste à réfuter directement l’assertion formulée par A par la voie d’une phrase négative. La deuxième phase consiste à renforcer cette réfutation par le biais d’une interrogation. Cette seconde intervention est constituée d’une prise de l’assertion préalable, d’une réfutation et d’un argument contre-orienté.

L’analyse d’un seul exemple est loin d’être suffisante pour affirmer si les stratégies d’opposition des Vietnamiens sont variées ou non. Mais elle nous permet de confirmer que ce peuple, malgré sa préférence pour l’accord, dispose toujours abondamment des moyens linguistiques nécessaires pour exprimer l’opposition, si besoin est.

7.4. L’appel à l’autorité

Parlant des habitudes argumentatives des Vietnamiens, nous ne pouvons pas ne pas parler de leur emploi fréquent des arguments d’autorité, ce qui a été justifié et analysé dans le chapitre précédent. Cette habitude a aussi pour origine profonde l’esprit de préférence pour l’accord. En vue d’obtenir l’approbation de l’autre, s’ils doivent justifier ce qu’ils disent, les Vietnamiens se contentent de faire appel à une autorité. Ce type d’argument est vraiment efficace, notamment dans la société vietnamienne, la société à éthos hiérarchique profondément influencée par la pensée confucéenne où la notion de face est importante à tel point que les rites, comme il est dit auparavant, finissent par amener les gens à penser comme leurs supérieurs. Dans cette perspective, le recours à l’autorité est le plus court chemin pour atteindre le consensus de l’interlocuteur. L’exemple suivant en est une preuve :

(13) Con à, bạn của chồng mày đến chơi cũng nên ra chào khách một câu, tiếp chuyện người ta một lúc. Các cụ xưa đã có câu : « Giàu vì bạn, sang vì vợ ». Con cứ ngồi trong phòng, để mặc người giúp việc làm hết thảy mọi việc, từ đun nước pha chè đến mời khách, coi sao được.

(Ma fille, quand les amis de ton mari viennent à la maison, tu devrais leur dire bonjour et les accueillir un instant. Nos ancêtres ont dit « On devient riche grâce aux amis, on devient noble grâce à la femme ». Or, tu restes

Page 229: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

219

tranquillement dans ta chambre et laisses la bonne tout faire, depuis faire bouillir de l’eau, préparer du thé jusqu’à les inviter à en boire, ça ne va pas)

Cet exemple est le conseil d’une mère adressé à sa fille ou sa belle-fille. La mère n’est pas d’accord avec l’attitude de sa fille quand il y a des invités à la maison. Elle conseille alors à sa fille d’adopter un autre comportement plus raisonnable. Afin d’obtenir l’accord total de cette dernière, elle a fait appel à l’autorité du proverbe et de la tradition. Cet emploi apporte à son argumentation la puissance de persuasion ainsi que de l’efficacité. De plus, le recours à l’argument d’autorité crée un point d’appui invisible, qui a pour effet d’assurer le caractère objectif de l’énoncé. En d’autres termes, la mère n’est pas la seule à être responsable de ce qui a été dit. Les conflits d’opinions sont ainsi évitables.

7.5. Remarques sur le comportement paraverbal et non verbal

Au niveau des comportements non verbaux, ayant peur de faire perdre la face aux autres et de perdre la leur, les Vietnamiens doivent faire très attention.

D’abord, ils doivent faire attention à chaque geste parce que dans certains cas, la gesticulation traduit une attitude irrespectueuse, voire irrévérencieuse. Prenons comme exemple le haussement d’épaules d’enfants parlant à des adultes, ou le clin d’œil d’inférieurs s’adressant à des supérieurs : ces actions ne sont pas considérées comme signe de bonne conduite. De même, le regard fuyant ou la levée du menton sont aussi très mal vus.

Ensuite, en ce qui concerne les chevauchements et les interruptions, les Vietnamiens ont une conception tout à fait différente de celle des Français. Si ces habitudes constituent pour ces derniers une particularité indispensable de leur culture communicative, elles sont pour les Vietnamiens la manifestation de l’attitude impolie, agressive et quelquefois méprisante. Examinons l’exemple suivant :

La belle mère (M) et la belle fille (F) ne s’entendent pas très bien. Un jour, la mère rappelle à sa belle fille la manière d’éduquer les enfants.

M : - Si tu veux que je te donne un conseil, je te dis donc de ne jamais tempêter contre les enfants. Tous les enfants aiment la tendresse. Et puis,…

F : - (coupe la parole) Mais non, on dit souvent « Quand on aime, on doit donner des coups. Quand on déteste on adresse des mots de tendresse ». D’ailleurs, l’autre jour, je vous ai entendu crier contre eux, vous aussi.

Page 230: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : La culture vietnamienne et les pratiques argumentatives

220

M : - Mais qu’est-ce que tu dis ? Tu dois savoir écouter. Laisse-moi finir d’abord mon propos. Après, c’est à toi de dire ce que tu en penses.

La belle fille n’est pas d’accord avec la position de sa belle mère. Elle ne la laisse pas finir sa parole. Elle l’interrompt. Elle essaie de la contredire en recourant à l’autorité du proverbe et de la tradition et, plus grave encore, en imaginant une histoire qui accuse la belle mère elle-même. Si ce que raconte la belle fille est vrai, son partenaire tombe dans une situation où elle se contredit, donc impossible de continuer et de défendre sa thèse. Mais la mère, sûre d’elle, se trouve toujours dans sa position haute en disant : « laisse-moi finir…après, c’est à toi de dire ce que tu en penses ». Bien sûr, ici, nous nous intéressons plus au comportement paraverbal qu’au contenu de l’interaction. L’interruption de la parole est, dans cette conversation, très mal acceptée. Elle est jugée impolie, irrévérencieuse voire agressive, parce que la tradition familiale vietnamienne dicte que la belle mère, dans une certaine mesure, a de l’autorité vis-à-vis de sa belle fille. Le chevauchement, l’interruption de parole doivent alors être évités.

Mais, ce conseil n’est pas valable dans toutes les situations de communication. D’une part, cette conception les empêche de participer de manière spontanée et active aux conversations, surtout en milieu inconnu. D’autre part, elle exerce des influences sur leur comportement non verbal : ils respectent strictement des tours de paroles qui se suivent sagement. Nous rappelons alors trois fautes graves que les Vietnamiens évitent à tout prix dans une interaction : parler sans y être invité, ne pas parler quand on y est invité et parler sans observer les réactions de l’autre.

Récapitulation

L’analyse ci-dessus nous fait voir une grande différence entre les Occidentaux et les Orientaux. Si, en Occident, la concurrence et la confrontation sont considérées comme des valeurs positives, en Orient, on n’accorde énormément d’importance qu’à la coopération, à l’entraide et à l’harmonie. Influencée par plusieurs religions dont le confucianisme qui joue le rôle décisif dans la formation de la mentalité vietnamienne, la notion de face occupe une place très importante dans les relations interpersonnelles des Vietnamiens.

Si la face, et en particulier la face positive, est redéfinie dans par Kerbrat-Orecchioni comme ce « qui correspond en gros au narcissisme et à l’ensemble des images valorisantes que les interlocuteurs construisent et tentent d’imposer d’eux-

Page 231: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

221

mêmes dans l’interaction » (1996 : 51), la face vietnamienne est à la fois le bien le plus précieux de l’individu et la fortune collective de son groupe d’appartenance. D’un côté, elle regroupe l’image sociale de l’individu manifestée à travers sa personnalité et son rôle social et de l’autre côté, elle est fortement régie par les caractéristiques de son entourage. En effet, l’existence sociale de la face dépend encore largement des éléments situés hors de portée de contrôle individuel. Il s’agit là de la reconnaissance et du jugement de la société à l’égard de la face. Ce dernier point constitue la particularité de la face vietnamienne.

Ainsi, la préoccupation prioritaire des Vietnamiens dans les interactions verbales consiste à ne pas blesser les autres tout en gardant leur propre image. Cette perception crée chez eux une psychologie pacifiste sur le plan des relations sociales. Ils adoptent une attitude de concorde dans l’accueil et de souplesse dans les affrontements. Ils manifestent dans les conversations de tous les jours une préférence pour l’accord et évitent, par conséquent, des formulations trop directes d’opposition. En les considérant comme sources de conflits, voire de ruptures des relations interpersonnelles, ils s’orientent le plus souvent vers un comportement plutôt réservé, pacifiste. L’habitude de « tourner autour du pot », de peser toujours le pour et le contre constitue un grand obstacle pour les Vietnamiens dans les interactions avec les étrangers. L’ensemble de tous ces caractères explique leur refus des échanges ouvertement polémiques.

Page 232: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

222

Chapitre 5 : Étude de cas

Dans les chapitres précédents, nous avons fait une description des généralités sur le comportement verbal, en particulier sur les pratiques argumentatives des Vietnamiens, tout en prenant en compte l’effet des questions de face et d’autorité. Dans ce chapitre, nous prendrons comme objet d’analyse un cas d’argumentation sur un sujet d’actualité. Nous verrons si l’analyse de cas contribue à confirmer de nouveau nos hypothèses sur les liens entre la face, l’autorité et les façons d’argumenter des Vietnamien ou bien s’il contredit ce que nous avons dit sur le plan général.

1. Problématique

Dans le cadre de ce chapitre, nous prendrons comme objet d’analyse la question de l’exploitation de la bauxite au Vietnam.

Afin d’apporter une vision précise et détaillée sur cette question de la bauxite, il faut fournir quelques informations fondamentales à propos de ce minerai.

D’abord, il est important de noter que la bauxite est le minerai à la base de l’aluminium, un matériau utile et coûteux dans la vie moderne. Pour transformer de la bauxite en aluminium, il faut beaucoup d’électricité. De plus, le prix de revient est très élevé, près d’un dollar américain pour en produire un kilo. Si le pétrole est surnommé « l’or noir », on peut en dire autant de la bauxite en la qualifiant « d’or rouge ».

Le projet d’exploitation de la bauxite a été étudié au début des années 80, mais chaque fois qu’il a été ressorti des tiroirs, il a été reporté. D’un côté, l’investissement global a été évalué à une somme fabuleuse, avec une rentabilité tributaire de l’évolution du prix sur le marché international. De l’autre, l’exploitation de la bauxite pose énormément de problèmes écologiques. Les mines sont à ciel ouvert, et le traitement du minerai produit, en grandes quantités, des « boues rouges » très toxiques, nuisibles au sol et aux cours d’eau.

Page 233: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

223

Beaucoup de pays ont abandonné l’exploitation de la bauxite, excepté l’Australie qui possède de grands gisements situés dans des régions désertiques, loin de toute population et de toute végétation. La Chine, elle-même, a fermé ses propres mines en raison de dommages causés à l’environnement.

Alors, comment le projet est-il constitué ?

Le politburo du Parti communiste vietnamien a publié le 24 avril 2009 sa décision sur l’aménagement de la prospection, de l’exploitation, de la transformation et de l’utilisation de la bauxite sur la période 2007-2015, avec des orientations jusqu’aux années 2025.

Le projet d’exploitation de la bauxite dans les Hauts Plateaux du Centre (Tay Nguyen) comprend un ensemble de sous-projets dont les deux premiers sont les suivants :

• Le projet d’exploitation de la bauxite et de la production d’alumine à Nhan Co, Dac Nong.

Selon le rapport du gouvernement vietnamien, les gisements de bauxite dans la province de Dac Nong sont de 3,4 milliards de tonnes qui représentent 63% des réserves de ce minerai dans toute la région de Tay Nguyen.

• Le projet d’exploitation de la bauxite et de la production d’alumine à Tan Rai, Lam Dong.

Selon le même rapport, les gisements de bauxite dans la province de Lam Dong sont de 975 millions de tonnes qui représentent 18 % des réserves de ce minerai dans toute la région de Tay Nguyen.

Dans le cadre du projet d’exploitation de la bauxite dans les Hauts plateaux du Centre, le gouvernement a délégué ses pouvoirs au Groupe du charbon et des minerais qui assume le rôle d’investisseur. Cette société étatique doit prendre en charge les projets de construction des usines d’extraction de la bauxite dans les Hauts Plateaux et la négociation avec les partenaires étrangers.

La compagnie chinoise Chalieco, en tant qu’adjudicateur, est responsable de la réalisation de différentes phases : construction des usines d’alumine à Tan Rai et à Nhan Co, achat des équipements pour les usines, mises en service des usines et formation de la main-d’œuvre.

En vue de la réalisation de ce projet, le Groupe national du charbon et des minerais doit s’approprier un grand nombre d’hectares de terrains sur lesquels vivent des milliers de foyers parmi lesquels des foyers d’ethnies minoritaires. Cela entraîne la construction d’une ville pour leur relogement.

Page 234: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

224

… et la controverse autour de ce projet ?

Ce fameux projet a fait l’objet de controverses sociales. Du côté du gouvernement, on affirme avoir bien étudié cette option d’exploitation minière sur les Hauts Plateaux, dans l’esprit d’un développement efficace et durable, afin d’enrichir la nation aujourd’hui et demain. Au contraire, de l’autre côté, des vieux combattants, dont le général Vo Nguyen Giap, le plus grand héros révolutionnaire de la guerre du Vietnam et de la guerre d’Indochine, des scientifiques constatent que le travail de préparation du projet a présenté, en de nombreux domaine, de sérieuses déficiences. Ce sujet a été également abordé à plusieurs reprises lors de la session de juin 2009 de l’Assemblée nationale.

2. Constitution du corpus

Le sujet de la bauxite est socialement délicat. Mais nous disposons des documents intéressants en provenance de toutes les sources, d'une part, du gouvernement et de tous les gens qui sont favorables au projet, et d'autre part, des organismes, des scientifiques et des personnes qui s'y opposent.

En vue d’analyser en profondeur les différentes prises de position autour de ce projet d’exploitation de la bauxite, nous proposons un corpus17 qui comprend à la fois des documents écrits et des documents oraux :

• Des textes journalistiques tirés de l’organe officiel du pays qui est Le Courrier du Vietnam18

- « L’exploitation de la bauxite, facteur de développement du Tay Nguyen »

(Par Hue Hoa, Le Courrier du Vietnam, 10 avril 2009)

- « L’aménagement de l’exploitation de la bauxite » (Par Ngan Huong, Le Courrier du Vietnam, 27 avril 2009)

- « Bauxite : pas de souci pour l’environnement » (Par Giang Ngan, Le Courrier du Vietnam, 28 mai 2009)

• Le rapport intitulé « L’importance culturelle et sociale du projet d’exploitation minière dans les Hauts Plateaux du Centre » rédigé par

17 Voir en annexe 3. 18 Le Courrier du Vietnam est le seul quotidien national de langue français du Vietnam qui présente

l’actualité nationale, internationale et touristique. Son éditeur est l’Agence Vietnamienne d’Information.

Page 235: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

225

Nguyen Ngoc19, homme de grande culture au Vietnam, donc de grand prestige.

• La lettre du Professeur Ngo Bao Chau20, rédigée à l’intention des représentants de l’Assemblée nationale, 12e promotion.

• Des discours prononcés par les députés lors de la réunion de l’Assemblée nationale :

- Discours prononcé par le représentant de la province de Lam Dong

- Discours prononcé par le représentant de la province de Dac Nong

- Discours prononcé par Monsieur Duong Trung Quoc, député de la province de Dong Nai.

- Discours prononcé par Monsieur Nguyen Minh Thuyet, député de la province de Lang Son.

3. Analyse du corpus

3.1. Sur quoi est-on d’accord ?

Dans l’ensemble, tout le monde est d’accord sur ces deux points :

• L’existence du gisement :

- Le Vietnam dispose d’une énorme réserve de bauxite qui est de 5,5 milliards de tonnes située sur les Hauts Plateaux du Centre.

- Le Vietnam se trouve au troisième rang mondial en ce qui concerne la potentialité d’exploitation de ce minerai.

• La description géographique et les particularités de Tay Nguyen :

- La région de Tay Nguyen, ou encore les Hauts Plateaux du Centre, comprend cinq provinces qui sont, en ordre géographique de haut en bas, les suivantes : Dac Lac, Kon Tum, Gia Lai, Dak Nong, Lam Dong.

19 L’écrivain Nguyen Ngoc est aussi le grand spécialiste des questions liées aux Hauts Plateaux du

Centre 20 Ngo Bao Chau est un mathématicien de grande réputation non seulement au Vietnam mais aussi

dans le monde entier. Il a obtenu la médaille Fields, considérée comme le « Nobel des mathématiques ». Il enseigne à l’Université de Paris-Sud depuis 2005, a été détaché à l’Institut for Advanced Study à Princeton et enseigne actuellement à l’Université de Chicago.

Page 236: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

226

- Par rapport aux autres régions du pays, Tay Nguyen reste encore pauvre, l’infrastructure n’est pas développée, le niveau de vie est bas.

- A cette caractéristique s’ajoute le fait que dans cette région cohabitent les Kinh et de nombreuses autres ethnies minoritaires.

- Cette région est la région la plus verdoyante du Vietnam avec une couverture végétale très variée, une énorme réserve de minerai et une grande potentialité touristique.

- Tay Nguyen est aussi le berceau de la culture de gong21 classée au patrimoine mondial.

3.2. Sur quoi n’est-on pas d’accord ?

Comme nous l’avons dit plus haut, le projet d’exploitation de la bauxite fait l’objet de plusieurs controverses sociales. Les contestations concernent respectivement les deux grands points suivants :

• La procédure

• Le fond du projet :

- Du point de vue économique

- Du point de vue écologique

- Du point de vue politique

3.2.1. Désaccord sur la procédure

a) Les arguments en faveur de la procédure effectuée par le gouvernement :

21 Les gongs (cồng chiêng) sont des instruments de musique faits de bronze et parfois d’un alliage

d’or, d’argent et de bronze oxydé. Dans la langue Kinh (le vietnamien), le mot « cồng » signifie instrument à poignées et le mot « chiêng » instrument plat. La taille des gongs varie de 20 à 120 centimètres de diamètre. Les musiciens peuvent utiliser des bâtonnets de bois, des maillets ou même leurs mains pour jouer. Certaines techniques permettent d’étouffer les sons et de produire des mélodies avec les gongs.

Les minorités ethniques de Tay Nguyen accordent une grande valeur et une grande signification au gong. Cet instrument fait partie de leur vie de la naissance à la mort et occupe une place importante lors des événements spéciaux, tristes ou heureux comme l'office des morts, des cérémonies religieuses, les rites pour demander une bonne récolte, la venue de la pluie…. Il devient un moyen pour communiquer avec la nature, avec l’ancêtre et avec la communauté.

L’art des gongs du Tây Nguyên a été classé par l’Unesco patrimoine immatériel et oral de l'humanité.

Page 237: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

227

Le Courrier du Vietnam, un organe officiel du gouvernement, intervient pour approuver la méthodologie de travail du gouvernement :

• Argument 1 : Le Parti et le gouvernement ont été très prudents et ont étudié minutieusement ce projet qualifié de grandiose.

• Argument 2 : Les dirigeants du pays ont bien écouté les opinions des cadres et des habitants.

Les preuves qui servent à démontrer la validité de ces arguments :

- Les projets mettent l’accent sur l’efficacité économique, le développement social et sur l’économie des ressources naturelles.

- Le politburo demande une gestion stricte afin de réduire les conséquences sur l’environnement.

- On pense également à développer l’infrastructure des Hauts Plateaux du Centre pour répondre à la croissance de la région.

b) Arguments en défaveur de la procédure effectuée par le gouvernement

Position et arguments de M. DUONG TRUNG QUOC

Concernant la procédure de discussion du projet d’exploitation de la bauxite, le député de la province de Dong Nai se montre très critique. Ses arguments sont les suivants :

• Argument 1 : Le gouvernement n’est pas conscient de l’importance du projet d’exploitation de la bauxite.

- Le rapport officiel du gouvernement n’en parle qu’en quelques lignes.

- Les arguments exposés dans le rapport officiel du gouvernement ne répondent pas encore aux questions posées par les scientifiques.

- Le général Vo Nguyen Giap a pris le plume à trois reprises pour exprimer ses réserves aux autorités et aux députés mais aucune lettre n’est connue des députés.

- Le projet d’exploitation de la bauxite constitue une option importante, susceptible de changer tous les Hauts Plateaux du Centre mais n’a pas été discutée plus tôt à l’Assemblée nationale.

• Argument 2 : Le gouvernement a pris une mauvaise décision en approuvant le projet d’exploitation de la bauxite à Tay Nguyen. Cette décision revient à détruire le patrimoine naturel du pays.

- Le gouvernement ne pense pas à garder en réserve des ressources naturelles pour les futures générations.

Page 238: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

228

- Pour le moment, si nous adoptons ce projet, nous n’avons pas encore suffisamment de compétences en vue de l’obtention d’une efficacité économique maximale.

- La bauxite n’est pas la seule ressource à exploiter dans les Hauts Plateaux du Centre.

• Argument 3 : Le gouvernement ne tient pas compte de l’histoire de Tay Nguyen, notamment de la relation étroite entre l’histoire de cette région et celle du pays.

Dans son exposé, le député Duong Trung Quoc n’est pas d’accord avec le gouvernement pour dire que le projet d’exploitation de la bauxite ne réunit pas suffisamment de conditions nécessaires pour être discuté à l’Assemblée nationale. Au contraire, il a donné des contre-arguments pour réfuter la thèse défendue par le gouvernement.

Le tableau ci-dessous résume les arguments et les contre-arguments vis-à-vis de cette procédure :

Arguments du gouvernement Contre-arguments de l’auteur A1 : Le projet d’exploitation de

la bauxite n’a pas atteint le seuil d’investissement déterminé22

→ Conclusion : Ce projet n’a pas à être exposé à l’Assemblée nationale.

C-A1 : Le projet de construction de la maison de l’Assemblée n’a pas atteint le seuil d’investissement, or il est quand même discuté à l’Assemblée nationale

→ Sous-entendu : Le même principe, la même exception doivent s’appliquer au projet de la bauxite.

A2 : Le projet d’exploitation de

la bauxite n’est à peine qu’un plan d’aménagement

→ Conclusion : Selon la loi, ce projet n’a pas à être exposé à l’Assemblée nationale.

C-A2 : Le projet d’agrandissement de Hanoï, bien qu’il ne soit qu’un plan d’aménagement, a été exposé à l’Assemblée nationale

→ Sous-entendu : La même exception doivent s’appliquer au projet de la bauxite.

Par le recours à l’argumentation par analogie, l’auteur expose clairement sa position vis-à-vis du processus d’adoption du projet d’exploitation du gisement de

22 D’après la décision numéro 66 de l’Assemblée nationale, tout projet qui mobilise un financement

à partir de vingt mille milliards de dongs vietnamiens est censé être projet d’envergure nationale et doit être absolument discuté à l’Assemblée nationale.

Page 239: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

229

bauxite. Les exemples des projets de construction de la maison de l’Assemblée et d’agrandissement de Hanoï sont connus comme un moyen d’argumenter, mais dans ce contexte, ils sont censés être un moyen de contre-argumenter.

Position et arguments de M. NGUYEN MINH THUYET

En ce qui concerne l’adoption de ce projet, le député Nguyen Minh Thuyet se montre aussi très critique.

• Argument 1 : Le projet de la bauxite doit être surveillé et contrôlé par l’Assemblée parce qu’il mobilise un financement qui est de 10 fois supérieur au seuil de financement acceptable pour un travail d’envergure nationale.

• Argument 2 : Le gouvernement a « triché avec la loi » : le projet d’exploitation de la bauxite n’a pas été considéré comme un projet d’importance étatique, autrement dit n’a pas atteint le seuil d’investissement déterminé parce qu’on l’a découpé en sous projets, dont aucun n’atteint le seuil.

Selon cette façon de calculer, le projet-mère est vu comme n’atteignant pas le seuil de financement déterminé pour être discuté dans l’ordre du jour de l’Assemblée.

Ce second argument constitue une condamnation du procédé de travailler du gouvernement. Il est étroitement lié au premier contre-argument formulé par le député Duong Trung Quoc que nous avons analysé dans le tableau ci-dessus.

Ce qui est intéressant dans ce passage, c’est que l’auteur Nguyen Minh Thuyet n’est pas intentionnellement équivoque. Il critique directement la manière de travailler du gouvernement en utilisant l’expression « lách luật » (tricher avec la loi), ce qui implique le fait de ne pas se conformer à la loi, de faire preuve de duplicité. Il s’agit là d’un point intéressant sur la forme d’argumentation. Nous en parlerons plus en détails dans les parties ultérieures.

3.2.2. Désaccord sur le fond du projet

Concernant le contenu du projet, les avis divergents tournent autour de trois grands problèmes : l’efficacité économique, l’impact écologique et la défense nationale.

Nous allons analyser dans les lignes qui suivent les différentes positions ainsi que les arguments pour et les arguments contre en fonction de ces trois axes principaux.

Page 240: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

230

3.2.2.1. DU POINT DE VUE ECONOMIQUE

a) Les arguments de l’efficacité économique du projet :

• Argument 1 : À l’échelle nationale, le développement de l’industrie de la bauxite va influer positivement sur la croissance économique, renforcer la modernisation et l’industrialisation du pays.

• Argument 2 : À l’échelle de la province, la mise en œuvre du projet contribuera à accroître les recettes de la province, à augmenter les fonds d’investissement de la province.

• Argument 3 : Ce projet créera des emplois, améliorera les revenus des habitants.

• Argument 4 : L’activité d’exploitation de la bauxite entraînera la formation de nouvelles communautés humaines, de nouvelles agglomérations, apportera de la modernité dans ces régions éloignées, améliorera la qualité de la vie et augmentera le niveau d’instruction des habitants…

b) Les arguments disant que l’exploitation du gisement de la bauxite n’est pas économiquement rentable :

Position et arguments de M. NGUYEN MINH THUYET

Le député de la province de Lang Son exprime clairement son point de vue en affirmant que le projet d’exploitation de la bauxite est économiquement inefficace. Ses arguments sont les suivants :

• Argument 1 : L’exploitation de la bauxite demande un énorme investissement de 190 à 250 mille milliards de dongs vietnamiens d’ici à 2025.

• Argument 2 : En vue d’un bon déroulement du projet, il faut prévoir des travaux supplémentaires comme une voie ferrée et un port, ce qui demande aussi un gros investissement financier.

• Argument 3 : On n’a pas raison de compter sur la vente des produits d’aluminium car leur prix est actuellement en baisse.

• Argument 4 : Si on considère ces travaux comme des travaux civils, on a utilisé les impôts de la population pour servir les intérêts d’entreprises.

• Argument 5 : Notre économie est en difficulté.

• Argument 6 : Nous ne voyons pas encore l’intérêt du projet de la bauxite.

Page 241: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

231

Ce qu’il faut dire dans l’argumentation de l’auteur, c’est qu’il prévoit des contre-arguments susceptibles de venir de l’autre camp et qu’il les réfute. C’est encore un nouveau style d’argumentation que nous préciserons ultérieurement.

Position et arguments de M. NGO BAO CHAU

L’exploitation de la bauxite, selon ce mathématicien, ne permet pas non plus d’ouvrir de bonnes perspectives économiques. Il estime franchement qu’il n’est pas certain que ce projet soit rentable en invoquant plusieurs arguments permettant de réfuter catégoriquement des arguments exposés dans le rapport du gouvernement :

• Argument 1 : Le rapport du gouvernement dit que la planification d’aménagement du projet a été élaborée dans un contexte de croissance économique. Le contexte actuel de crise économique mondiale n’est pas une occasion favorable à la réalisation de ce projet.

• Argument 2 : On n’arrive pas encore à calculer le nombre d’années durant lesquelles on devra subir des pertes causées par la non-conformité de l’avancée du projet par rapport à la planification initiale.

• Argument 3 : Les profits ultérieurs dépendent de plusieurs facteurs (l’augmentation du prix de l’aluminium, la quantité suffisante de pluie,… etc). Le leader de l’Association du charbon minéral estime que chacun de ces facteurs a le taux de probabilité de 50 %. Donc, la possibilité de toucher des bénéfices est très basse.

• Argument 4 : Selon les prévisions du rapport du gouvernement, la superficie utilisée pour l’extraction de la bauxite est égale à 8,6 % de la surface de la province de Dak Nong. C’est un chiffre énorme si on compare à 8,6 m2 par rapport à la surface de 100m2 de notre maison.

• Argument 5 : Le projet créera, selon le rapport du gouvernement, des milliers d’emplois pour les habitants. Cette perspective n’est pas convaincante. Avec ce même seuil d’investissement, on peut adopter d’autres projets économiquement plus sécurisants et plus efficaces.

• Argument 6 : La perspective de construction de centres de services, d’hôtels en vue du développement du tourisme et des loisirs autour des réservoirs de boues rouges n’est pas convaincante.

Dans son argumentation, le mathématicien Ngo Bao Chau tend à reformuler les arguments présentés dans le rapport officiel du gouvernement exposé dans la réunion de l’Assemblée Nationale et à les réfuter. Il répète à plusieurs reprises : « Báo cáo của Chính phủ cho biết » (le rapport du gouvernement montre que), « Trong báo cáo của Chính phủ » (selon le rapport du gouvernement), « Báo cáo cho

Page 242: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

232

biết » (selon les prévisions du rapport du gouvernement), … Ce procédé discursif qui fait appel à l’autorité légale institutionnelle peut être comprise dans ce cas comme un moyen visant à assurer que le locuteur rapporte le plus fidèlement possible des propos émis par un autre locuteur, c’est-à-dire le gouvernement, dans le but de produire dans l’argumentation un effet d’exactitude ou plus précisément d’authenticité. Il joue ainsi le rôle de source de vérité qui témoigne d’un dire, d’une expérience ou d’un savoir. Nous en avons beaucoup d’exemples :

Le rapport du gouvernement montre que la planification d’aménagement du projet a été élaborée dans un contexte de croissance économique. Or, en ce moment, l’économie mondiale est en crise, et cela risque de durer encore…

S’agissant des profits, le rapport précise que ces facteurs dépendent de plusieurs hypothèses : l’augmentation du prix de l’aluminium, la quantité suffisante de pluie pour laver le minerai, l’investissement du gouvernement dans le chemin de fer pour transporter le minerai…Si chacune de ces hypothèses a le taux de probabilité de 50-50 comme l’a dit le leader de l’association du charbon minéral, nous pourrions bénéficier d’un intérêt de un huitième, sans compter le coût pour l’environnement.

Dans cette perspective, les réfutations mentionnées ci-dessus sont à la fois des réfutations des arguments et, dans une certaine mesure, des réfutations de l’autorité. Nous reviendrons plus tard sur cette question. (Voir §3.4)

3.2.2.2. DU POINT DE VUE ECOLOGIQUE

a) Les arguments en faveur

Le gouvernement et ses partisans ont affirmé qu’il n’y aurait pas de souci pour l’environnement : « Le problème environnemental sera réglé »

• Argument 1 : La terre sera divisée en trois parcelles qui seront exploitées à tour de rôle. Une fois la première parcelle exploitée, le Groupe de charbon et de minerai sera chargé de remblayer ce site avant d’extraire la bauxite contenue dans la parcelle suivante.

• Argument 2 : En ce qui concerne l’alimentation en eau pour les usines de l’alumine, le gouvernement demande, d’une part, de rehausser les barrages des lacs existants pour augmenter le volume de l’eau contenue et, d’autre part, de construire des barrages autour des vallées pour en faire des nouveaux lacs.

• Argument 3 : A propos de la question des boues rouges : le Ministère des ressources naturelles et de l’écologie sera responsable de restaurer le fond

Page 243: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

233

de la vallée et ses abords pour empêcher l’eau rouge de pénétrer dans les nappes phréatiques…

Par ailleurs, pour rassurer les habitants, les autorités s’engagent à prendre la responsabilité des mesures nécessaires en faveur de la protection de l’environnement, en particulier à résoudre des problèmes des boues rouges.

b) Les arguments en défaveur

Position et arguments de M. NGO BAO CHAU

Ce professeur se montre inquiet des conséquences néfastes du projet sur l’environnement. Il reprend les arguments mentionnés par les autres rapporteurs en ajoutant les siens :

• Argument 1 : Le travail d’exploitation de la bauxite est réalisé juste en amont de grands cours d’eau. Cela n’a jamais eu lieu dans aucun pays.

• Argument 2 : La protection de l’environnement dépend de plusieurs facteurs dont certains sont à la portée de la surveillance humaine (le choix de la technologie) et d’autres ne dépendent pas de l’être humain (les conditions météorologiques, le terrain).

• Argument 3 : Le gouvernement ne prévoit aucun budget pour la protection écologique.

Position et arguments de M. NGUYEN MINH THUYET

Du point de vue écologique, le représentant de la province de Lang Son prend une position défavorable. Il expose son point de vue sur deux problèmes : l’eau et les boues rouges.

• Argument 1 : La construction des lacs dans les Hauts Plateaux du Centre influe négativement sur la plaine du Sud.

Les faits permettant de démontrer la validité de cet argument sont les suivants :

- La plaine du Sud est actuellement déficitaire en eau.

- La quantité d’eau dans le Mékong est en baisse

• Argument 2 : La grande quantité des boues rouges dégagée d’ici jusqu’à la fin du projet, qui s’élèvera 1,5 milliards de tonnes, constituera des « bombes de boue » suspendues en haut, au dessus de la plaine du Sud.

Page 244: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

234

3.2.2.3. DU POINT DE VUE POLITIQUE

La présence de travailleurs chinois dans les Hauts Plateaux du Centre fait l’objet d’opinions controversées.

a) Les arguments en faveur :

Selon la position du gouvernement, la compagnie chinoise joue simplement le rôle de constructeur qui se retirera quand les travaux seront terminés et quand l’usine sera remise à l’investisseur.

Le gouvernement souligne aussi que certaines personnes, à cause du manque d’information, ont répandu de fausses informations en disant par exemple que « les ethnies minoritaires devaient laisser la place à des milliers d’ouvriers chinois » ou que « les autorités locales avaient cédé tous les droits d’exploitation de la bauxite, de l’exploitation à la transformation en pâte, pour produire l’aluminium en Chine ».

Le gouvernement appelle les gens à lutter contre les rumeurs des forces hostiles, en affirmant qu’il écoute toujours les opinions des cadres, des habitants pour assurer l’efficacité socioéconomique du projet et les aspects culturels.

b) Les arguments anti-orientés :

Position et arguments de M. NGUYEN NGOC

L’écrivain Nguyen Ngoc expose son point de vue sur la nécessité de la prise en compte de l’aspect culturel des Hauts Plateaux du Centre avant la décision officielle du gouvernement concernant le projet d’exploitation de la bauxite. Il présente bon nombre d’arguments :

• Argument 1 : La question culturelle n’est pas posée de manière sérieuse dans l’étude du projet.

• Argument 2 : L’essence de la culture de Tay Nguyen se manifeste dans la structure sociale originale et solide qui est fondée à partir de bonnes relations que les gens ont créées pour vivre en harmonie avec la nature. La forêt, le sol, l’eau, la flore, la faune… et les villages des habitants sont liés étroitement les uns aux autres. Par conséquent, ces éléments naturels ne sont pas à exploiter.

• Argument 3 : La destruction des ressources naturelles à Tay Nguyen entraîne inévitablement des perturbations qui, à un certain niveau, sont irrémédiables.

Page 245: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

235

• Argument 4 : La région de Tay Nguyen occupe une place stratégique, directement liée au destin du Vietnam23.

• Argument 5 : Dans l’esprit de chaque Vietnamien, en particulier pour ceux qui ont vécu les années de guerre, Tay Nguyen occupe une place fondamentale, du point de vue cognitif et sentimental24

• Argument 6 : La présence de « facteurs exotiques », c’est-à-dire la main-d’œuvre chinoise, sur ce terrain stratégique du pays risque de provoquer des conséquences imprévues25.

A partir de ces arguments, l’auteur reformule sa prise de position :

« Accepter ce projet, c’est accepter d’effacer totalement ce terrain. Il n’y aura plus le « toit » qu’on doit à tout prix préserver en vue d’assurer le développement durable, non seulement en faveur de Tay Nguyen, mais aussi en faveur du pays entier. Adopter ce projet, c’est aussi accepter le développement à n’importe quel prix, accepter le sacrifice du futur pour l’intérêt d’aujourd’hui, c’est enfin manifester l’indifférence vis-à-vis de l’existence des ethnies minoritaires, qui auraient dû être considérées comme les propriétaires du terrain, qui est étroitement lié à la question de vie ou de mort de la patrie ».

Position et arguments de M. NGO BAO CHAU

Du point de vue politique, le mathématicien Ngo Bao Chau constate que le compromis d’exploitation de la bauxite entre le Vietnam et la Chine constitue un traité désavantageux qui présente de nombreux inconvénients pour le Vietnam.

Il justifie sa thèse par des arguments bien solides :

• Argument 1 : La relation organique entre le Vietnam et la Chine constitue un risque pour l’identité vietnamienne.

23 Tay Nguyen se trouve au Sud de la région du Centre du Vietnam, qui relie le Nord et le Sud du pays. Situés

aux confins du Laos et du Nord du Cambodge, les Hauts Plateaux du Centre occupent une place stratégique sur le champ de bataille en Indochine. Si l’on a l’intention d’occuper l’Indochine, on ne peut pas se passer de cette région stratégiquement importante. En effet, si on arrive à contrôler l’Indochine, on réussira facilement à contrôler l’ensemble du champ de bataille du Sud de l’Indochine. Tay Nguyen est le « toit » du sud de la péninsule indochinoise.

24 La place stratégique de Tay Nguyen a été l’un des facteurs contribuant à amener les Vietnamiens à la victoire en avril 1975. La bataille dans les Hauts Plateaux du Centre a été la bataille stratégiquement décisive : après avoir pris les plateaux centraux et coupé les forces sudistes en deux, puis écrasé la partie nord du Vietnam du Sud, les troupes de l’Armée populaire vietnamienne se tournèrent vers le sud tandis que de nouvelles troupes franchissaient la frontière depuis la République démocratique du Vietnam. La route de Saigon était alors ouverte et rien n’arrêta plus les troupes de l’Armée populaire vietnamienne.

25 Du point de vue stratégique, réussir à contrôler Tay Nguyen signifie qu’on réussira facilement à occuper les deux grandes villes : Hue et Danang. Le Vietnam fera face au risque d’être divisé. De plus, à supposer que les « facteurs exotiques » cherchent à construire en cachette des bases militaires, à établir des lignes d’approvisionnement depuis le Laos et le Cambodge tout en formant en silence des villages, des communautés de gens dans ces Hauts Plateaux du Centre sous prétexte d’aider à réaliser le projet de la bauxite, le Vietnam se trouverait dans une situation d’être encerclé par ces « facteurs exotiques ».

Page 246: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

236

L’auteur parle de la « domination culturelle » en insistant sur l’idée que si les Vietnamiens suivent le chemin des Chinois en faisant ce qu’ils disent, plus exactement ce qu’ils veulent, l’identité culturelle vietnamienne sera menacée.

• Argument 2 : La politique « néo-colonialiste »26 du gouvernement chinois.

L’intéressant dans l’argumentation de l’auteur, c’est qu’il fait une analogie entre les États-Unis et la Chine : Ces deux pays adoptent presque la même stratégie : au lieu de mobiliser leur puissance militaire pour augmenter leurs colonies comme l’Angleterre et la France entre le XVIe et le XIXe siècles, ils utilisent leur puissance économique et politique afin de maintenir leur présence dans les économies des pays moins puissants, particulièrement pour ce qui concerne les matières premières.

Pour valider ses arguments, il cite comme preuve l’exemple des pays d’Afrique et d’Amérique latine qui ont dû subir de graves conséquences provoquées par le néocolonialisme : l’exploitation inconsidérée des ressources naturelles, la dévastation de l’environnement, la corruption et l’inégalité sociales dues au développement économiques déréglé. L’argumentation par les conséquences négatives suffit à amener les lecteurs vers la conclusion implicite que cette politique entraînera sans doute une catastrophe humanitaire, environnementale et économique.

• Argument 3 : La Chine, au cours du XXIe siècle, se développe à un rythme impétueux. Elle a un grand besoin de carburant et de matières premières.

En vue d’éclairer sa prise de position, l’auteur précise dans la suite de la lettre :

« Le centre du problème est que le Vietnam est le troisième pays du monde disposant d’une ressource abondante en bauxite. Cela intéresse vivement les pays industriels qui ont besoin de la bauxite, mais n’entraîne pas du tout le corollaire que le Vietnam est obligé d’exploiter cette source naturelle. Au contraire, notre pays a pleinement le droit de prendre la décision concernant l’extraction ou non de la bauxite. Au cas où on est favorable à ce projet, on peut tout à fait choisir le moment et le rythme d’exploitation qui nous seraient le plus profitables ».

La Chine a un grand besoin de matières premières, notamment de l’aluminium pour développer son industrie. Le Vietnam est riche en bauxite, mais on n’est pas obligé de faire ce que veulent les gens du Nord.

26 L’expression “néo-colonialiste” est employée pour décrire certaines opérations économiques au niveau

international qui auraient des similitudes avec le colonialisme traditionnel. Les grandes options de cette politique consistent à utiliser des politiques commerciales, économiques, financières et culturelles afin de dominer des pays moins puissants.

Page 247: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

237

3.3. Récapitulation des stratégies et des styles argumentatifs utilisés dans le corpus

3.3.1. Récapitulation des stratégies argumentatives

Nous entendons par stratégies argumentatives les différentes façons de particulariser les stratégies d’influence.

L’analyse du corpus nous permet de classer les procédés d’influence en fonction de trois stratégies argumentatives qui sont respectivement les stratégies de problématisation, les stratégies de positionnement et les stratégies de preuve, autrement dit les différents types d’arguments mis en œuvre.

Concernant les stratégies de preuves, nous en avons parlé de temps en temps tout au long de l’analyse du corpus en abordant les arguments de conséquence négative, les arguments par analogie, les arguments d’autorité… C’est pourquoi, dans les lignes qui suivent, nous voudrions porter plus d’attention à deux premières catégories de stratégies argumentatives. Nous allons essayer de les illustrer par des exemples tirés du corpus.

3.3.1.1. STRATEGIES DE PROBLEMATISATION

Nous pouvons trouver dans le corpus étudié une grande quantité de questions formulées dans le but de demander à l’autre de réfléchir et de partager l’opinion avec le sujet argumentant. Citons comme exemples la question du député de la province de Dong Nai demandant pourquoi le projet de la bauxite n’a pas été discuté plus tôt à l’Assemblée Nationale :

« […] pourquoi une option si importante, susceptible de changer tous les Hauts Plateaux du centre et qui est préparée depuis longtemps, n’a pas été discutée plutôt ? »

(Duong Trung Quoc)

ou encore la question du député de la province de Lang Son qui manifeste son souci vis-à-vis de la mobilisation d’un gros investissement financier :

« Dans cette perspective, pourquoi avons-nous à emprunter des centaines de millions de dollars pour faire construire des usines comme celles de Tan Rai ou de Nhan Co quand notre économie est en difficulté ? D’ailleurs, nous ne voyons pas encore l’intérêt de ces projets ».

(Nguyen Minh Thuyet)

Ces questions fonctionnent plus ou moins comme des assertions qui sont camouflées sous un habillage interrogatif. Elles créent quand même un effet

Page 248: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

238

interactionnel. L’allocutaire se trouve dans l’obligation de réfléchir à cette problématique et de prendre sa position, soit pour soit contre.

Non seulement sous forme des questions, la problématisation est aussi imposée par le biais des déclarations.

« …Dans cette perspective, l’Assemblée Nationale a à revoir sa place en se demandant pourquoi elle est en marge de cette affaire ».

(Duong Trung Quoc)

Il arrive aussi que ces deux procédés soient combinés l’un avec l’autre :

« Même le président du Conseil d’administration a dit que le pourcentage de gains et de pertes est de 50-50. A supposer qu’on paie avec notre argent de poche, est-ce qu’on accepte de faire du commerce quand on ne voit pas encore la possibilité de bénéfices ? En conséquence, nous vous demandons de bien balancer entre le pour et le contre dans cette affaire ».

(Nguyen Minh Thuyet)

3.3.1.2. STRATEGIE DE POSITIONNEMENT

Ces stratégies concernent la manière dont le sujet argumentant prend sa position.

L’analyse du corpus nous permet de focaliser notre attention sur les deux points suivants : la prise de position se fait par rapport à la problématisation et la prise de position se fait par le recours à une autorité afin de renforcer sa position de légitimité et de crédibilité.

a) La prise de position se fait par rapport à la problématisation.

Ici, nous nous intéressons particulièrement aux procédés exprimant le désaccord. En effet, il faut dire que la manière d’exprimer la position négative en vietnamien est très variée.

• Évitement des formulations directes de désaccord

Grosso modo, les communicants ont tendance à prendre des précautions dans la formulation de leur désaccord. Ils cherchent à éviter le plus possible des formulations directes. C’est pourquoi, nous ne trouvons quasiment aucun marqueur d’opposition argumentative placé au début de l’intervention tels que « je ne suis pas d’accord », « je ne suis pas favorable », « je suis contre » ou « je ne partage pas le point de vue que… »…

• Manifestation du désaccord à travers de longues explications

Page 249: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

239

Pour exprimer le désaccord, ils recourent à de longues explications et c’est grâce à ces explications que les interlocuteurs peuvent reconnaître leur positionnement. Citons comme exemple le discours du député de la province de Lang Son, au lieu d’exprimer directement son désaccord, il a présenté les inconvénients, les difficultés rencontrées si on décide de mettre en œuvre le projet :

« On peut dire que ce projet d’exploitation de la bauxite dans les Hauts Plateaux du centre constitue un grand projet qui concerne plusieurs régions, plusieurs branches et qui demande un énorme investissement financier. Selon la décision numéro 167 du gouvernement, ce projet demandera, d’ici à 2025, une mobilisation d’un fond d’investissement de 190 à 250 mille milliards de dongs vietnamiens. Il y aura des séries de groupes de mines et d’usines. Rien qu’à Dak Nong, on construira 4 usines de fabrication de l’aluminium, numérotées de 1 à 4, éparpillées respectivement dans les 4 provinces : Lam Dong, Gia Lai, Dak Nong, Binh Phuoc.

Parallèlement à la construction de ces usines, il nous faut aussi mettre en œuvre d’autres travaux supplémentaires. Nous avons par exemple à construire une voie ferrée de 270 à 300 km environ, avec une dénivellation de 700 m, sans compter un relief complexe, sinueux. On prévoit un financement de 3,1 milliards de dollars américains pour ces travaux ».

(Nguyen Minh Thuyet)

• Désaccord implicite

Le désaccord est parfois présenté implicitement sous forme d’un rappel, d’une demande :

« Nous vous demandons de bien balancer entre le pour et le contre dans cette affaire »

« Sur ce point, il nous faut calculer soigneusement » (Nguyen Minh Thuyet)

« Ces questions de l’indépendance culturelle et de la préservation de l’identité sont d’une grande importance, soyez donc prudents ! »

(Ngo Bao Chau)

Le sémantisme de ces expressions fournit des indications sur la nature de la position du locuteur. On dirait alors qu’elles fonctionnent comme des marqueurs de désaccord.

• Recours à des connecteurs de positionnement

Le désaccord est aussi exprimé par l’intermédiaire des connecteurs de positionnement :

Page 250: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

240

« L’étude détaillée du rapport du gouvernement et des critiques me permet de formuler quelques observations »

(Ngo Bao Chau)

« Je me permets d’exposer mon opinion par les questions suivantes » (Duong Trung Quoc)

Pourtant, différent du cas précédent, le sémantisme de ces éléments ne fournit aucune indication sur la position introduite. Mais, vu la suite de l’énoncé, on voit bien qu’ils introduisent une position nettement antagoniste. Ces facteurs peuvent donc être considérés, au moins localement, comme des marqueurs de désaccord.

b) La prise de position se fait par le recours à une autorité

L’analyse du corpus nous permet de dire que les sujets argumentants, afin de renforcer leur position de légitimité et de crédibilité, ont tendance à préciser ce qui les autorise à argumenter, c’est-à-dire à mentionner en tant que quoi ils parlent.

« Je voudrais présenter mon point de vue en tant que chercheur en histoire » (Duong Trung Quoc)

« Je me permets de vous écrire en tant que citoyen qui réfléchit et s’inquiète du destin du pays »

(Ngo Bao Chau).

Il se peut aussi que les sujets argumentants essaient de montrer que ce qu’ils disent est plus ou moins fondé :

« Je m’appuie seulement sur l’opinion d’une partie des gens envers lesquels dans son rapport, le politburo a manifesté de la reconnaissance : ce sont des vieux combattants, des scientifiques qui ont du cœur, pour poser la question : Pourquoi face à une question d’une telle importance, cette partie de peuple ne manifeste-t-elle pas encore un consentement unanime ? »

(Duong Trung Quoc)

Nous avons donc ici l’affaire à l’autorité institutionnelle, l’autorité du savoir, l’autorité de l’expérience,… Nous reviendrons sur cette question d’autorité dans une partie à part (Voir § 3.4).

Page 251: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

241

3.3.1.3. STRATEGIE DE PREUVE

L’analyse du corpus montre que plusieurs types d’arguments ont été employés, à noter par exemple l’argumentation de conséquences négatives, l’argumentation par analogie, l’argumentation par la mise en contradiction, l’argumentation d’autorité.

a) Argumentation de conséquences négatives

Ce type d’argument est le plus utilisé dans le corpus. Les communicants justifient leur position défavorable vis-à-vis du projet de la bauxite en exploitant des effets pervers du projet.

« La Chine adopte de manière systématique une politique néo-colonialiste en Afrique, en Amérique latine et dans tous les pays riches en combustible et en minéraux, dont le Vietnam. Dans le cas particulier du Vietnam, l’influence excessive de la Chine peut encore entraîner d’autres conséquences dangereuses, à savoir par exemple la domination culturelle engendrée probablement par la relation organique entre les deux cultures vietnamienne et chinoise ».

(Ngo Bao Chau).

L’auteur de ce propos parle d’un grand danger à la fois politique et culturel qui risque de menacer le peuple vietnamien, surtout lorsqu’il y aura une entrée massive de main-d’œuvre chinoise dans les Hauts Plateaux du Centre.

b) Argumentation par analogie

Ayant un rôle prépondérant dans la production et la justification des propositions, ce type d’argument est employé à plusieurs reprises dans le corpus. L’exemple le plus pertinent concerne la question du seuil d’investissement que nous avons analysé auparavant. En comparant le projet de la bauxite à celui de la construction de la maison de l’Assemblée Nationale et à celui de l’élargissement de Hanoï, l’auteur expose clairement sa position critique vis-à-vis de la manière de travailler du gouvernement.

C’est aussi le cas pour l’exemple suivant :

« La superficie totale utilisée pour l’extraction de la bauxite est prévue à 8,6 % de la surface de la province de Dak Nong. C’est un chiffre énorme si nous comparons à 8,6 m2 par rapport à la surface de 100 m2 de notre maison ».

(Ngo Bao Chau).

En établissant une similitude de rapport entre deux objets non identiques, ici la superficie d’une province et celle d’une maison, cette argumentation par analogie

Page 252: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

242

consiste à critiquer l’opinion du camp adverse, selon laquelle la superficie utilisée pour l’exploitation de la bauxite n’est pas grand chose par rapport à la superficie totale de la province.

c) Argumentation par la mise en contradiction

Cette tactique consiste à rendre non valable une autre argumentation en diminuant le prestige de la personne qui la soutient.

« Dans son rapport, le gouvernement a cité deux raisons pour expliquer pourquoi l’Assemblée n’est pas encore informée de ce projet d’exploitation de la bauxite. La première est que ce projet est loin d’avoir atteint le seuil d’investissement déterminé, et la seconde consiste à dire qu’il n’est à peine qu’un plan d’aménagement. Or, tout le monde sait bien que les projets de construction de la maison de l’Assemblée et d’élargissement de Hanoï ont été discutés au sein de l’Assemblée non pas pour l’insuffisance de l’investissement ni pour l’aménagement »

(Duong Trung Quoc)

Revenons encore une fois à l’exemple concernant la question du seuil d’investissement ! L’auteur a réussi à mettre en contradiction les prescriptions du gouvernement avec ses pratiques réelles.

d) Argumentation d’autorité

Ce type d’argument est utilisé fréquemment dans le corpus. Nous allons réserver tout un paragraphe pour parler de cette question d’autorité.

3.3.2. Récapitulation des styles argumentatifs

Les styles argumentatifs employés dans le corpus sont d’une grande variété.

• Points de vue formulés sans « tourner autour du pot »

Comme nous l’avons dit plus haut, les Vietnamiens tendent à employer des formules indirectes de désaccord. Nous constatons quand même que les communicants ont plusieurs fois exprimé ouvertement leurs points de vue sans tourner autour du pot :

« …si on n’y pense pas en considérant toutes ces constructions comme des travaux civils, on a, sans le faire expressément, pris les impôts de la population pour servir les intérêts des entreprises »

(Nguyen Minh Thuyet)

« Je dirais que dans le projet d’exploitation de la bauxite, la question culturelle n’est pas posée de manière sérieuse. C’est une des lacunes les plus importantes

Page 253: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

243

de ce programme ». (Nguyen Ngoc)

Il est clair que ces paroles sont adressées au gouvernement, aux gens qui sont pour le projet d’exploitation de la bauxite.

Ce qui est intéressant dans leur manière d’argumenter, c’est que les auteurs ne sont pas intentionnellement équivoques. L’attaque est directe. La question de face est laissée de côté. On n’a pas peur de faire perdre la face à son partenaire et on n’a non plus besoin de chercher à la lui sauver.

On peut dire que ces personnes ont fait un grand effort pour échapper aux habitudes comportementales derrière les cordons de bambous villageois vietnamiens (éviter les confrontations, être en bons termes avec les autres et adopter une attitude équivoque) pour faire sortir les paroles du fond du cœur ainsi que les soucis des habitants qu’ils représentent.

• « Je suis tout à fait d’accord mais …»

Une autre caractéristique qu’on peut dire typiquement vietnamienne, c’est la tendance à commencer son intervention par la manifestation de l’accord pour ensuite rejeter tout ce qu’on considère comme « tout à fait vrai ». C’est le cas de l’exemple suivant :

« […] Tout d’abord, je voudrais affirmer que je suis entièrement d’accord avec l’option de développement industriel de l’exploitation de la bauxite et de la fabrication de l’aluminium. Mais, après la lecture du rapport du gouvernement, je ne pense pas pouvoir répondre aux trois questions soulevées actuellement par l’opinion publique. Ce sont respectivement l’efficacité économique, l’impact écologique et social et la défense nationale ».

(Nguyen Minh Thuyet)

Cette tactique, selon nous, sert à « donner de la face » à l’opposant avant de l’attaquer. Elle a, en apparence, la forme d’une concession mais, au fond, ce n’est pas une concession, c’est plutôt une variante de la réfutation.

• Le recours à la question.

Comme nous l’avons expliqué plus haut, l’emploi des questions a pour effet d’imposer la problématisation.

« Alors, pourquoi ne reporterions-nous pas ce travail d’exploitation d’un tel gisement de bauxite dans quelques années, quand nous aurons suffisamment de compétences en vue de l’obtention d’une efficacité économique maximale ? »

(Duong Trung Quoc)

Page 254: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

244

Ces interrogations argumentatives sont formulées soit de manière rhétorique soit de manière indirecte, mais elles ont aussi pour fonction de manifester la désapprobation. Les questions peuvent aussi s’enchaîner les unes après les autres dans le but de tendre un piège pour détruire la position adverse, autrement dit, pour défaire l’adversaire.

• Tendance à prévoir des contre-arguments pour les réfuter

« […] Donc, d’où viendra l’argent ? En ce qui concerne les produits d’alumine, on n’aura aucun bénéfice. Par contre, si on n’y pense pas en considérant toutes ces constructions comme des travaux civils, on a, sans le faire expressément, pris les impôts de la population pour servir les intérêts des entreprises ».

(Nguyen Minh Thuyet)

Dans cet exemple, l’auteur imagine les deux arguments susceptibles de venir de l’autre camp (de ceux qui sont pour le projet de la bauxite ) et les réfute :

- Argument 1 : L’argent vient des ventes des produits d’alumine.

→ Réfutation de l’argument 1 : On n’aura aucun bénéfice.

- Argument 2 : Ces constructions doivent être considérées comme des travaux civils.

→ Réfutation de l’argument 2 : Si on y pense, on a donc servi les intérêts des entreprises par les impôts de la population.

3.4. Mise au point sur les formes d’emploi de l’autorité

Nous aimerions expliquer, avant de commencer notre analyse, pourquoi nous avons mis dans le titre de ce paragraphe « les formes d’emploi de l’autorité » au lieu de mettre « les formes de recours à l’autorité ». Selon nous, le recours à l’autorité sous-entend que cet élément est toujours utilisé dans une optique positive. Or, cela n’est pas toujours vrai. Nous allons voir dans les lignes qui suivent que l’autorité, comme un médaille, a aussi les deux faces. Elle est tantôt glorifiée, tantôt critiquée.

3.4.1. Le recours à l’autorité

Le recours à l’autorité est un trait particulier dans l’argumentation des Vietnamiens. Cette stratégie vise à justifier la validité de la prise de position.

Page 255: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

245

L’analyse du corpus nous permet de dégager les différentes formes de recours à l’autorité.

• Recours à l’autorité du proverbe et de la tradition

En réponse à la question qui consiste à demander si le gouvernement pense à garder en réserve des ressources naturelles pour les nouvelles générations, le député Duong Trung Quoc a recours à deux dictons qui résument des expériences de nos ancêtres dans la vie quotidienne.

« traverser le tamis, tomber sur le van »

« si le père apprend à manger des aliments insipides, son enfant aura de l’eau à boire »

Le premier, en s’appuyant sur les deux images métaphoriques « sàng » (le tamis) et « nia » (le van) qui représentent respectivement deux personnes de relations proches, veut dire que ce qu’on perd, les siens le gagnent, donc il n’y a pas de véritable perte. Ce proverbe renforce l’idée qu’il ne faut pas se presser d’exploiter la bauxite, qu’il faut laisser ce patrimoine aux générations à venir qui seront plus compétentes pour pouvoir se charger d’une telle responsabilité.

Le second, plus explicite, dit que l’enfant va subir les conséquences fâcheuses des actes de son père. L’auteur fait références aux dangers qui menacent la région de Tay Nguyen et tout le pays du point de vue économique, écologique et naturel si le gouvernement approuve ce projet de la bauxite.

La stratégie argumentative que l’auteur utilise dans ce paragraphe, c’est le recours à l’autorité du proverbe pour valider la proposition qu’il faut garder en réserve des ressources naturelles pour les futures générations.

• Recours à l’autorité charismatique

Vo Nguyen Giap, le général vietnamien très connu pendant la guerre d’Indochine et la guerre du Vietnam, est une incarnation de l’autorité charismatique. Dans cette dernière bataille de sa vie, la bataille de la bauxite, il est aussi la première personne à élever la voix pour lutter contre la mise en œuvre du projet. Dans cette perspective, s’abriter sous son autorité en parlant de son rôle de pionnier constitue une manière efficace pour mettre en valeur sa prise de position.

« […] le général Vo Nguyen Giap, a pris la plume à trois reprises pour exprimer ses réserves aux autorités et aux députés ; sa plus récente lettre date du 20 juin 2009, c’est-à-dire du jour de la séance d’ouverture de la réunion de l’Assemblée Nationale. Or, à l’heure actuelle, très peu d’entre nous en sont au courant ».

(Duong Trung Quoc)

Page 256: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

246

La lettre du général Giap n’aurait pas été soigneusement étudiée ! Quel paradoxe étonnant ! Mais cela suffit largement à dire combien le gouvernement s’intéresse aux réactions opposées, et à quel point on est conscient de l’importance du projet d’exploitation de ce gisement.

• Recours à l’autorité légale-institutionnelle

De même, le recours à l’autorité légale institutionnelle, ici « les vieux combattants, les scientifiques », constitue une autre manière permettant à l’auteur d’affirmer la validité de ses arguments, ceci, encore une fois, est explicité dans la dernière phrase :

« Je m’appuie seulement sur l’opinion d’une partie des gens envers lesquels dans son rapport, le politburo a manifesté de la reconnaissance : ce sont des vieux combattants, des scientifiques qui ont du cœur, pour poser la question : Pourquoi face à une question d’une telle importance, cette partie de peuple ne manifeste-t-elle pas encore un consentement unanime ? »

(Duong Trung Quoc)

• Recours à l’autorité de la compétence, de l’expertise

Comme nous l’avons expliqué précédemment, en précisant ce qui l’autorise à argumenter, c’est-à-dire en mentionnant en tant que quoi il parle, l’auteur renforce sa position de légitimité et de crédibilité :

« Je voudrais présenter mon point de vue en tant que chercheur en histoire » (Duong Trung Quoc)

L’autorité joue ainsi une place fondamentale, elle fonctionne comme un point d’appui solide pour que les locuteurs osent exposer ouvertement leurs points de vue.

3.4.2. L’attaque de l’autorité

Si dans certains cas, on sait recourir à une autorité pour démontrer la validité de sa thèse ou, autrement dit, pour faire accepter son point de vue, dans d’autres cas, on sait attaquer une autorité pour manifester son désaccord vis-à-vis d’un problème concerné. Analysons par exemple l’argumentation de Ngo Bao Chau.

« Vous, dont la plupart êtes de la génération de mon père et de mes oncles, vous savez mieux que moi […] Je vous prie donc de prendre du temps pour étudier, analyser de façon détaillée le projet d’aménagement d’exploitation minière dans les Hauts Plateaux et ses critiques scientifiques. Veuillez écouter les différentes opinions des électeurs en tenant compte de la survie du pays

Page 257: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

247

avant de prendre votre position. Et surtout, exposez clairement votre point de vue dans l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale et prenez-en la responsabilité devant les électeurs »

.(Ngo Bao Chau)

Il est important de noter que tout ce qui est dit dans ce paragraphe est directement adressé aux gens d’un certain âge, ceux qui sont de la génération du père et des oncles de l’auteur, donc incarnent l’autorité de l’expérience. Ils sont, par ailleurs, des personnes ayant de lourdes responsabilités dans l’appareil d’État, donc ils incarnent l’autorité institutionnelle. Or, l’auteur, par le biais des prières, les critique franchement de ne pas avoir étudié à fond le projet d’exploitation de la bauxite, de ne pas avoir écouté les opinions des électeurs… Il a fait un grand pas en demandant à ces autorités d’exposer clairement leur opinion devant l’Assemblée Nationale.

L’analyse nous permet de dire que l’autorité ne bloque pas du tout l’accès à des réfutations, à des attaques directes.

Pour renforcer de nouveau notre position, nous nous permettons de proposer dans les lignes qui suivent quelques exercices d’analyse d’arguments d’autorité. Ce paragraphe aurait dû apparaître dans la dernière partie portant sur la didactique de l’argumentation, mais vu sa relation avec la question de l’autorité, nous préférons le mettre dans ce chapitre.

4. Mise en pratique : Quelques propositions d’exercices d’analyse d’arguments d’autorité

• Exercice 1

1. Lisez bien le dialogue suivant (Voir en annexe 1 : interaction 2) et dites comment Tran Duc essaie de rassurer son directeur. Analysez son argumentation !

En réponse à la plainte que formule Monsieur Cam : « chaque fois que je vais au travail, j’ai honte », Tran Duc fait semblant de bien comprendre la situation et de partager avec le directeur ses plaintes en disant :

« Ah non, ne passez pas trop de temps avec ces pensées. L’autre jour, je vais avec votre femme chez le bonze supérieur à la pagode Sung Lam. Tout ce qu’il dit est exact. Il dit que vous êtes né sous le signe du bouc et votre femme sous le signe du porc. Selon lui, ces deux signes s’accordent bien l’un avec l’autre. Mais, comme on dit traditionnellement, la bonne entente risque de se

Page 258: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

248

transformer en malheur. Votre femme et vous, sous le signe du bouc et du porc, vous auriez une vie heureuse si vous aviez eu une fille. Par contre, comme vous avez eu un fils, il doit être un enfant prodigue, un « panier percé ». L’année dernière, c’était l’année du cycle duodécimal coïncidant avec son année de naissance, d’ailleurs selon son horoscope, il a cette année deux étoiles significatrices Thien Hinh, Phuc Binh, il doit donc subir des malheurs »

Sans nul doute, on a ici affaire à un argument d’autorité : « je vais avec votre femme chez le bonze supérieur […]. Il dit que […]. Selon lui,… ». Il est important de noter que les Vietnamiens, surtout les personnes âgées, ont tendance à aller à la pagode, au moins une fois par mois, au premier jour du mois lunaire. La pagode est, à leurs yeux, un lieu sacré où ils font des prières et formulent des vœux pour eux-mêmes et pour les gens de leur famille. En outre, les histoires concernant l’horoscope, les étoiles significatrices ou encore le principe selon lequel la bonne entente risque de se transformer en malheur sont bien connues par les Vietnamiens. Dans ce sens, ce que disent les bonzes à la pagode a un certain poids.

Tran Duc, en racontant ce qu’a dit le bonze et en ajoutant « tout ce qu’il dit est exact », a réussi à diluer sa responsabilité énonciative tout en augmentant la force persuasive de ce qu’il exprime. On peut très bien dégager ses deux arguments :

- Argument 1 : Monsieur Cam et sa femme, sous les signes du bouc et du porc, auraient dû bien s’entendre. Mais, traditionnellement, la bonne entente se transforme toujours en grand malheur.

- Argument 2 : L’année précédente a été une mauvaise année pour leur fils (selon son horoscope)

Ces deux arguments nous amènent vers la conclusion suivante : Les malheurs que doit subir Monsieur Cam sont inévitables.

2. Monsieur Cam n’est pas d’accord avec le raisonnement de son collègue. Que dit-il ? Quel type d’argument utilise-t-il ?

Il est bien clair que, dans le passage précédent, Tran Duc cherche à rassurer son supérieur. Mais son raisonnement contient plein de sophismes, et par conséquent, est catégoriquement réfuté par Monsieur Cam.

Ce dernier a manifesté, de manière explicite, son désaccord : « Je ne crois jamais à ces genres de divinations ». Cette formulation directe casse totalement le raisonnement de Tran Duc. Si nous regardons du côté du rapport de place, la réfutation de Monsieur Cam consiste même à mettre son interlocuteur dans la position basse et, dans une certaine mesure, elle lui fait perdre la face.

Page 259: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

249

« Họa phúc hữu môi phi nhất nhật », s’agit-il d’un argument d’autorité ? Oui, parce que l’auteur, c’est-à-dire Monsieur Cam, à son tour de parole, a emprunté le discours provenant d’une autre voix, celle de Nguyen Trai, qui est considérée comme plus imposante, et bien sûr beaucoup moins contestable que la sienne pour renforcer sa thèse. Autrement dit, il cherche à établir la crédibilité de ce qu’il veut dire en l’imputant à quelqu’un de prestigieux.

Dans ce contexte, on peut dire aussi que l’argument d’autorité fonctionne comme un contre-argument qui vise à contredire Tran Duc. Dans la suite de son intervention, Monsieur Cam explicite son orientation argumentative : « … le malheur ou le bonheur ne nous arrivent pas subitement et sans raison. Au contraire, ils ont tous une origine ». Il applique cette règle au cas de sa famille : « Si Lam est tombé dans la situation actuelle, c’est parce que nous l’avons trop gâté, nous l’avons laissé faire ce qu’il voulait en toute liberté ».

Monsieur Cam et Tran Duc utilisent tous les deux le prestige, la renommée d’un tiers pour étayer la vérité de leurs opinions. Pourtant, on peut dire que le raisonnement de Monsieur Cam est plus valable, en d’autres termes, plus crédible et plus convaincant que celui de Tran Duc. Cela n’est pas très difficile à comprendre, car on peut aisément s’apercevoir qu’il manque, dans l’argumentation de ce dernier, l’indication des sources qui, à nos yeux, est indispensable à la validité de l’argument d’autorité.

3. Expliquez pourquoi Monsieur Cam se sent honteux d’aller au bureau !

Encore une fois, nous avons affaire à une argumentation d’autorité fondée sur la tradition la plus prestigieuse.

L’auteur s’abrite derrière une personne prestigieuse, qui est Confucius, pour établir la vérité de ses opinions. Il cite son propos :

« Si on veut diriger l’État, il faut d’abord apprendre à gérer sa famille. Si on veut gérer sa famille, il faut savoir se perfectionner moralement. Afin de le faire, il faut que le cœur soit propre. Enfin, pour que le cœur soit propre, il faut que nos pensées soient sincères ».

Il continue l’argumentation en disant que lui-même, il n’arrive pas à bien gérer la famille, donc il lui est impossible de bien diriger les travaux au bureau.

On peut dire que le recours à l’autorité d’autrui par le biais de la citation offre une protection au locuteur. Celui-ci, comme nous l’avons dit plus haut, a dégagé sa responsabilité énonciative en se déchargeant sur l’autorité citée.

Page 260: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

250

• Exercice 2

Lisez le dialogue (Voir en annexe 1 : Interaction 3) et essayez de répondre aux questions suivantes :

1. Quelles sont les personnes qui participent au dialogue ?

Ce sont : - Monsieur Tuy, président de la province Hoa Xuan

- Madame Xuan, vice-présidente de la province Hoa Xuan

2. De quoi parlent-ils ?

Ils parlent du fait que le président de la province doit venir voir les habitants pour leur donner des explications sur l’affaire du transfert d’un terrain à l’entreprise Hoang Quan.

3. Pourquoi les habitants veulent-ils parler au président de la province ?

Ils veulent lui demander sa décision concernant cette affaire de livraison de terrain.

4. Quelle est la position du président ? Veut-il aller les voir ? Pourquoi ?

Le président ne veut pas faire face aux habitants. Ses arguments sont les suivants :

- Argument 1 : Quelques détails dans le projet de la livraison de la terre à la société Hoang Quan semblent irraisonnables.

- Argument 2 : Les habitants veulent apporter leur contribution financière au projet. Le président se trouve devant la difficulté de satisfaire ce besoin des habitants.

5. Quelle est la position de la vice-présidente ? Son argumentation a-t-elle une certaine influence sur son collègue ?

Elle se montre plutôt favorable àl’idée de vendre des actions aux habitants à un prix prioritaire.

En vue d’inciter le président à venir négocier avec les habitants, elle a, dans un premier temps fait preuve d'ironie : « Ils vous attendent depuis plus de deux heures. Je ne pense pas que le président de la province ait tellement peur des habitants ». Dans une certaine mesure, on peut dire que la locutrice conteste l’autorité que représente Monsieur Tuy. Dans un deuxième temps, elle attaque directement son interlocuteur : « Depuis longtemps on répète qu’il faut prendre les habitants comme le but de toutes les décisions, mais dans ce cas, je vois bien qu’on les considère comme des tranchoirs ».Dans la vie ordinaire, le « tranchoir » ou le « hachoir » est un outil pour faire la cuisine (instrument servant à couper, à hacher

Page 261: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

251

de la viande, des légumes). Le Vietnamien emploie aussi le terme « tranchoir » pour faire illusion à quelqu'un qu'on méprise, d'où l'insulte suivante :

-Đồ mặt thớt !

-Espèce-face-hachoir (traduction littérale)

Cette expression nous fait penser au terme « mặt dày » (avoir une peau épaisse sur la face → la face épaisse)27 qui s'emploie pour parler de quelqu'un n'ayant pas peur de perdre sa face. Dans ce contexte, la locutrice fait des reproches à son directeur, Monsieur Tuy, qui, au lieu de prendre en compte des intérêts des habitants, les a traités comme des objets qui servent à enrichir une partie de la classe dirigeante. Le mot « tranchoir » porte en lui un effet argumentatif. Il laisse entendre que les habitants ne sont rien du tout, et que, pire encore, ils ne sont que les moyens pour servir les intérêts des dirigeants qui ne pensent qu’à remplir leur propre poche d’argent, tout en « buvant brutalement la sueur » des travailleurs. On pourrait dire, pour faciliter la compréhension des non-vietnamiens, que les habitants sont considérés comme la 5e roue du carrosse. Monsieur Tuy, ayant compris le message implicite de sa collègue, a accepté de reculer : « Bon, je vous en prie, je les accueillerai »

6. En fin du dialogue, Monsieur Tuy a explicité les raisons pour lesquelles il ne veut pas accueillir les habitants. Que sont-elles ?

- Raison 1 : C’est lui qui a approuvé le projet de livraison du terrain à la société Hoang Quan.

- Raison 2 : C’est aussi lui qui a approuvé le niveau de compensations pour les habitants.

Pour ces raisons, il n’ose pas faire face aux habitants. Il a peur d’être interrogé.

7. Madame Xuan a essayé d’adoucir la situation. Analysez son argumentation. Quel type d’argument utilise-t-elle ?

Madame Xuan a rassuré son collègue en disant qu’elle va l’accompagner. Dans la suite de l’argumentation, elle a recours à une forme proverbiale : « si les mandarins opprimaient les paysans, ces derniers sont obligés de se révolter ». Il s’agit là d’une intention d’argumenter par l’autorité d’une sorte de sagesse populaire anonyme. L’œuvre littéraire très connue en Chine intitulée « Thủy Hử » est mentionnée comme la preuve vivante de ce qu’elle dit.

27 Voir pages 209-211

Page 262: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

252

Comme dans les autres cas d’utilisation de l’autorité, la vice-présidente emploie ce type d’argument dans le but de se porter garante de ce qu’elle exprime. Elle cherche à établir la crédibilité de son discours en faisant référence à une réputation.

• Exercice 3

En vous basant sur les analyses qu’on vient de faire, essayez de dire comment l’autorité est contestée dans l’interaction 4 (Voir en annexe 1 : Interaction 4).

Récapitulation

Avant de passer à la dernière partie, nous voudrions revenir un peu sur la question de la bauxite.

L’exploitation de la bauxite au Vietnam est une question d’actualité qui intéresse presque tous les Vietnamiens dans et à l’extérieur du pays, car la question de la bauxite est considérée comme étant liée directement au sort de ce pays sur tous les plans : la politique, la culture, la sécurité sociale et la défense nationale. Évidemment, on n’oublie pas de parler du rôle d’un grand personnage politique qui a une grande influence sur l’ensemble du peuple vietnamien et qui a été le premier à prendre l’initiative d’une prise de position sur cette question de société, le général Giap, pour qui on appelle ce mouvement « la dernière bataille de sa vie ».

Les Vietnamiens, pour la première fois face à un sujet de société, font un effort pour démolir la conception traditionnelle dans le comportement interpersonnel, qui est de vivre en harmonie avec son groupe d’appartenance, montrent qu'on peut vivre en harmonie avec son groupe d'appartenance tout en maintenant un débat ouvert et que l’état de dissensus est parfaitement normal. Ils osent maintenant exprimer ouvertement leurs opinions divergentes autour de cette question « chaude ». Ils concèdent, ils objectent, ils réfutent, ils contredisent… bref, ils ont recours à toutes les stratégies d’argumentation, à des types d’arguments variés pour justifier leurs positions.

L’analyse du corpus nous permet de classer les styles argumentatifs des Vietnamiens en deux catégories : les styles qui sont relativement indirects et les attaques qui sont beaucoup plus directes. Nous pouvons facilement observer, par l’analyse des cas, des points qui confirment ce que nous avons dit auparavant sur

Page 263: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Troisième partie

253

l’indirection, sur le ménagement de la face, sur le rapport entre l’autorité et les Vietnamiens, et aussi des points qui manifestent nettement l’accès à des réfutations, à des attaques directes malgré la présence de ces facteurs.

Il est alors bien clair que face à une question qui a un rapport direct avec notre intérêt, nous pouvons laisser de côté notre passivité et notre dépendance qu'on nous attribue et qui, apparemment, nous sont très chers.

Depuis le désastre des boues rouges en Hongrie, les discussions, les controverses se déroulent de manière de plus en plus acharnée. On craint que le Vietnam subisse un jour une catastrophe écologique majeure, voire plus dangereuse que celle en Hongrie. Les différentes prises de position, les différents arguments du point de vue politique, économique et écologique, par conséquent, sont de nouveau exposés. Nous reviendrons sur ce terrain de recherche dans le cadre d’un autre travail où nous demanderons peut-être aux étudiants vietnamiens d’argumenter en français sur un problème qui touche le Vietnam.

Page 264: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 5 : Étude de cas

254

Page 265: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

255

QUATRIEME PARTIE Pour une amélioration de la didactique de

l’argumentation au Vietnam

Page 266: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé

256

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé

1. L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam28

Malgré son adhésion en 1970 à l’Organisation Internationale de la Francophonie, le nombre de locuteurs francophones ne représente que moins de 0,5% de la population totale, soit 470.000 locuteurs environ. Toutefois, puisque le Vietnam connaît actuellement de rapides mutations engendrées par la diversification de ses relations internationales et par sa croissance économique, la diffusion de la langue française a le devoir de s’inscrire dans la perspective promotionnelle d’une diversité linguistique et culturelle.

Dans cette partie, nous allons, dans un premier temps, présenter brièvement les programmes d’enseignement du français dans le système éducatif. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons particulièrement à l’enseignement du français dans les cursus universitaires et supérieurs.

1.1. Le français dans le cursus scolaire

Le français n’est qu’une parmi quatre langues officiellement enseignées en primaire et en secondaire. En septembre 2008, les instructions officielles du Ministère de l’Education et de la Formation du Vietnam soulignent l’importance de l’enseignement/apprentissage du français et préconisent le développement sur tout le territoire des différents cursus de français existants dont l’enseignement doit être généralisé, d’ici 2020, à l’ensemble du système public vietnamien.

28 Toutes les informations et tous les chiffres figurant dans ce § 1. viennent du document en

ligne : http://www.ambafrance-vn.org/spip.php?article2075 (consulté le 10-8-2008)

Page 267: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

257

L’enseignement du français dans le système scolaire au Vietnam se décline, d’un point de vue administratif, en deux cursus (langue vivante 1 et langue vivante 2) et d’un point de vue didactique, selon quatre cursus distincts. La mise en place de ces différents cursus permet non seulement d’adapter l’offre à la demande, de prendre en compte les ressources disponibles, mais surtout de maintenir, avec un grand effectif d’apprenants (plus de 100.000), une diffusion honorable de la langue française dans le système éducatif.

Français LV1 (cursus standard) (1)

Français LV1 - intensif (classes à

option) (2)

« du/en » français (classes bilingues)

(3)

Langue vivante 2 (lycée) (4)

100 à 150 heures/an sur 7 ans

200 à 350 heures/an sur 3 ans

250 heures/an sur 7 ou 12 ans

75h/an sur 3 ans

sur tout le territoire sur 18 provinces sur 20 provinces

Cursus 1 : Le français est enseigné comme la langue vivante 1, à partir de la 6e jusqu’à la terminale, c’est-à-dire de l’âge de 11 ans jusqu’à l’âge de 17 ans.

Cursus 2 : Le français est enseigné comme la langue vivante 1 pendant les trois années de lycée, à des gens qui n’ont pas suivi le cursus 1 et qui ont de 15 à 17 ans.

Cursus 3 : dans les classes bilingues (soit à partir du CP jusqu’à la terminale, soit à partir de la sixième jusqu’à la terminale), les élèves, en dehors du programme d’enseignement en vietnamien, bénéficient également de cours de français. Certaines matières sont aussi enseignées en français.

Cursus 4 : le français est enseigné comme langue vivante 2 pendant les trois années de lycée, à des gens qui ont appris l’anglais comme langue vivante 1, soit à partir du CP jusqu’à la terminale, soit à partir de la sixième jusqu’à la terminale.

1.2. Le français dans les cursus universitaires ou supérieurs

En préparant les jeunes vietnamiens à la poursuite d’études supérieures en France ou dans l’espace francophone, la diversité des programmes scolaires d’apprentissage du français permet également des orientations diversifiées dans le secteur des études supérieures au Vietnam.

On dénombre actuellement environ 15 000 apprenants de français dont :

Page 268: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé

258

- 22 % dans les filières universitaires francophones. Ces filières sont mises en place à partir de 1994. Installées à Hanoi, Haiphong, Hué, Danang, Ho Chi Minh-Ville et Cantho, elles sont implantées dans les Instituts polytechniques, les universités (chimie, physique, droit, sciences économiques, médecine, informatique) ainsi que dans les écoles supérieures offrant des formations dans les secteurs du commerce, de l'agronomie, de la construction, des transports ou de la communication.

Les étudiants inscrits au sein d’une filière suivent, en plus du programme de formation proposé par l’établissement d’enseignement supérieur, un enseignement du français langue étrangère et des cours scientifiques en français. Ils participent également à des programmes de recherches scientifiques francophones. A la fin du cursus, les étudiants doivent rédiger en français un mémoire de fin d’études. Les diplômes obtenus sont les diplômes vietnamiens des établissements d’origine et font mention de la spécialisation francophone de la filière. Cette mention ouvrira aux diplômés la possibilité de continuer des études post-universitaires au Vietnam dans des établissements d’enseignements francophones, de bénéficier de bourses d’études dans les établissements d’enseignements supérieurs francophones ou de trouver des emplois dans le secteur public ou dans des entreprises francophones.

Ce qui est intéressant dans ce programme de formation, c’est l’introduction de l’ensemble des FOS-TU (Français sur objectifs spécifiques - Techniques universitaires) et MIP (Module d’insertion professionnelle) procurant aux étudiants de bonnes méthodes d’apprentissage et les préparant à la recherche d’emploi.

- 33 % dans les sept départements de français et deux écoles normales supérieures qui assurent l’essentiel de la formation initiale des enseignants de français.

Nous citons comme exemple le cas du Département de langue et de civilisation françaises de l’Ecole Supérieure de langues délivrant de l’Université nationale de Hanoi qui recrute depuis quelques années de 100 à 150 étudiants pour chaque promotion. Ces derniers ont droit, durant leur cursus universitaire, à des cours de pratique de la langue et, peu à peu, ils peuvent choisir entre des cours de formation d’enseignants de français ou ceux de formation d’interprètes et de traducteurs. Actuellement, le besoin de diversification des programmes de formation devient de plus en plus nécessaire. Devant cette situation, le Département a ouvert, en collaboration avec l’Université de Picardie, des classes de français de l’économie.

- 45 % poursuivent diverses études avec le français en matière optionnelle ou LV2, dans diverses filières d’excellence soutenues par la

Page 269: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

259

France et la coopération multilatérale, à citer par exemple le Centre franco-vietnamien de gestion à l’Ecole supérieure d’économie de Hanoï, la Maison franco-vietnamienne du droit,…

1.3. Le perfectionnement linguistique

En réponse à des motivations spécifiques d’apprentissage ou de perfectionnement, d’autres structures d’enseignement du français se sont développées au Vietnam avec l’appui de la coopération bilatérale :

- formations linguistiques pour l’obtention de certifications ou de diplômes : les certifications DELF/DALF ou l’évaluation du TCF (Test de connaissance du français), considérées comme des atouts déterminants pour l’obtention de bourses ou de visas et intégrées dans la validation des cursus des filières universitaires francophones, constituent l’objectif moteur des projets individuels de formations linguistiques. C’est ainsi que l’ensemble des centres d’enseignement ou de formation en langue française au Vietnam proposent à leur public d’apprenants, une formation qui intègre systématiquement la préparation à ces examens. En moyenne, 4 000 candidats se présentent chaque année aux diplômes DELF/DALF et entre 1 000 et 1 200 au TCF.

- apprentissage du français sur objectifs spécifiques : de telles formations (préparations aux examens de français de spécialité, formation d’interprètes et de traducteurs professionnels, français pour personnels médicaux) sont prisées tant par des étudiants vietnamiens soucieux de compléter leurs études universitaires par une formation professionnalisante et diplômante que par des professionnels et des cadres.

1.4. Récapitulation

Nous venons de faire une brève présentation de l’enseignement du français au Vietnam. Cette langue est enseignée à tous les niveaux, du niveau primaire jusqu’au niveau post-universitaire. Cela montre que le français, malgré sa position modeste par rapport à l’anglais, occupe toujours une certaine place dans la société vietnamienne. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, on pourrait surtout être

Page 270: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé

260

plus ou moins optimiste avec la multiformation que proposent les filières universitaires francophones, la diversification de spécialités de formations et aussi les autres projets soutenus par les partenariats francophones.

Dans cette perspective, notre recherche en vue d’une amélioration de la didactique de l’argumentation au Vietnam, en particulier dans le cadre du cursus universitaire, sera d’une extrême utilité. Au contraire, elle promettrait de conduire vers de nouvelles perspectives de recherche visant à apporter à l’enseignement du français langue étrangère un bel avenir, d’autant plus que cette langue devient de plus en plus un outil de travail.

2. Le public visé

2.1. Trait culturel du modèle « communautaire »

Dans ses travaux sur la notion de personne, M. Cohen-Emerique (1990) a développé l’hypothèse selon laquelle il existe deux modèles fondamentaux : le modèle individualiste se limitant aux sociétés industrielles européennes et à l’Amérique du Nord et le modèle communautaire se répandant dans le monde non occidental.

Si le premier modèle s’oriente essentiellement vers des opinions et des croyances personnelles et « se caractérise par l’émergence d’un moi » (Cohen-Emerique, 1990 : 11), le second considère l’individu comme une maillon d’une chaîne qui se caractérise « non par ses croyances, attitudes et valeurs personnelles, mais par ses appartenances, sa place dans le groupe en fonction de ses rôles et statuts qui codifient sa conduite, et s’il ne s’y conforme pas, c’est son groupe et pas seulement lui-même qui est remis en cause » (id, 1990 : 11).

La question posée est donc la suivante : A quel modèle appartiennent les apprenants vietnamiens ?

Comme nous l’avons expliqué dans la partie précédente, la société vietnamienne est profondément imprégnée par le confucianisme. La division relationnelle (roi/sujet, père/fils, frère/sœur, mari/femme et ami/ami) entraîne que le comportement que l’on adopte envers une personne dépend d’une part de sa position à l’égard de son moi « personnel » et d’autre part, du rapport que cet individu entretient avec son réseau relationnel. Dans cette perspective, les Vietnamiens, eux,

Page 271: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

261

sont obligés de suivre strictement les rites en vue d’être en bons termes avec les gens de leur entourage.

Outre cette tendance, il faut parler également de l’influence de l’idéologie communiste, l’idéologie officielle au Vietnam qui contribue sans doute à construire le portrait des élèves vietnamiens.

Bien sûr, dans le cadre de notre thèse, nous n’avons pas l’intention d’approfondir cette question délicate plus ou moins politique, mais l’aborder en deux ou trois lignes sera d’une grande importance pour faire émerger le stéréotype de l’apprenant vietnamien.

En effet, l’idéologie communiste donne du prix à l’entraide, à la solidarité. Le respect de l’individu, le respect de la pluralité des opinions, y compris des opinions déviantes sont considérés comme des valeurs capitales. Sans le vouloir, cette pensée produit des caractères autoritaires et, pourquoi pas, conduit à la soumission, au sacrifice de la liberté y compris la liberté d’expression et la liberté d’action. Dans cette optique, on peut dire que la pensée communiste renforce l’idée confucéenne.

Issu de ces conceptions qui, apparemment, sont les mêmes, notre système éducatif a pour objectif de former des gens qui savent « vivre en bonne intelligence avec son groupe d’appartenance » (Bouvier, 2003 : 403), ce qui va à l’encontre du système éducatif engendré par le modèle individualiste « qui prépare la personne à l’autonomie, pierre angulaire de l’indépendance » (id, 2003 : 403)

Dans les lignes qui suivent, nous allons essayer de répondre à la question : « Pourquoi et comment ce modèle communautaire constitue-t-il un obstacle au processus d’enseignement et d’apprentissage de la langue française en générale et de l’argumentation en particulier ? »

2.2. La relation enseignant – apprenant

Comme nous l’avons expliqué plus haut, au Vietnam, la famille constitue le noyau minimal pour la construction de la société. De ce point de vue, la classe peut être considérée comme une image agrandie de la famille. Dans cette vision, la relation entre l’enseignant et l’apprenant est calquée sur celle entre le parent et l’enfant. L’enseignant joue le rôle d’un protecteur et d’un bienfaiteur tout en exerçant une certaine autorité sur l’inférieur qui n’est personne d’autre que l’apprenant. Ce dernier, à son tour, manifeste vis-à-vis de son supérieur l’obéissance respectueuse. Il se montre toujours très modeste et humble à l’égard de l’enseignant.

Page 272: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé

262

Pour mieux illustrer le fonctionnement de cette relation hiérarchique, nous empruntons le schéma de Bouvier (2003) :

Le schéma montre bien que le lien enseignant/apprenant est fondé sur les relations d’autorité, de dépendance et de soumission.

Ce propos est de nouveau confirmé par le système des termes d’adresse en vietnamien. En effet, l’élève vietnamien (de l’école maternelle au lycée) recourt toujours à l’appellation « con », se traduisant littéralement par « enfant », lorsqu’il s’adresse au professeur. Ce terme s’utilise aussi au sein de la famille, quand un enfant parle à son parent. De plus, le respect ainsi que l’obéissance se manifestent aussi à travers d’autres marques honorifiques, à savoir l’exemple suivant :

Thưa cô, con đã làm bài tập rồi ạ

Terme enseignante enfant déjà faire exercices particule particule

de respect d’accomplissement de révérence

→ Madame, j’ai fini les exercices.

Dans cet énoncé, pour s’inférioriser et pour marquer son respect vis-à-vis de l’enseignante, l’élève a recours à plusieurs moyens linguistiques : le terme de respect « thưa » précédant le nom qui désigne le statut de l’interlocuteur « cô », l’appellation « con » équivaut à la première personne au singulier et enfin la particule située en fin de phrase marquant la révérence « ạ ».

Partant de l’idée que l’enseignant détient le pouvoir absolu dans la classe, les élèves vietnamiens répondent quasi automatiquement par « oui » à des questions du genre « Avez-vous compris ? », « Le texte est-il difficile ? », « Je mets un peu plus fort l’enregistrement ? »… Ce « oui » est plus ou moins culturel car ce n’est pas toujours un vrai « oui », au contraire c’est peut-être un « oui » de politesse et de sympathie. Prenons comme exemple la première situation où l’enseignant demande à un apprenant « Avez-vous compris ? », bien que ce dernier n’ait pas compris, il y aura probablement trois cas suivants :

Supérieur/protecteur autorité bienveillante =

Inférieur/protégé obéissance respectueuse =▲ ▼

Interdépendance acceptée

Page 273: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

263

- soit l’élève répond par « oui ». C’est un « oui » de politesse que nous avons abordé antérieurement.

- soit l’élève reste silencieux. Ce silence signifie le verbal « je ne comprends pas ».

- soit l’élève demande l’explication du professeur après quelques petits instants de silence. Et au cas où il n’arrive toujours pas à comprendre tel ou tel point après l’explication, il termine par le « oui » de politesse et demande des explications à des amis, ceux sur qui il compte, soit à l’heure de récréation soit à tout autre moment qu’il estime plus convenable.

A noter que la réponse par « non » dans cette situation se rencontre rarement car, d’une part, elle constitue la remise en cause de la compétence de transmission du professeur, d’autre part, l’élève, en disant « non », a l’impression de perdre sa propre face. Il a peur d’être ridiculisé, non pas devant son professeur, mais plutôt devant ses amis de classe. Cela explique partiellement le fait que certains, après avoir répondu : « Non, je n’ai pas toujours compris », tendent à sourire. Le sourire, dans ce cas, sert à « réparer la confusion »29, autrement dit, à sauver la face.

Un autre comportement fréquent qui mérite notre attention est la réaction des élèves lorsque l’enseignant fait des erreurs. Mettons-nous dans la situation où l’enseignant écrit au tableau « le racaille » au lieu de « la racaille ». Suite à notre expérience d’enseignement, il y aura deux possibilités :

- soit les élèves ne le font pas remarquer tout en restant silencieux. Ce type de réaction est très répandu dans la classe de langue. Le silence ne veut pas dire que les élèves répètent automatiquement l’erreur de l’enseignant. Par contre, dans ce cas concret, ils recourent au dictionnaire pour vérifier si le professeur a donné la bonne solution.

- soit un élève lui fait savoir qu’il vient de commettre une erreur. Dans ce cas, bien que l’enseignant devienne rouge de confusion, il se trouve dans l’obligation de la reconnaître et de formuler des excuses. Il arrive aussi des cas où l’enseignant cherche à se justifier, à sauver sa face en disant : « Je ne suis pas le dictionnaire vivant ! », « Un professeur ne peut pas tout savoir » ou encore « Vous savez, un professeur peut aussi commettre des erreurs… »

29 Ce groupe verbal est la traduction littérale de l’équivalent vietnamien « chữa ngượng », ce terme

est fréquemment utilisé chez nous, dans des situations où le sujet parlant risque de perdre la face.

Page 274: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé

264

Il est à noter que ce type de réaction, surtout quand il s’agit d’erreurs plus graves, est très rare car elle risque de mettre l’enseignant dans une situation d’embarras. Ce dernier se sentirait « remis en cause » et pourrait perdre la face devant ses « enfants ».

2.3. Récapitulation

En un mot, on pourrait dire que la relation enseignant/enseigné au Vietnam reste encore une relation de type supérieur/inférieur. Ce mode relationnel, issu du modèle « communautaire » et privilégiant l’autorité et la soumission des sujets participants, entraîne des effets pervers. Il empêche l’épanouissement de l’autonomie, de la créativité et de l’imagination. Plus dangereux que tout, il suscite chez l’apprenant de la passivité et de la dépendance. Notre tâche consiste alors à trouver des stratégies efficaces afin de créer une ambiance de confiance et de stimulation intellectuelle dans la classe où l’autorité n’est plus ressentie comme une entrave au processus d’enseignement et d’apprentissage.

Page 275: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

265

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam : Analyse des productions orales et écrites réalisées par des étudiants

1. Les comportements langagiers dans les classes de langues

1.1. Absence de prise de parole

Après une dizaine d’années d’expérience dans l’enseignement/apprentissage du français langue étrangère, je peux affirmer qu’il y a une grande absence de prise de parole des apprenants dans les classes de langues au Vietnam. Bien que les manuels du Français langue étrangère proposent une approche communicative, il semble toutefois que le public vietnamien accorde plus d’importance à l’écrit. Il cherche plus à acquérir une compétence linguistique qu’une compétence de communication. La salle de classe n’est pas, par conséquent, un lieu d’échange. Cela tient à plusieurs raisons.

La première raison réside dans la peur de faire des erreurs. Etre exposé au ridicule devant les autres constitue la crainte principale de l’apprenant. Par conséquent, rares sont les étudiants volontaires pour prendre la parole. Ils tendent, pour la plupart, à ne parler que quand ils sont nommément désignés. Et si, au cours de leur exposé, retentissent des éclats de rire en raison d’une prononciation fautive ou de productions d’actes de paroles maladroits, ils n’osent plus ouvrir la bouche.

La deuxième raison non moins importante, c’est la tendance à organiser la réponse en pensée avant de la formuler. En effet, si un étudiant français peut immédiatement répondre tout en réfléchissant à la question que lui pose son professeur, un Vietnamien a tendance à s’accorder quelques instants de réflexion pour organiser la structure de la réponse. Autrement dit, il doit bien réfléchir avant de parler, ayant conscience que les paroles une fois lâchées ne se rattrapent jamais. Le temps réservé à ce processus mental est plus ou moins long et se traduit souvent

Page 276: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

266

par des hésitations ou des pauses assez longues susceptibles d’entraîner quelquefois une mauvaise interprétation de l’enseignant.

A ces deux raisons, il faut dire que la recherche de l’équilibre et de l’harmonie avec la collectivité conduit inévitablement l’apprenant à donner la priorité au « bon fonctionnement du groupe ». En effet, la norme de la classe lui apprend à ne pas interrompre l’enseignant pendant son cours afin de poser des questions.

« Interrompre le cours pour poser des questions qui, peut-être, n’intéresseront pas tout le groupe, intervenir spontanément pour donner une opinion personnelle ou ajouter quelque chose aux propos de l’enseignant serait, au contraire, considéré comme un comportement ‘inadapté’ voire ‘asocial’ » (Bouvier, 2002 : 195)

En raison de cette conception, il arrive que l’enseignant ne reçoive pas toujours la réponse quand sa question est posée à l’ensemble de la classe. En vue d’obtenir le « retour » de son interrogation, il lui arrive souvent de reformuler une deuxième, voire une troisième fois, la question et de la poser nommément à un élève. De même, si un apprenant n’a pas très bien compris un point de la leçon, d’une manière générale, il ne va pas ralentir toute la classe en interrompant l’enseignant pour lui demander de l’éclaircir. Prendre la parole dans ces cas serait considéré comme se mettre en avant, se faire remarquer. C’est pourquoi l’apprenant va choisir de demander des explications à des amis ou à l’enseignant mais en fin de cours ou après le cours. Ainsi, si l’apprenant parle peu au cours de langue, c’est parce qu’il n’a pas l’habitude de se distinguer du groupe en prenant seul la parole.

Maintenant, revenons encore une fois au propos de Bouvier ! La question qui nous fait réfléchir est la suivante : « Interrompre le cours pour poser des questions qui, peut-être n’intéresseront pas tout le groupe, intervenir spontanément pour donner une opinion personnelle et ajouter quelque chose aux propos de l’enseignant sont considérés comme étant des actes non-conformes aux normes de la classe. Mais comment peut-on le savoir ? Est-ce que cela peut se produire ? »

Nous sommes d’accord pour dire que si personne ne suit la règle, on ne sait pas que la règle existe et que si on ne suit pas la règle, la règle sera cassée. Donc, il est quelquefois nécessaire de casser la règle pour voir ce qui s’est passé. De même, pour savoir si les trois actes mentionnés dans le propos de Bouvier appartiennent à la règle du milieu scolaire vietnamien, regardons alors les réactions des enseignants lorsque leurs apprenants, malgré la conscience de l’existence des règles, les cassent sciemment.

Page 277: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

267

Il y a 6 ans, j’ai eu l’occasion d’observer, avec d’autres collègues, un cours de français animé par une étudiante stagiaire. Les élèves ont 16 ans environ, ils sont en 10e classe, c’est-à-dire en seconde en France. La leçon portait sur le passé composé. Toute la classe semblait très intéressée par le cours. Tout d’un coup, un élève au fond de la classe a posé la question : « Mademoiselle, quelle est la différence entre le passé composé et le passé simple ? ». Certains élèves éclatent de rire. L’embarras se voit très rapidement sur le visage de l’étudiante. Je m’inquiétais pour elle. Je savais bien qu’elle n’avait pas prévu ce genre de questions avant le cours. Je comptais prendre la parole à sa place pour répondre à l’élève. Mais elle a tout de suite repris son calme en disant : « J’ai deux choses à vous dire. Premièrement, je vous rappelle que la classe ne ressemble pas à un marché. Quand je parle, vous m’écoutez. Si vous avez quelque chose à dire ou à demander, vous attendez que j’aie terminé mes explications, vous levez la main pour demander la prise de parole. Vous ne parlez que si vous y êtes invités. Deuxièmement, aujourd’hui, nous travaillons sur le passé composé, il faut absolument que vous en compreniez bien le fonctionnement avant d’attaquer d’autres temps comme le passé simple ou l’imparfait. Je ne refuse pas de répondre à votre question, mais je vous expliquerai la prochaine fois, à un autre cours. Revenons maintenant au passé composé, sinon, nous ne pourrons pas terminer la leçon ».

Après le cours, nous avons beaucoup discuté sur la résolution de cette situation pédagogique. Personnellement, je suis à la fois d’accord et en désaccord avec cette façon de maîtriser la classe de l’étudiante. D’accord, parce que le fait de reporter à plus tard la réponse sur le passé simple est une solution intelligente. A mon avis, il vaux mieux reculer que de dire n’importe quoi, notamment sur ce dont on n’est pas sûr. Pas d’accord, parce que la comparaison entre la « classe » et le « marché » est une comparaison boiteuse qui revient à faire perdre la face à l’apprenant posant la question. Ensuite, dire que les élèves ne peuvent parler que s’ils y sont invités est anti-pédagogique. Cette affirmation engendre, sans le vouloir, des réflexions négatives chez les apprenants. Ces derniers perdent la confiance en eux, n’osent plus proposer ni douter et s’attachent à un jugement faux qu’une bonne classe est une classe silencieuse. Tout cela est extrêmement dangereux car il empêche l’épanouissement de l’individu, tue sa capacité de construire et de résoudre une problématique.

A ces raisons de nature plus ou moins culturelle qui entravent la prise de parole des apprenants vietnamiens, on peut ajouter d’autres raisons personnelles, à savoir par exemple la timidité, la passivité, le manque d’intérêt ou le simple refus de s’engager activement dans le processus d’apprentissage… ; ces raisons pouvant se

Page 278: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

268

combiner et se nourrir mutuellement devront être analysées au cours d’interactions authentiques.

Bref, les apprenants vietnamiens semblent éprouver beaucoup de difficultés dans la pratique de l’oral. La question se pose alors à l’enseignant : comment faire pour pouvoir créer un climat à la fois de confiance et de stimulation intellectuelle où les élèves peuvent surmonter la crainte du ridicule, la crainte de la faute, celle de l’incompétence, celle de l’ignorance et se lancent par la suite dans la joie de s’exprimer en français, avec facilité. Schiffler (1991) semble trouver une bonne réponse à cette question en parlant de la position de l’enseignant dans la classe :

« Un acte de communication spontané, déterminé par l’apprenant, est empêché lorsque l’enseignant occupe une position centrale dans le réseau de communication » (1991 : 55).

En d’autres termes, on peut dire que l’apprenant va parler davantage si l’enseignant ne constitue plus le point central où converge toute communication.

1.2. Le recours au dictionnaire

On constate que les apprenants vietnamiens n’ont pas l’habitude de traiter le texte dans une optique synthétique. Face à un texte écrit, ils commencent immédiatement à le lire ligne par ligne. A chaque fois qu’ils rencontrent un mot nouveau, ils cherchent tout de suite à en trouver le sens dans un dictionnaire. Si nous nous situons dans une perspective interdidactique, c’est-à-dire en partant de la proposition que la didactique d’une discipline influe sur celle d’une autre discipline, nous ne trouvons pas surprenante cette habitude. En fait, l’insistance à chercher un mot provient sans doute du vécu scolaire de l’élève. L’enseignement/apprentissage de la langue et de la littérature vietnamiennes ne privilégie pas l’entraînement à la synthèse et à la dissertation, par contre il accorde une importance cruciale à l’analyse des valeurs métaphoriques et fonctionnelles des mots dans le discours. L’ordre des mots constitue la base solide de la syntaxe vietnamienne. Avec une telle perception, la méconnaissance d’un mot peut perturber la compréhension de la suite du discours ou du texte. Devant un texte écrit, il est donc absolument nécessaire que le lecteur cherche à construire le sens linéairement et non globalement. Cette pratique habituelle entraîne éventuellement chez l’apprenant le recours permanent au dictionnaire lorsqu’il a sous les yeux un texte écrit en langue étrangère.

Page 279: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

269

1.3. Récapitulation

Nous venons de présenter sommairement les difficultés qu’éprouvent la plupart des apprenants vietnamiens lors de leur apprentissage d’une langue étrangère en général et du français en particulier. Ces obstacles semblent influer également leurs pratiques argumentatives traduites à travers des productions orales et écrites que nous allons analyser dans les lignes qui suivent.

2. Etude des productions des étudiants

2.1. Présentation des données

En vue d’obtenir des résultats d’analyse relativement tangibles concernant les pratiques argumentatives des apprenants vietnamiens, nous avons un corpus oral et un corpus écrit.

• Corpus oral

Nous avons enregistré un cours d’expression orale de 90 minutes. Le cours a eu lieu au département de langue et de civilisation française à l’Université nationale de Hanoï. Les sujets apprenants sont en fin de deuxième année universitaire. A ce niveau, ils ont acquis une certaine connaissance de la langue.

Sur un ensemble de 8 exposés et de 8 présentations de jeu de rôle, nous avons choisi de travailler avec 3 pour le premier exercice et 4 pour le deuxième. La raison essentielle de choix consiste en la quantité de points pertinents à analyser et en la qualité de l’enregistrement qui entraîne des difficultés dans la transcription des données.

Les étudiants ont tous une durée de 10 minutes de préparation une fois que la consigne est bien expliquée et que les modalités de travail sont clairement précisées. Parmi les 4 exposés, les deux premiers répondent à la question (1) :

(1) On dit que les médias tuent les livres. Qu’en pensez-vous ? Justifiez votre réponse.

et les deux derniers à la question (2) :

(2) Que pensez-vous de la lecture chez les Vietnamiens ?

Page 280: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

270

Ces deux questions sont inspirées des épreuves du DELF30.

Quant au jeu de rôle31, la situation de communication est la suivante :

Luc et ses deux amis, Yann et Martine, ont lu dans un quotidien local que leur groupe de rock préféré donnait exceptionnellement un concert dans leur petite ville le jeudi soir. Ils décident d'y aller mais le concert commence à 22h et se termine après minuit. Comme ils n'ont pas encore 18 ans, ils devront convaincre leurs parents de les laisser sortir la veille d'un jour de classe. Or, les parents s'opposent à la demande de leur enfant.

Père de Luc : « Pas question ! Tu es mineur. Je suis ton père et c'est moi qui décide ! Pas question que tu rentres après minuit »

Père de Yann : « Je te rappelle qu'au début de l'année scolaire, on a convenu que quand il y avait classe, tu ne te coucherais pas après 11 heures du soir »

Père de Martine : « En principe, je n'ai rien contre votre idée, mais malheureusement, je ne pourrai pas venir te chercher. Tu as oublié que la voiture était chez le garagiste »

Les étudiants sont invités à travailler par groupe de 4 : l’un joue le rôle du père et les trois autres doivent préparer des arguments pour le faire changer d’avis.

Les exposés et les présentations de jeux de rôle sont transcrits dans l’annexe (4.1).

• Corpus écrit

En ce qui concerne le corpus des textes d’élèves, nous avons choisi, sur un ensemble de productions écrites, 15 copies rédigées aussi par des étudiants en deuxième année du Département de langue et de civilisation françaises. La durée de rédaction est de 50 minutes. Ils doivent, durant ce temps, répondre au sujet suivant : « A votre avis, peut-on affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres ? »

Les copies des élèves sont retranscrites dans l’annexe (4.2).

30 Diplôme d’étude en langue française 31 Cet exercice est fabriqué par l’enseignant lui-même

Page 281: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

271

2.2. Etudes des productions orales

2.2.1. Remarques sur la pratique des jeux de rôle

La faiblesse des étudiants dans la maîtrise des stratégies discursives se manifeste particulièrement à travers les jeux de rôle. Aucun chevauchement, aucune coupure de parole, la sage succession des tours des parole les uns après les autres, telles sont les premières observations. Ces traits particuliers, bien qu’ils ne soient pas la marque de l’existence de l’argumentation, peuvent être considérés comme la marque de la manière d’argumenter. De plus, au Vietnam, ils sont des pratiques bien ancrées. Parfois, on a aussi l’impression que les apprenants n’ont pas d’arguments précis à proposer immédiatement pour engager la discussion. Pour contredire ou réfuter, ils ont recours aux articulateurs mais ceux-ci restent le plus souvent limités à « mais », « et ». Des connecteurs comme « par contre », « au contraire », « en revanche »… sont quasiment introuvables.

C’est le cas du jeu de rôle présenté ci-dessous (cf.annexe 4.1.6) :

Yann : papa il y a un concert d’un groupe de rock très célèbre le soir du jeudi / et je voudrais aller au concert / tu es d’accord ↑

Papa de Yann : mais (1) il commence à quelle heure ↑

Yann : à vingt deux heures papa

Papa de Yann : à vingt deux heures c’est trop tard

Yann : mais (2) je sors avec Luc et Martine

Martine : Monsieur nous vous promettons de rentrer le plus tôt possible

Papa de Yann : plus tôt possible / c’est à quelle heure ↑ un concert ne peut pas terminer avant minuit et vous n’avez pas encore dix-huit ans ce n’est pas possible

Yann : oui, nous ne l’avons mais (3) c’est un concert idéal

Papa de Yann : d’accord / je le sais et le cours du jour après ↑ je te rappelle qu’au début de l’année scolaire on a convenu que quand tu as la classe tu ne te coucherais pas après dix heures du soir

Yann : oui mais (4) c’est un cas exceptionnel / je te promets d’aller à l’école à l’heure

Papa de Yann : si tu rentres après minuit tu ne pourras pas te lever tôt / et les exercices est-ce que tu les as finis ↑

Yann : oui j’en ai tout fini

Page 282: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

272

Luc : mais (5) Monsieur pourquoi vous ne vous accompagnez pas avec nous et puis nous rentrons ensemble d’accord

Papa de Yann : et votre classe

Yann : papa s’il te plaît

Papa de Yann : d’accord et c’est la dernière fois

Dans ce dialogue, « mais » est apparu cinq fois et « et » trois fois. Nous allons analyser la valeur de « mais » dans chaque utilisation.

- « mais » (1) se trouve en tête de la réplique. Il a la fonction d’introduire une question. Il n’est donc pas une marque d’opposition mais plutôt celle de transition.

- « mais » (2) est suivi d’un argument ayant une orientation opposée à celle tirée de ce qui est dit antérieurement.

- « mais » (3) situé à l’intérieur de la réplique, est suivi d’une proposition servant d’argument pour justifier l’opposition de Yann à l’interdiction du père.

- « mais » (4) : l’utilisation de « oui mais » marque la concession. Tout en accordant une approbation au contenu formulé auparavant par le père, Yann continue de prier son père.

- « mais » (5) constitue un signe de transition. Luc change de stratégie en suggérant au père de les accompagner. On peut dire que « mais » sert, dans ce cas, à introduire une autre idée.

Quant à « et », il est utilisé dans ce dialogue en tant que moyen d’introduire une nouvelle idée.

A travers cette analyse, on peut voir que les étudiants vietnamiens utilisent le « mais » de façon pragmatiquement intéressante. Ce connecteur est utilisé non seulement dans le but d’établir un redressement argumentatif, d’introduire un argument Q orienté vers une conclusion non-R, donc d’opposer, mais encore d’apporter de nouveaux arguments à la proposition P (le cas de « mais-5 ») Autrement dit, « mais » permet aux apprenant d’avancer leurs idées, c’est-à-dire de faire progresser le discours. Par l’intermédiaire de ce mot, ils s’efforcent de s’exprimer en français. Dans cette perspective, « mais » constitue pour eux « un véritable et efficace signal passe-partout servant de stratégie pour s’assurer la prise de la parole et même pour acquérir le droit à la parole qu’ils maintiennent par suite comme une sorte d’opposition » (Sun Hyo-Sook, 1992 : 66).

Page 283: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

273

2.2.2. Etudes des exposés oraux

En général, malgré un certain temps de préparation, les exposés réalisés par des étudiants ne sont généralement pas satisfaisants.

Exposé no 1 : en réponse à la question 1 (cf. annexe 4.1.1)

Selon la consigne, l’apprenant est invité à prendre position et à justifier sa position.

Or, il commence par mettre son exposé en lien avec celui du locuteur précédent : « comme camarade nous a parlé de l’attitude des Français à l’égard de lecture je vais donner quelques informations sur la lecture des jeunes », ce qui nous donne l’impression qu’il traite un autre sujet. Par la suite, il produit une évaluation positive « les jeunes intéressent plus aux livres qu’il y a dix ans »32. Cette assertion est suivie d’une autre proposition « les sujets ont beaucoup changé » par l’intermédiaire de « mais ». On se demande quelle est la valeur de « mais » dans cette situation. Il semble que l’étudiant recourt à ce connecteur comme un moyen d’introduire une nouvelle idée. Les énoncés suivants servent à justifier le propos. Il importe de noter ici que tous les pourcentages sont inventés par l’étudiant lui-même : « quatre vingt huit quatre vingt huit pour cent des jeunes lisent ils lisent des livres ordinaires, quatre-vingt quatre pour cent des journaux et des magazines, soixante douze pour cent des bandes dessinées ». Il ne fait référence à aucune documentation, il s’agit simplement d’une imitation calquée sur le texte écrit auparavant étudié en classe33. Vient ensuite une conclusion évaluative « la lecture occupe toujours une place importante dans la vie des jeunes ». La suite de l’exposé, à cause de l’absence d’un organisateur, devient incohérente : « elle est influence par les medias » n’enchaîne pas bien avec la proposition précédente. L’apprenant continue à mentionner les deux autres préoccupations des jeunes qui sont respectivement « la télévision » et « l’internet » et s’apprête par la suite à donner la conclusion « les médias ne disparaissent pas la lecture ». C’est une conclusion hâtive, parce que les arguments donnés sont loin d’être suffisants pour la justifier.

En général, en écoutant cette production orale de l’apprenant, on a l’impression qu’il est hors sujet. L’absence totale des tournures de type « je suis tout à fait d’accord avec ce propos », « je ne pense pas que… », « je ne partage pas cette idée »,…trouble entièrement la compréhension. Le public apprenant ne sait plus de

32 Je prends le texte tel qu’il est 33 Chez nous, avant de passer à la phase d’expression orale, on fait travailler toujours avec un texte

écrit traitant le même thème.

Page 284: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

274

quoi il parle. Par ailleurs, l’absence des articulateurs rend l’exposé incohérent. La demande de prise de position personnelle, par conséquent, n’est pas satisfaite.

Exposé no 2 : en réponse à la question 1 (cf. annexe 4.1.2)

L’apprenant commence sa réponse par « vous trouvez que » qui sert à donner son jugement général sur le rôle de l’audio visuel et de la télévision. A propos de l’utilisation de ce marquage linguistique, Ducrot (1980) soutient que « vous trouvez que » utilisé à la place de « je trouve que » manifeste, dans une certaine mesure, l’intention communicative de l’auteur. En effet, « je trouve que » laisse entendre que son opinion se fonde à partir d’un jugement personnel porté sur sa propre expérience tandis que « vous trouvez que » suivi d’une proposition se comprend comme une constatation évidente. Du fait de cette évidence, l’auteur pourrait éviter des réfutations de la part de ceux à qui sont adressées ses paroles. Les énoncés qui suivent visent à justifier son propos.

L’apprenant poursuit son intervention par l’emploi à plusieurs reprises de « mais ». Dans « ils donnent beaucoup d’informations c’est rapide mais exhaustif », le connecteur « mais » a la valeur argumentative. Il oriente l’interlocuteur vers une conclusion argumentativement opposée à celle tirée de la première proposition « c’est rapide », car chez nous la loi de passage détermine que toute chose rapide est incomplète. (Voir Ducrot, 1993 : 233-248)

Le deuxième « mais » se trouve en tête de l’énoncé. Il sert à introduire une autre idée, pour ne pas dire une assertion en réponse à la question posée dans la consigne : « mais c’est entre le livre et les audio visuels et les technologies c’est de concurrencer mais pas de tuer ». Encore pire que l’exposé précédent, l’auteur de celui-ci ne formule aucun argument pour justifier sa prise de position. Ce qui est extrêmement curieux c’est qu’il a cité le paragraphe et la page d’un manuel dont il ne connaît pas la référence comme la preuve de l’évidence de son propos. Le recours à l’autorité ayant échoué, cet étudiant éclate de rire et fait rire aussi toute la classe. Exposé au ridicule devant tout le monde, il s’empresse de mettre fin à sa réponse par la phrase clôturante « c’est notre réponse ».

L’enregistrement nous montre que les difficultés de l’apprenant lors de sa présentation orale se traduisent à travers des moments de silence, de rire étant donné que chez nous on fait appel quelquefois au rire d’embarras.

Pour dire un mot sur la qualité de l’exposé, il est incontestable que celui-ci est entièrement décevant.

Page 285: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

275

Exposé no 3 : en réponse à la question 2 (cf. annexe 4.1.3)

La première remarque consiste à dire que cet apprenant, en commençant son exposé par « au nom de notre groupe, je vais répondre à… », a fait du progrès par rapport aux autres. Il joue bien son rôle de porte-parole du groupe.

Dans l’introduction, il donne une évaluation négative sur l’habitude de lecture chez les Vietnamiens : « aujourd’hui les Vietnamiens s’intéressent moins au livres qu’au qu’autrefois ». La mise en place de deux adverbes temporels « aujourd’hui/autrefois » apporte à l’énoncé une valeur d’insistance et d’opposition. Ensuite, il essaie de justifier son propos en analysant l’habitude de lecture des gens en fonction des tranches d’âge : les enfants, les jeunes, les femmes et les personnes âgées.

Les arguments avancés sont assez variés. Mais il est regrettable qu’ils soient présentés de manière isolée. L’absence d’organisateurs provoque l’impression que le raisonnement manque d’enchaînement et de hiérarchie entre les arguments. C’est le cas du segment suivant : « pour les enfants ce sont des bandes dessinées et des contes parce qu’il y a parce que dans les bandes dessinées et les contes ils peuvent voir dans les bandes dessinées et les contes ils peuvent voir des images des dessins pour bien comprendre ils sont ils sont ils sont faciles à lire ils ne sont pas ils ne sont pas longs les thèmes les thèmes dans les bandes dessinées sont variés comme l’histoire d’aventure les séries à héros comme par exemple [inaudible] ». Toutefois, le segment se caractérise par l’emploi des marqueurs d’exemplification tels que « comme », « comme par exemple », à savoir que le recours à « comme » est très fréquent dans les productions d’élèves.

Dans la suite de l’exposé, l’apprenant fait de nouveau appel à la stratégie d’exemplification. Le marquage linguistique d’exemple « comme » en témoigne : « Avec les médias les jeunes ont beaucoup d’activités pour loisir comme regarder la télé ou écouter la musique ou connecter à l’internet ». Cet argument amène l’interlocuteur à la conclusion « le temps consacré à la lecture a diminué » qui présente la même orientation argumentative que le propos prononcé auparavant « pour les jeunes ils lisent moins qu’il y a trente ans ».

Pourtant, en ce qui concerne la suite de l’énoncé « malgré cela [inaudible] la lecture est très positive », nous ne voyons pas clairement l’intention communicative de l’apprenant. Il aurait dû clarifier ce propos en donnant des explications.

La partie qui reste est très mal organisée. Les idées sont données de manière spontanée, pour ne pas dire qu’elles sont apparemment contradictoires. En effet, la négation totale « ils n’ont pas de temps pour lire » laisse comprendre qu’ils n’ont

Page 286: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

276

même pas de temps libre. Or l’apprenant poursuit l’énoncé par « ils consacrent le temps libre à lire ». Les deux énoncés ne s’enchaînent pas l’un avec l’autre. L’auditeur, par conséquent, doit mobiliser une collaboration maximale pour pouvoir attendre avec de la patience la fin de l’exposé qui se termine « brutalement » par « c’est tout » au lieu d’une conclusion.

Il est important de noter que chez nous, les élèves de langues ont l’habitude d’utiliser cette courte phrase en fin de leurs productions orales. Elle est très souvent accompagnée d’un sourire et/ou d’un petit moment de silence dans l’attente des questions du groupe apprenants et des remarques du professeur. Cette habitude provient sans doute de leur vécu en langue maternelle selon lequel le locuteur termine toujours son exposé par « tôi xin hết » traduit littéralement par « je demande clôture ».

2.2.3. Récapitulation

L’étude des exposés oraux des élèves nous montre que ce public a beaucoup de difficultés dans ce genre d’activité. Bien que l’enseignant ne joue pas le rôle principal dans le réseau de communication lors du cours de l’expression orale, ils n’échappent pas à l’inquiétude d’être ridiculisés, à la peur de faire des erreurs.

La plupart d’entre eux ont du mal à déterminer la situation d’argumentation, et tendent alors à tomber dans le hors-sujet. Du point de vue des arguments, ceux-ci sont souvent spontanés, superficiels et insuffisants. La pauvreté des arguments n’est pas quelque chose de surprenant parce que nos étudiants sont très passifs dans l’auto-acquisition des connaissances sociales. Ils ne sont habitués qu’à absorber toutes les informations transmises en classe, qu’à lire uniquement des documents que donne le professeur. Ils n’ont nul besoin d’aller eux-mêmes en bibliothèque chercher et lire des journaux et/ou des ouvrages liés au sujet traité en cours, sauf dans le cas où ce travail est incité par l’enseignant.

En ce qui concerne la structuration des arguments, on a quelquefois l’impression que l’exposé constitue un mélange désordonné d’arguments. Autrement dit, il apparaît que l’apprenant a du mal à définir l’orientation argumentative de son propre texte. Par ailleurs, le manque des savoirs théoriques et pratiques liés à la façon de poser un problème, de prendre une position, de donner un exemple, de faire une conclusion… semble aggraver sa difficulté. Il s’agit alors d’un paradoxe car il est indiscutable que ces connaissances linguistiques-communicationnelles sont présentées à plusieurs reprises dans les méthodes de Français langue étrangère. Elles sont introduites, analysées et révisées soit par l’étude d’articles de presse, soit

Page 287: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

277

par l’écoute de débats enregistrés ou encore par diverses activités d’entraînement. Alors pourquoi les étudiants ont-ils tant de difficultés, lorsqu’ils sont entièrement libres, face à des sujets d’expressions orales et écrites ? Cela tient à plusieurs facteurs, parmi lesquels il faut en citer un qui provient de l’enseignant.

Observons maintenant les remarques du professeur qui anime le cours d’expression orale dont quelques productions viennent d’être analysées ! A noter que ces remarques portent sur l’exposé numéro 3 :

D’abord vous avez des problèmes de prononciation, par exemple « quatrième », « dessiné », « long », « club ».

Puis on dit « attiré par », l’adjectif au pluriel « sociaux », pas « socials », on ne dit pas « pas de temps de lire » mais « pas de temps pour lire », « pour commenter » pas « pour commentaire », « commentaire » c’est le nom, « donner des commentaires », « commenter des poèmes ».

Il est bien clair, à la lecture de ces observations, que le professeur accorde une très grande importance à la correction des fautes de prononciation et de celles au niveau de langue. Il ne formule aucune remarque liée à la qualité et à la quantité de l’argumentation, à son agencement, à sa structuration dans le texte,… Bref, il se passe de tout ce qui est du niveau textuel. Une question me survient dans la tête : devant une telle indifférence du professeur vis-à-vis de la compétence discursive, est-ce que l’apprenant reconnaît la nécessité et l’intérêt de travailler l’argumentation ? Il est donc urgent de faire changer la vision didactique du corps enseignant. Celui-ci doit être le premier à percevoir l’indispensabilité des savoirs et des savoir-faire argumentatifs.

2.3. Etude des productions écrites

L’activité de rédaction qui est traditionnellement considérée comme « une activité complexe faisant intervenir trois grands types de processus : le processus de planification (qui consiste à récupérer des idées en mémoire, les sélectionner et les évaluer, et enfin les organiser en fonction des contraintes de l’activité : consignes, but, type de texte et destinataire,…), le processus de traduction (qui consiste à formuler le matériel conceptuel issu de la planification sous une forme linguistique), et enfin le processus de révision (qui permet d’évaluer l’adéquation entre le texte effectivement écrit et les buts élaborés lors de la planification) » (Golder, Favard, 2006 : 190), pose énormément de problèmes aux élèves.

Page 288: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

278

2.3.1. Analyse des productions écrite des élèves

En effet, à la première lecture des copies des élèves, nous faisons la remarque suivante : presque toutes ces productions sont très élémentaires. Ce caractère résulte probablement d’une compétence linguistique limitée. Pourtant, cette explication n’est pas satisfaisante car en fin de deuxième année, les apprenants ont déjà acquis une certaine connaissance de la langue largement suffisante pour rédiger un texte. Par ailleurs, ce trait négatif existe toujours, même dans des copies d’élèves de niveau plus avancé.

Du point de vue argumentatif, l’analyse des copies d’élèves nous permet d’affirmer que ces rédactions sont loin d’être à la hauteur d’un texte argumentatif. Nous pouvons classer les problèmes existants dans ces textes en fonction des rubriques différentes qui sont respectivement la thèse, les arguments, les modes de raisonnements, les relations logiques et les indices de subjectivité.

• La thèse : Sur un ensemble de 15 productions écrites, seulement la moitié a réussi à montrer l’idée défendue. Pour la moitié qui reste, soit on remarque une absence totale de thèse soutenue, soit on a du mal à déterminer ce que veut démontrer l’auteur dans son texte. C’est le cas des exemples ci-dessous :

Nous sommes en train de vivre au XXIe siècle où beaucoup de spécialistes estiment que c’est l’ère du développement scientifique. L’explosion d’information ne cesse pas de se passer chaque jour. La vie de l’homme change beaucoup. Elle devient plus occupée. Et de nos jours, dans cette révolution, il y a une chose qui change complètement de notre ère : c’est l’internet.

(copie 1, Dang Thai Son)

Jusqu’à maintenant, les conditions de vie ne cesse pas de s’élever. Depuis longtemps, l’homme se sert d’Internet comme un outil de communication avec tout le monde. Cette utilisation n’est plus limitée dans un pays.

(copie 5, Le Thi Thanh)

Il est clair que dans le premier exemple, on ne voit pas le lien direct entre ce qu’écrit l’élève et la problématique de la consigne : « Peut-on affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres ? ». Ici, l’élève se contente de tourner autour du pot sans aller jusqu’au bout du problème. De même, dans le second exemple, l’auteur parle d’internet comme outil de communication sans expliciter son point de vue.

Page 289: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

279

• Les arguments :

- On remarque l’apparition de digressions et de redondances dans la présentation des arguments.

Ainsi en témoigne l’exemple suivant :

Sur l’Internet, il y a d’informations utiles. C’est le lieu où peut chercher des informations nécessaires, se parler ou s’échanger, on peut aussi se faire aux étrangers surtout on peut lire des informations de tous les domaines dans le monde entier.

(copie 6, Nguyen Thi Tham)

Pour parler de la qualité des informations sur l’Internet, étudiant a fait beaucoup de répétitions : « informations utiles », « informations nécessaires », « informations de tous les domaines dans le monde entier ».

De même, dans l’extrait ci-dessous :

Mais, l’internet a son revers aussi. Si il a de bonnes utilisations, il peut en avoir de mauvais. Sur internet, il y a beaucoup d’informations qui peuvent avoir des sources innets. On ne peut pas savoir que soient bonnes ou pas bonnes. On doit choisir des informations qui sont exactes. Sur l’internet, on peut trouver trop de webs noirs dans lesquelles les informations sont souvent mauvaises. Mais, les ménages de l’internet ne peuvent pas contrôler totalement des webs noirs.

(copie 13, Tran Minh Ly)

La seconde phrase n’est qu’une variante de la première. Cependant, pour l’apprenant, c’est une manière d’éclaircir son argument.

Les digressions et les redondances, sans nul doute, suscitent chez l’enseignant, notamment l’enseignant français, la perplexité. Ce dernier se sent quelquefois perdu, ne sachant plus si l’apprenant veut donner un effet stylistique, surtout quand celui-ci emploie systématiquement la répétition, alors que l’enseignant vietnamien en comprend plus ou moins la cause : cette technique provient du style vietnamien, qui est résumé dans la locution « vòng vo tam quốc » (tourner autour du pot). L’étudiant semble l’utiliser comme un procédé d’insistance sur les arguments, qui sont présentés à plusieurs reprises avec de légères variations.

- Les idées avancées sont quelquefois argumentativement contradictoires :

Il est regrettable de lire des copies dans lesquelles des arguments sont donnés d’une manière disparate. On a l’impression que l’apprenant propose des idées n’ayant pas la même orientation argumentative, pour ne pas dire qu’elles sont

Page 290: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

280

parfois tout à fait contradictoires. C’est le cas de la rédaction 4 de Le Thi Huong. Dans l’introduction, l’élève explicite son point de vue :

On peut affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres.

Mais il continue immédiatement par la citation de nombreux arguments ne servant pas du tout à justifier cette idée :

Si on utilise l’Internet, on a des difficultés. D’abord, pour pouvoir bien utiliser Internet, il faut avoir un ordinateur ou des autres moyens-médias modernes comme le téléphone portable. Mais ils sont assez cher. D’ailleurs Internet n’est pas populaire aux campagnes, aux montagnes et aux régions perdues où l’onde est faible et le niveau de connaissance générale des habitants est bas. De hors, on est peut-être plus gai de recevoir une lettre qu’un message…

Les avantages de l’Internet ne sont abordés qu’après ce paragraphe. Pourtant, les arguments semblent opposés à ceux précédemment avancés :

[…] l’utilisation d’Internet est moins cher que l’utilisation du téléphone. Il faut payer environ 2000 dongs pour téléphoner pendant une minute mais grâce à 2000 dongs on peut utiliser l’Internet pendant 1-2 heures. Actuellement, c’est très difficile de trouver un moyen de communication qui est plus moins cher, plus moderne et plus favorable qu’Internet.Dans le monde, Internet est de plus en plus populaire

« pour pouvoir bien utiliser Internet, il faut avoir un ordinateur ou des autres moyens-médias modernes comme le téléphone portable. Mais ils sont assez cher » vs « l’utilisation d’Internet est moins cher que l’utilisation du téléphone », « c’est très difficile de trouver un moyen de communication qui est plus moins cher, plus moderne et plus favorable qu’Internet.

« Internet n’est pas populaire aux campagnes, aux montagnes et aux régions perdues » vs « Internet est de plus en plus populaire ».

- Les arguments sont présentés d’une manière inorganisée :

Il nous arrive aussi de trouver des textes où l’argument se situe dans la conclusion, juste après la reformulation de la thèse. Il s’agit là d’un gros problème d’organisation.

C’est le cas de la conclusion suivante :

En résumé, Internet est un moyen de communication qui favorise avec les autres. Grâce à l’internet, on comprend et connaît de plus en plus.

(copie 6, Nguyen Thi Tham)

Page 291: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

281

- La non prise en compte des contre-arguments

On peut facilement remarquer, dans les rédactions d’élèves, l’absence des expressions telles que « certes…. mais…. », « certains pensent que…. mais…. », « on pourrait m’objecter que…. mais…. ». Autrement dit, la concession, une stratégie d’argumentation qui consiste à montrer qu’on accepte un aspect d’une thèse adverse pour anticiper une éventuelle objection n’est pas utilisée. La concession n’étant pas prise en compte, la réfutation qui, selon nous, pose énormément de problèmes aux élèves vietnamiens, est passée sous silence.

• Les modes de raisonnement :

L’analyse des copies d’élèves, notamment des copies que nous estimons à peine acceptables, nous permet de constater que le seul mode de raisonnement utilisé par les élèves est le raisonnement inductif. Ils emploient souvent les arguments de conséquences positives pour justifier leur prise de position :

D’abord, l’Internet est moins cher. Quand on se bavarde dans son pays ou à l’étranger, le prix de l’utilisation d’Internet ne change pas. Il est différent du téléphone. Quand on téléphone à quelqu’un à l’étranger, le prix est très cher.

D’autant plus, Internet est très rapide. On peut envoyer et recevoir un mail en quelques minutes tandis qu’une lettre a besoin de 5 ou 6 jours. Enfin, Internet est un moyen de communication très confortable. On peut entrer sur Internet n’importe où.

(copie 8, Le Thi Van Anh)

Les autres modes de raisonnements comme le raisonnement par analogie, le raisonnement concessif… sont quasiment introuvables dans ces textes écrits.

• Problèmes liés à l’emploi des organisateurs textuels :

Par rapport à l’oral, à l’écrit, les élèves utilisent plus les organisateurs textuels pour articuler les parties du texte et pour mettre en ordre les arguments. Les organisateurs les plus fréquemment utilisés dans les copies d’élèves sont « mais », « et », « de plus », « en outre »… Quelques étudiants font intervenir des articulateurs pour marquer correctement l’enchaînement et la hiérarchie entre les différents arguments :

Premièrement, Internet a un rôle comme la lettre, c’est facile de taper une lettre électronique et de l’envoyer. […] Deuxièmement, Internet a un rôle comme le téléphone et le téléphone portable. […] Enfin, Internet a un rôle comme la caméra. En prenant le webcam, il est possible de regarder les

Page 292: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

282

personnes qui échangent des nouvelles.

(copie 4,Le Thi Huong)

ou pour conclure :

En un mot, Internet est un moyen de communication très confortable.

(copie 10, Phuong Thao)

Pourtant, certains éprouvent des difficultés dans la maîtrise de ces moyens linguistiques :

* Dehors, la communication sur internet est la cause de beaucoup d’autres phénomènes sociaux.

(copie 11, Phung Bich Huong)

* D’autant plus, Internet est très rapide. On peut envoyer et recevoir un mail en quelques minutes tandis qu’une lettre a besoin de 5 ou 6 jours.

(copie 8, Nguyen Van Anh)

Du point de vue argumentatif, on constate que les élèves éprouvent des difficultés en utilisant les connecteurs « mais » et « d’ailleurs ». Examinons comme exemples les extraits suivants :

En conclusion, il y a encore beaucoup d’avantage d’Internet qu’on ne découvre pas encore. Plus la société développe, plus les moyens d’informations publiques perfectionnent. Mais à mon avis, l’Internet joue encore un rôle très important dans la vie quotidienne.

(copie 1, Dang Thai Son)

Si on utilise l’Internet, on a des difficultés. D’abord, pour pouvoir bien utiliser Internet, il faut avoir un ordinateur ou des autres moyens-médias modernes comme le téléphone portable. Mais ils sont assez cher. D’ailleurs Internet n’est pas populaire aux campagnes, aux montagnes et aux régions perdues où l’onde est faible et le niveau de connaissance générale des habitants est bas.

(copie 4, Le Thi Huong)

On se demande quelles sont les valeurs des connecteurs « mais » et « d’ailleurs » dans ces deux paragraphes. Il semble que les élèves se contentent de les utiliser en tant que mots de liaison servant à introduire de nouvelles idées. Le « mais » dans le premier exemple n’a aucune valeur argumentative. On ne sait même pas pourquoi il se trouve dans la phrase. Dans le second paragraphe, le « d’ailleurs » n’a pas du tout la fonction d’introduire une parenthèse argumentative. Il vaut mieux le remplacer par « par ailleurs » ou « de plus ».

Page 293: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

283

• Les indices de la subjectivité

L’utilisation des indices révélant les sentiments, les valeurs ou l’opinion de l’élève reste encore pauvre. On a l’impression que les élèves n’ont pas l’intention de chercher à susciter les mêmes émotions ou sentiments chez celui qui lit leur texte, ni à lui faire admettre leur point de vue. L’emploi des modalisateurs, c’est-à-dire des mots ou expressions visant à signaler le degré de certitude de celui qui s’exprime par rapport aux idées qu’il formule, tels que « probablement, incontestablement, il est certain que, il se peut que, … » ne se limite qu’à l’emploi de certains verbes d’opinion comme « affirmer, penser, croire… » :

Mais on peut affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres.

(copie 4, Le Thi Huong)

je pense qu’internet est la communication la plus favorable, rapide dans nos jours.

(copie 12,Phuong Dung)

2.3.2. Récapitulation

Pour conclure, on peut dire que les copies des étudiants, sans parler des difficultés au niveau de la langue, présentent énormément de problèmes du point de vue argumentatif.

En fait, produire un discours argumentatif n’est pas une tâche simple car elle fait intervenir des opérations linguistiques et cognitives. On ne rédige pas un texte argumentatif pour soi-même, ce travail se fait toujours par rapport à un destinataire. Il demande donc aux élèves de prendre en compte d’éventuels contre-arguments que le destinataire pourrait opposer. Or, leurs rédactions montrent qu’ils n’y font pas beaucoup attention. Les arguments, quant à eux, ne sont pas développés. Les marques de restriction, de spécification, de modulation permettant de relativiser leur point de vue ne sont guère employées. Selon notre expérience, même si l’on demande aux élèves de rédiger un texte à partir d’un ensemble d’arguments proposés, ils ne parviennent pas à articuler des arguments opposés. Leur seule préoccupation, c’est de développer la position défendue, et ils oublient totalement la position opposée. Tout cela tient à plusieurs raisons :

D’abord, jusqu’à maintenant, il n’existe aucun ouvrage théorique sur les procédures argumentatives en vietnamien. S’il y a un document portant sur l’argumentation, c’est plutôt une traduction à partir d’une version étrangère.

Page 294: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam

284

A cette raison, il faut ajouter qu’au Vietnam, aucun cours d’argumentation, pratique ou théorique, n’est dispensé en liaison avec l’enseignement du français, au niveau du lycée. Lors du concours d’entrée à l’université, les futurs étudiants ne sont testés que sur la compréhension écrite et sur des connaissances de grammaire et de vocabulaire. Ce mode d’évaluation, sans aucun doute, ne favorise pas du tout le développement de la compétence discursive des apprenants.

Une autre raison non moins importante, c’est le vécu scolaire de l’apprenant. En effet, au Vietnam, on n’accorde pas d’importance à l’enseignement de l’argumentation à travers des dissertations. Le type d’exercice le plus répandu, c’est « l’expression des sentiments ». Il s’agit pour l’apprenant de lire un texte littéraire, soit un poème soit un récit, et d’ajouter des impressions à la lecture. Des consignes de type « Exposez vos impressions à propos de l’ouvrage littéraire ‘Tắt đèn’ (Éteindre la lumière) de l’écrivain Ngo Tat To » ou « Analysez l’image du personnage Chi Pheo dans l’ouvrage ‘Làng Vũ Đại ngày ấy’ (Le village Vu Dai d’autrefois) de l’écrivain Nam Cao » ne sont pas étrangères aux élèves vietnamiens. Bien sûr, on ne nie pas le fait que dans ce genre d’exercice, l’apprenant doit « exposer ses impressions », donc dans une certaine mesure, il a à argumenter. Ce sur quoi nous voudrions insister ici, c’est que dans l’enseignement/apprentissage de la langue et de la littérature vietnamiennes, on met l’accent sur l’analyse du choix judicieux des mots, des expressions et on néglige totalement celui de l’organisation du discours dans sa globalité. Cette routine, comme nous l’avons dit plus haut, rend l’apprenant habitué à construire le sens linéairement et non globalement.

Ainsi, face à un sujet, peu importe que ce soit en langue maternelle ou en langue étrangère, il se met immédiatement à rédiger la composition sans penser à établir un plan. Même s’il le fait à cause de l’insistance de l’enseignant, au cours de la rédaction, il s’intéresse moins à une structure explicitement logique, par contre, il respecte l’ordre des impressions spontanées. En d’autres termes, l’apprenant rédige son texte avec la pleine liberté d’expression sans passer par aucune disposition préétablie. Il s’intéresse plus, en cours de production, à « quoi dire ? » et « quoi dire ensuite ? » qu’à « comment le dire ? ». Le texte écrit est donc structuré comme une liste d’idées. Ce souci est compréhensible, car les apprenants sont certainement incapables d’activer des arguments qui ne sont pas disponibles dans leur mémoire, ni de se représenter la multitude des points de vue possibles, d’autant plus que le sujet à débattre leur est étranger et leur paraît souvent inintéressant.

Dans cette perspective, même si les étudiants bénéficient, au niveau universitaire, d’une formation complète de la théorie de l’argumentation, ils sont inévitablement désorientés en travaillant avec les stratégies argumentatives en

Page 295: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

285

langue cible, donc en français, car ils n’ont aucune référence dans leur langue maternelle.

Page 296: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

286

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

Avec l’ambition de proposer une didactique de l’argumentation appropriée aux classes de Français langue étrangère (FLE) au Vietnam, nous essayons dans cette partie d’analyser une dizaine de méthodes de FLE.

Différent des approches traditionnelles, l'enseignement/apprentissage du français langue étrangère selon l'approche communicative met l'accent sur la capacité d'adaptation des élèves à des situations de communication. Cela suppose qu'ils doivent être capables d'affirmer nettement leur point de vue, de signifier leur volonté, d'organiser une argumentation pour convaincre leur interlocuteur, de faire un plan pour structurer ce qu'ils disent, de résumer l'essentiel de leur pensée, d'introduire ou de conclure leur discours, de défendre des opinions, d'énoncer des propositions, de formuler des hypothèses,...etc.

Dans le cadre de ce travail, nous allons essayer dans un premier temps de voir quelles sont les approches adoptées par les auteurs des manuels de Français langue étrangère autour de la question du discours argumentatif. Dans un deuxième temps, nous allons faire une analyse plus détaillée de la méthode Rond-Point, qui, d’après nous, est une bonne méthode sur le plan de l’enseignement de l’argumentation.

1. Les manuels pris en compte

Nous allons étudier 10 méthodes de Français dont le public est constitué de grands adolescents et d’adultes. Certaines de ces méthodes ont été ou sont utilisées dans les filières francophones universitaires au Vietnam et dans le département de langue et de civilisation françaises à Hanoï, à citer par exemple Panorama, Le Nouvel Espace, Café Crème ; les autres méthodes sont accessibles dans les bibliothèques universitaires au Vietnam. Elles s’utilisent comme support complémentaire, c’est-à-dire, les enseignants, si besoin est, sont autorisés à emprunter des exercices de compréhension ou d’expression proposés dans ces

Page 297: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

287

méthodes et les emploient dans la classe de FLE comme documents supplémentaires.

Pour les étudiants des filières francophones universitaires, avec 10h de cours de français par semaine et durant les deux premières années universitaires (40 semaines par année universitaire, soit 80 semaines pour deux années), ils arrivent, après la première année, à finir le niveau 1, niveau débutant ou faux débutant (à savoir un public qui ne connaît pas du tout ou très peu la langue cible), et après la deuxième année, le niveau 2, niveau intermédiaire concernant des apprenants qui peuvent lire, écrire et s’exprimer dans un français modeste qui équivaut à une centaine d’heures d’apprentissage de la langue. A partir de la troisième année jusqu’à la dernière année universitaire, avec un nombre limité de cours (4h de cours par semaine) les étudiants travaillent toujours avec la même méthode de niveau 3, niveau avancé.

Les étudiants de langues, outre de nombreuses heures de cours de pratique de langue, en dehors de la méthode de FLE utilisée comme manuel de base en classe, travaillent aussi avec des documents complémentaires. C’est pourquoi, après les deux premières années, ils terminent aussi le niveau intermédiaire. Pourtant, différant des étudiants dans les filières francophones universitaires, à partir de la troisième année, ceux de l’école de langue travaillent avec une autre méthode élaborée par les professeurs eux-mêmes. Les activités sont classées en fonction de quatre compétences : compréhension écrite et orale, expression écrite et orale. Les enseignants n’adoptent plus un manuel concret, en réalité ils l’adaptent et le transgressent, c’est-à-dire qu’ils suivent par exemple les thèmes proposés par les manuels mais utilisent des documents tirés soit d’Internet, soit des journaux français au lieu de travailler avec des textes trop anciens du manuel ou dont le thème est étranger aux apprenants.

Au cours de notre analyse des manuels, nous nous intéressons particulièrement aux niveaux 2 et 3 (intermédiaire et avancé), étant donné que dans le cadre du niveau 1, le discours argumentatif n'est pas encore mis en place. Ce niveau couvre 100 à 120 heures d’enseignement/apprentissage de français langue étrangère. Il fournit aux étudiants des connaissances linguistiques de base (prendre contact, faire connaissance, demander des renseignements, prendre des rendez-vous, rapporter des événements…) qui leur permettent d’entrer dans des situations de communications simples. A ce niveau, l’accent est aussi mis sur la compréhension et l’expression orales, il s’agit donc de faire de la classe un espace de communication. Au niveau intermédiaire, les apprenants font connaissance avec l’argumentation. Ils ont à travailler avec des textes écrits et oraux de nature plus ou moins

Page 298: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

288

argumentative, c’est-à-dire des textes courts où la structure argumentative (la construction du texte, les arguments) est simple, il n’y a pas de contre-argumentation, de réfutation, de concession. Bref, ce sont des textes qui ne sont pas trop difficiles à comprendre du point de vue argumentatif. Au fur et à mesure, ils étudient l’organisation du discours, le fonctionnement des connecteurs logiques dans le discours. Ils passent des jeux de rôle lors desquels ils doivent exprimer leur point de vue sur un problème de la vie de tous les jours aux débats dans lesquels ils sont invités à prendre position sur des problèmes de société et à justifier cette position.

Est-ce que toutes les tâches déterminées par les auteurs des manuels de FLE sont bien remplies par nos étudiants vietnamiens ? Avant de chercher à répondre à cette question, nous voudrions faire, sous forme de tableau, une présentation globale des méthodes que nous avons consultées.

Page 299: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

289

Tableau 1 : Liste des manuels FLE consultés

Méthodes FLE consultées Niveau Edition Année de publication

Niveau 1 (déb.) Didier 1994 1. Cadences

Niveau 2 (int.) Didier 1995

Niveau 1 (déb.) Hachette 1995

Niveau 2 (int.) Hachette 1995 2. Le Nouvel Espace

Niveau 3 (av.) Hachette 1996

Niveau 1 (déb.) Didier 1995

Niveau 2 (int.) Didier 1996 3. Libre Echanges

Niveau 3 (av.) Didier 1997

Niveau 1 (déb.) Hachette 1997

Niveau 2 (int.) Hachette 1997

Niveau 3 (av.) Hachette 1998 4. Café Crème

Niveau 4 (per.) Hachette 1999

Niveau 1 (déb.) Clé International 1996

Niveau 2 (int.) Clé International 1997

Niveau 3 (av.) Clé International 1998 5. Panorama

Niveau 4 (per.) Clé International 2000

Niveau 1 (déb.) Didier 1996 6. Tempo

Niveau 2 (int.) Didier 1997

Niveau 1 (déb.) Clé International 2001 7. Escales

Niveau 2 (int.) Clé International 2001

Niveau 1 (déb.) Clé International 2002

Niveau 2 (int.) Clé International 2002

Niveau 3 (av.) Clé International 2003 8. Campus

Niveau 4 (per.) Clé International 2005

Niveau 1 (déb.) Didier 2004

Niveau 2 (int.) Didier 2004 9. Connexions

Niveau 3 (av.) Didier 2005

Niveau 2 Diffusion, PUG 2004 10. Rond-Point

Niveau 3 Diffusion, PUG 2004

11. Edito 1 niveau (per.) Didier 2006

12. Alter Ego Niveau 4 (B2) Hachette 2007

13. Alors Niveau 3 (B1) Didier 2008

Page 300: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

290

• (déb.) : niveau débutant

• (int.) : niveau intermédiaire

• (av.) : niveau avancé

• (per.) : niveau perfectionné

Au cours de la consultation des méthodes, nous avons rencontré quelques difficultés concernant la disponibilité des manuels, la méthode Panorama (niveau 3 et 4) est quasiment introuvable à la bibliothèque universitaire de l’Université Lyon 2. D’ailleurs, il nous arrive que nous ayons seulement en main le livre du professeur alors que nous avons bien besoin de celui de l’étudiant ou vice versa. C’est le cas de Connexions (niveau 3), Campus (niveau 2 et 3), Alors (niveau 3) et Alter Ego (niveau 4). L’absence fréquente de certains manuels à la bibliothèque universitaire de l’Université Lyon 2 a rendu notre analyse difficile. En vue d’apporter une vision correcte sur l’exploitation de l’argumentation dans les manuels du FLE, nous sommes donc obligés soit d’en demander l’emprunt auprès des professeurs-didacticiens au laboratoire soit d’aller chercher ces manuels dans d’autres bibliothèques, parmi lesquelles celle de l’Institut Français de Leipzig.

2. L’argumentation dans les manuels de FLE

Nous avons essayé d’établir un tableau récapitulatif pour montrer à quelle étape les auteurs des manuels de FLE introduisent la notion d’argumentation, quels sont les savoir-faire que, d’après eux, les apprenants doivent acquérir.

Page 301: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

291

Tableau 2 : Les savoir-faire à acquérir dans les séquences d’apprentissage de l’argumentation

Savoir-faire à acquérir

Méthodes

Unité dans laquelle est traitée la notion d’argumentation

Comprendre un texte argumenté

Rédiger un texte argumenté

Savoir argumenter à l’oral

Débattre de problème de société

Cadence 2 (3 dossiers, 4 séquences par dossier)

Dossier 3-séquence 4 +

Unité 10 + Le Nouvel Espaces 2 (12 unités) Unité 11 +

Le Nouvel Espaces 3 (15 unités)

Unité 3 +

Libre échange 2 (9 unités)

Unité 9 +

Dossier 1 + + +

Dossier 2 + + +

Dossier 3 + + + +

Libre échange 3 (3 dossiers + dossier complémentaire)

Dossier compl. + + + +

Café crème 2 (16 unités)

Unité 5-6-7-8 + +

Unité 13 + +

Unité 14 + + + +

Café crème 3 (16 unités)

Unité 15 + +

Unité 2 + +

Unité 3 + + +

Unité 7 +

Unité 8 + +

Unité 12 + +

Unité 14 +

Café crème 4 (15 unités)

Unité 15 +

Panorama 2 (6 unités-18 leçons)

Unité 6 -leçon 18 +

Unité 7 + + Tempo 2 (9 unités) Unité 9 +

Escale 2 Unité 14

Page 302: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

292

(18 unités)

Campus 2 (4 modules-12 unités)

+

Unité 2 + +

Unité 3 + + +

Unité 9 + + +

Campus 4 (10 unités)

Unité 10 + + +

Connexions 2 (4 modules-12 unités)

Module 4 (unité 10-11-12) + +

Connexions 3 (5 modules-10 unités)

Module 4 -5 + + +

Rond-Point 2 (9 unités)

Unité 6 + + + +

Unité 7 + Rond-Point 3 (10 unités) Unité 8 +

Unité 1 + + +

Unité 7 +

Unité 8 + +

Unité 9 +

Edito (10 unités)

Unité 10 +

Dossier 2 +

Dossier 3 +

Dossier 4 + +

Dossier 5 +

Dossier 7 +

Dossier 8 +

Alter Ego (9 dossiers)

Dossier 9 +

Unité 3 +

Unité 6 +

Unité 8 +

Alors ? (9 unités)

Unité 9 + +

La lecture de ce tableau nous permet de faire les quelques remarques suivantes :

• La notion d’argumentation est introduite dans les manuels de FLE à partir du niveau 2 (niveau intermédiaire) et souvent dans les derniers dossiers ou

Page 303: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

293

les dernières unités des manuels de ce niveau, c’est-à-dire au moment où l’apprenant a déjà acquis une certaine connaissance de la langue.

• Les quatre savoir-faire que nous citons dans ce tableau sont reformulés de différentes façons en fonction des manuels :

- Comprendre un texte argumenté correspond, par exemple, à la capacité de comprendre l’articulation d’un texte (« Connexion 2 »), de repérer des stratégies d’argumentation (« Le Nouvel Espaces 3 »), de comprendre l’organisation textuelle d’un texte argumentatif (« Café Crème 4 »).

- Rédiger un texte argumenté est compris comme la capacité de présenter une argumentation à l’écrit (« Escales 2 »), de rédiger un texte articulé (« Connexions 2 »), de rédiger pour convaincre (« Café Crème 4 ») ou d’écrire une lettre à un magazine pour défendre son point de vue (« Edito »).

- Savoir argumenter à l’oral consiste à préparer des arguments pour étayer son opinion (« Café Crème 3 »), structurer son discours (« Connexions 3 »), donner des arguments pour convaincre (« Café Crème 4 »).

- Débattre c’est-à-dire que l’apprenant doit être capable de nuancer sa pensée dans un débat et de prendre la parole (« Libre Echange 2 »), de concéder pour mieux s’affirmer dans un débat (« Café Crème 4 »), et de façon plus générale, de savoir participer à une discussion argumentée, à un débat portant sur un problème de société (« Libre Echange 3 » , « Café Crème 4 », « Campus 4 », « Edito », « Alter Ego » et « Alors »)

• L’argumentation est exploitée dans les manuels de FLE selon le principe qui va du facile au difficile, du simple au complexe. Cette progression concerne non seulement le niveau de la langue mais aussi le thème traité, le genre des documents écrits et oraux et le type des tâches recommandées. Au début, on tend à introduire des textes courts et simples, écrits dans un français simple, facile à comprendre. Plus tard, l’apprenant doit travailler avec des articles de presse : éditoriaux, reportages… longs et complexes et au niveau linguistique et au niveau discursif. Sur le plan de l’expression orale, il passe des jeux de rôle, où il s’agit d’exprimer son point de vue sur un problème de la vie quotidienne et de le justifier, aux débats lors desquels il doit prendre position sur un problème de société et

Page 304: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

294

l’argumenter. Selon notre expérience, malgré cette progression apparemment très raisonnable, nos apprenants vietnamiens éprouvent toujours des difficultés, même au niveau élémentaire. Ces difficultés résultent de diverses raisons : barrières linguistiques, vécu scolaire,… Nous en parlerons plus en détails dans une autre partie.

• Les mots du discours, nécessaires pour argumenter, mais difficiles à comprendre pour les apprenants, sont étudiés tout au long du manuel, depuis le niveau débutant jusqu’au niveau perfectionné. Nous citons comme exemples quelques connecteurs qui, par leur sens, sont de signification argumentative comme « mais » « d’ailleurs », « justement » et des articulateurs qui ne sont pas en eux-mêmes argumentatifs mais peuvent être insérés dans un discours argumentatif comme « et », « même », « quand même », « d’une part…d’autre part », « par contre »,…

3. Comment l’argumentation est-elle enseignée ?

Dans cette partie, nous allons parler de différentes approches de l’argumentation dans ces manuels de FLE. Il est évident que les manuels proposent tous une variété d’activités différentes les unes des autres, mais en général ils partagent tous les démarches suivantes :

- approche des contenus argumentatifs

- approche de l’organisation du discours

- approche des techniques argumentatives

- approche des connecteurs argumentatifs

A noter que ces 4 approches correspondent aux principales rubriques sous lesquelles est traité le thème de l’argumentation. Mais, en fait, on doit distinguer entre les deux grandes approches suivantes :

• Approche des contenus argumentatifs :

Les contenus argumentatifs sont compris comme l’ensemble des informations préalables à la discussion. Elles fournissent des matériaux indispensables aux apprenants pour pouvoir argumenter un sujet. Elles peuvent provenir des dossiers fournis par les professeurs ou des recherches personnelles des élèves.

Page 305: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

295

• Les 3 autres intitulés correspondent au travail sur l’argumentation proprement dit.

On peut les appeler respectivement :

- L’organisation générale du discours argumentatif,

- Les techniques argumentatives, par exemple la concession, les types d’arguments,

- La langue de l’argumentation qui se compose du lexique de l’argumentation, des connecteurs, …etc.

3.1. Approche des contenus argumentatifs

L’analyse des méthodes de FLE montre que chaque unité commence par l’introduction d’un texte de compréhension écrite ou d’un enregistrement sonore qui sert à sensibiliser les apprenants au thème de l'unité. Ces documents jouent quelquefois le rôle d’amorce, c’est-à-dire qu’ils permettent le développement de diverses activités langagières.

Cette démarche n’est pas surprenante du tout pour l’unité dans laquelle on fixe comme objectif l’apprentissage de l’argumentation, car pour pouvoir argumenter il faut éventuellement bien connaître le sujet. C’est pourquoi, après la phase de compréhension globale, les apprenants ont souvent à faire un exercice de repérage des arguments pour et des arguments contre. Citons par exemple une activité de Café crème 2 :

Consigne : Repérez dans le texte les arguments (cf.annexe 5.1.3)

- du Parisien qui quitte la ville

- du Parisien qui retourne vivre à Paris.

► Corrigé :

Le Parisien déménage en province parce que la vie y est plus douce, plus facile, les

embouteillages sont rares, les gens sont souriants. Le travail est moins stressant, la

qualité de vie est meilleure.

Le Parisien retourne vivre en ville parce qu’il s’ennuie. Ses amis de la capitale

viennent trop rarement sur place, il ne s’est pas fait un seul vrai ami, la qualité de la

relation n’est pas satisfaisante.

(Café crème 2, guide pédagogique, unité 5, rubrique Découverte)

Page 306: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

296

Ce type d’exercice vise à entraîner les élèves à la distinction entre deux faits d’orientations opposées, autrement dit entre le pour et le contre : dans cet exercice, il s’agit de repérer les bonnes raisons de quitter Paris ou d’y revenir. Pourtant, on peut se demander sur quel critère ils se basent pour faire cet exercice. Observons alors la réponse à la première question. Les idées comme « la vie douce », « le travail moins stressant », « les embouteillages rares » sont argumentativement co-orientées, autrement dit elles ont la même orientation argumentative positive.

Cette démarche s’applique aussi à un document de compréhension orale. On demande par exemple aux apprenants de répondre à des questions de compréhension après l’écoute de l’enregistrement. La consigne n’est pas explicite comme celle de l’exercice cité ci-dessus, mais elle leur demande également de bien distinguer, en écoutant, les arguments pour et les arguments contre. C’est le cas d’un exercice dans Café crème 3. Il s’agit d’un dialogue entre un animateur de football et un animateur de rugby.

Consigne : Réécoutez l’enregistrement et répondez aux questions suivantes. Vous pouvez

prendre des notes (cf transcription dans annexe 5.2.2)

- Qu’est-ce qui oppose Olivier et Jean-Michel ?

- Pourquoi est-ce que Jean-Michel n’aime pas le football ?

- Quels sont les arguments de Jean-Michel en faveur du rugby ?

► Corrigé :

1. Jean-Michel n’aime pas le foot, il préfère le rugby, contrairement à Olivier.

2. Chacun joue pour soi, le footballeur est égoïste, il se prend pour une vedette, il

est obsédé par la victoire c’est-à-dire par l’argent et l’image de marque.

3. C’est un sport d’équipe, les joueurs se respectent, la bonne entente à l’intérieur

de l’équipe donne la victoire. (Café crème 3, exercice 2, p. 124)

D’une façon générale, cet exercice de compréhension orale est évidemment très difficile pour les apprenants. D’abord parce qu’il n’y a pas de trace écrite, il faut que les apprenants mobilisent une concentration maximale à l’écoute en vue d’une bonne compréhension. Or, en réalité, la compréhension orale est traditionnellement une épreuve difficile pour les étudiants en langues étrangères.

La deuxième raison, bien essentielle, qui entrave la compréhension, c’est que le thème de rugby pose énormément de problèmes aux apprenants : personne ne joue au rugby au Vietnam. L’image d’un rugbyman qui mesure en moyenne 2 mètres et

Page 307: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

297

pèse environ 100 kilogrammes est sans doute familier au public argentin mais par contre carrément inimaginable à notre public vietnamien !

A un niveau plus avancé, ce genre de travail posera encore plus de problèmes aux élèves, d’autant plus que le thème est plus complexe et leur demande une solide base de connaissances sociales. La solution : il faut préalablement leur donner des informations nécessaires. Mais il est important de noter que la connaissance de surface, elle seule, n’est pas suffisante.

Il est essentiel que les informations soient connues, même bien connues des gens pour pouvoir argumenter. Nous voudrions ici insister sur la question d’appropriation des connaissances car on ne peut pas argumenter sur des contenus qu’on ne s’est pas appropriés. D’une façon plus précise, on peut dire que la tâche d’argumenter ne se limite pas toujours au travail d’empiler des arguments sur un sujet donné, c’est-à-dire il ne s’agit pas seulement d’ « une simple récupération des idées à partir de quelques ‘sondes’ en mémoire à long terme » (Golder, Favard : 2006 : 193). Plus difficile encore, il faut savoir défendre sa position tout en considérant d’autres possibilités de positions adverses. Autrement dit, le rédacteur doit à la fois activer des arguments pour soutenir son point de vue et imaginer ceux qui soutiennent le point de vue adverse. Cette démarche joue un rôle particulièrement essentiel. Elle ne peut se réaliser que si le rédacteur se sent subjectivement impliqué par le thème à débattre. A cette condition, il peut aisément récupérer des arguments en faveur de sa position et aussi des contre-arguments.

Revenons à l’histoire du rugby. Si les apprenants vietnamiens ne connaissent rien à ce sujet, c’est parce qu’ils ne s’y intéressent pas et qu’ils n’ont pas d’idées là-dessus. Et s’ils n’ont pas d’opinion là-dessus, il est évident qu’ils ne peuvent pas argumenter. Autrement dit, l’argumentation est non seulement liée à la connaissance d’un sujet mais aussi à l’opinion plus ou moins solide qu’on peut en avoir. En effet, on peut avoir une connaissance objective de quelque chose mais si on n’en pense rien, on ne peut pas argumenter.

Pour arriver à ce résultat final, il sera souhaitable que l’enseignant ainsi que les étudiants investissent relativement leur temps à la recherche des informations liées au sujet travaillé en classe. Il faudra mettre en relation l’enseignement de « culture et civilisation » avec l’enseignement de l’argumentation. Le cours de civilisation prépare absolument le cours d’argumentation. Il faudra aussi traiter le sujet de telle manière que les étudiants arrivent à penser quelque chose là-dessus. En d’autres termes, il faut les amener doucement vers l’argumentation en essayant de solliciter leur opinion sur la question donnée. C’est le travail le plus difficile et le plus délicat.

Page 308: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

298

3.2. Approche de l’organisation du discours

A un certain niveau, les apprenants doivent faire connaissance avec d'autres types d'exercices plus complexes. Ces exercices ne se limitent plus au niveau de repérage des arguments mais visent à les préparer à l'organisation de la pensée à l'oral pour qu’ils puissent s’engager aisément dans les jeux de rôle et plus loin au débat. En effet, pour participer à un échange, dans un contexte formel en particulier, il faut savoir prendre la parole et organiser son discours pour qu'il soit intelligible.

Le type d'exercices les plus fréquemment rencontrés consiste à faire relever dans les documents enregistrés comment on commence son discours, comment on demande la parole, quelles sont les expressions permettant d'organiser le discours, comment la conclusion est amenée dans le discours. ..

Cette activité permet aux apprenants de faire connaissance avec diverses façons d'organiser le discours. Elle leur apporte les éléments de langue nécessaires pour participer à un échange. Prenons comme exemple l’exercice proposé dans la rubrique Oral, p146, unité 14, Café crème 4 (cf. annexe 5.2.5). Il s’agit de l’écoute d’un enregistrement authentique.

Consigne : Ecoutez à nouveau la séquence en vous aidant de la transcription. Relevez les

expressions utilisées pour :

demander, donner son avis

exprimer son accord, son désaccord

► Corrigé : demander l’avis :

+ vous nous direz ce que vous pensez

+ qu’avez-vous pensé de ce roman ?

+ tu y vois une raison de … ?

donner l’avis :

+ j’ai trouvé, je trouve que

+ on a l’impression, moi j’avais l’impression

exprimer son accord :

+ je partage assez le point de vue de…

Le débat demande quelquefois de la part des participants la capacité d'interrompre l'autre pour l'approuver et pour le contredire. Certaines activités, ayant pour but de fournir aux élèves des procédés linguistiques pour intervenir dans un

Page 309: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

299

débat, leur sont aussi proposées. Les apprenants font connaissance au fur et à mesure avec d'autres formules comme :

- Pardon, mais je tiens à préciser que la situation est bien différente ...

- Au contraire, moi, il me semble que ....

- Là, je partage entièrement votre opinion

Ce type d’activités est évidemment bien efficace pour sensibiliser les apprenants aux formules utilisées dans le débat. Pourtant, ce n’est pas facile pour eux de mémoriser toutes ces structures linguistiques. Il leur faut par conséquent les utiliser à plusieurs reprises dans des activités contextualisées afin de s’approprier ces moyens linguistiques. Les professeurs peuvent aussi les aider en enregistrant des débats à la radio ou à la tévision pour les leur faire écouter ou regarder, et pour leur demander par la suite de noter des expressions de prise de position. Par cette voie, les apprenants vont découvrir eux-mêmes ces moyens linguistiques, ce qui les aide à mieux mémoriser.

A partir de ce débat authentique audio-visuel, le professeur pourrait mettre au point une séquence didactique sur les mimiques d’approbation et de désapprobation, cela est extrêmement intéressant, notamment au niveau interculturel, parce que les Vietnamiens en particulier et les Asiatiques en général n’ont pas l’habitude de recourir aux gestes ni aux mimiques quand ils parlent, d’où le risque de mauvaises interprétations. Prenons comme exemple un geste très courant des Français : un haussement d’épaules accompagné d’une moue dubitative. Ce geste, compris comme le refus de ratifier ce que dit l’autre, se traduit verbalement par « C’est vrai mais ça n’a pas d’importance ». Or, il est perçu dans nos yeux comme un geste ridicule et incompréhensible. Plus dangereux encore, il risque d’être interprété comme un signe de moquerie, d’où les malentendus dans la communication interpersonnelle.

3.3. Approche des techniques argumentatives

Certains auteurs des manuels de FLE proposent une autre approche pour prendre contact avec les textes écrits et les documents oraux de type argumentatif : approche des techniques argumentatives.

Prenons comme exemple le document de compréhension écrite « Un plaidoyer pour l’assimilation » (unité 6, Campus 4) (cf. annexe 5.1.1). Cest un texte de prise de position. Le professeur et ses élèves analysent les trois premiers paragraphes du texte selon le schéma suivant :

Page 310: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

300

- Enonciation de base qui sera contestée dans l'argumentation de l'auteur du texte.

« Il est malsain de s'assimiler dans une culture d'accueil quand on est un migrant noir ».

- Introduction d'une concession : dans certains cas, cet énoncé de base est juste

« Il est évident que l'assimilation, dans le contexte historique de la colonisation, était une horreur, parce que la France n'avait pas le droit de transformer contre leur gré, les peuples africains en Français d'Afrique ».

- Reprise du même argument sous forme d'une alternative en terme d'opposition :

+ L'énoncé de base est juste dans tel contexte

« que + énoncé au subjonctif, ... cela se conçoit » [= oui]

+ L'énoncé de base dans tel autre contexte est injuste

« que + énoncé au subjonctif, ... alors je ne comprends plus rien » [= non]

- Rajout d'un argument complémentaire

« D'autant plus que ... [ l'argument : la recommandation ne s'applique qu'aux enfants noirs et arabes] »

- Reprise de l'énoncé de départ de manière synthétique pour y porter un jugement de valeur

« Nier l'assimilation ... cela s'apparente à de l'inconscience et à du racisme ».

L’analyse de la stratégie argumentative de l'auteur aide les apprenants à mieux comprendre le texte.

Souvent à la suite de ces types d'activités, pour vérifier la compréhension des élèves, les professeurs leur demandent de reformuler à l'oral la position de l'auteur à propos du thème du texte ou d’organiser une discussion par groupe où ils exposent des points de vue opposés à ceux de l'auteur. Pourtant, selon notre expérience, très peu d’étudiants arrivent à remplir cette tâche. D’une part, parce que l’argumentation reste pour la plupart d’entre eux une compétence extrêmement difficile à acquérir. D’autre part, parce qu’ils n’ont pas d’intérêt pour ce thème de l’assimilation, d’où l’impossibilité de mobiliser une implication personnelle dans cette activité orale de prise de position. A ces raisons de freins à l’apprentissage, il faut encore en ajouter une autre : la longueur du texte. En effet, l’exercice d’analyse d’arguments, pour être accessible aux apprenants du français langue étrangère, notamment à un public n’étant pas habitué à l’argumentation comme celui du Vietnam, doit nécessairement se faire d’abord sur des segments courts. Pourtant, cette raison n’est qu’une raison secondaire.

Si dans la compréhension écrite, une des approches pour exploiter la notion de l'argumentation est celle de l'étude de l'argumentation de l'auteur du texte, dans la compréhension orale, c’est presque la même chose. Nous analysons maintenant une activité proposée dans le dossier 10 de Le Nouvel Espaces 2.

Il s’agit de l’écoute d’un enregistrement authentique d'une réunion du conseil municipal qui a suivi la présentation du projet d’aménagement du terrain par le

Page 311: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

301

maire, 5 conseillers ont pris la parole : certains sont d’accord, certains ne sont pas d’accord. Ils exposent leur point de vue. Dans un premier temps, les apprenants sont invités à repérer qui est pour et qui est contre le projet. Ensuite, on leur demande de trouver les schémas de l'argumentation adoptés par chaque participant. Ils doivent :

- relever des formules employées pour rappeler les arguments donnés au cours de la discussion : « Je suis totalement d'accord avec ... », « comme la majorité d'entre vous… »

- relever la façon dont les participants introduisent leurs propres idées et leurs propositions : « Pour ma part, je crois que… », « le projet numéro 2 a deux avantages à mes yeux ».

- dire la façon d'argumenter de quel participants correspond à quel schéma d'argumentation :

Schéma 1 : Opposition simple + proposition

Oui (vous avez raison) ... mais (je pense que ...) .... Donc, je propose ...

Dans le document sonore : Je suis totalement d'accord ... mais il faut

également penser ... c'est pourquoi ...

Schéma 2 : Concession

Malgré les raisons données (que je n'accepte pas vraiment) ... je crois que ...

Dans le document sonore : Malgré ... je voterai pour.

Schéma 3 : On peut également décrire les conséquences négatives ou positives des propositions faites par d'autres

Si on faisait ce que dit ..., on serait obligé de ...

Dans le document sonore : Si nous votions en faveur ... il faudrait ...

Cette activité, d'après nous, constitue une bonne démarche d'exploitation de l'argumentation. Non seulement elle fournit aux apprenants des moyens linguistiques nécessaires pour participer à une discussion, mais elle permet aussi de les équiper de techniques de l'argumentation, de leur faire comprendre la gestion du système de tours de parole qui est quelque chose de très important lors d'un débat ou d'une discussion. Pourtant, nous constatons qu’il y a une redondance entre le 1er schéma d’argumentation et le 2e : « Oui, vous avez raison, mais moi je pense que… » et « malgré les raisons données, je crois que… » constituent tous les deux la concession. Il faudrait donc regrouper les deux premiers schémas au lieu de distinguer trois schémas d’argumentation.

Page 312: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

302

Pour conclure, nous dirions que les manuels de FLE ont fait un pas en avant remarquable en schématisant l’intégralité des interventions des sujets argumentants dans les différents exercices. Mais il est regrettable que ces schémas ne couvrent pas tous les modes d’argumentation. Or, il est important de prévoir également d’autres cas ne venant pas du manuel, citons comme exemple l’attaque directe : « nous sommes en total désaccord sur ce point ! » qui, à notre avis, risque de poser de nombreux problèmes aux apprenants vietnamiens. De plus, concernant les mouvements argumentatifs longs, les différentes stratégies pourraient être appliquées.

3.4. Approche des connecteurs

Dans les manuels de FLE, les connecteurs sont exploités comme mots de liaison. Que ce soit au niveau de la phrase ou au niveau textuel, ils sont vus comme établissant entre les éléments reliés une relation logique et une nuance de sens précise (opposition, cause, conséquence,…etc). Dans ce qui suit, nous allons parler de l’enseignement/apprentissage des connecteurs par le biais des savoirs et des savoir-faire : Compréhension écrite, Compréhension orale, Grammaire (y compris les tableaux grammaticaux et exercices), étant donné que l’Expression orale et l’Expression écrite sont considérées comme des productions personnalisées des élèves.

3.4.1. Quels sont les connecteurs exploités par les manuels de FLE?

Les auteurs des manuels de FLE introduisent au fur et à mesure ces mots de liaisons en fonction de leur rapport de :

- cause (parce que, puisque, car, en effet,…),

- conséquence (de telle sorte que, de manière que, c’est pourquoi, par conséquent…),

- opposition et concession (il est vrai que, mais, pourtant, cependant,…),

- comparaison (de même que, comme, c’est-à-dire, en d’autres termes,…),

- condition (à condition que, pourvu que, à moins que, au cas où,…),

- but (en vue que, pour que, afin que,…)…

Page 313: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

303

Notre remarque consiste à dire que les auteurs semblent oublier les connecteurs de reformulation. Par ailleurs, les connecteurs ainsi présentés sont le nouveau nom des conjonctions de subordination et de coordination. On n’a gardé de Ducrot que le mot, rien n’est dit de la gestion des orientations argumentatives.

3.4.2. Comment sont-ils exploités ?

3.4.2.1. L’EXPLOITATION DES « CONNECTEURS » DANS LES TEXTES DE COMPREHENSION ECRITE

Les connecteurs sont enseignés par le biais des textes écrits. Dans le cadre de ce travail, nous portons particulièrement notre attention sur des textes argumentatifs, à savoir que ce type de texte vise toujours à défendre une prise de position en s’opposant explicitement ou implicitement à ceux qui pensent le contraire. Il a donc deux fonctions. Lorsque l’auteur cherche à convaincre le lecteur, le texte a la fonction persuasive. Lorsqu’il a pour objectif premier de ridiculiser ceux qui ne partagent pas le même point de vue, le texte a la fonction polémique. Ainsi défini, le rédacteur du texte argumentatif doit prendre en compte la présence de ce destinataire fantomatique. Ce dernier est en même temps un lecteur à guider et un destinataire à convaincre. C’est pourquoi, d’une part, l’auteur doit recourir à des techniques de « guidage cognitif », selon l’expression de Charolles (1990), c’est-à-dire qu’il doit employer des marqueurs, des transitions et aussi des récapitulations partielles servant de point de repère afin de faciliter l’interprétation du texte. D’autre part, il doit utiliser des techniques argumentatives comme prouver, justifier, réfuter, concéder,… En un mot, « la production d’un texte argumentatif exige avant tout la capacité de penser avec l’autre, contre l’autre, parfois malgré l’autre, à prendre en compte toujours l’altérité pour faire avancer ses propres positions » (Mirabail, 1994 : 30).

Au niveau avancé, certains auteurs des manuels de FLE adoptent l'approche de la recherche de l'organisation textuelle. On demande aux apprenants d’étudier des connecteurs qui servent à assurer la cohérence du texte. Nous prenons comme exemple le texte de compréhension écrite « Pourquoi les Français deviennent végétariens ? » (unité 12, Café crème 4) (cf. annexe 5.1.2). Les apprenants sont invités à repérer des connecteurs qui commencent des paragraphes, puis à expliquer leur emploi. Ensuite, ils doivent relever d'autres connecteurs employés dans le texte et parler aussi de leur fonction en se basant sur le contexte en question.

Nous analysons maintenant le corrigé proposé dans le livre du professeur : Paragraphe 2 : « car » est un connecteur argumentatif, synonyme de « parce que ». L’emploi de « car » en tête de la phrase est extrêmement rare. Sa position est en

Page 314: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

304

général intermédiaire. Dans l’article, c’est un procédé journalistique qui permet de remonter vers la justification du fait observé.

Paragraphe 3 : « il s’agit en tout cas de » permet une généralisation et l’affirmation d’un point de vue. Ce paragraphe va développer l’idée exprimée dans le paragraphe précédent.

Paragraphe 7 : « et puis, même si » cette suite de connecteur introduit un nouvel argument que l’on concède pour mieux mettre en valeur un élément en opposition.

Paragraphe 9 : « alors » établit une relation de conséquence chronologique.

Paragraphe 10 : « pourtant, à en juger … » introduit un élément qui marque la concession.

D’autres connecteurs employés dans le texte :

« d’ailleurs » introduit une parenthèse explicative

« par ailleurs » introduit une nouvelle partie de l’argumentation

« mais…autrement dit » est une expression utilisée pour reformuler la même idée et insister

« en effet » introduit un argument ou une explication venant à l’appui d’une affirmation

« donc » au début de la phrase ou juste après le verbe, introduit une conclusion inconnue de l’interlocuteur

« alors forcément » insiste sur la relation de conséquence logique

« d’où » permet d’énoncer un fait présenté comme la cause d’une conséquence connue de tous. Il est toujours suivi d’un nom.

« c’est pourquoi » est un équivalent de « d’où » mais il est suivi d’une phrase.

« de même, non seulement … mais aussi » servent à ajouter une idée. » (unité 12, Café Crème 4, livre du professeur)

Nous avons donc les remarques suivantes :

• La première remarque consiste à la reconnaissance de certains connecteurs argumentatifs tels que « car », « et puis, même si », « par ailleurs », « en effet », « donc ». Ce travail peut être considéré comme un point de départ parce qu’on ne peut pas bien étudier un texte argumentatif sans prendre en compte les connecteurs argumentatifs. Mais si on s’arrête seulement au travail de repérage des mots de liaison dans le texte et ensuite si on se contente de parler théoriquement de sa fonction, si on ne parle pas d’orientation argumentative en relation avec les connecteurs, le lien avec les connecteurs est totalement anecdotique. Alors, l’apprenant ne voit absolument pas le lien entre les connecteurs et l’argumentation.

• La deuxième remarque porte sur la pertinence des explications proposées par le livre du professeur.

- D’abord, dire que la suite de connecteurs « et puis, même si » sert à introduire un nouvel argument que l’on concède pour mieux mettre en valeur un élément en opposition laisse comprendre que ces deux

Page 315: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

305

connecteurs « et puis » et « même si » sont équivalents. Or, en réalité, cette valeur argumentative n’appartient qu’au second marqueur.

- Ensuite, « d’ailleurs introduit une parenthèse explicative » est une explication inexacte, voire discutable. Il vaut mieux mettre « d’ailleurs introduit une parenthèse argumentative » Nous ne rappelons plus ici la fonction argumentative de ce connecteur car nous en avons parlé dans la partie traitant le langage argumentatif. De même, la proposition « par ailleurs introduit une nouvelle partie de l’argumentation » est trop vague, incompréhensible aux apprenants.

- Enfin, l’affirmation selon laquelle « en effet » introduit un argument ou une explication, est inexacte parce que, dans plusieurs cas, ce n’est pas vrai. Prenons par exemple la situation suivante : la fille, pour la première fois où elle fait la cuisine, dit à sa mère « Maman, la soupe est un peu trop salée ». La mère, goûte la soupe et dit en faisant la grimace « En effet ! ». Dans ce cas, ce terme n’introduit aucun argument. Il n’a que la valeur pragmatique d’une confirmation à l’oral, signifiant « c’est vrai, je suis d’accord, la soupe est trop salée ». Dans un autre exemple « Je prends mon parapluie ; en effet, il pleut », « en effet » sert à introduire une explication et, cette explication est une cause. La pluie est bien l’explication du fait que je prends mon parapluie et la pluie est aussi la cause. De même, dans l’exemple du texte :

« Une constatation saute aux yeux, qui n’étonnera personne : cette désaffectation pour la viande correspond d’abord à un souci de santé. En effet, 66% des chantillons interrogés citent en premier une préoccupation sanitaire. Car la viande, pense-t-on, c’est la graisse, c’est le cholestérol, c’est le risque d’absorber les vilaines hormones clandestines incorporées au veau ».

« en effet » n’est pas du tout un introducteur d’argument. L’auteur dit que la cause principale de la désaffection pour la viande est un souci de santé. Il continue par la suite, par le biais de « en effet », à mentionner une cascade de causes à ce souci de santé : une cause (préoccupation sanitaire) puis la cause de cette cause (la graisse, le cholestérol…).

• Vient ensuite la remarque portant sur l’orientation argumentative manifestée par l’intermédiaire des connecteurs. Il faut probablement insister sur leur fonction de mettre en relation ou en opposition deux faits de même orientation ou d’orientations opposées. Nous analysons comme exemple le connecteur « d’ailleurs » dans le 6e paragraphe.

Page 316: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

306

« Les chercheurs réunis à Belley ont tenté d’élucider les causes de cette évolution, en analysant une série d’études de l’Insee et divers panels de consommateurs. Une constatation saute aux yeux, qui n’étonnera personne : cette désaffectation pour la viande correspond d’abord à un souci de santé. En effet, 66% des échantillons interrogés citent en premier une préoccupation sanitaire. Car la viande, pense-t-on, c’est la graisse, c’est le cholestérol, c’est le risque d’absorber les vilaines hormones clandestines incorporées au veau. […]

Pour tout le monde, le déclin de la viande a d’ailleurs d’autres raisons que des craintes pour la santé, même s’il s’agit sans doute de la motivation numéro 1. Mais il y a aussi des motifs religieux, culturels ou sentimentaux. Jamais un Hindou ne touchera à une vache sacrée. Et nous mangeons beaucoup moins de lapin depuis que cette charmante bestiole est devenue un animal de compagnie. De même, la désaffection pour la viande de cheval (maigre et pleine de vertus diététiques) avait accompagné le changement de statut de cet animal, passé du rang de grossier outil de travail à celui de dieu du stade. »

Nous constatons que dans les paragraphes précédents, on a parlé des changements dans les habitudes alimentaires des Français qui est la baisse de la consommation de la viande (le déclin de la viande). Ce changement a été expliqué par le souci de la santé (des craintes pour la santé). Le connecteur « d’ailleurs » introduit un autre argument qui vient en complément : « le motif religieux, culturel, sentimental ». Si on appelle « le déclin de la viande » la conclusion r, « des craintes pour la santé » le premier argument p et « le motif religieux, culturel, sentimental » le second argument q, l’argumentation de l’auteur prend la forme schématique suivante : p, d’ailleurs q → r ; le r se base essentiellement sur p qui est argumentativement plus fort que q. Cela est dit également dans le texte « il s’agit sans doute de la motivation numéro 1 ». Le r et le p vont aussi dans le même sens, autrement dit ils ont la même orientation argumentative. Nous rappelons ici ce que Ducrot a noté à propos du connecteur « d’ailleurs » :

« Le locuteur prétend viser une conclusion r, il donne pour cette conclusion l’argument P qui la justifie. Et, dans un mouvement discursif, il ajoute un argument Q, allant dans le même sens que P. Dans la mesure où P tout seul devait déjà conduire à r, Q est ainsi présenté comme n’étant pas nécessaire pour l’argumentation. Le locuteur prétend donc ne pas utiliser Q mais seulement l’évoquer (en d’autres termes, tout en présentant Q comme un argument, il prétend ne pas argumenter à partir de Q) » (1980 : 195)

Ainsi, nous pouvons demander aux apprenants de réfléchir sur le fonctionnement d’autres connecteurs intégrés dans ce paragraphe en particulier et

Page 317: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

307

dans le texte entier comme « de même », « mais », « et puis », « pourtant »,… Cette activité visant à analyser la fonction argumentative des connecteurs sera beaucoup plus efficace que la simple tâche de repérage des connecteurs qui se limite à les voir comme des mots de liaison malgré l’entraînement à plusieurs reprises.

De toute façon, il faut affirmer que l’exercice de repérage et de reconnaissance des connecteurs aide les apprenants à avoir une vue d'ensemble de l'organisation du texte. Ensuite, il leur permet de comprendre le rôle important des connecteurs pour articuler un texte argumentatif. Mais, pour comprendre l’organisation de la pensée de celui qui écrit, il est absolument nécessaire de prendre en compte la fonction argumentative de ces connecteurs ainsi que le caractère co-orienté ou anti-orienté des arguments introduits par l’intermédiaire des connecteurs.

3.4.2.2. L’EXPLOITATION DE « CONNECTEURS » A TRAVERS LES ACTIVITES DE COMPREHENSION ORALE

L’enseignement/apprentissage des connecteurs se fait également à travers les activités de compréhension orale. Différents des exercices de grammaire, qui sont de nature structurale, par conséquent monotones et moins motivants, dans la compétence de compréhension orale, les apprenants se trouvent dans des situations de communication fabriquées ou authentiques. Plusieurs types d’exercices sont mis en place, ayant pour but de créer chez eux une bonne maîtrise des connecteurs.

- soit on demande aux étudiants d’identifier, après l’écoute de l’enregistrement, les connecteurs marquant telle ou telle relation et de dire par la suite si les affirmations sont vraies ou fausses :

Ex1 : Ecoutez les enregistrements et dites si les affirmations sont vraies ou fausses.

Identifiez les expressions utilisées pour marquer l’opposition. (cf la transcription dans annexe CO.3)

Dialogue Affirmation Vrai Faux Expression utilisée

1 Lille est une ville triste + En réalité 2 Georges est différent des autres + En fait

3 Sa carrière de coureur cycliste n’est pas terminée + Alors que

4 Géraldine a brillamment réussi + Tandis que

(Compréhension orale , p169, unité 7, Tempo 2)

- soit on leur demande de cocher, après l'écoute du document sonore, les mots ou les expressions entendus qui servent à introduire les différentes idées :

Ex2 : Cochez les mots ou les expressions entendus qui servent à introduire les différentes

idées (cf. annexe CO.4)

Page 318: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

308

Premièrement D'une part ensuite

Deuxièmement D'autre part par contre

D'abord Par ailleurs pourtant

Corrigé : premièrement, ensuite, d’une part, d’autre part, enfin (Exercice 9, unité 12, p133, Connexions 2)

Ces exercices ne sont pas trop difficiles pour les apprenants. Pourtant, on se demande sur quoi ils se basent pour en trouver la bonne solution. Prenons comme exemple un énoncé dans Ex1 :

(1) J’imagine Lille comme une ville triste et grise. En réalité, c’est une ville très animée, et les gens sont très chaleureux.

(1) se compose de deux énoncés « J’imagine Lille comme une ville triste et grise » (p) et « c’est une ville très animée, et les gens sont très chaleureux » (q). P et q sont reliés l’un avec l’autre par le connecteur « en réalité ». Q, quant à lui, comprend deux propositions « c’est une ville très animée » (q’) et « les gens sont très chaleureux » (q’’). P est une assertion négative alors que q est une assertion positive. En d’autres termes, p et q sont argumentativement opposés, ils conduisent implicitement à des conclusions opposées :

p → non-r, q → r. Nous pouvons dégager la forme suivante :

p, en réalité q {q’, et q’’}, où p → non-r, q → r, p, en réalité q → r.

De ce schéma, on déduit que l’énonciateur adopte une vision positive de l’objet en question « Lille est une ville animée », donc « Lille est une ville triste » est une fausse affirmation. L’analyse montre que dans ce contexte, « en réalité » fonctionne comme « mais », connecteur d’arguments anti-orientés.

Dans l’exercice 2, le corrigé proposé dans le livre du professeur nous fait comprendre que « enfin » est un connecteur servant à introduire une idée. Il serait préférable d’éclairer cette idée, car les apprenants pensent toujours que « enfin » est un introducteur de conclusion.

« D’une part, ils veulent des produits bons et bien faits (produits bio, produits labellisés…). D’autre part, ils veulent des produits “éthiques” qui respectent les travailleurs, la nature. Enfin, ils veulent un bon rapport qualité-prix ».

Dans ce petit paragraphe, « enfin » s’emploie pour introduire le dernier argument de la liste, mais pas la conclusion.

Page 319: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

309

Enfin, une autre activité qui est relativement difficile pour les apprenants, c’est celle dans laquelle on leur demande d’identifier des arguments en faveur ou en défaveur de quelquechose. Revenons à l’exemple portant sur un dialogue entre un amateur de football et un amateur de rugby.

Ex : Réécoutez l’enregistrement et répondez aux questions suivantes. Vous pouvez

prendre des notes (cf transcription dans annexe 5.2.2)

1. Qu’est-ce qui oppose Olivier et Jean-Michel ?

2. Pourquoi est-ce que Jean-Michel n’aime pas le football ?

3. Quels sont les arguments de Jean-Michel en faveur du rugby ?

Corrigé :

1. Jean-Michel n’aime pas le foot, il préfère le rugby, contrairement à Olivier.

2. Chacun joue pour soi, le footballeur est égoïste, il se prend pour une vedette, il

est obsédé par la victoire c’est-à-dire par l’argent et l’image de marque.

3. C’est un sport d’équipe, les joueurs se respectent, la bonne entente à l’intérieur

de l’équipe donne la victoire. (Exercice 2, p124, Café crème 3)

L’intérêt de cette activité réside dans l’idée que les apprenants doivent chercher à comprendre la prise de position des locuteurs (Olivier et Jean-Michel). Pour y arriver ils se trouvent dans l’obligation d’analyser la prise de parole des locuteurs, l’alternance des tours de parole, les arguments mis en place, la manière de réfutation,… et sans doute le fonctionnement des connecteurs argumentatifs dans le discours. Ici, nous ne nous intéressons qu’à ce dernier point. En effet, pour aider les apprenants à répondre à la question 2 par exemple, l’enseignant peut les guider en analysant la réfutation de Jean-Michel (J-M) pour voir comment les arguments s’enchaînent les uns avec les autres.

O : Je ne comprends pas…

J-M : Mais si, au foot, chacun joue pour soi, c’est-à-dire contre tous. Le footballeur est un égoïste qui ne pense qu’à soi. Les footballeurs se prennent pour des vedettes au lieu de jouer en équipe. Et puis, ces hommes, qui tombent à genoux, qui se roulent par terre, qui s’embrassent, ces comédiens qui jouent les blessés lorsque l’équipe adverse gagne, c’est un ridicule !

J-M commence sa prise de parole par le connecteur « mais » suivi de « si ». « Mais si » situé au début de l’énoncé « a la valeur d’un “non” appliqué à une phrase négative » (Ducrot, 1980 : 116). Dans ce cas, il constitue une marque d’opposition de J-M à la réplique précédente de O qui, apparemment, fait semblant

Page 320: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

310

de ne pas comprendre ce que dit J-M antérieurement « au rugby, les joueurs se respectent, ce qu’on ne peut pas toujours dire des footballeurs ! ». On pourrait dire aussi que « mais si » dans ce cas manifeste l’opposition de J-M aux affirmations de son destinataire, qui a critiqué le rugby par de dures paroles : « un sport de sauvage ». Ensuite il utilise un autre connecteur « et puis » pour introduire un deuxième argument. Cet argument va dans le même sens que l’argument précédent, il le renforce.

3.4.2.3. L’EXPLOITATION DES CONNECTEURS DANS DES EXERCICES DE GRAMMAIRE

Pour chaque connecteur en particulier, les auteurs expliquent son emploi, sa place dans la phrase et fournissent un ou des exemples.

- « parce que » donne l’explication d’un fait (le plus souvent au milieu de la phrase)

On consomme moins de la viande parce qu’on est plus soucieux de sa santé.

- « en effet » renforce une affirmation

Cette désaffection de la viande correspond d’abord à un souci de santé. En effet, 66% des échantillons interrogés citent en premier une préoccupation sanitaire.

(Unité 12, Café Crème 4)

Cette partie théorique grammaticale, présentée souvent sous forme de Tableau est suivie d’exercices de grammaire. Ce sont des exercices de repérage et des exercices de réemploi. Dans un premier temps, on demande aux apprenants de relever des connecteurs et d’identifier le rapport logique manifesté dans les phrases données.

D'une part, les principales fêtes ont été détournées par le commerce. D'autre part, de nouvelles fêtes ont été inventées

Corrigé :

D'une part : introduit la première idée et se place au début de la phrase.

D'autre part : introduit la seconde idée et se place juste avant cette

seconde idée. (Exercice 4, p132, unité 12, Connexions 2)

Dans une autre forme d’exercice (exercice à trou), ils sont invités à remplir des vides par des connecteurs convenables.

« … il ait sans doute raison, personne ne veut l’écouter »

Page 321: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

311

Corrigé : Bien qu’ (Exercice 9, p234, unité 9, Tempo 2)

Plus difficile encore, ils doivent relier les phrases en utilisant le connecteur convenable ou compléter les phrases en fonction du sens des articulateurs proposés. Par exemple, dans certains exercices, on donne aux élèves l’énoncé et leur demande de trouver le connecteur :

Vous manquez de vitamine B9 - vous risquez un accident cardiaque

Corrigé : Vous manquez de vitamine B9, c'est pourquoi vous risquez un accident

cardiaque (Exercice 2, unité 12, Café crème 4)

ou bien on leur donne le début de l’énoncé et le connecteur. Les apprenants ont à trouver la suite de la phrase qui va être cohérente par rapport au début et au connecteur introduit :

Les économistes présentent l’augmentation de la consommation comme utile à la vie économique. Le groupe Attac, au contraire…

Corrigé : Le groupe Attac, au contraire, pense que la vie économique doit servir les

populations et qu’il ne faut pas obligatoirement augmenter la consommation. (Activité 17, unité 7, Connexions 3)

Nous ne faisons pas beaucoup de remarques sur l’exploitation des connecteurs à travers les exercices de grammaire, parce que ces exercices sont, pour la plupart d’entre eux, des exercices structuraux, autrement dit, des exercices de réemploi. Les connecteurs sont, par conséquent, traités dans le cadre de la phrase qui peut très bien constituer une argumentation à elle seule. Dans cette perspective où on met l’accent uniquement sur la grammaire des connecteurs et laisse de côté leur fonctionnement dans l’argumentation, nos apprenants, malgré une bonne réflexion sur la structure des connecteurs, auront toujours du mal à comprendre et à écrire un texte argumentatif, dans lequel ils devront sans doute recourir quelquefois à ces outils linguistiques. C’est donc une erreur d’isoler le travail sur les connecteurs car il appartient au travail sur l’argumentation proprement dit.

Le meilleur chemin pour étudier les connecteurs argumentatifs, selon nous, c’est de toujours partir de leurs fonctions dans le texte, l’acquisition sera donc plus accessibles aux élèves.

Page 322: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

312

Récapitulation

L’analyse ci-dessus nous amène à conclure que les manuels de FLE ont fait une avancée décisive en abordant des problèmes variés concernant l’argumentation : contenu argumentatif, organisation du discours, emploi des connecteurs…. Mais ils ont fait une erreur en accordant trop d’importance aux connecteurs, d’autant plus que ces outils linguistiques ne sont pas étudiés en relation étroite avec l’orientation argumentative dans des textes concrets. D’ailleurs, il est vrai que les connecteurs ont en eux une certaine signification mais ils n’ont pas un grand impact sur la qualité de l’argumentation. Par nature, ils ne sont ni consensuels ni conflictuels, ces caractères se manifestent seulement grâce à l’énoncé argumentatif qui les suit. Autrement dit, le niveau consensuel ou conflictuel concerne directement le plan relationnel qui, à son tour, est fortement régi par le contenu argumentatif. Nous rappelons le propos formulé par Plantin lors d’une séance de travail pour terminer cette partie : « On emploie bien les connecteurs parce qu’on sait bien argumenter et si on sait bien argumenter, et non pas on argumente parce qu’on emploie des connecteurs ».

4. Méthode Rond-Point

La méthode Rond-Point est la première méthode de français langue étrangère à s’appuyer sur d’authentiques processus de communication et à adopter l’apprentissage par les tâches recommandées par le Cadre européen commun de référence pour les langues. Cette méthode est réservée au public grands adolescents et adultes. Le deuxième niveau avec lequel nous allons travailler prépare l’apprenant aux épreuves du DELF A2 et notamment A3.

4.1. Raison de ce choix

Nous avons choisi de porter une attention particulière à cette méthode pour les raisons suivantes :

• La perspective d’apprentissage basée sur les tâches met fin à des « exercices répétitifs aussi ennuyeux que mécaniques et décontextualisés »34 pour céder la place aux « activités de communication,

34 Rond-Point, guide pédagogique, p.3

Page 323: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

313

ludiques, interactives et finalisées »35. Elle fait ainsi de la classe un espace familier de la communication où la dynamique du groupe apprenant est mobilisée.

Nous citons comme exemple les activités 8 et 9 du dossier 6 dans le manuel Rond-Point 2. Les apprenants doivent, après l’écoute d’un débat authentique autour du thème : « Pour ou contre la télévision aujourd’hui », compléter les fiches de présentation avec l’argument principal de chaque invité. Dans l’activité suivante, ils doivent choisir leur camp et former des groupes avec ceux qui partagent leur opinion. Le travail de groupe permet à tous les apprenants d’enrichir leurs arguments et les prépare plus tard à une activité d’interaction orale : un débat avec un autre groupe du camp adverse. Cette série d’exercices ayant la finalité communicative oblige les élèves à se débrouiller en autonomie. Ils doivent mobiliser leurs vécus, leurs connaissances et leurs compétences pour réaliser la tâche finale, ce qui permet également de capter et de maintenir leur intérêt et leur motivation.

• Les thèmes sont abordés dans une perspective interculturelle. Il ne s’agit pas pour l’élève d’apprendre passivement des éléments de la culture française mais plutôt de les mettre en comparaison avec ceux de sa propre culture.

En présentant les 4 émissions de la télévision française (Thalassa, Des chiffres et des lettres, Dicos d’or ou La dictée de Pivot, Faut pas rêver), l’auteur du manuel n’oublie pas d’ouvrir une nouvelle orientation de réflexion contrastive: « Avez-vous des émissions semblables dans votre pays ? Quelles sont pour vous les émissions les plus emblématiques de votre pays ? » (Dossier 6, Rond-Point 2). Cette question rend aussi les apprenants plus actifs et dynamiques dans le processus d’acquisition de connaissances.

• Cette méthode a pour objectif de considérer les apprenants comme « des décideurs et des gestionnaires »36 de leur apprentissage. Ainsi, le professeur assume les deux rôles en même temps : celui de « dispensateur des savoirs »37 et celui de « l’organisateur des interactions »38.

D’abord, basé sur l’apprentissage par les tâches, Rond-Point demande aux élèves d’être toujours actifs. Ils doivent constamment prendre des décisions et s’organiser pour réaliser les tâches. Ensuite, avec 3 pages de bilan, plus une

35 Rond-Point, guide pédagogique, p.3 36 Idem. 37 Idem. 38 Rond-Point, guide pédagogique, p.6

Page 324: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

314

autoévaluation proposée toutes les 3 unités, les apprenants peuvent évaluer par eux-mêmes, de manière approfondie, l’ensemble des compétences et des savoir-faire mis en place.

Les trois raisons que nous venons de citer permettent, dans la mesure du possible, de faire changer plus ou moins l’attitude traditionnelle faite de « passivité » et de « dépendance » des étudiants asiatiques dans le processus d’apprentissage. Mais la principale raison concerne la manière dont le manuel présente et exploite l’argumentation et les textes argumentatifs.

Par rapport aux autres manuels, on peut dire que Rond-Point est la seule méthode à proposer une progression raisonnable, en partant de l’expression des points de vue opposés, de la façon de les défendre par des arguments pour/contre pour arriver à la pratique du débat. En outre, le thème de l’unité traitant cette compétence discursive n’est apparemment pas étranger au public apprenant : la télévision.

Dans l’espoir d’utiliser cette méthode comme source d’appui pour l’élaboration des activités argumentatives adaptées au public vietnamien, il nous a semblé préférable, avant d’entrer dans une analyse plus détaillée, de faire une présentation de la structure de l’unité.

4.2. Présentation de la structure de l’unité

Rond-Point se compose de 9 unités. Chaque unité organisée en cinq doubles pages a pour but d’apporter progressivement aux élèves les ressources lexicales et grammaticales nécessaires à la réalisation de la tâche de communication finale.

• La rubrique Ancrage explicite les objectifs, le contenu grammatical de l’unité et les tâches que l’élève doit être capable de réaliser. Elle le met ensuite en contact avec le thème et le vocabulaire de l’unité.

• La rubrique En contexte propose des activités sous forme de compréhension de textes écrits ou de documents oraux authentiques. Cette rubrique illustre le fonctionnement de la langue telle qu’elle fonctionne dans la réalité.

• La rubrique Formes et Ressources, vise à systématiser les connaissances grammaticales et lexicales nécessaires à la réalisation de tâches ciblées. Les activités proposées dans cette rubrique permettent aux apprenants de mieux comprendre certaines règles de grammaire. Par ailleurs, le travail en

Page 325: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

315

groupe permet également l’épanouissement de leurs capacités d’interaction en français.

• La rubrique Tâche ciblée mobilise toutes les ressources de vocabulaire et de grammaire déjà étudiées dans les rubriques précédentes. Les élèves ont à réaliser, en petits groupes ou tous ensemble, une tâche de communication. Il s’agit par exemple d’échanger des opinions, d’exposer un point de vue et de le défendre,… A signaler que la phase de préparation joue un rôle extrêmement important, non seulement elle permet aux apprenants de mobiliser de manière efficace tout ce qu’ils ont acquis au cours de l’unité, mais elle constitue aussi « l’occasion de les encourager à se montrer créatifs et autonomes »39. Ce point est d’une grande importance d’autant plus que l’absence de ces deux qualités constitue un obstacle au processus d’apprentissage des étudiants asiatiques. Bref, cette rubrique met en valeur « l’aisance et l’efficacité communicationnelle »40.

• La rubrique Regards croisés invite les élèves à faire connaissance avec d’autres valeurs culturelles, des comportements et la vie quotidienne dans différents pays francophones tout en leur proposant de réfléchir sur leur propre identité culturelle.

4.3. Comment l’argumentation est-elle exploitée dans ce manuel ?

Comme nous l’avons dit plus haut, Rond-Point comprend 9 unités mais l’argumentation n’est officiellement enseignée que dans la sixième, intitulée « Je ne suis pas d’accord ». Nous utilisons ici le terme « officiellement » car cette compétence argumentative est apparemment introduite à travers les jeux de rôle proposés dès les premières séquences didactiques. C’est par exemple le cas de l’activité 8 « A la recherche d’un appartement » de l’unité 1. On propose aux étudiants trois plans d’appartements. Il y a un F2 très grand et clair, un F3 moyen et un F4 avec des chambres assez petites et plus sombres. Ils sont invités à travailler par groupe de trois pour se mettre d’accord dans un premier temps sur l’appartement qu’ils vont choisir et dans un deuxième temps sur le partage de l’espace et l’organisation de la cohabitation. Afin de mener à bien ce jeu de rôle, les étudiants doivent certainement savoir donner leur point de vue, le justifier, exprimer l’accord

39 Rond-point, guide pédagogique, p. 6 40 Idem

Page 326: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

316

ou le désaccord… Or, toutes ces stratégies discursives ne sont soigneusement exploitées que dans l’unité 6 (Voir en annexe 7).

Tout au long de cette unité, les apprenants vont apprendre à :

- identifier l’intention, l’opinion et la prise de position exprimées par d’autres personnes.

- exposer un point de vue et le défendre.

- prendre la parole.

- reformuler des arguments.

- suivre un débat simple et y participer.

Ces objectifs communicatifs ne seront pas du tout faciles à atteindre si l’unité aborde un thème considéré comme étant trop étranger aux connaissances préalables des étudiants, à citer comme exemple la francophonie, l’immigration ou encore le programme Erasmus. Nous insistons ici sur l’importance de la familiarité des thèmes car un sujet d’argumentation est bien lié au plan cognitif, mental et culturel de l’étudiant. Ce dernier, s’il n’a aucune idée sur le sujet de l’argumentation, ne peut formuler aucun argument là-dessus. Partant de cette conception, les auteurs de ce manuel ont introduit dans cette unité un thème habituel : la télévision.

Sur ce point, nous sommes entièrement d’accord avec la règle générale selon laquelle le professeur doit considérer que les connaissances préalables des étudiants sont insuffisantes ou, du moins, qu’elles doivent être « rafraîchies ». Il faut donc prévoir, avant tout travail argumentatif proprement dit, un travail d’information sur le thème, avec un apport du professeur, et des apports personnels des élèves. En fait, souvent les discussions se bloquent parce que les participants n’ont pas les informations nécessaires. Dans cette perspective, on peut dire qu’argumenter n’est pas se livrer à une logomachie contradictoire.

4.3.1. Les contenus argumentatifs

La première double page, à travers des images et des questionnaires d’une enquête auprès des téléspectateurs, dote les élèves du vocabulaire se référant à la télévision, à savoir par exemple les documentaires, les émissions de télé réalité, les émissions culturelles, les dessins animés,… et au comportement des téléspectateurs. Ces derniers sont divisés en trois genres : « accro » de télévision, amateur de télé et antitélé. Chaque groupe de personnes a bien sûr son propre point de vue sur l’utilité du petit écran. Cette phase d’anticipation prépare donc les élèves à l’étape suivante : la lecture d’un texte écrit portant sur la téléréalité.

Page 327: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

317

Il est nécessaire de remarquer que la téléréalité est une question qui, en effet, peut intéresser vivement des élèves qui connaissent le thème, qui ont vu des émissions de téléréalité. Ce sont peut-être des apprenants vivant en France depuis de nombreuses années. Pour le public vietnamien, le problème devient plus complexe. Au Vietnam, il n’y a pas d’émissions de téléréalité. Donc, les étudiants ne peuvent pas être pour ou contre. Ils ne peuvent pas découvrir comment fonctionne cette émission, ni éventuellement ses effets pour en avoir une opinion.

Une possibilité se pose : est-ce que le professeur peut apporter l’information sur ce thème ? La réponse est non, car il faudrait que les étudiants se familiarisent avec ce genre d’émissions, ce qui est impossible et ils ont mieux à faire.

Pour avoir une opinion sur quelque chose, il faut connaître beaucoup de choses. Par exemple, en ce qui concerne la téléréalité, il ne suffit pas de voir l’émission. Il faut encore la connaître dans son histoire, dans ses conséquences. De plus, il faut avoir une certaine conception de la télévision. Si on considère que la télévision n’a pas à toucher à la vie privée des gens, qu’en plus la vie privée des gens n’est pas intéressante pour des millions de personnes dans un pays, à ce moment-là, on va dire qu’on est contre la téléréalité. Donc, derrière l’argumentation, on a non seulement une connaissance objective d’une émission de la télévision, mais on a aussi une conception de ce moyen d’information. On est pour ou contre la téléréalité selon ce qu’on considère comme devant être diffusé par le petit écran. En d’autres termes, il ne suffit pas de connaître la téléréalité pour être pour ou contre, il faut aussi connaître la télévision et avoir une idée sur ce que doit être télévision.

Catherine Pour

Permet aux jeunes talents de perfectionner leur technique de chant / les finalistes enregistrent un ou plusieurs disques / ils peuvent réaliser leurs rêves

Contre

L’idée est toujours la même / aucune créativité ou esthétique / n’est pas une distraction saine / scénario écrit à l’avance / il s’agit d’un montage / on trompe les téléspectateur / ces émissions n’apportent rien au téléspectateur

Alex Pour

Représente une démocratisation de la télévision : tout le monde peut passer à la télé / ces émissions alimentent les conversations : on en parle en famille ou entre amis sans conflits / elles remplissent bien la fonction de distraire

Contre

On peut voir une justification de la médiocrité dans le fait que ce sont des personnes sans mérite qui deviennent rapidement riches / il faut limiter leur nombre car il y a trop d’émissions de ce type / la diversité est en danger.

S’il s’agissait d’un autre thème, comme le clonage des êtres vivants que nous tenterons de traiter dans les unités didactiques, on pourrait envisager réellement de faire une information sur le thème. Mais ce serait peut-être l’objet d’un travail interdisciplinaire, qui mobiliserait l’école entière sur le thème de la bioéthique. Ce

Page 328: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

318

type d’organisation n’est pas encore envisageable pour le moment mais on peut toujours espérer sa mise en place dans un proche avenir.

Revenons maintenant au texte écrit de la méthode Rond-Point !

Le texte intitulé « La télé réalité ? Pour ou contre ? » présente en deux colonnes deux opinions plus ou moins divergentes, la première est celle de Catherine Pasteur, peintre et la deuxième celle d’Alex Lecoqr, psychologue. Les étudiants doivent lire ces opinions et y relever par la suite les arguments qui défendent la télé réalité et ceux qui s’y opposent. Cette activité donne prioritairement la solution suivante :

Le professeur demande ensuite aux élèves de dresser le schéma de la structure de chaque texte. Cette tâche vise à les familiariser avec les techniques d’argumentation.

4.3.2. Techniques argumentatives

Dans son intervention, Catherine répond directement à la question posée dans le titre « Tout dépend de l’émission télé réalité dont on parle ». Aucune position n’est prise au moment de parler. Mais après, l’auteur cite comme exemple quelques émissions comme « Star Academy », « Loft Story ». Pour chaque émission, elle expose son point de vue pour ou contre. Viennent ensuite les deux autres critiques de ce genre d’émission. La conclusion, elle, affirme encore une fois la position de Catherine. Nous dégageons donc le schéma suivant :

Introduction : Tout dépend de l’émission

- Argument 1 : pour si l’émission a une valeur créative et esthétique

- Argument 2 : contre si l’émission ne présente aucune créativité

- Argument 3 : contre quand la distraction n’est pas saine

- Argument 4 : contre quand le scénario est truqué

Conclusion : Cette émission n’a aucun intérêt et n’a qu’un seul but commercial.

Dans son intervention, Alex adopte une autre stratégie. Il commence par poser une question sur le succès de l’émission de télé réalité et donner tout de suite l’explication. Par la suite, il analyse tour à tour le côté positif et le côté négatif de cette émission. Dans la conclusion, il expose son point de vue qui consiste à reconnaître le rôle indéniable de ces types d’émission et aussi la nécessité de limiter leur nombre. L’argumentation d’Alex prend la forme suivante :

Page 329: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

319

Introduction : La télé réalité connaît un grand succès auprès des téléspectateurs grâce à la possibilité d’identification avec des personnes ordinaires. Est-ce bien ou pas ?

- Argument 1 : bien parce que c’est démocratique : chacun peut devenir une vedette, chacun en parle chez soi, d’ailleurs ce thème de conversation ne cause pas de conflit.

- Argument 2 : pas bien parce qu’on peut voir dans ces types d’émission une justification de la médiocrité.

Conclusion : il faut maintenir ces émissions mais en plus petit nombre.

A partir de ces deux schémas de structuration de deux textes, on peut demander aux apprenants de choisir l’argumentation la plus riche et l’argumentation la plus structurée.

Le texte étant bien compris, les apprenants sont alors invités à dire s’ils partagent complètement l’opinion des personnages, ou s’ils ont une position encore différente, des arguments supplémentaires… Le travail de groupe facilite la discussion et la prise de position des élèves.

4.3.3. L’organisation du discours

Un autre point fort de Rond-Point, c’est que cette méthode n’a pas oublié d’introduire la notion de concession. Certes, la concession est abordée dans tous les manuels FLE mais Rond-Point est le seul à l’exploiter sous l’angle argumentatif. Pour être plus clair, nous signalons que nous ne voulons pas ici comparer des énoncés avec la concession mais des explications qui sont données sur la concession dans les manuels de FLE. La méthode Rond-Point l’aperçoit comme une des stratégies de l’argumentation :

« Il est vrai que les parents doivent surveiller leurs enfants, mais la télévision est un service public et… »

→ On reprend l’argument de l’interlocuteur et on ajoute une idée qui le nuance ou le contredit

(Rond-Point, manuel d’élève, niveau 2, unité 6, p. 61)

De même, dans le guide pédagogique, on précise :

[…] il arrivait que les scripteurs et les interlocuteurs admettent les arguments d’autrui mais pour mieux s’opposer ensuite. […] cette acceptation de l’argument de l’autre comme valable s’appelle une concession, et que c’est une tactique pour mieux ajouter ensuite un nouvel argument qui nuance, affaiblit,

Page 330: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

320

contredit ou annule le premier.

(Rond-Point, guide pédagogique, niveau 2, unité 6, p. 48)

Cette explication a fait du progrès en montrant aux élèves l’importance, dans un discours argumentatif, de la reconnaissance de l’autre. Nous appelons « progrès » car, en général, nos apprenants tendent à s’enfermer dans leurs points de vue et refusent très souvent d’écouter les arguments adverses, même si cela est demandé avec force par l’enseignant.

Alors que dans les autres manuels de FLE comme Edito par exemple, à propos de la concession, on ne formule qu’une seule précision :

« Il est d’usage de différencier entre l’opposition (de deux faits indépendants l’un de l’autre) et la concession (coexistence de deux faits a priori incompatibles) mais certains énoncés peuvent exprimer ces deux notions »

( Edito, méthode de français, niveau B2, unité 10, p. 178)

ou encore la méthode Alors ? se contentant de fournir simplement aux apprenants des moyens linguistiques pour exprimer la concession41.

Dans cette optique, il est certain que les apprenants ne voient pas l’utilité de la concession en tant que processus argumentatif. Etant traitée dans une grammaire de phrase centrée sur la structure de la langue sans prise en compte des conditions de l’énonciation et de la valeur argumentative de l’énoncé, la concession est vue comme d’autres opérations grammaticales telles que la condition, l’hypothèse, la comparaison,… Or, elles ne sont pas au même niveau. Il vaut mieux distinguer, au niveau global, le type de discours, c’est-à-dire les discours argumentatif, descriptif ou explicatif, et le niveau de l’énoncé avec des articulateurs de condition, de comparaison, d’hypothèse, de concession… Ces articulateurs peuvent être mis au service de ces trois types de discours. Pourtant, la concession appartient plutôt au discours argumentatif alors que la condition, l’hypothèse, la comparaison peuvent être mises dans le descriptif ou l’explicatif.

Avec les explications données dans ces manuels de FLE, les élèves auront probablement des difficultés dans l’utilisation et l’interprétation de cette tactique argumentative. Or, « c’est ce qu’ils vont devoir faire à propos de divers sujets discutés dans la vie courante »42. Par la concession, on admet les arguments de l’autre mais pour mieux s’y opposer ensuite : « C’est de bonne guerre ! » et ceci tout en maintenant ouverte la discussion !

41 Alors ?, manuel d’élève, niveau 3, unité 7, p.142e 42 Rond-Point, guide pédagogique, p. 48

Page 331: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

321

Revenons à Rond-Point, d’autres moyens linguistiques en vue d’une meilleure organisation du discours tels que « on sait que », « en tant que », « c’est-à-dire que », et des expressions employées pour exprimer l’accord et le désaccord comme « je suis d’accord avec », « je ne partage pas l’avis de », « je ne pense pas que », « je ne crois pas que »,… sont aussi exploités dans le cadre de cette unité.

4.3.4. Approche des connecteurs

La dernière phase sera réservée à l’étude des organisateurs textuels. Les élèves ont à repérer dans chaque texte les mots qui marquent l’orientation argumentative et à essayer de dire ce qu’ils signifient.

Il est à remarquer que par rapport à quelques manuels de FLE qui se contentent de donner des explications assez floues sur la fonction des organisateurs textuels, à savoir par exemple :

- « d’ailleurs » introduit une parenthèse explicative

- « car » est un connecteur argumentatif, synonyme de « parce que ». L’emploi de « car » en tête de la phrase est extrêmement rare. Sa position est en général intermédiaire.

(Café crème 4, guide pédagogique, unité 12, rubrique Ecrit)

La méthode Rond-Point a fait un pas important en proposant des explications un peu plus claires, et en particulier en percevant ces articulateurs comme des connecteurs argumentatifs :

- « d’ailleurs » : on justifie, développe ou renforce l’argument ou le point de vue qui précède en apportant une précision.

- « car » : on introduit une cause que l’on suppose inconnue de l’interlocuteur.

- « par contre » : on introduit une idée ou un fait qui contraste avec ce qu’on a dit précédemment.

(Rond-Point, manuel d’élève, niveau 2, unité 6, p. 61)

Ayant conscience de la difficulté des apprenants dans la maîtrise de l’argumentation en général et des connecteurs textuels en particulier, les auteurs du guide pédagogique proposent des activités supplémentaires. L’élève doit, par exemple, reconstituer les deux textes présentés en morceaux ci-dessous. L’un défend la présence de la publicité à la télévision, l’autre s’y oppose. Bien évidemment, le sens de chaque paragraphe constitue une aide fondamentale pour la reconstitution des textes, mais les connecteurs, eux aussi, jouent le rôle adjuvant pour trouver leurs structures.

Page 332: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

322

1. D’autre part, son seul but est économique. Peut-on vraiment admettre que la

télévision soit au service de l’économie ?

2. Ne faites donc pas la guerre à la publicité télévisuelle : laissez-la nous réjouir l’œil.

3. En effet, la publicité m’apparaît d’une part comme la négation de la liberté du

téléspectateur car elle lui tombe dessus sans qu’il puisse réagir puisqu’il regarde l’écran dans

un autre but. On ne peut tout de même pas couper le temps.

4. Elle est souvent bien faite, drôle et belle ; c’est une forme d’œuvre d’art, qui réjouit

l’œil.

5. La pub à la télé ne me dérange vraiment pas.

6. Enfin, elle m’a souvent permis de découvrir un produit que je ne connaissais pas et

qui valait la peine.

7. Bref, je supprimerais volontiers toute publicité des programmes de télé.

8. Par ailleurs, elle vaut parfois mieux que des émissions stupides, sans valeur

esthétique et répétitives.

9. C’est clair : je suis radicalement contre la pub à la télévision.

► Solution : Texte 1 : 9-3-1-7 ; Texte 2 : 5-4-8-6-2

Pour terminer cette partie, nous rappelons ce qu’affirme Grize (1982) selon lequel, lorsqu’on argumente, on est dans le domaine de la négociation discursive. Ainsi, l’emploi des marques spécifiques tels certains connecteurs ayant pour fonction d’indiquer l’orientation argumentative des énoncés (co ou anti-orientée), d’articuler des étayages opposés ou de présenter la conclusion,… joue un rôle important dans le discours argumentatif. Ces outils linguistiques servent d’indicateurs de base permettant une bonne compréhension du destinataire.

4.4. La mise en place des activités contextualisées : débats

En vue d’entraîner les élèves à la maîtrise de ces unités linguistiques et des connecteurs, Rond-Point propose une activité sous forme d’exercices à trous. Pourtant, ce qui différencie ce manuel des autres, c’est qu’il ne s’agit pas de remplir des phrases toutes courtes hors contexte, au contraire, les apprenants doivent travailler avec un débat radiophonique au sujet du piercing et des tatouages. Dans la transcription, on efface quelques mots et expressions qui figurent dans le tableau de support. La tâche de l’étudiant consiste à introduire dans ce texte argumentatif les connecteurs et organisateurs manquants.

Page 333: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

323

Face à ce genre d’exercice, le public vietnamien commence immédiatement la lecture de gauche à droite, de haut en bas, bref de ligne en ligne. Et à chaque fois qu’il y a un mot nouveau, il recourt au dictionnaire. Cette façon de travailler entraîne le fait que la proportion de bonnes réponses ne représente que 50%, voire 25% pour les élèves faibles. Le guide pédagogique de Rond-Point, encore une fois, a tracé une bonne orientation en suggérant aux apprenants que « pour pouvoir le faire, il faut qu’ils comprennent d’abord des positions des intervenants »43. Nous jugeons cette suggestion fondamentale pour réussir à lire et à écrire des textes argumentatifs.

Une autre caractéristique de cette méthode, c’est qu’elle fait travailler les élèves avec les introductions de débats. Est-ce que cette phase est importante ? La réponse est bien sûr affirmative. Parce que très souvent, les manuels proposent des enregistrements de débats trop longs. C’est pourquoi, un cours de langue de 90 minutes est loin d’être suffisant pour exploiter tous les aspects d’un débat et au niveau du contenu et au niveau des stratégies argumentatives. Ainsi, lorsqu’on demande aux élèves de faire un débat en classe, soit ils ne savent pas comment le faire, soit ils remplacent cette tâche par un jeu de rôle. L’étude des introductions des émissions de débats est par conséquent d’une importance primordiale. D’une part, elle fait comprendre aux élèves pourquoi dans les présentations de débats, au lieu de mentionner directement le thème, on tend à l’annoncer par une devinette, une question ou encore une histoire,… et les rendre plus habitués à détecter le thème de débats à travers la reconnaissance des mots clés. D’autre part, ces morceaux d’introductions de débats peuvent servir de modèles auxquels les apprenants font référence pour élaborer eux-mêmes d’autres petites introductions similaires. Ce travail est encore plus rentable s’ils veulent faire une comparaison entre le mode de présentation des débats radiophoniques ou télévisuels de leur pays et celui du pays dont ils apprennent la langue, c’est-à-dire la France.

Nous voudrions insister ici sur la manière de commencer un débat par une question, la solution la plus utilisée dans les manuels de FLE. Il ne s’agit pas simplement de l’affaire d’une présentation jolie ou efficace, ou d’une présentation à la façon française mais introduire un débat par une question, c’est vraiment la manière d’indiquer explicitement que l’on est dans une situation argumentative parce que la réponse va être Oui ou Non. A la réponse « Faut-il interdire les cours supplémentaires au niveau primaire au Vietnam ? » par exemple, certains vont répondre Oui, d’autres Non. La variété de réponses signifie immédiatement qu’on est dans une argumentation. De plus, l’orientation de la scène du débat qui va se jouer mènera les gens à donner une opinion Pour ou Contre de manière à pouvoir

43 Rond-Point, guide pédagogique, p.44

Page 334: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

324

répondre Oui ou Non. Donc, commencer un débat par une question constitue une manière très explicite, un très bon outil pour les apprenants vietnamiens qui commencent à se mettre à l’argumentation en français. C’est une bonne solution privilégiée parce qu’elle donne explicitement aux élèves des indications sur le type de discours qu’ils auront à tenir, c’est-à-dire leur fait savoir qu’il faut produire des arguments et, à partir des arguments finir par répondre à la fin Oui ou Non. En d’autres termes, cette voie de travail permet aux apprenants d’être le plus près possible de la caractéristique du discours et du débat argumentatif et ainsi, de mieux maîtriser l’argumentation.

La dernière suprématie de Rond-Point par rapport aux autres méthodes de FLE consiste à déterminer comme la tâche ciblée l’élaboration d’un débat au cours duquel les élèves doivent prendre position soit pour soit contre la télévision. Pour ce faire, ils doivent exposer leur point de vue et le défendre, autrement dit ils doivent énumérer et exemplifier des arguments ou concéder, recourir à des connecteurs et aussi à d’autres moyens linguistiques en vue d’une bonne organisation du discours. Bref, ils doivent argumenter face à quelqu’un qui défend une opinion contraire. C’est pourquoi, un autre débat est proposé. Cette fois, les étudiants n’ont plus à détecter le thème mais à écouter et à se faire une idée des positions que chaque participant va défendre. Ils sont invités à noter également les différents arguments avancés par les participants, par exemple :

Coralie : Pour. La télé est un moyen d’évasion.

Pascal Lumour : Pour. La télé peut être un outil pédagogique.

Denis Lambert : Contre. La violence à la télévision incite les enfants à être agressifs.

Gérard Rhodes : Pour. La violence à la télévision nous permet de nous libérer de notre agressivité.

Raymonde Pariot : Pour. La télévision est un moyen de connaître le monde. (Rond-Point, guide pédagogique, p. 49)

Cette activité vise à sensibiliser les étudiants à la présence de différentes personnes dans le débat : le meneur de débat qui a pour rôle de l’animer, de réguler les interventions, de tirer des conclusions,…et les participants relevant de deux camps pour ou contre.

En se basant sur les arguments qu’ils viennent d’entendre et sur ceux qui leur viennent à l’esprit en faveur de la télévision ou contre elle, les élèves choisissent une position à leur tour et se mettent en groupe avec ceux qui partagent la même position. Ils accumulent une série d’arguments en faveur de leur position tout en

Page 335: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

325

prévenant les objections éventuelles provenant du camp adverse et préparent des contre-arguments. Cette démarche est indispensable dans la phase de préparation car elle aboutit à la réussite de la tâche ciblée, étant donné qu’une argumentation implique toujours nécessairement la prise en compte de la position inverse du destinataire.

4.5. Les fiches d’évaluation

Avant de terminer, il nous paraît nécessaire de parler en quelques lignes des fiches d’évaluation de Rond-Point 2. C’est vraiment une méthode bien faite parce que toutes les activités proposées dans les fiches sont des activités contextualisées. Pour les accomplir, les apprenants devront mobiliser toutes leurs compétences et leurs connaissances travaillées dans l’unité précédant l’évaluation et même dans les unités antérieures. Etudions maintenant plus en détail les fiches d’évaluation de l’unité 6, et celles de tâche globale des unités 4-5-6.

L’évaluation de l’unité 6 comprend la tâche d’évaluation et les activités relatives aux ressources grammaticales et lexicales. Nous nous intéressons particulièrement à la première partie. L’apprenant est alors invité dans un premier temps à écouter un enregistrement d’une émission de radio « J’ai un problème » et à retenir les éléments essentiels du problème posé. A savoir que dans cette émission, l’auditeur parle de son problème et demande des conseils aux auditeurs et à un psychologue. Dans un deuxième temps, l’apprenant devra réagir au problème de façon personnelle et donner des conseils à l’auditeur. Pour réaliser cette tâche, non seulement il doit recourir à ses ressources linguistiques mais il lui est aussi nécessaire de bien savoir déterminer la situation de communication ; justifier, tenir compte des autres avis donnés, structurer sa prise de position et donner un conseil judicieux.

Dans la tâche globale, on évalue aussi l’élève sur sa capacité de prendre position sur un phénomène de société. Il s’agit dans ce cas des avantages et des inconvénients du téléphone portable.

L’évaluation comprend 5 phases :

• Dans la première phase, l’élève doit lire un fait divers portant sur l’utilisation abusive du téléphone portable et répondre par la suite aux questions de compréhension.

Page 336: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

326

• La deuxième phase consiste à l’écoute de la réaction d’une dame sur l’utilisation du portable. L’apprenant doit noter les arguments avancés contre ce moyen. Nous avons par exemples les arguments suivants :

- Perte du sens de la politesse.

- Introduction forcée dans l’intimité des gens.

- Dépenses excessives à cause du renouvellement constant des modèles.

L’importance de cette tâche consiste à la compréhension de toutes les idées et à la reformulation de façon cohérente de ces idées.

• Dans la troisième phase, chaque apprenant enregistrera son message sur le répondeur de l’émission en réaction à l’intervention de la dame.

C’est une tâche difficile qui lui demande une mobilisation maximale de toutes les ressources linguistiques acquises. Par ailleurs, l’élève doit aussi assurer la cohérence textuelle en suivant l’argumentation de la dame et en opposant les contre-arguments pertinents à ses arguments. Le guide pédagogique propose comme exemple des réponses suivantes :

- « Vous avez raison, Madame, une des caractéristiques du portable, c’est qu’il permet

d’atteindre le correspondant n’importe quand et n’importe où (ce qui, à votre âge –

pardonnez-moi – pourrait vous être bien utile) ; mais c’est à votre petit-fils de décider

de ce qui est poli ou non et de décrocher ou pas ; c’est comme la télé : on la regarde

toute la journée ou non. Mais la politesse ne dépend pas de l’appareil, mais bien de

l’utilisateur »

- « De la même façon, c’est à l’utilisateur de juger de ce qu’il peut dire en public ou

pas, pour ne pas vous obliger à entendre ses histoires personnelles ; vous, c’est vrai

que vous ne pouvez rien faire, s’il vous raconte sa vie… »

Il est bien clair que les différentes compétences discursives sont mobilisées : la concession, la justification, l’exemplification,… Ce qui compte le plus, c’est que l’élève s’entraîne à travers ce type d’exercice à prendre position et à justifier sa position. C’est une phase extrêmement importante de l’argumentation.

• Dans la quatrième phase, les apprenants travaillent en groupes et échangent leurs avis sur les avantages et les inconvénients du portable.

Le travail de groupe est une bonne solution pour les élèves. D’abord, ils peuvent exposer librement leurs opinions. Ensuite, grâce aux interventions d’autres participants, ils peuvent avoir de nouveaux avis, trouver de meilleures pistes pour nourrir leur propre positionnement. C’est sans doute dans cette phase que chaque apprenant prépare une position personnelle plus argumentée.

Page 337: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

327

• La dernière phase consiste à la rédaction d’un article pour le courrier des lecteurs du journal, dans lequel l’apprenant défendra sa propre position.

Pour ce faire, il est absolument nécessaire qu’il connaisse par cœur les caractéristiques du courrier des lecteurs, c’est-à-dire qu’il doit renvoyer à la problématique déjà traitée par le journal et exposer son avis personnel qui peut être positif, négatif ou mitigé. La justification de sa position se base sur la pertinence des arguments avancés.

Afin d’accomplir cette activité de type argumentatif, il faut aussi que l’élève veille à la cohérence textuelle. Le texte doit être bien présenté en paragraphes. L’utilisation des termes de reprise ainsi que des connecteurs nécessaires et adéquats joue un rôle important.

5. Quelques propositions didactiques

Nous venons de faire une analyse des manuels de FLE du point de vue de l’enseignement de l’argumentation. Cette compétence discursive est essentiellement exploitée à partir du niveau intermédiaire. Les auteurs des manuels ont introduit un bon nombre de textes argumentatifs, des enregistrements de dialogues authentiques dans lesquels les personnages expriment leur point de vue sur un problème quelconque et des débats où on prend position sur une question de société. En ce qui concerne l’enseignement de l’argumentation proprement dite, ils s’intéressent également à l’organisation du discours, à des techniques argumentatives et au lexique de l’argumentation… Mais, ces approches adoptées par les manuels de FLE ne semblent pas être satisfaisantes, surtout pour le public vietnamien. Cela tient à plusieurs raisons.

D’abord, du point de vue de la dimension culturelle, comme nous l’avons expliqué dans les chapitres précédents, les Vietnamiens en général adoptent une psychologie pacifiste sur le plan des relations sociales. Accordant une énorme importance à la préservation de la face de l’autre et de leur propre face, ils manifestent une préférence pour l’accord et évitent des formulations directes d’opposition. Autrement dit, ils mènent une attitude de souplesse dans les affrontements. Quant aux apprenants vietnamiens de français en particulier, ils ne sont guère enclins à prendre l'initiative de la parole, à poser des questions et à exprimer une opinion personnelle devant les autres. Dans cette perspective, il n’est pas toujours facile de leur demander d’engager une conversation sous forme de jeu de rôle comme celui cité ci-dessous :

Page 338: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

328

Complétez ces conversations à partir des situations suivantes :

Thomas trouve que la télévision publique, c’est très bien. Son ami Willem n’est pas du tout

d’accord : pour lui, la publicité est une manière d’informer le consommateur et les pubs sont

parfois amusantes et intelligentes. Mais, de cette manière, seules les chaînes privées

toucheront l’argent de la publicité.

Thomas – [Donner son avis]

Willem – [Exprimer son désaccord total / argumenter]

Thomas – [Exprimer son accord avec des réserves]

Willem – [Argumenter]

Thomas – [Exprimer son désaccord total / ne pas apprécier]

Willem – [Exprimer son désaccord total / argumenter]

Thomas – [Exprimer une appréciation] (Exercice 7, Alors ?, p 181)

Pour remédier à cette difficulté, l’enseignant doit attirer volontairement l’attention des étudiants sur l’impact de la divergence d’opinion en leur expliquant que le scénario ne sera intéressant que quand il y aura un problème à résoudre et que l'opinion des uns sera différente de celles des autres et que, s’ils sont toujours d'accord l'un avec l'autre, ils n'auront plus rien à dire. A ce propos, Kerbrat-Orecchioni a affirmé que « L’échange présuppose la différence et l’excès de consensus ne mène qu’au silence » (1996 : 92)

Il serait aussi probablement plus efficace d’entraîner les élèves dans un premier temps avec des situations d’argumentation plus consensuelles que conflictuelles, c’est-à-dire qu’on leur demande de recourir souvent à la concession au lieu de s’opposer violemment pour argumenter. Dans ce cas, la question de face n’est plus une grande question. Les élèves peuvent s’exprimer plus à l’aise, n’étant plus inquiets de violer le code comportemental vietnamien.

Ensuite, sur le plan de la dimension psychologique, nous nous intéressons particulièrement à l’implication personnelle dans l’argumentation. En effet, on ne peut bien argumenter sur quelque chose que quand on est impliqué dans le sujet. En d’autres termes, la qualité de l’argumentation dépend étroitement de la familiarité avec le thème. Cette particularité est d’une grande importance car quand on ne connaît pas bien le sujet, soit on risque d’être entièrement d’accord et immédiatement d’accord, soit on risque de tomber dans le silence. L’explication est tellement simple : si on ne connaît pas bien le sujet, on se trouve dans l’impossibilité de formuler des arguments et de prévoir des arguments opposés, d’où l’impossibilité

Page 339: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

329

d’objecter ou de réfuter. Par contre, face à un sujet familier, les élèves connaissent mieux les arguments et les contre-arguments se rapportant aux deux positions anti-orientées, donc ils parviennent mieux à les intégrer dans leurs discours. De plus, dans cette situation, ils se sentent véritablement impliqués dans le débat, ce qui leur permet de prévoir une meilleure organisation d’ensemble du discours argumentatif. Ils sont plus sûrs de ce qu’ils disent, d’où la présence des marques de certitude et la bonne maîtrise des marques de cohésion dans le discours.

Par ailleurs, le thème argumenté exerce aussi une incidence sur la motivation du joueur ainsi que sur la volonté de son engagement : les thèmes plus motivants peuvent faciliter la prise de parole, tandis que d'autres peuvent rendre l'apprenant mal à l'aise. Dans ce dernier cas, les joueurs se mettent alors à jouer sans jouer. Ils ne prennent pas le jeu au sérieux et souvent en sortent très vite. En revanche, face à des thèmes préférés, des sujets d’actualité ou de leur environnement, ils ont de quoi dire et font preuve de davantage d'initiatives pour développer les scénarios correspondants.

Il faut aussi tenir compte d’un autre aspect qui joue un rôle décisif, c’est l’enjeu dans l’argumentation. Si on veut vraiment gagner dans l’argumentation, on va chercher à tout prix des arguments pour justifier sa position. Or, dans les manuels de FLE, on demande aux étudiants de faire des débats sur « les associations caritatives ou humanitaires » (unité 7, Café crème 4), « l’élargissement de l’Europe, le droit de vote des étrangers, l’influence des signes astrologiques… » (unité 1, Edito). Avec des sujets de ce type, nous pouvons craindre que jamais les apprenants de FLE ne réussissent à s’impliquer, d’autant plus que ces sujets posent aussi énormément de problèmes même aux locuteurs natifs et au plan cognitif et au plan linguistique.

Enfin, sur le plan de la dimension linguistique, quelquefois l’enseignant propose aux apprenants des sujets familiers, mais ils n’arrivent pas à s’exprimer verbalement en français car ils ne connaissent pas les mots et les expressions liés au sujet.

L’analyse de ces différentes raisons se nourrissant l’une et l’autre nous permet de dégager les orientations pédagogiques suivantes :

• Le professeur laisse aux étudiants la liberté de choisir un sujet de débat : Dans ce cas, ils pourraient avoir des problèmes sur la dimension linguistique mais pas sur la dimension psychologique.

• Le professeur choisit un sujet de débat qui est familier, autrement dit qui ne présente pas trop de difficultés au public vietnamien. Dans ce cas, le

Page 340: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

330

professeur, connaissant bien ses étudiants car il est vietnamien, peut choisir les sujets qui les intéressent. En plus, en tant que professeur, il sait les outils linguistiques pour en discuter.

• Le professeur choisit un sujet de débat. Si le sujet pose une certaine difficulté aux étudiants, il est nécessaire que ces derniers et le professeur lui-même prennent le temps de le découvrir. Il faut un grand travail de la part du professeur sur le plan cognitif et sur le plan pratique. Quant aux apprenants, ils sont obligés de trouver des documents liés au thème traité afin d’accumuler les arguments et de prévoir des arguments opposés.

• La quatrième orientation pédagogique semble identique à ce que font les manuels de FLE. On propose un sujet accompagnés d’une série d’arguments pour et contre. Ensuite, on demande aux élèves de faire un débat ou d’écrire un texte dans lequel ils doivent prendre position et justifier cette position.

Cette activité contient en elle plusieurs risques, surtout à l’écrit car les apprenants peuvent avoir des difficultés dans le travail d’identification des arguments en faveur ou en défaveur. Ils risquent par conséquent de construire un texte absurde, c’est-à-dire un texte dans lequel les arguments se succèdent les uns après les autres sans un enchaînement logique entre eux.

Avec cette argumentation de genre « clé en main », les apprenants ne construisent pas eux-mêmes l’argumentation, d’où l’absence totale de l’implication personnelle et de l’enjeu, deux facteurs essentiels décidant la qualité d’une argumentation. Pourquoi cette remarque ?

Nous rappelons ce que nous avons dit plus haut, c’est qu’il faut que les apprenants s’approprient, investissent leurs arguments. Fournir aux étudiants une série d’arguments à l’avance risque de les amener au fait de se servir des arguments sans vraiment en maîtriser la portée et les accumuler sans vraiment les organiser correctement entre eux. En d’autres termes, on peut dire qu’avec cette argumentation de genre « clé en main », les apprenants ne construisent pas eux-mêmes l’argumentation, d’où l’absence totale de l’implication personnelle et de l’enjeu, deux facteurs essentiels décidant la qualité d’une argumentation. La nécessité absolue pour développer une argumentation cohérente, c’est que le locuteur se soit vraiment approprié les arguments, qu’il les connaisse. Par exemple, s’il adhère à tel ou tel argument, il doit être capable d’expliquer pourquoi il adhère ; s’il n’est pas d’accord avec tel ou tel argument, il doit aussi être capable de dire pourquoi il n’est pas d’accord.

Page 341: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

331

Récapitulation

Solution envisageable ?

Dans les parties précédentes, nous avons beaucoup parlé du « modèle communautaire », produit inéluctable de la culture profondément imprégnée par le Confucianisme. Ce modèle prend comme règle générale le principe de vivre en bonne intelligence avec son groupe d’appartenance. Il s’agit là d’une belle caractéristique vietnamienne qui fait que les gens essaient toujours de maintenir une bonne relation avec les autres. Mais cette ligne de conduite n’est pas toujours idéale, car elle présente dans certaines situations des inconvénients. Dans la vie quotidienne par exemple, quelquefois, pour éviter les conflits interactionnels, on évite d’exprimer des oppositions, ou bien si on le doit absolument, on essaie à tout prix d’atténuer ces oppositions par des formules de désaccord plutôt consensuelles que conflictuelles, étant donné que ces tournures ouvertement conflictuelles sont condamnées comme signe de la rupture totale sur le plan relationnel.

Dans un milieu plus institutionnel comme à l’école par exemple, cette ligne de conduite fait de la relation enseignant/enseigné une relation entièrement asymétrique de type supérieur/inférieur qui privilégie l’autorité absolue du professeur et la soumission totale de l’élève. Cette tendance, à son tour, entraîne le fait qu’il ne prend pas la parole en classe de sa propre initiative. Face à un sujet de débat lors duquel il doit prendre une position et la justifier, il est évident qu’il rencontre énormément de difficultés. Il lui arrive souvent d’être bloqué dans ce type d’activités argumentatives. A l’écrit, le problème reste toujours le même. Il n’arrive pas à exprimer son point de vue par des arguments quantitativement et qualitativement pertinents.

Alors quelle est la cause de cette attitude d’apprentissage ? D’où viennent ces difficultés des élèves ? Nous avons essayé de répondre à ces questions en parlant de la peur de faire des erreurs, de la tendance à organiser la réponse en pensée avant de la formuler, de la timidité, de la passivité, de la dépendance… Toutes ces raisons ne sont pas du tout fausses, mais elles semblent partager le même point de départ : la face. L’élève, par la préservation de sa propre face, n’ose plus prendre des initiatives. Il s’enferme dans un coin, tranquille et en pleine sécurité. Il renonce à l’autonomie, à la créativité, pour pouvoir vivre, en échange, en parfaite intelligence avec son entourage.

Page 342: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

332

La cause est bien évidente. Qu’est-ce que nous devons faire ? Améliorer la situation en cherchant à changer la mentalité vietnamienne ? ou plus précisément changer toute l’idéologie confucéenne ? Cette solution n’est pas du tout envisageable, pour ne pas dire qu’elle est complètement absurde. En d’autres termes, on peut affirmer que le diagnostic selon lequel le confucianisme est à l’origine de la passivité et de la dépendance des élèves n’amène à aucune action. Cette conception est entièrement de nature néo-colonialiste.

Il nous reste donc à chercher une autre issue. Et, apparemment, elle est à notre portée.

Perspective d’une nouvelle piste ?

En effet, l’analyse des manuels de FLE nous a ouvert le chemin. Elaborés pour se vendre à n’importe quel public dans le monde entier, ces manuels paraissent apparemment inadaptés au public vietnamien en ce qui concerne l’exploitation de l’argumentation, d’autant plus que cette compétence discursive n’a pas une place ancrée dans le programme d’enseignement/apprentissage du vietnamien langue maternelle. Ces points restrictifs concernent à la fois l’enseignement de l’argumentation proprement dit et la question des contenus argumentatifs. Ici, nous nous intéressons particulièrement au dernier point.

En effet, les auteurs des manuels de FLE proposent aux élèves de travailler avec des textes ennuyeux, mal choisis et mal intégrés dans la séquence d’enseignement. D’abord, ils sont « ennuyeux », « mal choisis », non pas en eux-mêmes, mais parce que les thèmes traités dans le texte tels que le droit de vote, la question d’assimilation, la francophonie… n’intéressent guère les élèves vietnamiens. Le sujet de téléréalité dont on a parlé dans la partie réservée à l’analyse de la méthode Rond-Point est aussi un exemple qui en témoigne.

Ensuite, ces textes sont « mal intégrés dans la séquence d'enseignement » parce que quelquefois, on aborde des thèmes qui pourraient être intéressants, mais qui n’ont aucun lien avec les connaissances préalables des apprenants vietnamiens. A citer comme exemple le thème de programme d’Erasmus.

D'une façon générale, les séquences sur l'argumentation ne font pas, ou très peu, de place au travail d'information préalable nécessaire pour que l'on puisse se constituer une position informée sur un sujet, et la défendre correctement. Il faut donc prévoir, en amont, une longue séquence de préparation à l'argumentation, à

Page 343: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

333

partir de matériaux fournis par le professeur, et à partir des recherches personnelles des élèves.

Sur le plan de la production orale, il est vrai que les manuels ont fait des progrès en introduisant des documents sonores authentiques comme les débats radiotélévisés. C’est la source abondante pour faire travailler l’argumentation aux élèves. Mais comme les textes écrits, il est regrettable qu’ils aient le même problème du point de vue du contenu traité.

Ainsi, quand les élèves passent à la phase de l’auto-production orale et écrite, ils sont nombreux à ne pas être à la hauteur de la consigne. Ils se montrent aussi passifs et n’arrivent pas à se débrouiller tout seuls.

Donc, quelle est la cause de ce problème ?

Pour nous, la cause essentielle de l’absence de la prise de parole et du caractère sommaire des rédactions des élèves ne réside pas dans ce qu’on appelle la « passivité » et la « dépendance » confucéennes. Certes, cet aspect culturel exerce une certaine influence sur le processus d’apprentissage des élèves mais il ne doit pas prendre en charge toutes leurs mauvaises habitudes. Autrement dit, les auteurs des manuels de FLE sont aussi les co-responsables de ce phénomène.

Mais de toute façon, il est vraiment difficile de leur imputer la faute car leur but final, c’est d’élaborer des unités didactiques pour un public « fantôme » et « universel ». Il leur est quasiment impossible, dans leur limite, de prendre en compte des particularités d’un public particulier, donc le Vietnamien.

Reste alors le travail de l’enseignant et des apprenants eux-mêmes, les vrais acteurs dans ce jeu si difficile et si complexe. C’est maintenant à eux de régler cette question de la mauvaise adaptation du thème à leur propre intérêt. Soit les apprenants doivent être courageux et choisir eux-mêmes le sujet traité, soit le professeur le choisit et accorde aux élèves suffisamment de temps pour découvrir le sujet, soit ils se mettent d’accord pour suivre un sujet proposé par le manuel. Pour toutes ces pistes de travail, en particulier le troisième, il faut nécessairement un grand travail de documentation et de préparation linguistique et civilisationnelle non seulement de la part du professeur mais aussi des élèves. Cette recherche des contenus argumentatifs d’une part leur donne l’envie de discuter et, pourquoi pas, de l'emporter, dans l’argumentation, ce qui est le facteur décisif, d’autre part les aide à construire des arguments et à prévoir des contre-arguments. Avec un bon travail préparatoire suffisant à l’avance, il est certain que la trop fameuse « passivité asiatique », plus particulièrement la « passivité vietnamienne », va disparaître totalement.

Page 344: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère

334

Dans une certaine mesure, on peut conclure que le cours de civilisation et d'information doit nécessairement précéder le cours d’argumentation.

Nous pouvons citer comme preuve l’exemple d'un sujet que nous avons analysé dans la troisième partie : l’exploitation de la bauxite au Vietnam. A supposer que ce sujet de débat soit traité avec nos élèves vietnamiens, nous faisons le pari que les étudiants s'engageront activement dans la discussion. Pourquoi ? Parce que c’est une question d’actualité qui intéresse en ce moment presque tous les Vietnamiens dans et à l’extérieur du pays, et que la question de la bauxite est considérée comme étant liée directement au sort de ce pays sur tous les plans : la politique, la culture, la sécurité sociale et la défense nationale. C’est pourquoi, les Vietnamiens, pour la première fois, ont eu le courage de démolir la conception traditionnelle dans le comportement interpersonnel, qui est de vivre en harmonie avec son groupe d’appartenance. L’exemple montre bien qu'on peut vivre en harmonie avec son groupe d'appartenance tout en maintenant un débat ouvert comme le dit Plantin, l’état de dissensus est parfaitement normal. Les Vietnamiens osent maintenant exprimer ouvertement leurs opinions divergentes autour de cette question « chaude ». Ils concèdent, ils objectent, ils réfutent, ils contredisent… bref, ils ont recours à toutes les stratégies d’argumentation, à des types d’arguments variés pour justifier leurs positions. Bien évidemment, on n’oublie pas de parler du rôle d’un grand personnage politique qui a une grande influence sur l’ensemble du peuple vietnamien et qui est le premier à prendre l’initiative de prise de position sur cette question de société, le général Giap, pour lequel on appelle ce mouvement « la dernière bataille de sa vie ».

Pour conclure, nous dirions que, face à une question qui a un rapport direct avec notre intérêt, nous pouvons laisser de côté notre passivité et notre dépendance qu'on nous attribue et qui, apparemment, nous sont très chères. Ce sera pareil avec les élèves. Quand ils auront à travailler avec un sujet proche de leurs intérêts, proche de leurs connaissances préalables ; quand ils seront suffisamment préparés du point de vue cognitif, ils n’auront certainement plus de difficultés dans la tâche d’argumenter. C'est notre pari.

Page 345: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

335

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

1. Les principes d’élaboration des unités didactiques

Dans ce chapitre, nous envisageons d’élaborer, pour le public avancé en langue française, des unités didactiques portant sur des thèmes qui sont respectivement la caméra de surveillance, la croissance économique et le clonage humain. Chaque unité didactique comprend des fiches pour l’étudiant et d’autres pour l’enseignant.

1.1. Le choix des thèmes

Le choix de ces 3 thèmes a été réalisé à partir des dimensions suivantes :

- La dimension psychologique comprenant les motivations, les intérêts des apprenants par rapport au thème traité.

- La dimension cognitive qui renvoie à la complexité du thème et à l’état des connaissances des élèves. Autrement dit, ce thème doit leur permettre un approfondissement des prises de position et un enrichissement des arguments. Bref, il doit permettre une vraie progression des apprenants.

- La dimension psycho-communicative qui demande que le thème choisi soit susceptible de provoquer des opinions différentes, voire opposées, ce qui favorise la réalisation d’un débat et, on le souhaite, d’une progression.

- La dimension didactique qui veut que le thème ne soit pas trop quotidien. Les élèves, pour pouvoir argumenter, se trouvent dans l’obligation de consulter des documents et de découvrir de nouvelles informations.

Page 346: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

336

- La dimension linguistique qui veut que l’étude linguistique de l’argumentation démarre à partir d’extraits de presse, de discours de médias, de discussions ou de débats sur des questions d’actualité. Les argumentations, même les plus complexes, ayant leurs racines dans les échanges de la vie ordinaire, constituent une source naturelle et efficace pour la réflexion.

1.2. Le choix des documents de travail

En ce qui concerne la recherche des documents de travail, nous avons rencontré de nombreuses difficultés. Ayant pour but de développer chez les élèves l’argumentation orale, nous sommes conscients de la nécessité d’utiliser des documents oraux tels que les reportages, les débats, les micro-trottoir parce que ces enregistrements authentiques aident les élèves, non seulement à s’approprier le contenu argumentatif autour du thème en question, mais aussi à découvrir les moyens linguistiques oraux utilisés dans les pratiques sociales de référence. En effet, les manières d’aborder les choses et de les dire ne sont pas les mêmes à l’écrit qu’à l’oral.

Pourtant, il n’est pas du tout facile de trouver des documents oraux authentiques accessibles aux élèves. Les raisons sont nombreuses. D’une part, ils sont longs. Cela n’est pas difficile à comprendre parce que pour produire un discours argumentatif, les gens ont besoin d’une certaine durée : ils doivent chercher des arguments, des contre-arguments, les arguments eux-mêmes avancent étape par étape, et parfois, ils reculent. D’autre part, ces documents oraux nous posent des problèmes de transcription car il y a beaucoup de sons inaudibles en raison des questions liées au débit, à la vitesse, et aussi en raison de la connexion à l’internet d’où une mauvaise qualité d’enregistrement. A ces raisons, il faut ajouter que certains documents sont difficiles pour nous-mêmes, ce qui entraîne l’impossibilité de les faire travailler aux étudiants, d’autant plus que la compréhension orale leur pose souvent des difficultés. Par ailleurs, il faut dire que les documents écrits sont beaucoup plus nombreux et aussi plus accessibles.

Dans cette situation, nous avons surtout proposé, dans les séquences que nous avons élaborées, des articles de presse en nous efforçant d’introduire quelques documents oraux. Le dossier portant sur le thème du clonage en est un exemple : nous avons proposé sept textes de la presse écrite et quatre documents audio et audiovisuels.

Page 347: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

337

Nous avons essayé également de proposer différentes activités visant à développer les capacités d’argumenter à l’oral comme la discussion, le jeu de rôle avant de passer à la tâche finale : le débat.

1.3. Le débat – la tâche ciblée de chaque unité didactique

1.3.1. Qu’est-ce que le débat en classe ?

Le débat est une forme de communication verbale qui demande chez les participants une bonne maîtrise de l’argumentation. Cette activité est donc d’une grande importance en milieu scolaire occidental où les capacités de défendre oralement ou par écrit une opinion, un choix, une démarche font partie des objectifs prioritaires.

A propos du débat, nous entendons parler du débat scientifique, du débat politique… Est-ce que le débat en classe a les mêmes caractéristiques que ces débats mentionnés ?

Nous rappelons ici le propos de Perelman selon lequel toute argumentation vise à « l’adhésion des esprits » (1958). On ne débat généralement pas pour faire valoir des positions égoïstes, absurdes, ni pour dominer ou ridiculiser l’adversaire. Au contraire, le débat, notamment celui se déroulant en classe, doit fonctionner comme un outil pour construire collectivement des connaissances à propos de problèmes sociaux et pour créer une plus grande aisance dans la manipulation des instruments linguistiques. Dans cette perspective, il demande aux apprenants une certaine préparation. En d’autres termes, on peut dire qu’apprendre à débattre signifie apprendre à se documenter, à comprendre les documents dans une perspective de controverse et de recherche d’arguments. Le débat, constitué d’interventions dont chacune a la fonction d’apporter des éclairages à la question posée, est aussi un outil de réflexion collective permettant aux participants, c’est-à-dire aux élèves, de préciser et de modifier leur position initiale grâce à l’apport des autres.

Pour conclure, on dit que débattre en classe consiste à s’engager dans un dialogue afin de transformer la conviction d’autrui avec son accord, à échanger des arguments en vue d’un accord sur un but.

« Ce but peut être l’établissement d’une position commune, la clarification d’un problème, l’approfondissement d’une contradiction, d’une divergence ou encore l’exploration d’une compréhension – tout sauf la simple affirmation d’une supériorité vocale » (Plantin, 1990 :280)

Page 348: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

338

1.3.2. Pourquoi le débat ?

Pourquoi avons-nous choisi le débat comme la tâche finale de nos unités didactiques ?

Avant de répondre à cette question, nous remarquons qu’au Vietnam, la pratique du débat en classe n’est pas quelque chose de tout à fait nouveau, mais par rapport au jeu de rôle ou à la discussion, ce genre oral de communication n’est guère développé. Pourtant, nous espérons que, dans quelque temps, les séquences didactiques pour le débat deviendront de plus en plus présentes dans le cursus scolaire.

Ce genre d’activité, bien qu’il ne soit pas très pratiqué dans les classes de langue au Vietnam pour diverses raisons, est, d’après nous, d’une grande importance, notamment dans l’enseignement/apprentissage de l’argumentation. Débattre est un exercice de communication orale particulièrement difficile. Ce travail, selon Mirabail, ne se limite pas seulement à l’acquisition des moyens linguistiques, de techniques stylistiques et d’habiletés rhétoriques. Il demande encore, comme nous l’avons expliqué plus haut, une collaboration maximale entre l’enseignant et l’apprenant du point de vue de l’appropriation du contenu argumentatif sur le thème à discuter. C’est pourquoi, il est hors de question de mener à bien cette activité après quelques séances de travail en classe. Cette raison est une parmi d’autres du refus du débat en classe de langue dans notre pays. Mais ce serait une grave erreur de négliger cet exercice si l’on veut développer chez les élèves des capacités à argumenter.

En effet, au niveau linguistique, à travers le débat, on s’entraîne à présenter un point de vue, à proposer des idées aux autres en leur donnant de bonnes raisons d’y adhérer, à réfuter ce qui pourrait ébranler sa position, à nuancer son jugement en fonction des objections, à organiser son discours, à renforcer ses propres opinions mais aussi à les mettre en doute,…etc.

Sur le plan communicatif, la pratique du débat vise à développer des compétences discursives des apprenants. Ceux-ci apprennent à structurer leur pensée intérieurement avant de l’exprimer oralement, à prendre la parole en public pour verbaliser leur réflexion, à prendre en compte l’opinion des autres dans l’élaboration de leur propre avis…

En ce qui concerne l’aspect social et aussi individuel, le débat permet le développement des capacités de se situer, de prendre position, d’intégrer la parole de l’autre dans son propre discours. A travers son fonctionnement, on apprend

Page 349: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

339

également à percevoir des rôles sociaux des débatteurs, à réguler des échanges, à respecter des tours de parole, à écouter et à respecter la parole de l’autre.

Bref, le débat, permettant aux élèves, d’une part, d’analyser les conditions sociales de production et de réception à l’oral et, d’autre part, de s’approprier toute une stratégie argumentative, mérite d’être la première activité à travailler.

A cette raison, il faut en ajouter une autre concernant le travail de groupe, une procédure préalable à la pratique du débat. Nous le disons parce qu’apprendre à débattre, c’est d’abord apprendre à travailler en groupe. Ce type de travail demande une implication maximale de chaque personne. Mettant l’apprenant au centre, ce type d’organisation d’activités est avantageux car il tend à l’acquisition d’habiletés sociales, socio-affectives comme la politesse, l’estime de soi, le respect des autres. Cette démarche est aussi le meilleur chemin qui favorise le partage du savoir et du savoir faire sur un mode coopératif. Elle permet aux apprenants de s’investir naturellement dans leur tâche et de l’assumer pleinement en collaboration avec l’ensemble du groupe. Autrement dit, le débat leur donne l’occasion d’accéder à l’autonomie en créant une bonne ambiance dans la classe et alors ils peuvent surpasser la fameuse timidité asiatique, la peur des erreurs et celle d’être ridiculisés devant les autres pour s’exprimer ouvertement. En conclusion, le débat est une pratique nécessaire pour permettre à chaque élève d’acquérir aisance et confiance en soi pour faire preuve d’une autonomie de pensée et d’expression.

1.3.3. A quel stade le débat est-il introduit ?

Le débat est toujours situé en fin de chaque unité didactique. La pratique de ce genre d’activité ne se réalise qu’une fois que les apprenants ont acquis les structures langagières leur permettant d’argumenter et une quantité déterminée d’information sur le thème sur lequel ils devront débattre, suffisante pour pouvoir exprimer clairement leur point de vue et prévoir des contre-arguments provenant de l’autre camp.

1.4. Hypothèses didactiques

1.4.1. Gestion du temps

Notre première hypothèse didactique concerne la gestion du temps.

En effet, en classe de langue, nous avons des contraintes dont l’une porte sur la question de la durée du document par rapport à la durée de la séance.

Page 350: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

340

Comme nous l’avons expliqué plus haut, il nous est difficile de trouver un débat audio ou audiovisuel de courte durée. En moyenne, nos débats durent environ une dizaine de minutes, d’où l’impossibilité de le faire travailler pendant une seule séance de 45 minutes car il faut travailler en même temps la compréhension et la mise en œuvre de la capacité de l’argumentation en français pour ne pas citer ici la discussion des étudiants sur les différentes positions dans le débat. C’est pourquoi, pour assurer une bonne compréhension de ce genre d’activité orale, et au niveau du contenu et au niveau de la forme, nous proposons souvent 4 séances de travail pour un débat audio.

Pour les textes de presse écrite, le nombre des séances proposées varie en fonction de la longueur et de la difficulté du document.

A ce propos, nous voudrions remarquer que la troisième unité comprend en tout 7 textes de presse écrite extraits du Monde et 4 enregistrements sonores. Malgré cette abondance du support de travail due à la complexité du thème : « Le clonage humain », il n’est pas obligatoire que l’enseignant fasse travailler tous les documents. Ce dernier peut choisir ceux qui lui plaisent le plus, qui conviennent le plus, d’après lui, au niveau de français de ses apprenants, qui assurent le parfait équilibre entre le nombre de séances accordé et le contenu à travailler et qui, évidemment, sont susceptibles d’apporter le plus d’efficacité en matière de la qualité de la formation.

1.4.2. Méthodologie de la production

Notre deuxième hypothèse didactique porte sur la méthodologie de la production.

Nous partons du principe selon lequel entraîner les gens à la production, c’est leur faire reproduire des modèles. Or, tous les discours portent en eux une dimension culturelle. Le débat, une interaction polémique, ne fait pas exception. Sa forme varie d’une culture à une autre. En effet, nous pouvons observer, sans beaucoup de difficultés, les différences émergentes entre le débat vietnamien et le débat français. Ci-dessous quelques exemples :

a) Du point de vue de la prise de parole, les débatteurs vietnamiens respectent rigoureusement la règle d’alternance des tours (une seule personne parle à la fois). Ils attendent poliment et patiemment leur tour distribué par l’animateur du débat, même si un autre locuteur a abandonné son tour. Dans le débat vietnamien intitulé « Đối thoại cuối tuần » (Dialogue en fin de la semaine) portant sur la protection des animaux sauvages que nous avons traduit en langue française, nous

Page 351: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

341

ne trouvons quasiment aucun chevauchement donc aucune interruption corrélative. Les tours de parole se succèdent sans empiéter les uns sur les autres. Pourquoi cette tendance ? Parce que les gens ne cherchent pas à réclamer, ni à conquérir la parole, considérant les chevauchements comme un acte impoli qui menace la face de l’interlocuteur. Dans cette situation, le meneur du débat joue le rôle de distributeur des tours de parole par le biais des questions :

- Dans notre pays, il y a plusieurs espèces d’animaux qui risquent de disparaître à cause de la chasse et du massacre. La conséquence de ce fait est difficile à prévoir. Madame Hoang Thanh Nhan, à votre avis, est-ce qu’il nous faut adopter des pénalités très sévères pour dissuader les coupables ?

- Madame Nguyen Thi Van Anh, partagez-vous l’opinion de Madame Hoang Thanh Nhan ?44

Ce comportement se révèle bien différent de celui des Français, pour qui l’interruption et l’intrusion sont des pratiques quasi structurelles des débats. Par conséquent, dans le cadre d’un débat, même si les tours sont alloués par un modérateur, ce dernier a parfois du mal à rappeler les participants à l’ordre :

- L’un après l’autre, s’il vous plaît, Claude Greffe puis Bruno Julliard

- Pour la clarté, l’un après l’autre, s’il vous plaît !

- Je marque une pause (les deux débatteurs continuent à dire) une pause dans ce débat […] Je voudrais qu’on soit extrêmement concrets, vous demandant l’un et l’autre une proposition pratique pour les élèves, pour les parents et pour les enseignants qui nous écoutent45

Dans une certaine mesure, la violation du système des tours est interprétable comme une particularité des débats français.

b) Du point de vue de la prise de position, les Français manifestent explicitement leur point de vue et sont entièrement prêts à s’engager dans une confrontation d’idées comme dans l’exemple suivant :

Claude Greffe : Eh bien, écoutez, vous êtes en train de vous contredire en permanence

Bruno Julliard : Mais non attendez, pas du tout, je vais vous dire

44 Ces exemples sont extraits d’un débat portant sur la protection des animaux sauvages, l’émission

« Đối thoại cuối tuần » (Dialogue en fin de la semaine) diffusé sur VOV1, la Radio du Vietnam. 45 Ces exemples sont extraits du débat intitulé « École : plus de moyens pour moins de violence » http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2010-02-17-ecole-plus-de-moyens-pour-

moins-de-violence-406331-81-189.html (consulté le 17 février 2010)

Page 352: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

342

CG : Vous êtes en train de vous contredire en permanence. Tout dépend des questions de moyens et après pas de question de moyens

[…]

BJ : Je me contredis moins que vous lors que vous appelez à des solutions régulées et concertées alors que vous ne mettez pas les moyens humains en face pour permettre d’arriver à ces solutions concertées

CG : Est-ce qu’on a

BJ : Attendez, ce que je dis sera très bref, c’est qu’il faut des moyens humains supplémentaires, mais pour répondre à des objectifs particuliers et précis il faut changer, là il faut une réforme profonde au niveau des collèges […] mais il n’y a pas une seule réforme dans votre carton alors même que c’est aujourd’hui que les inégalités sociales

Les Vietnamiens, quant à eux, tendent à éviter les affrontements, les confrontations même dans les conversations quotidiennes, pour ne pas dire dans les débats, situation publique où l’acte de menacer la face de l’autre est censé être extrêmement grave parce qu’il risque de blesser l’interactant. Ainsi, le débatteur « conduit » presque toujours, en apparence, son discours vers la même orientation argumentative que son partenaire. La recherche du consensus se trouve pour autant fréquemment au début des interventions du Vietnamien bien que ce dernier, dans la suite de son énonciation, rejette tout ce avec quoi il avait dit être d’accord :

Tout d’abord, je voudrais affirmer que je suis entièrement d’accord avec l’option de développement industriel de l’exploitation de la bauxite et de la fabrication de l’aluminium. Mais, après la lecture du rapport du gouvernement, je ne pense pas pouvoir répondre aux trois questions soulevées actuellement par l’opinion publique. Ce sont respectivement l’efficacité économique, l’impact écologique et social et la défense nationale46

Un autre point intéressant à remarquer, c’est que le Vietnamien n’utilise pas très souvent des expressions manifestant explicitement sa prise de position opposée telles que « je ne suis pas d’accord, on a tort de dire que, je ne partage pas ce point de vue,… ». Au contraire, il introduit une position antagoniste par l’intermédiaire des expressions qui expriment plutôt une direction de réfutation : « ces constatations

46 Discours prononcé par Monsieur le député Nguyen Minh Thuyet lors de la réunion de l’Assemblée

nationale le 26 mai 2009

Page 353: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

343

n’ont pas de raisons d’être », « elles ne sont pas du tout exactes ». C’est le cas de l’exemple suivant47:

Animateur du débat : Monsieur Do Quang Tung, selon quelques organisations comme l’association de la protection des animaux sauvages et le bureau des questions forestières, les autorités n’ont réussi qu’à repérer 20 % des violations concernant les animaux sauvages. 80% des cas ont échappé à la police. D’après vous, quelles sont les difficultés dans la surveillance et dans la sanction de ces violations ?

M. Do Quang Tung : En ce qui concerne le propos de certaines organisations que vous venez de mentionner, je peux vous affirmer que ces constatations n’ont pas de raisons d’être et qu’elles ne sont pas du tout exactes. Actuellement, dans le monde entier, il n’existe pas encore une méthodologie qui puisse déterminer le pourcentage des violations détectées ainsi que celui des affaires ayant échappé à la loi. D’ailleurs, le bureau des questions forestières n’a jamais donné une telle affirmation disant que 20 % des violations qui concernent les animaux sauvages ont été découvertes. Au Vietnam, en dehors des actes juridiques déterminant les différents types de sanctions, nous avons encore des organes autorisés chargés de l’exécution des lois concernant la surveillance des animaux sauvages. Nous avons par exemple des gardes-forestiers, des douaniers, des gardes-frontières ou des gestionnaires du marché…tous ces gens participent à la mission de sauvegarde des animaux sauvages. C’est pourquoi, si on se contente de dire que seulement 20% des violations ont été punies, je crains que cette observation soit un peu subjective, qu’elle puisse influer défavorablement sur le prestige du Vietnam dans le monde entier en ce qui concerne la réalisation de ces activités.

Dans son intervention, bien que Do Quang Tung ne soit pas d’accord avec les chiffres qu’a donnés l’animateur du débat, il reste toujours discret et courtois en disant : « je peux vous affirmer que ces constatations n’ont pas de raisons d’être et qu’elles ne sont pas du tout exactes » et vers la fin de sa réponse « je crains que cette observation soit un peu subjective ». Bien sûr, dire que « je ne suis pas d’accord avec ces chiffres » ou « vous avez tort de croire à ces chiffres » ne signifie pas qu’on est impoli mais ce genre de réaction, pour les Vietnamiens, est considéré comme une manière d’accabler l’interlocuteur, donc il est à éviter même si on a raison.

47 Cet exemple est extrait d’un débat portant sur la protection des animaux sauvages, l’émission « Đối

thoại cuối tuần » (Dialogue en fin de la semaine) diffusé sur VOV1, la Radio du Vietnam. (Voir en annexe 6).

Page 354: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

344

Vu ces différences plus ou moins culturellement marquées, nous notons l’importance de sensibiliser les élèves à cette forme d’interaction argumentative à la française. La prise en compte de la diversité culturelle des élèves est en fait une nécessité pédagogique pour la réussite de l’apprentissage, surtout l’apprentissage du débat.

En d’autres termes, si l’on a comme objectif de faire débattre les élèves sur une question de société, il nous faut leur montrer comment fonctionne le débat à la française. Écouter et regarder des débats, notamment des débats à la radio et des débats télévisés, constitue donc une bonne occasion pour les apprenants de comprendre comment les Français mènent un débat, comment le président de séance (le meneur de jeu) l’organise, comment il présente le sujet, comment il donne la parole aux participants, comment il coupe la parole de quelqu’un qui n’argumente pas bien ou qui argumente trop longuement, comment il relance le débat qui s’arrête, comment un participant approuve un autre qui a le même argument que lui, comment il conteste l’argument d’un autre, quelle expression il utilise pour lui dire qu’il n’est pas d’accord avec tel ou tel argument, comment il fait la concession, comment il réfute, comment il reprend l’argument de son adversaire. Pourtant, tout cela ne revient pas à dire qu’on ne s’intéresse qu’à la forme du débat car un cours de production inclut forcément une phase de compréhension. Le travail sur un débat comprend donc nécessairement deux étapes :

• 1er étape : Étape de compréhension reposant sur des questions qui visent à faire repérer le contenu.

• 2e étape : Étape de repérage de la forme du débat français reposant sur des consignes qui visent à faire creuser la manière dont le débat se déroule.

Nous préférons ici préciser ce que nous entendons par « compréhension » et « forme ». Le terme « forme » renvoie dans ce cas à des structures discursivo-linguistiques. La « compréhension », quant à elle, est un peu plus complexe. Pourquoi ? Parce qu’il arrive souvent que les étudiants, même lorsqu’ils donnent de bonnes réponses aux questions de compréhension du texte, ne semblent saisir ni les implications des questions posées, ni celles des réponses. Cela n’est pas étonnant ! Pour expliquer ce phénomène, étudions la notion « compréhension » sous l’angle argumentatif au lieu de sémantique. En effet, chaque texte, d’après nous, constitue un tout complet et cohérent des arguments pertinents, orientés vers une conclusion qui lui donne sa signification. Cette conclusion, qu’on appelle encore la « visée argumentative » du texte, est souvent implicite ; et seule la personne qui aura compris le texte sera capable de l’interpréter. En terme de Plantin :

Page 355: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

345

« comprendre, c’est donc entrer dans une activité argumentative, prolonger des inférences, reconstruire une problématique. […] Pour comprendre, le destinataire doit avoir été confronté aux chocs argumentatifs qui vont animer le texte ; c’est précisément cet entrecroisement des arguments et des contre-arguments qui explique la nature radicalement polyphonique du discours argumentatif » (Plantin, 1990 : 282-283)

Ce qui compte le plus pour l’enseignant, c’est qu’il ne doit surtout pas limiter son rôle à celui d’un « transmetteur de savoir », c’est-à-dire qu’il ne doit pas se contenter de fournir aux étudiants quelques informations autour du texte. Il doit savoir les amener à aller plus loin, vers une analyse argumentative qui leur permettra de définir le sens du texte comme sa visée argumentative, autrement dit, de recontruire la problématique qui organise les informations contenues dans le texte. Ce travail, jusqu’à présent, constitue toujours un grand défi pour la majorité des enseignants de langues, maternelle et étrangère, au Vietnam.

Un autre point important pour l’enseignant, c’est de retenir que son cours n’est pas prioritairement un cours de compréhension mais un cours de préparation à la production, d’où la nécessité d’investir suffisamment de temps à cette phase de repérage des formes discursives. Nous insistons sur ce point parce que les enseignants vietnamiens, très souvent, tendent à accorder trop de temps à la compréhension sémantique, et du coup, ils s’aperçoivent qu’ils n’ont que quelques minutes pour balayer les stratégies discursives, ce qui, par conséquent, rend la tâche difficilement réalisable à cause de l’absence de modèle.

En guise de conclusion, nous affirmons que l’analyse des caractéristiques des débats, du point de vue du contenu, d’une part, et de stratégies discursives verbales, d’autre part, permet aux élèves au fur et à mesure de construire un outil de travail leur permettant d’organiser ensuite, entre eux, des débats du même type, en mettant en œuvre le modèle ainsi mis à jour.

1.4.3. Stratégie d’exploitation

La première démarche est faite. Il nous reste donc à reproduire ce qu’on modélise. Pour ce travail, il importe de faire travailler sur le contenu argumentatif. Cette phase d’appropriation des arguments est aussi d’une importance cruciale car on n’argumente bien que sur des thèmes et des arguments qu’on connaît bien. Autrement dit, un apprenant ne peut ni discuter ni produire des discours argumentatifs s’il n’a pas d’idées sur le sujet sur lequel il doit travailler. L’argumentation, dans ce sens, est liée non seulement à la connaissance de surface du sujet mais aussi à l’opinion un peu solide qu’on peut en avoir. Dans cette

Page 356: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

346

perspective, la tâche de l’enseignant s’avère donc difficile car ce dernier doit traiter le sujet de telle manière que les apprenants arrivent à en penser quelque chose. C’est-à-dire qu’il doit conduire doucement les apprenants vers l’argumentation en essayant de les amener à s’exprimer sur la question étudiée et éventuellement à s’en faire une opinion.

Afin de favoriser ce travail si important et si délicat, nous suivons la démarche proposée par Patrick Charaudeau tout en adaptant la grille de lecture des textes argumentatifs d’Alain Boissinot :

• 1ere étape : Problématiser

Cette étape consiste à déterminer la « condition de disputabilité » (Charaudeau, 2008 : 29). Ce point de vue rejoint celui de Plantin, d’après qui, « la mise en question est une condition nécessaire au développement d’une argumentation » (selon document de travail)

Ainsi, lors de cette phase, le professeur donne des consignes visant à faire déterminer le domaine thématique du document et également le cadre de questionnement qui amène le destinataire à s’interroger là-dessus. Pour les documents écrits, il est conseillé d’orienter le travail des élèves vers les éléments qui renseignent sur l’organisation du texte : la disposition typographique (le titre, le sous-titre, le chapeau,…). Le repérage de ces éléments les aide à mieux accomplir cette première phase d’activité cognitive.

• 2e étape : Se positionner

Lors de cette phase, le sujet argumentant expose son point de vue vis-à-vis de la problématisation. Il s’engage donc dans une prise de position en :

- argumentant soit en faveur d’une position

- argumentant contre une position

- argumentant soit en faveur de l’une et en défaveur de l’autre

Il arrive aussi que le sujet qui argumente ne prenne pas parti. Il se contente simplement d’examiner les avantages et les inconvénients de chaque position. Dans ce cas, le sujet argumentant, selon l’expression de Charaudeau, prend « une position de neutralité qui consiste à pondérer un point de vue par l’autre et à examiner les différents positionnements » (2008 : 8).

Ainsi, pour faire travailler sur les différentes prises de position, le professeur pose aux étudiants des questions du type :

- Quelles sont les thèses en présence ?

Page 357: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

347

- Quelle est la position de Untel ?

- Quelle est la thèse défendue par Untel ?

• 3e étape : Prouver

La problématisation et le positionnement ne constituent pas le tout de l’argumentation. En effet, lors de cette troisième phase, le sujet argumentant doit essayer de démontrer la validité de sa prise de position. Ce travail lui demande, d’une part, de choisir les modes de raisonnement qui consistent à établir un rapport causal entre les assertions et à assurer la force du lien entre elles, d’autre part, de recourir aux arguments qu’il juge les meilleurs pour garantir la validité de son point de vue et/ou pour pouvoir produire un impact sur le sujet destinataire. Cette phase est d’une grande importance car elle vise à faire adhérer l’interlocuteur à la position du sujet argumentant, celui-ci peut donc soit l’approuver soit la rejeter.

Par conséquent, en vue d’entraîner les étudiants au travail d’analyse des arguments, le professeur leur pose les questions suivantes :

- Quel mode de raisonnement utilise Untel pour montrer la validité de sa thèse ?

- Quels sont les arguments qu’utilise Untel pour défendre sa thèse ?

- Combien d’arguments soutiennent la thèse de Untel ? Lesquels ?

- Quels sont les différents arguments ? A quelle thèse se rattachent-ils ?

- Comment sont-ils agencés ?

1.4.4. Faut-il un enseignement préalable ?

La question qui nous est maintenant posée c’est que, si nos étudiants vietnamiens n’arrivent pas tous à comprendre et à répondre à ces questionnements, faut-il leur fournir un enseignement préalable portant sur les notions de base de l’argumentation en vue de favoriser leur compréhension ? Autrement dit, on rencontre ici un point essentiel : Quel langage analytique allons-nous donner aux étudiants de français langue étrangère, dont l’argumentation n’est pas la spécialité ?

Notre position serait qu’il faut éviter à tout prix des cours purement théoriques d’argumentation. Bien que ce genre de solutions puisse être de quelque secours parce que les élèves ont du mal à maîtriser le langage de l’argumentation, son utilité n’est pas flagrante dans le cadre de la classe de français langue étrangère. Nous craignons même que ce cours devienne ennuyeux et frustre les apprenants d’autant plus que ces derniers préfèrent toujours une alliance de la théorie et de la

Page 358: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

348

pratique. Notre pari est qu’ils s’intéressent beaucoup plus à un cours traitant des argumentations qu’ils lisent et écoutent quotidiennement qu’à un cours savant, d’aucun intérêt pour eux. A partir de ces constatations, notre réponse à la question mentionnée ci-dessus est la suivante : Il est important que l’enseignement du lexique général de l’argumentation se fasse à partir et en liaison avec du vocabulaire spontané. Autrement dit, l’étude de l’argumentation participe des apprentissage fondementaux que doit développer l’enseignement de la langue. Pourquoi ?

En plagiant Plantin, on pourrait dire que le langage ordinaire autorise le passage à un niveau « métalinguistique ». Aussi permet-il d’argumenter et de parler de l’argumentation.

On parle de l’argumentation dans la langue ordinaire lorsqu’on s’efforce de réfléchir sur cette pratique linguistique. A partir de ces discours spontanés se dégagent quelques directions dans lesquelles sont construits des métalangages théoriques et des théories de l’argumentation. (Plantin, 1996 :14)

Ainsi, Plantin a parlé de l’argumentation comme suit :

« La norme argumentative est l’efficacité : le « discours » bien argumenté est celui qui fait bien faire, qu’il s’agisse de faire bien voter, faire bien aimer ou faire bien acheter. Soulignons qu’il s’agit de faire faire, et non pas de faire croire. Les catégories de la persuasion, de la vérité, de la croyance ou de la conviction sont ici subordonnées aux problématiques du faire.[…]. Argumenter, c’est influencer ».

« Le but de l’activité argumentative est la construction d’un consensus, la résolution des différences d’opinion. La dissonance est signe de manque ou d’erreur. L’argumentation est un moyen d’intégrer la dissidence par l’élimination rationnelle d’une des opinions en conflit ».

« Le but de l’activité argumentative est l’activation et l’approfondissement des dissensus. L’argumentation peut aider à la production d’opinions non-conformes. La dissonance est une condition du renouvellement de la pensée » (Plantin, 1996 :14-19)

Tous ces discours sur l’argumentation ayant comme point de départ la langue ordinaire, à notre avis, ne sont pas très compliqués pour les apprenants du français langue étrangère. Ils les familiarisent, dans un premier temps, avec des aspects élémentaires mais basiques d’un domaine si complexe comme celui de l’argumentation pour les amener, au fur et à mesure, dans un second temps, à explorer les questions plus profondes de cette spécialité.

Un autre point que nous voulons préciser concerne la typologie des arguments. En effet, pour pouvoir répondre à la question : « Quel mode de raisonnement utilise Untel pour montrer la validité de sa thèse ? » ou « Quels sont

Page 359: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

349

les arguments qu’utilise Untel pour défendre sa thèse ? », il faut certainement prévoir un enseignement complémentaire. Disons que, à propos de ce point, il y a déjà de nombreux écrits et chaque auteur propose la catégorisation qui lui semble la plus pertinente. Pour ce qui nous concerne, nous nous contentons de regrouper les formes de raisonnements en six modes : raisonnement par la force, raisonnement par la cause, raisonnement par l’autorité, raisonnement par la personne, raisonnement par la définition et raisonnement par l’analogie.

• Raisonnement par la force : L’argumentation par la force revient à présenter un argument à quelqu’un en vue de lui faire admettre une proposition. L’interlocuteur se trouve dans une situation où un petit inconvénient balance un grand désavantage.

• Raisonnement par la cause : Ce mode d’argumentation se repose sur la présence d’une relation de causalité entre deux ou plusieurs événements. Il s’utilise très fréquemment dans la vie courante.

• Raisonnement par l’autorité : L’argument d’autorité vise à rendre légitime une proposition en faisant appel à une personne, une institution considérées comme dignes de foi. Tout le problème de l'argument d'autorité tourne autour de la crédibilité de l'expert cité et de la pertinence de son savoir vis-à-vis du thème de la discussion.

• Raisonnement sur la personne : Ce mode d’argumentation tend à rendre non valable une autre argumentation en diminuant le prestige de la personne qui la soutient.

• Raisonnement par la définition : Une définition argumentative en définissant un terme exprime aussi une prise de position qui peut être favorable ou défavorable vis-à-vis de l’objet défini.

• Raisonnement par l’analogie : Ce mode de raisonnement consiste à établir un rapprochement entre deux faits, deux savoirs, deux comportements,… du fait d’une certaine similitude entre eux. Si on admet l’un, on admet aussi l’autre.

Ces types d’argumentations entrent dans toutes les classifications existantes. Par ailleurs, sur la base de cette catégorisation, le sujet argumentant peut étudier encore d’autres glissements dérivés comme par exemple l’argumentation par les conséquences positives, l’argumentation par les conséquences négatives, l’argumentation par effet…

Pour conclure, rappelons-nous que le professeur, en vue d’amener les élèves au travail d’analyses des textes argumentatifs, doit prendre conscience de la

Page 360: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

350

nécessité de les équiper d’un métalangage de l’argumentation, ce travail est à faire parallèlement à l’apprentissage de la langue ordinaire. Une quantité minimum de connaissances théoriques de base sur l’argumentation est parfois aussi importante à fournir aux étudiants en vue d’une bonne interprétation du texte.

2. Elaboration des unités didactiques : « On en discute »

• Unité 1 : Introduction au débat français

Par l’analyse d’un débat sur la chaîne de la radio France-Info, nous essaierons de montrer aux étudiants comment fonctionne un débat à la française. Ceux-ci vont faire connaissance avec la façon dont l’animateur introduit un débat et le gère ; la façon dont les débatteurs présentent leur point de vue, le justifient, approuvent ou désapprouvent l’opinion de l’autre…

C’est sans doute dans cette première unité que le professeur aide les apprenants à construire, à partir d’exemples concrets et authentiques, un modèle de débat sur lequel ils se réfèrent pour « exporter » leur propre produit.

Document oral : Vers la gratuité des transports

En ligne : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2009-09-16-vers-la-gratuite-des-transports-343505-81-189.html

• Unité 2 : La caméra de surveillance - On en discute !

Document écrit : Faut-il se méfier des caméras de surveillance ? (Phosphore no320, février 2008)

Documents oraux :

- Paris sous vidéo surveillance

En ligne: http://www.youtube.com/watch?v=HkBZtkn3PKM

- Reportage de Célia Quilleret

En ligne : http://www.france-info.com/france-education-2009-04-03-mam-veut-developper-la-video-surveillance-dans-les-ecoles-274328-9-43.html

- Le débat sur la vidéosurveillance dans les écoles

En ligne : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2007-12-07-la-video-surveillance-dans-les-ecoles-48815-9-43.html

Page 361: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

351

• Unité 3 : La croissance économique - On en discute !

Document écrit : Faut-il plus de croissance ? (Phosphore no323, mai 2008)48

Document oral : Croissance économique et écologie : incompatible ?

En ligne : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2008-04-01-croissance-economique-et-ecologie-incompatibles-117179-81-189.html

• Unité 4 : Le clonage - On en discute !

Documents écrits :

- Merci, docteur Antinori (Le Monde, 8-1-2001)

- Le docteur Antinori lance un programme de clonage humain reproductif (Jean-Yves Nau, Le Monde, 7-8-2001)

- Severino Antinori, accoucheur de miracles (Catherine Simon, Le Monde, 7-8-2001)

- Clonage humain: le Dr Antinori menacé par le conseil de l'ordre italien (Jean-Yves Nau, Le Monde, 7-8-2001)

- Jacques Chirac se prononce contre le clonage thérapeutique (Raphaëlle Bacqué et Jean-Yves Nau, Le Monde, 8-2-2001)

- Lionel Jospin renonce à légaliser le clonage à visée thérapeutique (Jean-Yves Nau, Le Monde, 7-8-2001)

- Le pape condamne le clonage des embryons humains à des fins thérapeutiques (Jean-Yves Nau, Le Monde, 22-2-2001)

Documents oraux :

- Clonage humain et clonage thérapeutique par Albert Jacquard

En ligne : http://www.youtube.com/watch?v=L7gN8mO26Mw&feature=related

- Chine : le clonage thérapeutique

En ligne : http://www.youtube.com/watch?v=dP5Cqrl-TUc&feature=PlayList&p=660C18B15024E9FA&playnext=1&playnext_from=PL&index=31

- Le clonage par Jacques Montagut

En ligne : http://www.youtube.com/watch?v=XuN1d-eBROo&feature= related

48 Les articles de Phosphore se trouvent en annexe 8

Page 362: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam

352

Ces trois dernières unités ont pour objectif de focaliser sur l’appropriation des arguments. Le professeur a la liberté de choisir les documents qui, selon lui, apportent le plus de rentabilité. Ce qui compte le plus, c’est d’amener les élèves à formuler une opinion quelconque sur la question problématisée.

C’est aussi dans le cadre de ces unités que l’on leur propose une tâche finale : réaliser un débat eux-mêmes. Les étudiants ont donc à reproduire le modèle de débat utilisé dans la première unité.

Les transcriptions des documents sonores sont présentées dans un français normalisé, en fin de chaque unité.

Page 363: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

353

UNITÉ 1

Introduction au débat français

Source: http://lewebpedagogique.com/

(consulté le 15-03-2011)

Page 364: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

354

FICHE POUR ETUDIANT

UNITÉ 1

Introduction au débat français

I. Écoutez une première fois l’enregistrement et répondez aux questions suivantes :

1. Quel est le type du document ?

2. D’où vient-il ?

3. De quoi s’agit-il ?

4. Combien de personnes y a-t-il ? Qui sont-elles ?

5. Les locuteurs ont-ils le même point de vue ?

6. Quelle est, d’après vous, la fonction du journaliste dans ce genre de document ? Si possible, essayez de donner des exemples dans l’enregistrement !

II. Écoutez de nouveau le document et répondez aux questions suivantes :

1. Quelle est la position de Jean François Mayet vis-à-vis de la problématique en question ? Quels sont ses arguments ? Quels exemples soutiennent ces arguments ?

2. Quelle est la position de Jean Sivardières ? Quels arguments utilise-t-il pour justifier son point de vue ?

3. Analysez, avec l’aide de votre professeur, l’enchaînement entre les interventions des locuteurs pour savoir comment le débat est progressivement construit !

III. Écoutez une autre fois l’enregistrement et relevez les mots et les procédés grammaticaux qui traduisent l’attitude du locuteur (le doute, la critique, la certitude…)

Page 365: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

355

FICHE POUR ENSEIGNANT

UNITÉ 1

Introduction au débat français

REMARQUES PRÉLIMINAIRES

Cette première unité a pour objectif de familiariser les étudiants avec les débats à la française, d’où le titre « Introduction au débat français » au lieu de « Introduction au débat » tout court. C’est pourquoi l’enseignant focalise son travail non seulement sur la compréhension du contenu mais aussi sur l’acquisition de la forme du débat. Qu’est-ce qu’un débat ? Comment fait-on un débat à la française ? Comment l’animateur l’organise-t-il ? Comment présente-t-il le sujet ? Comment donne-t-il la parole aux débatteurs ? Comment relance-t-il le débat qui s’arrête ? Comment les participants expriment-ils leur accord ou leur désaccord ? Comment font-ils la concession ? Comment réfutent-ils ?... Telles sont les questions auxquelles l’enseignant, au cours de cette unité, va aider les apprenants à trouver les réponses.

En un mot, cette première unité a pour but d’explorer les représentations préalables des apprenants sur l’objet « débat » et de construire avec eux le modèle de référence sur lequel ils vont travailler plus tard, au fil d’autres unités.

Cette unité est prévue pour 5 séances de 45 minutes.

DEMARCHE

I. Construction du modèle de référence

Avant de faire travailler avec l’enregistrement audio de débat, le professeur demande aux étudiants d’apporter des éléments de réponses aux questions suivantes:

1. A quoi reconnaît-on un débat ?

2. Qu’est-ce qu’un bon débat français ?

3. Dans quelles instances peut-on trouver des débats au Vietnam ? D’après-vous, qu’est-ce qu’un bon débat vietnamien ?

4. Quels sont les jugements portés par des Vietnamiens sur les débats français ?

Page 366: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

356

► Suggestions

• Question 1 :

- Le débat est suscité par une controverse.

- Les locuteurs ne sont pas d’accord sur un sujet donné et présentent des arguments pour ou contre dans le but de défendre leur position.

- Chaque participant s’engage à écouter l’autre et à construire l’échange tout en tenant compte de la parole de l’autre.

- Un animateur a à sa charge de réguler les tours de paroles, de gérer le débat et de le relancer si besoin est.

- Le débat ne débouche pas nécessairement sur un accord.

- Le débat nécessite généralement un public.

• Question 2 :

En général, un débat est censé bien fonctionner « à la française » si l’animateur joue bien son rôle et si tous les débatteurs prennent la parole. Les interventions des uns et des autres s’enchaînent de façon cohérente et liée, ce qui suppose la prise en compte de la parole de l’autre et la capacité de l’intégrer dans son propre discours.

• Question 3 :

Au Vietnam, les débats à son sens proprement dit se trouvent rarement. Pourtant, durant ces dernières années, on peut en trouver aussi lors des réunions de l’Assemblée Nationale. A citer comme exemple celui portant sur le projet de l’exploitation de la bauxite, celui sur le projet de construction de lignes des chemins de fer à grande vitesse,… etc.

Un bon débat vietnamien, selon nous, est celui où les participants n’étant pas d’accord sur un sujet, osent exprimer franchement leurs points de vue tout en tenant compte des opinions divergentes du camp adverse.

• Question 4 :

Beaucoup de Vietnamiens pensent que le débat ressemble à une discussion gentille, c’est pourquoi ils sont d’abord étonnés, puis passionnés et quelquefois choqués en regardant et en écoutant les débats français qui se caractérisent par des processus d’attaque et de défense de points de vue. Certains pensent que les Français sont trop francs, or cette qualité n’est pas toujours positive dans la relation interpersonnelle parce qu’elle risque de blesser les autres, d’ailleurs on peut toujours garder sa position sans vexer le partenaire, en cherchant à le convaincre plus

Page 367: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

357

doucement. D’autres pensent que les Français sont courageux et honnêtes en exprimant franchement et ouvertement un avis personnel.

A travers ces hypothèses de réponses sur l’objet « débat » qui constituent un matériau de référence, le professeur aide les apprenants à construire le modèle « théorique » du débat français.

II. Etude de cas

Document de travail :

DEBAT : VERS LA GRATUITE DES TRANSPORTS.

Compréhension globale

Le professeur fait écouter tout le document sonore et demande aux étudiants de répondre aux questions dans l’exercice I de la fiche pour étudiant.

Concernant les noms propres des débatteurs, il est préférable que le professeur les écrive au tableau. Cela évite aux apprenants de perdre trop de temps avec cette affaire de décodage.

► Suggestions

1. C’est un débat.

2. Ce débat est diffusé sur France-Info

3. On parle de la question de la gratuité des transports en commun.

4. Il y a 3 personnes :

- le président de la séance qui anime le débat

- 1er participant : Jean-François Mayet, sénateur maire de Châteauroux

- 2e participant : Jean Sivardière, Président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT)

5. Non, les débatteurs n’ont pas le même avis. Sur la question de la gratuité des transports, ils construisent des argumentaires qui peuvent être conçus comme des éléments de réponses divergents au problème débattu.

6. Le président de la séance ou l’animateur du débat :

• introduit le débat :

« Et si les transports en commun devenaient gratuits, partout, pour tout le monde, dans toutes les villes de France, c’est notre débat aujourd’hui sur France-Info… »

• présente les participants :

Page 368: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

358

« Je salue Jean François Mayet, le sénateur maire UMP de Châteauroux, bonjour et également Jean Sivardière qui préside la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports, vous êtes en duplex de France Bleue Isère, bonjour également »

• distribue la parole aux débatteurs :

« Jean Sivardière ? »

« Jean François Mayet, avez-vous supprimé des services dans les transports de Châteauroux ?

• relance le débat :

« Et si les transports en commun devenaient gratuits, c’est notre débat du jour sur France-info toujours avec Jean François Mayet, sénateur maire de Châteauroux et Jean Sivardière qui préside la Fédération nationale des Associations d’ Usagers des Transports »

• demande des explications :

« Jean François Mayet, sur ces chiffres ? »

• détend l’ambiance ou pimente l’ambiance :

« … quand on vous entend l’un et l’autre, donc pour vous une ville de 50 mille habitants la gratuité ça marche, au-delà peut-être moins »

• clôt le débat :

« Merci Jean Sivardière, président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports et Jean François Mayet, sénateur maire UMP de Châteauroux »

Pour faciliter le travail des élèves, il est conseillé au professeur de noter au tableau toutes ces phrases en italique et de leur demander de dire quelle fonction correspond à quelle phrase.

« Jean Sivardière ? » → Distribuer la parole aux débatteurs.

« Jean François Mayet, sur ces chiffres ? » → Demander des explications.

Ou bien l’enseignant peut aussi proposer un exercice de compréhension détaillée où les apprenants doivent repérer quels actes de parole sont réalisés par le journaliste et de quelle manière.

Remarques :

• Les fonctions citées ci-dessus reviennent à dire que l’animateur, en vue d’assurer le bon fonctionnement du débat, doit tenir compte de la présence

Page 369: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

359

du public. Autrement dit, il devient plus ou moins un « relais » entre les acteurs du débat et les auditeurs.

• Dans le cadre d’un débat, le modérateur occupe toujours une position haute. C’est lui qui distribue la parole aux participants en leur posant des questions. Pour éclairer cette idée, nous citons le propos de Ducrot :

« Le destinataire d’une question se trouve mis dans l’obligation de répondre, fût-ce par un aveu d’incompétence, de sorte que la parole qui lui a été adressée crée pour lui, en vertu des lois du discours, comme un devoir de parler à son tour » (1972 : 4).

La question de l’animateur fonctionne donc comme un mécanisme discursif de transfert de parole.

• La structure interrogative joue aussi un rôle particulièrement important dans la constitution de l’objet du débat parce qu’elle possède la propriété de sollicitation de réponses à propos d’un problème déterminé.

• Faits culturels :

Châteauroux est une commune française, située dans le département de l’Indre et la région Centre. La population vieillit et avait une certaine tendance à s’isoler. Voyant les bus rouler à vide et manquer d’attractivité pour les habitants, Jean-François Mayet, maire de Châteauroux, et les autorités de la ville ont pensé à faire quelque chose d’innovant pour « mettre en mouvement » l’agglomération castelroussine. La gratuité des transports en commun est ainsi effective dans cette ville depuis le 22 décembre 2001.

La Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports a été créée en 1978. Elle rassemble aujourd’hui 150 associations implantées dans toutes les régions françaises. La FNAUT agit :

- pour l'amélioration et le développement des transports collectifs urbains, régionaux, ruraux et interurbains.

- pour de meilleures conditions de déplacement des piétons, cyclistes et personnes handicapées.

- pour la sécurité routière.

- pour une politique intermodale des transports, respectueuse du cadre de vie quotidien et de l'environnement49.

49 Ces renseignements viennent du site de FNAUT : http://www.fnaut.asso.fr/index.php/home.html

(consulté le 17 avril 2010)

Page 370: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

360

Compréhension détaillée

Afin d’aider les élèves à construire une modélisation du débat français, il est important de les faire travailler non seulement sur les fonctions de l’animateur mais aussi sur :

• Les modalisateurs de prise de position des débatteurs.

• La progression du débat.

A. Manifestation de la prise de position

Les modalisateurs jouent un rôle important dans la manifestation de la prise de position de chaque débatteur. Propre à l’oral, ils s’expriment sous des formes verbales (le « moi, je » pour valider un point de vue…) ou paraverbales (jeux de voix divers, mimiques…). Dans le cadre de l’analyse de ce débat audio, le professeur demande aux étudiants de relever simplement les mots et les procédés grammaticaux qui traduisent l’attitude des participants (le doute, la critique, la certitude). Cette phase d’analyse favorise le repérage des différentes prises de position.

►Suggestion :

Pour Jean-François Mayet :

• Utilisation des modalisations adverbiales d’affirmation :

- Oui, bien sûr

- Oui, bien évidemment

Ces indices traduisent une orientation argumentative co-orientée avec les discours supposés de l’animateur qui sont respectivement :

- … depuis 2001 à Châteauroux on n’achète plus de ticket pour monter dans le bus, est-ce que ça marche ?

- … est-ce qu’à Châteauroux certains automobilistes ont abandonné leurs voitures pour prendre le bus gratuitement ?

• Utilisation des adjectifs évaluatifs :

- C’est une des meilleures décisions

- C’est une bonne mesure qui marche bien

- C’est un résultat qui est excellent

• Utilisation du verbe d’opinion :

…bon moi je ne crois pas que, je n’accepte pas l’argumentation qui nous est

Page 371: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

361

présentée.

Par l’intermédiaire de « je ne crois pas », le locuteur doute de la vérité du propos tenu par l’autre qui est Monsieur Jean Sivardière. Il nie sa propre croyance. Cette tournure consiste à marquer le désaccord du locuteur avec ce qui a été dit antérieurement. La suite de la phrase, par le recours au verbe de modalité (« je n’accepte pas » = « je refuse »), renforce cette idée.

Pour Jean Sivardière :

• Utilisation des modalisateurs d’assertion (« nous constatons que », « je crois que ») pour donner l’appréciation du locuteur sur la valeur de vérité de la proposition subordonnée.

• Utilisation des modalisations adverbiales d’affirmation « Oui, bien sûr » pour marquer une orientation argumentative co-orientée avec le discours supposé de l’animateur : « Cette gratuité présente-t-elle des inconvénients à vos yeux, Jean Sivardière ? »

• Utilisation des modalisations adverbiales de négation :

- la gratuité n’est absolument pas une revendication des usagers des transports

- la gratuité n’est pas le bon outil d’ailleurs à Châteauroux d’après les chiffres que j’ai trouvées…

Ces éléments traduisent une orientation argumentative anti-orientée avec les discours supposés de l’animateur qui sont respectivement :

- le transport gratuit, vous, les usagers, ça devrait vous faire rêver ?

- … quand on vous entend l’un et l’autre, donc pour vous une ville de 50 mille habitants la gratuité ça marche, au-delà peut être moins

• Utilisation du verbe d’opinion :

C’est là que je crois que je défends un point de vue très différent de celui de Monsieur Mayet.

Par l’intermédiaire de « je crois que », le locuteur évalue la vérité de son propos en exprimant une impression de certitude. Cette tournure consiste à marquer le désaccord du locuteur avec ce qu’a dit Monsieur Mayet.

B. Quels arguments pour quelles positions ?

Lors de cette écoute, le professeur oriente les étudiants vers les deux premières questions de l’exercice II (Voir fiche étudiant 1).

Page 372: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

362

Il leur demande de noter tous les arguments des débatteurs ainsi que les exemples qui les soutiennent sans approfondir leur stratégie argumentative. L’analyse sur le plan stratégique sera faite dans la phase suivante.

► Suggestion :

Position de Jean-François Mayet :

Le maire de la ville de Châteauroux est tout à fait favorable à la gratuité des transports. Ses arguments sont les suivants :

• Argument 1 : Grâce à la gratuité, la fréquentation a nettement augmenté dans les transports à Châteauroux.

Exemple d’appui : Les transports ont été multipliés par trois.

• Argument 2 : La perte de ressources de la billetterie n’a aucune incidence parce qu’elle est minime.

Exemple d’appui : La billetterie ne représente que 14 % du coût d’exploitation.

• Argument 3 : Grâce à la gratuité, les gens se sentent plus sécurisés dans les bus pleins50.

• Argument 4 : La gratuité satisfait la clientèle captive. Les gens sont heureux de prendre le bus gratuitement.

Exemples d’appui :

- Les habitants de 60, 70 ans qui ne voulaient plus prendre la voiture sont heureux de prendre le bus.

- L’exemple d’une veuve qui faisait deux heures de bus et qui a retrouvé le moral.

Position de Jean Sivardière :

Le Président de la Fédération nationale des Associations d’Usagers des Transports n’est pas favorable à la gratuité des transports.

• Argument 1 : La gratuité n’est pas une revendication des usagers des transports. Ces derniers se plaignent essentiellement de la fréquence peu élevée, du non-respect des horaires, du matériel…

50 L’expression « bus pleins » peut provoquer certaines difficultés de compréhension chez les élèves

vietnamiens. Il est donc possible que le professeur leur explique qu’avant 2001, les bus roulent presque à vide à Châteauroux. Les gens hésitaient à monter dans un bus vide par peur de quelques énergumènes ou par économie. Ils se sont mis à le prendre plus facilement dès lors qu’il y avait du monde dedans et que le voyage était gratuit.

Page 373: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

363

• Argument 2 : La contribution financière des usagers des transports est très importante.

Exemple d’appui : Exemple de la ville de Montpellier où la billetterie représente 45% des recettes d’exploitation.

• Argument 3 : La gratuité n’est pas la bonne solution pour attirer l’automobiliste. Or, il s’agit là d’une question cruciale pour résoudre des problèmes sur le plan écologique.

Exemple d’appui : Les études de Duhamel ont montré qu’il n’y avait pas de corrélations entre l’attractivité d’un réseau pour l’automobiliste et le niveau de tarification.

• Argument 4 : Si l’on veut développer le réseau de transport collectif, on a besoin des moyens financiers importants. La gratuité n’est pas tenable à long terme.

C. Progression du débat

La progression du débat dépend d’abord du rôle de l’animateur qui, par l’intermédiaire des questions, lance et relance la conversation. Cette progression dépend aussi étroitement de la co-présence des locuteurs ainsi que de la dynamique de leur interaction. Comme nous l’avons expliqué plus haut, un débat réussi doit être celui où les interventions des uns et des autres s’enchaînent de façon liée et cohérente. Pour aider les étudiants à bien comprendre le déroulement du débat, le professeur leur demande d’analyser les stratégies d’argumentation des participants.

Les questions suivantes leur seront posées au fur et à mesure au fil de l’analyse :

1. A propos de la recette venant des usagers des transports, comment Jean Sivardière répond-t-il à l’argument tenu par Jean François Mayet ?

►Suggestion

Jean Sivardière n’est pas d’accord avec l’argument de Jean-François Mayet. Il reformule l’argument adverse avant de le réfuter :

Monsieur Mayet vient de dire qu’elle [la contribution financière des usagers] était très faible à Châteauroux mais c’est un peu un cas exceptionnel, c’est surtout le cas dans les petites villes mais dès que vous abordez des grandes agglomérations, la contribution financière de l’usager peut être très importante. J’ai l’exemple de Montpellier, à Montpellier, les recettes, il y a deux ans, j’ai les chiffres, représentaient à peu près 30 millions d’euros par an, et c’était équivalent à peu près 45 % des recettes d’exploitation […]

Page 374: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

364

Son intervention se compose de trois procédés : la concession, l’explication et la réfutation.

• La concession prend la forme : « oui, mais … ». On peut reformuler d’une autre façon : « Vous avez raison de dire que la contribution financière est faible à Châteauroux mais c’est un cas exceptionnel ». Le « mais », dans ce cas, consiste à atténuer l’impact d’une contradiction et à ménager son interlocuteur.

• L’explication : « C’est surtout le cas dans les petites ville » (Châteauroux est une petite ville).

• La réfutation : « La contribution financière peut être très importante » (dans les grandes agglomérations). Pour justifier cette idée, le locuteur évoque par la suite l’exemple de Montpellier, une grande ville, dont la recette venant des usagers représente environ 45 % des recettes d’exploitation.

Le procédé réfutatif consiste donc à montrer que l’opinion adverse est contredite par la réalité, en s’appuyant sur des exemples, des statistiques.

2. Quelle est la réaction de Jean François Mayet ?

►Suggestion

Jean François Mayet continue à défendre sa position. Il fait une concession :

[…] dans les villes où la billetterie rapporte 45-50 %, il en existe, bien entendu, je ne pense pas que la gratuité soit une obligation première mais dans une ville de 50 mille habitants, je le répète, il y en a pas mal en France, eh bien, c’est une bonne mesure qui marche bien […]

Dans un premier temps, la locution « bien entendu » exprime que le locuteur adhère au propos tenu par son interlocuteur.

Dans un second temps, le « mais » entraîne une assertion restrictive.

Pour renforcer son argument, le locuteur insiste sur la question de la sécurité dans le bus : « les gens se sentent plus sécurisés dans les bus pleins ».

L’objet du discours est un peu modifié. Une nouvelle question se pose : l’impression de sécurité dans les bus pleins - un autre avantage de la gratuité des transports en commun.

3. En ce qui concerne la question de l’insécurité dans les transports, quelle est la thèse défendue par Jean Sivardière ?

Page 375: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

365

►Suggestion

Jean Sivardière fait une objection en disant que l’insécurité n’est pas le problème fondamental quand on parle de la gratuité. Il souligne l’importance d’aborder l’attractivité des transports en commun pour les automobilistes pour remédier à des problèmes écologiques.

L’objet du débat continue à être modifié. Le discours s’oriente maintenant vers un autre aspect dérivé de l’objet initial : Parler de la gratuité des transports, il est important de voir si cette mesure arrive à attirer les automobilistes.

Par l’expression « alors pour revenir au problème de fond », le locuteur marque un arrêt dans son déroulement discursif (il est en train de répondre à l’objection énoncée par l’animateur du débat) pour poser, ou plutôt pour reprendre l’objet de discours. « Alors » fonctionne dans l’énoncé comme un marqueur de réorientation discursive, qui assure l’ancrage de l’énoncé qu’il introduit dans le contexte antérieur.

L’invocation d’une autorité, Duhamel, une société qui est spécialisée dans les études des problèmes de transport, a pour but de démontrer la validité de l’argument tenu par le locuteur : le niveau de tarification des titres de transport n’a rien à voir avec l’attractivité pour les automobilistes. Cet argument amène à conclure que la gratuité n’est pas du tout une solution envisageable.

4. Comment Jean François Mayet réagit-il à l’argumentation de Jean Sivardière ?

► Suggestion

La contradiction est maximale lorsque Jean François Mayet explicite son désaccord :

Bon, moi, je ne crois pas que, je n’accepte pas l’argumentation qui nous est présentée.

En vue de défendre son point de vue, le locuteur essaie de réfuter l’argument de son adversaire en évoquant l’exemple de Châteauroux où la fréquentation du réseau de bus a été multipliée par trois depuis l’application de la gratuité des transports en commun. Cette réalité contredit entièrement le propos précédent de Jean Sivardière : La gratuité attire la clientèle.

Dans la suite de son argumentation, Monsieur Mayet explique clairement son point de vue : La gratuité est une des meilleures solutions, surtout pour les petites villes trop endormies comme Châteauroux. Elle permet de mettre des gens en

Page 376: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

366

mouvement. Tout en contredisant Jean Sivardière, il insiste sur l’idée que l’objectif de Châteauroux n’est pas pour autant de faire disparaître la voiture du centre-ville.

5. Jean Sivardière partage-il ce point de vue ?

►Suggestion

Non, pas du tout. Il explicite sa thèse en recourant à une autorité, la FNAUT :

[…] pour la FNAUT, l’objet, le transport collectif ne doit pas être seulement un service social destiné aux captifs. Il doit être en même temps un outil d’attraction pour l’automobiliste.

Il réfute l’opinion de Monsieur Mayet en montrant, de manière implicite, qu’elle repose sur une analyse lacunaire et que son auteur n’a pas pris en compte d’autres éléments écologiques (l’augmentation du prix de pétrole, l’aggravation de l’effet de serre, la pollution de l’air). Ensuite, il mentionne des chiffres à Châteauroux :

Le bus représente à peu près 5 % des déplacements et l’automobile 70%

qui sont argumentativement contre-orientés par rapport à ce qu’a exposé le maire de cette ville.

Ces chiffres mettent en cause les dires de Monsieur Mayet.

Ce qu’il est important d’éclairer dans l’intervention de Jean Sivardière, c’est l’effet de « là » dans l’énoncé :

Oui, c’est là que je crois que je défends un point de vue très différent de celui de Monsieur Mayet

« Là » renvoie, dans ce contexte, au discours précédemment prononcé par Monsieur Mayet. Ce morphème marque simplement que l’énoncé qui suit est accroché à celui qui précède, tout en prenant une nouvelle orientation.

6. Face à la position de Monsieur Mayet qui est tout à fait favorable à la gratuité des transports en disant qu’il s’agit là d’une bonne solution pour attirer la clientèle captive, quel est l’argument de Jean Sivardière ?

►Suggestion

Jean Sivardière ne partage pas ce point de vue. Il a recours à deux procédés argumentatifs : concession et réfutation.

Page 377: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

367

• La concession :

à court terme, bien entendu, la gratuité permet d’augmenter de manière spectaculaire la fréquentation mais il faut bien savoir que la fréquentation de départ était très faible

• La réfutation :

à plus long terme est-ce que la gratuité est tenable si on veut véritablement développer le réseau de transport collectif même dans les petites agglomérations, on a besoin de moyens financiers importants.

L’auteur réfute l’opinion de Jean François Mayet en montrant que son argument a des conséquences néfastes. La réfutation est présentée sous forme d’une question rhétorique qui, en termes de Plantin, « camoufle l’assertion sous un habillage interrogatif » (1991 : 77)

Remarque :

L’analyse de ce document authentique nous amène à conclure que le débat est une interaction argumentative qui a comme point de départ une question controversée.

Pour assurer le bon déroulement du débat, la notion d’« enchaînement cohérent » est d’une importance cruciale. Elle suppose la prise en compte par chaque participant de la parole de l’autre et la capacité d’intégrer la parole de l’autre dans son propre discours.

Au cours du débat, l’objet de discours est à la fois répété, modifié, conservé et construit au fur et à mesure au fil de sa progression.

Entraînement

Vu l’importance de la prise en compte de la parole d’autrui dans la progression co-construite des noyaux thématiques du débat, le professeur peut proposer aux élèves un certains nombre d’exercices qui visent à développer la capacité à discuter avec l’autre.

Ci-dessous un exemple d’exercice51 :

Vous n’êtes pas d’accord avec les idées ci-dessous. Reformulez-les avant de les réfuter. Vous pouvez utiliser des tournures :

Votre idée, c’est que …. mais …. 51 Cet exercice a été élaboré en se référant aux articles de Politis : « Pour ou contre la gratuité ? »

(Michel Soudais) et « La tarification, enjeu électoral » (Clémentine Cirillo-Allahsa), Rubrique Dossier Transports, 25/02/2010. (Voir en annexe 8)

Page 378: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

368

Quand vous parlez de …. vous ne parlez pas de ….

….

1. Grâce à la gratuité des transports, la fréquentation a fortement augmenté depuis cinq ans.

2. Pour développer l’usage des transports en commun, la gratuité des transports publics est la meilleure solution.

3. Aucune région française n’échappe au débat sur la tarification des transports publics.

4. « Demain, on transporte gratis ! », ce projet répond à une double préoccupation, écologique et sociale.

5. On peut très bien satisfaire les gens en proposant la formule à ticket unique à bas prix, un euro voire moins par exemple.

6. A Châteauroux, la gratuité des transports en commun contribue à diminuer les embouteillages de manière significative.

►Suggestion

1. Quand vous parlez de l’augmentation de la fréquentation, vous oubliez l’idée importante que cette expérience n’est pas généralisable dans toutes les régions de France.

2. Moi, je ne suis pas d’accord quand vous dites que la gratuité des transports publics est la meilleure solution pour développer l’usage des transports en communs parce que la tarification n’est pas le problème essentiel des transports. Ce que les gens veulent, ce sont des trains qui arrivent à l’heure, soient réguliers, climatisés, confortables et sécurisés.

3. Vous avez tort de dire qu’aucune région n’échappe au débat sur la tarification des transports publics. En effet, cette question de tarification ne se pose pas en Ile-de-France, parce que accorder la gratuité dans cette région signifierait exonérer plus les entreprises et reporter l’ensemble des charges sur les collectivités.

4. Votre idée, c’est que le projet « Demain, on transporte gratis ! » peut répondre aux enjeux écologiques et sociaux. Moi, je ne crois pas que je partage votre point de vue. D’une part, parce que la disparition des recettes venant des usagers des transports publics serait dramatique pour les régions. D’autre part, parce que la gratuité favoriserait gaspillages et dégradation.

Page 379: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

369

5. Vous avez absolument tort de croire qu’on puisse appliquer la formule à ticket unique à bas prix parce que la gestion de la billetterie et de la monétique génère des coûts bien supérieurs aux maigres recettes. De plus, je trouve totalement absurde que quelqu’un qui fait deux arrêts paie autant que quelqu’un qui fait 60 km. C’est quand même un peu extraordinaire !

6. Vous dites que la gratuité des transports en commun contribue à diminuer les embouteillages à Châteauroux. Je ne suis pas d’accord avec cette idée parce que cette ville est très rarement, pour ne pas dire qu’elle n’est jamais sujette aux embouteillages, hormis dans les zones commerciales le samedi après-midi.

Page 380: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

370

Transcription :

Débat : Vers la gratuité des transports

En ligne : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2009-09-16-vers-la-gratuite-des-transports-343505-81-189.html

Durée : 11m03

Journaliste (J) :

- Et si les transports en commun devenaient gratuits, partout, pour tout le monde, dans toutes les villes de France, c’est notre débat aujourd’hui sur France-Info alors que ce mercredi est la journée nationale du transport public. Très souvent aujourd’hui vous pourrez prendre le bus ou le car ou le métro gratuitement ou pour un euro symbolique. Il s’agit évidemment d’une opération promotionnelle. La question c’est de savoir si on ne peut pas aller plus loin, on voit ça avec nos deux invités. Je salue Jean François Mayet, le sénateur maire UMP de Châteauroux, bonjour

Jean François Mayet (JFM) :

- Bonjour

Journaliste :

- Et également Jean Sivardière qui préside la Fédération nationale des Associations d’Usagers des Transports, vous êtes en duplex de France Bleue Isère, bonjour également

Jean Sivardière (JS) :

- Bonjour

J :

- Certaines villes ont déjà franchi le pas de la gratuité. Elles sont une douzaine en France, elles ont rendu les transports en commun totalement gratuits. On peut citer Compiègne, Vitré, Aubagne, Gap et votre ville, sénateur Mayet, Châteauroux, depuis 2001 à Châteauroux on n’achète plus de ticket pour monter dans le bus, est-ce que ça marche ?

Page 381: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

371

JFM :

- Oui ça marche, bien sûr que ça marche, c’est une des meilleures décisions qu’on ait pu prendre dès que nous avons été élus en 2001. Mais bon c’est une solution qui est bien adaptée à notre ville. Je pense qu’on peut retrouver des villes où la composition de la population est identique et où ça marcherait aussi

J :

- Mais ça veut dire que la fréquentation a nettement augmenté dans les transports chez vous ?

JFM :

- C’est la raison pour laquelle nous avons fait la gratuité, c’est que nos transports ne marchaient pas, nous l’avons multiplié par trois, c’était ça l’objectif

J :

- Et l’objectif est atteint ?

JFM :

- Bien sûr l’objectif est atteint

J :

- Toute l’année ?

JFM :

- Et il y a des raisons à ça. On peut en débattre mais on peut en discuter

J :

- Est-ce que ça vous coûte cher parce que c’est évidemment la question qui se pose : tout usager tout client qui achète un ticket, contribue à payer le transport public, là vous n’avez plus ce revenu

JFM :

- Oui enfin vous savez lorsque nous sommes arrivés la billetterie représentait 14 % du coût

J :

- En moyenne dans une ville comme la vôtre on dit 20, 25 % les chiffres varient un peu

Page 382: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

372

JFM :

- Eh bien nous c’était de 14 %, voilà. Alors donc ça n’a pas coûté très cher ça coûte moins de deux millions de francs à l’époque, c’est-à-dire moins de 300 000 euros

J :

- Je me tourne vers Jean Sivardière, président donc de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports, vous écoutez en ce moment Jean François Mayet, le maire de Châteauroux, le transport gratuit, vous, les usagers, ça devrait vous faire rêver ?

JS :

- Bien, nous constatons que la gratuité n’est absolument pas une revendication des usagers des transports. Si vous allez à un arrêt de bus, si vous avez dix personnes qui attendent le bus, qu’est-ce qu’elles vont réclamer ? Elles vont réclamer essentiellement des fréquences plus élevées, le respect des horaires, un matériel plus confortable, plus accessible pour les personnes à mobilité réduite, une meilleure information, mais en matière de tarification, leur seule revendication, c’est que la tarification reste modérée, ce qui est d’ailleurs le cas, généralement, dans les villes françaises si on compare au tarif en vigueur dans les pays voisins. En tout cas, la gratuité n’est absolument pas une revendication dès lors que les personnes sans ressources, ne disposant que de très faibles ressources, bénéficient de tarifs sociaux intéressants.

J :

- Cette gratuité présente-t-elle des inconvénients à vos yeux, Jean Sivardière ?

JS :

- Oui, bien sûr, le principal inconvénient c’est que le système de transport en cas de gratuité est privé de la contribution financière des usagers, alors cette contribution financière est très variable d’une ville à l’autre. Monsieur Mayet vient de dire qu’elle était très faible à Châteauroux mais c’est un peu un cas exceptionnel, c’est surtout le cas dans les petites villes mais dès que vous abordez des grandes agglomérations, la contribution financière de l’usager peut être très importante. J’ai l’exemple de Montpellier, à Montpellier, les recettes, il y a deux ans, j’ai les chiffres, représentaient à peu près 30 millions d’euros par an, et c’était équivalent à peu près 45 % des recettes d’exploitation, donc si on supprime ces recettes venant de l’ usager, comment va-t-on les remplacer ? On peut évidemment songer à augmenter les impôts mais c’est, disons, c’est pas très à la mode. On peut aussi augmenter le

Page 383: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

373

versement de transport jusqu’à la limite légale, ce qui vient d’être fait à Aubagne très récemment, mais ensuite on n’a plus de marge de manœuvre et sauf à supprimer des services et ça évidemment c’est inacceptable, je

J :

- Jean François Mayet, avez-vous supprimé des services dans les transports de Châteauroux ?

JFM :

- Non, Monsieur le Président, votre attitude ne m’étonne pas, je la rencontre souvent. Mais si vous doutez toujours des avantages de la gratuité dans une ville de 50 mille habitants où la population est comme dans toutes les villes, dans tous les chef-lieu des départements ruraux un peu âgée, si vous doutez des avantages, eh bien, je vous invite à venir me voir et vous verrez que des castelroussins52 sont très heureux de la gratuité et ça n’a pas empêché de moderniser les bus parce qu’en plus nous avions de vieux bus, je vous répète, dans les villes où la billetterie rapporte 45-50 %, il en existe, bien entendu, je ne pense pas que la gratuité soit une obligation première mais dans une ville de 50 mille habitants, je le répète, il y en a pas mal en France, eh bien, c’est une bonne mesure qui marche bien, alors vous ne m’avez pas encore parlé de l’insécurité parce que on m’a dit « Vous allez voir tout le monde monte dans le bus quand il veut donc il y aura bien de l’insécurité », eh bien tout ça n’a pas marché dans ce sens là. Au contraire, les gens se sentent plus sécurisés dans les bus pleins que dans les bus vides et nos bus avant 2001 étaient vides

J :

- Et si les transports en commun devenaient gratuits, c’est notre débat du jour sur France-info toujours avec Jean François Mayet, sénateur maire de Châteauroux et Jean Sivardière qui préside la Fédération Nationale des Associations d’ Usagers des Transports, cette question de l’insécurité dans les transports sur laquelle Jean François Mayet vous interpellait, Jean Sivardière

JS :

- Je crois que ce n’est pas le problème fondamental quand on évoque la gratuité. Le vrai problème c’est de savoir si la gratuité va permettre non seulement d’attirer la clientèle captive, enfin de conforter la clientèle captive habituelle des transports collectifs mais aussi attirer l’automobiliste, or moi ce que j’aimerais savoir c’est (inaudible)

52 Habitants de Châteauroux

Page 384: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

374

J :

- On parle de l’écologie, de taxe carbone, de développement des transports en commun, c’est peut-être un moyen de le faire

JS :

- Ben le produit de la taxe carbones malheureusement ne sera pas affecté au transport collectif donc on a toujours ce problème de financement des transports publics qui est particulièrement crucial en ce moment. D’une part parce que avec la crise économique, les recettes fiscales des collectivités locales diminuent et, d’autre part, avec le vieillissement progressif de la population et l’augmentation du chômage, les dépenses sociales des collectivités augmentent, donc on commence à voir des collectivités qui, discrètement, suppriment des services ou des lignes qui peuvent être utilisées, par exemple, au détriment, évidemment, des usagers. Alors pour revenir au problème de fond, savoir si la gratuité attire l’automobiliste ou pas, eh bien un certain nombre d’études ont été faites, je pense à des études de Duhame53, un expert qui a travaillé pour le CREDIF il y a quelques années. Ces études ont montré très clairement qu’il n’y avait pas de corrélations précises entre l’attractivité d’un réseau pour l’automobiliste et le niveau de tarification, tout simplement parce que l’automobile est d’un coup d’usage très supérieur à celui des transports collectifs.

J :

- Sénateur Mayet, est-ce qu’à Châteauroux certains automobilistes ont abandonné leurs voitures pour prendre le bus gratuitement ?

JFM :

- Oui, bien évidemment, pour aller travailler c’est sûr. Mais vous savez, bon moi je ne crois pas que, je n’accepte pas l’argumentation qui nous est présentée. A Châteauroux, l’utilisation des bus a été multipliée par trois au bout de 4 ans à peu près, à peine 3 ; 2,7 ou 8. Voilà donc c’est un résultat qui est excellent et je dis que ce résultat, on peut le retrouver dans des villes qui ressemblent à celle de Châteauroux. La problématique des transports varie

J :

- C’est vraiment la question de la taille qui décide

53 Duhamel est une société qui étudie les problèmes de transport

Page 385: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

375

JFM :

- Evidemment

J :

- … quand on vous entend l’un et l’autre, donc pour vous une ville de 50 mille habitants la gratuité ça marche, au-delà peut être moins

JFM :

- Evidemment, pourquoi ? Parce que dans les villes comme les nôtres nous avons des gens plus âgés. Mon objectif à moi c’était pas de créer moins de voitures en ville, j’ai envie de dire sans vouloir choquer que plus il y en a plus ça m’intéresse, mon problème c’est que ma ville est un peu un peu triste un peu n’était pas en mouvement, moi je voulais mettre des gens en mouvement, alors qu’ils viennent à pied, à cheval, en voiture à vélo par le bus, tout m’intéresse

J :

- Jean Sivardière ?

JS :

- Oui, c’est là que je crois que je défends un point de vue très différent de celui de Monsieur Mayet. En effet, pour la FNAUT, l’objet, le transport collectif ne doit pas être seulement un service social destiné aux captifs. Il doit être en même temps un outil d’attraction pour l’automobiliste. Nous sommes en face de problèmes fondamentaux sur le plan écologique, le pétrole, le prix du pétrole va très certainement exploser dans les années qui viennent, l’effet de serre s’aggrave, la pollution de l’air est importante, en particulier dans les grandes villes mais dans les villes moyennes aussi. Donc il faut véritablement que le transport collectif arrive à attirer l’automobiliste et je le répète, la gratuité n’est pas le bon outil d’ailleurs à Châteauroux d’après les chiffres que j’ai trouvés : Le bus représente à peu près 5 % des déplacements et l’automobile 70 %.

J :

- Jean François Mayet sur ces chiffres ?

JFM :

- Bon, écoutez, alors ces chiffres là je ne les connais pas. Moi ce que je sais c’est que nous avons gagné à peu près 10 % de trafic, de longueur de ligne en plus chaque année puisque nous avons amélioré le service. Nous sommes là

Page 386: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 1

376

pour ça, encore une fois la perte de ressource billetterie n’a aucune incidence puisque c’était minime, donc nous ne sommes pas privés de ressource et ça marche très bien et les gens nous en redemandent et qu’on ne me dise pas que les gens n’utilisent pas n’ont pas arrêté la voiture maintenant nous desservons des industriels et des industriels nous demandent toujours plus et nous leur avons donné toujours plus et ça marche très bien. Moi, ce qui m’intéresse c’est que les habitants de 60, 70 ans qui ne voulaient plus partir de chez eux qui ne voulaient plus prendre la voiture sont heureux de prendre le bus, et je vais vous donner un exemple qui m’a ravi, j’ai dans mon bureau parce que je les garde plusieurs lettres des personnes âgées qui m’ont dit Monsieur le maire vous nous avez rendu service parce que j’ai eu à la suite du décès de mon mari j’ai fait une grande déprime eh bien je prenais le bus et je faisais deux heures de bus et je rentrais chez moi et c’est ça qui m’a aidé à vivre. C’est un détail mais c’est, j’y tiens.

J :

- Jean Sivardière

JS :

- Mais je crois qu’on peut très bien satisfaire

J :

- Dernier mot le débat touche à sa fin

JS : (continue son propos)

- La clientèle captive en proposant aux personnes âgées par exemple une base de tarification mais on n’a pas besoin pour cela de la gratuité parce que à terme, à court terme, bien entendu, la gratuité permet d’augmenter de manière spectaculaire la fréquentation mais il faut bien savoir d’abord que la fréquentation de départ était très faible et puis, à plus long terme est-ce que la gratuité est tenable si on veut véritablement développer le réseau de transport collectif même dans les petites agglomérations, on a besoin de moyens financiers importants.

J :

- Merci Jean Sivardière, président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports et Jean François Mayet, sénateur maire UMP de Châteauroux.

Page 387: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

377

UNITÉ 2

Caméra de surveillance – On en discute !

Source: www.lexpress.fr

(consulté le 15-03-2011)

Page 388: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

378

FICHE POUR ETUDIANT

UNITÉ 2

Caméra de surveillance – On en discute !

REFLEXION PREALABLE

En vous basant sur votre recherche personnelle sur le thème des caméras de surveillance, répondez aux questions suivantes :

1. Au Vietnam, est-ce qu’on utilise des caméras de surveillance ? Si oui, dans quel milieu ? Citez-en quelques-uns.

2. Savez-vous pour quelles raisons on fait installer ces machines ?

3. Pensez-vous que c’est une bonne idée d’utiliser la caméra de surveillance ? Essayez de justifier votre réponse.

ACTIVITES DE COMPREHENSION

a. Activité 1

Document audiovisuel : Paris sous vidéo surveillance

A. Ecoutez et dites si les affirmations suivantes sont vraies ou fausses. Rétablissez la vérité.

1. D’ici l’an 2010, on envisage d’installer à Paris plus de quatre mille caméras de surveillance.

2. Ce dispositif est essentiellement braqué sur la voie publique.

3. Le plan d’installation a été présenté lundi dernier au conseil de Paris

4. Pour mettre en œuvre ce projet, il faut un financement de l’Etat et de la mairie.

B. Répondez aux questions suivantes :

1. Quelle est la position des Verts vis-à-vis du projet de caméras de surveillance ? Quels sont leurs arguments ?

2. Qu’entendez-vous par « les quartiers sensibles » ?

Page 389: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

379

3. Quelle est la position des gens de droite ? Quel argument utilisent-ils pour justifier leur thèse ?

4. Expliquez la proposition : « il y a là une sorte de flux entre la banlieue et Paris » !

5. Selon ce que dit Jean-Pierre Petit, pensez-vous qu’il est favorable ou défavorable au projet « Mille caméras pour Paris » ? Combien d’arguments utilise-t-il pour défendre sa position ?

6. Comment comprenez-vous l’expression « nouveau discours sécuritaire et moralisateur » ? Expliquez en donnant des exemples.

b. Activité 2

Compréhension écrite : Faut-il se méfier des caméras de surveillance ?

A. Lisez le texte et répondez aux questions suivantes :

« Il y a 25 millions de caméras au Royaume-Uni, 1 million en France. Je suis très impressionné par l’efficacité de la police britannique grâce à ce réseau de caméras ». Nicolas Sarkozy faisait cette déclaration une semaine après les attentats manqués de Londres et de Glasgow en juin 2007. A l’époque, les caméras de vidéosurveillance avaient permis de retracer les trajets des terroristes et de les arrêter en seulement quelques jours. Après cette déclaration, le président de la République, inspiré par la Grande-Bretagne, demandait à sa ministre de l’Intérieur « de réfléchir à un vaste plan d’installation de caméras dans nos réseaux de transports en commun ».

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les pays occidentaux développent un véritable arsenal législatif et policier pour lutter contre le terrorisme. Et la vidéosurveillance fait partie des outils

privilégiés. Mais, si la France se couvre peu à peu de caméras, cette technologie ne fait pas l’unanimité. Inefficace pour combattre le terrorisme ? Menacer pour les libertés ? Tandis que ces questions restent en suspens, les industriels de ce secteur se frottent les mains. Depuis quelques années, le marché de la vidéosurveillance explose. Selon la revue En toute sécurité, il est passé de 193 millions d’euros en 1993 à 427,5 millions en 2003. Ce n’est qu’un début.

Marie-Aurore Ghis-Malfilâtre

Page 390: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

380

1. De quoi traite le texte ?

2. Qu’est-ce qui aurait dû se passer en juin 2007 ?

3. Quelle est la décision de Nicolas Sarkozy ? Pourquoi cette décision ?

4. Est-ce que toute la France apporte son soutien à cette décision ? Relevez la phrase dans le texte qui justifie votre réponse ?

5. Expliquez cette phrase par des exemples concrets : « Les industriels de ce secteur se frottent les mains ». Remplacez « se frotter les mains » par une autre expression équivalente.

B. Lisez bien les trois questions et les 6 réponses ci-dessous. Rassemblez les réponses par couples qui traitent le même sujet, puis rendez-les à chaque question en mettant le Oui ou le Non au début de chaque réponse !

Question a : La vidéosurveillance est-elle efficace pour lutter contre le terrorisme ?

Question b : La multiplication des caméras dans les lieux publics limite-t-elle la délinquance ?

Question c : La vidéosurveillance peut-elle poser des problèmes lorsque l’on n’a rien à se reprocher ?

Réponse 1 :

Pour Alain Bauer, président de la Commission nationale de la vidéosurveillance, « lorsqu’on a un dispositif et un réseau d’intervention rapide, on peut prévenir des attentats. Et si les caméras ne peuvent pas les prévenir de manière systématique, elles peuvent dans certains cas permettre l’identification des individus et éviter ainsi une seconde attaque ».

Réponse 2 :

A Middlesbrough, dans le nord-est de l’Angleterre, les caméras sont couplées à des haut-parleurs. Le jour, elles répriment les citoyens qui jettent des ordures par terre, la nuit, elles interpellent les passants ivres et agressifs. Pour les autorités publiques ou privées, il est difficile de se cantonner à la traque des terroristes, finalement pas si courante, quand on finance des installations onéreuses. Or, si l’on va dans ce sens, tout le monde a quelque chose à se reprocher…

Réponse 3 :

« En Grande-Bretagne, on a pu observer une baisse de la délinquance dans des villes qui étaient équipées de caméras… et dans d’autres villes qui ne l’étaient

Page 391: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

381

pas. La preuve de l’efficacité de la vidéosurveillance n’a pas été apportée », affirme Sebastian Roché. Ce ne sont pas les caméras qui sont déterminantes, mais les facteurs sociaux, le rapport entre police et population, etc. Par ailleurs, beaucoup dénoncent un « effet plumeau » : la vidéosurveillance ne supprime pas la délinquance, elle la déplace. Comme à Cannes où, dix-huit mois après l’installation des caméras, les villes voisines ont dû mettre en place leur propre réseau de vidéosurveillance parce que les délinquants s’étaient déplacés.

Réponse 4 :

D’après Sebastian Roché, directeur de recherches au CNRS, « la vidéosurveillance peut aider à neutraliser des individus, mais après coup. Le fait de disposer des caméras dans les lieux publics n’arrête pas les terroristes qui sont prêts à mourir ». Pour déjouer des attentats, rien ne semble remplacer l’espionnage et l’infiltration des réseaux terroristes, seules méthodes permettant d’intervenir avant les attaques.

Réponse 5 :

A Strasbourg, ville pionnière en matière des caméras, la délinquance urbaine aurait baissé de 30% depuis les premières installations en 2003. D’après Alain Bauer, « on peut observer une diminution de la délinquance dans les espaces fermés comme les gares, les couloirs de métro ou les parkings ». Les endroits que des caméras peuvent facilement quadriller… Mais il nuance : « Certains délinquants ne sont pas dissuadés par les caméras, et d’autres les évitent en se masquant pour ne pas être identifiés. La vidéosurveillance a un effet sur la masse générale des délinquants, mais pas sur le noyau dur ».

Réponse 6 :

Pour Alain Bauer, la question ne se pose pas. « Lorsqu’on est dans un lieu public, on est sous le regard des autres, on ne considère pas que c’est une atteinte à la vie privée. De la même manière, lorsqu’il y a des caméras de touristes ou de télévision, on est filmé ! Alors pourquoi le considérer comme une atteinte lorsqu’il s’agit de caméras de surveillance ? »

C. Lisez à nouveau le texte entier, quelle est d’après vous la position de chaque locuteur ? Pour vous aider, répondez aux questions suivantes :

1. Lisez les deux textes en réponse à la question « La vidéosurveillance est-elle efficace pour lutter contre le terrorisme ? », retrouvez les arguments pour et les arguments contre avancés par les locuteurs.

Page 392: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

382

2. Quelle est la stratégie argumentative utilisée par Alain Bauer et Sébastian Roché dans leurs réponses ?

3. Essayez de reformuler leur argumentation avec d’autres ressources lexicales.

4. En réponse à la question : « La multiplication des caméras dans les lieux publics limite-t-elle la délinquance ? », quelles sont les thèses défendues ? Quels arguments soutiennent ces thèses ?

5. Comment les délinquants réagissent-ils face au risque d’être reconnus par la caméra ?

6. Comment comprenez-vous le terme « effet plumeau » ? Comment l’auteur de ce texte exemplifie-t-il cet argument ?

7. En réponse à la dernière question : « La vidéosurveillance peut-elle poser des problèmes lorsque l’on n’a rien à se reprocher ? », quelles sont les différentes opinions ?

8. Identifiez le type d’argumentation d’Alain Bauer.

c. Activité 3

Document sonore : Reportage de Célia Quilleret

A. Ecoutez l’enregistrement et répondez aux questions suivantes :

1. Quel est le type du document ?

2. Il y a combien de personnes qui parlent ?

3. De quoi parlent-ils ?

4. Ont-ils les mêmes points de vue ?

B. Ecoutez une deuxième fois le document et répondez aux questions suivantes :

1. Qu’est-ce qui s’est passé dans l’établissement de Gagny ?

2. Quelle est la position de Xavier Darcos vis-à-vis des caméras de surveillance ?

3. Est-ce qu’on envisage d’installer la vidéosurveillance partout dans l’établissement scolaire ? Justifiez votre réponse en notant ce que dit l’interviewé.

4. Remplacez le terme « places-fortes » par un autre mot synonyme.

5. Quelle est la thèse défendue par Philippe Guitet ? Quels arguments soutiennent cette thèse ?

Page 393: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

383

6. La violence scolaire ne cesse de s’aggraver. Montrez-le par un chiffre concret.

d. Activité 4

Document sonore : Le débat sur la vidéosurveillance dans les écoles

A. Ecoutez l’enregistrement et répondez aux questions suivantes :

1. De quel type est ce document ?

2. Quelle est l’origine de ce document ?

3. Qui sont les personnages ?

4. Quel est le thème du document ?

5. Est-ce qu’ils ont le même point de vue ?

B. Ecoutez de nouveau l’enregistrement et répondez aux questions suivantes

1. Concernant l’installation des caméras de surveillance dans le milieu scolaire, quelle est la thèse défendue par Michel Richard ? Quel argument soutient cette thèse ?

2. Quelle est la position de Florent Montillot ?

3. Orléans est-elle une ville pionnière en matière de caméras dans les établissements scolaires ?

4. Comment appelle-t-on la vidéosurveillance à Orléans ?

5. Michel Richard est-il entièrement d’accord avec Florent Montillot ? Quelle est sa stratégie argumentative ?

6. Quelle est la position des élèves et des personnels vis-à-vis de l’installation des caméras de surveillance dans leurs établissements scolaires ?

7. Quel est le point de vue de Florent Montillot en parlant du coût de l’installation des caméras de surveillance ?

8. Qui va payer tous ces frais ? Expliquez l’exemple de la région Ile de France.

9. Quelle est la position de Florent Montillot au sujet de la présence humaine dans les établissements scolaires ? Justifiez votre réponse.

10. Trouvez dans l’enregistrement la tournure syntaxique utilisée par Florent Montillot pour montrer qu’il adopte le même point de vue que Michel Richard.

Page 394: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

384

11. Est-ce qu’on peut espérer qu’on trouvera un jour une bonne solution commune à tous les établissements en vue d’assurer leur sécurité ? Analysez l’argumentation de Michel Richard.

TACHE FINALE

e. Activité 5 : A vous de parler !

Face aux opinions qui renvoient à la faible rentabilité des réseaux de vidéosurveillance dans les supermarchés, les autorités locales pensent n’utiliser que les moyens humains. Ce projet suscite des réactions différentes. Essayez de prendre position et justifiez votre position en discutant avec un ami ayant une autre opinion que vous.

f. Activité 6 : A vous de parler !

En vue d’assurer la sécurité en milieu scolaire au Vietnam, les autorités ont décidé de faire installer dans certains établissements scolaires, y compris le vôtre, des caméras de surveillance. Cette décision suscite des opinions divergentes entre les élèves, les uns pour, les autres contre.

Mettez-vous en groupe de 4. Choisissez votre position et essayez de la justifier. Attention, vous formez des groupes avec ceux qui partagent votre opinion. Vous pouvez ensemble construire des arguments en faveur de votre position.

Vous allez ensuite débattre avec un autre groupe qui a choisi le camp adverse.

Page 395: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

385

FICHE POUR ENSEIGNANT

UNITE 2

Caméra de surveillance – On en discute !

a) Séance 1 : Activité d’anticipation

REMARQUES PRELIMINAIRES

La phase Réflexion préalable a pour objectif de sensibiliser les étudiants au thème de la caméra de surveillance. Elle vise à les doter du vocabulaire lié à ce sujet comme vidéosurveillance, caméra espion, enregistrement numérique indispensable, système de capteurs intelligents, caméra sans fil, système de sécurité,...

De plus, les étudiants sont aussi invités à exprimer librement leur point de vue à propos de l’installation des caméras de surveillance dans les milieux publics et privés. Leurs idées peuvent être favorables ou défavorables.

Avant de commencer, il est absolument nécessaire de signaler à l’avance aux étudiants que tout ce dossier va traiter de la caméra de surveillance. Ainsi, afin de favoriser le processus d’apprentissage, le professeur doit proposer une activité préalable : demander aux élèves de faire à la maison une recherche internet sur les caméras de surveillance.

DEMARCHE

Inviter les élèves à répondre individuellement aux questions posées.

Ensuite, les regrouper par deux et leur demander de comparer leurs réponses : lequel des deux est favorable à la caméra de surveillance, lequel est défavorable à ce capteur ?

APRES

Le professeur aide les étudiants à faire une récapitulation des arguments en faveur de la vidéosurveillance et des arguments contre elle. Cette activité est très

Page 396: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

386

importante car elle oriente les apprenants vers des positions opposées à propos de cette question d’actualité.

b) Séance 2-3 : Activité 1

Document audiovisuel : Paris sous vidéo surveillance

Source : http://www.youtube.com/watch?v=HkBZtkn3PKM

Durée : 1m59

REMARQUES PRELIMINAIRES

Il est souvent opportun d’utiliser la vidéo pour mettre en place un projet avec les apprenants pour qu’ils puissent réinvestir ce qui a été compris, analysé, interprété. Ce support peut également être l’amorce d’un débat en classe.

DEMARCHE

1er visionnement :

Avant le premier visionnement, le professeur signale aux apprenants qu’ils vont regarder l’image sans le son et qu’ils devront noter tout ce qui fait sens en cherchant par exemple :

- à déterminer : le type de la séquence vidéo (dire s’il s’agit d’un reportage, d’un extrait d’une émission télévisée, d’une interview …), le cadre spatio-temporel

- à deviner de quoi il est question après avoir visionné la séquence vidéo.

- à décrire les personnages (Combien de personnages y a-t-il ? Qui sont-ils ? Que font-ils ?...)

- à faire des hypothèses sur ce que disent les personnages.

2e visionnement :

Le professeur présente l’image avec le son et demande aux élèves de vérifier d’abord ce qu’ils ont dit et de faire l’exercice A Vrai ou Faux dans la fiche pour étudiant.

► Suggestion

• Exercice de repérage

- Type de la séquence vidéo : un reportage

Page 397: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

387

- Cadre spatio-temporel : il y a plusieurs séquences filmées soit dans la rue soit dans une salle de réunion du Conseil de Paris où les gens discutent.

- Thème : Il s’agit de la caméra de vidéosurveillance

- Personnage :

Le reporter

Danielle Fournier, élue des verts au conseil de Paris :

Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris

Jean-François Lamour, porte-parole du groupe UMP au Conseil de Paris

Jean-Pierre Petit, membre du collectif « Souriez, vous êtes filmés »

• Vrai ou faux ? Rétablissez la vérité !

1. F → 1226 caméras de surveillance.

2. V

3. F → Le plan d’installation sera présenté lundi au conseil de Paris.

4. V

3e visionnement :

Lors du troisième visionnement, le professeur continue à vérifier la compréhension des élèves en leur demandant de répondre aux questions ouvertes dans l’exercice B. Il peut éventuellement faire visionner séquence par séquence afin de favoriser leur travail.

► Suggestion :

1. Les Verts sont contre le projet d’installation des vidéosurveillances.

- Argument 1 : Ce projet coûte trop cher.

- Argument 2 : Il faut du personnel devant les écrans pour les rendre efficaces.

- Argument 3 : Il vaut mieux que les employés soient dans la rue que devant ces appareils.

2. Ce sont des quartiers où il risque d’y avoir des problèmes liés au terrorisme, à la circulation, au trafic automobile… Ce sont plutôt des quartiers agités où traînent des bandes d’adolescents et de jeunes adultes. Ce sont souvent des quartiers pauvres avec du chômage.

3. Les gens de droite sont tout à fait pour ce projet. Ils affirment la nécessité de l’installation de ce dispositif pour lutter contre la délinquance dans les zones

Page 398: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

388

urbaines denses, à citer par exemple les arrondissements périphériques de Paris, là où il y a une sorte de « flux » entre Paris et la banlieue.

4. Dans les arrondissements périphériques de Paris, la population est dense et complexe car des bandes d’adolescents et de jeunes adultes des quartiers « sensibles » vont dans les quartiers « bien » de Paris. Ils s’y installent, pervertissent les jeunes de ces quartiers, les enrôlent et grossissent leurs effectifs.

5. Jean-Pierre Petit n’est pas favorable au projet : « Mille caméras pour Paris ».

- Argument 1 : Ce dispositif ne donne qu’une apparence de sécurité.

- Argument 2 : On ne peut pas viser à la transparence totale : Dans une société, il y a toujours des personnes prêtes à contourner les règlements.

6. Jean-Pierre Petit constate que, de plus en plus, on dit au citoyen ce qu’il doit faire et ne pas faire au nom de la sécurité et de la morale, à citer comme exemple :

- Il faut mettre la ceinture de sécurité, il ne faut pas fumer en conduisant,…

- Il faut se laver les mains pour ne pas contaminer le voisin, il ne faut pas fumer dans un lieu clos pour respecter les gens qui n’aiment pas ça…

APRES

En se basant sur ce qui a été dit dans la séquence vidéo, les élèves se regroupent par 2 et discutent entre eux sur l’installation de caméras de surveillance à Hanoi. L’un est pour, l’autre est contre. Ils essaient de persuader l’autre en mobilisant le plus d’arguments possible.

c) Séance 4-5-6-7 : Activité 2

Compréhension écrite

Document de travail : Faut-il se méfier des caméras de surveillance ?

Source : Phosphore no320, 2-2008

1. Texte à gauche de l’article

REMARQUES PRELIMINAIRES

Cette activité de lecture vise à familiariser les étudiants avec le thème de la vidéosurveillance en France : Quelle est sa raison d’être ? Pourquoi une telle

Page 399: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

389

multiplication des caméras de surveillance ?... Ce texte prépare aussi les étudiants à la lecture des opinions divergentes autour de la caméra de surveillance.

DEMARCHE

Exercice A

Le professeur demande aux élèves de lire attentivement le petit texte et, par groupe de deux, de répondre aux questions dans l’exercice A

► Suggestion :

1. Le texte traite du thème de la caméra de surveillance.

2. En juin 2007, des attentats ont failli se dérouler à Londres et à Glasgow.

3. Nicolas Sarkozy, impressionné par l’efficacité de la police britannique grâce au réseau de vidéosurveillance, a décidé d’élaborer un vaste plan d’installation de caméras dans le réseau de transpors en commun en France.

4. Non, il y a des opinions divergentes. On pose toujours des questions concernant l’efficacité de cet appareil électronique dans le combat contre le terrorisme, et aussi des questions portant sur la préservation de la liberté personnelle : « Si la France se couvre peu à peu de caméras, cette technologie ne fait pas l’unanimité. Inefficace pour combattre le terrorisme ? Menace pour la liberté ? ». Il est donc incontestable que les gens éprouvent encore des soucis vis-à-vis de l’efficacité de la vidéosurveillance et de la nécessité de contrôler ce dispositif.

5. La phrase « Les industriels de ce secteur se frottent les mains » signifie que les vendeurs de caméras de surveillance se réjouissent d’un grand profit grâce à la vente de ces appareils. Pendant 10 ans, de 1993 à 2003, les recettes augmentent de 193 millions d’euros à 427, 5 millions d’euros. Le marché de la vidéosurveillance connaît une grande expansion.

APRES

Le professeur peut demander aux étudiants de faire le résumé du texte. Ces derniers doivent, devant la classe, en exprimer oralement les problématiques. Cette activité vise à entraîner les élèves à la prise de parole et aussi à vérifier leur compréhension.

Page 400: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

390

2. Travail avec des questions-réponses Oui-Non : Compréhension globale

REMARQUES PRELIMINAIRES

Ces activités ont été conçues selon la démarche suivante :

On supprime tous les OUI / NON situés au début de chaque réponse. On distribue aux élèves 3 questions et 6 réponses qui ne sont pas mises en ordre. Ils doivent lire ces réponses et les rassembler par couples qui traitent le même sujet. Ce type d’exercice permet aux apprenants d’identifier les différents contenus argumentatifs.

L’activité qui suit consiste à faire déterminer la position de chaque locuteur face à la question posée. Cet exercice incite les élèves à repérer, dans un énoncé long, des arguments et leur orientation.

DEMARCHE

Exercice B :

Le professeur peut demander aux étudiants de travailler par groupes de deux. Après quelque temps, il leur demande de dégager l’idée principale de chaque réponse, de rassembler les réponses par couple traitant le même contenu.

►Suggestion:

Texte 1-4 : La vidéosurveillance et la lutte contre le terrorisme.

Texte 5-3 : La vidéosurveillance et la lutte contre la délinquance.

Texte 2-6 : La vidéosurveillance et la question de respect du droit à la vie privée.

Ensuite les étudiants sont invités à attribuer à chaque couple de textes la question équivalente.

►Suggestion :

a. La vidéosurveillance est-elle efficace pour lutter contre le terrorisme ?

→ Texte 1-4

b. La multiplication des caméras dans les lieux publics limite-t-elle la délinquance ?

→ Texte 5-3

c. La vidéosurveillance peut-elle poser des problèmes lorsque l’on n’a rien à se reprocher ?

Page 401: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

391

→ Texte 2-6

Le professeur rappelle aux étudiants qu’ils ont maintenant à chaque question deux réponses (en réponse à la question a : texte 1 et texte 4). Il leur demande de lire encore une fois ces réponses et de dire si elles sont identiques ou divergentes, autrement dit si les auteurs de ces réponses partagent le même point de vue. Sinon, qui est d’accord ? Qui est en désaccord ? C’est sans doute dans cette activité que les étudiants doivent retrouver la bonne place de Oui / Non déjà effacé.

►Suggestion :

Oui : Textes 1-5-2

Non : Textes 4-3-6

Le professeur distribue aux étudiants l’article original pour la vérification.

3. Compréhension détaillée

REMARQUES PRELIMINAIRES

En cherchant les bonnes réponses aux questions posées, les étudiants découvriront les stratégies argumentatives utilisées par les auteurs. Ils auront également à faire un travail d’analyse des arguments et de leurs orientations argumentatives.

DEMARCHE

Avant d’entrer dans la phase de compréhension détaillée, le professeur indique bien aux étudiants qu’ils ont pour chaque question deux opinions divergentes de deux personnes. Leur tâche consiste à relever les arguments qui défendent le propos mentionné dans la question et ceux qui s’y opposent. Les exercices peuvent se faire par groupes de 2 étudiants.

►Suggestion :

1. Arguments pour et arguments contre dans les textes 1-4 :

Texte 1

• Argument 1 : La caméra de surveillance est un dispositif permettant de prévenir les attentats.

• Argument 2 : Ce dispositif permet d’identifier des individus, donc d’éviter une seconde attaque.

Page 402: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

392

→ Orientation argumentative positive : Les caméras de vidéosurveillance permettent de lutter efficacement contre le terrorisme.

Texte 4

• Argument 1 : La caméra de surveillance ne peut pas arrêter les terroristes prêts à mourir. Dans ce cas elle intervient, mais après l’attaque.

• Argument 2 : La vidéosurveillance ne peut pas remplacer l’espionnage et l’infiltration des réseaux terroristes, qui sont les seules méthodes permettant de déjouer des attentats.

→ Orientation argumentative négative : Les caméras de vidéosurveillance ne sont pas efficaces dans la lutte contre le terrorisme.

2. Stratégie argumentative :

Texte 1 :

Alain Bauer utilise la concession pour donner du poids à son argumentation. Pour construire sa position argumentative, il commence son discours par un mouvement contre-argumentatif en rappelant la position adverse : « Et si les caméras ne peuvent pas prévenir (des attentats) de manières systématique ». Ensuite, il revient la contester en exposant sa propre thèse : « elles peuvent dans certains cas permettre l’identification des individus et éviter ainsi une seconde attaque ». Par la concession, l’auteur prépare donc la contre-argumentation en mentionnant, dans la première proposition, d’autres positions argumentatives que celle illustrée par le discours second.

Texte 4 :

Dans son énoncé, Sébastian Roché utilise aussi la concession, c’est-à-dire qu’il énonce dans un premier temps une approbation avec l’argument formulé par Untel selon lequel la vidéosurveillance permet l’identification des individus et qu’ainsi elle peut aider à les neutraliser. Mais dans un deuxième temps, il avance un autre argument pour contredire en insistant sur « mais après coup ». Cette expression sous-entend : « La caméra de surveillance ne peut intervenir qu’après l’attaque ». Cette idée est argumentativement anti-orientée par rapport à ce que dit Untel. Ensuite, Sebastian Roché renforce son argument par l’exemple des terroristes prêts à mourir. Enfin, dans la conclusion, il parle du rôle irremplaçable de l’espionnage et de l’infiltration des réseaux terroristes. Ainsi, encore une fois, il nie l’efficacité de la vidéosurveillance dans la lutte contre le terrorisme.

Page 403: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

393

3. Pour aider les étudiants à faire cet exercice de reformulation, le professeur leur fournit un certain nombre de ressources lexicales :

- Certes ….. mais ……

- Il est vrai (certain / incontestable…) que ……. mais…..

- Vous n’avez pas tort de penser que …… mais …..

- Bien que (quoi que) ……

- Tout en reconnaissant que …… mais …..

4. Concernant la deuxième question, il y a aussi deux positions nettement distinguées : Position pour (celle d’Alain Bauer) et position contre (celle de Sébastian Roché).

Texte 5 :

• Position pour : La multiplication des caméras dans les lieux publics diminue la délinquance.

• Argument : La délinquance diminue dans les espaces fermés, c’est-à-dire les endroits où les caméras peuvent facilement former un réseau dense d’observation et d’enregistrement. Exemple : Les gares, les couloirs de métro, les parkings

Texte 3 :

• Position contre : La vidéosurveillance n’est pas efficace

• Arguments :

- Argument 1 : On manque de preuve de l’efficacité de la vidéosurveillance. On a observé une baisse de la délinquance dans les villes équipées de caméras et aussi dans d’autres qui ne l’étaient pas.

- Argument 2 : Les caméras ne sont pas la seule solution pour limiter la délinquance dans les villes. Il faut tenir compte d’autres facteurs sociaux comme par exemple le rapport entre la police et la population.

- Argument 3 : Au lieu de supprimer la délinquance, la vidéosurveillance la déplace.

5. Face aux caméras de surveillance, les délinquants se masquent pour ne pas être identifiés.

Page 404: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

394

6. Le plumeau est un ustensile de ménage qu’on utilise pour enlever les poussières sur les meubles. Différent du chiffon sur lequel les poussières restent, avec le plumeau, elles s’en vont mais d’un lieu à un autre.

Par l’image d’« effet plumeau », l’auteur veut dire que les caméras de surveillance n’arrivent pas à limiter la délinquance dans toutes les villes mais la déplacent. L’installation de ces dispositifs peut entraîner la baisse de la délinquance dans une ville mais, par contre, elle peut aussi provoquer l’augmentation dans une autre, car les délinquants cherchent toujours à fuir les milieux sécurisés.

L’auteur cite comme exemple les villes voisines de Cannes, qui ont dû mettre en place des réseaux de caméras de surveillance parce que les délinquants s’étaient déplacés.

7. Concernant la troisième question, il y a aussi deux points de vue différents.

Texte 2 :

• Thèse défendue : La vidéosurveillance est une atteinte à la vie privée

• Exemple d’illustration : Le cas de Middlesbrough, en Angleterre

- Le jour, elle permet de réprimer les gens qui jettent des ordures par terre.

- La nuit, elle permet d’interpeller les passants ivres et agressifs.

• Conclusion (reprise de la thèse défendue) : Avec la vidéosurveillance, tout le monde a quelque chose à reprocher.

Texte 6 :

• Thèse défendue par Alain Bauer : La vidéosurveillance n’est pas considérée comme une atteinte à la vie privée : « La question se ne pose pas ».

• Arguments :

- Argument 1 : Quand on est dans un lieu public, on est sous le regard des autres. Le regard des autres n’est pas considéré comme une atteinte à la vie privée.

- Argument 2 : On est filmé lorsqu’il y a des caméras de touristes ou de télévision. Ce n’est pas non plus une atteinte.

• Conclusion : Il n’y a pas de raison de considérer le regard des caméras de surveillance comme une atteinte à la vie privée.

Page 405: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

395

L’auteur termine son argumentation par une question qui a la valeur d’une assertion, qui confirme de nouveau sa position.

8. Alain Bauer a recours à l’argumentation par analogie.

Elargissement :

Le raisonnement par analogie a pour objectif de défendre une opinion en comparant le fait en question avec un autre fait foncièrement différent mais qui font penser l’un à l’autre parce que leur déroulement, leur aspect présentent des similitudes.

Exemple :

Tu n’auras pas le droit de fumer parce que ton père et moi, nous ne l’avions pas non plus quand nous étions à ton âge.

Tu resteras à la maison. Ta sœur, elle a dû attendre d’avoir 16 ans pour pouvoir sortir le soir.

APRES

Le professeur peut aider les élèves à faire oralement une récapitulation des arguments pour et contre en réponse à chaque sujet suivant :

- Perception de l’efficacité de la vidéosurveillance dans la lutte contre le terrorisme.

- Perception de l’efficacité de la vidéosurveillance dans la lutte contre la délinquance.

- Opinion à l’égard de la nécessité de contrôler ces dispositifs de vidéosurveillance pour garantir le respect du droit à la vie privée.

A partir de là, il demande aux élèves à quelle position ils sont le plus sensibles, s’ils partagent complètement l’opinion pour ou l’opinion contre, s’ils ont une position encore différente, ou des arguments supplémentaires. Ils peuvent se regrouper par 2 pour en discuter et se positionner.

Après une quinzaine minutes de préparation, les groupes d’élèves sont invités à exprimer oralement leur point de vue. Les autres écoutent et interviennent pour s’opposer ou défendre. Ils doivent aussi noter les idées auxquelles ils n’auraient pas pensé.

Cette activité prépare les élèves aux activités proposées dans la tâche ciblée.

Page 406: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

396

d) Séance 8-9 : Activité 3

Document sonore : Reportage de Célia Quilleret

Source : http://www.france-info.com/france-education-2009-04-03-mam-veut-developper-la-video-surveillance-dans-les-ecoles-274328-9-43.html

Durée : 1m15

REMARQUES PRELIMINAIRES

Ce document sonore traite toujours le thème de vidéosurveillance mais dans un cadre plus particulier : le milieu scolaire. Il prépare les apprenants à un autre exercice de production orale : « Que pensez-vous de l’installation des caméras de surveillance dans les établissements scolaires ? »

DEMARCHE

1ere écoute :

Lors de la première écoute, le professeur demande aux élèves de faire l’exercice A. Ils ont à déterminer combien de voix ils entendent, de quoi il est question, si toutes les personnes qui parlent ont le même point de vue… Sinon, qui est pour, qui est contre.

► Suggestion

1. Type du document : reportage

2. Participants : 3 (journaliste, Xavier Darcos, Philippe Guitet)

3. Thème : Caméras de surveillance dans le milieu scolaire

4. Points de vue divergents : Xavier Darcos est pour alors que Philippe Guitet est plutôt défavorable.

2e écoute :

Après la seconde écoute, ils sont invités à analyser la position de chaque personne. Les questions de compréhension dans l’exercice B les guident dans ce travail.

► Suggestion

1. Il y a eu dans l’établissement de Gagny une intrusion violente

2. Xavier Darcos est favorable à l’installation des vidéosurveillances dans le milieu scolaire. Selon lui, les caméras de surveillance ont aidé les policiers à

Page 407: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

397

identifier et à arrêter les gens qui ont agressé l’établissement pour y déclencher une bagarre.

3. Non, on ne va pas mettre partout des caméras de surveillance : « Il ne faut pas non plus imaginer qu’on va transformer nos lycées en places-forte et qu’on va mettre des vidéos partout »

4. « places-fortes » = châteaux-forts, forts

5. Thèse défendue par Philippe Guitet : L’installation de caméras de surveillance n’est pas suffisante pour assurer la sécurité en milieu scolaire. Il faut prévoir dans les établissements scolaires des moyens humains, c’est-à-dire des personnels de sécurité comme ça se fait dans les banques ou dans les centres commerciaux.

• Argument 1 : La vidéosurveillance n’est pas toujours efficace dans le travail de repérage et d’identification des agresseurs.

Exemple : Les jeunes cagoulés ne sont pas facilement identifiables.

• Argument 2 : Dans le milieu scolaire il n’y a quasiment pas de personnels de sécurité.

• Argument 3 : Les surveillants, les conseillers principaux d’éducation, les personnels de direction, les agents de loge et d’accueil, seuls, ne sont pas efficaces pour lutter contre la violence scolaire.

6. Selon Philippe Guitet, la violence ne cesse de s’aggraver. En 2007-2008, près de 12 incidents graves ont été signalés pour 1000 élèves.

APRES

A deux, les étudiants discutent entre eux pour dire s’ils sont d’accord avec Xavier Darcos ou avec Philippe Guitet.

Page 408: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

398

e) Séance 10-11-12-13 : Activité 4

Document sonore : Le débat sur la vidéosurveillance dans les écoles

(Raphaelle Duchemin, le 7 décembre 2007)

Source : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2007-12-07-la-video-surveillance-dans-les-ecoles-48815-9-43.html

Durée : 7m05

REMARQUES PRELIMINAIRES

Ce document sonore est long mais intéressant. Son utilisation suppose une variation des exercices proposés. En particulier, il fournit aux apprenants d’autres informations variées concernant le thème en question. De plus, il leur permet de se sensibiliser à la manière dont les adultes mènent un débat. Dans la mesure du possible, on peut considérer ce débat authentique comme preuve pour justifier l’idée que le débat n’est pas une sorte de violence verbale, mais, au contraire, que c’est un outil de construction mutuelle de connaissances en vue d’apporter des éclairages à une question posée.

Cependant, vu la durée de l’enregistrement, il est nécessaire que le professeur demande aux apprenants de diviser le document en plusieurs séquences en fonction des idées principales et fasse travailler séquence par séquence.

DEMARCHE

1ere écoute :

Le professeur fait écouter tout le document et demande aux étudiants de répondre aux questions dans l’exercice A. Il leur dit de ne rien noter lors de la première écoute.

► Suggestion :

1. Type du document : débat à la radio

2. Source du document : France-info

3. Participants :

- Michel Richard : secrétaire général du SNPDEN, le syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale.

- Florent Montillot : adjoint à la mairie d’Orléans, chargé des questions de la sécurité.

Page 409: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

399

4. Thème du débat : Vidéosurveillance dans le milieu scolaire.

5. Les points de vue sont complémentaires.

Le professeur peut introduire, dans cette phase de compréhension globale, un certain vocabulaire technique comme question de controverse, débat, opinion, argument, prise de position, débatteur…

2e écoute :

Le professeur fait écouter seulement le passage d’introduction du débat.

Il demande ensuite aux apprenants de numéroter les éléments suivants selon l’ordre dans lequel ils apparaissent :

● Présentation des débatteurs ● Indicatif de l’émission

● Question de controverse ● Thème de l’émission

Après, il demande aux étudiants de donner leurs remarques en répondant par exemple aux questions :

- Comment introduit-on le sujet de débat ?

- Comment présente-t-on les invités ?

- Comment invite-t-on quelqu’un à prendre la parole ?

Par groupe de 2 ou 3, les étudiants jouent de nouveau ce passage. Ils peuvent éventuellement imaginer d’autres façons d’introduire ce débat sur la vidéosurveillance.

3e écoute :

Le professeur fait écouter la séquence portant sur la nécessité d’installer, dans les établissements scolaires, des caméras de surveillance. Il demande aux étudiants d’analyser le point de vue des deux invités : est-ce que leurs opinions sont opposées l’une à l’autre ? Au fur et à mesure, il les aide à répondre aux cinq premières questions de l’exercice B.

►Suggestion :

1. Michel Richard :

• Thèse défendue : La vidéosurveillance ne peut pas remplacer la présence humaine.

• Argument : Les élèves ont besoin de la présence humaine pour les encadrer.

2. Florent Montillot :

• Position pour : La vidéosurveillance est utile

Page 410: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

400

• Arguments :

- Argument 1 : La vidéosurveillance protège les élèves contre les intrusions qui proviennent de l’extérieur.

- Argument 2 : Elle contribue à diminuer les dégradations et surtout des vols de vélos des jeunes aux abords des établissements scolaires.

3. Non, à Orléans, il n’y a pas de caméra de surveillance dans les établissements scolaires.

4. A Orléans, on appelle la vidéosurveillance la caméra de protection.

5. Non, il n’est pas tout à fait d’accord avec Florent Montillot. Il partage l’idée que la caméra de surveillance est importante et efficace pour identifier les auteurs d’actes délictueux et les dissuader, mais il affirme que ce n’est qu’un outil de dissuasion. Ensuite, par le biais de « mais », il ajoute son point de vue en disant que cet outil ne peut pas remplacer la présence humaine dans le milieu scolaire.

Du point de vue argumentatif, Florent Montillot utilise la stratégie concessive, c’est-à-dire qu’il prend l’argument de l’autre, montre qu’il en accepte une partie et, après, avance son propre argument.

6. Les élèves ne sont pas favorables. Ils se sentent surveillés. Ils ne sont pas contents, considérant que la caméra de surveillance est une atteinte à la liberté personnelle : « vous voulez avoir des preuves sur notre vie »

Quant aux personnels, certains trouvent que c’est une bonne solution, certains ne le pensent pas, cela dépend de la sensibilité de chacun.

7. Selon Florent Montillot, la sécurité n’a pas de prix. Le coût d’une installation de vidéosurveillance est bien moindre que celui des dégradations ou des agressions.

8. Ce sont les collectivités territoriales qui vont avoir la charge de ce financement. Dans la région Ile de France, le conseil régional et les conseils généraux comme ceux des Hauts de Seine, des Yvelines… vont financer ces projets de caméras de surveillance.

9. Concernant les moyens humains, Florent Montillot est d’accord avec Michel Richard pour dire que ce dispositif ne peut pas remplacer la présence d’hommes et de femmes dans les établissements. Il insiste sur la nécessité de mener des actions parallèles, à savoir par exemple une action de partenariat entre les collèges et la police, en vue de prévoir des mesures de dissuasion et de prévention et de mettre en place des réactions à temps.

Page 411: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

401

10. Florent Montillot partage le point de vue de Michel Richard : « Je voudrais simplement quand même rappeler un élément qui est important j’adhère à ce que disait Monsieur Richard, c’est que véritablement c’est un outil au service de l’humain et il ne remplace pas l’homme ».

11. Thèse défendue par Michel Richard : Il n’y aura jamais une « solution miracle » commune à tous les établissements en vue d’assurer la sécurité.

• Arguments :

- Argument 1 : Chaque établissement a ses caractéristiques particulières

- Argument 2 : L’élaboration d’un plan de mise en sécurité de chaque établissement doit tenir compte de son environnement et de son histoire.

• Conclusion : Il est impossible de généraliser la solution à tous les établissements.

Dernière écoute

Cette écoute a pour objectif de rappeler aux élèves le rôle du modérateur dans la conduite d’un débat : la façon de diriger les intervenants, de leur donner la parole, de clore le débat…

Le professeur fait écouter de nouveau le document intégral.

Ensuite, il demande aux élèves d’étudier la répartition de la parole dans ce débat : Ils ont à relever toutes les questions du meneur de débat qui ont pour objectif de passer à un autre aspect du sujet et de réguler la prise de parole des invités.

Exemple :

- Alors, Messieurs, la question qu’on se pose, c’est effectivement : y a-t-il une véritable nécessité à installer dans les établissements, euh Michel Richard, des caméras pour surveiller les enfants ?

- Florent Montillot, vous avez, vous, le sentiment que c’est quelque chose d’utile ?

- Michel Richard ?

- Florent Montillot, comment c’est financé, ça coûte cher une vidéosurveillance à installer aux abords des établissements scolaires ou à l’intérieur ?

- Dernière question, Michel Richard, est-ce qu’on n’est pas aussi au problème de responsabilisation de chacun vous parlez tout à l’heure de fricage c’est un petit peu effectivement ce que peuvent dire les détracteurs de la vidéosurveillance. Est-ce qu’il faut pas tout simplement de de essayer de

Page 412: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

402

responsabiliser des gens plutôt que de généraliser ce système de vidéosurveillance ?

Remarque : Le meneur de débat tend à utiliser directement le nom des invités pour leur attribuer la parole.

f) Séances 14-15 : Activité 5

Cette activité d’interaction orale, sous forme de jeu de rôle, confronte les élèves à la nécessité de défendre leur point de vue. Ils doivent recourir non seulement aux différentes stratégies argumentatives comme l’énumération et l’exemplification des arguments ou la concession, mais aussi à des outils linguistiques comme des connecteurs argumentatifs, des termes et des expressions d’organisation du discours…En conclusion, ils doivent argumenter face à quelqu’un qui défend une opinion contraire.

g) Séances 16-17-18 : Activité 6

REMARQUES PRELIMINAIRES

Cette activité vise à entraîner les élèves à la prise de position face à un problème de société. C’est aussi l’occasion pour qu’ils s’entraînent à nouveau à organiser un débat entre eux, étant donné que cette activité n’a pas une place privilégiée en classe de FLE au Vietnam.

Mais, en vue d’un bon résultat de travail, il est absolument nécessaire que le professeur et les étudiants mobilisent une collaboration maximale dans la recherche des documents portant sur le sujet traité. Cette première phase de recherche leur fournit au fur et à mesure des arguments qui leur seront utiles dans la phase suivante : prise de position et justification de la position.

L’idéal serait de pouvoir enregistrer chaque débat réalisé par les élèves et de l’analyser ensuite (cf. grille d’analyse dans la fiche pour enseignants 4). Cet enregistrement permet de conserver une trace de l'oral des élèves, et facilite les opérations d'objectivation, de révision, de régulation et aussi d'évaluation. En fait, par l'emploi de cette technique, comme à l'écrit, une première production orale peut devenir un brouillon à améliorer et à réviser. Les élèves peuvent analyser leurs réussites et puis ensuite prendre conscience des difficultés rencontrées.

Page 413: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

403

DEMARCHE

Dans un premier temps, le professeur demande aux élèves ceux qui sont favorables au projet d’installation des caméras de surveillance dans les établissements scolaires et ceux qui sont contre ce projet. Ils sont alors invités à former des groupes de 4. Il importe de signaler que tous les membres de chaque groupe doivent partager la même opinion.

En se basant sur leurs recherches personnelles, les élèves discutent, choisissent et accumulent ensemble des arguments en faveur de leur position. Ils ne doivent pas oublier de construire un ensemble de contre-arguments. Ce travail les aide à envisager des objections provenant du camp adverse.

Cette phase de discussion au sein du groupe peut se faire pendant une trentaine de minutes.

Rejoindre ensuite les 4 membres d’un groupe adverse et débattre.

Le professeur demande également aux élèves de prévoir un meneur de débat. Cette personne introduit le thème, présente les participants, régule les interventions en distribuant les tours de paroles et tire les conclusions.

► Suggestions

Arguments en faveur de la vidéosurveillance dans les établissements scolaires :

- Dans les milieux scolaires, il y a de plus en plus des bagarres entre les élèves. Ils fument, ils font quelquefois des graffitis… Avec la vidéosurveillance, la direction peut intervenir rapidement.

- Les jeunes sont de plus en plus incontrôlables et délinquants. L’installation des caméras augmente le sentiment de sécurité des élèves.

- Les bâtiments d’apprentissage sont bien grands. C’est pourquoi il devient difficile d’avoir une bonne surveillance. Il est donc nécessaire de recourir à ces appareils de surveillance.

- La vidéosurveillance est moins dispendieuse et plus efficace que les gardiens de sécurité. Il faut par conséquent installer des caméras partout.

- La caméra de surveillance contribue peut-être à améliorer le comportement des gens.

Page 414: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

404

Arguments en défaveur de la vidéosurveillance dans les établissements scolaires :

- Par l’installation des caméras de surveillance, les établissements scolaires deviennent un milieu semblable aux supermarchés et, pire encore, à des prisons où on assimile chaque individu à un délinquant potentiel, on assimile l’espace public à l’univers carcéral, et enfin l’école à un espace réunissant des anonymes. Cela va à l’encontre de l’ambition éducative et sociale.

- Dans une certaine mesure, on risque de transformer l’école en de grosses garderies pour les jeunes. Autrement dit, elle ne serait plus un lieu de savoir.

- L’usage excessif et agressif de mesures de sécurité à l’école peut nuire aux élèves en augmentant leur méfiance et leur sentiment d’insécurité et en leur déniant des droits essentiels. On peut dire que ces mesures risquent d’augmenter la violence entre élèves sous prétexte de les protéger.

- La caméra de surveillance influe directement sur le travail d’enseignement des professeurs. Ces derniers ont l’impression d’être filmés durant leur travail et se sentent alors mal à l’aise. Ils ne veulent plus enseigner avec une caméra braquée sur eux tout au long de la journée.

- Au lieu d’investir dans les caméras, il faudrait dépenser pour un meilleur encadrement des enfants, c’est-à-dire s’attaquer à la source du problème, et non à son résultat, car les caméras n’empêcheront pas la multiplication des comportements inacceptables.

- Au lieu d’investir dans les caméras, il vaut mieux penser aux dépenses qui bénéficieront réellement aux élèves : achats de livres, heures de soutien individualisé, activités culturelles, voyages…

Page 415: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

405

Transcription

1. Document 1 (document audiovisuel) : Paris sous vidéo surveillance

Source : http://www.youtube.com/watch?v=HkBZtkn3PKM

Durée : 1m59

« Mille caméras pour Paris », voilà le nom du projet conjoint à la Préfecture de police et à la municipalité. 1226 caméras de surveillance, plus exactement toutes opérationnelles à l’horizon 2010, c’est 4 fois plus d’objectifs braqués sur la voie publique qu’aujourd’hui. Le plan d’installation sera présenté lundi au conseil de Paris, un conseil au sein duquel seule la voix des Verts s’élève contre ce projet.

Danielle Fournier, élue des verts au conseil de Paris :

« Nous, nous pensons qu’il est cher, hein, il va coûter cher et qu’il vaut mieux mettre euh qu’il va y avoir du personnel, aussi un employé pour justement euh derrière ces caméras ben alors pour donner l’efficacité. Il vaudrait mieux que ce soit des personnes qui soient dans la rue que derrière des machines ».

Le coût du dispositif est estimé entre 44 et 50 millions d’euros à la charge de l’Etat et de la mairie, une municipalité qui a effectué un revirement puisqu’elle y était fermement opposée lors de sa première mandature, elle justifie désormais sa décision en prenant soin de mettre l’usage du dispositif à la surveillance des quartiers dits sensibles.

Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris :

« Prendre en considération le risque terroriste, prendre en considération le risque dans un certain nombre de quartiers, risque lié à la circulation, au trafic automobile, ça nous paraît intéressant… »

A droite, en revanche, on regrette le temps perdu et l’on souligne l’intérêt du projet pour lutter contre la délinquance.

Jean-François Lamour, porte-parole au groupe UMP au conseil de Paris :

« Et nous souhaitons aussi que toutes les Parisiennes et Parisiens puissent bénéficier de ce dispositif, en particulier dans les arrondissements périphériques de Paris, je pense aux zones urbaines denses avec un certain nombre de quartiers qui sont à la fois très commerçants mais aussi quelquefois très sensibles, car il y a là une sorte de flux entre la banlieue et Paris »

Issues de la classe politique, quelques associations militent contre une dérive sécuritaire comme une norme toujours plus pressante sur l’individu.

Page 416: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

406

Jean-Pierre Petit, membre du collectif « Souriez vous êtes filmés » :

« Quand une société est en apparence sécurisée, il y a toujours quelque chose dans la société qui ne veille pas aux normes. De plus en plus, il y a des lois sur le comportement qui, est autour de moi là dans cette rue, n’a rien à se rapprocher par rapport au nouveau discours sécuritaire et moralisateur, on ne peut pas viser à la transparence totale ».

2. Document 2 (document sonore) : Reportage de Célia Quilleret

Source : http://www.france-info.com/france-education-2009-04-03-mam-veut-developper-la-video-surveillance-dans-les-ecoles-274328-9-43.html

Durée : 1m15

Pour Xavier Darcos, l’idée n’est pas de stigmatiser ces centaines d’établissements sensibles dont la liste ne sera pas publiée mais de renforcer leur sécurité.

Xavier Darcos :

« L’autre jour dans l’établissement de Gagny où il y a eu cette intrusion violente qui a suscité tant d’émotions, il y a des caméras de vidéosurveillance qui d’ailleurs nous ont permis d’arrêter dans l’heure qui a suivi les gens qui avaient agressé l’établissement. Il ne faut pas non plus imaginer qu’on va transformer nos lycées en places-fortes et qu’on va mettre des vidéos partout »

En revanche, pour Philippe Guitet du principal syndicat des proviseurs de lycées, ces caméras qui devront être financées par les collectivités locales ne seront pas suffisantes.

Philippe Guitet :

« Souvent les jeunes entrent cagoulés et eux donc ne sont pas facilement repérables par une vidéo de surveillance donc ça ne résout pas tous les problèmes. Il faudrait avoir des personnels particuliers comme ça se fait devant les banques, dans les centres commerciaux parce que en définitive dans les établissements scolaires on n’a aucun personnel de ce type. Ce sont pas des surveillants qui peuvent être des personnels de sécurité, ce sont pas des conseillers principaux d’éducation ni des personnels de direction ni même des agents de loge et d’accueil qui sont pas formés à cette spécialité ».

Mais les chiffres de la violence scolaires sont assez opaques. Selon le ministère près de 12 incidents graves ont été signalés pour 1000 élèves en 2007-2008. Des liens plus étroits entre l’éducation et la police pourraient donc être tissés.

Page 417: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

407

3. Document 3 (document sonore) : Le débat sur la vidéosurveillance dans les écoles (Raphaelle Duchemin, le 7 décembre 2007)

Source : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2007-12-07-la-video-surveillance-dans-les-ecoles-48815-9-43.html

Durée -7m05

Raphaelle Duchemin (RD) :

Débat sur la vidéosurveillance dans les établissements scolaires. Les caméras à l’école est-ce une bonne ou une mauvaise initiative ? Avec nous, pour y répondre, Florent Montillot, bonjour

Florent Montillot (FM) :

Bonjour

RD :

Vous êtes adjoint à la mairie d’Orléans en charge notamment de la sécurité et Michel Richard, bonjour

Michel Richard (MR):

Bonjour

RD :

Vous êtes, vous, secrétaire général du SNPDEN, le syndicat national des personnels de direction de l’Education Nationale et également principal à Versailles. Alors, Messieurs, la question qu’on se pose, c’est effectivement : y a-t-il une véritable nécessité à installer dans les établissements, euh Michel Richard, des caméras pour surveiller les enfants ?

MR :

Ecoutez, je crois que la vidéosurveillance, ça doit être un outil et un outil d’aide à un objectif, mais bien évidemment l’installation de ces caméras ne saurait se substituer à la présence humaine, parce que dans un établissement scolaire, nous accueillons des adolescents de tous âges, de toutes origines et ils ont besoin de cette présence humaine et d’adultes pour les encadrer.

RD :

C’est quelque chose qui a apparu à peu près dans les années 90, ça a été utile au départ ?

Page 418: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

408

MR :

Alors c’est un phénomène qui a apparu effectivement entre la fin des années 80 et le début des années 90, à un moment où les établissements scolaires ont cessé d’être protégés, ont cessé d’être sanctuarisés et c’était essentiellement pour protéger les établissements contre les intrusions, c’est ce que j’ai vécu, moi, dans l’établissement que je dirigeais à l’époque.

RD :

Florent Montillot, vous avez vous le sentiment que c’est quelque chose d’utile ? Il n’y a pas de caméra à priori chez vous à Orléans, dans les écoles ?

FM :

Ah ! il n’y en a pas dans les collèges et lycées mais il y en a par contre sur la ville parce que j’ai moi-même fait procéder à ces installations. Je me permets juste de corriger un mot effectivement ce n’est pas pour surveiller les enfants mais pour protéger les enfants. Il faut tout de même savoir que ce sont les plus jeunes dans notre pays

RD :

On l’appelle quand même des vidéos de surveillance

FM :

ainsi que… à Orléans on appelle ça des vidéos de protection, précisément. Et les jeunes femmes, les jeunes, les jeunes adolescents et les personnes âgées qui sont les premières victimes dont ce sont les jeunes qui sont plus victimes d’actes délictuels qu’auteurs d’actes délictuels, et effectivement que ces choses aux abords des lycées et des collèges empêchaient les intrusions, c’est de protéger les collégiens et les lycéens contre ces intrusions qui viennent qui proviennent de l’extérieur et c’est également éviter notamment des dégradations et surtout des vols, vols de vélos qui sont généralement des vols de vélos de ces jeunes.

RD :

Vous voulez dire précisément aux abords des établissements. Est-ce qu’il y a une différence entre à l’extérieur et à l’intérieur justement du lycée, du collège ?

FM :

Je me permets de dire que, bien sûr il y a une différence parce que bien souvent des bandes qui se trouvent dans des quartiers qui ne sont pas forcément que XX

Page 419: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

409

(inaudible) sensibles, vous en avez qui prennent notamment les moyens de transport en commun assez facilement et de plus en plus facilement et qui se trouvent, y compris les établissements de centre-ville, qui viennent, qui attendent à la sortie, des adolescents, des jeunes enfants ou des jeunes collégiens autrement éventuellement pour les agresser ou pour les racketter, voire pour dealer parce que évidemment aussi on a ce phénomène de trafic juste aux entrées, aux sorties des établissements scolaires.

RD :

Et c’est dissuasif ? vous avez constaté, vous, qu’il y avait une baisse du nombre de dégradations ou de vols aux abords des établissements scolaires ?

FM :

Il y en a précisément quand la protection et la vidéosurveillance se fait plus à l’extérieur ou dirigé vers l’extérieur qu’à l’intérieur

RD :

Michel Richard ?

MR :

C’est un outil de dissuasion extrêmement importante. La présence d’une caméra, surtout si elle est couplée avec un enregistrement, permet évidemment d’identifier l’auteur d’acte délictueux et il va dissuader celles ou ceux qui ont envie de le commettre d’être dans le champ de la caméra, mais ça ce n’est peut-être qu’un outil de dissuasion ça n’a ne peut pas remplacer la présence d’humains, la présence d’hommes et de femmes dans les établissements et aux abords des établissements.

RD :

Vous parlez d’humains justement comment c’est perçu à la fois par les personnels et à la fois par les élèves ?

MR :

Alors c’est, tout dépend de l’approche. Je crois que l’important quand on veut mettre en place dans ce système c’est d’être transparent, c’est-à-dire de l’annoncer, de dire qu’il existe et d’expliquer dans quel cadre on le met en place parce que sinon effectivement cela peut générer des réactions extrêmement négatives par rapport à ce dispositif.

RD :

Qu’est-ce qu’ils vous disent, les élèves, justement : ils se sentent surveillés ou

Page 420: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

410

pas ?

MR :

Alors, les élèves nous disent, oui, mais vous êtes en train de nous fliquer, est-ce que vous voulez euh c’est d’avoir des preuves sur notre vie et les…

RD :

Mais c’est dissuasif ?

MR :

Oui c’est dissuasif, bien évidemment, c’est dissuasif pas forcément sur les élèves comme le disait l’élu qui est à côté de moi,

RD :

Florent Montillot

MR :

c’est dissuasif sur les personnes qui ont envie de commettre des actes qui sont répréhensibles et les personnels certains le vivent mal d’autres le vivent mieux mais ça en fonction de la sensibilité de chacun.

RD :

Florent Montillot, comment c’est financé, ça coûte cher une vidéosurveillance à installer aux abords des établissements scolaires ou à l’intérieur ?

FM :

Oh non, de toute façon, vous savez j’ai toujours été habitué de dire que la sécurité n’a pas de prix que donc le coût même d’une installation est un coût bien moindre que les dégradations, les agressions. Bon, il faut savoir que le financement se fait bien généralement par les collectivités territoriales. En région Ile de France le conseil régional y participe, les conseils généraux, les Hauts de Seine, les Yvelines, j’étais moi-même conseiller général de Hauts de Seine, il y avait un financement. A Orléans, c’est bien sûr la ville d’Orléans elle même qui participe à cela, le cas échéant avec l’aide du conseil général si on est à proximité d’un collège. Je voudrais simplement quand même rappeler un élément qui est important j’adhère à ce que disais Monsieur Richard, c’est que véritablement c’est un outil au service de l’humain et il remplace pas l’homme, nous avons-nous

RD :

Ça veut dire qu’il faut avoir des réactions parallèles menées

Page 421: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

411

FM :

Absolument c’est absolument indispensable, nous avons nous par exemple dans les secteurs sensibles, voire même en dehors des secteurs sensibles je pense au centre-ville, une action de partenariat avec les principaux de collèges, les CPE, les surveillants etc, l’ensemble du personnel, pour mettre en place par exemple un accompagnement par les médiateurs, les correspondants de jour, les correspondants de nuit, donc les agents de remédiation de la ville d’Orléans la police municipale jusqu’à la police nationale, notamment lorsque on sait identifier le principal de collège ou le proviseur nous appelle pour nous dire, on sait qu’il y a actuellement une bande qui tourne autour du CO nous avons une mesure évidemment de dissuasion et de prévention qui est de mettre en place un relai, une réaction présente sur le terrain de ces hommes et de ces femmes.

RD :

Dernière question, Michel Richard, est-ce qu’on n’est pas aussi au problème de responsabilisation de chacun ? Vous parlez tout à l’heure de flicage c’est un petit peu effectivement ce que peuvent dire les les détracteurs de la vidéosurveillance. Est-ce qu’il faut pas tout simplement de de essayer de responsabiliser des gens plutôt que de généraliser ce système de vidéosurveillance ?

MR :

Alors ce que nous croyons c’est que il n’y a pas de solution miracle parce que s’il y en avait une, ce serait très connu et le problème serait réglé. Chaque établissement est une particularité, donc il est nécessaire d’anticiper d’avoir un plan de mise en sécurité de l’établissement qui intègre son environnement et qui intègre son histoire et donc on ne peut pas effectivement généraliser et dire voilà la solution est juste là

RD :

Ça doit rester du cas par cas

MR :

Ça doit rester du cas par cas, faute de quoi l’objectif n’est jamais atteint

RD :

Merci, Messieurs, d’avoir été en direct avec nous sur France-info.

Page 422: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 2

412

Page 423: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

413

UNITÉ 3

La croissance économique – On en discute !

Source: http://www.journarles.org/

(consulté le 15-03-2011)

Page 424: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

414

FICHE POUR ETUDIANT

UNITÉ 3

La croissance économique – On en discute !

REFLEXION PREALABLE

Depuis des années, au Vietnam, l’économie s’améliore peu à peu. Pensez-vous que c’est un bon signe ? Est-ce que la croissance économique, d’après vous, a toujours des effets positifs dans la situation de votre pays ?

ACTIVITES DE COMPREHENSION

a) Activité 1 : Compréhension écrite

Faut-il plus de croissance ? (Phosphore 323, mai 2008)

A. Lisez le texte dans la rubrique « Les faits » et répondez aux questions suivantes :

1. D’où vient ce document ?

2. A quel problème fait-il référence ?

3. Sur quoi se base-t-on pour juger la croissance économique d’un pays ?

4. Quels sont les pays qui connaissent actuellement un accroissement de leur économie ?

5. D’après ce que dit l’auteur du texte, est-ce que la course à la croissance est toujours un bien ? Quels sont les faits qu’il utilise pour illustrer cette idée ?

B. Lisez les textes, puis répondez au questionnaire :

Texte 1 :

1. Qui sont les auteurs de ces deux réponses ?

2. Quelle est la position de Jacques Delpla ? Quels sont ses arguments ? Identifiez-les !

3. Quels exemples l’auteur utilise-t-il pour illustrer ses arguments ? Dites quel exemple soutient quel argument ?

Page 425: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

415

4. Quelle stratégie argumentative l’auteur utilise-t-il ? Comment comprenez-vous son argumentation ?

Texte 2 :

1. Quelle est la thèse défendue par Serge Latouche ?

2. Quels sont les arguments qu’il utilise pour démontrer la validité de sa thèse ?

3. A quel type d’argument appartiennent-ils ?

4. Serge Latouche propose une autre solution en vue d’éviter les mauvaises conséquences de la croissance. Laquelle ?

5. Qu’entendez-vous par « la logique de la croissance » ?

6. Vous avez bien compris les deux textes. Maintenant, c’est à vous de mettre à la bonne place les deux titres suivants :

- POUR « La croissance crée des inégalités, mais chacun reçoit plus »

- CONTRE « Nous ne pouvons plus continuer ainsi, les ressources de la planète sont limitées »

7. Relisez la dernière phrase du chapeau de l’article et le dernier paragraphe du texte de la rubrique « Les faits » :

- « … le chômage et la crise écologique amènent des experts à remettre en cause la course à la croissance »

- « Le chômage et la crise écologique ravivent cependant la réflexion sur la croissance et son contenu »

Quelle formule est, selon vous, la meilleure ? Expliquez votre opinion et essayez de la reformuler de manière personnelle.

b) Activité 2 : Compréhension orale

Croissance économique et écologie : incompatibles ?

A. Ecoutez la première partie du document sonore et remplissez la fiche suivante :

Il s’agit d’un (e) interview □ débat □ discussion □

Le thème traité : ………………………………………………………… …

Participants : …………………………………………………………………

…………………………………………………………………

Trouvez dans la bande sonore un autre terme synonyme de « faire bon ménage » : …………………………………………………………………….

Page 426: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

416

B. Ecoutez la partie qui suit et répondez aux questions suivantes :

1. En réponse à la question portant sur l’existence entre deux impératifs, l’économie et l’écologie, quelle est la position de Gérard Bramoullé ? Quel exemple illustre sa position ?

2. En ce qui concerne le protocole de Kyoto, il y a des opinions divergentes. Construisez votre compréhension du texte en répondant aux questions suivantes :

- Jean-Charles Hourcade et Gérard Bramoullé disent-ils la même chose ? Ont-ils la même position ?

- Sur quoi sont-ils d’accord ?

- Sur quoi divergent-ils ?

3. A la question selon laquelle limiter la croissance est la bonne solution pour éviter le changement climatique, quelle est la thèse défendue par Jean-Charles Hourcade ?

4. Dans la suite du débat, Gérard Bramoullé continue à exposer sa position vis-à-vis du protocole de Kyoto. Analysez son argumentation ! Quel type d’argument utilise-t-il ?

5. Est-ce que Jean-Charles Hourcade est d’accord avec Gérard Bramoullé pour affirmer que les pays comme l’Inde et la Chine doivent prendre un engagement contraignant ? Justifiez votre réponse par une phrase dans la bande sonore.

6. Etudiez la manière dont la journaliste distribue la parole aux invités. Notez toutes les formules que vous entendez. Quelles sont vos remarques ?

c) Activité 3 : A vous de débattre !

Durant ces dernières années, le Vietnam a connu une grande croissance économique. Pensez-vous que l’économie et l’écologie sont en mesure de faire bon ménage dans votre pays ?

Dans le rôle d’un économiste ou d’un écologiste, essayez de prendre une position et de la défendre. Pensez à proposer des mesures afin de développer une bonne économie et en même temps faire de l’écologie.

Organisez avec vos camarades un débat d’une vingtaine de minutes. N’oubliez pas de prévoir un animateur.

Page 427: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

417

FICHE POUR ENSEIGNANT

UNITÉ 3

La croissance économique – On en discute !

a) Séance 1 : Activité d’anticipation

REMARQUE PRELIMINAIRE

La croissance économique est un sujet extrêmement large, mais la discussion au préalable s’avère toujours nécessaire car elle consiste à éveiller chez les élèves des connaissances plus ou moins connues, donc les sensibiliser au thème qui coule tout au long de l’unité.

DEMARCHE

Le professeur demande aux élèves de se regrouper en 4 et de discuter entre eux pendant dix minutes pour répondre à la question dans la rubrique « Réflexion prélable ». Chaque groupe va désigner un rapporteur qui présentera un exposé devant toute la classe.

b) Séances 2-6 : Activité 1

Faut-il plus de croissance ? (Phosphore 323, mai 2008)

1. Rubrique Les faits (exercice A)

REMARQUE PRELIMINAIRE

La lecture de ce petit texte a pour objectif de familiariser les élèves avec le thème traité tout au long de ce dossier : la croissance. L’auteur de ce texte relève des faits tels que la croissance, les ressources de la planète, le chômage, la crise économique pour que tout le monde réfléchisse et prenne position.

Page 428: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

418

DEMARCHE

Le professeur laisse aux élèves un certain temps pour la lecture individuelle. Ensuite, il leur demande de travailler par deux pour répondre aux questions de compréhension dans l’exercice A

► Suggestion

1. Ce document vient de la revue Phosphore, numéro 51.

2. Il parle de la croissance économique.

3. Pour juger la croissance économique d’un pays, on se base sur le produit intérieur brut du pays.

4. Ce sont le Brésil, la Chine, la Russie, l’Inde

5. La course à la croissance entraîne parfois des effets néfastes. L’auteur cite pour preuves le rapport « Halte à la croissance » daté de 1972 qui signalait que les ressources planétaires étaient limitées, et l’appel fait par les experts du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat.

2. Rubrique Le Débat (exercice B)

REMARQUES PRELIMINAIRES

Il s’agit dans cette activité de lire deux textes argumentatifs faisant partie d’un même document et présentant des opinions divergentes sur un sujet, puis de répondre au questionnaire de compréhension s’y référant.

Cette épreuve consiste à confronter deux prises de position argumentées pour en étudier les parallélismes, c’est-à-dire les points communs ou complémentaires, et les divergences, c’est-à-dire les oppositions.

Cette activité se réalise selon la démarche suivante :

On supprime les termes POUR / CONTRE situés au début de chaque texte. Les titres sont aussi effacés et on ne garde que le gros titre : « Faut-il plus de croissance ? ». On distribue aux élèves ce document écrit. Ils doivent le lire tout entier et répondre au questionnaire.

Ce type d’exercice permet aux apprenants d’identifier les différents contenus argumentatifs.

Page 429: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

419

DEMARCHE

Après la lecture individuelle, les élèves sont invités à discuter en groupe de 2 afin de trouver les bonnes réponses.

► Suggestions :

Texte 1 :

1. La première réponse est écrite par Jacques Delpla, économiste, membre du conseil d’analyse économique et de la commission Attali pour la libération de la croissance en France.

La deuxième est rédigée par Serge Latouche, professeur émérite d’économie à l’Université Paris-Sud. Il est aussi partisan du mouvement de la décroissance sereine.

2. Jacques Delpla est tout à fait favorable à la croissance. Ses arguments sont les suivants :

• Argument 1 : Grâce à la croissance, on peut sortir de la pauvreté.

→ Plus de croissance, moins de pauvreté

• Argument 2 : La croissance permet de financer les recherches, y compris la recherche médicale, ce qui rend service à l’être humain.

→ Plus de croissance, plus de financement pour la recherche

• Argument 3 : La croissance n’est pas l’ennemie de l’environnement

→ Plus de croissance, plus de respect à l’égard de l’environnement

Ce 3e argument constitue une objection à l’argument selon lequel la croissance détruit les ressources, la planète.

• Argument 4 : La croissance fait baisser le chômage.

→ Plus de croissance, moins de chômage

Ce sont des arguments de conséquences positives.

3. L’auteur cite alors trois exemples pour illustrer ses idées.

• Exemple de la Suède : pays qui, malgré un taux de croissance élevé, pollue moins grâce à l’application de bonnes politiques (imposer des taxes aux entreprises qui polluent trop)

→ La croissance n’entraîne pas forcément la pollution.

Cet exemple soutient l’argument 3.

Page 430: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

420

• Exemple du Niger : il n’y a pas de pollution, il n’y a pas de richesse non plus. La conséquence : la mortalité infantile augmente.

→ Le refus de croissance est synonyme de l’augmentation de la pauvreté, ce qui entraîne d’autres conséquences néfastes.

Cet exemple soutient l’argument 1.

• Exemple de la France il y a 30 ans : beaucoup de gens vivaient dans des habitations insalubres sans eau ni téléphone. La situation change nettement grâce à la croissance.

→ La croissance améliore les choses.

Cet exemple illustre l’argument 1.

Le professeur peut donner aux étudiants différentes expressions pour relier l’exemple à l’argument :

- ….. par exemple …..

- C’est notamment le cas de ……

- Considérons par exemple le cas de ……

- Tel est le cas, par exemple, de ……

- L’exemple le plus significatif nous est fourni par ……

4. Dans son argumentation, l’auteur formule deux fois la concession.

- « Il est vrai que la croissance n’est pas possible à l’infini, car elle détruit les ressources naturelles et pollue la planète, mais elle reste indispensable parce que c’est l’accroissement de la richesse qui permet d’investir dans de nouvelles technologies et d’être plus respectueux de l’environnement ».

- « Elle crée des inégalités, soit, mais elle permet aussi d’augmenter le nombre d’emplois et de relever les bas salaires ».

Pour aider les étudiants à bien comprendre comment fonctionne la concession, le professeur leur pose des questions sur la gestion des arguments des gens par rapport aux arguments d’en face :

- « La croissance détruit les ressources naturelles et pollue la planète » et « La croissance crée des inégalités », est-ce que ça, c’est la position de l’auteur ?

→ Non, c’est la position de l’autre sur laquelle l’auteur s’inscrit (à laquelle l’auteur adhère) un tout petit peu.

- Quelle est donc la position de l’auteur ?

Page 431: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

421

→ La position de l’auteur est anti-orientée : La croissance « permet d’investir dans de nouvelles technologies et d’être plus respectueux de l’environnement » et « permet aussi d’augmenter le nombre d’emplois et de relever les bas salaires ».

A partir de l’analyse de ce genre, le professeur amène les étudiants à tirer la conclusion que, par la concession, on accepte un argument de l’interlocuteur mais qu’on ajoute un autre argument qui le nuance ou le contredit. Autrement dit, dans la concession, la première proposition est argumentativement anti-orientée par rapport à la deuxième proposition. Le connecteur « mais » sert à introduire un argument qui contraste avec ce qu’on a dit précédemment.

Enfin, le professeur demande aux étudiants de reformuler ces concessions par d’autres expressions, par exemple :

- Certes, la croissance crée des inégalités mais elle permet aussi d’augmenter le nombre d’emplois et de relever les bas salaires.

- Il est incontestable que la croissance n’est pas possible à l’infini, car elle détruit les ressources naturelles et pollue la planète, mais elle reste indispensable parce que c’est l’accroissement de la richesse qui permet d’investir dans de nouvelles technologies et d’être plus respectueux de l’environnement.

Texte 2 :

1. Thèse défendue par Serge Latouche : Il faut réduire la consommation pour sauver la planète.

2. Les arguments qui soutiennent cette thèse sont les suivants :

• Argument 1 : La croissance entraîne de graves dérèglements climatiques.

→ Plus de croissance, plus de dérèglements climatiques.

Serge Latouche réfute le 3e argument formulé par Jacques Delpla (La croissance n’est pas l’ennemie de l’environnement) en disant : « Ceux qui croient que les innovations technologiques vont nous permettre de repousser les limites de la croissance se trompent : ce n’est pas vrai ». Il reprend l’argument de Jacques Delpla et dit qu’il est faux : Il est absurde de croire que les innovations technologiques vont aider à réduire les limites de la croissance.

• Argument 2 : Les ressources naturelles sont limitées.

• Argument 3 : Consommer moins pour éliminer le gaspillage car quand on consomme de la viande par exemple, on consomme également du transport, de la réfrigération, des emballages…

Page 432: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

422

→ Plus de croissance, plus de gaspillage en énergie.

• Argument 4 : Une société de décroissance ne va pas mettre tout le monde au chômage car il y a d’autres secteurs qui pourront être développés.

Par l’introduction de cet argument, l’auteur répond à l’objection formulée par Jacques Delpla :

« Si nous refusons la croissance, il y aura davantage de chômage »

→ Moins de croissance, plus de chômage

A ce propos, le professeur fait remarquer aux étudiants que la concession et la réfutation renvoient indiscutablement à des positionnements par rapport au discours de l’autre. Ce sont des phénomènes de relation entre les deux argumentateurs.

Il donne aux étudiants d’autres moyens linguistiques pour réfuter un argument :

- Il est impossible (inadmissible, inacceptable, choquant…) de soutenir l’idée que ….. parce que …..

- L’affirmation selon laquelle ….. est fausse (irrecevable, inacceptable) parce que …..

1. Les arguments formulés par Jacques Delpla sont des arguments par les conséquences négatives.

2. Une autre solution visant à éviter les conséquences de la croissance, c’est qu’il faut se désintoxiquer de la publicité, c’est-à-dire qu’il faut veiller à la sobriété.

3. La croissance améliore la qualité de vie, elle apporte le confort, le profit mais elle n’est pas toujours positive, car elle épuise de plus en plus les ressources de la planète, ce qui menace gravement la vie humaine.

4. Texte de Jacques Delpla : POUR / Texte de Serge Latouche : CONTRE

5. Examinons la première phrase : « … le chômage et la crise écologique amènent des experts à remettre en cause la course à la croissance » :

Le verbe « remettre en cause » amène le lecteur à une argumentation par les conséquences négatives :

• Plus de croissance, plus de crise écologique

• Plus de croissance, plus de chômage

Or, selon ce que dit l’article, nous avons plutôt le contenu suivant :

Page 433: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

423

• Plus de croissance, plus de crise écologique

→ Argument par les conséquences négatives

• Plus de croissance, moins de chômage

→ Argument par les conséquences positives

La crise écologique s’aggrave est un argument contre la croissance.

Le chômage diminue est un argument qui plaide pour « plus de croissance »

Nous avons le schéma :

A et B amènent des experts à remettre en cause X

Le chômage amène des experts à remettre en cause la croissance

La crise écologique amène des experts à remettre en cause la croissance

Or, nous avons : remettre qqc en cause = revenir sur (une décision)54

Donc :

Le chômage amène des experts à revenir sur la croissance = pour plus de croissance

La crise écologique amène des experts à revenir sur la croissance = pour moins de croissance

Ainsi, la deuxième phrase : « Le chômage et la crise écologique ravivent cependant la réflexion sur la croissance et son contenu » semble refléter plus fidèlement le message du journaliste. Elle contextualise mieux le fait qui sera traité dans les réponses des spécialistes.

On pourra la reformuler ainsi :

Le chômage et la crise écologique relancent la réflexion sur la croissance et son contenu.

Le chômage et la crise écologique reposent la question de la réflexion sur la croissance et son contenu.

APRES

- Le professeur demande aux élèves à quel texte ils sont le plus sensibles, s’ils partagent complètement l’opinion de Jacques Delpla ou celle de Serge Latouche. Pour qu’ils en discutent et se positionnent, le professeur les regroupe toujours par deux. Il les encourage à faire des concessions sous forme de : « certes,…mais… »,

54 http://www.cnrtl.fr/definition/remettre

Page 434: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

424

« oui, c’est vrai que… mais… », « oui, vous avez raison de dire que… mais moi, je pense que… »…Bien sûr, les stratégies pour exprimer le désaccord total sont aussi bienvenues.

- Il demande à chaque groupe de présenter son opinion. Les autres élèves peuvent intervenir pour s’opposer ou défendre et aussi pour noter tous les arguments auxquels ils n’auraient pas pensé. Cette activité prépare les élèves à l’exercice dans la phase suivante.

POUR ALLER PLUS LOIN

Le professeur amène les élèves à reposer le problème dans le contexte vietnamien. Il leur demande d’imaginer qu’ils travaillent à la télévision et qu’ils doivent maintenant organiser entre eux un débat télévisé sur le thème de la croissance au Vietnam. Il est alors nécessaire qu’ils expriment et défendent leur point de vue en disant si la croissance économique pose les mêmes problèmes au Vietnam qu’en France (éventuellement, ils peuvent se référer au texte étudié).

Pour faire ce travail, les élèves vont désigner un meneur de débat, un camp des « pour » et un camp des « contre ».

Au sein du groupe, les élèves doivent accumuler une série d’arguments en faveur de leur position et les démontrer par des exemples concrets. Ils doivent également prévoir les objections éventuelles pouvant provenir de l’autre camp et préparer des contre-arguments.

Après cette phase de préparation, le professeur leur demande de rejoindre le groupe adverse et de débattre pour faire triompher l’opinion de chaque groupe.

En vue d’obtenir de bons résultats, les élèves doivent faire une petite recherche personnelle le thème de la croissance économique et de ses effets sur la situation vietnamienne. Ce travail est très rentable, car il fournit aux élèves des idées qui leur permettent de prendre des initiatives de prises de parole.

Page 435: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

425

c) Séances 7-11 : Activité 2

Compréhension orale

Débat : Croissance économique et écologie : incompatible ?

Source : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2008-04-01-croissance-economique-et-ecologie-incompatibles-117179-81-189.html

Durée : 7m07

REMARQUES PRELIMINAIRES

Dans ce débat, on parle du protocole de Kyoto, ce qui entrave la compréhension des élèves. C’est pourquoi, le professeur doit leur donner à temps des explications simples de ce traité. Ci-dessous, quelques informations nécessaires :

- Le protocole de Kyoto est issu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques adoptée à l’issue du Sommet de la Terre, qui s’est tenu en juin 1992 à Rio de Janeiro, au Brésil.

- Ce traité vise à lutter contre le réchauffement planétaire en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

- Le protocole prévoyait que les Etats-Unis réduiraient leurs émissions de 7%, le Canada de 6 % et l’Union européenne de 8 %.

- Les pays en développement, y compris le Brésil, la Chine, l’Inde et l’Indonésie, font également partie du protocole mais ne sont pas concernés par la réduction d’émissions. Ainsi, la Chine, le deuxième pollueur du monde, obtient une exemption.

- C’est pourquoi, on a rediscuté en décembre 2010 à Cancun du protocole de Kyoto tout en espérant une avancée « claire » sur ce protocole

DEMARCHE

1ere écoute

Avant de faire écouter la première partie du document sonore, le professeur rappelle aux élèves des critères qui différencient un débat et une discussion (Voir partie 2, §4).

Ensuite, ceux-ci sont invités à remplir la fiche figurant dans l’exercice A après avoir écouté la première partie du document.

Page 436: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

426

► Suggestion

Il s’agit d’un (e) interview □ débat □ discussion □

Le thème traité : Economie et écologie

Participants : 1. Jean-Charles Hourcade, directeur de recherche au CNRS

2. Gérard Bramoullé, économiste et professeur d’université à Aix-Marseille

Le terme synonyme de « faire bon ménage » : « conciliable »

Afin de favoriser leur compréhension, le professeur demander aux élèves d’interpréter la première phrase de la journaliste : « Economie et écologie sont-elles en mesure aujourd’hui de faire bon ménage ? ». Il accepte toutes leurs hypothèses. Il leur demande ensuite de noter la question posée par la journaliste en fin de séquence.

« Est-ce que vous pensez que c’est un impératif qui est conciliable avec l’autre, gérer finalement à la fois une bonne économie et faire de l’écologie aujourd’hui en France ? »

Maintenant, l’idée est bien claire, les élèves peuvent comparer cette idée avec leurs interprétations antérieures. On se met d’accord sur le thème du débat.

Avant de passer à la séquence suivante, le professeur explique aux élèves que, quand il s’agit d’annoncer le thème d’une émission de débat, très souvent on utilise une devinette, une question ou une histoire pour piquer la curiosité de celui qui écoute. Contrairement à ce qu’on fait dans un colloque scientifique, on évite dans les présentations de débats, les introductions directes du thème.

Si nécessaire, on peut regrouper les élèves par deux ou trois et leur demander de rédiger, en quelques minutes, une petite introduction similaire à la séquence d’introduction qu’ils viennent d’entendre. Après la présentation devant la classe de trois ou quatre groupes, on va examiner ensemble la qualité et la pertinence de ces textes.

2e écoute

On fait écouter la suite du document. Les élèves sont invités à répondre aux questions 1-2 de l’exercice B.

► Suggestion

1. Gérard Bramoullé constate que l’économie et l’écologie sont actuellement compatibles en France. Il justifie son point de vue par un exemple qui consiste à dire qu’à l’heure actuelle, on arrive à transformer des gaz dégagés

Page 437: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

427

par des déchets ménagers en électricité. Par ce processus, on peut avoir à la fois un bon traitement écologique du problème des déchets et obtenir davantage en termes de revenus et d’énergie.

2. Pour aider les élèves à trouver la bonne réponse, le professeur leur fournit tout d’abord des informations concernant le protocole de Kyoto (cf. remarques préliminaires), puis leur demande de dégager toutes les caractéristiques de ce protocole mentionnées par ces deux invités. Il établit ensuite un tableau et demande aux apprenants de cocher la bonne case.

J-C. Hourcade G. Bramoullé

1. Le protocole de Kyoto est difficile à mettre en place car il est trop global +

2. Par l’intermédiaire de ce protocole, on élabore des règles du jeu communes. +

3. Ce protocole est inefficace à cause de l’absence de prise en compte des circonstances nationales. + +

4. Il est trop homogène +

5. On a besoin d’un protocole de type global. +

• Position de Gérard Bramoullé : Il est contre le protocole de Kyoto.

Arguments : - Ce protocole est trop global, trop homogène.

- Sa plus grande faiblesse est qu’il ne prend pas en compte des spécificités locales et géographiques importantes.

Conclusion : Ce système ne sert à rien et donc ne sera jamais appliqué.

• Position de Jean-Charles Hourcade : Il est favorable à la mise en place d’un protocole de type global.

Arguments : - Le protocole de Kyoto est une sorte de règle du jeu

- Grâce à ce système, on pourra obliger la Chine et l’Inde à participer à un effort commun pour lutter contre le réchauffement planétaire.

Jean Charles Hourcade est d’accord avec Gérard Bramoulé pour dire que la convention-cadre de changement climatique ne fait pas attention à ces différences locales et sectorielles, mais il affirme la nécessité de mettre en place un protocole de type global.

Page 438: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

428

3e écoute

Le professeur fait écouter le reste du document. Les élèves ont à répondre aux questions 3-4-5 de l’exercice B.

► Suggestion

3. Jean-Charles Hourcade n’est pas d’accord avec cette idée. Selon lui, il est absurde d’interdire aux pays de s’enrichir. Autrement dit, la décroissance n’est pas la solution pour sauver l’environnement.

4. Gérard Bramoullé estime que ce protocole est vraiment inefficace. Son argument est que la Chine, l’Inde et le Brésil sont des pays surpeuplés, et que la Chine, en particulier, est le second pollueur du monde. Or ces pays ne sont pas concernés par le traité.

Bramoullé renforce sa position en présentant, avec l’argumentation par analogie, un exemple qui dit qu’on ne pourra pas arrêter le cours d’une rivière en faisant un barrage sur la moitié de la rivière. Il ajoute un autre phénomène, la délocalisation des activités productrice de gaz vers les pays non concernés par le traité, ce qui entraîne le fait que la planète est toujours menacée car il n’y aura aucune réduction de gaz à effet de serre.

5. Oui, il dit : « Monsieur Bramoullé a raison de dire qu’il n’est pas question de continuer sans que l’Inde et la Chine ne soient pas à bord »

4e écoute

Cette dernière écoute vise à faire répondre à la question 6 de l’exercice B. Le professeur demande aux élèves de prêter particulièrement leur attention à la manière d’animer le débat. C’est une question très intéressante et très pertinente. Pour faciliter leur prise de notes, il arrête la bande sonore chaque fois qu’il y a l’intervention de la journaliste.

6. Pour assurer le bon fonctionnement du débat, la journaliste intervient :

- soit pour demander une précision :

« c’est-à-dire qu’à petite échelle c’est quelque chose qui est compatible mais pas à grande échelle, pour quelle raison »

- soit pour clarifier ce que dit un participant :

« ça signifie que les autres ne doivent pas pendant ce temps faire des efforts et montrer la voie »

- soit pour inviter quelqu’un à prendre la parole :

« Jean-Charles Hourcade, c’est un avis que vous partagez ? »

Page 439: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

429

« Gérard Bramoullé, c’est aussi votre avis ? »

« Jean-Charles Hourcade, vous voulez y répondre ? »

POUR ALLER PLUS LOIN

Pour aller plus loin, le professeur demande aux élèves de rédiger un texte court en réponse à la consigne B-2. Ensuite, il ramasse toutes les copies et fabrique chez lui un document où il réunit toutes leurs interventions. Lors de la séance suivante, il distribue ce document aux élèves et on en discute oralement. Ces derniers doivent prendre position d’abord au sujet du protocole de Kyoto, ensuite de la compatibilité entre la croissance économique et la protection de l’environnement.

d) Séances 12-14 : Activité 3

REMARQUE PRELIMINAIRE

Malgré plusieurs séances de préparation à cette tâche ciblée, la consigne de débat pose quand même des difficultés aux apprenants. Il faut donc leur donner à l’avance la consigne et leur demander de faire à la maison une recherche personnelle. Le professeur leur conseille également de tracer un plan de ce qu’ils vont dire en classe. Leur signaler que la recherche des arguments peut s’orienter vers le « pour » ou vers le « contre », en fonction des intérêts spontanés qu’éveille la question de débat.

DEMARCHE

Le professeur demande aux élèves ceux qui répondent positivement à la question posée et ceux qui répondent plutôt négativement.

Ensuite, il leur dit de constituer des groupes de 4 de même opinion. Les élèves discutent entre eux. Cette étape est très importante car ils peuvent enrichir leurs arguments et prévoir ensemble les contre-arguments de l’autre camp. De plus, la discussion en groupe facilite l’émergence et l’expression d’opinions originales.

Enfin, par groupes de 2, ils rejoignent 2 autres étudiants du camp opposé. Un étudiant jouera le rôle du journaliste pour mener le débat.

Page 440: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

430

Transcription

Document sonore

Croissance économique et écologie : incompatible ?

En ligne : http://www.france-info.com/chroniques-debats-matin-2008-04-01-croissance-economique-et-ecologie-incompatibles-117179-81-189.html

Source : Durée : 7m07

Journaliste (J) :

- Economie et écologie sont elles en mesure aujourd’hui de faire bon ménage ? C’est le débat du jour sur France-info, on est, vous le savez, dans la semaine du développement durable, mais aujourd’hui, est-on vraiment en mesure de gérer les deux impératifs ? Peut-on être un pays qui consomme propre et dans le même temps être un pays qui a une croissance en bonne santé ? Bien, c’est une des questions que nous allons poser à nos deux invités. Jean-Charles Hourcade, bonjour

Jean-Charles Hourcade (H) :

- Bonjour

J :

- Vous êtes directeur de recherche au CNRS, merci d’être avec nous sur France-info, également en ligne, Gérard Bramoullé, vous êtes, vous, économiste et professeur d’université à Aix-Marseille, bonjour

Gérard Bramoullé (B) :

- Bonjour

J :

- Alors est-ce que vous pensez que c’est un impératif qui est conciliable avec l’autre, gérer finalement à la fois une bonne économie et faire de l’écologie aujourd’hui en France ? Gérard Bramoullé ?

B :

- Ecoutez oui quand on raisonne localement, et à mon avis, non quand on raisonne globalement. Je vais m’expliquer là-dessus. Je vais donner un petit exemple, vous savez qu’on a de gros problèmes avec les déchets ménagers et aujourd’hui, ces

Page 441: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

431

déchets ménagers, quand ils sont bien traités, peuvent dégager un gaz qui permet de produire de l’électricité, et certaines collectivités locales ont appliqué ce type de méthode pour transformer donc des gaz dégagés par des déchets ménagers en électricité, et cette électricité est revendue à EDF et ça permet à la fois d’avoir un bon traitement écologique du problème des déchets et en même temps d’obtenir des gaz en termes de revenu et aussi en termes d’énergie

J :

- C’est-à-dire qu’à petite échelle c’est quelque chose qui est compatible mais pas à grande échelle, c’est pour quelle raison ?

B :

- Mais écoutez, je pense qu’à grande échelle, notamment le problème de protocole de Kyoto est un système qui est extrêmement difficile à mettre en place. Je pense que ce protocole ne sera jamais appliqué et que si jamais un jour il est appliqué, il fera de vrais problèmes en terme de croissance, en terme d’emplois, et puis en terme même de la qualité de vie. Je pense que c’est un système qui est beaucoup trop global, beaucoup trop homogène. Il y a des différences locales et géographiques qui sont extrêmement importantes et qui ne sont pas prises en compte par le protocole de Kyoto.

J :

- Et Jean-Charles Hourcade, c’est un avis que vous partagez ?

H :

- Ben je suis d’accord sur le total, mais je ne suis pas d’accord sur la dernière partie de la phrase. Un, c’est vrai que ultimement pratique locale et décision locale, d’accord ? Deuxièmement, on a bien besoin quand même de, surtout si on a des ambitions très fortes en matière de dé carbonisation, de baisse d’émission de CO2 qui est un phénomène global, d’avoir des règles du jeu à peu près communes. Alors le protocole de Kyoto est une façon d’avoir des règles du jeu commune. Le gros problème qui se pose historiquement, moi, j’étais négociateur de ce protocole, donc je sais à peu près ce qu’il y a dedans et surtout les dérapages ensuite. Le protocole c’est quoi ? Ce n’est jamais qu’une règle du jeu qu’on met entre pays et ensuite une fois quand on a pris cette décision un peu au niveau global qu’on a pris les pays sont libres ou pas d’échanger des émissions de carbone, et ensuite en interne ils font ce qu’ils veulent, ils peuvent faire des réformes fiscales ils peuvent faire des soutiens de retraitement des déchets, des soutiens au nucléaire, ils peuvent faire ce qu’ils veulent

Page 442: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

432

Le problème c’est que dans l’interprétation du protocole, tel qu’on l’entend souvent, ça devient de fait un système trop rigide et qu’il n’est pas en fait en principe. Donc en gros je pense qu’il faut un protocole de type global, sinon on ne fera pas basculer les Chinois et les Indiens dans le système où on aura, ils vont participer à un effort commun de grande ampleur. En revanche, ce qu’il nous faut, Monsieur Bramoullé a tout à fait raison, c’est tenir compte du fait que quand on décide d’un système de ce type, il faut bien faire très très attention à toutes les spécificités locales et aussi les spécificités sectorielles, comme on traite pas le ciment comme on traite l’électricité

J :

- Quand on parle de limiter la croissance, ça n’est pas forcément la bonne solution ?

H :

- Ben, ça c’est surtout pas. L’idée est très simple, c’est depuis 1962, à Stockolm, il y a eu un débat qui a été tranché par le comité international dans le bon sens. Si on veut sauver l’environnement global, il faut que les pays pauvres et les pays émergents rentrent dans une lutte commune, or ces pays ne rentreront dans une lutte commune que s’ils se développent, on ne va pas leur dire « Les gars, vous devez rester pauvres », non, vous avez la chance de vous enrichir mais d’une façon un peu différente c’est ça qui est en jeu, je pense qu’un des termes les plus pervers dans la protection de l’environnement, c’est le thème de la décroissance.

J :

- Gérard Bramoullé, c’est aussi votre avis ?

B :

- Ecoutez, moi, je considère vraiment que le protocole de Kyoto, sert vraiment à rien du tout. Je veux donner quelques exemples. D’abord les pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, ça représente plus de trois milliards d’habitants, ne sont pas concernés par le traité. Or, la Chine est le second pollueur au monde, en valeur absolue, donc les accords de Kyoto en terme d’écologie me paraissent vraiment inefficaces, c’est comme si vous voulez

J :

- Ça signifie que les autres ne doivent pas pendant ce temps faire des efforts et montrer la voie

B :

- Mais non, écoutez, c’est comme si vous vouliez arrêter la ligne d’une rivière en faisant un barrage sur la moitié de la rivière, quoi, ça n’empêchera rien du tout, en plus avec les réglementations, la fiscalité qui sera mise en place pour les pays

Page 443: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

433

concernés, qui est le cas de la France, qu’est-ce qu’il va se passer, il va y avoir pour les activités productrice des gaz il y aura une délocalisation vers les pays qui ne sont pas concernés, et donc globalement, il n’y aura aucune réduction de ces gaz à effets de serre

Je crois que la délocalisation en la matière que les gens sont en train de mettre en place et puis je ne vois pas comment on pourra justifier le coût économique de Kyoto appliqué à certains pays alors qu’il n’y a pas de rentabilité écologique, ça me paraît vraiment étonnant comme système

J :

- Jean Charles Hourcade, vous vouliez y répondre

H :

- Mais à ça veut dire que l’information passe mal quand même, parce que le protocole de Kyoto est acté depuis 1992, que dans un premier temps, j’insiste sur dans un premier temps, les pays comme l’Inde, la Chine, enfin les pays en développement ne prendraient pas d’engagement contraignant. Maintenant, à partir de maintenant, pendant une deuxième phase, il est évident que il n’est pas question de partir nous tous seuls les pays de l’OCDE la France l’Europe tout seuls, par effet de démonstration, sans que l’Inde et la Chine ne soient pas dans un tel système

J :

- Ils vont être en mesure de rattraper le retard qu’ils ont sur nous en la matière ?

H :

- Non, attendez par rapport à ce qu’a dit Monsieur Barmoullé, si tout le monde comprend bien, c’est le problème pour l’Europe d’aujourd’hui. La Chine et l’Inde ne rentreront pas à court terme dans le système de type Kyoto avec des engagements contraignants globaux. Il faut donc qu’on ait une offre d’accord avec eux qui ne reposent pas uniquement là-dessus et de ce point de vue là, à titre personnel, je suis un peu inquiet de la façon dont l’Europe interprète de la façon souvent trop dogmatique… le protocole, Monsieur Barmoullé a raison de dire qu’il n’est pas question de continuer sans que l’Inde et la Chine ne soient pas à bord, c’est ce qu’ils négocient maintenant.

J :

- Merci à tous les deux d’avoir été en direct pour ce débat consacré à l’économie et l’écologie.

Page 444: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 3

434

Page 445: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

435

UNITÉ 4

Clonage humain – On en discute !

Source: http//www.genetique.org/doss_theme/dossiers/clonage/acc.clonage.htm

(consulté le 15-03-2011)

Page 446: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

436

FICHE POUR ETUDIANT

UNITÉ 4

Clonage humain – On en discute !

REFLEXION PREALABLE

Avez-vous entendu parler du clonage humain ? Que pensez-vous de ce progrès scientifique ?

ACTIVITES DE COMPREHENSION

a) Activité 1 : Compréhension écrite 1

Merci, docteur Antinori (Le Monde, 8-1-2001)

IL faut aujourd'hui remercier le docteur Severino Antinori. Provocatrices, nullement dénuées de relents publicitaires et financiers, émanant, qui plus est, d'un homme qui est fort loin d'avoir les compétences scientifiques dont il se laisse parer par les médias, ses déclarations, faites mardi 7 août au sein de ce temple moderne qu'est, à Washington, le siège de l'Académie américaine des sciences, sont, paradoxalement, constructives.

On peut d'ores et déjà espérer que l'écho international qu'elles auront permettra d'ouvrir un débat essentiel, que les démocraties modernes peinent ou rechignent à organiser.

Le sujet, sans doute, n'est pas simple, qui impose de faire la part entre les deux formes de clonage que nous offrent désormais les biologistes et les médecins: le clonage "reproductif" et le clonage "thérapeutique". Pour autant, point n'est besoin d'être docteur en médecine ou spécialiste bardé de diplômes de biologie et de génétique pour saisir l'essentiel de ce qui se trame désormais dans les cornues des nouveaux maîtres du vivant.

Deux positions s'affrontaient jusqu'ici. La première faisait valoir qu'en raison du respect dû à la personne humaine ou, pour certains, au nom de convictions religieuses, le clonage sous toutes ses formes devait être solennellement condamné. L'autre soutenait qu'une exception pouvait être faite au vu des nouvelles espérances nourries par des biologistes qui se disent sur le point, pour peu qu'on les laisse agir, de bâtir une nouvelle branche de la médecine moderne, capable de guérir des maladies dégénératives jusqu'à

Page 447: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

437

présent incurables et souvent perçues comme le fruit de la fatalité ou celui du temps qui passe. Mais le clonage reproductif était catégoriquement exclu de la discussion.

Le docteur Antinori, en voulant faire de celui-ci le prolongement naturel du clonage thérapeutique, impose à chacun - citoyens, responsables scientifiques et gouvernementaux, institutions internationales chargées de l'éthique - de prendre clairement position et de dire s'il accepte ou s'il refuse l'effacement d'interdits séculaires.

Au lendemain de l'annonce de la naissance de Dolly, premier mammifère créé par clonage d'une cellule adulte en mars 1997, des voix s'étaient élevées pour s'inquiéter de l'insuffisance des dispositifs nationaux face aux pressions des biologistes. Il apparaissait déjà que l'instrumentalisation de la reproduction serait difficilement freinée. Quatre ans plus tard, le docteur Antinori vient nous dire que la menace est plus présente que jamais.

Tous les pays vont être appelés à légiférer sur ces questions. La Grande-Bretagne l'a fait la première. Le processus vient de commencer aux Etats-Unis. Pour sa part, le Parlement français sera saisi, au début de 2002, du projet de loi adopté le 20 juin par le conseil des ministres. Quelles que soient les solutions retenues, elles ont pour objectif de nous prémunir contre la tentation du pire.

Lisez le texte et répondez aux questions suivantes :

1. Montrez que le portrait du docteur Severino Antinori est argumentativement orienté.

2. Dans cet article, on parle de deux formes de clonage. Lesquelles ? En vous basant sur votre recherche personnelle, essayez de préciser la différence entre ces deux types de clonage.

3. Est-ce que le clonage humain (sous les deux formes) est approuvé par tout le monde ?

4. Expliquez les différentes prises de position mentionnées dans le texte. Quels sont les arguments de chacun ?

5. Comment les arguments sont-ils introduits ? Identifiez ces arguments.

6. De quoi débat-on ? Est-ce suffisant ? Quel est le problème qui se pose maintenant ?

Page 448: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

438

b) Activité 2 : Compréhension écrite 2

Le docteur Antinori lance un programme de clonage humain reproductif

(Le Monde,7-8-2001)

Le spécialiste italien, devant la condamnation unanime dont le clonage humain reproductif fait l'objet, a indiqué que son équipe pourrait devoir opérer sur un bateau situé dans les

eaux internationales.

Le docteur Severino Antinori, gynécologue-obstétricien italien, a annoncé, mardi 7 août à Washington, dans le cadre d'un colloque de l'Académie américaine des sciences, le lancement du premier programme international de clonage humain à visée reproductrice. Selon le Sunday Times (du 5 août), le spécialiste italien va, dans un premier temps, proposer cette technique à près de deux cents femmes volontaires de plusieurs pays. Le docteur Antinori avait déjà annoncé son intention de mettre en œuvre ce procédé de procréation scientifiquement assistée qui est condamné par la quasi-totalité des institutions éthiques nationales et internationales (Le Monde du 21 juin). Selon le Sunday Times, le médecin italien, qui dirige une clinique à Rome célèbre pour appliquer les techniques de procréation assistée chez les femmes ménopausées, a constitué une équipe internationale composée de vingt spécialistes, dont un biologiste moléculaire britannique.

La plupart des demandes qui ont été retenues proviennent, selon le docteur Antinori, de femmes vivant avec un homme souffrant de stérilité. Huit des deux cents femmes sont d'origine britannique. La prise en charge sera effectuée gratuitement.

En pratique, l'opération sera similaire à celle qui, en 1997, a permis la création de Dolly. Il y aura dans un premier temps stimulation de la fonction ovarienne de la femme et prélèvement d'un nombre élevé d'ovocytes. Ces cellules seront ensuite énuclées et on introduira en leur sein le noyau d'une cellule prélevée sur le corps de l'homme. Si les chercheurs obtiennent que l'embryon ainsi créé in vitro se développe, ils le placeront dans l'utérus de la future mère. L'enfant qui verrait ainsi le jour serait pratiquement le double génétique de l'homme stérile. Outre la condamnation éthique dont elle fait l'objet – au nom du respect de la dignité humaine – dans la plupart des pays industrialisés, cette technique soulève une série de graves questions quant à son innocuité.

Le recul dont on dispose en matière de clonage reproductif chez l'animal montre que les manipulations nécessaires à l'obtention d'un embryon peuvent induire une série d'anomalies et de malformations. Cette pratique peut aussi être à l'origine d'une mortalité précoce. En l'état actuel des connaissances, de très nombreuses tentatives sont d'autre part nécessaires avant d'obtenir un embryon, ce qui impose de disposer d'un nombre élevé d'ovocytes. Tous ces éléments ne font nullement hésiter le spécialiste italien qui, devant la

Page 449: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

439

condamnation unanime dont le clonage humain reproductif fait l'objet, a indiqué que son équipe pourrait devoir opérer sur un bateau situé dans les eaux internationales.

Outre la communication du docteur Antinori, la réunion de Washington a été marquée par la présence de Brigitte Boisselier, ancienne spécialiste de biochimie de la société Air Liquide et représentante de l'Eglise raélienne. Cette secte a elle aussi annoncé son intention de financer un programme voisin de celui du docteur Antinori (Le Monde du 8 juin). Ian Wilmut, du Roslin Institute d'Edimbourg, créateur de Dolly, ainsi que les professeurs André Van Steirteghem (Université libre néerlandophone de Bruxelles) et Alan Trouson (Clayton, Australie), deux des meilleurs spécialistes mondiaux de la reproduction humaine et animale, étaient également présents.

Jean-Yves Nau

Lisez le texte et répondez aux questions suivantes :

1. Qu’est-ce qui s’est passé à Washington le mardi 7 août ?

2. Qui sont les participants ? Citez quelques noms.

3. Quel est le projet du docteur Antinori ?

4. Comment s’effectue le clonage ?

5. Sur qui sont appliquées les techniques de procréation assistée ?

6. Selon le docteur italien, à quel genre de femmes son projet de clonage humain reproductif est-il le plus utile ?

7. Quelle est la position des scientifiques ? Trouvez dans le texte un mot qui confirme cette position.

8. Combien d’arguments soutiennent cette position ?

9. Comment comprenez-vous la dernière phrase du 4e paragraphe : « […] le spécialiste italien […] a indiqué que son équipe pourrait devoir opérer sur un bateau situé dans les eaux internationales » ?

Page 450: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

440

c) Activité 3 : Compréhension écrite 3

Clonage humain:

le Dr Antinori menacé par le conseil de l'ordre italien (Le Monde,7-8-2001)

Le docteur italien Severino Antinori, qui projette de mettre prochainement en oeuvre un programme de clonage humain, se heurte à la réticence de ses confrères et risque la

radiation.

À la veille de la présentation, mardi 7 août, à Washington, devant l'Académie américaine des sciences, d'un programme de clonage reproductif dans l'espèce humaine, le président américain, George W. Bush, a fait savoir qu'il demeurait fermement opposé à toute tentative de ce type. L'annonce de ce programme devait être faite par le docteur Severino Antinori, un gynécologue-obstétricien exerçant dans une clinique de Rome et qui a acquis une certaine notoriété internationale en acceptant de mettre en œuvre les techniques de procréation médicalement assistée chez des femmes ménopausées. "Si le but de ce programme est de cloner un être humain, le président est opposé à toute tentative en ce sens", a déclaré, lundi, Scott Mc Clellan, l'un des porte-parole de M. Bush à Crawford, le village texan où le président américain est en vacances.

En présence de Panayiotis Michael Zavos, généticien américain d'origine grecque avec qui il prévoit de mener son entreprise controversée, le docteur Antinori devait indiquer devant l'Académie américaine des sciences que les premières tentatives de clonage reproductif chez les deux cents couples volontaires qui ont d'ores et déjà été sélectionnés seraient faites en novembre. Pour le médecin italien, il est clair que rien ne doit s'opposer à la mise en œuvre de la technique du clonage à des fins de reproduction, qui constituera selon lui une avancée scientifique majeure. "Vous ne pouvez pas mettre de barrières au clonage

thérapeutique, a déclaré le docteur Antinori, lundi 6 août, à l'agence Reuters. Cloner nous aidera à mettre fin à de nombreuses maladies, à donner aux hommes stériles la chance d'avoir des enfants. Nous ne pouvons pas passer à côté d'une pareille occasion".

PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

Le médecin italien n'a pas encore fait savoir où il réaliserait son programme, la plupart des pays industrialisés interdisant, de manière explicite ou pas, une telle pratique. Pour sa part, le conseil de l'ordre des médecins italiens, s'il est favorable au clonage thérapeutique (qui prévoit la création ou l'utilisation d'embryons sans programmer leur développement), est fermement opposé au clonage reproductif uniquement à des fins de prévention ou de guérison de maladies. Cette instance a d'ailleurs entamé une procédure

Page 451: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

441

disciplinaire à l'encontre du docteur Antinori en mars dernier, lorsque le médecin romain avait, pour la première fois, dévoilé ses intentions.

Le docteur Mao Falconi, président de ce conseil pour la région de Rome, a précisé que le docteur Antinori risquait, au terme de cette procédure, d'être radié. Ce conseil a par ailleurs demandé, lundi, au Parlement italien d'adopter une législation en vue de criminaliser le clonage humain reproductif.

"Le docteur Antinori doit se rappeler que l'ordre des médecins a plusieurs fois réitéré qu'il respectait le protocole du Conseil européen interdisant la création d'un être humain génétiquement identique à un autre, a indiqué, dans un communiqué, Giuseppe Del Barone, président du conseil de l'ordre des médecins italiens. L'ordre a également confirmé une nouvelle fois sa propre opposition à une telle pratique, considérée comme contraire à la dignité de l'homme". Le docteur Del Barone a par ailleurs accusé son confrère de "privilégier le folklore par rapport à la science".

Jean-Yves Nau

Lisez le texte et répondez aux questions suivantes :

1. Quelle est la position du président américain vis-à-vis du programme de clonage humain reproductif ?

2. Qui est Panayiotis Michael Zavos ? A-t-il le même point de vue que George Bush ?

3. Quelle est la thèse défendue par le docteur Antinori ? Relevez dans le texte les phrases qui affirment sa position.

4. Quels sont les arguments avancés par ce médecin italien afin de défendre sa prise de position ?

5. Peut-il mettre en œuvre son programme dans les pays industrialisés ?

6. Quelle est la position du conseil de l’ordre des médecins italiens vis-à-vis du clonage humain ? Justifiez votre réponse.

7. A quoi renvoie le pronom « il » dans le dernier paragraphe ?

8. Pourquoi le docteur Antinori doit-il subir une procédure disciplinaire ? Quels sont les arguments de l’ordre des médecins ?

9. Expliquez le propos du docteur Del Barone qui accuse Antinori de « privilégier le folklore par rapport à la science » !

Page 452: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

442

d) Activité 4 : Compréhension écrite 4

Severino Antinori, accoucheur de miracles (Le Monde,7-8-2001)

Provocation ou coup de pub ? Le gynécologue romain Severino Antinori s'est fait fort de réaliser le premier clone humain... en se gardant toutefois de donner une date. Plus sérieusement, le roi de la fécondation in vitro fait le bonheur des "grand-mères mères", ces femmes ménopausées qui mettent au monde un bébé, comme ce fut le cas, récemment, à Fréjus. Enquête sur un faiseur d'enfants très controversé.

Elle a une grimace enfantine, comme pour s'excuser de ne pas trouver les mots savants. Si elle est là, c'est à cause de son mari: son "sperme n'est pas assez riche", lâche-t-elle tout de go. Assis en face d'elle, le couple accueille la nouvelle avec une gravité polie. L'homme, en baskets usées et chemise à carreaux, a une quarantaine d'années. Sa compagne, tee-shirt bleu marine et collier bon marché, en a trente-sept. De la rue monte le bruit des scooters, des klaxons, parfois l'écho d'une cloche d'église. Le Vatican est à deux pas. C'est la deuxième fois que Mario et Gina se retrouvent ici, à Rome, dans cette salle d'attente aux volets mi-clos. La patiente au mari défaillant continue son babil. Ils l'écoutent distraitement. Sur les murs sont accrochés des clichés d'embryons, bulles pastel sur fond rose. Et des photos du plus célèbre gynécologue d'Italie, Severino Antinori, cinquante-six ans, posant au milieu de bambins hilares et de parents émus, qui brandissent leurs nourrissons comme des trophées.

Des docteurs, ils en ont "vu plein !", soupire Gina. Ils ont "tout essayé". En vain. "Dans les centres de santé publique, insiste-t-elle, personne ne s'occupe de ces choses-là". Adopter un enfant ? Ils y ont songé, bien sûr, mais "c'est trop compliqué. Et puis, ce n'est pas pareil". Le "Professore" Antinori est leur "dernier recours". Pour consulter chez lui, ils ont fait plus de cent kilomètres. Mais, pour avoir un gosse, ils en feraient cent mille ! "On sait que c'est très cher", ajoute Gina. "Moins cher, quand même, qu'une voiture neuve !", tente de plaisanter son mari.

Depuis l'ouverture, à la fin des années 1980, du Centre de recherches associé pour la reproduction humaine et contre l'infertilité (Raprui), dirigé par le professeur Antinori et son épouse, la biologiste Caterina Versaci, plusieurs milliers de couples sont venus, comme eux, d'Italie, mais aussi d'Allemagne, de France, du Koweït ou d'Arabie saoudite. Avec un taux de succès (c'est-à-dire de naissances) estimé à plus de 25%. Ce pourcentage varie "selon l'âge de la patiente et le nombre de tentatives déjà effectuées", précise prudemment la brochure de présentation.

Page 453: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

443

Sur quelque cinq mille expériences de fécondation in vitro (FIV), réalisées au Centre depuis 1987, environ un quart aurait réussi. Mais ces performances n'ont pas fait, à elles seules, la réputation du gynécologue romain, ce virtuose de la procréation, adoré de ses patientes et fustigé par le Vatican. Le "papa des enfants impossibles", comme il aime à s'entendre appeler, doit surtout sa célébrité à ces nombreuses "nonne-madre" (grand-mères mères), ces femmes ménopausées dont il a dirigé les grossesses et présidé aux accouchements. La plus connue d'entre elles, Rossana Della Corte - âgée de soixante-trois ans à la naissance de son enfant, en 1994 -, figure au Guinness des records. Ces enfanteuses aux cheveux gris seraient aujourd'hui, assure Severino Antinori, quelque cinquante mille à travers le monde, grâce aux méthodes mises au point par ses soins.

La technique est la même, depuis le cas de Paola R., première "nonna-madre" officiellement enregistrée, ayant accouché à quarante-sept ans. Il a fallu, pour commencer,

"recréer un cycle menstruel normal, de manière à rendre la muqueuse utérine adaptée à l'implantation d'un embryon", explique le docteur Antinori dans son livre-plaidoyer, I miei figli impossibili (1994, Carmenta editore). Pour ce faire, des prises régulières d'œstrogène et de progestérone, par voie orale et sous-cutanée, sont nécessaires. "Après trois cycles de ce traitement", poursuit-il, les ovules d'une donatrice - à qui il signale seulement qu'on a fait une fécondation in vitro "avec le sperme du mari" de Paola R. - ont été implantés dans l'utérus de cette dernière. Pour peu que la nature accepte de se charger du reste. Dans le cas de Paola R., la nature a été bonne fille. Au neuvième mois, "un bébé de trois kilos et demi est né". Aussi simple et nu qu'un miracle.

"Ces juges de Fréjus sont ridicules !", tonne, avec un sourire théâtral, le gynécologue italien, en agitant la photocopie de la dépêche de l'AFP annonçant, fin mai, l'accouchement d'une femme de soixante-deux ans dans une clinique française du Var. Severino Antinori jubile. Cette fois, c'est aux Etats-Unis que le traitement de la patiente a été, semble-t-il, ordonné. Un traitement identique, grosso modo, à celui qu'ont suivi Paola R. et Rossana Della Corte - et qui reste interdit en France.

"A sa façon, Antinori reprend le fantasme latin Tota mulier in utero - toute la femme

est dans l'utérus -: une femme ne peut être mère que si elle passe par la grossesse et l'accouchement. C'est une vision archaïque, opposée à la conception anglo-saxonne qui veut qu'une femme est mère quand elle est reconnue comme telle par la société", commente la psychanalyste parisienne Geneviève Delaisi de Parseval. L'affluence relativement modeste que connaît le cabinet du docteur Antinori semble lui donner raison: quelque deux mille patientes - dont seulement quatre cents femmes ménopausées, précise-t-il lui-même - sont reçues chaque année en consultation. La vision "archaïque" de la mère-utérus n'est pas, à l'évidence, massivement partagée. Mais, même minoritaires, ces candidates à la grossesse doivent-elles, pour autant, être rejetées dans les limbes ?

Page 454: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

444

"Pour procréer, les hommes n'ont pas besoin d'être aidés médicalement ni d'avoir le feu vert de la société. Les femmes, elles, ne sont pas logées à la même enseigne. Une grossesse tardive est souvent vécue comme une transgression", constate le professeur Emile Papiernik, de l'hôpital Cochin. Les dangers physiques de ces grossesses sont connus et ne font que grandir avec l'âge. Autre argument, culturel celui-là: la confusion des temps et des rôles. "L'idée qu'un enfant soit élevé par sa grand-mère peut choquer. C'est pourtant vieux comme l'humanité !", relève le professeur Papiernik. "On aurait tort de s'en offusquer... tant qu'il s'agit de la vraie grand-mère", souligne-t-il. Aux yeux du scientifique français, Severino Antinori n'est qu'un "faux prophète". Quant aux patientes, elles jouent avec le feu:

"C'est folie de penser que la jeunesse est éternelle. Il y a un âge pour être mère et un autre pour être grand-mère. C'est dans cette confusion des rôles que l'enfant peut se perdre", estime-t-il. "Rien n'est moins anodin, sur le plan psychique, que d'être enceinte à soixante ans", renchérit Mme Delaisi de Parseval. "Le sujet humain se situe dans la différence des sexes et dans la différence des générations, rappelle-t-elle. La succession des générations

constitue une sorte de noyau dur auquel il ne faut pas toucher sans précaution ni réflexion. Antinori court-circuite cette chaîne des générations à travers la vie d'une seule femme, sans se soucier de savoir si elle a déjà eu des enfants, si elle en a perdu, et comment les choses vont se passer ensuite. Les femmes, pour lui, ne sont que des laboratoires".

DANS son bureau de la rue Properzio, Severino Antinori lève les bras au ciel. Tous "ses" enfants et toutes "ses" mères vont bien, il le jure ! Lui qui aime tant la patrie de Voltaire et de Napoléon, lui qui place Jean-Jacques Rousseau parmi ses auteurs préférés, il ne comprend pas, "venant d'un pays comme la France", ces "blocages" et cette "défiance" à son encontre. "Ce que je fais n'est pas de la transgression, puisque c'est bon pour l'humanité. C'est une révolution positive !", s'exclame-t-il. "Il faut arrêter de penser qu'une femme, à quarante-cinq ans, est finie !", plaide-t-il avec fougue. Il serait même prêt, quoique le mot le fasse hésiter, à se dire féministe, "au sens, précise-t-il, où il défend le droit des femmes à lutter contre les discriminations". En assurant la longévité de leur utérus ?

"L'éthique, c'est ce qui permet d'alléger les souffrances humaines. Les limites de l'éthique, c'est ce qui risque de les aggraver. Tout le reste n'est que rhétorique !", balaye-t-il. D'ailleurs, ajoute-t-il, il est le premier, quoi qu'on dise, à sélectionner soigneusement ses patientes, selon des "critères médicaux très stricts". Il lui est ainsi "fréquemment arrivé de

refuser des femmes de moins de quarante ans, mais d'accepter, en revanche, des femmes âgées de cinquante ou soixante ans, parce que ces dernières étaient en meilleure forme physique". L'âge social, celui de l'état civil, ne correspond pas forcément à l'âge biologique: telle serait, au fond, la seule vraie (re)découverte du professeur Antinori ?

Très connu en Italie, où il est devenu un habitué des plateaux de télévision, cette star paradoxale se dit "croyant, mais pas clérical", et se vante d'avoir gagné son procès en diffamation contre le Vatican. Ce patriarche en herbe, qui défend les vertus du couple et la

Page 455: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

445

norme hétérosexuelle, tout en se présentant comme "un libéral et même un ultralibéral", ce roi de l'automarketing n'a de cesse d'être à l'avant-scène. Dernier tollé en date, celui qu'il a provoqué, il y a quelques mois, en annonçant son intention de réaliser le premier clone humain. On est loin de ce que professait l'auteur de I miei figli impossibli, qui affirmait considérer la vie "comme un miracle inimitable" et jurait qu'il "refuserait catégoriquement toute tentative visant à la 'pré-construction' d'un nouvel être en laboratoire". La "nature", prêchait-il, "doit être respectée". Volte-face ? Ou esbrouffe ? Professeur de bioéthique à l'université de Sienne, Cinzia Caporale pencherait plutôt pour la seconde hypothèse. "Venant d'Antinori, ces promesses de clonage ne sont qu'un coup de publicité", estime-t-elle.

Depuis la naissance de Dolly, première brebis clonée, venue au monde en 1997, en Ecosse, les techniques se sont affinées. D'autres mammifères ont été clonés. Pourtant, les incertitudes restent fortes et les succès exceptionnels. "Les expériences faites sur les

animaux sont trop récentes et trop peu nombreuses pour qu'on puisse en tirer des données fiables, explique l'universitaire italienne. Il faudra encore dix ou vingt ans de travaux et

d'analyses sur les animaux avant de songer au clonage humain. Pourquoi prendre un tel risque aujourd'hui ? Il faudrait être fou comme les raéliens, pour tenter un coup de poker pareil !"

[…]

Catherine Simon

Lisez le texte et répondez aux questions suivantes :

1. Qui sont Gina et Mario ?

2. Pourquoi Gina et Mario sont-ils allés au Centre de recherche associé pour la reproduction humaine et contre l’infertilité ? Expliquez leurs arguments.

3. Est-ce que toutes les expériences de fécondation réalisées au Centre de recherche du gynécologue Antinori ont réussi ?

4. Qui est-ce qui fait la réputation de ce médecin ?

5. Que signifie le mot « nonne-madre » ? Comment est fabriqué ce mot ?

6. Comment l’accouchement se passe-t-il chez ces femmes ?

7. Est-ce que toutes les femmes venues au Centre de recherche pour la reproduction humaine sont reçues en consultation ? Sur quel critère se base Antinori pour sélectionner les patientes ?

Page 456: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

446

8. Geneviève Delaisi de Parseval partage-t-elle le point de vue d’Antinori ? Justifiez votre réponse !

9. Comment la psychanalyste parisienne qualifie-t-elle la vision d’Antinori ?

10. Quelle est la position du professeur Emile Papiernik et de la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval concernant la grossesse tardive ? Analysez leurs arguments.

11. Comment Antinori défend-il sa position ?

12. Quelle est la position du professeur Caporale ? Est-elle du même avis que le professeur Antinori ? Justifiez votre réponse !

13. Analysez la position de l’auteur de l’article. Est-il pour ou contre le projet du docteur italien ?

Page 457: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

447

e) Activité 5 : Compréhension orale 1

Clonage humain et clonage thérapeutique par Albert Jacquard

A. Ecoutez l’enregistrement et répondez aux questions suivantes

1. En vous basant sur ce que dit l’intervenant, expliquez comment se fait le clonage reproductif ?

2. Quelle est la position d’Albert Jacquard vis-à-vis du clonage à visée reproductive ? Quels arguments soutiennent sa position ?

3. Trouvez dans l’enregistrement trois adjectifs utilisés par l’auteur pour qualifier le clonage reproductif.

4. Quelle est son opinion vis-à-vis du clonage thérapeutique ? Pourquoi ?

5. Comment qualifie-t-il le clonage thérapeutique ?

B. Complétez le texte suivant avec des mots de la bande sonore

Mon clone est-il mon (1) ………. ?

Le clone a le même (2) ………. que le donneur de la (3) ………. somatique, contrairement aux autres individus qui sont le résultat d’un brassage de gènes issus de leur père et de leur mère. Mais le clone est-il pour autant une (4) ………. fidèle de son donneur ?

L’identité d’un être vivant complexe est bien plus que la seule conséquence d’identité biologique : elle est le (5) ………. de toute une (6) ………. qui a commencé déjà dans l’(7) ………. qui a continué dans l’(8) ………. etc. Elle est aussi le résultat d’une expérience, d’une mémoire. Mon clone aura mon patrimoine (9) ………. mais il naîtra bien des années après moi, sans être soumis au même environnement, sans avoir mes souvenirs, sans rencontrer ceux qui, par ce qu'ils m'ont donné d'eux, ont transformé ma vie. Mon (10) ………. cloné n’est donc pas moi, c’est un autre avec mes (11) ………. . On ne peut pas me (12) ………. .

Page 458: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

448

f) Activité 6 : Compréhension orale 2

Le clonage par Jacques Montagut

A. Ecoutez l’enregistrement et cochez la bonne case

Vrai Faux On ne précise pas

1. Jacques Montagut est l’auteur de la collection Idées reçues.

2. Il a traité plusieurs sujets dans son ouvrage sur le clonage.

3. Le clonage thérapeutique rencontre actuellement des problèmes éthiques

4. Le clonage thérapeutique n’est pas encore réalisable parce que la technique n’est pas encore au point.

B. Vous allez écouter une deuxième fois la bande sonore. Essayez de trouver la bonne réponse

1. Quelle est la définition la plus courante du clonage humain ?

2. Quelle est la thèse défendue par Jacques Montagut vis-à-vis de la reproduction à l’identique ? Quel argument soutient cette thèse ?

3. Essayez d’interpréter le mot « environnement » dans la phrase de Montagut : « un être humain se développe dans son environnement »

4. Concernant le clonage thérapeutique, quelle est la position de Jacques Montagut ?

5. Essayez de résumer sa position le plus brièvement possible.

6. Selon ce que dit Jacques Montagut, pourrait-on espérer qu’on sera capable de guérir, dans l’avenir, certaines maladies actuellement réputées incurables ? Justifiez votre réponse par une phrase dans le texte sonore.

7. Devant les prévisions du clonage à des fins de recherche, quel est le problème qui se pose ?

Page 459: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

449

g) Activité 7 : Compréhension écrite 5-6

Texte 5

Jacques Chirac se prononce contre le clonage thérapeutique

Le chef de l'Etat relance la controverse bioéthique. (Le Monde,8-2-2001)

S'exprimant jeudi 8 février à Lyon, lors de l'ouverture du congrès Biovision Forum mondial des sciences du vivant, Jacques Chirac a pour la première fois pris publiquement position sur plusieurs des thèmes actuellement les plus controversés du débat bioéthique. Le chef de l'Etat s'est notamment prononcé contre la légalisation de la technique dite du clonage thérapeutique, procédé qui consiste à créer des embryons humains, non destinés à se développer.´

«Je ne suis pas favorable à l'autorisation du clonage thérapeutique, a déclaré M. Chirac. Il conduit à créer des embryons à des fins de recherche et de production de cellules,

et, malgré l'interdit, rend matériellement possible le clonage reproductif et risque de conduire à des trafic d'ovocytes». Le chef de l'Etat a estimé «indispensable de lancer et de

financer des programmes de recherche portant sur les cellules souches adultes. Bien qu'à leurs débuts, ces recherches permettent d'espérer qu'il sera demain possible d'éviter le recours à des cellules embryonnaires». Sur la question des recherches pouvant être menées sur les embryons humains, M. Chirac a expliqué s'être «beaucoup interrogé après avoir beaucoup consulté». «Tout en étant conscient que le débat ne peut être définitivement clos

aujourd'hui, je pense pour ma part que les perspectives ouvertes par les thérapies cellulaires peuvent justifier une évolution comme l'ont estimé le comité consultatif national d'éthique et le conseil d'Etat», a-t-il déclaré.

Convaincu de l'importance croissante des questions bioéthiques, M. Chirac a multiplié les consultations sur le sujet. Il a ainsi longuement reçu à l'Elysée le généticien Axel Kahn, mais aussi à plusieurs reprises le président du Comité national d'éthique, le professeur Didier Sicart, tous deux opposés à la légalisation du clonage thérapeutique. Il a également rencontré le président de groupe Démocratie libérale à l'Assemblée Nationale, Jean-François Mattei, qui fut l'un des plus ardents promoteurs de la loi sur la bioéthique votée en 1994, les rapporteurs de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le député socialiste Alain Claeys et le sénateur centriste Claude Hurier. Il s'est aussi rendu à l'académie nationale de médecine, a longuement conversé avec Noëlle Lenoir, présidente du groupe européen d'éthique et a interrogé sur le sujet les autorités religieuses du pays. Enfin, le président a évoqué ces questions avec le président de la Commission européenne, Romano Prodi, et surtout avec le chancelier allemand Gerhard Schröder. Ce dernier, dans un point de vue publié le 7 février par Les Echos, a d'ailleurs

Page 460: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

450

rappelé la nécessité d'encadrer le clonage thérapeutique après son autorisation en Grande-Bretagne, sur l'impulsion du premier ministre Tony Blair.

En prenant position contre la légalisation du clonage thérapeutique et en faveur d'une possible recherche encadrée sur les embryons humains surnuméraires, le chef de l'Etat effectue une analyse similaire à celle de la commission nationale consultative des droits de l'homme. Il rejoint aussi treize des trente-deux membres du Comité consultatif national d'éthique au sein duquel une faible majorité vient de se dégager en faveur de ce procédé. Le chef de l'Etat se range ainsi ouvertement dans le camp de ceux qui reconnaissent à l'embryon humain sinon un statut de personne, du moins une singularité le distinguant d'une chose. Pour autant, il ne pousse pas la logique jusqu'à s'opposer aux recherches sur les embryons surnuméraires. En exprimant publiquement ses convictions, M. Chirac relance une controverse qui quitte le seul champ de l'éthique pour s'inscrire désormais pleinement dans le domaine politique. La légalisation du clonage thérapeutique auquel Lionel Jospin avait – sans cependant utiliser l'expression – donné son aval, devient un nouveau sujet d'affrontement entre les deux futurs candidats à la présidentielle.

Raphaëlle Bacqué et Jean-Yves Nau

Texte 6

Lionel Jospin renonce à légaliser le clonage à visée thérapeutique (Le Monde,7-8-2001)

Une étape importante dans le débat sur la bioéthique vient d'être franchie. Contrairement à ce qu'il avait initialement programmé, le gouvernement ne proposera pas d'autoriser par voie législative la pratique du clonage dit thérapeutique, cette technique qui, de l'avis des biologistes, pourrait permettre de soigner de nombreuses affections aujourd'hui incurables. Lionel Jospin a, sur ce point, choisi de suivre les conclusions de l'assemblée générale du Conseil d'Etat qui, à une voix de majorité, s'est prononcée, jeudi 14 juin, contre cette disposition.

Sans jamais utiliser le terme de "clonage thérapeutique", le texte de l'avant-projet de loi du gouvernement prévoyait bien d'autoriser, sous certaines conditions très précises, le "prélèvement de cellules" sur des personnes volontaires. Les noyaux de ces cellules auraient ensuite pu être inclus dans des ovocytes énucléés afin de constituer des embryons humains, ces derniers ne pouvant toutefois pas être utilisés à des fins procréatives.

Tout en condamnant de manière explicite le clonage reproductif, le gouvernement entendait ainsi permettre aux biologistes français de participer aux recherches dans ce domaine en pleine expansion. Présentant le 28 novembre 2000 les grandes lignes de l'avant-

Page 461: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

451

projet de loi de relecture des lois de bioéthique de 1994, le premier ministre s'était dit convaincu du fait que "la société française aspire à ce que la prise en compte de valeurs

fondamentales encadre, sans les rendre impossibles, l'avancée des connaissances scientifiques et leurs applications potentielles dans le domaine de la santé humaine".

RÉIFICATION DE L'EMBRYON

Il répondait ainsi par avance aux arguments de ceux pour qui la légalisation de la pratique du clonage thérapeutique conduirait à une réification de l'embryon humain tout en constituant l'étape précédant l'acceptation du clonage reproductif. Cette disposition était, au sein du gouvernement, défendue notamment par les ministres de la recherche et de la santé.

La controverse avait été relancée, début février, par le président de la République. S'exprimant à Lyon dans le cadre d'un congrès mondial sur les sciences du vivant, Jacques Chirac avait, pour la première fois, pris publiquement position contre la légalisation de la technique du clonage thérapeutique. "Je ne suis pas favorable à l'autorisation du clonage thérapeutique, avait déclaré M. Chirac. Il conduit à créer des embryons à des fins de

recherche et de production de cellules et, malgré l'interdit, rend matériellement possible le clonage reproductif et risque de conduire à des trafics d'ovocytes".

On précise à l'hôtel Matignon qu'en prenant acte du vote de l'assemblée générale du Conseil d'Etat, M. Jospin espère qu'un large débat démocratique pourra s'ouvrir sur ce sujet très sensible afin que la question puisse être mieux abordée lors de l'examen, sans doute pas avant 2002, du texte par le Parlement. Seule la Grande-Bretagne a, aujourd'hui, autorisé par voie législative la pratique du clonage thérapeutique.

Jean-Yves Nau.

Lisez les textes 5 et 6, puis répondez aux questions suivantes :

1. De quoi parlent ces deux articles ?

2. Qu’est-ce qui s’est passé à Lyon le 8 février 2001 ?

3. Quelle est la position du Chef d’Etat concernant la mise en œuvre du clonage à des fins thérapeutiques ?

4. Quels sont ses arguments ? Comment sont-ils introduits ?

5. A quel type d’argument appartiennent-ils ?

6. Quelle est la proposition du Chef d’Etat ?

7. Comment se fait le clonage thérapeutique ?

Page 462: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

452

8. Expliquez le propos de Jacques Chirac « beaucoup interrogé après avoir beaucoup consulté ». Justifiez-le.

9. Quelle est la position du Chef d’Etat vis-à-vis de la recherche sur les embryons surnuméraires ? Quel est son argument ?

10. D’après vous, jusqu’au moment du déroulement de ce congrès mondial, Lionel Jospin partage-t-il la même position que Jacques Chirac ? Justifiez votre réponse.

11. Essayez de trouver des idées dans le 6e texte qui justifient de nouveau votre dernière réponse.

12. Quelle est la décision finale de Lionel Jospin ?

13. Quelle est la position des ministres de la recherche et de la santé ?

14. Quels sont leurs arguments ?

15. D’après le texte, quel gouvernement a déjà adopté la mise en œuvre du projet de clonage thérapeutique ?

Page 463: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

453

h) Activité 8 : Compréhension écrite 7

Le pape condamne le clonage des embryons humains à des fins thérapeutiques

(Le Monde,22-2-2001)

S'EXPRIMANT mardi 29 août à Rome devant les cinq mille participants au 18e Congrès international de la Société de transplantation, Jean Paul II a condamné la mise en oeuvre de la technique de clonage d'embryons humains à des fins thérapeutiques visant à obtenir des lignées cellulaires cultivées in vitro pouvant être utilisées pour corriger divers types de lésions dégénératives. «Il faudra toujours éviter les chemins qui ne respectent pas la dignité

et la valeur de la personne. Je pense en particulier à d'éventuels projets ou aux tentatives de clonage humain, dans le but d'obtenir des organes pour la greffe: de telles procédures ne sont pas moralement acceptables, mêmes si elles ont des buts louables, du moment qu'elles impliquent la manipulation et la destruction d'embryons», a déclaré le chef de l'Eglise catholique. Cette prise de position fait suite au récent feu vert donné par le gouvernement britannique à des recherches impliquant la création d'embryons dans le cadre d'expériences de clonage thérapeutique (Le Monde du 18 août).

« DÉCISION IMMORALE »

Au lendemain de cette décision, qui sera soumise à l'approbation du Parlement britannique avant la fin de l'année, le Vatican avait très sévèrement condamné l'initiative britannique. Pour le Vatican, la décision du gouvernement de Tony Blair devait être jugée «immorale» car allant «à l'encontre du droit et de la justice» (Le Monde du 19 août). L'Eglise catholique a toujours fait valoir que la vie humaine commençait, à ses yeux, au moment de la fécondation de l'ovule par un spermatozoïde.

A ce titre, elle estime que le clonage humain à des fins thérapeutiques ne peut, en pratique, conduire qu'à «créer une vie avant de la détruire». S'il a repris cet argumentaire, Jean Paul II n'a pas condamné de manière définitive cette nouvelle voie de recherche dont les spécialistes estiment qu'elle pourrait, à court ou moyen terme, ouvrir la voie à une véritable révolution thérapeutique. C'est ainsi que le pape a encouragé le recours à des «cellules souches», prélevées sur des organismes adultes et qui, selon certains chercheurs, pourraient constituer un matériel biologique comparable à celui fourni par des embryons humains conservés par clonage. «La science laisse entrevoir d'autres possibilités

d'interventions thérapeutiques qui ne nécessitent pas de clonage ou de prélèvement de cellule embryonnaires, l'utilisation de cellules souches prélevées sur des organismes adultes étant suffisante dans ce but, a-t-il déclaré. C'est vers ces chemins que la recherche doit

s'orienter, si elle veut garder le respect de la dignité de tout être humain, même au stade d'embryons».

Page 464: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

454

Le hasard veut que la même position soit défendue par l'hebdomadaire médical britannique The Lancet, qui, dans un éditorial de sa livraison du 26 août, voit dans les cellules souches adultes humaines la véritable voie thérapeutique à venir. Devant les congressistes, Jean Paul II a encouragé les transplantations d'organes. Il a aussi adressé un appel à tous ceux qui ont des responsabilités sociales, politiques ou éducatives à s'engager pleinement pour «promouvoir une authentique culture du don et de la solidarité». Dans le même temps, il a jugé «moralement inacceptable» toute «pratique visant à commercialiser des organes humains ou à les considérer comme des unités d'échange ou de vente».

Jean-Yves Nau

Lisez le texte et répondez aux questions suivantes :

1. Qu’est-ce qui s’est passé à Rome le mardi 29 août ?

2. Selon certains biologistes, quelle est l’utilité du clonage humain thérapeutique ?

3. Quelle est la position du gouvernement de Tony Blair vis-à-vis du clonage ?

4. Analysez la position de l’Eglise. Quels sont ses arguments ? Identifiez-les !

5. A quoi sert la locution « même si » dans la déclaration du pape ? Par quelle autre expression pourrait-on la remplacer ? Essayez de reformuler la phrase de plusieurs façons.

6. Comment le chef de l’Eglise catholique qualifie-t-il l’approbation du gouvernement britannique ? Quels arguments soutiennent sa position ?

7. Quelle est la position de l’Eglise à l’égard des recherches sur les cellules souches ?

8. Combien d’arguments le pape utilise-t-il pour démontrer la validité de sa thèse ?

9. Quels sont les arguments des chercheurs ?

10. Quels risques présente la pratique de la transplantation d’organes ? Comment le pape donne-t-il l’alerte ?

Page 465: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

455

i) Activité 9 : Compréhension orale 3

Chine : le clonage thérapeutique

A. Visionnez la bande sans le son et remplissez la fiche suivante

1. Type de la séquence vidéo : ………………………………………..

2. Chaîne : ………………………………………..

3. Cadre spatial : ………………………………………..

4. Intervenant : a/……………………………………...

b/………………………………………

c/………………………………………

5. Thème : ………………………………………..

B. Après le second visionnement, cochez le tableau ci-dessous. Rétablissez la vérité si l’affirmation n’est pas exacte !

Vrai Faux On ne précise pas

1. Le professeur Li est spécialiste dans le clonage à des fins de recherche.

2. 50 embryons humains ont été clonés dans son hôpital

3. Les cellules souches embryonnaires peuvent se développer dans n’importe quelle partie du corps.

4. Le clonage d’embryons est particulièrement connu en Chine.

C. Maintenant, à vous de répondre !

1. Quelle est la position de la Chine vis-à-vis de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ? Quels sont les arguments qui soutiennent cette position ?

2. Reformulez l’intervention du professeur de philosophie, Qui Renzong.

3. A quel moment une personne a-t-elle le statut d’être humain ?

4. Les chercheurs chinois sont-ils libres dans leur recherche sur les embryons humains ? Pourquoi ?

5. La Chine a-t-elle raison de nourrir l’espoir de devenir le pays le plus en pointe dans la biotechnologie ?

Page 466: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

456

BILAN

j) Activité 10 : Exercices à trou

1. Complétez le texte suivant avec les mots entre parenthèses (souche, embryonnaires, recherche, maladies, produire, grossesse, génétique, caractéristiques, prometteur, thérapeutique, embryon, cardiaque, recherche, détruit, disfonctionnement, naissance, clonage, cellules, utérus, se procurer, technique, transformer, reproduction, dégénératives)

Depuis la naissance de Dolly, les chercheurs biomédicaux ont concentré leur attention sur le (1) .......... expérimental, dit (2) .......... en s’attachant à l’utilisation de la (3) .......... du clonage pour obtenir des cellules souches (4) .......... destinées à la (5) .......... et à des fins thérapeutiques potentielles. Dans le cas du clonage à des fins de (6) .........., l’objectif du transfert de noyau de cellule somatique est de créer un (7) .......... qui porte la même information (8) .......... que le progéniteur et d’implanter l’embryon dans un (9) .......... pour déclencher une (10) .........., et à partir de là donner (11) .......... à un bébé. L’objectif du clonage à des fins de (12) .........., cependant, est de créer un embryon de la même manière que le clonage à des fins de reproduction, non pour (13) .......... un enfant, mais pour (14) .......... des cellules souches embryonnaires qui contiennent les mêmes (15) .......... génétiques que le progéniteur. L’embryon est inévitablement (16) .......... au cours du processus.

Nombre de biologistes médicaux considèrent ce domaine comme (17) .......... pour les traitements futurs. On pourrait par exemple, (18) .........., par des processus de clonage en laboratoire, une cellule (19) .......... en une cellule sanguine ou une cellule de muscle cardiaque, pour l’injecter dans le cœur d’un patient (20) .......... afin de pallier un (21) ........... De cette manière, les chercheurs espèrent en fin de compte utiliser ces (22) .......... polyvalentes pour vaincre des (23) .......... chroniques ou (24) .........., comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer ou le diabète, dont souffrent des millions de personnes.

2. Cette fois, complétez le texte suivant avec des mots entre parenthèses (embryons, fécondation, transplanter, génétiquement, cellules, tissus, surnuméraires). A vous de trouver d’autres mots à placer !

Une des sources des cellules souches provient des embryons créés par les laboratoires de (25) .......... in vitro. Une fois que les couples ayant des problèmes de (26) .......... ont conçu de cette manière leurs (27) .........., on peut conserver les embryons (28) .......... dans de l’azote liquide et, dans certains pays, les utiliser pour la (29) .......... avec le consentement éclairé du (30) ...........

Page 467: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

457

Cependant, les cellules souches qui proviennent d’ (31) .........surnuméraires peuvent provoquer un rejet immunitaire si elles sont transplantées sur un patient, tout comme des (32) .......... d’organes reçus par une tierce personne. Si ces cellules ou les tissus à (33) .......... sur un patient proviennent du même (34) .........., ces problèmes ne se posent pas. Par conséquent, certains chercheurs pensent que le clonage à des fins de recherche qui vise à créer un embryon afin de se procurer des cellules (35) .......... identiques à partir d’un patient, à les cultiver et à les développer en (36) .......... ou (37) en .......... ciblés, puis à les transplanter sur ledit patient, aidera à éviter le rejet (38) ............

3. Maintenant, à vous de compléter ce texte par des mots ou des expressions qui conviennent !

Une des principales questions (39) .......... que pose la conduite du clonage à des fins de recherche et les recherches sur la cellule souche embryonnaire tient au statut (40) .......... de l’embryon. Son utilisation a soulevé des (41) .......... de la part de ceux qui sont (42) .......... à l’avortement pour des motifs d’ordre moral, (43) ........... ou autre, et de ceux qui s’opposent à toute (44) .......... impliquant la destruction d’un (45) ........... L’ (46) .......... moral est ici que les embryons devraient être protégés dès l’instant de la (47) .........., car c’est le moment où naît une nouvelle (48) ..........humaine qui, potentiellement et dans des circonstances appropriées, devient un (49) .......... unique. Etant donné qu’on ne saurait sacrifier d’êtres humains à quelque fin que ce soit, la destruction d’ (50) .......... pour la recherche n’a plus aucune justification.

[…]

La (51) .......... d’embryons humains à des fins de recherche nécessite une collecte d’ovules. Ainsi peut-on se trouver confronté à des difficultés (52) .......... et autres pour se procurer des ovules destinés à produire des embryons de (53) ........... Si des centaines d’ovules non fécondés se révèlent nécessaires pour produire un embryon de clone humain, comme dans le (54) .........., comment se les procurera-t-on ? L’obtention d’ (55) .......... à partir du corps d’une (56) .......... procède d’une technique invasive, et certains ont exprimé l’inquiétude que cela puisse mener à une (57) ........... des femmes et à une (58) .......... des ovules humains.

(Le clonage humain : questions éthiques, UNESCO 2004)

Page 468: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

458

k) Activité 11 : Construction des textes à partir des phrases mises en désordre

Essayez de construire deux textes à partir des phrases en désordre

1. Il est gravement immoral de sacrifier une vie humaine dans un but thérapeutique.

2. Ces pertes sont acceptées par les spécialistes des techniques de fécondation in vitro comme le prix à payer pour obtenir des résultats concluants.

3. Le clonage est proposé avec deux objectifs fondamentaux : l’un reproductif, c’est-à-dire visant à obtenir la naissance d’un enfant cloné, et l’autre thérapeutique ou de recherche.

4. Le soi-disant clonage thérapeutique est encore plus grave au plan éthique.

5. L’Instruction Donum vitae avait déjà fait observer que la fécondation in vitro implique l’élimination volontairement acceptée d’un nombre conséquent d’embryons.

6. Le clonage reproductif serait théoriquement en mesure de répondre à certains besoins spécifiques comme le contrôle de l’évolution humaine, la sélection des êtres humains avec des qualités supérieures, la présélection du sexe de l’enfant à naître, la production d’un enfant qui soit la « copie » d’un autre, la production d’un enfant pour un couple souffrant de formes d’infertilité pour lesquelles il n’existe pas d’autres solutions curatives.

7. Créer des embryons dans le but de les supprimer est totalement incompatible avec la dignité humaine, même si l’intention est d’aider les malades, car cela fait de l’existence d’un être humain, même à son stade embryonnaire, rien de plus qu’un moyen d’utiliser et de détruire.

8. En revanche, le clonage thérapeutique est proposé comme le moyen de produire des cellules souches embryonnaires dotées d’un patrimoine génétique prédéterminé, afin de surmonter le problème de rejet (immuno-incompatibilité) ; il est donc lié à la question de l’utilisation des cellules souches embryonnaires.

9. Il est très préoccupant de voir qu’en ce domaine la recherche ne semble pas porter un réel intérêt au droit à la vie de chaque embryon, mais vise surtout à obtenir de meilleurs résultats en terme de pourcentage d’enfants nés par rapport aux femmes qui initient un traitement.

10. Si le clonage avait un but reproductif, on imposerait au sujet cloné un patrimoine génétique déjà fixé, en le soumettant de fait – comme cela a été

Page 469: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

459

dit – à une forme d’esclavage biologique de laquelle il pourrait difficilement s’affranchir.

11. Certains pensaient que cela était dû à une technique encore imparfaite.

12. Plusieurs organismes au niveau national et international ont exprimé des jugements négatifs sur le clonage humain et, dans la plupart des pays, il a été interdit.

13. Certes, environ le tiers des femmes qui ont recours à la procréation artificielle parviennent à avoir un enfant.

14. Les tentatives de clonage ont suscité une grande préoccupation dans le monde entier.

15. L’expérience a montré, au contraire, que toutes les techniques de fécondation in vitro se déroulent en réalité comme si l’embryon humain était un simple amas de cellules qui sont utilisées, sélectionnées ou écartées.

16. Cependant, compte tenu du rapport entre le nombre total d’embryons produits et ceux effectivement nés, le nombre d’embryons sacrifiés reste très élevé.

17. Le fait qu’une personne s’arroge le droit de déterminer arbitrairement les caractéristiques génétiques d’une autre, c’est une grave offense à sa dignité et à l’égalité fondamentale entre les hommes.

Page 470: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

460

l) Activité 12 : Expression orale

A vous de débattre !

Le clonage humain fait l’objet de plusieurs débats controversés. Les uns pensent que c’est une avancée prometteuse de la biomédecine. Les autres estiment qu’il faut interdire à tout prix cette technique pour des raisons éthiques. Organisez dans votre classe un débat sur ce thème au cours duquel vous exprimez vos points de vue et les confrontez à ceux des autres.

Par groupes de 5 personnes, jouez ce débat. Essayez de défendre, d’argumenter votre position et justifiez-la.

Page 471: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

461

FICHE POUR ENSEIGNANT

UNITÉ 4

Clonage humain – On en discute !

Le clonage humain est un thème intéressant mais d’une extrême complexité qui posera donc énormément de difficultés aux apprenants. Ces difficultés ne se limitent pas seulement à la non-connaissance du vocabulaire spécialisé dont certains termes sont d’ailleurs considérés comme « délicats » pour le public apprenant asiatique en général et vietnamien en particulier (à citer comme exemple des termes « utérus, ovule, spermatozoïde, ménopause, andropause »…). Elles se présentent notamment au niveau du contenu argumentatif car le clonage humain reste encore pour les élèves vietnamiens un terrain inexploré et inexploité. Dans cette situation, afin d’arriver à faire argumenter sur cette question, il faudra une collaboration maximale entre les étudiants et le(s) professeur(s). On dit « les professeurs » parce qu’on a la possibilité d’associer d’autres disciplines. Un grand travail personnel de documentation est indispensable, il peut se faire même en langue maternelle avant de passer à la lecture en langue cible.

Vu les obstacles susceptibles de se produire au cours de l’apprentissage de ce thème, nous proposons dans cette unité didactique une série de textes dont la plupart sont des articles de Le Monde, avec des questions de compréhension. L’étude de ces textes écrits prépare les élèves à la phase d’expression orale et écrite en leur fournissant une quantité déterminative d’informations sur le thème abordé. Le travail de synthèse sera souvent proposé aux élèves, ayant pour but de les faire réfléchir et construire eux-mêmes pas à pas leur propre opinion sur le thème en question. Des activités d’argumentation ne seront introduites que quand ils seront suffisamment équipés cognitivement et psycho-linguistiquement.

Page 472: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

462

a) Séance 1-2 : Activité d’anticipation

REMARQUES PRELIMINAIRES

Cette séance a pour objectif de sensibiliser les étudiants au thème du clonage, en particulier à celui du clonage humain. Ils ont à acquérir une certaine connaissance générale liée à ce sujet.

Il est important de signaler aux étudiants, lors de la séance précédente, qu’ils vont travailler sur le thème du clonage et qu’il leur faut antérieurement une recherche personnelle sur ce sujet.

Pour être sûr que tous les étudiants fassent une recherche de documentation à la maison, le professeur peut leur demander de préparer un exposé oral par groupe de 3 ou 4. Cet exposé sera présenté par le porte-parole du groupe devant la classe pendant 10 minutes. Leur signaler qu’ils peuvent aussi commencer par la recherche en langue maternelle, étant donné que c’est un sujet intéressant mais difficile.

DEMARCHE

a) Le professeur demande aux élèves s’ils ont trouvé des textes traitant ce sujet en langue vietnamienne. Il en note la source et informe toute la classe, à savoir par exemple :

http://www.xaluan.com/modules.php?name=News&file=article&sid=21501

→ Liên hiệp quốc : Cấm nhân bản vô tính người ngay ! (ONU : Interdiction immédiate du clonage humain !)

http://hosiquy.com/vi/staticpages/index.php?page=20060930224356216

→ Về nhân bản vô tính người (Sur le clonage humain)

http://suckhoedoisong.vn/20090814105929418p30c86/cuoc-chay-dua-ngam-ve-nhan-ban-vo-tinh-nguoi.htm

→ Cuộc chạy đua ngầm về nhân bản vô tính người (La course au clonage humain)

Ce travail est nécessaire car il permet à tous les étudiants d’avoir une opinion concrète sur le thème. De plus, l’acquisition de connaissances en langue maternelle les aide à réduire des difficultés linguistiques lorsqu’ils travaillent avec des textes en langue française.

b) Ensuite, pour éviter que ce soit un peu rude de commencer par un exposé alors que le clonage est un sujet complexe et délicat, le professeur demande aux

Page 473: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

463

apprenants de démarrer avec un échange en grand groupe sur ce que les uns et les autres ont appris, compris, quelles sont leurs questions,… etc. Cette phase sera suivie des présentations orales des petits groupes. Certains exposés seront sans doute élémentaires. C’est pourquoi, le professeur demande aux étudiants d’écouter attentivement les rapporteurs et de noter toutes les informations qui ne figurent pas dans leur propre exposé. Ils peuvent poser des questions s’ils ne comprennent pas ou ne sont pas d’accord avec telle ou telle idée.

c) Enfin, il aide les étudiants à faire la récapitulation des informations recueillies. Ces derniers peuvent suivre le plan suivant :

• Qu’est-ce que le clonage ?

- Définition du clonage

- Les grandes dates du clonage

• Les techniques de clonage

• A quoi sert le clonage ?

- L’utilité du clonage

- Les risques du clonage

• Opinions divergentes autour du clonage

- Le clonage par rapport aux religions

- La législation et le clonage

d) Les étudiants sont invités par la suite à faire à la maison, au sein de leur groupe, une synthèse écrite portant sur ce thème du clonage. La trace écrite est d’une grande importance, leur permettant de s’approprier des connaissances sur le sujet en question, leur servant de document de secours en cas de nécessité et enfin les préparant à des tâches plus complexes.

b) Séance 3-4 : Activité 1

Texte 1 : Merci, docteur Antinori

REMARQUES PRELIMINAIRES

Nous avons choisi d’étudier en premier lieu ce texte pour des raisons suivantes :

- il est le plus court parmi les textes choisis.

Page 474: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

464

- il présente sommairement la problématique du clonage (les formes de clonage, les différentes positions).

- il n’est pas trop difficile à comprendre ni au niveau de la langue ni au niveau du contenu.

Un texte long et compliqué n’est pas, à notre avis, un bon point de départ malgré une soigneuse recherche personnelle des étudiants. A noter également que nous suivons dans nos unités didactiques le principe de progression qui va du simple au complexe, du facile au plus difficile.

DEMARCHE

Le professeur demande aux étudiants s’ils ont rencontré, par hasard probablement, au cours de leur travail de documentation, le nom Severino Antinori. Si oui, il les invite à présenter très sommairement ce personnage. Il peut leur signaler que c’est une personne très importante dans l’« histoire » du clonage humain et qu’ils vont le découvrir peu à peu à travers une série d’articles.

Les élèves sont invités à lire le texte individuellement et à répondre aux questions du texte.

► Suggestion :

1. Le portrait du docteur Severino Antinori se construit progressivement par une série d’images argumentativement orientées.

En vue de guider la compréhension des élèves, le professeur leur demande de lire très attentivement le premier paragraphe et de répondre aux deux questions suivantes :

• Quelle est la position de l’auteur du texte vis-à-vis de la thèse du docteur Antinori ? Est-il pour ou est-il contre ?

→ Il est contre Antinori.

• Quels sont ses arguments ?

- Argument 1 : Ses déclarations sont « provocatrices »

- Argument 2 : Ses déclarations sont « nullement dénuées de relents publicitaires et financiers » → Antinori est le type qui aime faire de la pub et gagner de l’argent.

* relents publicitaires : mauvaises odeurs.

Page 475: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

465

• Argument 3 : Antinori est « fort loin d’avoir les compétences scientifiques dont il se laisse parer par les médias » → Il n’est pas scientifiquement compétent.

L’ensemble de ces arguments pousse le lecteur vers une position « contre » : Antinori n’est pas une personne honnête, car le portrait d’un vrai « savant » renvoie généralement à des images positives (quelqu’un qui est sérieux, qui fuit la pub, qui fait autorité dans une spécialité…) La conclusion tirée de ces trois arguments est plutôt négative : « Les déclarations d’Antinori ne sont pas autorisées, elles n’ont pas de poids ».

Mais, l’argumentation de l’auteur ne s’arrête pas là. Par l’insertion de l’adverbe « paradoxalement », il oriente les lecteurs vers une conclusion inverse : « Ses déclarations sont constructives ».

Le professeur explique l’effet ironique de « merci » : Merci docteur Antinori parce que vos déclarations permettent d’ouvrir un débat ! Il se moque du docteur Antinori.

L’ironie ne va pas aux déclarations d’Antinori mais à l’acte d’ouvrir un débat.

2. L’auteur du texte parle de deux formes de clonage : le clonage reproductif et le clonage thérapeutique.

Le clonage thérapeutique vise à obtenir des cellules compatibles avec un malade. Si on greffe au patient ses propres cellules, il ne les rejettera pas puisqu’elles viendront de son propre corps. On dépendra moins des dons d’organes prélevés sur des personnes décédées.

Le clonage reproductif n’a pas pour finalité de se procurer des cellules souches, mais d’implanter un embryon cloné dans un utérus pour faire naître un bébé identique à son « parent » (celui qui a fourni la cellule permettant le clonage).

3. Non. Le clonage thérapeutique a fait l’objet de discussions controversées alors que le clonage à des fins de reproduction était catégoriquement exclu de la discussion.

4. Il y a deux positions opposées.

- Pour aider les élèves à trouver la bonne piste d’analyse, le professeur leur demande de lire attentivement le passage et de souligner en rouge la phrase ou l’expression présentant les deux positions.

Page 476: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

466

• La première position : Position « contre » : « Le clonage sous toutes ses formes devait être solennellement condamné ».

• La seconde position : Position « pour » : « Une exception pouvait être faite ».

- Les positions étant bien repérées, les élèves sont ensuite invités à trouver des arguments qui servent à les étayer.

• Position « contre » :

- Argument 1 : respect dû à la personne humaine

- Argument 2 : convictions religieuses

• Position « pour » :

Argument : le clonage permettra de guérir des maladies dégénératives actuellement incurables. Il ouvre la perspective de bâtir une nouvelle branche de la médecine moderne.

5. Cette 5e question s’avère un peu difficile pour les élèves car ils ont l’habitude de travailler avec les connecteurs mais, donc, alors… Pour favoriser leur travail, on peut leur demander de bien lire le passage et de relever tous les éléments qui servent à introduire les arguments.

« La première faisait valoir qu'en raison du respect dû à la personne humaine ou, pour certains, au nom de convictions religieuses, le clonage sous toutes ses formes devait être solennellement condamné ».

« L'autre soutenait qu'une exception pouvait être faite au vu des nouvelles espérances nourries par des biologistes qui se disent sur le point, pour peu qu'on les laisse agir, de bâtir une nouvelle branche de la médecine moderne, capable de guérir des maladies dégénératives jusqu'à présent incurables et souvent perçues comme le fruit de la fatalité ou celui du temps qui passe ».

En vue d’assurer la bonne compréhension, le professeur réécrit ces deux énoncés sous une autre forme plus générale :

- La position A fait valoir que, en raison de x ou pour certains, au nom de y, (conclusion) non-r

- La position B soutient que (conclusion) r au vu de x

Il fait remarquer aux élèves que ces éléments ont tous la fonction connectrice et qu’ils fonctionnent comme des connecteurs argumentatifs.

Enfin, il leur demande d’identifier ces modes d’argumentation Les schémas ci-dessus les aident à trouver la bonne réponse.

Page 477: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

467

- Argumentation 1 (position « contre ») : Argumentation par la cause

- Argumentation 2 (position « pour ») : Argumentation par la conséquence positive

6. On débat du clonage thérapeutique. Ce n’est pas suffisant. Le problème qui se pose actuellement c’est que tous les pays doivent prendre clairement position en déclarant s’ils acceptent ou refusent des interdits séculaires.

APRES

Le professeur demande aux élèves de constituer des groupes de deux personnes. Ils vont discuter entre eux sur les utilités et les risques du clonage humain. Ils peuvent éventuellement donner leurs points de vue en se basant sur les informations dans le texte et aussi sur celles figurant dans leur recherche personnelle.

c) Séance 5-6 : Activité 2

Texte 2

Le docteur Antinori lance un programme de clonage humain reproductif

REMARQUE PRELIMINAIRE

Ce texte continue à parler du projet du docteur Antinori. Il est donc nécessaire que le professeur rappelle aux élèves le contenu du texte précédent, en particulier les connaissances sur le clonage humain.

DEMARCHE

Compréhension globale

Faire lire le titre et le chapeau de l’article.

Demander aux étudiants ce que le docteur italien envisage de faire et si son projet reçoit l’approbation du public.

►Suggestion

Il lance le projet de clonage à des fins de reproductions humaines. Ce projet, au lieu d’être approuvé des gens, a provoqué l’hostilité unanime des spécialistes.

Page 478: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

468

Compréhension détaillée

Le professeur demande aux étudiants, avant de lire tout le texte, d’expliquer de nouveau le terme « clonage humain reproductif ».

Ils sont invités à répondre aux questions de compréhension. Ils peuvent travailler par groupe de deux personnes.

►Suggestion

1. Un colloque de l’Académie américaine des sciences.

2. Ce sont des biologistes, des professeurs, des spécialistes de l’embryologie. A citer quelques personnes connues comme Sévérino Antinori, gynécologue-obstétricien italien ; Brigitte Boisselier, ancienne spécialiste de biochimie de la société Air Liquide et représentante de l’Eglise raélienne ; Ian Wilmut, créateur de Dolly ; les professeurs André Van Steirteghem et Alan Trouson, deux prestigieux spécialistes de la reproduction humaine et animale.

3. Il lance le projet de clonage à des fins de reproductions humaines

4. Dans un premier temps, on doit stimuler la fonction ovarienne de la femme et on relève un nombre élevé d’ovocytes. Ces cellules seront ensuite énucléées et on y introduira le noyau d’une cellule prélevé sur le corps de l’homme. Si l’embryon créé in vitro se développe bien, on le placera dans l’utérus de la future mère. Le nouveau-né serait pratiquement le double génétique de l’homme stérile.

5. Chez les femmes ménopausées.

6. Aux femmes vivant avec un homme stérile.

7. Les scientifiques ne sont pas favorables au clonage reproductif. Le mot « condamnation unanime » exprime la désapprobation du projet.

8. Une telle opposition repose sur les trois arguments suivants :

• Argument 1 : Le clonage humain va à l’encontre de la dignité humaine → Condamnation éthique.

• Argument 2 : Du point de vue technique, le clonage reproductif chez l’animal montre que les manipulations nécessaires à l’obtention d’un embryon risquent d’induire une série d’anomalies et de malformations. Cette technique peut être à l’origine d’une mortalité précoce.

• Argument 3 : Le clonage conduit à de nombreuses tentatives en vue d’obtenir un embryon.

Page 479: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

469

9. Malgré les mises en garde contre les dangers du clonage humain reproductif des spécialistes, le docteur italien Antinori s’est dressé contre toute la communauté scientifique. Il déclare que son équipe continue toujours le projet en disant qu’il devrait « opérer sur un bateau situé dans les eaux internationales » pour échapper aux lois de différents pays.

10. Quand on veut faire quelque chose d'illégal dans un pays, il suffit de se mettre dans un bateau, à une certaine distance des côtes, dans les eaux internationales et personne ne peut vous arrêter ! A une époque où les radios libres étaient interdites dans certains pays (la France par exemple), certaines radios (qui avaient de l'argent) ont choisi d'émettre depuis les eaux internationales. A savoir que les eaux internationales signifient une partie de la mer ou de l’océan.

APRES

Les étudiants sont invités à se mettre en groupes de 5. La première personne va jouer le rôle du meneur de conférence. La deuxième assume le rôle du docteur Antinori et présente le projet du clonage humain à des fins reproductives. La troisième est dans le rôle de Madame Boisselier qui approuve le projet du docteur italien. La quatrième Ian Wilmut, créateur de Dolly et la cinquième est le professeur André Van Steirteghem, spécialiste de la reproduction humaine et animale. Ces deux personnes ne sont pas du tout d’accord avec le projet. Elles se montrent contre en parlant de leurs expériences dans la reproduction animale et en prévenant des dangers du clonage humain. Monsieur Antinori et Madame Boisselier, malgré les critiques des spécialistes, défendent leur prise de position en déclarant vouloir mettre en œuvre le projet dans un avenir proche.

Les apprenants se basent sur le contenu du texte et sur leur recherche personnelle des informations précédemment préparée pour réaliser cette tâche.

Le jeu de rôle sera présenté par les différents groupes après une dizaine minutes de préparation.

Page 480: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

470

d) Séance 7-8 : Activité 3

Texte 3

Clonage humain :

Le Dr Antinori menacé par le conseil de l’ordre italien

REMARQUES PRELIMINAIRES

Cet article a été rédigé chronologiquement antérieurement à celui étudié ci-dessus. Pourtant, nous avons décidé de le mettre dans les séances 8-9. Ce changement d’ordre a pour finalité de favoriser la compréhension des apprenants.

DEMARCHE

Sensibilisation

Rafraîchir la mémoire des apprenants en leur posant des questions sur le texte 2 : Quel est le projet du docteur Antinori ? A-t-il reçu l’avis favorable des membres de la conférence ? Pourquoi ?...

Demander aux étudiants s’ils sont d’accord avec le docteur italien. Ils doivent justifier leurs réponses.

Compréhension globale

Faire lire le titre, le chapeau de l’article et l’intertitre.

Demander aux étudiants si le programme de clonage du docteur italien est soutenu par ses collègues. Ceux-ci doivent chercher des mots et des expressions pour justifier leurs réponses (se heurter à la réticence de ses confrères, risquer la radiation, procédure disciplinaire).

Compréhension détaillée

Faire lire le texte individuellement et répondre ensuite aux questions.

►Suggestion

1. George Bush est tout à fait opposé au programme de clonage humain reproductif. D’après l’un de ses porte-parole, « si le but de ce programme est de cloner un être humain, le président est opposé à toute tentative en ce sens ».

2. Panayiotis Michael Zavos est généticien américain d’origine grecque.

Non, il est dans le même camp que le docteur Antinori.

Page 481: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

471

3. Le docteur Antinori est tout à fait pour le clonage. Les phrases suivantes confirment sa position :

- Le journaliste précise : « Pour le médecin italien, il est clair que rien ne doit s'opposer à la mise en œuvre de la technique du clonage à des fins de reproduction ».

- Antinori déclare lui-même : « Vous ne pouvez pas mettre de barrière au clonage thérapeutique ».

4. Les arguments sont les suivants :

- Argument 1 : Le clonage à des fins de reproduction constituera « une avancée scientifique majeure ».

- Argument 2 : Il permettra de guérir de nombreuses maladies.

- Argument 3 : Cette technique apportera du bonheur aux couples souffrant de stérilité en leur donnant une chance d’avoir des enfants.

→ Reformulation de la prise de position : « Nous ne pouvons pas passer à côté d’une pareille occasion ».

5. Non, il ne peut pas mettre en œuvre son projet dans les pays industrialisés car la plupart d’entre eux interdisent cette pratique.

6. Le conseil de l’ordre des médecins italiens est favorable au clonage thérapeutique, mais opposé au clonage reproductif. La preuve : Ce conseil a demandé au Parlement de l’Europe d’adopter une loi en vue de criminaliser le clonage à des fins reproductives.

7. « il » = l’ordre des médecins.

8. L’ordre des médecins italiens a décidé d’entamer une procédure disciplinaire à l’encontre du docteur Antinori.

Pour faciliter le travail des élèves, le professeur leur demande de souligner, dans le dernier paragraphe, en rouge la phrase qui confirme la position de l’ordre des médecins et en bleu les arguments qui expliquent la radiation du docteur Antinori.

→ Position défavorable : « interdisant la création d'un être humain génétiquement identique à un autre ».

- Argument 1 : Antinori va à l’encontre de cet ordre, ne respectant pas le protocole interdisant le clonage reproductif. Ses intentions de pratiquer le clonage humain à des fins de reproduction vont à l’encontre de la dignité de l’homme.

Page 482: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

472

- Argument 2 : Il « privilégie le folklore par rapport à la science »

9. Les chanteurs classiques, sérieux (les chanteurs d’opéras ou d’opéras comiques) estimaient que les chants folkloriques ne valaient rien, étaient de qualité inférieure, tout juste bons à amuser le public mais ne lui apportaient rien de culturel. L'expression « c'est du folklore » est donc dépréciative, qui veut dire « ce n'est pas sérieux ». Or, on sait que pour les savants, la science est synonyme de sérieux, de rationalité et de vérité.

10. En critiquant le docteur Antinori de « privilégier le folklore par rapport à la science », le conseil de l'ordre dit que ce professeur fait des déclarations pas sérieuses qui ne sont destinées qu’à attirer l'attention sur lui, qu’à « amuser » les gens. Rien de sérieux !

APRES

Le professeur demande aux étudiants, en fin de séance, de discuter par groupe de 3. Ils essaieront d’esquisser le portrait du docteur Antinori, de décrire son projet et de parler des différentes positions autour de son programme de clonage.

e) Séances 9-10 : Activité 4

Texte 4

Severino Antinori, accoucheur de miracles

REMARQUES PRELIMINAIRES

Ce texte est le plus long parmi les textes choisis. Mais il n’est pas trop difficile à comprendre car il est introduit en 4e rang, après les trois autres parlant aussi de ce gynécologue italien et de ses projets.

Ce qui gêne surtout la compréhension des étudiants, c’est probablement la présence de nombreux mots nouveaux. Mais la compréhension de ce vocabulaire peut se faire en classe au moyen des techniques variées, en s’appuyant sur la capacité des apprenants à faire des hypothèses sur le sens des mots inconnus à partir du contexte.

Le cas échéant, le professeur peut distribuer le texte aux élèves bien avant le cours. A la maison, ils peuvent le lire en consultant tous les nouveaux termes dans le dictionnaire.

Page 483: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

473

DEMARCHE

Activité de repérage - Compréhension globale

Cette activité a pour objectif de faciliter la compréhension des élèves. Elle demande la lecture interactive au lieu d’une lecture ligne par ligne.

Le professeur demande aux élèves de lire très vite le texte et de relever

- tous les termes désignant le médecin Antinori : accoucheur de miracle, gynécologue romain, le roi de la fécondation in vitro, faiseur d’enfants, professeur Antinori, ce virtuose de la procréation, le « papa des enfants impossibles », un habitué des plateaux de télévision, cette star paradoxale, ce patriarche en herbe, l’auteur de I miei figli impossibli.

- tous les noms propres de personnes, leur métier et fonction. Il est encore plus efficace si les élèves peuvent dire qui est pour, qui est contre le projet du docteur Antinori.

1. Mario et Gina : un couple de patients.

2. Caterina Versaci : la biologiste, l’épouse de Severino Antinori, co-dirigeant du Centre de recherche associé pour la reproduction humaine.

3. Rossana Della Corte : femme figurant au Guinness des records pour avoir eu son enfant à 63 ans.

4. Paola R. : première femme ménopausée officiellement enregistrée pour avoir accouché à l’âge de 47 ans.

5. Geneviève Delaisi de Parseval : psychanalyste parisienne (contre)

6. Emile Papiernik : professeur (contre)

7. Cinzia Caporale : professeur de bioéthique à l’université de Sienne (contre)

Compréhension détaillée

Les élèves sont invités à lire le texte tout entier et à répondre aux questions de compréhension.

►Suggestion :

1. C’est un couple souffrant de stérilité.

2. Ils sont allés à ce centre parce qu’ils veulent avoir un enfant. Voici leurs arguments :

Page 484: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

474

• Arguments 1 : Ils ont essayé plusieurs lieux, y compris les centres de santé publique, mais personne ne peut remédier à leur problème.

• Argument 2 : Ils ne veulent pas adopter un enfant pour deux raisons :

- C’est trop compliqué.

- Ce n’est pas leur « propre » enfant.

• Argument 3 : Antinori est leur « dernier recours »

3. Non, le taux de réussite est estimé à plus de 25%.

4. Ce n’est pas le succès des expériences de fécondation in vitro qui fait la réputation de Antinori. C’est grâce aux grand-mères mères qu’il devient célèbre. A citer comme exemple la femme nommée Rossana Della Corte qui a 63 ans à la naissance de son enfant. Sa figuration au Guinness des records apporte au docteur Antinori la célébrité.

5. « Nonne-madre » veut dire « grand-mère mère ». Ce mot fait allusion aux femmes ménopausées ayant un enfant à un âge avancé.

6. Pour ce genre de femmes, il faut absolument recréer un cycle mensuel normal pour que la muqueuse utérine soit adaptée à l’implantation d’un embryon. Ensuite, les ovules d’une donatrice, fécondés in vitro avec le sperme du mari de cette femme, vont être implantés dans son utérus.

7. Non, seulement un quart d’entre elles sont reçues en consultation. Elles sont âgées de cinquante à soixante ans. Selon le docteur Antinori, les femmes de cette tranche d’âge sont en meilleure forme physique que celles plus jeunes. Il défend son point de vue en arguant que l’âge social ne correspond pas forcément à l’âge biologique.

8. Non, elle n’a pas le même point de vue qu’Antinori.

- La vision d’Antinori : une femme est considérée comme une mère si elle passe par la grossesse et l’accouchement → vision dépassée

- La vision de Geneviève Delaisi de Parseval : une femme est mère quand elle est reconnue comme telle par la société → vision psychanalytique.

Ces deux visions sont opposées.

9. D’après la psychanalyste parisienne, la vision d’Antinori est une vision archaïque.

10. Le professeur Emile Papiernik et la psychanalyse Geneviève Delaisi de Parseval ont la même opinion sur la grossesse tardive.

Page 485: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

475

• Le professeur Emile Papiernik est tout à fait contre la grossesse tardive : La grossesse tardive constitue, selon lui, « une transgression »

- Argument 1 : Dangers physiques : Elle peut entraîner des dangers, qui grandissent en même temps que l’âge. Plus on est âgé, plus la grossesse est dangereuse.

- Argument 2 : La confusion des temps et des rôles. Conséquence : L’enfant peut se perdre.

→ Conclusion : Antinori est un « faux prophète ».

• La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval est aussi contre la grossesse tardive.

- Argument : Danger psychique : être enceinte à l’âge de soixante ans constitue une violation de la règle naturelle qu’est la succession des générations.

→ Conclusion : Antinori considère les femmes comme des laboratoires.

11. Face à l’opposition des gens, Antinori continue à plaider sa propre cause :

- Argument 1 : Le clonage, « c’est bon pour l’humanité ».

- Argument 2 : C’est « une révolution positive ».

- Argument 3 : On a tort de penser qu’une femme, à 45 ans, est finie.

→ Conclusion : Ce qu’il fait n’est pas de la transgression.

- Argument 4 : « L’éthique, c’est ce qui permet d’alléger les souffrances humaines. Les limites de l’éthique, c’est ce qui risque de les aggraver ».

→ Conclusion : Ce qu’il fait ne va pas à l’encontre de la dignité humaine.

12. Cette professeur de bioéthique considère les promesses de clonage du docteur Antinori comme un coup de publicité. Elle appelle sa démarche un « esbroufe ».

Concernant le clonage, elle constate que les expériences réalisées sur les animaux sont loin d’être suffisantes pour en tirer des données fiables. C’est donc trop risqué de penser aujourd’hui au clonage humain.

13. Il est contre le projet de clonage humain.

- S’agissant de l’auteur de ce projet, le docteur Antinori, l’auteur du texte lui réserve plusieurs termes d’appellations moqueurs tels que accoucheur de miracle, ce virtuose de la procréation, ce patriarche en

Page 486: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

476

herbe, ce roi de l’automarketing… Ces images péjoratives poussent le lecteur vers une position contre.

- Concernant les propos de ce professeur, il le considère comme étant féministe en assurant la longévité de l’utérus des femmes. Il se moque du gynécologue en constatant que sa seule vraie découverte est de conclure que l’âge social ne correspond pas à l’âge biologique.

L’auteur a utilisé deux questions rhétoriques :

« Il serait même prêt, quoique le mot le fasse hésiter, à se dire féministe, « au sens, précise-t-il, où il défend le droit des femmes à lutter contre les discriminations ». En assurant la longévité des leur utérus ? » ;

« L’âge social, celui de l’état civil, ne correspond pas forcément à l’âge biologique : telle serait, au fond, la seule vraie (re)découverte du professeur Antinori ? »)

qui fonctionnent elles-mêmes comme des affirmations visant à se moquer du docteur italien.

APRES

1. Jeu de rôle 1

Le professeur demande aux élèves de relire le 2e paragraphe du texte, puis de se regrouper par 2 et d’imaginer un dialogue entre Gina et un journaliste. Ce dernier cherche à savoir pourquoi Gina a décidé d’aller au Centre de recherches du docteur Antinori.

2. Jeu de rôle 2

Le professeur peut inviter les étudiants à se mettre en groupe de 3 personnes. L’une joue le rôle du professeur Antinori qui présente son travail au Centre de recherche associé pour la reproduction humaine et contre l’infertilité. Les deux autres se montrent sceptiques. Ils donnent des arguments anti-orientés en posant des questions à ce gynécologue. La discussion ne mène pas à un accord commun.

Les étudiants se basent sur les idées du texte pour faire ce jeu de rôle.

3. Ecrivez pour le « Courrier des lecteurs »

Le professeur demande aussi aux élèves d’imaginer qu’ils viennent de lire dans un journal un article présentant la réputation du docteur Antinori grâce à la technique de procréation chez les femmes âgées. Ils ne sont pas d’accord avec la

Page 487: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

477

façon d’exagérer les choses de l’auteur de cet article et envoient donc une lettre à la rubrique « Courrier des lecteurs » pour exposer leur point de vue.

Il est important de faire remarquer que pour réaliser cette tâche, les étudiants doivent s’inspirer des arguments avancés par la psychanalyste parisienne Geneviève Delaisi de Parseval, le professeur Emile Papiernik et la professeure de bioéthique Cinzia Caporale. Le professeur les encourage à mobiliser leurs propres idées.

f) Séances 11-12 : Activité 5

Compréhension orale

Clonage humain et clonage thérapeutique par Albert Jacquard Source : http://www.youtube.com/watch?v=L7gN8mO26Mw&feature=related

Durée : 5m09

REMARQUES PRELIMINAIRES

Ce document présente une interview d’un spécialiste génétique. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un débat, il est opportun de l’employer pour lancer le débat en classe.

DEMARCHE

Le professeur fait visionner un extrait de l’enregistrement et demande aux élèves d’identifier le type du document (interview), les personnes qui parlent (une journaliste et Albert Jacquard), le thème dont on parle (le clonage).

Après le 2e visionnement, les élèves ont à répondre aux questions dans l’exercice A.

►Suggestion

1. Selon ce que dit Albert Jacquard, pour faire le clonage reproductif d’une personne, il suffit de prendre le noyau d’une de ses cellules. Puis, il faut mettre ce noyau dans l’ovule dont on enlève également le noyau. Cet ovule sera mis dans l’utérus et deviendra donc un bébé. Ce bébé est le jumeau plus jeune de la personne donneuse.

2. Albert Jacquard est contre ce type de clonage.

- Argument 1 : Fabriquer des jumeaux plus jeunes est un désir stupide. L’enfant jumeau a peut-être le patrimoine génétique du donneur de gènes, mais il n’est pas lui car lui, il est le résultat d’un long processus

Page 488: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

478

de vie, y compris la vie dans l’ovule, celle dans l’utérus…, d’une longue aventure, d’une expérience et d’une mémoire.

- Argument 2 : Le clonage reproductif provoque un effet psychiatrique terrible, surtout quand le clone s’apercevra qu’il est le double de quelqu’un plus vieux que lui.

3. « absurde », « stupide », « insignifiant ».

4. En ce qui concerne le clonage thérapeutique, l’auteur se montre plus favorable parce que ce type de clonage à visée de recherche permettrait de guérir quelques maladies actuellement incurables comme l’Alzheimer.

5. Il appelle le clonage thérapeutique un « progrès passionnant ».

Le professeur fait visionner tout le document une dernière fois et demande aux élèves de faire l’exercice à trous (exercice B) dans la feuille d’écoute. Cet exercice a pour objectif de vérifier de nouveau la compréhension des apprenants et de faire réemployer le vocabulaire du texte entendu.

►Suggestion

Mon clone est-il mon (1) double ?

Le clone a le même (2) patrimoine génétique que le donneur de la (3) cellule somatique, contrairement aux autres individus qui sont le résultat d’un brassage de gènes issus de leur père et de leur mère. Mais le clone est-il pour autant une (4) copie fidèle de son donneur ?

L’identité d’un être vivant complexe est bien plus que la seule conséquence d’identité biologique : elle est le (5) résultat de toute une (6) aventure qui a commencé déjà dans l’(7) ovule, qui a continué dans l’(8) utérus, etc. Elle est aussi le résultat d’une expérience, d’une mémoire. Mon clone aura mon patrimoine (9) initial mais il naîtra bien des années après moi, sans être soumis au même environnement, sans avoir mes souvenirs, sans rencontrer ceux qui, par ce qu'ils m'ont donné d'eux, ont transformé ma vie. Mon (10) jumeau cloné n’est donc pas moi, c’est un autre avec mes (11) gènes. On ne peut pas me (12) photocopier.

APRES

Le professeur propose aux élèves une discussion dans laquelle ils vont dire s’ils sont d’accord ou pas d’accord avec ce que dit Albert Jacquard.

Page 489: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

479

g) Séances 13-14 : Activité 6

Compréhension orale

Le clonage par Jacques Montagut Source : http://www.youtube.com/watch?v=XuN1d-eBROo&feature=related

Durée : 2m43

REMARQUES PRELIMINAIRES

En vue de changer un peu la routine de travail, le professeur peut signaler aux élèves qu’ils vont écouter lors de cette séance une interview de Jacques Montagut. Ils ont donc à chercher, chez eux, à l’avance, des informations sur ce personnage.

DEMARCHE

Le professeur demande aux élèves de parler brièvement de Jacques Montagut : Qui est-il ? Quelle est sa spécialité ? Connaissez-vous quelques ouvrages de lui ?...

1ere écoute :

Le professeur fait écouter le document intégral.

Il invite les élèves à cocher le tableau de l’exercice A :

►Suggestion

Vrai Faux On ne précise pas

1. Jacques Montagut est l’auteur de la collection Idées reçues. +

2. Il a traité plusieurs sujets dans son ouvrage sur le clonage. +

3. Le clonage thérapeutique rencontre actuellement des problèmes éthiques +

4. Le clonage thérapeutique n’est pas encore réalisable parce que la technique n’est pas encore au point. +

2e écoute :

Remarque : Il est possible que le professeur fasse écouter à plusieurs reprises le document afin d’aider les apprenants à bien comprendre l’argumentation de l’auteur.

Page 490: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

480

Dans cette seconde écoute, le professeur demande aux élèves de prêter attention à la manière d’argumenter de l’auteur.

L’exercice B dans la feuille d’écoute guide leur compréhension.

► Suggestion

1. Quand on parle du clonage humain, on a tendance à penser à la reproduction à l’identique.

2. D’après Jacques Montagut, reproduire à l’identique, autrement dit le clonage reproductif, n’est absolument pas possible.

3. Son argument consiste à dire qu’un être vivant se développe non seulement à partir de son origine génétique, mais aussi par le résultat de son « environnement » composé à partir des facteurs non génétiques.

4. Le terme « environnement » est compris dans ce cas comme le milieu d’habitation, le milieu de travail où chaque personne est dans l’interaction avec les autres. L’environnement implique aussi le statut social, le niveau d’instruction, les souvenirs avec les autres…

5. Jacques Montagut n’est pas du tout opposé à l’action de détruire un embryon humain pour récupérer des cellules souches.

6. Il n’est pas du tout choquant de détruire un embryon humain pour sauver une personne d’une maladie incurable, surtout quand elle ne peut pas avoir un donneur compatible.

7. Oui, tout à fait. Il a dit « aujourd’hui, la science, la connaissance avance à une telle cadence que cet espoir n’est plus un espoir fou ».

8. Le législateur doit réfléchir sérieusement à la loi de la bioéthique.

APRES

- Les étudiants se mettent par groupe de 2, l’un joue le rôle du journaliste, l’autre Jacques Montagut. Ils essaient de rejouer le dialogue.

- Le professeur peut éventuellement proposer une discussion en classe lors de laquelle les élèves expriment librement leur opinion sur le clonage reproductif et le clonage thérapeutique tout en se basant sur les positions de Albert Jacquard et de Jacques Montagut.

Page 491: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

481

h) Séances 15-16 : Activité 7

Texte 5-6

Jacques Chirac se prononce contre le clonage thérapeutique

Lionel Jospin renonce à légaliser le clonage à visée thérapeutique

REMARQUES PRELIMINAIRES

Nous regroupons dans ces trois séances l’étude de deux articles parce qu’ils sont plus ou moins liés à l’aspect politique. De plus, les deux textes sont liés du point de vue du contenu. On y parle de la position de Jacques Chirac et de Lionel Jospin par rapport au clonage thérapeutique.

Le professeur demande également aux apprenants qui sont Jacques Chirac et Lionel Jospin. Le premier a été le Président de la République française durant deux mandats présidentiels, de 1995 à 2007, et le deuxième, le premier ministre de 1987 à 2002. Donc, au moment de l’écriture de cet article, la France est en période de cohabitation.

DEMARCHE

Compréhension globale

Les étudiants sont invités à lire les titres des articles et à faire des hypothèses sur leur contenu. C’est à eux de deviner la position de la France vis-à-vis du clonage humain.

Le professeur leur demande également dans quel pays du monde on est pour cette pratique. Les étudiants peuvent le savoir à travers leur travail de documentation. Sinon, ils peuvent aussi trouver la réponse dans les textes.

Il est aussi important de leur rappeler les différentes formes de clonage (clonage à visée reproductive et clonage à visée thérapeutique), les définitions, les avantages et les risques.

Compréhension détaillée

Les étudiants se mettront en groupe de 4. Ils lisent ensemble les deux textes et discutent entre eux pour trouver les bonnes réponses aux questions de compréhension.

► Suggestion

1. Ils parlent de la position des grands hommes politiques de la France vis-à-vis du clonage thérapeutique.

Page 492: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

482

2. C’est le Congrès Biovision Forum mondial des sciences du vivant. Il porte sur les thèmes actuellement les plus controversés du débat bioéthique, dont le clonage.

3. Il s’est déclaré contre cette pratique : « Je ne suis pas favorable à l’autorisation du clonage thérapeutique »

4. Il cite les 3 arguments suivants :

- Argument 1 : Le clonage thérapeutique conduit à créer des embryons à des fins de recherche et de production de cellules.

- Argument 2 : Il rend matériellement possible le clonage reproductif.

- Argument 3 : Si on est favorable à l’autorisation de ce type de clonage, on se trouve confronté aux risques de trafics d’ovocytes.

Ces arguments sont introduits par l’intermédiaire du verbe « conduire à » ayant la fonction connectrice.

5. Ces arguments sont des arguments à pente glissante. Cette argumentation prend la forme suivante : Si on accepte X, par une cascade on va descendre vers Y, alors que Y est immoral / condamnable.

Dans ce cas, si on accepte le clonage thérapeutique, on risque d’accepter le clonage reproductif, car il est difficile de mettre une limite claire entre ces deux types de clonage.

6. Le Chef de l’Etat insiste, par contre, sur l’importance de mener des recherches sur les cellules souches adultes. Il précise qu’au lieu de recourir à des cellules issues d’embryons clonés, on pourrait utiliser les cellules souches adultes qui se trouvent dans la plupart des organes humains et qui servent à les régénérer. Cette procédure ne soulève aucun problème éthique.

7. On effectue, sur des personnes volontaires, le prélèvement des cellules dont les noyaux seront inclus dans les ovocytes énucléés pour constituer des embryons humains. Ce qui est important à souligner, c’est que ces embryons ne seront pas utilisés à des fins procréatives.

8. Le Président explique qu’il a fait plusieurs consultations sur le sujet, étant conscient de l’importance croissante des questions bioéthiques. Il a par exemple reçu à l’Elysée le généticien Alex Kahn, le président du Comité national d’éthique Didier Sicart. Il s’est rendu à l’académie nationale de médecine, a longuement conversé avec la présidente du groupe européen d’éthique et a interrogé sur ce sujet les autorités religieuses du pays. En outre, le chef de l’Etat a pris contact avec d’autres personnes concernées de

Page 493: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

483

grand renom qui sont toutes des personnes importantes ayant de l’autorité dans ce domaine de la bioéthique.

9. Le Chef de l’Etat se montre favorable à la recherche encadrée sur les embryons humains surnuméraires. Il explique que l’embryon humain est reconnu sinon comme ayant un statut de personne mais au moins comme étant une singularité le distinguant d’une chose. Mais, il ne pousse pas la logique jusqu’à s’opposer catégoriquement aux recherches sur les embryons surnuméraires.

10. Non, ils ont des opinions contraires. La dernière phrase du texte le prouve : « La légalisation du clonage thérapeutique auquel Lionel Jospin avait – sans cependant utiliser l’expression – donné son aval, devient un nouveau sujet d’affrontement entre les deux futurs candidats à la présidentielle ».

11. Le gouvernement a pris, initialement, une position favorable à la légalisation de la pratique du clonage thérapeutique. Cette procédure a été vue comme une avancée en médecine, permettant de soigner des maladies actuellement incurables.

L’avant-projet de loi, en condamnant explicitement le clonage reproductif, déclare que « la société française aspire à ce que la prise en compte de valeurs fondamentales encadre, sans les rendre impossibles, l’avancée des connaissances scientifiques et leurs applications potentielles dans le domaine de la santé humaine ». Il laisse entendre que le gouvernement ne va pas à l’encontre des recherches dans ce domaine.

12. Il a choisi de suivre les conclusions de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat selon lesquelles on s’est déclaré contre la légalisation du clonage à visée thérapeutique.

13. Les ministres de la recherche et de la santé penchent vers la position « contre » la législation de la pratique du clonage thérapeutique.

14. Leurs arguments sont les suivants :

- Argument 1 : « la légalisation de la pratique du clonage thérapeutique conduirait à une réification de l’embryon humain », c’est-à-dire que l’embryon humain serait considéré comme une chose, et pas comme une personne.

- Argument 2 : autoriser le clonage thérapeutique revient à autoriser l’autre forme de clonage : « tout en constituant l’étape précédant l’acceptation du clonage reproductif ».

Page 494: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

484

15. C’est le gouvernement du premier ministre Tony Blair en Grande-Bretagne.

APRES

Le professeur demande aux étudiants de faire un jeu de rôle sur le clonage thérapeutique. La consigne est la suivante :

« Imaginez que vous travaillez dans un centre de recherche sur les cellules embryonnaires et vous êtes invité à présenter, dans une conférence spécialisée, le projet de clonage à visée thérapeutique de votre laboratoire. Après votre communication, les participants vous posent des questions, les uns sont pour, les autres sont contre. Essayez de défendre votre position en donnant le plus d’arguments possible. La discussion ne mène pas à un accord, vous leur signalez qu’il y aura, au sein de votre centre de recherche, au début du mois suivant, un débat controversé sur cette technique et qu’ils y sont tous invités.

Par groupes de 3 ou 4 personnes, jouez ce jeu de rôle ».

Il est important de remarquer que pour ce type d’activité, les étudiants sont obligés de faire une synthèse d’informations depuis le 1er texte. Avant de jouer la scène, ils peuvent se diviser en petits groupes : ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Les gens ayant le même point de vue discutent entre eux pour mobiliser le plus d’arguments en faveur de leur position et prévoir ensemble des contre-arguments venant de l’autre camp.

i) Séances 17-18 : Activité 8

Texte 7

Le pape condamne le clonage des embryons humains à des fins thérapeutiques

REMARQUES PRELIMINAIRES

Ce texte parle de la position de l’Eglise vis-à-vis du clonage humain, notamment du clonage à visée thérapeutique. Il est donc important de fournir aux étudiants des connaissances sur l’Eglise catholique romaine.

Faits culturels

- Le Vatican : L’Etat de la Cité du Vatican est un Etat indépendant enclavé dans la ville de Rome en Italie. Il compte 824 habitants sur une superficie de 0,44 km², ce qui en fait le plus petit Etat au monde.

Page 495: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

485

La langue véhiculaire est l'italien, et non le latin, qui est langue de l'Eglise catholique romaine. Toutefois, le latin est la langue juridique de l'Etat : les publications officielles sont en général rédigées en latin, puis traduites dans diverses autres langues. Le français en est la langue diplomatique : le Vatican se fait enregistrer comme Etat francophone auprès des organismes internationaux.

- L’actuel Souverain Pontife de l’Eglise est Benoît XVI, allemand.

(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vatican)

- Les grands principes prônés par l’Eglise : dignité de l’embryon comme être humain, fécondation impliquant une relation d’amour entre homme et femme.

S’agissant des questions morales portant sur l’embryon humain, le professeur conseille aux étudiants de lire la Nouvelle Instruction « Dignitas Personae » publié par le Vatican le 12 décembre 2008, dans laquelle l’église catholique actualise sa position sur les questions de la bioéthique, dont le clonage. En respectant strictement le principe selon lequel « le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment, on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels et en premier le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie », la Nouvelle Instruction considère le clonage reproductif comme un « esclavage biologique » et précise que le clonage thérapeutique est plus grave encore au plan éthique car « il est gravement immoral de sacrifier une vie humaine dans un but thérapeutique » (Dignitas Personae, p.22).

C’est un document de secours important permettant aux étudiants une abondante recherche d’arguments. Ils peuvent le trouver aux adresses suivantes55 :

http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2008/12/11/dignitas.pdf

http://www.genethique.org/revues/revues/2008/decembre/20081215.1.asp

http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2359114&rubId=1098

55 Ces lignes ont été consultées le 15 mars 2010

Page 496: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

486

DEMARCHE

Compréhension globale

Le professeur demande d’abord aux étudiants de lire le titre de l’article, de dire s’ils connaissent le mot « le pape » et de trouver peut-être d’autres mots ayant le même sens.

►Suggestion

Le pape désigne l’évêque de Rome qui est le chef de l’Eglise catholique romaine et le chef temporel de l’Etat de la Cité du Vatican. Il exerce l’autorité suprême dans cet Etat.

Le professeur donne aux étudiants des informations nécessaires concernant le Vatican, le pape Jean-Paul II, son successeur Benoît XVI… (cf. remarques préliminaires).

Il les invite ensuite à dire si l’Eglise catholique est d’accord avec le programme de clonage humain à finalité thérapeutique.

Enfin, les étudiants sont invités à lire l’intertitre « Décision immorale » et à répondre aux questions : Sur quoi porte cette décision ? Pourquoi est-elle jugée immorale ? Les étudiants ont à faire des hypothèses, à imaginer des arguments auxquels l’Eglise recourt pour prononcer un tel jugement négatif. Le professeur accepte toutes les hypothèses données.

Compréhension détaillée

Le professeur leur demande de lire le texte individuellement et de répondre aux questions de compréhension.

► Suggestion

1. Le 18e Congrès international de la Société de transplantation.

2. Cette technique permet d’obtenir des organes pour la greffe, elle aide à soigner quelques maladies dégénératives.

3. Le gouvernement de Tony Blaire est en faveur des recherches embryonnaires.

4. L’Eglise se montre contre cette technique. Le pape a déclaré : « Il faut toujours éviter les chemins qui… ».

- Argument 1 : Le clonage humain conduit à la manipulation et la destruction d’embryons en vue d’obtenir des organes pour une greffe.

Page 497: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

487

- Argument 2 : Cette technique ne respecte pas la dignité et la valeur de la personne.

→ Conclusion : Le clonage n’est pas moralement acceptable.

L’argumentation du pape est l’argumentation à pente glissante56.

5. Par le connecteur « même si », le pape constate qu’il reconnaît des buts louables au clonage thérapeutique. Mais il affirme aussi que les conséquences qu’il entraîne sont encore plus dangereuses.

On peut reformuler la phrase ainsi :

- Bien que ces procédures aient des buts louables, elles ne sont pas moralement acceptables parce qu’elles impliquent la manipulations et la destruction d’embryons.

- Certes, ces procédures ont des buts louables, mais elles ne sont pas moralement acceptables parce qu’elles impliquent la manipulations et la destruction d’embryons.

- Bien sûr, ces procédures ont des buts louables, mais elles ne sont pas moralement acceptables parce qu’elles impliquent la manipulations et la destruction d’embryons.

- …

Pour éclairer la question, le professeur donne aux élèves d’autres exemples avec même si, bien que, certes…mais, il est vrai / certain / incontestable que…mais, …et leur explique la valeur concessive de ces connecteurs argumentatifs : La concession vise à donner du poids à l’argumentation. Cette stratégie consiste à admettre, dans un premier temps, un argument qui ne va pas dans le sens de la thèse pour l’opposer, dans un second temps, à un argument qui, lui, permet de soutenir la thèse.

6. Le pape appelle la décision du gouvernement britannique une « décision immorale », argumentant que le gouvernement du Tony Blair est allé « à l’encontre du droit et de la justice ».

- Argument 1 : La vie humaine commence au moment de la fécondation de l’ovule par un spermatozoïde.

- Argument 2 : Le clonage conduit à « créer une vie avant de la détruire ».

56 Cf. explication dans l’activité 7

Page 498: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

488

→ Conclusion : Cette technique, par conséquent, est éthiquement inacceptable.

7. S’agissant des recherches sur les cellules souches adultes, l’Eglise se montre favorable : « C’est vers ces chemins que la recherche doit s’orienter ». Le pape a encouragé la manipulation des cellules souches adultes.

8. Cette thèse repose sur les arguments suivants :

- Argument 1 : Ce type de recherche ne nécessite pas de clonage ou de prélèvement de cellules embryonnaires.

- Argument 2 : L’utilisation des cellules souches adultes est suffisante pour les interventions thérapeutiques.

→ Conclusion : Les recherches de ce genre (les recherches sur les cellules souches adultes) respectent la dignité de tout être humain.

9. Quant aux chercheurs, cette nouvelle forme de recherche leur ouvre une voie vers une révolution thérapeutique. Vient ensuite l’argument qui consiste à dire que les cellules souches adultes constituent un matériel biologique comparable à celui fourni par des embryons humains.

10. La transplantation d’organes risquerait de conduire à des trafics d’organes humains. Le pape juge cette action qui considère les organes humains comme des unités d’échange ou de vente, moralement inacceptables.

APRES

Jeu de rôle :

« Etes-vous d’accord avec le jugement du pape qui estime immorale la position du gouvernement britannique?

Mettez-vous en groupes de 4 et discutez entre vous. La moitié d’entre vous essaye d’aller à l’encontre de ce jugement en avançant des arguments anti-orientés (la vie humaine commence dans le ventre, pas dans une éprouvette ni dans un réfrigérateur, les embryons jetés tous les jours doivent être utilisés pour améliorer et allonger la vie humaine, le clonage laisse espérer un traitement curatif…) ».

Page 499: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

489

j) Séance 19-20 : Activité 9

Compréhension orale

Chine : le clonage thérapeutique Source : http://www.youtube.com/watch?v=dP5Cqrl-

TUc&feature=PlayList&p=660C18B15024E9FA&playnext=1&playnext_from=PL&index=31

Durée : 2m48

REMARQUES PRELIMINAIRES

Ce document n’est pas trop difficile à comprendre, il parle de la recherche sur les embryons humains clonés dans un pays asiatique dont la culture ressemble à celle du Vietnam, la Chine. Le document peut donc servir comme document d’amorce en vue de lancer un débat dans la classe de langue.

DEMARCHE

1er visionnement

Le professeur fait visionner l’image sans le son et demande aux apprenants de noter tout ce qui fait sens et de déterminer :

- le type de la séquence vidéo : reportage

- la chaîne d’où vient cette séquence : France 24 (la chaîne d’informations internationales)

- le cadre spatial : un laboratoire à Pékin (Chine)

- les intervenants :

LI Jianyuan

Professeur, centre de recherches sur les cellules souches de Shandong

QUI Renzong

Professeur de philosophie, Académie des sciences sociales de Chine

ZHAI Xiaomei

Professeur, collège médical de Pékin

- le thème : recherche sur les cellules souches embryonnaires en Chine

2e visionnement

Le professeur fait écouter la première partie du document. Les élèves ont d’abord à faire l’exercice B dans la feuille d’écoute.

Page 500: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

490

►Suggestion

Vrai Faux On ne précise pas 1. Le professeur Li est spécialiste dans le clonage à des fins de recherche. +

2. 50 embryons humains ont été clonés dans son hôpital +

3. Les cellules souches embryonnaires peuvent se développer dans n’importe quelle partie du corps.

+

4. Le clonage d’embryons est particulièrement connu en Chine. +

3e visionnement

Le professeur fait visionner les trois interventions de la séquence vidéo et demande aux élèves de répondre aux questions de l’exercice C dans la feuille d’écoute :

► Suggestion

1. La Chine est tout à fait favorable à la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

- Argument 1 : Ce domaine de recherche offre des perspectives de recherche exceptionnelles.

- Argument 2 : Elle permet d’obtenir des cellules qui conduisent à la guérison de maladies jusqu’à présent incurables.

- Argument 3 : La Chine ne rencontre pas les barrières éthiques dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

2. Selon le professeur Qui Renzong, en Chine, les embryons et les fœtus ne sont pas considérés comme ayant le statut d’un être humain, c’est pourquoi les Chinois ne rencontrent pas de problèmes dans la destruction des embryons humains en vue de conduire les recherches sur les cellules souches embryonnaires.

3. Une personne a le statut d’être humain après la naissance.

4. Non, malgré leur philosophie qui perdure depuis des milliers d’années, les scientifiques chinois doivent travailler sous le strict contrôle du gouvernement, car, de toute façon, il s’agit de l’embryon d’un futur homme.

5. Oui, la Chine peut espérer devenir le pays le plus en pointe dans la biotechnologie car elle ne rencontre pas de graves problèmes éthiques dans

Page 501: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

491

la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Or dans les pays occidentaux, l’utilisation d’embryons humains clonés fait l’objet des controverses bioéthiques.

4e visionnement

Le professeur fait visionner encore une fois tout le document. Ensuite, il demande aux étudiants d’exprimer leur point de vue : sont-ils d’accord ou non avec l’idée qu’une personne n’a le statut humain qu’après sa naissance ?

APRES

Les élèves sont invités à imaginer que dans leur pays, les chercheurs ne rencontrent pas de problème majeur pour détruire des embryons humains à des fins de recherche scientifique. Mais cette voie de recherche fait toujours l’objet de controverses.

Par groupe de 3 ou 4, ils ont à faire un débat lors duquel ils prennent une position et essaient de donner des arguments afin de la défendre.

Il importe de penser à la manière dont on reprend ce qu’a dit l’autre pour réfuter ou concéder par la suite, et aussi au rôle du modérateur dans la conduite du débat.

k) Séances 21-22 : Activité 10-11

REMARQUES PRELIMINAIRES

Après l’étude d’une série de textes oraux et écrits, les étudiants ont acquis une certaine connaissance sur le clonage humain. Ils peuvent surtout construire par eux-mêmes leur opinion concernant cette question d’actualité, vu les différentes prises de positions éclairées dans les articles.

Avant de passer à une autre étape plus difficile que la compréhension écrite, le débat, cette séance joue un rôle non moins important en vérifiant le degré d’appropriation des connaissances des apprenants par le biais des exercices à trou.

DEMARCHE

Activité 10 Le professeur demande aux étudiants de travailler d’abord individuellement,

puis ils peuvent se mettre en groupes de 2 pour comparer les réponses.

Page 502: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

492

► Suggestion

Depuis la naissance de Dolly, les chercheurs biomédicaux ont concentré leur attention sur le (1) clonage expérimental, dit (2) thérapeutique, en s’attachant à l’utilisation de la (3) technique du clonage pour obtenir des cellules souches (4) embryonnaires destinées à la (5) recherche et à des fins thérapeutiques potentielles. Dans le cas du clonage à des fins de (6) reproduction, l’objectif du transfert de noyau de cellule somatique est de créer un (7) embryon qui porte la même information (8) génétique que le progéniteur et d’implanter l’embryon dans un (9) utérus pour déclencher une (10) grossesse, et à partir de là donner (11) naissance à un bébé. L’objectif du clonage à des fins de (12) recherche, cependant, est de créer un embryon de la même manière que le clonage à des fins de reproduction, non pour (13) produire un enfant, mais pour (14) se procurer des cellules souches embryonnaires qui contiennent les mêmes (15) caractéristiques génétiques que le progéniteur. L’embryon est inévitablement (16) détruit au cours du processus.

Nombre de biologistes médicaux considèrent ce domaine comme (17) prometteur pour les traitements futurs. On pourrait par exemple, (18) transformer, par des processus de clonage en laboratoire, une cellule (19) souche en une cellule sanguine ou une cellule de muscle cardiaque, pour l’injecter dans le cœur d’un patient (20) cardiaque afin de pallier un (21) disfonctionnement. De cette manière, les chercheurs espèrent en fin de compte utiliser ces (22) cellules polyvalentes pour vaincre des (23) maladies chroniques ou (24) dégénératives, comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer ou le diabète, dont souffrent des millions de personnes.

Une des sources des cellules souches provient des embryons créés par les laboratoires de (25) fécondation in vitro. Une fois que les couples ayant des problèmes de (26) stérilité ont conçu de cette manière leurs (27) bébés, on peut conserver les embryons (28) surnuméraires dans de l’azote liquide et, dans certains pays, les utiliser pour la (29) recherche avec le consentement éclairé du (30) couple.

Cependant, les cellules souches qui proviennent d’(31) embryons surnuméraires peuvent provoquer un rejet immunitaire si elles sont transplantées sur un patient, tout comme des (32) greffes d’organes reçus par une tierce personne. Si ces cellules ou les tissus à (33) transplanter sur un patient proviennent du même (34) patient, ces problèmes ne se posent pas. Par conséquent, certains chercheurs pensent que le clonage à des fins de

Page 503: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

493

recherche qui vise à créer un embryon afin de se procurer des cellules (35) génétiquement identiques à partir d’un patient, à les cultiver et à les développer en (36) cellules ou (37) en tissus ciblés, puis à les transplanter sur ledit patient, aidera à éviter le rejet (38) immunitaire.

Une des principales questions (39) éthiques que pose la conduite du clonage à des fins de recherche et les recherches sur la cellule souche embryonnaire tient au statut (40) moral de l’embryon. Son utilisation a soulevé des (41) objections de la part de ceux qui sont (42) opposés à l’avortement pour des motifs d’ordre moral, (43) religieux ou autre, et de ceux qui s’opposent à toute (44) recherche impliquant la destruction d’un (45) embryon humain. L’ (46) argument moral est ici que les embryons devraient être protégés dès l’instant de la (47) conception, car c’est le moment où naît une nouvelle (48) entité humaine qui, potentiellement et dans des circonstances appropriées, devient un (49) être humain unique. Etant donné qu’on ne saurait sacrifier d’êtres humains à quelque fin que ce soit, la destruction d’(50) embryons pour la recherche n’a plus aucune justification.

[…]

La (51) création d’embryons humains à des fins de recherche nécessite une collecte d’ovules. Ainsi peut-on se trouver confronté à des difficultés (52) éthiques et autres pour se procurer des ovules destinés à produire des embryons de (53) clone. Si des centaines d’ovules non fécondés se révèlent nécessaires pour produire un embryon de clone humain, comme dans le (54) clonage animal, comment se les procurera-t-on ? L’obtention d’(55) ovules à partir du corps d’une (56) femme procède d’une technique invasive, et certains ont exprimé l’inquiétude que cela puisse mener à une (57) exploitation des femmes et à une (58) commercialisation des ovules humains.

Activité 11

C’est un exercice difficile qui demande aux étudiants de constituer les deux textes à partir d’une série de 17 phrases mises en désordre.

Le professeur peut suggérer de suivre les démarches suivantes :

• Lire attentivement toutes ces phrases, souligner les mots permettant d’identifier le thème de la phrase.

• Essayer d’en relever deux grandes idées possibles : clonage humain / fécondation in vitro.

• Classer ces phrases en fonction des deux thèmes :

Page 504: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

494

- Groupe 1 : Fécondation in vitro : 2-5-9-11-13-15-16

- Groupe 2 : Clonage humain :1-3-4-6-7-8-10-12-14-17

• Travailler avec chaque groupe de phrases. Les relire et essayer de les mettre en ordre. Il est important de remarquer que ce travail de mise en ordre se base sur de multiples éléments :

- L’orientation argumentative

- La concession argumentative : certes,… cependant…

- La présence des connecteurs : au contraire, en revanche,…

Cette activité peut se faire par groupes de 2 ou 3.

► Suggestion

1. Texte 1 : 5-11-15-13-16-2-9

L’Instruction Donum vitae avait déjà fait observer que la fécondation in vitro implique l’élimination volontairement acceptée d’un nombre conséquent d’embryons. Certains pensaient que cela était dû à une technique encore imparfaite. L’expérience a montré, au contraire, que toutes les techniques de fécondation in vitro se déroulent en réalité comme si l’embryon humain était un simple amas de cellules qui sont utilisées, sélectionnées ou écartées.

Certes, environ le tiers des femmes qui ont recours à la procréation artificielle parviennent à avoir un enfant. Cependant, compte tenu du rapport entre le nombre total d’embryons produits et ceux effectivement nés, le nombre d’embryons sacrifiés reste très élevé. Ces pertes sont acceptées par les spécialistes des techniques de fécondation in vitro comme le prix à payer pour obtenir des résultats concluants. Il est très préoccupant de voir qu’en ce domaine la recherche ne semble pas porter un réel intérêt au droit à la vie de chaque embryon, mais vise surtout à obtenir de meilleurs résultats en terme de pourcentage d’enfants nés par rapport aux femmes qui initient un traitement.

2. Texte 2 : 3-6-8-14-12-10-17-4-7-1

Le clonage est proposé avec deux objectifs fondamentaux : l’un reproductif, c’est-à-dire visant à obtenir la naissance d’un enfant cloné, et l’autre thérapeutique ou de recherche. Le clonage reproductif serait théoriquement en mesure de répondre à certains besoins spécifiques comme le contrôle de l’évolution humaine, la sélection des êtres humains avec des qualités supérieures, la présélection du sexe de l’enfant à naître, la production d’un enfant qui soit la « copie » d’un autre, la

Page 505: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

495

production d’un enfant pour un couple souffrant de formes d’infertilité pour lesquelles il n’existe pas d’autres solutions curatives. En revanche, le clonage thérapeutique est proposé comme le moyen de produire des cellules souches embryonnaires dotées d’un patrimoine génétique prédéterminé, afin de surmonter le problème de rejet (immuno-incompatibilité) ; il est donc lié à la question de l’utilisation des cellules souches embryonnaires. Les tentatives de clonage ont suscité une grande préoccupation dans le monde entier. Plusieurs organismes au niveau national et international ont exprimé des jugements négatifs sur le clonage humain et, dans la plupart des pays, il a été interdit.

Si le clonage avait un but reproductif, on imposerait au sujet cloné un patrimoine génétique déjà fixé, en le soumettant de fait – comme cela a été dit – à une forme d’esclavage biologique de laquelle il pourrait difficilement s’affranchir. Le fait qu’une personne s’arroge le droit de déterminer arbitrairement les caractéristiques génétiques d’une autre, c’est une grave offense à sa dignité et à l’égalité fondamentale entre les hommes.

Le soi-disant clonage thérapeutique est encore plus grave au plan éthique. Créer des embryons dans le but de les supprimer est totalement incompatible avec la dignité humaine, même si l’intention est d’aider les malades, car cela fait de l’existence d’un être humain, même à son stade embryonnaire, rien de plus qu’un moyen d’utiliser et de détruire. Il est gravement immoral de sacrifier une vie humaine dans un but thérapeutique.

l) Séances 23 (séance provisoire)

Le clonage des êtres vivants pourrait être l’objet d’un travail interdisciplinaire, qui mobiliserait l’école entière sur le thème de la bioéthique.

On pourrait donc envisager d’inviter en classe des spécialistes du domaine, un professeur de biologie et un professeur de philosophie par exemple. Ces derniers vont faire un séminaire, en langue française bien sûr, sur le clonage et en particulier sur le clonage humain. La présentation doit être la plus simple et la plus claire possible pour favoriser la compréhension des apprenants. C’est aussi l’occasion pour que notre public puisse poser des questions et/ou exprimer des opinions vis-à-vis du thème donné.

Bien sûr, il est préférable d’introduire cette intervention en fin d’unité quand les apprenants se seront assez familialisés avec le thème, avec les différents arguments, par l’études des textes et des documents sonores, afin d’être en mesure de suivre l’orateur et de débattre avec lui, pour de vrai !

Page 506: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

496

Ce type d’organisation est pour le moment un peu difficile à réaliser mais on peut toujours espérer sa mise en place dans un proche avenir, d’autant plus qu’il contribue à accélérer la curiosité des élèves.

m) Séances 24-25 : Activité 12

A vous de débattre !

Sujet : Le clonage humain fait l’objet de plusieurs débats controversés. Les uns pensent que c’est une avancée prometteuse de la biomédecine. Les autres estiment qu’il faut interdire à tout prix cette technique pour des raisons éthiques. Organisez dans votre classe un débat sur ce thème lors duquel vous exprimez vos points de vue et les confrontez à ceux des autres.

REMARQUES PRELIMINAIRES

Cette activité d’interaction orale demande aux étudiants de prendre position sur la question du clonage humain. Ils doivent présenter leurs points de vue, proposer des idées à d’autres en leur donnant de bonnes raisons d’y adhérer. En particulier, ils doivent être capables de réfuter tout ce qui pourrait ébranler leur propre position, de nuancer leur jugement en fonction des objections, d’organiser leur discours… Autrement dit, ils ont à s’engager dans un dialogue afin de transformer les convictions de l’autre.

Une vingtaine de séances de préparation, avec de multiples activités, sont estimées suffisantes du point de vue du contenu argumentatif. Les étudiants sont dotés des connaissances nécessaires et ont aussi une certaine opinion sur la question du clonage pour participer à un débat controversé. Mais nous conseillons quand même à l’enseignant de les avertir, lors de la séance précédente, qu’ils auront à faire un débat en classe et que, par conséquent, leur travail personnel de documentation sera toujours rentable. Il les aidera à encore mieux s’approprier le thème, à mieux le comprendre dans une perspective de controverse, ce qui leur permettra de formuler des arguments bien solides et de prévenir les contre-arguments de l’autre camp.

DEMARCHE

- Le professeur demande aux étudiants qui va rejoindre le camp « pour » et qui le camp « contre ». Ils vont se regrouper par 4 dans chaque camp. Chaque groupe organise la discussion dans un temps donné. Un élève assume le rôle de

Page 507: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

497

secrétaire en prenant des notes pour que le groupe garde en mémoire les différentes propositions, synthétise et conclut.

Au cours de la préparation, les membres du groupe accumulent tous les arguments en faveur de leur position et n’oublient pas, bien sûr, de penser à des contre-arguments. Cette démarche leur permet de prévoir les objections qui pourraient venir de l’autre camp.

- Quand les groupes organisent leur travail, le professeur demande à quelques étudiants (2 ou 3) de préparer volontairement le travail de meneur de débat. Leur tâche est non moins importante pour ne pas dire qu’elle joue un rôle fondamental, car ils doivent savoir lancer le débat, poser la problématique, identifier les différentes positions, clarifier les propositions, faire le point au fur et à mesure des idées échangées, distribuer la parole équitablement, encourager les participants de telle sorte que la parole ne soit pas monopolisée par les leaders, réguler le temps de parole, conclure en sollicitant éventuellement chaque participant pour le mot de la fin. Pour être plus précis, on peut dire qu’un débat insuffisamment préparé et organisé présente des risques de dérive.

- Après un certain temps de préparation, chaque groupe est invité à rejoindre le groupe adverse pour débattre.

Il y aura donc environ 3 débats en classe. Tous ces débats seront enregistrés et si possible, filmés en vue d’une séance d’analyse.

► Suggestion

POSITION POUR

• En ce qui concerne le clonage reproductif

- Le clonage reproductif contribue à réduire la souffrance des couples stériles en leur apportant l’espoir d’obtenir un enfant cloné.

- Cette technique répond également à certains besoins spécifiques comme la sélection des êtres humains avec des qualités supérieures.

• En ce qui concerne le clonage thérapeutique

- La technique de clonage constitue un espoir en matière de greffes ou de remplacements d’organes. Elle promet d’ouvrir de nouvelles voies pour soigner des affections actuellement incurables comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, les paralysies, les attaques cérébrales et le diabète. Si on greffe au patient ses propres cellules, on peut éviter le rejet puisqu’elles viennent de son propre corps. D’ailleurs, grâce à cette technique, on dépend moins des dons d’organes prélevés sur des personnes décédées.

Page 508: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

498

- Un jeune embryon n’est qu’une boule de cellules sans caractéristiques humaines. Il est difficile de définir à quel stade de développement l’embryon acquiert le statut d’être humain. Peut-être ne devient-il un être humain qu’à cinq mois et demi, lors qu’il peut réagir aux bruits et pourrait survivre s’il sortait déjà. Avant, même si la tête et le corps sont reconnaissables, l’embryon ne dispose pas encore de conscience. La recherche médicale, selon ce point de vue, est tout à fait autorisée.

- La vie humaine commence dans un ventre, pas dans une éprouvette ou un réfrigérateur.

- De plus, les droits d’un embryon ne peuvent pas surpasser ceux d’un adulte ou d’un enfant atteint d’une maladie incurable.

POSITION CONTRE

• En ce qui concerne le clonage reproductif

- Les expériences du clonage animal montrent que le taux de réussite est très faible : quelques naissances pour une centaine d’ovocytes reconstitués. De plus, les clones présentent souvent des dérèglements du développement, et font face à un grand risque de mortalité précoce.

- Le fait de pouvoir se reproduire à l’identique va à l’encontre du principe fondamental de l’humain qui veut que chaque être soit singulier et digne de respect.

- Le clonage reproductif peut être à l’origine de nouvelles formes d’esclavage, de nouvelles discriminations et aussi de profondes souffrances. Les clonés risquent d’être traités comme des « inférieurs » et mis alors dans des colonies d’hommes nés uniquement pour servir (des esclaves donc).

• En ce qui concerne le clonage thérapeutique

- Les cellules souches sont prélevées sur des embryons humains quelques jours après la fécondation. « Instrumentaliser » ainsi l’embryon humain soulève d’énormes problèmes éthiques, car un embryon, même conçu en éprouvette, dès ses premiers jours de conception, a le statut de personne humaine, et donc, à ce titre, a droit au respect et à la dignité. Il est donc moralement inacceptable d’utiliser un embryon comme « usine » productrice de cellules souches.

- La création des embryons à des fins de la recherche risque de conduire à des trafics d’ovocytes.

- La légalisation du clonage thérapeutique est considérée comme la préparation au clonage à visée reproductive.

Page 509: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

499

n) Séance 26-27 : Evaluation des débats enregistrés

OBJECTIF

Cette phase d’évaluation permet aux étudiants d’apprécier ce qui est bien et d’analyser ce qui a mal fonctionné dans les débats qui se sont déroulés. Ils peuvent donc tirer des conclusions, faire de nouvelles propositions en vue d’un débat plus satisfaisant dans le prochain atelier.

En plus, c’est dans cette phase d’analyse que les élèves apprennent à écouter les autres, à situer leur prise de parole par rapport aux interventions précédentes. Dans cette perspective, le débat constitue vraiment un apprentissage de la vie sociale.

DEMARCHE

- L’analyse des débats réalisés par les étudiants lors de la séance précédente peut s’appuyer sur les axes suivants57 :

1. La répartition du rôle dans le débat : Les participants et le meneur du débat ont-ils bien assumé leur tâche ?

2. L’écoute :

- La non-écoute : distraction, agitation, apartés,…

- L’écoute : écoute avec silence, avec concentration, avec signe d’approbation ou de désapprobation, écoute avec hostilité (couper la parole, tourner le dos…)

- L’écoute active : reformulation de la parole de l’autre, appui sur le discours de l’autre pour introduire son propre discours.

3. La prise de parole :

- Absence de prise de parole

- Attitude conflictuelle : interrompre brutalement, se moquer, couper la parole, imposer son idée à tout prix, monopoliser la parole, dévaloriser l’opinion de l’autre,…

- Attitude respectueuse : demander la parole, intervenir avec clarté, tenir compte de l’avis de l’autre.

57 Cette grille d’analyse est élaborée à l’appui de l’« exemple d’outils d’évaluation » (Garcia-Debanc,

1980 : 95-124)

Page 510: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

500

- Attitude constructive : s’appuyer sur ce qui a été dit, apporter un élément nouveau, faire avancer le débat.

4. Attitude argumentative : On entend par « attitude argumentative » l’attitude qu’on adopte pour justifier une position, pour réfuter d’autres thèses, pour concéder à la partie adverse certains arguments.

- Attitude polémique

- Attitude affective

- Attitude persuasive

- Attitude rationnelle

5. Force des arguments : Un argument sera reconnu efficace s’il satisfait à au moins une des conditions suivantes :

- Etre entendu (intensité vocale suffisante, argument impliquant la confiance du locuteur…)

- Donner lieu à une interaction : un argument pertinent va faire progresser la discussion.

- Susciter l’approbation d’au moins un autre participant.

- Mettre l’adversaire en état de ne pas pouvoir fournir de contre-argument.

- Obliger son interlocuteur à changer de terrain.

6. Investissement de la recherche documentaire dans le débat argumenté

- Référence quotidienne : famille, amis, « on dit »…, télévision, radio, internet sans source identifiée…

- Références scientifiques : ouvrage spécialisé, encyclopédie, articles signés, spécialiste du domaine, savoir pluridisciplinaire…

APRES

Il est intéressant et utile de faire regarder aux étudiants un débat télévisé ou de leur faire écouter un enregistrement de débat sur le même thème. Leur signaler qu’ils n’ont pas à imiter ces débat tels quels mais qu’il faut observer comment les participants reprennent ce qu’a dit l’autre, comment ils reformulent leur position, comment ils réfutent, objectent et concèdent… Cette activité supplémentaire a également pour objectif de sensibiliser les élèves au rôle d’animateur dans la conduite d’un débat.

Page 511: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

501

o) Séance 28

Lors de cette dernière séance, le professeur demande à 6 groupes, constitués lors de la séance précédente, de déléguer chacun un rapporteur pour débattre à la table centrale. La durée du débat est de 30 minutes. Le professeur peut limiter le sujet soit au clonage reproductif soit au clonage thérapeutique. Les autres membres des groupes suivent le débat et posent des questions si nécessaire. L’animateur devra donc réguler le temps de parole et éventuellement relancer le débat.

Page 512: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

502

Transcription

Document sonore 1 :

Clonage humain et clonage thérapeutique par Albert Jacquard

Source : http://www.youtube.com/watch?v=L7gN8mO26Mw&feature=related Durée : 5m09

Journaliste (J) :

Albert Jacquard, vous dites souvent que nous sommes le produit, nous tous, d’un tirage au sort euh génétique mais alors le clonage le clonage c’est quoi c’est c’est le contraire

Albert Jacquard (A-J) :

Le clonage c’est le contraire / au fond le clonage c’est ce que pratiquaient nos ancêtres, les bactéries il y a trois milliards d’années. En conséquence c’est un retour en arrière vers une capacité qu’avaient nos ancêtres très très très lointains et qu’ont encore les bactéries d’aujourd’hui

J :

c'est-à-dire à se reproduire de façon

A-J :

C'est-à-dire qu’on peut (inaudible) en faire pareil / alors il se trouve que que chez nous c’est évidemment plus vrai chez nous les sexués mais le fait est que chacun d’entre nous à son départ est une collection de gènes, une collection de recettes de fabrication / elles ont été rassemblées par la fusion dans une ovule d’un spermatozoïde et puis après ça elles font leur travail / et puis on a bien compris maintenant comment ça fonctionnait / on s’est aperçu que en gros nous avons reçu comme ceci chacun de l’ordre de 30 mille informations élémentaires mais dès que l’on a compris ça on se dit mais il se trouve que chaque fois qu’un organisme comme le mien fabrique des cellules / il lui envoie à cette cellule nouvelle une copie de tout le patrimoine initial // autrement dit chacune de mes cellules sait comment fabriquer Albert Jacquard / puisqu’elle a reçu toutes les informations qu’avait l’ovule de ces spermatozoïdes qui m’ont fait

J :

elle aura de la chance hein (rire)

Page 513: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

503

A-J :

euh par conséquent c’est facile d’en faire un deuxième / vous prenez une de mes cellules / vous prenez le noyau il y a tout ça à rassembler et ce noyau vous le mettez dans l’ovule d’une jeune femme qui vous fera ce cadeau dans l’ovule dont enlèvera le noyau // on met ça dans un utérus ça devient un bébé / ce bébé est mon jumeau et il est mon jumeau plus jeune // et par conséquent on se met à raconter des quantités d’histoires comme l’éternité retrouvée

J :

oui

A-J :

en effet voilà cet Albert Jacquard qui a 50 ans de moins que moi qui dans 50 ans en fera autant et je me trouve éternel, c’est absurde

J :

j’allais vous demander si ça vous intéresse // non c’est absurde (rire)

A-J :

non non c’est parce que cet enfant il a mon patrimoine génétique / il est mon jumeau mais il n’est pas moi / car ce que je suis c’est pas seulement le point de départ // je suis le résultat de toute une aventure qui a commencé déjà dans l’ovule ça a continué dans l’utérus qui et cetera et par conséquent tout au long de mon aventure a fait que moi quelqu’un encore plus inouï, étonnant, exceptionnel que celui qui c’était au fond qui est le résultat de ce qu’il y avait dans le point de départ / et par conséquent c’est simplement / un désir stupide de fabriquer des jumeaux plus jeunes / et du coup au fond ça sera même pas grave ça sera insignifiant à mon avis

J :

je veux dire on n’y arrive pas aujourd’hui Albert Jacquard / on y arrive pas cette description que vous faites on y est pas encore

A-J :

ah on n’a pas fait mais on l’a fait avec une brebis / on a fait avec des petits chevreaux / on l’a fait avec des vaches et aucune raison que ça marche pas avec l’homme / mais pourquoi ne pas le faire // tout simplement parce qu’il / il faut se mettre dans la peau de celui qu’on fabriquerait ainsi / au fond il s’apercevrait un beau jour qu’il est le double de quelqu’un de 50, 60 ans plus vieux que lui / ça lui fera un effet terrible / vous imaginez mon jumeau plus jeune / dans 20 ans 30 ans on lui dirait « tu vois le vieux monsieur là-bas c’est toi » / mais il se retrouvera à l’asile

Page 514: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

504

psychiatrique / non ça ce n’est pas un cadeau à faire / et puis là surtout puisqu’on parle du clonage une toute autre façon de cloner qui consiste non pas à attendre qu’un nouveau bébé apparaisse qui soit la reproduction de l’un d’avant mais / qui consiste à commencer le processus mais à l’arrêter au bout de quelques divisions cellulaires / et on s’aperçoit que peut-être ces cellules pourront être utilisées pour faire de la recherche fondamentale

J :

alors ça c’est l’intérêt du clonage

A-J :

alors ça c’est l’intérêt du chercheur et peut-être un jour ça permettrait de guérir des maladies en particulier les maladies de la vieillesse comme l’Alzheimer / alors reste le parti ceux qui pensent que ça vaudrait la peine

J :

le clonage thérapeutique

A-J :

le clonage thérapeutique donc le clonage reproductif c’est absurde le clonage thérapeutique ça peut être …

J :

un progrès ?

A-J :

passionnant ah oui ça peut si ça permet de guérir oui / maintenant que ça pose des problèmes moraux évidemment il faut les poser bien mais cela à nouveau une belle occasion de réfléchir en profondeur sur les devoirs que nous avons / le devoir que nous avons, de refuser certains, certains des pouvoirs que nous nous donnons à nous-mêmes

J :

et sont les enfants d’aujourd’hui qui

A-J :

il y a des choses que nous devons faire et aussi des choses qu’il faudra ne pas faire

J :

et ce sont les enfants d’aujourd’hui qui devront répondre à ces questions là

Page 515: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

505

A-J :

ce sont les enfants d’aujourd’hui qui auront tout d’un coup à prendre la décision que nous n’avons pas su prendre et qui consisteront à dire non à des pouvoirs peut-être utiles mais qui posent des problèmes moraux trop graves

*Albert Jacquard, né à Lyon en 1925, n’est pas uniquement un spécialiste de la génétique et un brillant scientifique, il est surtout un grand humaniste.

Document sonore 2 :

Jacques Montagut, le clonage

Source : http://www.youtube.com/watch?v=XuN1d-eBROo&feature=related mis à jour le 27 octobre 2008, durée : 2m43

Interviewer (I) :

Jacques Montagut, bonjour !

Jacques Montagut (JM) :

Bonjour !

I :

Vous avez écrit dans la collection Idée reçue un ouvrage sur le clonage. Quelle est l’idée reçue la plus courante sur le clonage ?

JM :

Je crois que l’idée reçue la plus courante sur le clonage c’est la reproduction à l’identique, dire que cloner c’est reproduire à l’identique, or reproduire à l’identique c’est quelque chose qui n’existe absolument pas. Il y a beaucoup de fantasmes qui se sont développés et qui continuent à se développer là-dessus, tout n’est pas génétique. Un être humain se développe dans son environnement, se développe au départ par ce que l’on appelle des facteurs génétiques. Donc reproduire à l’identique est quelque chose qui n’existe pas même par le clonage.

I :

Et parmi les sept idées reçues que vous avez traitées, quelle est celle que vous aimeriez voir disparaître définitivement ?

Page 516: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

506

JM :

Il y en a plusieurs, il y en a plusieurs dans ce livre. Je crois qu’il y en a une que j’aimerais voir rapidement disparaître c’est l’idée qui consiste à dire que qu’il est choquant de détruire un embryon humain pour récupérer des cellules souches. Imaginez qu’un jour une la maman d’un enfant ne puisse pas guérir cet enfant avec les possibilités thérapeutiques qui lui sont offertes, que par exemple cet enfant ne puisse pas avoir un donneur compatible pour le sauver d’une maladie incurable, d’une maladie dont il risque de mourir. Imaginez que on puisse sauver cet enfant à partir de cellules souches issues d’un embryon qui serait qui proviendrait d’un ovocyte de sa maman à partir duquel cet embryon serait détruit pour donner des cellules souches qui sauveraient son enfant s’il n’y avait pas d’autres possibilités thérapeutiques. Pensez-vous qu’il serait choquant de détruire un tel embryon pour sauver son enfant et je crois que aujourd’hui la science, la connaissance avance à une telle cadence que cet espoir n’est plus un espoir fou et qu’il faut donc que ceux qui réfléchissent à la bioéthique aient le rôle très important dans la société, que le législateur qui va bientôt réviser la loi de la bioéthique, je pense, très sérieusement sur ce problème.

I :

Monsieur Montagut, je vous remercie

*Auteur du « Clonage » paru dans la collection Idées reçues, Jacques Montagut est médecin et biologiste de la reproduction. Il est aussi directeur de l'Institut francophone de recherche et d'études appliquées à la reproduction de Toulouse. Il est ancien membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction, du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine. Il est aujourd’hui membre de la délégation française du Comité directeur pour la bioéthique au Conseil de l’Europe.

Document audiovisuel 1 :

Chine : le clonage thérapeutique

Source : http://www.youtube.com/watch?v=dP5Cqrl-TUc&feature=PlayList&p=660C18B15024E9FA&playnext=1&playnext_from=PL&index=31

Mis à jour le 24 février 2009, durée : 2m48

Le professeur Li Jianyuan est à la tête d’une équipe de chercheurs chinois spécialisée dans le clonage d’embryons. Après des années de recherche, ils ont réussi à cloner 5 embryons humains grâce à une technique toute nouvelle expérimentée dans cet

Page 517: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

507

hôpital, une méthode qui consiste à introduire des cellules humaines provenant des tissus nerveux dans une ovule, une technique qui doit permettre de créer des cellules souches, des cellules qui peuvent se développer dans n’importe quelle partie du corps et qui, à terme, pourra permettra de soigner des maladies aujourd’hui réputées incurables.

LI Jianyuan

Professeur, centre de recherche sur les cellules souches de Shandong :

« Beaucoup de scientifiques s’intéressent à ce domaine de recherche parce qu’il offre des perspectives de recherche exceptionnelles. Actuellement il y a beaucoup de maladies pour lesquelles nous ne connaissons aucun traitement mais si on peut utiliser le clonage des embryons humains on pourra obtenir des cellules qui permettront de traiter les patients, notamment dans le domaine des transplantations d’organes »

Malgré cette perspective intéressante, la technique du professeur Li est controversée car utiliser les cellules souches provoque la destruction de l’embryon cloné. Beaucoup de pays ont donc préféré mettre un terme au clonage humain pour des questions éthiques. Ce n’est pas le cas en Chine où on s’appuie pour conduire ses recherches sur une toute autre philosophie.

QUI Renzong

Professeur de philosophie, Académie des sciences sociales de Chine :

« Selon la pensée Confucianiste, une personne n’est considérée comme un être humain qu’après sa naissance. Les embryons et les fœtus ne sont donc pas des êtres humains et cette philosophie perdure depuis des milliers d’années ici. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de problèmes pour les Chinois à détruire des embryons humains pour conduire les recherches sur les cellules souches »

Mais même débarrassés de ces questions morales, les scientifiques chinois n’en travaillent pas moins sous le strict contrôle du gouvernement car beaucoup en Chine comme ailleurs suivent cette prouesse scientifique avec grande prudence.

ZHAI Xiaomei

Professeur, collège médical de Pékin

« Même s’il n’est pas considéré comme un être humain, c’est tout de même l’embryon d’un futur homme. Il faut donc respecter un certain nombre de règles éthiques lorsqu’on l’utilise. On ne peut pas faire n’importe quoi. C’est pour ça que des règles précises ont été mises en place ».

Alors que la controverse fait rage dans les pays occidentaux quant à l’utilisation d’embryons humains clonés, la Chine poursuit ces recherches. Elle espère même devenir le

Page 518: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Unité 4

508

pays le plus en pointe dans la biotechnologie en s’appuyant sur une philosophie vieille de deux mille ans, la Chine s’attaque donc sans arrière pensée aux maladies du XXI e siècle.

Page 519: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Quatrième partie

509

Récapitulation

On ne peut pas argumenter efficacement si on ne fait pas suffisamment de place au travail d’information préalable, ce qui est d’une extrême importance pour que l’on puisse se constituer une position raisonnée sur un sujet et la défendre correctement.

En partant de cette conception, dans les pages précédentes, nous avons présenté les 4 unités didactiques dont l’objectif final consiste à développer chez les élèves la capacité de faire un débat au cours duquel ils peuvent s’exprimer sur une question d’actualité et s’en faire une opinion tout en tenant compte des positions du camp adverse. La première unité vise à familiariser les apprenants avec le modèle de débat français et les trois dernières, portant respectivement sur la caméra de surveillance, la croissance économique et le clonage humain, ont pour but de les préparer au niveau du contenu argumentatif.

Les documents utilisés dans ces unités sont tous des documents authentiques, donc intéressants, à notre avis, pour une exploitation pédagogique. Pourtant, nous ne pouvons pas nier que certains textes, oraux ou écrits, soient difficiles même pour les professeurs, du point de vue argumentatif. En d’autres termes, on peut dire que l’interprétation du sens de ces documents demande non seulement chez le lecteur une bonne connaissance linguistique mais encore une acquisition solide des techniques d’analyse argumentative. Au cas de non-satisfaction de cette seconde condition, on aura du mal à « comprendre » le texte, c’est-à-dire à définir sa visée argumentative.

C’est pourquoi, nous pensons qu’il faut prévoir un travail en commun réunissant un groupe de professeurs, centré sur les questions d’argumentation elles-mêmes et entre ces professeurs et les chercheurs avant la mise en œuvre de ces unités. Ma position serait qu’il faut organiser, en parallèle, des séminaires d’auto-formation à la fois sur les thèmes théoriques en argumentation et sur la méthodologie d’exploitation argumentative des documents proposés dans ces unités. Concernant les thèmes assez complexes comme la croissance économique et surtout le clonage humain, qui pourraient être l’objet d’un travail interdisciplinaire, il est envisageable, pourquoi pas, d’organiser des séminaires entre les professeurs de français langue étrangère et des spécialistes du domaine. En vue d’éviter le côté cours magistral de la formation continue ou même des conférences, ces activités peuvent se faire sous forme de « café des sciences », un espace de rencontre convivial désigné pour favoriser les échanges informels. Viennent ici les chercheurs

Page 520: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Récapitulation

510

pour exprimer publiquement leurs opinions personnelles sur un sujet scientifique précis et le public - il s’agit dans notre cas concret de professeurs - pour s’informer et se forger une opinion propre. Les échanges, les confrontations entre eux sont bénéfiques pour les chercheurs qui doivent réfléchir sur leurs enjeux scientifiques et aussi pour les professeurs qui veulent, éventuellement, enrichir leurs cours d’interpétation des textes.

Revenons à nos unités didactiques ! Une fois que ces propositions sont mises en œuvre, la démarche suivante veut que les résultats d’apprentissage soient examinés et évalués sérieusement par le groupe de professeurs intéressés. Cette étape joue un rôle décisif, permettant aux enseignants de reformuler, redéfinir et réorienter leurs intentions initiales en vue d’arriver à construire des cours pratiques d’argumentation qui conviennent le mieux au public vietnamien.

Pour conclure, nous empruntons le propos de Plantin, emprunté à Otto Neurath, qui dit que « les enseignants ne sont pas mieux lotis que des navigateurs qui devraient reconstruire leur vaisseau en pleine mer, sans jamais pouvoir le tirer sur un dock pour le démonter, changer sa charpente et le reconstruire à neuf. La seule attitude raisonnable est d’enseigner l’argumentation partout où le besoin s’en fait sentir, sur les trajets sans cesse à parcourir qui vont, en simplifiant, de l’élémentaire compréhension de la pensée d’autrui à la construction et à la mise en œuvre de stratégies critiques et polémiques de longue haleine » (1990 : 273). En cas d’urgence, le navigateur doit savoir réparer son bateau s’il ne veut pas sombrer en pleine mer. De même, l’enseignant doit parfois travailler dans l’urgence et colmater des brèches ou des manques. Pour l’enseignement et l’apprentissage de l’argumentation, ce travail, lui non plus, ne peut pas se réaliser d’un jour à l’autre. Il est aussi ardu, rempli d’obstacles que le travail d’un marin. Mais, comme le dit un proverbe français : « C’est en forgeant qu’on devient forgeron ! ». En argumentant qu’on argumente et qu’on apprend à argumenter. La construction de cours pratiques d’argumentation exigera un long travail d’élaboration, une collaboration et un effort persévérants entre différents sujets parmi lesquels les chercheurs (y compris les experts de l’argumentation et les spécialistes du domaine sur lequel on veut argumenter), les professeurs de langues (maternelle et étrangère) et enfin les apprenants.

Page 521: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Conclusion générale

511

CONCLUSION GÉNÉRALE

La recherche que nous avons menée, aussi limitée soit-elle, nous a permis d’aboutir à un certain nombre de conclusions. Dans les lignes qui suivent, nous allons tout d’abord faire un bilan des résultats de cette recherche, ensuite nous aborderons quelques problèmes que pose ce travail et enfin une mise en perspectives de la recherche.

Page 522: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

512

Les premiers résultats de la recherche

Les analyses que nous avons effectuées tout au long de notre travail nous ont permis de voir à quel point l’argumentation constitue une tâche difficile pour les apprenants vietnamiens, d’autant plus que ces derniers n’ont bénéficié d’aucun cours d’argumentation, ni au niveau théorique, ni au niveau pratique, durant leur cursus scolaire. Or, la pratique argumentative est effectivement très fréquente dans notre vie de tous les jours. Il est donc peu raisonnable que la tradition scolaire, voire universitaire, se montre si peu à l’aise avec cette activité langagière.

Selon notre point de vue, l’exercice de l’argumentation de type scolaire, ou plus exactement l’argumentation dans son sens « technique », demande aux élèves de se situer à un niveau différent, plus ou moins académique. En effet, la compréhension ou l’élaboration d’un exposé argumentatif exige une bonne maîtrise des mots, ainsi que des constructions dans lesquelles ils entrent et, éventuellement, des conditions de leur emploi. Notre travail sur le langage argumentatif, malgré ses éventuelles limites, peut s’avérer très utile, non seulement à nos apprenants vietnamiens en favorisant leur compréhension des termes plus ou moins spécialisés mais il nous est également indispensable car nous nourrissons l’ambition d’élaborer dans l’avenir un cours de théorie de l’argumentation en vietnamien, tout en gardant une vision contrastive avec celle en langue française. Ceci parce que pour apprendre l’argumentation, il faut non seulement un effort linguistique mais aussi un effort d’adaptation interculturelle. Nous reviendrons sur ce point au passage de la mise en perspectives de la thèse.

Une autre remarque conclusive concerne l’emploi des connecteurs. L’étude contrastive des connecteurs argumentatifs en français et en vietnamien a totalement remis en question le jugement hâtif selon lequel le Vietnamien serait assez pauvre en moyens linguistiques utilisables à des fins argumentatives. L’analyse d’un certain nombre de verbes de relation causale montre que ces verbes fonctionnent dans la phrase ou, plus largement encore, dans le texte, comme des connecteurs. Ils assument la fonction de connexion tout en reliant, au niveau phrastique, les arguments selon l’ordre sujet actant antécédent causal / complément d’objet actant conséquent, et au niveau textuel, assurent le caractère logique et l’enchaînement entre des arguments / conclusion. L’analyse nous a amené à prendre conscience de

Page 523: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Conclusion générale

513

la nécessité de faire travailler les étudiants sur les connecteurs verbaux, notamment sur les verbes de cause qui sont indispensables dans la pratique de l’argumentation.

Influencés par l’idéologie communiste et par plusieurs religions dont le confucianisme, qui jouent un rôle décisif dans la formation de la mentalité vietnamienne, les Vietnamiens sont connus par leur psychologie pacifiste sur le plan des relations sociales. Ils montrent une attitude de concorde dans l’accueil et de souplesse dans les affrontements. Ils manifestent dans les conversations de tous les jours une préférence pour l’accord et évitent, par conséquent, des formulations trop directes d’opposition. L’habitude de « tourner autour du pot », de peser toujours le pour et le contre est censée être un grand obstacle pour les Vietnamiens dans les interactions avec les étrangers et est même considérée comme la cause de leur refus des échanges polémiques. A notre avis, cette explication de l’habitude comportementale vietnamienne n’est pas fausse mais elle n’est pas non plus totalement vraie parce que peser le pour et le contre, c’est exactement argumenter. Il s’agit là de l’argumentation monologale, le locuteur argumentant avec lui-même pour savoir ce qui est bon, ce qui mauvais, ce qui peut être dit, ce qu’il ne faut pas dire, donc elle n’a rien à voir avec la fuite devant les échanges argumentatifs, ni avec la fuite devant les échanges polémiques. L’analyse du corpus sur la bauxite renforce notre propos. Elle nous montre que les Vietnamiens peuvent argumenter « passionnément » et qu’ils possèdent même une variété de styles argumentatifs qui sont culturellement marqués. Ils vivent dans une société bien marquée par l’autorité et le consensus mais l’autorité, pour eux, ne constitue pas du tout un obstacle vis-à-vis des trois actes fondamentaux de l’argumentation : proposer, s’opposer, douter. Autrement dit, elle ne bloque pas du tout l’accès à l’argumentation, ce qui devrait fonctionner dans le sens inverse, notamment pour les Vietnamiens, réputés être un peuple qui respecte strictement les échelons hiérarchiques.

Ce propos revient à dire qu’on pourrait espérer une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français langue étrangère au Vietnam. L’analyse des manuels du français langue étrangère contribue à valider notre hypothèse en nous ouvrant la porte vers une nouvelle orientation didactique.

En effet, élaborés pour se vendre à n’importe quel public dans le monde entier, malgré des apports considérables, ces manuels paraissent inadaptés au public vietnamien en ce qui concerne l’exploitation de l’argumentation, d’autant plus que cette compétence discursive n’a pas une place ancrée dans le programme d’enseignement/apprentissage du vietnamien langue maternelle. Ces points restrictifs concernent à la fois l’enseignement de l’argumentation proprement dit et la question des contenus argumentatifs. Les auteurs des manuels de FLE proposent

Page 524: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

514

aux élèves de travailler avec des textes, à notre avis, mal choisis et mal intégrés dans la séquence d’enseignement. D’abord, ils sont « mal choisis », non pas en eux-mêmes, mais parce que les thèmes traités dans le texte n’intéressent guère les élèves vietnamiens. Ensuite, ces textes sont « mal intégrés dans la séquence d'enseignement » parce que, quelquefois, on aborde des thèmes qui pourraient être intéressants, mais qui n’ont aucun lien avec les connaissances préalables des apprenants vietnamiens. Il leur est quasiment impossible de pouvoir exprimer par exemple leur point de vue sur une question comme celle de l’assimilation des africains à la société française ou encore sur le programme Erasmus, programme européen favorisant les actions de mobilité en Europe pour les étudiants. De même, l’image d’un rugbyman qui mesure en moyenne 2 mètres et pèse environ 100 kilogrammes est sans doute familier au public argentin mais par contre carrément inimaginable pour notre public vietnamien !

La question est donc posée : Que faut-il faire pour proposer des thèmes adaptés aux intérêts des apprenants ? Pour ce travail, il importe de faire travailler sur le contenu argumentatif parce que, quand on ne connaît pas bien le sujet, soit on risque d’être entièrement d’accord et immédiatement d’accord, soit on risque de tomber dans le silence. En d’autres termes, le thème argumenté détermine largement la motivation des étudiants ainsi que sur la volonté de leur engagement : les thèmes plus motivants peuvent faciliter la prise de parole, tandis que d'autres peuvent rendre les apprenants mal à l'aise. Dans ce dernier cas, les joueurs se mettent alors à jouer sans jouer. Ils ne prennent pas le jeu au sérieux et souvent en sortent très vite. Dans cette perspective, un grand travail de documentation et de préparation linguistique et civilisationnelle s’avère important. D’une part, cette phase donne aux élèves l’envie de discuter et, pourquoi pas, de l'emporter, dans l’argumentation, ce qui est le facteur décisif. D’autre part, cela les aide à construire des arguments et à prévoir des contre-arguments. Cette phase d’appropriation des arguments est alors d’une importance cruciale. L’argumentation, dans ce sens, est liée non seulement à la connaissance de surface du sujet mais aussi à l’opinion un peu solide qu’on peut en avoir. D’une façon plus précise, on peut dire que la tâche d’argumenter ne se limite pas toujours au travail d’empiler des arguments sur un sujet donné. Plus difficile encore, il faut savoir défendre sa position tout en considérant l’existence possible de positions adverses. Le locuteur doit à la fois activer des arguments pour soutenir son point de vue et imaginer ceux qui soutiennent le point de vue différent, parce que, selon l’expression de Plantin, l’état de dissensus est tout à fait normal.

Dans cette optique, en vue d’une meilleure efficacité des séquences d’apprentissage de l’argumentation, il faut absolument partir de sujets proches des intérêts et des connaissances préalables des étudiants et prévoir de longues séances

Page 525: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Conclusion générale

515

de travail de préparation cognitive et linguistique sur les sujets à argumenter. Avec un travail préparatoire suffisant à l’avance, il est certain que la trop fameuse « passivité asiatique », plus particulièrement la « passivité vietnamienne », va disparaître totalement !

Page 526: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

516

Les limites de notre recherche

Outre les résultats que nous venons de présenter, nous ne pouvons pas nier que ce travail présente encore des limites.

En effet, nous avons bien voulu, au cours de l’élaboration des unités didactiques, enregistrer des débats diffusés dans l’émission « C dans l’air » sur TV5. Mais faute de technique, de temps et aussi à cause de l’inadaptation des thèmes à un public vietnamien, ce travail n’aurait pas pu être réalisé. L’analyse des vidéos de cette émission, selon nous, serait plus passionnante et profitable du point de vue argumentatif parce qu’elles contiennent de vraies situations conflictuelles où les locuteurs prennent leur position, expriment ouvertement leur point de vue et osent formuler des attaques directes en cas de désaccord. D’ailleurs, ce genre de documents nous donne aussi la possibilité de regarder de près comment les allocutaires interagissent au niveau non verbal. On peut dire, pour finir ce paragraphe, que les vidéos de « C dans l’air » sont une source de travail idéal pour enseigner/apprendre à argumenter que prochainement, dans notre métier, nous ne pourrons plus négliger.

La deuxième limite dont nous voudrions parler ici, c’est la mise en pratique de nos unités didactiques. Cette phase est d’une grande nécessité pour ne pas dire indispensable mais, pour le moment, n’a pas pu non plus être effectuée parce qu’elle demande beaucoup de temps, de patience et d’énergie.

Page 527: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Conclusion générale

517

Les perspectives de notre recherche

Les résultats et aussi les limites de notre travail nous ouvrent des perspectives de recherche très passionnantes. Elles semblent, en effet, tout à fait envisageables et forment la continuité de notre étude autant du point de vue de la théorie que de la pratique.

D’abord, pour que la problématique amorcée dans cette thèse soit vraiment explorée, il est nécessaire de prolonger cette recherche par une mise en pratique de deux ou trois unités didactiques que nous avons élaborées sur un échantillon d’étudiants de niveau avancé afin d’observer les résultats. Leur analyse sera indispensable en vue d’une « vraie » amélioration de l’enseignement/apprentissage de l’argumentation dans les classes de Français langue étrangère. Nous pourrions par exemple construire un modèle d’unité didactique avec différents types d’activités que nous jugeons les plus efficaces pour faire argumenter les élèves, ou encore recenser toutes les connaissances que nous considérons comme indispensables pour argumenter mais posant des problèmes à nos apprenants. A partir de ce bilan de travail, les enseignants pourront, à travers des concertations pédagogiques, réfléchir, discuter et trouver ensemble les meilleures pistes d’enseignement.

Toujours à propos des unités didactiques, ces dossiers ayant pour objectif un usage brut pour les étudiants avancés, les textes sont, par conséquent, longs, complexes et même difficiles à comprendre. Mais, de toute façon, les enseignants peuvent toujours en fabriquer des exercices plus simples pour les étudiants débutants.

Une autre perspective de recherche possible concerne l’analyse d’un corpus de débats vietnamiens (ce sera probablement des débats lors des réunions de l’Assemblée Nationale autour des questions d’actualité) en vue de faire un inventaire d’expressions d’accord et de désaccord en vietnamien. Ce travail est important et profitable si nous voulons développer chez les élèves la compétence discursive argumentative, non seulement en langue maternelle mais aussi en langue étrangère.

Notre dernière ambition est de réunir autour de ce projet d’argumentation une équipe de recherche intéressée par la question, puis d’entamer une théorisation

Page 528: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

518

plus méthodique et plus synthétique jusqu’à arriver au but fixé : élaborer un cours de l’argumentation en vietnamien aux apprenants natifs.

Pour cela, un groupe constitué de 5 ou 6 jeunes enseignants de français, intéressés par l’argumentation, sera formé d’abord au niveau de la théorie de l’argumentation. Cette première démarche est d’une grande nécessité car on ne peut pas faire la recherche en argumentation ni enseigner l’argumentation, pour ne pas dire enseigner l’argumentation en vietnamien, si on n’est pas équipés d’une base de connaissance minimale sur ce domaine. Cela ne veut pas dire qu’il s’agira d’une formation purement théorique. Parallèlement à cette formation théorique réalisée par le biais des séminaires hebdomadaires, ces jeunes formateurs seront invités à analyser une fois toutes les deux semaines, d’une part, des articles et/ou des débats audiovisuels authentiques, en français, et d’autre part, des textes journalistiques vietnamiens et/ou des débats lors des réunions de l’Assemblée Nationale sur des thèmes d’actualité. Cette source documentaire, à notre avis, est tout à fait accessible dans les journaux électroniques français et vietnamiens. Pour le cas du Vietnam, il est important de ne choisir des documents qu’à partir des courriers des organismes d’expression étatiques, donc aucun souci du point de vue politique ! Vient ensuite la phase de comparaison entre les modes de raisonnement, l’emploi des mots de discours, la manière de donner la parole, de prendre la parole, de partager l’opinion de quelqu’un, d’attaquer l’interlocuteur,… bref les manières de prendre position et de défendre sa position dans les échanges argumentatifs vietnamien et français. Cette étape permettra d’apporter de nombreux résultats intéressants et surprenants. C’est à ce niveau-là que les enseignants se mettront à élaborer un cours purement théorique de l’argumentation en vietnamien et à collaborer avec les didacticiens de français pour élaborer des fiches de travail en vue de donner des cours de Français langue étrangère sous l’angle argumentatif.

Certes, ce modèle pourra s’amplifier lorsqu’on saura collaborer avec d’autres professeurs de spécialités pour aider les futurs diplômés à argumenter, soit en langue maternelle, soit en langue étrangère, sur des grandes questions de société en leur préparant des séquences de travail longues mais passionnantes.

La thèse s’achève mais nous espérons que ces recherches collectives à venir pourront poursuivre le présent travail.

Page 529: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Bibliographie

519

Bibliographie

ANSCOMBRE J.-C., 1973 : « Même le roi de France est sage » in Communications, 1973, no 20, Le sociologique et le linguistique, Paris : Seuil, pp. 40-82.

ANSCOMBRE J.-C., DUCROT O., [1983] : L'argumentation dans la langue, Liège : Les éditions Mardaga, 1997, (Coll. Philosophie et langage).

APOTHELOZ D., BRANDT P.-Y., QUIROZ G., 1992 : « Champs et effets de la négation argumentative : contre-argumentation et mise en cause » in Argumentation, Volume 6, no 1, Tel-Aviv : Université de Tel-Aviv, pp. 99-113.

AUBERT-PERES J., VIEUXLOUP J., 2003 : Comment donner la parole aux élèves ?: Aide à la pratique du débat en classe, Bretagne : Éditions CRDP de Bretagne.

AUGER S., 2003 : « L’autorité et les surveillants », in Cahiers pédagogiques, 2003/5, no 415, Existe-t-il une vie scolaire ?, Paris : CRAP.

URL : <http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article972>, (consulté le 26/5/09)

BELLENGER L,. 1997 : La force de persuasion : Du bon usage des moyens d'influencer et de convaincre, Issy-les-Moulineaux : ESF éditeur, (Coll. Formation permanente).

BIAGGINI O., 1998 : « L’argumentation d’autorité : Théorie et pratique » in Atalaya, Revue d’Études Médiévales Romanes, 1998/10, no 9, Administrer et convaincre au Moyen Age, Fontenay/Saint-Cloud : ENS Éditions, pp. 159-176.

BLIN J.-F., GALLAIS-DEULOFEU C., 2004 : Classes difficiles : Des outils pour prévenir et gérer les perturbations scolaires, Paris : Delagrave Édition, (Coll. Pédagogie et formation).

BOISSINOT A., 1992 : Les textes argumentatifs, Midi-Pyrénées : Bertrand-Lacoste, (Coll. Didactiques).

BOUCHARD R., 1996 : « Compétence argumentative et productions écrites en langue étrangère et maternelle », in Langue française, 1996/12, no 112, L’argumentation en dialogue, Paris : Larousse, pp. 88-105.

Page 530: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

520

BOUVIER B., 2002 : « Apprenants sinophones et place de la parole dans la classe de FLE » in Revue de didactologie des langues-cultures, 2002/2, no 126, Enseignement/apprentissage du français : Langue étrangère et public asiatique, Paris : Klincksieck, pp.189-199.

2003 : « Chinois et français : quand les habitudes culturelles d’apprentissage s’opposent » in Revue de didactologie des langues-cultures, 2003/4, no 132, Des habitudes culturelles d’apprentissage en classe de langue étrangère, Paris : Klincksieck, pp. 399-414.

BRAULT G., 2008 : « De l’espace au temps, un pas que là-bas ne franchit pas » in VUILLAUME M. (dir.), Cahiers Chronos, no 20, Ici et maintenant, Amsterdam : Éditions Rodopi, pp. 167-179.

BRENIFIER O., 2002 : Enseigner par le débat, Bretagne : Éditions CRDP de Bretagne.

BRETON P., 1996 : L'argumentation dans la communication, Paris : Édition La Découverte, (Coll. Repères).

BRUXELLES S., 1982 : « Justement, l’inversion argumentative » in Lexique, 1982, no 1, Adverbe en -ment, manière, discours, Lille : Presses Universitaires de Lille, pp. 151-164.

CAO Xuân Hạo, 1993 : Sơ khảo ngữ pháp chức năng (Grammaire fonctionnelle), Quảng Nam : Nhà xuất bản Giáo dục.

CHARAUDEAU P. (dir.), 2008 : La médiatisation de la science : Clonage, OGM, manipulations génétiques, Bruxelles : Éditions De Boeck Université, (Coll. Médias Recherche).

CHAROLLES M., 1990 : « La dissertation quand même » in Pratiques, 1990/12, no 68, La Dissertation, Metz : CRESEF, pp. 5-16.

CHEVALIER J.C., GARCIA C., LECLAIRE A., 1980 : « Quelques éléments pour une étude de la concession » in Pratiques, 1980/10, no 28, Argumenter, Metz : CRESEF, pp. 62-75.

COHEN-EMERIQUE M., 1990 : « Le modèle individualiste du sujet - Écran à la compréhension de personnes issues de la société non occidentales » in Cahiers de sociologie économique et culturelle, 1990/6, no 13, Le Havre : Institut de Sociologie économique et de Psychologie des Peuples, pp. 9-34.

COSNIER J., GELAS N., KERBRAT-ORECCHIONI C. (dir.), 1988 : Échanges sur la conversation, Paris : Édition du Centre national de la Recherche scientifique.

Page 531: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Bibliographie

521

COSNIER J. & KERBRAT-ORECCHIONI C. (dir.), 1987: Décrire la conversation, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, (Coll. Linguistique et sémiologie).

DAVISSE A., ROCHEX J.-Y., [1995] : « Pourvu qu'ils m'écoutent… » : discipline et autorité dans la classe, Champigny-sur-Marne : CRDP de l'Académie de Créteil, 3e éd. 2001, (Coll. Champ pédagogique).

DELCAMBRE I., 1997 : L’exemplification dans les dissertations : Étude didactique des difficultés des élèves, Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, (Coll. Éducation et didactique).

DOLZ J., MABILLARD J.-P., TOBOLA COUCHEPIN C., 2008 : « Problème d’écriture des élèves en difficulté d’apprentissage et pratiques d’enseignement du texte argumentatif » in DOLZ J., PLANE S., Formation des enseignants et enseignement de la lecture et de l’écriture : Recherche sur les pratiques, Namur : Presses universitaires de Namur, pp.43-67.

DOLZ J., SCHNEUWLY B., 1998 : Pour un enseignement de l’oral : Initiation aux genres formels à l’école, Issy-les-Moulineaux : ESF éditeur, (Coll. Didactique du français).

DOUAIRE J. (dir.), 2004 : Argumentation et disciplines scolaires, Lyon : INRP, (Coll. Didactiques, apprentissages, enseignements)

DUBOIS J. et al., 1973 : Dictionnaire de Linguistique, Paris : Larousse.

DUCROT O., 1972 : Dire et ne pas dire. Principe de sémantique linguistique, Paris : Hermann, (Coll. Savoir : Sciences).

1980 : Les échelles argumentatives, Paris : Les Éditions de Minuit, (Coll. Propositions).

1984 : Le dire et le dit, Paris : Les Éditions de Minuit, (Coll. Propositions).

1993 : « Les topoï dans la ‘Théorie de l’argumentation dans la langue’ » in PLANTIN C. (dir.), Lieux communs, topoï, stéréotypes, clichés, Paris : Éditions Kimé, (Coll. Argumentation, sciences du langage), pp. 233-248.

1995: « Topoï et formes topiques », in ANSCOMBRE J.-C. (dir.), Théorie des topoï, Paris : Éditions Kimé, (Coll. Argumentation), pp. 85-101.

DUCROT O. et al, 1979 : Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris : Édition du Seuil, (Coll. Points Essais).

DUCROT O. et al, 1980 : Les Mots du discours, Paris : Les Éditions de Minuit, (Coll. Le sens commun).

Page 532: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

522

DOURY M., 2004 : « La fonction argumentative des échanges rapportés » in LOPEZ MUNOS J-M, MARNETTE S., ROSIER L., Les discours rapportés dans tous ses états, Paris : L’Harmattan, (Coll. Sémantiques), pp. 254-264.

EGGS E., 1994 : Grammaire du discours argumentatif : Le topique, le générique, le figuré, Paris : Éditions Kimé.

ESTRELA M.-T. (trad. du portugais par LACOMBE M.), 1994 : Autorité et discipline à l'école, Paris : ESF éditeur, (Coll. Pédagogies).

FONTANIER P., 1968 : Les figures du discours, Paris : Flammarion.

GARCIA-DEBANC C., 1980 : « Argumenter à l’oral : de la discussion au débat » in Pratiques, 1980/10, no 28, Argumenter, Metz : CRESEF, pp. 95-124.

GOFFMAN E., 1973 : La mise en scène de la vie quotidienne, Tome 2, Les relations en public, Paris : Les Éditions de Minuit, (Coll. Le sens commun).

1987 : Façons de parler, Paris : Les Éditions de Minuit, (Coll. Le sens commun).

GOLDER C., 1996 : Le développement des discours argumentatifs, Paris : Delachaux et Nieslé.

GOLDER C., FAVART M., 2006 : « Argumenter c’est difficile…Oui, mais pourquoi ?: Approche psycholinguistique de la production argumentative en situation écrite » in Revue de didactologie de langues-cultures, 2003/2, no 130, Approche du français, langue maternelle, Paris : Klincksieck, pp. 187-209.

GRIZE J.-B., 1982 : De la logique à l’argumentation, Genève : Droz.

HỮU Đạt, 2000 : Văn hóa và ngôn ngữ giao tiếp của người Việt (La culture et les habitudes communicatives des Vietnamiens), Hà Nội : Nhà xuất bản văn hóa thông tin.

HỮU Ngoc, 1993 : Esquisse pour un portrait de la culture vietnamienne, Hanoï : Éditions Thế Giới.

IMBERT A.-M., IMBERT F., 1973 : L'école à la recherche d'une nouvelle autorité, Paris : Armand Colin.

KERBRAT-ORECCHIONI C., 1986 : L'implicite, Paris : Armand Colin, (Coll. Linguistique).

1991 : « Variations culturelles et universaux dans les systèmes conversationnels », Communication au Colloque L’analyse des interactions, Aix-en-Provence, 9/1991, pp. 1-26.

1992 : Les interactions verbales, Tome 2, Paris : Armand Colin, (Coll. Linguistique).

Page 533: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Bibliographie

523

1994 : Les interactions verbales, Tome 3, Paris : Armand Colin, (Coll. Linguistique).

1996 : La conversation, Paris : Éditions du Seuil, (Coll. Mémo)

LAKOFF G., JOHNSON M., 1986 : Les métaphores dans la vie quotidienne (trad. de l’anglais par FORNEL M. en collaboration avec LECERCLE J.-J.), Paris : Les Éditions de Minuit, (Coll. Propositions).

LAURENS V., 2003 : Présentation et analyse d’un modèle d’unité didactique pour l’enseignement du français langue étrangère, Mémoire de DEA, Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle.

LEBLANC M-C., 2002 : Jeu de rôle et engagement : Évaluation de l'interaction dans les jeux de rôles de français langue étrangère, Paris : L'Harmattan, (Coll. Sémantiques).

LECLERC G., 1996 : Histoire de l'autorité : L'assignation des énoncés culturels et la généalogie de la croyance, Paris : Presses Universitaires de France, (Coll. Sociologie d’aujourd’hui).

LEE-LE NEINDRE B., 2002 : « Spécificité culturelle des apprenants coréens et perspectives didactiques dans l’enseignement des langues et des cultures étrangère » in Revue de didactologie des langues-cultures, 2002/2, no126, Enseignement/apprentissage du français : Langue étrangère et public asiatique, Paris : Klincksieck, pp. 157-167.

LE PESANT D., 2006 : « Les verbes de relation cause-conséquence. Une délimitation linguistique » in LEEMAN D. & VAGUER C. (dir.), Des savoirs savants aux savoirs enseignés - Didactique du français, Namur : Presses Universitaires de Namur, (Coll. Diptyque), pp. 61-78.

LIU L., 2007 : « Le Yin et le Yang dans la communication : Typologie et logique de la persuasion en Chine » in Diogène, 2007/1, no 217, Persuasion et influence sociale, Paris : Presses Universitaires de France, pp. 150-165.

LOBROT M., 1973 : Pour ou contre l'autorité, Paris : Gauthiers-Villars Éditeur.

MACCIO C., 1991 : Autorité, Pouvoir, Responsabilité : Du conflit à l'affrontement, la prise de décision, Lyon : Chronique Sociale, (Coll. Synthèse).

MARCHIVE A., 2005 : « Effets de contrat et soumission à l’autorité : Un cadre explicatif des difficultés scolaires » in TALBOT L. (dir.), Pratiques d’enseignement et difficultés d’apprentissage, Toulouse : Édition Erès, (Coll. Connaissances de l’éducation), pp.181-192.

Page 534: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

524

MASSERON C. (dir.), 1997 : Pratiques, 1997/12, no 96, Enseigner l’argumentation, Metz : CRESEF.

MAURY-ROUAN C., VION R, BERTRAND R., 2009 : « Voix de discours et positions du sujet. Dimensions énonciative et prosodique » in Cahiers de praxématique, 2009, no 49, A la recherche des voix du dialogisme, Montpellier : Presses Universitaires de la Méditerranée, pp.133-158.

MENDEL G., 2002 : Une histoire de l'autorité : Permanences et variations, Paris : Éditions La Découverte.

MEYER B., 1996 : Maîtriser l’argumentation : Exercices et corrigé, Paris : Armand Colin, (Coll. Cursus).

MIRABAIL H., 1994 : Argumenter au lycée : Séquences et modules, Midi-Pyrénées : Bertrand Lacoste, (Coll. Didactiques).

MOESCHLER J., 1982 : Dire et contredire : Pragmatique de la négation et acte de réfutation dans la conversation, Berne : Peter Lang, (Coll. Sciences pour la communication).

1985 : Argumentation et conversation : Éléments pour une analyse pragmatique du discours, Paris : Hatier, (Coll. Langue et apprentissage des langues).

1989 : Modélisation du dialogue : représentation de l’inférence argumentative, Paris : Hermès.

1994 : « Structure et interprétabilité des textes argumentatifs » in Pratiques, 1994/12, no 84, Argumentation et langue, Metz : CRESEF, pp. 93-111.

MOESCHLER J., REBOUL A., 1994 : Dictionnaire encyclopédique de pragmatique, Paris : Édition du Seuil.

1998 : Pragmatique du discours : De l’interprétation de l’énoncé à l’interprétation du discours, Paris : Armand Colin.

MOESCHLER J., SPENGLER N., 1981 : « Quand même : De la concession à la réfutation » in Cahier de linguistique française, 1981, no 2, Les différents types de marqueurs et la détermination des fonctions des actes de langage en contexte, Genève : Université de Genève, pp. 93-112.

NGUYỄN Đức Dân, 1993 : Lô gích và tiếng Việt (La logique et le vietnamien), Hà Nội : Nhà xuất bản Giáo dục.

2008 : « Ngữ pháp lô gích trong tiếng Việt » ( Logique dans la grammaire vietnamienne) in Nhiều tác giả, Ngữ pháp tiếng Việt : những vấn đề lí luận (La

Page 535: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Bibliographie

525

grammaire vietnamienne : les problèmes théoriques), Hà Nội : Nhà xuất bản khoa học xã hội, pp. 147-212.

NGUYỄN Lân, 1988 : Từ điển thành ngữ - tục ngữ Việt-Pháp (Dictionnaire des locutions et proverbes vietnamiens - français), Thành phố Hồ Chí Minh : Nhà xuất bản thành phố Hồ Chí Minh.

NGUYỄN Văn Huyên, 1994 : La civilisation ancienne du Vietnam, Hanoï : Éditions The Gioi

NHƯ Ý (dir.), 2006 : Từ điển tiếng Việt (Dictionnaire de la langue vietnamienne), Hà Nội : Nhà xuất bản Văn hóa thông tin.

PARPETTE C. & MOCHET M.-A. (dir.), 2008 : L’oral en représentation(s) : Décrire, enseigner, évaluer, Fernelmont : Éditions modulaires européens, (Coll. Didactique).

PAZZI A., (traduit de l’italien par Hồng Cúc), 1970 : Người Việt cao quý (La noblesse du peuple vietnamien), Sài Gòn : Khai Trí.

PERELMAN C., 1970 : Le champs de l'argumentation, Bruxelles : Presses Universitaires de Bruxelles.

PERELMAN C., OLBRECHT-TYTECA L., [1958] : Traité de l'argumentation : La nouvelle rhétorique, Bruxelles : Éditions de l'Université de Bruxelles, 5e éd. 2000.

PLANTIN C., 1989 : Argumenter : De la langue de l'argumentation au discours argumenté, Paris : CNDP.

1990 : Essais sur l’argumentation : Introduction linguistique à l’étude de la parole argumentative, Paris : Éditions Kimé, (Coll. Argumentation, sciences du langage).

1991 : « Question → Argument → Réponse » in KERBRAT-ORECCHIONI C. (dir.), La Question, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, (Coll. Linguistique et sémiologie), pp. 63-85.

1994 : « Note sur une composition » in Pratiques, 1994/12, no 84, Argumentation et langue, Metz : CRESEF, pp. 77-92.

1995 : « Fonction du tiers dans l’interaction argumentative » in KERBRAT-ORECCHIONI C. & PLANTIN C. (dir.), Le Trilogue, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, (Coll. Linguistique et sémiologie), pp. 108-133.

1996 : L’argumentation, Paris : Éditions du Seuil, (Coll. Mémo).

Page 536: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

526

2001 : « Analyse du débat ‘Étudiants’ sur l’immigration et la nationalité française » in DESMARCHELIER D. & DOURY M. (dir.), L'argumentation dans l’espace public contemporain : le cas du débat sur l'immigration. Rapport ARASSH.

2005 : L’argumentation : Histoires, théories, perspectives, Paris : Presses Universitaires de France, (Coll. Que sais-je ?)

2009 : « Autorité montrée, autorité citée », séminaire doctoral 2009

2009 : « Un lieu pour les figures dans la théorie de l’argumentation » in Argumentation et Analyse du discours, 2009, no 2, Rhétorique et Argumentation, Tel-Aviv : Université de Tel-Aviv

URL : <http://aad.revues.org/index215.html> (consulté le 20-09-2010)

2009 : « La personne comme ressource argumentative : éthos et résistance à l’autorité » in CHARAUDEAU P., Discours et société. Identités sociales et identités discursives du sujet parlant, Paris : L’Harmattan, pp. 57-72.

2009 : « Laissez dire : La norme du discours de l’un est dans le discours de l’autre » in ATAYAN V., PIRAZZINI D. (dir.), Argumentation : théorie - langue - discours, Actes de la section Argumentation du XXX Congrès des Romanistes allemands, Vienne, septembre 2007. Bonn : Peter Lang, (Coll. Rhétos), pp. 51-70.

RABATEL A. (dir.), 2004 : Interactions orales en contexte didactique, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, (Coll. IUFM).

REY B., 2004 : « Autorité et relation pédagogique », in Chappaz G., L’autorité en pannes... : Entre besoin de soumettre et désir d’éduquer, Aix-Marseille : Université de Provence, pp. 118-128.

RIEGEL M., PELLAT J.-C., RIOUL R., 1994 : Grammaire méthodique du français, Paris : Presses Universitaires de France.

ROBBES B., 2004 : « Se défaire de l’autoritaire » in Cahiers pédagogiques, 2004/9-10, no 426, L’autorité, Paris : Centre de recherche et d’action pédagogiques, pp. 20-21.

2006 : « Les trois conceptions actuelles de l’autorité » in Rubrique L’actualité vue par le CRAP.

URL : <http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php ?article2283> consulté le 3/3/2008

Page 537: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Bibliographie

527

ROBERT J.-M., 2002 : « Sensibilisation au public asiatique : L’exemple chinois » in Revue de didactologie des langues-cultures, 2002/2, no126, Enseignement/apprentissage du français : Langue étrangère et public asiatique, Paris : Klincksieck, pp. 135-143.

ROMAIN C., 2004 : La gestion discursive de la relation interpersonnelle dans la classe de français, Paris : L’Harmattan, (Coll. Sémantiques).

SCHIFFLER L., 1991 : Pour un enseignement interactif des langues étrangères, Paris : Hatier-Crédif, (Coll. Langues et apprentissage des langues).

SCHNEDECKER C., 1992 : « Quand il faut faire des concessions…Quelques suggestions pour une didactique de la concession » in Pratiques, 1992/9, no 75, Apprendre à rédiger, Metz : CRESEF, pp. 76-110.

SIMONET R., SIMONET J., 1998 : Savoir argumenter : Du dialogue au débat, Paris : Édition d'Organisation.

SITRI F., 2003 : L’objet du débat : La construction des objets de discours dans des situations argumentative orales, Paris : Presses Sorbonne Nouvelle.

SUN H.-S., 1992 : « Le français, outil de communication pour des sujets coréens en situation exolingue. Observation et échanges conversationnels par le biais de la conjonction ‘mais’ » in LIDIL, 1992/2, no 5, L’apprenant asiatique face aux langues étrangères, Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble, pp. 31-66.

TODOROV T., 1981 : Mikhaïl Bakhtine le principe dialogique, Paris : Éditions du Seuil, (Coll. Poétique).

TOULMIN S.E., (trad. de l'anglais par DE BRABANTER P.), 1993 : Les usages de l'argumentation, Paris : Presses Universitaires de France.

TRẦN Ngọc Thêm, 1996 : Tìm về bản sắc văn hóa Việt Nam, Hồ Chí Minh : Nhà xuất bản tổng hợp thành phố Hồ Chí Minh.

2001 : Recherche sur l’identité de la culture vietnamienne, Hanoï : Éditions Thế Giới.

TRẦN Thế Hùng, 2002 : La réfutation dans le discours en français et en vietnamien, Thèse de doctorat, Université de Rouen.

WINDISCH U., 1987 : Le K.-O. verbal: La communication conflictuelle, Lausanne : L’Age d’homme.

XIN R., 2006 : « La personne humaine dans la civilisation chinoise » in Diogène, 2006/3, no 215, La dignité en question, Paris : Presses Universitaires de France, pp. 77-85.

Page 538: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

528

ZHENG Li-Hua, 1995 : Les chinois de Paris et leurs jeux de face, Paris : L’Harmattan, (Coll. Logiques sociales).

Page 539: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Index

529

Index

A

accord, 6, 8, 14, 18, 42, 49, 50, 51, 56, 81, 84, 140, 151, 169, 202, 205, 215, 218, 219, 220, 221, 225, 226, 228, 239, 243, 248, 266, 267, 271, 272, 273, 298, 301, 305, 315, 316, 321, 327, 328, 330, 333, 337, 342, 343, 344, 355, 356, 363, 367, 368, 369, 383, 391, 397, 400, 416, 426, 427, 428, 431, 433, 463, 469, 470, 476, 478, 484, 486, 488, 491, 513, 514, 517

activité argumentative, 44, 51, 163, 345, 348

appropriation des arguments, 345, 351, 514

argument, 3, 6, 9, 10, 12, 14, 15, 17, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 44, 46, 48, 49, 50, 52, 55, 56, 57, 58, 59, 63, 64, 71, 73, 85, 89, 94, 95, 97, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 110, 114, 115, 116, 119, 120, 126, 128, 129, 130, 132, 143, 144, 151, 169, 175, 177, 178, 180, 181, 216, 217, 218, 219, 229, 233, 241, 242, 244, 248, 249, 251, 252, 272, 274, 275, 279, 280, 300, 304, 305, 306, 308, 310, 313, 316, 319, 321, 330, 344, 349, 363, 364, 365, 366, 367, 379, 382, 383, 392, 399, 400, 414, 415, 416, 419, 420, 421, 422, 423, 428, 444, 448, 451, 452, 480, 487, 488, 493, 500

argument d’autorité, 143

argumentation, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50, 51, 52, 54, 56, 59, 60, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 71, 73, 75, 79, 81, 82, 84, 86, 87, 92, 93, 95, 97, 100, 101, 104, 114, 116, 119, 121, 123, 135, 140, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 198, 219, 222, 228, 229, 231, 236, 241, 242, 244, 246, 247, 249, 250, 251, 252, 255, 260, 261, 265, 271, 276, 277, 281, 283, 284, 286, 287, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 297, 300, 301, 302, 304, 305, 306, 311, 312, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 321, 323, 325, 326, 327, 328, 329, 330, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 340, 345, 346, 347, 348, 349, 350, 360, 363, 365, 374, 382, 384, 392, 395, 415, 416, 420, 422, 428, 461,

465, 466, 479, 482, 487, 509, 510, 512, 513, 514, 517, 518

argumenter, 3, 4, 5, 6, 12, 13, 14, 29, 30, 31, 42, 44, 45, 47, 55, 56, 59, 63, 68, 83, 87, 100, 115, 222, 229, 240, 243, 246, 251, 253, 271, 284, 291, 293, 294, 295, 297, 301, 306, 312, 316, 324, 328, 334, 335, 337, 338, 339, 348, 402, 460, 461, 480, 509, 510, 513, 514, 515, 516, 517, 518

autorité, 3, 4, 5, 14, 21, 30, 31, 32, 46, 86, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 195, 208, 218, 219, 220, 222, 232, 237, 238, 240, 241, 242, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 261, 262, 264, 274, 331, 349, 365, 366, 465, 483, 486, 513

autorité dans l’interaction, 162

B

bauxite, 6, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 239, 241, 242, 243, 244, 245, 247, 252, 334, 342, 356, 513

C

caméra de surveillance, 335, 350, 378, 385, 389, 391, 392, 400, 403, 404, 509

clonage humain, 335, 340, 351, 436, 437, 438, 439, 440, 441, 445, 448, 453, 454, 457, 459, 460, 461, 462, 464, 467, 468, 469, 470, 471, 475, 480, 481, 484, 486, 491, 493, 495, 496, 507, 509

concéder, 55, 73, 293, 303, 324, 491, 500

concession, 34, 35, 41, 47, 48, 49, 50, 51, 73, 90, 98, 110, 243, 272, 281, 288, 295, 300, 301, 302, 304, 319, 320, 326, 328, 344, 355, 364, 366, 367, 392, 402, 420, 421, 422, 487, 494

connecteur argumentatif, 90, 92, 93, 94, 95, 96, 120, 303, 321

Page 540: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

530

consensus, 3, 4, 70, 146, 218, 328, 342, 348, 513

construire des arguments, 63, 333, 384, 514

contenu argumentatif, 312, 336, 338, 345, 461, 496, 509, 514

contre-argument, 17, 49, 97, 229, 249

contre-argumentation, 42, 43, 46, 288, 392

contredire, 2, 42, 73, 74, 75, 220, 249, 271, 298, 341, 342, 392

croissance économique, 230, 231, 232, 256, 335, 351, 413, 414, 416, 417, 418, 424, 429, 509

culture vietnamienne, 6, 85, 86, 182, 184, 188, 190, 193, 198, 199, 206, 209, 211, 214

D

débat, 3, 6, 9, 14, 16, 35, 44, 45, 68, 70, 212, 215, 252, 293, 298, 299, 301, 313, 314, 316, 322, 323, 324, 329, 330, 331, 334, 335, 337, 338, 339, 340, 341, 343, 344, 350, 352, 353, 354, 355, 356, 357, 358, 359, 360, 363, 365, 367, 368, 370, 373, 376, 383, 386, 398, 399, 401, 402, 403, 407, 415, 416, 424, 425, 426, 428, 429, 430, 432, 433, 436, 437, 449, 450, 451, 460, 465, 467, 477, 482, 484, 489, 491, 496, 497, 499, 500, 501, 509

désaccord, 3, 14, 18, 39, 81, 111, 120, 215, 217, 238, 239, 240, 242, 246, 248, 267, 298, 302, 315, 321, 328, 331, 355, 361, 365, 391, 424, 516, 517

didactique de l’argumentation, 6

dissensus, 252, 334, 348, 514

douter, 51, 267, 513

E

étape de compréhension, 344

étape de repérage, 344

F

face, 2, 3, 9, 28, 40, 81, 118, 119, 148, 149, 158, 165, 166, 169, 170, 172, 180, 194, 197, 202, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 218, 219, 220, 222, 235, 240, 243, 246, 248, 250, 251, 252, 253, 263, 264, 267, 277, 284, 324, 327, 328, 329, 331, 334, 341, 342, 375, 382, 390, 402, 420, 437, 442, 445, 498

I

interprétation du texte, 303, 350

L

langage argumentatif, 5, 53, 305, 512

lexique de l’argumentation, 295, 327

M

mise en doute, 51, 163

mode de raisonnement, 33, 34, 281, 347, 348, 349

modèle communautaire, 260, 261, 331

O

opérateur argumentatif, 37, 92, 93, 95, 104, 106

orientation argumentative, 12, 13, 32, 36, 37, 40, 42, 45, 81, 89, 92, 93, 95, 97, 106, 117, 121, 249, 275, 276, 279, 296, 304, 305, 306, 312, 321, 322, 342, 360, 361, 494

P

passivité vietnamienne, 333, 515

point de vue, 14, 16, 17, 35, 36, 37, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 49, 51, 54, 56, 57, 75, 76, 77, 112, 119, 135, 145, 164, 165, 166, 171, 173, 212, 213, 216, 226, 230, 232, 233, 234, 235, 239, 240, 245, 246, 247, 253, 256, 261, 276, 278, 280, 282, 283, 286, 288, 293, 297, 298, 301, 303, 304, 315, 316, 318, 321, 324, 327, 331, 333, 334, 338, 339, 340, 341, 342, 345, 346, 347, 350, 354, 360, 361, 365, 366, 368, 375, 383, 385, 391, 395, 396, 399, 400, 401, 402, 424, 426, 433, 441, 446, 449, 468, 474, 477, 481, 484, 491, 496, 498, 509, 512, 514, 516, 517, 518

position, 2, 16, 21, 24, 26, 32, 33, 34, 43, 44, 46, 47, 51, 56, 70, 71, 73, 75, 78, 85, 132, 146, 156, 162, 163, 164, 165, 167, 168, 169, 170, 171, 181, 194, 195, 196, 215, 220, 224, 228, 233, 234, 235, 236, 238, 239, 240, 241, 244, 245, 246, 247, 248, 250, 252, 253, 259, 260, 268, 273, 274, 276, 281, 283, 288, 293, 297, 299, 300, 303, 309, 316, 318, 319, 321, 324, 325, 326, 327, 329, 330, 331, 332, 334, 335, 337, 338, 341, 342, 346, 347, 349, 354, 356, 359, 360, 364, 366, 378, 379, 381,

Page 541: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

Index

531

382, 383, 384, 390, 392, 393, 395, 396, 399, 402, 403, 414, 416, 417, 418, 420, 421, 424, 428, 429, 437, 439, 441, 446, 447, 448, 449, 450, 451, 452, 453, 454, 455, 460, 464, 465, 466, 467, 469, 471, 476, 481, 483, 484, 485, 488, 491, 496, 497, 500, 509, 514, 516, 518

positionnement, 237, 238, 239, 240, 326, 347

prévoir des contre-arguments, 244, 333, 339, 514

prise de position, 32, 238, 300, 319

problématiser, 346

proposer, 2, 6, 46, 55, 57, 65, 73, 91, 181, 215, 247, 267, 271, 286, 314, 337, 338, 358, 367, 385, 416, 438, 480, 496, 513, 514

prouver, 347

psychologie pacifiste, 221, 327, 513

Q

question d’actualité, 252, 334, 386, 491, 509

R

rapport de places, 162

reconstruire une problématique, 345

réfutation, 6, 11, 15, 18, 19, 20, 23, 35, 37, 38, 39, 40, 42, 44, 46, 47, 48, 49, 50, 71, 75, 81, 97, 98, 109, 110, 111, 113, 165, 166, 169, 172, 180, 181, 215, 216, 217, 218, 243, 248, 281, 288, 309, 342, 364, 366, 367, 422

réfuter, 2, 9, 18, 20, 37, 40, 42, 48, 52, 54, 55, 56, 57, 61, 70, 71, 72, 74, 75, 81, 102, 163,

171, 180, 217, 218, 228, 231, 244, 271, 303, 329, 338, 363, 365, 367, 422, 491, 496, 500

S

se positionner, 346

séquence de préparation, 332

soumission, 138, 142, 143, 146, 157, 161, 165, 176, 195, 205, 261, 262, 264, 331

sujet de société, 252

T

thèse, 5, 11, 17, 22, 24, 30, 32, 34, 35, 36, 37, 40, 42, 43, 46, 47, 49, 52, 57, 58, 71, 75, 77, 97, 140, 160, 173, 175, 179, 181, 220, 228, 235, 246, 249, 261, 278, 280, 281, 347, 348, 364, 366, 379, 382, 383, 392, 394, 415, 416, 421, 441, 448, 454, 464, 487, 488, 512, 517, 518

travail de documentation, 333, 464, 481, 514

type d’arguments, 9, 32

U

unité didactique, 335, 337, 339, 461, 517

V

verbe connecteur, 123, 134

visée argumentative, 105, 344, 345, 509

Page 542: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

532

Table des matières

Remerciements iii

Avant-propos v

Sommaire vii

INTRODUCTION 1

Problématique .........................................................................................................................2 Questions et hypothèses de recherche.....................................................................................3 Structure et objectifs de la thèse .............................................................................................5

PREMIERE PARTIE Théorie de l’argumentation 7

Chapitre 1 : Approche théorique .............................................................................8 1. Différentes approches théoriques .................................................................8

1.1. Traité de l’argumentation de C.Perelman et L.Olbrechts-Tyteca ...................8 1.2. Les usages de l’argumentation de S.E.Toulmin ............................................10 1.3. La théorie de l’argumentation de Ducrot et Anscombre ................................12

2. Synthèse : Cadre théorique de l’argumentation .........................................14 2.1. La notion d’argumentation .............................................................................14 2.2. La situation d’argumentation .........................................................................15 2.3. Les acteurs de l’argumentation ......................................................................16 2.4. Thèse, argument, contre-argument.................................................................17 2.5. Réfutation........................................................................................................17 2.6. Valeur et effet de l’argumentation..................................................................19

Récapitulation .......................................................................................................20 Chapitre 2 : Types d’arguments ............................................................................21

1. Argumentation et causalité.........................................................................21 1.1. Argumentation établissant une relation causale : argumentation causale .......................................................................................................................22 1.2. Argumentation exploitant une relation causale..............................................22

1.2.1. Argumentation par la cause .......................................................................... 22

1.2.2. Argumentation par l’effet ............................................................................. 23

1.2.3. Argumentation par les conséquences............................................................ 23

2. Argumentation et analogie .........................................................................23 3. Argumentation sur la nature des choses et leur définition .........................24 4. Les ressources de la langue ........................................................................25

Page 543: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

533

5. Désignation et prise de position................................................................. 26 6. Argumentation dans la langue ................................................................... 26

6.1. Les topoï .........................................................................................................26 6.2. Les connecteurs ..............................................................................................27 6.3. La notion de « sémantique intentionnelle » ..................................................27

7. Argumentation par la force ........................................................................ 28 8. Argumentation par l’ignorance.................................................................. 28 9. Argumentation sur la personne .................................................................. 29

9.1. Mise en contradiction.....................................................................................29 9.2. Attaque personnelle contre l’adversaire ........................................................30

10. L’argumentation d’autorité ........................................................................ 30 Récapitulation....................................................................................................... 31

Chapitre 3 : Les stratégies d’argumentation........................................................ 35 1. La justification ........................................................................................... 35

1.1. Définition........................................................................................................35 1.2. Critère d’efficacité .........................................................................................35 1.3. Critère de clarté .............................................................................................36

2. La réfutation............................................................................................... 37 2.1. Définition........................................................................................................37 2.2. Réfutation de l’argumentation........................................................................38

2.2.1. La réfutation de l’argument ...........................................................................38

2.2.2. La réfutation du topos....................................................................................39

2.2.3. La réfutation de la conclusion .......................................................................40

2.3. Techniques de réfutation ................................................................................40 2.3.1. Destruction du discours de l’opposant ..........................................................40

2.3.2. Dévaluation de l’adversaire par « le coup du mépris »..................................41

2.3.3. Détournement des arguments adverses .........................................................41

2.3.4. Recours à la concession.................................................................................41

3. Contre-argumentation ................................................................................ 42 3.1. Définition........................................................................................................42 3.2. Utilité de la contre-argumentation.................................................................43 3.3. Quelques techniques de contre-argumentation ..............................................44

3.3.1. Mise en cause de l’argument .........................................................................44

3.3.2. La contre-argumentation porte sur l’orientation argumentative des arguments ....................................................................................................................45

3.3.3. Attaque contre la conclusion .........................................................................45

3.3.4. Contre-argumentation sans entrer dans le raisonnement de l’autre .......................................................................................................................45

3.3.5. Attaque contre l’énonciateur .........................................................................46

Page 544: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

534

3.4. Comment présenter l’argument adverse ? Comment introduire son point de vue ? .............................................................................................................46

4. La concession, un procédé rhétorique très utilisé de la contre-argumentation .......................................................................................................48

4.1. Définition ........................................................................................................48 4.2. Quelques formules pour exprimer la concession............................................50

Récapitulation .......................................................................................................51

DEUXIEME PARTIE Le langage argumentatif : essai d’étude contrastive français-vietnamien 53

Chapitre 1 : Le lexique de l’argumentation..........................................................54 1. Argument, argumenter / luận cứ, lập luận..................................................55 2. Arguer / argutie ..........................................................................................63 3. Persuader / convaincre (thuyết phục) .........................................................65 4. Polémique, controverse, débat, discussion (cuộc luận chiến, cuộc tranh cãi, cuộc tranh luận, cuộc thảo luận)...................................................68 5. Objecter et réfuter (bắt bẻ và bác bỏ) .........................................................70 6. Concéder (nhượng bộ)................................................................................73 7. Contredire et démentir (nói trái lại - bác bỏ et phủ nhận - đính chính) ....................................................................................................................73 8. Objectivité / Parti pris (Thái độ khách quan / Quyết định dứt khoát) ....................................................................................................................76

8.1. Partiel et partial .............................................................................................76 8.2. Prendre parti ..................................................................................................77

9. Sophisme et paralogisme (ngụy biện et ngộ biện) .....................................78 9.1. Sophisme.........................................................................................................78 9.2. Raisonner, Ergoter, Ratiociner.......................................................................79 9.3. Paralogisme....................................................................................................82

10. Remarque : l’effet de métaphore dans l’argumentation .............................82 Récapitulation .......................................................................................................87

Chapitre 2 : Connecteurs argumentatifs...............................................................88 1. Connecteurs : diversité terminologique......................................................88

1.1. Selon la Grammaire méthodique du français .................................................88 1.2. Selon le Dictionnaire encyclopédique de Sciences du langage ......................88 1.3. Selon le Dictionnaire de linguistique .............................................................89 1.4. Selon le Dictionnaire encyclopédique de pragmatique ..................................90

2. Opérateur argumentatif et connecteur argumentatif...................................92 2.1. L'opérateur argumentatif................................................................................92 2.2. Le connecteur argumentatif ............................................................................93

Page 545: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

535

3. Description de quelques connecteurs argumentatifs : étude contrastive ............................................................................................................ 96

3.1. Mais ................................................................................................................96 3.1.1. « Mais » en français ......................................................................................96

3.1.2. « Nhưng » en vietnamien ..............................................................................98

3.2. D’ailleurs .....................................................................................................100 3.2.1. « D’ailleurs » en français.............................................................................100

3.2.2. « Vả lại » en vietnamien..............................................................................102

3.3. Même ............................................................................................................104 3.3.1. « Même » en français ..................................................................................104

3.3.2. « Thậm chí » en vietnamien ........................................................................106

3.4. Quand même.................................................................................................109 3.4.1. « Quand même » en français .......................................................................109

3.4.2. « Dù sao thì », « cứ » en vietnamien ...........................................................111

3.5. Justement ......................................................................................................113 3.5.1. « Justement » en français.............................................................................113

3.5.2. « Thì bởi thế » en vietnamien......................................................................117

3.6. Quelques remarques relatives à l’apprentissage de « mais » et de « d’ailleurs » français .............................................................................................120

4. Les verbes connecteurs ............................................................................ 123 4.1. Les verbes de relation causale : description syntaxique ..............................124 4.2. Étude des verbes...........................................................................................125

4.2.1. Causer / gây ra.............................................................................................125

4.2.2. Entraîner / kéo theo .....................................................................................127

4.2.3. Aboutir à, conduire à / dẫn đến ...................................................................129

4.2.4. Découler de, provenir de, résulter de / sinh ra từ.........................................129

4.2.5. Demander, exiger / đòi hỏi ..........................................................................130

4.2.6. Empêcher / cản trở ; permettre / cho phép...................................................131

4.2.7. Susciter / gây nên ; stopper / chấm dứt........................................................132

4.2.8. Déduire / suy ra ...........................................................................................133

4.2.9. Conclure / kết luận ......................................................................................134

Récapitulation..................................................................................................... 135

TROISIEME PARTIE Argument d’autorité : analyse en contexte vietnamien 137

Chapitre 1 : Études lexicales du mot Autorité .................................................... 138 1. Étude dérivationnelle du mot Autorité..................................................... 138 2. Étude du champ sémantique : autorité et notions voisines...................... 141 3. Vocabulaire critique de l’Autorité : Cratopathie ..................................... 143 Récapitulation..................................................................................................... 144

Page 546: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

536

Chapitre 2 : Problème de définition.....................................................................145 1. Qu’est-ce que l’autorité ? .........................................................................145

1.1. L'école de pensée de Max Weber : autorité et légitimité ..............................145 1.2. L'école de pensée de Freud...........................................................................147 1.3. Gérard Mendel : la relation d'autorité, relation hiérarchique.....................149 1.4. Gérard Leclerc : Autorité et savoir ..............................................................150 1.5. Récapitulation...............................................................................................151

2. L’autorité dans le milieu scolaire vietnamien ..........................................152 2.1. Autorité et espace scolaire............................................................................152

2.1.1. L'Oncle Ho, incarnation de l'autorité charismatique................................... 152

2.1.2. Manifestation de l'autorité dans la hiérarchie de l'espace ........................... 153

2.1.3. Autorité traditionnelle : cérémonie du salut du drapeau ............................. 154

2.2. Autorité et relation professeur-élève ............................................................154 2.2.1. Les maîtres, une image parentale pour les petits élèves vietnamiens .................................................................................................................... 155

2.2.2. Conception de l'autorité selon la pédagogie traditionnelle ......................... 156

2.2.3. Nouvelle conception de l'autorité ............................................................... 157

2.2.4. Autorité et discipline .................................................................................. 157

2.3. Récapitulation...............................................................................................160

3. Autorité dans l’interaction........................................................................162 3.1. Les taxèmes de place ....................................................................................163

3.1.1. Au niveau de la forme de l’interaction ....................................................... 163

3.1.2. Au niveau de la structure de l’interaction................................................... 164

3.1.3. Au niveau du contenu de l’interaction........................................................ 164

3.1.4. Les termes d’adresse................................................................................... 166

3.2. Analyse de cas ..............................................................................................166 3.2.1. L’utilisation des termes de parenté ............................................................. 166

3.2.2. L’utilisation des particules de politesse ...................................................... 167

3.2.3. L’espace discursif ....................................................................................... 167

3.3. Récapitulation...............................................................................................173

Chapitre 3 : Autorité et argumentation...............................................................175 1. Définition de l’argument d’autorité..........................................................175 2. Autorité montrée, autorité citée................................................................175

2.1. Autorité montrée ...........................................................................................176 2.2. Autorité citée.................................................................................................176

3. Mécanisme de fonctionnement de l’argument d’autorité.........................177 4. Formes d’argumentation d’autorité ..........................................................177

4.1. L'autorité polyphonique................................................................................177 4.2. Le raisonnement par autorité .......................................................................179

5. Réfutation des argumentations d’autorité.................................................180

Page 547: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

537

5.1. Attaque ne prenant pas en compte la structure d'autorité de l'argument ................................................................................................................180 5.2. Attaque prenant en compte la structure d'autorité de l'argument ................180

Récapitulation..................................................................................................... 181 Chapitre 4 : La culture vietnamienne et son influence sur le comportement verbal ainsi que sur les pratiques argumentatives ................... 182

1. Qu’est-ce que la culture ? ........................................................................ 182 2. Le rapport entre la culture, la langue et le comportement humain .......... 183 3. Les caractéristiques de la culture vietnamienne....................................... 184

3.1. La culture vietnamienne a la particularité d’une culture agricole de caractère communautaire. ..................................................................................184 3.2. Le caractère d’humanité ..............................................................................187 3.3. Le caractère villageois .................................................................................188 3.4. Le caractère d’une culture fortement influencée par la philosophie Yin-Yang ..................................................................................................................188

3.4.1. Qu’est-ce que c’est que la philosophie Yin-Yang ? ....................................188

3.4.2. Les caractéristiques de la philosophie Yin-Yang ........................................189

3.4.3. La philosophie Yin-Yang et le caractère des Vietnamiens..........................191 4. L’acculturation......................................................................................... 192

4.1. Le Bouddhisme et la culture vietnamienne...................................................193 4.2. Le Confucianisme et la culture vietnamienne ..............................................193 4.3. Le taoïsme.....................................................................................................196 4.4. L’Occident et la culture vietnamienne .........................................................198

5. La culture communicative des Vietnamiens ............................................ 199 5.1. L’attitude des Vietnamiens à l’égard de la communication .........................200 5.2. Le respect du sentiment humain dans le comportement ...............................202 5.3. La délicatesse et la réserve vietnamiennes...................................................203

6. La notion de « face » dans la culture vietnamienne................................. 206 6.1. La face renvoie à la personnalité et à la dignité personnelle - Thể diện phẩm chất.........................................................................................................207 6.2. La face renvoie au statut social de l’individu - Thể diện nhận diện xã hội ......................................................................................................................208 6.3. La face vietnamienne a le caractère collectif - Thể diện mang đặc tính tập thể ...............................................................................................................209

7. L’habitude argumentative des Vietnamiens............................................. 212 7.1. Le cheminement de la prise de décision .......................................................212 7.2. L’évitement des oppositions .........................................................................214 7.3. Remarques sur les marqueurs d’opposition .................................................216 7.4. L’appel à l’autorité ......................................................................................218 7.5. Remarques sur le comportement paraverbal et non verbal .........................219

Récapitulation..................................................................................................... 220

Page 548: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

538

Chapitre 5 : Étude de cas......................................................................................222 1. Problématique...........................................................................................222 2. Constitution du corpus .............................................................................224 3. Analyse du corpus ....................................................................................225

3.1. Sur quoi est-on d’accord ? ...........................................................................225 3.2. Sur quoi n’est-on pas d’accord ?..................................................................226

3.2.1. Désaccord sur la procédure......................................................................... 226

3.2.2. Désaccord sur le fond du projet .................................................................. 229

3.3. Récapitulation des stratégies et des styles argumentatifs utilisés dans le corpus ...................................................................................237

3.3.1. Récapitulation des stratégies argumentatives ............................................. 237

3.3.2. Récapitulation des styles argumentatifs...................................................... 242

3.4. Mise au point sur les formes d’emploi de l’autorité .....................................244 3.4.1. Le recours à l’autorité................................................................................. 244

3.4.2. L’attaque de l’autorité ................................................................................ 246

4. Mise en pratique : Quelques propositions d’exercices d’analyse d’arguments d’autorité........................................................................................247 Récapitulation .....................................................................................................252

QUATRIEME PARTIE Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation au Vietnam 255

Chapitre 1 : L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam – le public visé ............................................................256

1. L’enseignement du français langue étrangère au niveau universitaire au Vietnam.....................................................................................256

1.1. Le français dans le cursus scolaire ..............................................................256 1.2. Le français dans les cursus universitaires ou supérieurs .............................257 1.3. Le perfectionnement linguistique..................................................................259 1.4. Récapitulation...............................................................................................259

2. Le public visé ...........................................................................................260 2.1. Trait culturel du modèle « communautaire » ...............................................260 2.2. La relation enseignant – apprenant..............................................................261 2.3. Récapitulation...............................................................................................264

Chapitre 2 : La maitrise de l’argumentation des élèves de classe du FLE au Vietnam : Analyse des productions orales et écrites réalisées par des étudiants....................................................................................................265

1. Les comportements langagiers dans les classes de langues .....................265 1.1. Absence de prise de parole ...........................................................................265 1.2. Le recours au dictionnaire............................................................................268 1.3. Récapitulation...............................................................................................269

Page 549: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

539

2. Etude des productions des étudiants ........................................................ 269 2.1. Présentation des données .............................................................................269 2.2. Etudes des productions orales......................................................................271

2.2.1. Remarques sur la pratique des jeux de rôle .................................................271

2.2.2. Etudes des exposés oraux ............................................................................273

2.2.3. Récapitulation..............................................................................................276

2.3. Etude des productions écrites.......................................................................277 2.3.1. Analyse des productions écrite des élèves...................................................278

2.3.2. Récapitulation..............................................................................................283

Chapitre 3 : L’argumentation dans les manuels de Français langue étrangère ................................................................................................................ 286

1. Les manuels pris en compte..................................................................... 286 2. L’argumentation dans les manuels de FLE.............................................. 290 3. Comment l’argumentation est-elle enseignée ? ....................................... 294

3.1. Approche des contenus argumentatifs..........................................................295 3.2. Approche de l’organisation du discours ......................................................298 3.3. Approche des techniques argumentatives ....................................................299 3.4. Approche des connecteurs............................................................................302

3.4.1. Quels sont les connecteurs exploités par les manuels de FLE?...................302

3.4.2. Comment sont-ils exploités ? ......................................................................303

Récapitulation............................................................................................... 312 4. Méthode Rond-Point................................................................................ 312

4.1. Raison de ce choix........................................................................................312 4.2. Présentation de la structure de l’unité .........................................................314 4.3. Comment l’argumentation est-elle exploitée dans ce manuel ? ...................315

4.3.1. Les contenus argumentatifs .........................................................................316

4.3.2. Techniques argumentatives .........................................................................318

4.3.3. L’organisation du discours ..........................................................................319

4.3.4. Approche des connecteurs...........................................................................321

4.4. La mise en place des activités contextualisées : débats ...............................322 4.5. Les fiches d’évaluation.................................................................................325

5. Quelques propositions didactiques .......................................................... 327 Récapitulation..................................................................................................... 331

Solution envisageable ? ...........................................................................................331 Perspective d’une nouvelle piste ?...........................................................................332

Chapitre 4 : Pour une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français au Vietnam ................................. 335

1. Les principes d’élaboration des unités didactiques.................................. 335 1.1. Le choix des thèmes......................................................................................335 1.2. Le choix des documents de travail................................................................336

Page 550: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

540

1.3. Le débat – la tâche ciblée de chaque unité didactique .................................337 1.3.1. Qu’est-ce que le débat en classe ? .............................................................. 337

1.3.2. Pourquoi le débat ? ..................................................................................... 338

1.3.3. A quel stade le débat est-il introduit ? ........................................................ 339

1.4. Hypothèses didactiques ................................................................................339 1.4.1. Gestion du temps ........................................................................................ 339

1.4.2. Méthodologie de la production................................................................... 340

1.4.3. Stratégie d’exploitation............................................................................... 345

1.4.4. Faut-il un enseignement préalable ? ........................................................... 347

2. Elaboration des unités didactiques : « On en discute » ............................350 UNITÉ 1 : Introduction au débat français .........................................................353 Fiche pour étudiant...................................................................................................................... 354

Fiche pour enseignant ................................................................................................................. 355

Transcription .............................................................................................................................. 370

UNITÉ 2 : Caméra de surveillance – On en discute !........................................377 Fiche pour étudiant...................................................................................................................... 378

Fiche pour enseignant ................................................................................................................. 385

Transcription............................................................................................................................... 405

UNITÉ 3 : La croissance économique – On en discute ! ...................................413 Fiche pour étudiant...................................................................................................................... 414

Fiche pour enseignant ................................................................................................................. 417

Transcription............................................................................................................................... 430

UNITÉ 4 : Clonage humain – On en discute ! ...................................................435 Fiche pour étudiant...................................................................................................................... 436

Fiche pour enseignant ................................................................................................................. 461

Transcription............................................................................................................................... 502

Récapitulation .....................................................................................................509

CONCLUSION GÉNÉRALE 511

Les premiers résultats de la recherche................................................................................512 Les limites de notre recherche.............................................................................................516 Les perspectives de notre recherche ...................................................................................517

Bibliographie 519

Index 529

Page 551: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

i

Université Lumière Lyon II Ecole doctorale : 3LA (Lettres, Langues, Linguistique et Arts)

Laboratoire ICAR (UMR 5191) - Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations

Thèse de doctorat en Sciences du langage

Argumentation et didactique du Français langue étrangère pour un

public vietnamien

ANNEXES

Thi Thu Ha NGO

Sous la direction de Christian PLANTIN

Juin 2011

Page 552: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

ii

Page 553: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

iii

ANNEXES

1. Annexe 1 : Extraits de films et dialogue reconstruit....................................... 1 1.1. Interaction 1 .............................................................................................. 1 1.2. Interaction 2 .............................................................................................. 5 1.3. Interaction 3 .............................................................................................. 8 1.4. Interaction 4 ............................................................................................ 11

2. Annexe 2 : Exemple 11 (partie 3- chapitre 4)............................................... 13 3. Annexe 3 : L’exploitation de la bauxite au Vietnam .................................... 15

3.1. Document 1 : « L'aménagement de l'exploitation de la bauxite » ............................................................................................................... 16 3.2. Document 2 : « Bauxite : pas de souci pour le problème environnemental » ................................................................................................ 19 3.3. Document 3 : « L’importance culturelle et sociale du projet d’exploitation minière dans les Hauts Plateaux du Centre »................................ 20 3.4. Document 4 : Lettre de Ngo Bao Chau................................................... 26 3.5. Document 5 : Discours de M. Duong Trung Quoc................................. 32 3.6. Document 6 : Discours de M. Nguyen Minh Thuyet.............................. 36 3.7. Document 7 : Discours du représentant de la province de Lam Dong 40 3.8. Document 8 : Discours du représentant de la province de Dak Nong 42

4. Annexes 4 : Productions orales et écrites des étudiants vietnamiens ............................................................................................................... 45

4.1. Transcription des productions orales ...................................................... 45 4.2. Productions écrites des étudiants ............................................................ 52

5. Annexe 5 : Documents de travail des manuels FLE ..................................... 62 5.1. Textes de compréhension écrite tirés des manuels de FLE .................... 62 5.2. Transcription des documents oraux utilisés dans les manuels de FLE 67

6. Annexe 6 : Extrait d’un débat vietnamien .................................................... 73 7. Annexe 7 : Documents de travail : Unité 6 (Rond-Point 2).......................... 75 8. Annexe 8 : Documents de travail : Articles .................................................. 84

8.1. Article 1 : « Cratopathie précoce, cratopathie sénile » (Jean-Noel Cuénod) ....................................................................................................... 84 8.2. Article 2 : « Pour ou contre la gratuité ? » (Michel Soudais) ................. 85 8.3. Article 3 : « La tarification, enjeu électoral » (Clémentine Cirillo-Allahsa)..................................................................................................... 86

Page 554: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

iv

8.4. Article 4 : « Faut-il se méfier des caméras de surveillance ? » ...............88 8.5. Article 5 : « Faut-il plus de croissance ? » ..............................................90

Page 555: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

1

Annexe 1 : Extraits de films et dialogue reconstruit

Le corpus comprend 4 interactions ; les 3 premières sont des extraits de films télévisés, transcrites et puis traduites en langue française. La dernière interaction est une interaction non enregistrée, mais reconstituée après coup.

Ces dialogues sont tous intéressants du point de vue de l’analyse de l’argument d’autorité. Pourtant, le premier est analysé dans le but de clarifier la relation entre l’autorité et l’interaction. Les autres dialogues sont utilisés pour élaborer des exercices d’analyse d’arguments d’autorité. Comment introduit-on un argument d’autorité dans la conversation ? Peut-on réfuter une autorité ? Si oui, comment le fait-on ? Ce sont des questions auxquelles nous nous intéressons et qui nous servent donc d’axes principaux dans la montée des outils pédagogiques.

Ci-dessous les 4 interactions accompagnées des présentations détaillées de la situation de communication de chacune.

1. Interaction 1

Cette interaction est un extrait d’un film télévisé à plusieurs épisodes intitulé « Luật đời » (Loi de vie), diffusé sur la chaîne VTV3 de la télévision vietnamienne.

Le film parle de la période de transition dans le mécanisme de travail, ce qui engendre certainement des conflits entre les générations, c’est-à-dire entre des gens ayant l’habitude de travailler au régime de pleines subventions, dans les sociétés étatiques et ceux qui sont plus jeunes, plus dynamiques et qui veulent s’affirmer par leurs propres compétences professionnelles. La scène que nous transcrivons ci-dessous, raconte le conflit entre le père et le fils.

Le père, Monsieur Le Hoe, est politicien. Son fils, Le Dai, n’ayant plus voulu travailler dans les sociétés étatiques, a décidé de créer sa propre entreprise. Mais il n’en a pas informé son père, sous prétexte que ce dernier n’est jamais d’accord avec ses initiatives. Celui-ci, l’apprenant par hasard, est venu voir Le Dai à son nouveau bureau.

Page 556: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

2

Le père Le Hoe (P) (frappe à la porte du bureau de son fils dans l’entreprise qu’il a fondée)

Le fils Le Dai (F) :

Ai đấy ? Ơ Bố

Qui est-ce ? (il a l’air surpris) Bonjour papa

P :

Chắc anh định hỏi tôi đến đây có việc gì phải không. Tôi có thể ngồi không

Vous vous demandez pourquoi je suis là ? Je peux m’asseoir ?

F :

Dạ, con xin lôi, bố ngồi đi ạ

Oui, excuse-moi, assieds-toi, s’il te plaît !

P :

Anh cứ việc ngồi cái ghế giám đốc của anh, tôi có ghế của tôi. Tôi chỉ muốn hỏi anh ngắn

gọn thôi, những việc mà tôi cần, sau đó tôi sẽ không phiền hà đến anh nữa

Vous pouvez vous asseoir sur votre fauteuil de directeur, moi j’ai ma place. Je veux juste vous demander des choses que je veux savoir, après je ne vous dérange plus.

F :

Sao bố nặng lời với con thế ạ ?

Pourquoi me parles-tu de façon si dure ?

P :

Trong thâm tâm anh không còn coi tôi là bố của anh nữa, cho nên những việc tày đình như

thế này anh qua mặt tôi chứ gì

Du fond de votre cœur, vous ne m’avez plus pris pour votre père, c’est pourquoi vous avez effectué un tel énorme travail sans me demander l’avis.

F :

Con xin lỗi bố, việc này con đã bàn với mẹ rồi, con biết bố sẽ không bao giờ đồng ý nên con

chưa dám nói. Con đợi khi nào có thành quả lúc đó con sẽ nói với bố

Excuse-moi, papa. J’ai discuté avec maman, sachant que tu n’es jamais d’accord, je n’ai pas osé te parler de mon projet. J’attends le moment où j’aurai eu de bons résultats, je t’en parlerai.

Page 557: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

3

P :

Anh đừng có mơ, đưng có lạc quan tếu

Arrêtez de rêver, arrêtez d’être follement optimiste

F :

Không, con rất tự tin với quyết định của mình bố ạ. Con đã từng là quân nhân, đã từng về

phòng kinh doanh của sở nhưng con thấy năng lực của mình không được phát huy một cách đúng

mức. Con muốn làm nhiều hơn, tốt hơn những gì mình nghĩ, vì vậy con cần phải bung ra, con muốn

làm chủ bản thân mình bố ạ

Non, papa, j’ai confiance en moi. J’ai été soldat, j’ai travaillé dans un service de commerce mais je trouve que je n’ai pas pu développer correctement mes compétences comme il fallait. Je veux mieux travailler, c’est pourquoi je dois m’en aller, je veux m’affirmer, papa.

P :

Anh nói như vậy nghĩa là những người tài giỏi tự bung ra tự làm tự hưởng chứ gì còn những

người trong cơ chế nhà nước như tôi đây này thì tài năng bị thui chột chứ gì ? Dưới con mắt anh

những người bao nhiêu năm sống trong biên chế như tôi đều là lũ vô dụng chứ gì ?

Vous voulez dire que les gens qui ont du talent doivent abandonner les sociétés étatiques pour travailler pour eux seuls, et que les gens comme moi, qui vivent et travaillent dans le mécanisme étatique, sont ceux dont les compétences restent stériles ? A vos yeux, ceux qui travaillent pendant des années dans les entreprises étatiques sont des bons à rien, n’est-ce pas ?

F :

Con xin bố đừng hiểu lầm ý con

Papa, je te prie de ne pas mal interpréter mon idée

P :

Tôi đẻ ra anh chẳng nhẽ tôi lại không biết cái đầu óc của anh tối tăm như thế nào à ?

Je vous ai donné la vie, ne suis-je pas capable de savoir à quel point votre esprit est inintelligent ?

F :

Bố sinh ra con, bố biết con muốn gì cần gì nhưng đó là lúc con còn nhỏ, khi con trưởng

thành thì thế hệ của bố đã lùi lại vài chục năm rồi. Tại sao bố không muốn con bước theo thế hệ của

con mà cứ kéo con lùi lại thế hệ của bố là sao ? Như vậy là không công bằng bố ạ !

Page 558: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

4

Papa, tu m’as donné la vie, c’est vrai, tu savais bien ce que je voulais et ce dont j’avais besoin, mais tout ça tu le savais seulement quand j’étais un enfant. Depuis que je suis majeur, ta génération a reculé de dizaines d’années par rapport à la mienne. Pourquoi ne veux-tu pas que je sois de ma génération ? Pourquoi veux-tu que j’appartienne à la tienne ? Ce n’est pas juste, papa !

P : (il change de terme d’appellation)

Câm, câm ngay, đồ bất hiếu, anh lại dám mở miệng nói đến công bằng à. Anh có xứng đáng

là một người công dân hay không mà lại còn đòi hỏi ?

Tais-toi, tais-toi ! Quel enfant ingrat ! Oses-tu encore parler de la justice ? Penses-tu mériter d’être un bon citoyen pour demander des choses ?

F :

Con vẫn nghĩ con luôn đã và đang là một công dân tốt

Je pense que j’ai été et suis toujours un bon citoyen

P :

Vô tổ chức coi thường kỷ cương mà là tốt à ? Trên cương vị là một đảng viên tôi hỏi anh nhé

đã đứng trong hàng ngũ của đảng thì có được tư lợi kinh doanh tư bản tư nhân hay không ?

Indiscipliné comme toi, penses-tu vraiment être un bon citoyen ? En tant que membre du Parti, je te pose une question : Un membre du Parti a-t-il le droit de faire le commerce privé ?

F : (il ne dit rien, il soupire)

P :

Không chứ gì vậy anh đang làm cái gì đây hả hả ? Anh đang đi ngược lại chính những gì

anh đã tuyên thệ khi vào Đảng, liệu anh có đủ tư cách là một đảng viên nữa hay không ?

Ta réponse est non, n’est-ce pas ? Alors, qu’est-ce que tu as fait ? Tu es allé à l’encontre de ce que tu as déclaré dans ta prestation de serment le jour où tu es devenu membre du Parti

F :

Bố ạ con đang chấp hành đúng những quy định của Đảng

Papa, j’ai suivi strictement les règlements du Parti.

P :

Đảng nào chấp nhận cho anh kinh doanh tư nhân tư bản, trả lời !

Dis-donc, quel Parti t’autorise-t-il à faire du commerce privé ? Réponds à ma question !

Page 559: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

5

F :

Con biết Đảng qui định không được làm kinh tế tư nhân chính vì thế con đã làm đơn xin ra

khỏi Đảng.

Je sais que le Parti n’autorise pas le commerce privé, c’est pourquoi j’ai déposé la demande de me retirer du Parti.

P :

Hả cái gì

Quoi ? Mais qu’est-ce que tu dis ?

(il a eu une prise cardiaque et a été transporté d’urgence à l’hôpital)

2. Interaction 2

Cette interaction est l’extrait d’un film télévisé à plusieurs épisodes intitulé « Chạy án » (Trafic de condamnation), diffusé sur la chaîne VTV3 de la télévision vietnamienne.

Monsieur Cam est ministre-adjoint. C’est un homme franc, modeste et honnête. Son fils unique, Lam, est diplômé d’un Institut bancaire des Etats-Unis. Ayant succombé à la tentation des richesses, Lam est condamné à 5 ans de prison. Désespéré, son père a déposé une demande de démission. Tran Duc, son subordonné, est un homme malin. Il a plusieurs fois profité de la naïveté de Monsieur Cam pour lui faire signer ses contrats économiques « en pure perte ». Cet homme, afin de profiter de l’honnêteté de Monsieur Cam, a mené une relation extra-conjugale avec sa femme. Pourtant, ce pauvre homme n’en est pas au courant.

Le dialogue se déroule dans le bureau de Monsieur Cam.

M. Cam (C):

Mời vào !

Entrez, s’il vous plaît !

Tran Duc (TD) :

Chào anh ạ ! (cười) Từ ngày cơ quan sửa sang lại chuyển sang phòng mới cũng khang trang

anh nhỉ ? (cười)

Bonjour ! (rire) Depuis la réparation et l’arrangement du bureau, c’est plus confortable, vous voyez ?

Page 560: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

6

C :

Mình thì sao cũng được, sắp xếp chỗ nào ngồi chỗ đó. À nghe nói mấy ngày vừa rồi anh bị

mệt

Moi, ça m’est égal. Je prends le bureau qu’on me donne, ça n’a pas d’importance. Ah, j’ai entendu dire que vous avez été malade ?

TD :

À em bị cảm cúm vớ vẩn thôi. Hôm qua em đi về quê, trên đường tạt vào trại thăm cháu

thấy cháu khoẻ mạnh tinh thần lại ổn định , em cũng mừng. Nghe nói Thủ tướng không cho anh từ

chức ạ ?

Oh, j’ai eu un petit rhume, ce n’est pas grave. Hier, je suis rentré au village natal, je suis passé par la prison voir votre fils, il a l’air mieux, j’en suis content. J’ai entendu dire que le Premier ministre n’est pas d’accord avec votre demande de démission ?

C :

Cũng chưa có ý kiến chính thức, nhưng tôi đã quyết rồi, tôi sẽ tiếp tục làm đơn. Mỗi lần đến

cơ quan xấu hổ lắm

Il n’a pas pris la décision mais j’ai bien réfléchi, je continuerai à déposer des demandes. Chaque fois que je vais au travail, j’ai honte.

TD :

Ấy anh đừng cả nghĩ như thế. Hôm nọ em đưa chị đến gặp ông hoà thượng trên chùa Sùng

Lâm ông ấy nói đúng quá, ông ấy bảo anh và chị lấy nhau là tuổi tam hợp, anh tuổi mùi chị tuổi hợi

hợi mão mùi tam hợp biến tam tai. Vợ chồng lấy nhau gặp tuổi tam hợp, nếu sinh con gái thì yên ổn

giàu có, còn nếu sinh con trai đó phải là thằng phá gia chi tử, còn nếu sinh con hai bề có cả trai lẫn

gái thì hoặc vợ chết sớm hoặc chồng vào tù ra tội. Mà năm ngoái lại là năm tuổi của thằng Lâm. Tử

vi của nó có sao Thiên hình Phục binh chính chiếu cho nên gặp họa cũng là phải anh ạ

Ah non, ne passez pas trop de temps avec ces pensées. L’autre jour, je vais avec votre femme chez le bonze supérieur à la pagode Sung Lam. Tout ce qu’il dit est exact. Il dit que vous êtes né sous le signe du bouc et votre femme sous le signe du porc. Selon lui, ces deux signes s’accordent bien l’un avec l’autre. Mais, comme on dit traditionnellement, la bonne entente risque de se transformer en malheur. Votre femme et vous, sous le signe du bouc et du porc, vous auriez une vie heureuse si vous aviez eu une fille. Par contre, comme vous avez eu un fils, il doit être un enfant prodigue, un « panier percé ». L’année dernière, c’était l’année du cycle duodécimal coïncidant avec son année de naissance, d’ailleurs selon son horoscope,

Page 561: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

7

il a cette année deux étoiles significatrices Thien Hinh, Phuc Binh, il doit donc subir des malheurs.

C : (rit en tournant la tête)

Tôi thì chẳng tin vào những chuyện bói toán ấy. Cụ Nguyễn Trãi từng có câu « hoạ phúc

hữu môi phi nhất nhật » ( quay sang ông Đức) cái hoạ hay cái phúc không phải bỗng dưng tới mà nó

có căn nguyên nguồn gốc từ xâu xa. Thằng Lâm đến nỗi này cũng là tại chúng tôi chiều nó quá, để

nó tự do quá

Moi, je ne crois jamais à ces genres de divinations. Monsieur Nguyen Trai a dit « Hoa phuc huu moi phi nhat nhat » (il tourne vers Tran Duc), cela veut dire que le malheur ou le bonheur ne nous arrivent pas subitement et sans raison. Au contraire, ils ont tous une origine. Si Lam est tombé dans la situation actuelle, c’est parce que nous l’avons trop gâté, nous l’avons laissé faire ce qu’il voulait en toute liberté.

D :

Anh đừng cả nghĩ như vậy. Bọn trẻ bây giờ nó khác lắm, không cẩn thận là nó tuột khỏi tay

mình như chơi ấy

N’y pensez plus. Les jeunes d’aujourd’hui, ils sont différents. Si on ne fait pas attention, ils glissent tout de suite de nos mains.

C :

Thằng Lâm tuột khỏi gia đình từ lâu rồi nhưng chính là lỗi ở tôi, mà cứ nghĩ đến lời nói của

Khổng Tử thì tôi lại thấy ngượng « muốn trị quốc trước phải tề gia muốn tề gia trước phải tu thân,

muốn tu thân trước phải chính tâm, muốn chính tâm trước phải khiến cho ý nghĩ thành thật » bây giờ

việc nhà mình còn chẳng lo cho yên ổn nói gì đến việc công, nói gì với anh chị em cũng là giả dối.

Lam glisse de sa famille depuis longtemps, mais je suis essentiellement le responsable. J’ai honte en pensant à ce que dit Confucius : « Si on veut diriger l’Etat, il faut d’abord apprendre à gérer sa famille. Si on veut gérer sa famille, il faut savoir se perfectionner moralement. Afin de le faire, il faut que le cœur soit propre. Enfin, pour que le cœur soit propre, il faut que nos pensées soient sincères ». Chez moi-même, tout est en désordre, je ne peux donc pas mener à bien les travaux au bureau. Tout ce que je dis au personnel en ce moment, ce n’est pas vrai, c’est hypocrite.

Page 562: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

8

3. Interaction 3

Cette interaction vient aussi du film « Chạy án » (Trafic de condamnation).

Le dialogue se passe entre Monsieur Tuy, Président de la Province, et Madame Xuan, la vice-présidente.

Tuy a été corrompu par l’entreprise Hoang Quan, une entreprise privée réputée en province par ses affaires de commerces immobiliers malhonnêtes. Tuy a signé la décision permettant la récupération de la terre agricole des paysans pour la transférer à cette entreprise. Les habitants, n’étant pas d’accord avec cette décision, se réunissent devant le siège du Comité populaire pour demander un entretien avec le Président.

Madame Xuan, la vice-présidente essaie de persuader son supérieur de venir parler aux habitants.

Madame la vice-présidente (X) :

Chào anh

Bonjour

Monsieur Tuy (T) :

Chào chị

Bonjour

X :

Anh Tuý xin anh cho biết anh định để bà con Hoà Xuân chờ đến bao giờ

Monsieur Tuy, dites-moi combien de temps vous voulez faire attendre les habitants de Hoa Xuan.

T : (il quitte sa place et rit)

Cô ngồi xuống đã ! Tôi có muốn tránh họ đâu, nhưng đang bàn tính xem phải giải thích thế

nào. Tôi , tôi dự định để anh Tuấn chánh thanh tra tỉnh uỷ ra nói thay

Asseyez-vous ! Je ne veux pas les éviter mais on est en train de discuter comment il faut leur expliquer. Moi, je pense que Monsieur Tuan, chef de la délégation d’inspecteurs, va prendre la parole à ma place.

Page 563: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

9

X :

Sao lại là anh Tuấn ? Dân họ xin gặp anh và muốn hỏi về quyết định của anh trong việc

giao đất cho Hoàng Quân. Tại sao anh không ra gặp ? Bà con chờ đợi đã hơn hai tiếng rồi. Chả lẽ

chủ tịch tỉnh lại sợ dân đến thế à ?

Mais pourquoi Monsieur Tuan ? Les habitants, ils veulent vous voir et vous demander votre décision concernant la livraison de terrain à la société Hoang Quan. Pourquoi ne voulez-vous pas les rencontrer ? Ils vous attendent depuis plus de deux heures. Je ne pense pas que le Président de la province ait tellement peur des habitants.

T :

Không phải là sợ nhưng việc giao đất cho Hoàng Quân vừa rồi xem xét lại có vài điểm chưa

ổn lắm, hơn nữa, kiến nghị của bà con là họ muốn góp vốn vào dự án, điều này xem ra hơi khó đấy

Non, je n’ai pas peur mais la livraison de la terre à Hoang Quan, nous l’avons étudiée et avons découvert qu’il y a quelques détails qui ne vont pas. D’ailleurs, les habitants veulent apporter leur contribution au projet. Cela est difficile…

X :

Tôi lại thấy ý kiến của bà con là rất hay và là vấn đề rất mới đáng để chúng ta suy xét

nghiêm túc

Pour moi, c’est une bonne idée que nous devons examiner sérieusement.

T :

Tôi không hiểu ý cô ?

Je ne comprends pas bien votre avis.

X :

Đơn giản thôi. Ta thu đất nông nghiệp của bà con để chuyển đổi mục đích sử dụng, vậy

người dân mất đất sản xuất, sau này họ sẽ làm gì để mà sống ? Có được vài chục thậm chí là vài

triệu thì hoặc đem ra xây nhà hoặc là mua ôtô mua xe máy mua đồ đạc thoả mãn nhu cầu cuộc sống

được ít ngày rồi sẽ ra sao ? là thất nghiệp, là lao vào cờ bạc đề đóm nghiện hút, cái gánh nặng này

hậu quả này xã hội phải chịu. Vậy tại sao không cho bà con mua cổ phiếu của các doanh nghiệp ?

Tại sao không bắt các doanh nghiệp phải bán cổ phiếu cho bà con với giá ưu đãi ? Bấy lâu nay

chúng ta cứ nói là phải lấy dân làm gốc, nhưng ở tỉnh này, cụ thể là trong trường hợp này thì tôi thấy

rõ là chúng ta đang lấy dân làm … làm thớt đấy anh ạ

C’est très simple. Nous récupérons la terre agricole des habitants pour l’utiliser avec un autre objectif. Ces derniers perdent donc leur terre de production.

Page 564: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

10

Alors, qu’est-ce qu’ils vont faire plus tard pour vivre ? Si nous leur donnons en compensation des dizaines, même des millions de dongs, cette somme d’argent servira à la construction de maisons, à l’achat de voitures, de motos, ou d’équipements ménagers. Tout cela peut améliorer la vie pendant un certain temps. Mais après, comment vivront-ils ? Ce sera le chômage, les jeux d’argent, le drogue… à qui revient cette charge ? Bien sûr, à la société. Alors, pourquoi ne demande-t-on pas aux entreprises de vendre des actions aux habitants à un prix prioritaire ? Depuis longtemps on répète qu’il faut prendre les habitants comme le but de toutes les décisions, mais dans ce cas, je vois bien qu’on les considère comme des « tranchoirs ».

T :

Thôi thôi tôi xin cô, được rồi tôi sẽ ra tiếp họ

Bon, je vous en prie, je les accueillerai.

X :

Tôi hiểu cái khó của anh nhưng không tin bà con Hoà Xuân lại không hiểu nếu chúng ta thật

lòng và biết tôn trọng lợi ích của người dân

Je comprends bien votre malaise, mais je ne pense pas que les habitants de Hoa Xuan ne nous comprennent pas si nous sommes sincères et respectons leur intérêt.

T (il pousse des soupirs) :

Nhưng cô phải hiểu là tôi đã ký duyệt dự án cho Hoàng Quân và mức giá đền bù cho bà con

cũng là do tôi duyệt

Mais vous devez comprendre que j’ai approuvé le projet de Hoang Quan et c’est aussi moi qui ai approuvé le niveau de compensations pour les habitants.

X :

Thì thiếu gì cách nói với bà con, anh cứ ra tiếp, tôi cùng đi với anh (cười), anh đọc Thuỷ Hử

chưa ? (cười) dân có bao giờ tự làm loạn đâu mà tất cả là tại « quan bức dân phản », từ xưa đã có

câu như thế rồi

Mais il y a plusieurs façons de le leur expliquer. Venez les accueillir, je vous accompagne (rire). Avez-vu lu « Thuy Hu » (rire) ? Les habitants ne veulent jamais se révolter, la faute profonde est toujours aux dirigeants. « Si les mandarins opprimaient les paysans, ces derniers sont obligés de se révolter ». On le dit depuis longtemps.

T (il dit à son secrétaire) :

Page 565: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

11

Anh gọi điện xuống chỗ tiếp dân, mời bà con vào hội trường, 15 phút nữa tôi sẽ xuống gặp

họ

Téléphonez au service de la réception. Invitez les habitants à se réunir dans le hall, je viendrai dans 15 minutes.

4. Interaction 4

Mai et Thuy sont des copines. Elles se croisent à l’entrée du lycée. Toutes les deux se préparent à l’examen de fin d’études secondaires.

Mai (M) : Chào Thủy, ấy đã nghe một tin mới chưa ?

Salut Thuy, t’as entendu une bonne nouvelle ?

Thuy (T) : Chào Mai, Mai nói gì cơ ? Tớ chẳng hiểu gì cả.

Salut Mai, que dis-tu ? Je ne comprends rien.

Mai (M) : Ấy biết không, năm tới sẽ bỏ thi đại học đấy

Tu sais, cette année on va supprimer le concours d’entrée à l’université.

Thuy (T) : Gì cơ ? Ai nói với ấy thế ?

Comment ? Qui te l’a dit ?

Mai (M) : Tớ vừa đọc tin này sáng nay trên báo điện tử

Je viens de lire cette information ce matin, au journal électronique.

Thuy (T) : Báo nào ? Nói cho tớ xem nào

Mais quel journal ? Dis-le-moi !

Mai (M) : Báo vnexpress.net ấy

Le vnexpress.net, je crois.

Thuy (T) : Ôi, ấy biết thừa vnexpress.net không phải là tờ báo chính thống mà. Đấy

chỉ là báo lá cải thôi.

Oh, tu sais bien que le vnexpress.net n’est pas un journal officiel. Ce n’est qu’une feuille de chou, tu vois.

Mai (M) : Ấy chắc thế à ?

Page 566: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

12

T’es sûre ?

Thuy (T) : Chắc chắn, mới cả nếu thông tin này có thật thì chúng mình phải biết đầu

tiên chứ. Ấy đừng có tin, học đi nếu muốn vào đại học

Certainement, d’ailleurs si cette information est vraie, nous sommes les premiers à être informés. N’y crois pas, et au boulot, si tu veux mettre les pieds à l’université !

Page 567: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

13

Annexe 2 : Exemple 11 (partie 3- chapitre 4)

Ce dialogue est analysé dans la rubrique 7.1, chapitre 4, partie 3.

Situation de communication : Deux mamans ont des enfants du même âge. Leurs enfants vont bientôt commencer la première classe58 au mois de septembre. Elles discutent sur la question de faire apprendre l’anglais ou le français à leurs enfants.

A :

Con nhỏ nhà em sắp vào lớp 1. Em định cho con học tiếng gì, Anh hay Pháp ?

Ta fille va bientôt commencer la classe préparatoire. Tu penses la laisser apprendre quelle langue ? Anglais ou français ?

B :

Em cũng đang phân vân. Chị nghĩ sao ?

J’hésite entre les deux langues. Et toi, qu’en penses-tu ?

A :

Chị nghĩ học tiếng Pháp thì khả năng tư duy ngôn ngữ tốt hơn. Sau này có chuyển sang học

tiếng Anh thì cũng không khó khăn gì. Hơn nữa, các cô giáo được đào tạo bài bản hơn. Và lại con

học tiếng Pháp thì mình cũng kèm cặp được thêm.

Je pense que si on apprend le français, on peut mieux développer l’esprit logique. Plus tard, si on apprend l’anglais, ce sera plus facile. De plus, les enseignants de français ont eu une très bonne formation. D’ailleurs, si nos enfants apprennent le français, on peut aussi le leur apprendre à la maison.

B :

Đúng rồi nhưng dù sao tiếng Anh cũng vẫn thông dụng hơn. Học năm năm tiếng Pháp rồi

lại chuyển sang tiếng Anh, không dùng tiếng Pháp nữa cũng phí quá. Chẳng thà học tiếng Anh ngay

từ đầu…

58 La première classe au Vietnam correspond au cours prépatoire en France.

Page 568: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

14

Oui, c’est vrai mais de toute façon, l’anglais est plus pratique. Si on passe à l’anglais après cinq ans d’apprentissage du français, c’est vraiment le gaspillage. Il vaut donc mieux apprendre l’anglais dès le début…

A :

Nhưng tiếng Anh mới có chương trình song ngữ, không biết chất lượng thế nào…

Oui, mais pour l’anglais, on vient de pratiquer les classes bilingues, on ne sait pas quelle est la qualité…

B :

Thế à… Mà em cũng đang phân vân mà, đã biết quyết định thế nào đâu. Em đi đây đã nhé,

có gì lúc khác gặp nói chuyện sau.

Ah oui… mais de toute façon, j’hésite…, je ne sais pas encore quelle décision je vais prendre. Bon, je vais quelque part maintenant, à la prochaine fois.

Page 569: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

15

Annexe 3 : L’exploitation de la bauxite au Vietnam

Cet ensemble de textes comprend à la fois des documents écrits et des documents oraux :

• Des textes journalistiques tirés de l’organe officiel du pays qui est le Courrier du Vietnam59

7. « L’aménagement de l’exploitation de la bauxite » (Par Ngan Huong, Le Courrier du Vietnam, 27 avril 2009)

8. « L’exploitation de la bauxite, facteur de développement du Tay Nguyen »

(Par Hue Hoa, Le Courrier du Vietnam, 10 avril 2009)

9. « Bauxite : pas de souci pour le problème environnemental » (Par Giang Ngan, Le Courrier du Vietnam, 28 mai 2009)

• Le rapport intitulé « L’importance culturelle et sociale du projet d’exploitation minière dans les Hauts Plateaux du Centre » rédigé par Nguyen Ngoc60, homme de grande culture au Vietnam.

• La lettre du Professeur Ngo Bao Chau61, rédigée à l’intention des représentants de l’Assemblée nationale, 12e promotion.

• Des discours prononcés par les députés lors de la réunion de l’Assemblée nationale :

Discours prononcé par le représentant de la province de Lam Dong

Discours prononcé par le représentant de la province de Dac Nong

59 Le Courrier du Vietnam est le seul quotidien national de langue français du Vietnam qui présente

l’actualité nationale, internationale et touristique. Son éditeur est l’Agence Vietnamienne d’Information.

60 L’écrivain Nguyen Ngoc est aussi le grand spécialiste des questions liées aux Hauts Plateaux du Centre

61 Ngo Bao Chau est un mathématicien de grande réputation non seulement au Vietnam mais aussi dans le monde entier. Il a obtenu la médaille Fields, considérée comme « Le Nobel de mathématiques ». Il enseigne à l’Université Paris-Sud depuis 2005, a été détaché à l’Institut for Advanced Study à Princeton et enseigne actuellement à l’Université de Chicago.

Page 570: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

16

Discours prononcé par M. Duong Trung Quoc, député de la province de Dong Nai.

Discours prononcé par M. Nguyen Minh Thuyet, député de la province de Lang Son.

1. Document 1 : « L'aménagement de l'exploitation de la bauxite »

(Par Ngân Hương - Le Courrier du Vietnam - 27 avril 2009)

Le politburo du PC vietnamien a publié le 24 avril sa décision sur l'aménagement de la prospection, de l'exploitation, de la transformation et de l'utilisation de la bauxite sur la période 2007-2015, et des orientations pour les années vers 2025.

Du 9e Congrès du PC vietnamien jusqu'au 10e Congrès, la directive sur la prospection, l'exploitation et la transformation de la bauxite est au service du développement économique national en général et de l'envol socio-économique du Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre) en particulier.

Le gouvernement a présidé à l'élaboration de l'aménagement sur la prospection, l'exploitation, la transformation et l'utilisation de la bauxite sur la période 2007-2015 et l’a adopté. Ont été fixées les étapes concrètes de la réalisation des 2 premiers projets d'exploitation de la bauxite et de la production d'alumine, implantés à Tân Rai (Bảo Lộc, Lâm Đồng) et à Nhân Cơ (Đắc Nông).

Le gouvernement a également recherché un partenaire étranger performant pour développer les infrastructures et investir dans la création d'une industrie dans ce secteur. Doté d'expériences abondantes, le Groupe du charbon et des minerais du Vietnam (TKV) a reçu la charge d'entreprendre les 2 projets précités et de négocier avec les partenaires étrangers. Ces 2 projets mettent l'accent en premier lieu sur l'efficacité économique et le développement social, en deuxième lieu sur l'économie des ressources naturelles. Les produits sont appelés à avoir une compétitivité au niveau mondial. Une gestion stricte dans l'exploitation est demandée par le politburo pour réduire les conséquences sur l'environnement. Les efforts seront concentrés sur le développement des infrastructures du Tây Nguyên pour répondre à la croissance de cette région. Outre l'importance du choix d'une technologie moderne et adéquate, la préservation des traits culturels des ethnies peuplant la région est soulignée. La création d'emplois pour les habitants locaux est une composante importante de ces 2

Page 571: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

17

projets qui doivent respecter strictement la loi sur le recrutement des travailleurs étrangers, parce que Tây Nguyên joue un rôle important dans la défense nationale.

Le politburo a donné 3 orientations pour développer l'industrie de l'alumine destinée à être utilisée dans le pays ou à être exportée. Primo, le développement de cette industrie doit prendre en compte les intérêts du moment et ceux sur le long terme du pays. Le déploiement doit être réalisé graduellement pour obtenir de l'expérience en vue de renforcer l'efficacité socio-économique, protéger l'écosystème et assurer la défense nationale. Secundo, le gouvernement demande une vérification du plan d'aménagement industriel pour s'assurer qu'il réponde bien aux besoins de développement du pays et du Tây Nguyên selon les différentes périodes. Tertio, la réalisation des 2 projets est toujours confiée à TKV. La vente d'actions aux organisations et aux particuliers étrangers n'est pas encore autorisée. Seuls des travailleurs vietnamiens seront employés. Les techniciens étrangers ne seront recrutés qu'en cas de nécessité. Un rapport général sur l'évaluation des impacts sur l'environnement doit être immédiatement rédigé.

Pour le projet de Nhân Cơ, s'il s'avère qu'il répond bien aux normes sur la protection de l'environnement et que son efficacité économique est confirmée, sa réalisation pourra être continuée.

Toutes ces orientations témoignent d'une prudence profonde et d'un travail minutieux du Parti et de l'Etat face à un projet grandiose. Les dirigeants du pays ont bien écouté les opinions des cadres et des habitants pour assurer l'efficacité socio-économique du projet et les aspects culturels. Les informations correctes sont très importantes pour répondre aux inquiétudes des habitants et lutter contre les rumeurs non fondées sur l'utilisation politique de ce projet par des forces hostiles.

Des réserves nationales en bauxite de 5,4 milliards de tonnes

Selon les enquêtes, les réserves nationales de bauxite sont estimées à 5,4 milliards de tonnes, essentiellement situées sur les hauts plateaux du Centre, plaçant le pays au 3e rang mondial. L'aménagement sur la prospection, l'exploitation, la transformation et l'utilisation de la bauxite sur la période 2007-2015 a été adopté par le Premier ministre en novembre 2007.

Le groupe TKV, chargé du développement de l'industrie de l'aluminium, a mis en chantier le complexe de bauxite-aluminium de Lâm Dông, avec une usine de production d'alumine. La compagnie chinoise Chalieco a remporté l'adjudication pour la construction de l'usine d'alumine, sa mise en service et son transfert. Les tâches de consultation sont confiées à l'Institut de recherche mécanique et aux experts australiens. Pour l'instant, TKV a dégagé 424 ha de terrains et dédommagé

Page 572: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

18

559 foyers dont 77 d'ethnies minoritaires. Il doit encore dégager 980 ha de terrains concernant 1.000 foyers, dont 327 foyers d'ethnies minoritaires. Sur la demande de 700 foyers en besoin de relogement, TKV a construit des infrastructures et un quartier de relogement capable d'accueillir 730 foyers. La compagnie Chalieco a bien réalisé la progression des travaux et l'usine sera transférée à TKV vers la fin de 2010. La construction de l'usine de réception des minerais sera lancée au cours de cette année. Quant au projet de Nhân Co à Dac Nông, la construction d'une usine d'alumine de 600.000 tonnes par an, investie aussi par TKV, est planifiée.

La compagnie chinoise Chalieco joue seulement le rôle de constructeur et se retirera une fois les travaux terminés et l'usine remise à l'investisseur. Au 24 avril, le nombre d'ouvriers chinois sur le chantier du complexe de bauxite de Lâm Dông s'élevait à 583 personnes, dont 38 femmes. À Dac Nông, seuls certains experts chinois sont venus travailler avec les autorités locales pour s'informer des lois vietnamiennes sur les travailleurs étrangers au Vietnam. Aucun travailleur chinois n'est présent à Dac Nông. À cause du manque d'informations, certaines personnes ont affirmé que "les travailleurs chinois se ruaient vers le Tây Nguyên", que "les ethnies minoritaires devaient laisser la place à des milliers d'ouvriers chinois", que "les autorités locales avaient cédé tous les droits d'exploitation de la bauxite, de l'exploitation à la transformation en pâte, pour produire l'aluminium en Chine".

TKV s'engage à appliquer une technologie moderne, à reboiser et à protéger les forêts, réduire la pollution de l'environnement, participer au développement des infrastructures locales, former et utiliser la main-d'oeuvre sur place, assurer des moyens de vie durables aux habitants. Les gisements de bauxite au Tây Nguyên ont une épaisseur de 1 m à 8 m et se trouvent au-dessus des nappes aquifères. L'exploitation sera réalisée en plein air. Ensuite, les terrains exploités seront retournés aux habitants après un ou 2 ans.

Pour bien alimenter le complexe industriel de bauxite Nhân Co, TKV a coopéré avec la province de Dac Nông pour former 800 ingénieurs et ouvriers qualifiés, dont 30 ingénieurs envoyés faire des études en Chine. Les candidats sont recrutés pour l'essentiel sur le lieu du projet et la priorité est accordée aux ethnies minoritaires. Les frais d'études sont à la charge de l'État.

Ce complexe aura une puissance de 630.000 tonnes par an, d'un fonds d'investissement de 12.500 milliards de dôngs. Selon les prévisions, l'usine d'aluminium sera lancée en mai prochain, avec 3.000 ouvriers au maximum sur le chantier. Une fois opérationnel en 2011, le premier complexe industriel de bauxite de la province de Lâm Dông créera 1.500-1.600 emplois.

Page 573: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

19

2. Document 2 : « Bauxite : pas de souci pour le problème environnemental »

(Par Giang Ngân - Le Courrier du Vietnam - 28 mai 2009)

Lors de la séance matinale de l'Assemblée nationale (12e législature) qui a eu lieu le 27 mai, le ministre des Ressources naturelles et de l'Environnement, Pham Khôi Nguyên, a fait la lumière sur le problème environnemental concernant l'exploitation de la bauxite au Tây Nguyên.

"Le problème environnemental sera réglé", a-t-il affirmé. Et d'ajouter que le ministère des Ressources naturelles et de l'Environnement (MRNE) avait mené des examens sur le terrain et mentionné ses exigences sur l'environnement. Le maître d'oeuvre, le Groupe du charbon et des minerais du Vietnam (TKV), a affirmé qu'il satisferait à toutes les exigences de la part du MRNE.

D'après M. Nguyên, le gouvernement a confié au MRNE 4 tâches lors de l'exploitation de la bauxite au Tây Nguyên. Premièrement : évaluer le potentiel et les réserves de bauxite au Tây Nguyên. Deuxièmement : protéger l'environnement d'exploitation, de gisement, de tri des minerais et de transformation en aluminium. Troisièmement : dédommager la population touchée par une expropriation, et assurer son relogement. Quatrièmement : contrôler et surveiller afin d'élaborer un modèle à suivre pour les 2 premiers projets d'exploitation de la bauxite et de la production d'alumine, implantés à Tân Rai (Bao Lôc, Lâm Dông), et à Nhân Co (Dak Nông). La poursuite de la construction de ce type de projets dépendra des résultats obtenus.

Sur le plan environnemental, le MRNE a rendu un rapport d'évaluation des récents impacts sur l'environnement. D'anciens dirigeants du Parti, de l'État et des scientifiques ont apporté leur pierre à l'édifice en proposant des suggestions à propos de l'environnement. Le MRNE les a accueillis et a collaboré avec TKV afin de les incorporer dans ledit rapport. Le MRNE a proposé de diviser les terres en 3 parcelles : 7 ha, 10 ha et 20 ha, qui seront exploitées à tour de rôle. Une fois la première parcelle exploitée, TKV devra remblayer ce site avant d'extraire la bauxite contenue dans la parcelle suivante. Le TKV a fondé une compagnie biosylvicole qui travaille avec le Comité populaire de la province de Lâm Dông, dans le but de réhabiliter le site et de préparer les cultures expérimentales.

Page 574: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

20

Concernant le tri des minerais, plusieurs députés se soucient des impacts que le cambouis rouge provoquerait en aval du Centre et de la partie orientale du Sud. À ce propos, Pham Khôi Nguyên a précisé que les eaux usées seront récupérées et recyclées. Quant au cambouis rouge, une société française de conseil a procédé à des examens. D'après elle, la vallée située à côté de Tân Rai pourrait être utilisée pour le contenir après un nivellement des terres. Mais cette proposition n'est pas convaincante. Ainsi, le MRNE a demandé à TKV de prendre en charge les travaux suivants : renforcer le revêtement d'étanchéité au fond de la vallée et sur ses abords pour empêcher l'eau rouge de pénétrer dans les nappes phréatiques, assurer la résistance des installations face à un séisme de magnitude 7 sur l'échelle de Richter, et installer 4 stations d'observation. M. Nguyên est sûr qu'avec cette méthode, le problème du cambouis rouge sera réglé.

Le MRNE a mis sur pied une mission de surveillance qui examine les opérations de la conception à la réalisation du projet. Tout ceci est destiné à pallier aux problèmes environnementaux dans une région de hauts plateaux où la pluviosité oscille annuellement entre 2.000 mm et 2.800 mm. M. Nguyên a promis de faire des projets Tân Rai et Nhân Co des modèles respectueux de l'environnement et ce pour la multiplication ultérieure de ce type d'installation.

3. Document 3 : « L’importance culturelle et sociale du projet d’exploitation minière dans les Hauts Plateaux du Centre »

(Nguyen Ngoc)

Trong những năm qua, chưa có chương trình kinh tế xã hội nào gây nhiều quan tâm và lo

lắng trong nhân dân, từ các giới chuyên môn thuộc nhiều ngành, cả tự nhiên lẫn xã hội, các bậc lão

thành cách mạng, những người đã từng giữ các trọng trách của đất nước trong nhiều thời kỳ, cho đến

người dân thường, khắp nước, như chương trình bôxit mà chúng ta bàn hôm nay.

Depuis ces dernières années, aucun autre programme de développement socio-économique que celui de l’exploitation de la bauxite ne suscite autant de préoccupations et d’inquiétudes chez les gens, depuis les experts dans différentes branches scientifiques, aussi bien naturelles que humaines et sociales, depuis les anciens combattants qui ont occupé des fonctions importantes dans le gouvernement à différentes périodes jusqu’aux petites gens de tout le pays.

Page 575: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

21

Sẽ rất thiếu trách nhiệm nếu chúng ta tự cho phép coi thường sự quan tâm và lo lắng đó, nhất

là khi dư luận biết rằng đây có thể là cuộc hội thảo cuối cùng trước khi cấp cao nhất của đất nước đi

đến quyết định dứt khoát. Chắc không ai muốn vô trách nhiệm, trước nhân dân, trước lịch sử, nên tôi

đề nghị trong hội thảo này cần được nói hết, cần thiết thì tranh luận đến cùng, những ý kiến được nói

ra hôm nay cần được ghi lại đầy đủ, để rồi sẽ được phán xét, cả hiện tại và trong tương lai. Và cũng

không nên chỉ hạn chế trong một phạm vi nào, trong khi hệ quả của chương trình chắc chắn rất rộng

lớn, nghiêm trọng, cả trên các khía cạnh dân tộc, an toàn xã hội, an ninh quốc phòng, là những lĩnh

vực không hề nhỏ và thuộc quyền có tiếng nói của mỗi người dân của đất nước này.

Serons-nous donc irresponsables et indifférents au destin du pays si nous nous permettons de fermer les yeux devant cette émotion dans l’opinion publique, notamment quand il s’agit probablement de la dernière réunion avant la prise de décision officielle du gouvernement ? Je suis certain qu’aucun d’entre nous ne veut l’être, c’est pourquoi je vous propose de présenter ouvertement vos points de vue, de discuter franchement jusqu’au bout du problème. Toutes les opinions exposées aujourd’hui devront être notées pour laisser une trace écrite en vue d’une analyse complète plus tard. Le débat ne doit surtout pas se limiter à un plan quelconque, car les conséquences de ce projet d’exploitation minière, graves et importantes, touchent à différents aspects directement liés au droit de chaque individu du pays, à savoir celui de l’ethnologie, de la sécurité nationale, de la défense…

Các chuyên gia đã nói về nhiều mặt, tôi chỉ xin nói thêm về một mặt, thường được gọi là mặt

văn hoá. Tôi nói là “ thường gọi là văn hoá ”, bởi vì theo tôi lâu nay văn hoá đã được hiểu và được đề

cập đến trong các chương trình như thế này rất hời hợt, như một thứ trang sức phụ, một khía cạnh bổ

sung, cho “ phải phép ”, cho “ có vẻ ”. Trong khi, nhất là ở Tây Nguyên, có thể nói văn hoá lại là tất

cả, nó nằm ở nền tảng của tất cả, không nhìn thấy và không giải quyết mọi việc trong quan hệ chặt

chẽ với nó, một cách thật sự nghiêm túc, coi nó là trung tâm của mọi cân nhắc cho mọi quyết định, thì

không những khó thành công, mà hơn thế nhiều, sự đổ vỡ sớm hay muộn theo nhiều kịch bản khác

nhau gần như là chắc chắn. Mấy mươi năm qua chúng ta cũng đã từng có kinh nghiệm nhãn tiền về

điều này rồi (nhãn tiền, mà tiếc thay, lại không được nghiêm túc nhìn nhận cho rõ !)

Les experts ont exposé leurs opinions sur plusieurs aspects. Personnellement, je voudrais traiter le côté culturel. A ma connaissance, depuis toujours, l’aspect culturel n’est abordé dans de tels projets que de manière superficielle, comme s’il était simplement une sorte de bijou accessoire, qui n’occupe qu’une place secondaire, supplémentaire. On en parle seulement pour « être conforme à la règle », pour « faire semblant ». Or, dans les Hauts Plateaux du Centre, l’aspect culturel est d’une extrême importance, se trouvant à la base de toute chose. En conséquence, si on n’en tient pas compte, si on résout les problèmes sans les voir dans leur relation étroite avec la culture, non seulement on a du mal à accéder à la réussite, mais on

Page 576: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

22

risque, tôt ou tard, de faire face aux échecs, qui se produisent selon différents scénarios. Nous avons acquis de telles expériences durant les années passées, mais il est regrettable que nous n’y ayons pas songé sérieusement afin de tirer des leçons pour les fois suivantes !

Quan điểm cơ bản về phát triển của chúng ta, đã được xác định trong tất cả các văn kiện của

Đảng và Nhà nước, là phát triển bền vững. Phát triển bền vững, như ai cũng biết, nhất thiết phải là

phát triển có văn hoá. Phát triển mà giữ được cho xã hội ổn định, ngày càng ổn định chứ không rối

loạn, đất nước an toàn, ngày càng an toàn chứ không phải càng bị uy hiếp, rước thêm nguy cơ vào,

con người sống được an lành, hạnh phúc. Phát triển có tính đến hôm nay và mai sau, thế hệ này và

các thế hệ tiếp theo, người sống hôm nay có trách nhiệm với quá khứ và cả với tương lai, phát triển

hôm nay phải làm sao để cho các thế hệ tương lai còn, càng phát triển được tốt hơn, lâu dài hơn, phát

triển mà tiềm lực của đất nước và xã hội ngày càng giàu có, phong phú hơn lên chứ không cạn kiệt đi

hay bị huỷ diệt... Nếu trên cả nước đã vậy, thì ở Tây Nguyên càng vậy. Sở dĩ chương trình bô-xit

được cả xã hội quan tâm lo lắng nhiều đến thế thì một phần quan trọng là do nó được tiến hành ở Tây

Nguyên chứ không phải ở nơi nào khác. Qua điều này, có thể thấy trong tâm khảm của mỗi người

Việt Nam, đặc biệt trải kinh nghiệm của các cuộc chiến tranh giành và giữ nước trong thời hiện đại,

Tây Nguyên chiếm một vị trí cả về nhận thức và tình cảm rất sâu sắc, thậm chí liên quan đến tâm tư

về vận mệnh của tổ quốc, tuyệt đối không thể coi thường.

La conception de base de notre stratégie de développement, inscrite dans tous les documents du Parti et de l’Etat, c’est le développement durable. Celui-ci, bien sûr, implique le développement culturel. Le processus de développement consiste à maintenir la société de plus en plus stable et de plus en plus en sécurité, et non pas à prendre le risque d’être menacé ou exploité par les étrangers. Ce processus doit absolument tenir compte de l’avenir du pays, de la succession des générations, c’est-à-dire les gens d’aujourd’hui doivent être responsables du passé et du futur du pays. La génération d’aujourd’hui doit réagir de telle sorte que la génération de demain puisse hériter et continuer son œuvre. Le développement durable doit être compris comme visant à enrichir de plus en plus le potentiel du pays et non pas à l’épuiser ou à le détruire. Ce fil de conduite est valable à l’échelle nationale, il aurait dû être plus strictement appliqué dans les Hauts Plateaux du centre.

En effet, le projet d’exploitation minière préoccupe presque toute la société pour plusieurs raisons, dont l’une est qu’il se situe dans les Hauts Plateaux. Cela montre que dans l’esprit de chaque vietnamien, en particulier pour ceux qui ont vécu les années de guerre, Tay Nguyen occupe une place fondamentale, du point de vue cognitif et sentimental. Ce terrain, lié directement au destin du pays, ne doit absolument pas être négligé.

Page 577: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

23

Mặt khác, cũng nên biết rằng Tây Nguyên, các dân tộc Tây Nguyên đã đứng vững, tồn tại,

phát triển bền vững được suốt trong quá trình lịch sử dài đầy thử thách chính là bằng văn hoá, sức

mạnh văn hoá. Phá vỡ văn hoá ở đây thì cũng có nghĩa là phá vỡ cả xã hội này, với tất cả các hậu quả

không thể lường.

De plus, il faut reconnaître que si la région de Tay Nguyen ainsi que ses habitants ont pu rester solides sur leurs jambes tout au long d’une histoire agitée, c’est grâce à leur puissance culturelle. Dans cette optique, briser la culture des Hauts Plateaux du centre, c’est casser toute la société et provoquer des conséquences imprévues.

Tôi xin nói rằng trong chương trình bô-xit Tây Nguyên, vấn đề văn hoá đã không được đặt

ra một cách nghiêm túc, đúng tầm. Đây là một trong những mặt bất cập quan trọng nhất của chương

trình này.

Je dirais que dans le projet d’exploitation de la bauxite, la question culturelle n’est pas posée de manière sérieuse. C’est une des lacunes les plus importantes de ce programme.

Vậy ở Tây Nguyên, văn hoá là gì ?

Ainsi, dans les Hauts Plateaux du centre, qu’est-ce que c’est que la culture ?

Trong một số cuộc hội thảo trước đây, nhiều lần các đại biểu của TKV, của một vài địa

phương cũng đã nói đến văn hoá, bày tỏ sự quan tâm đến văn hoá, nói đến việc gìn giữ cồng chiêng,

sử thi, lễ hội v.v… Tôi xin được nói, vâng, đấy đúng là văn hoá, cần yêu quý và gìn giữ, nhưng cũng

rất cần hiểu đấy chỉ là những biểu hiện ra bên ngoài, những hoa lá của văn hoá. Cái chính, cốt lõi, gốc

rễ của văn hoá (từ đó mới có những hoa lá nọ) nằm ở một tầng sâu hơn rất nhiều, mà nếu ta hiểu

không đúng, không kỹ, không nghiêm, thì tất cả những thứ nói trên kia sẽ chỉ là văn hoá dỏm, giả,

hoa lá giả chế tạo bằng nhựa thôi chứ không phải là văn hoá thật, cốt lõi của mọi xã hội và mọi con

người. Văn hoá, đặc biệt văn hoá ở Tây Nguyên, thể hiện chính trong cơ cấu độc đáo, vững chãi của

xã hội này, mà mọi tác động của chúng ta, nhất là những chương trình to lớn như chương trình bô-xit

đang được chủ trương, sẽ phá vỡ nếu thiếu chỉ một chút thận trọng, gây ra những hậu quả sâu sắc, lâu

dài, khôn lường, – dù lạ vậy và khó vậy, đấy lại thường là những hậu quả không nhìn thấy ngay được.

Văn hoá Tây Nguyên nảy sinh, tồn tại, phát triển trên nền tảng của cơ cấu xã hội đó. Và cơ cấu xã hội

đó thì lại được kết thành bằng mối quan hệ hài hoà, nhuần nhuyễn, được con người sáng tạo nên để

tồn tại thân thiết, bền vững với tự nhiên, cụ thể là với rừng, với đất, với nước, với thảm thực vật và hệ

động vật đặc trưng, với khí hậu và thời tiết do tất cả những yếu tố kia tạo ra. Vậy nên ở Tây Nguyên,

rừng, đất, nước, và làng của con người khắng khít giữa tự nhiên đó chính là văn hoá, chứ không phải

chỉ là tài nguyên để cho con người khai phá và tiêu xài như được hiểu trong các xã hội thường tự

xưng là văn minh. Nếu đến Tây Nguyên mà không hiểu được những điều đó, đối xử với Tây Nguyên

Page 578: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

24

không trên sự hiểu biết sâu sắc và tôn trọng thật sự đó thì tất yếu sẽ dẫn đến tàn phá, tàn phá không

chỉ tự nhiên, mà là tàn phá xã hội và con người, cũng tất yếu sẽ gây ra rối loạn, đến một mức nào đó

thì không còn cứu chữa được. Đấy chính là điều đã diễn ra mấy chục năm nay, nếu đến nay có ai đó

cho rằng đã cơ bản ổn định thì theo tôi là rất hời hợt, chủ quan, nếu không nói là vô trách nhiệm. Cần

nói rõ tình hình cho đến nay còn rất âm ỉ, vì những vết thương gây ra vào nền tảng văn hoá và xã hội

mấy mươi năm qua chưa hề được chữa trị một cách căn bản, trái lại đang từng ngày tiếp tục bị khoét

sâu thêm, dẫu âm thầm, mà càng âm thầm thì càng nguy hiểm.

Lors de quelques conférences précédentes, les délégués de l’association du charbon et de minerai ainsi que les représentants des localités ont parlé de l’aspect culturel, exprimé leur intérêt à l’égard de la culture en insistant sur la nécessité de préserver les gongs, l’épopée, la fête traditionnelle… Je dirais, à ce propos, que oui, c’est la culture qu’il nous faut aimer et préserver, mais qu’on doit comprendre aussi que ce n’est que la manifestation à l’extérieur comme des fleurs et des feuilles de l’arbre culturel. Le noyau pour ne pas dire la racine de cet arbre est situé dans une couche beaucoup plus profonde. Si on ne comprend pas à fond l’essence de ce problème, on a du mal à avoir une vraie conception de ce qu’est la culture, le pivot de la société et de chaque être humain.

La culture, en particulier celle du Haut Plateau du centre, se manifeste essentiellement dans la structure originale et solide de cette communauté. Chacune de nos actions, si elle n’est pas prudente (pour ne pas parler de ce grand projet d’extraction de la bauxite) peut la briser et causer donc des conséquences profondes, durables et imprévues. Ce principe est le même pour la culture de Tay Nguyen qui apparaît, existe et se développe sur la base de la structure sociale. Cette dernière, quant à elle, est fondée à partir de bonnes relations solides que les gens ont créées pour vivre en harmonie avec la nature, c’est-à-dire avec la forêt, la terre, l’eau, avec les caractéristiques de la flore et de la faune, avec les conditions météorologiques. Ainsi, à Tay Nguyen, la forêt, le sol, l’eau,… ne sont pas à exploiter, au contraire, ces éléments naturels et les villages des habitants sont liés étroitement l’un à l’autre. C’est là l’aspect culturel de cette région. Si nous mettons nos pieds sur ce terrain sans aucune connaissance ni aucun respect de ses valeurs culturelles, si nous adoptons un comportement subjectif sans prendre en compte ces caractéristiques, nous risquons d’aller vers une mauvaise conduite qui consiste à détruire non seulement la nature, mais encore la société et la personne. Pire encore, cette destruction entraîne inévitablement des perturbations qui, à un certain niveau, ne sont plus curables. C’est aussi ce qui est en train de se produire depuis des dizaines d’années. Si quelqu’un estime que la situation s’améliore et devient actuellement plus stable, il a, d’après moi, totalement tort, pour ne pas dire qu’il est trop superficiel, subjectif, voire irresponsable. Je dirais à ce propos que la situation est

Page 579: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

25

toujours presque la même, car les blessures concernant la base culturelle et sociale depuis des années n’ont reçu aucun traitement radical, au contraire, elles deviennent de plus en plus enracinées et donc de plus en plus dangereuses.

Chương trình bô-xit được triển khai chính trên một vùng đất như vậy. Và tất cả các mũi

nhọn của nó lại chĩa vào đúng những vết thương chưa lành kia : rừng, đất, nước, làng, con người, đặc

biệt người bản địa ; không chỉ tiếp tục sự tàn phá đã diễn ra từ nhiều năm trước, mà còn đưa thêm

những nhân tố gây phức tạp, thậm chí đảo lộn nặng nề hơn, chẳng hạn như nhân tố ngoại lai mà bằng

một sự nhạy cảm sâu sắc nhiều tầng lớp nhân dân đã tỏ rõ sự lo lắng và bức xúc lớn, không được

phép ngang nhiên coi thường. Chính bằng sự nhạy cảm đó mà đất nước này đã được bảo vệ và tồn tại

mấy nghìn năm nay.

Le projet d’exploitation de la bauxite est essentiellement basé sur un tel terrain. Et toutes ses aiguilles continuent à pointer vers ces plaies : la forêt, le sol, l’eau, le village, l’habitant, en particulier les gens nés sur ce sol. Ce projet est à balancer entre le pour et le contre car non seulement il continue la destruction qui dure depuis des années, mais il introduit d’autres facteurs plus graves, à savoir le facteur exotique, envers lequel les Vietnamiens, par une profonde sensibilité, ne cessent pas de montrer de plus en plus d’inquiétudes et de préoccupations. A noter également que c’est grâce à cette sensibilité que notre pays se protège et existe depuis des milliers d’années.

Tôi rất nhất trí với những tính toán về cái giá phải trả cho thua lỗ kinh tế, cái giá nặng nề về

môi trường, về công nghệ lạc hậu… của chương trình này do các chuyên gia nêu ra. Nhưng tôi muốn

nói thêm, ở Tây Nguyên, nhất là trong tình hình hiện nay, tất cả những cái giá đó đều trở thành những

cái giá về văn hoá và xã hội, nặng nề đến mức có thể đây sẽ là cú đấm cuối cùng đối với Tây Nguyên,

với không gian sinh tồn thiết yếu của người Tây Nguyên.

Je suis entièrement d’accord avec des calculs pour le prix à payer pour les déficits économiques, le coût pour l’environnement, le retard technologique… du présent programme qu’ont mentionnés les experts. Mais je voudrais ajouter un autre détail, c’est que dans la situation actuelle de Tay Nguyen, tous ces prix deviennent le prix de la diversité culturelle et sociale. Ce prix est lourd à tel point que ce serait le dernier coup de poing réservé à ces Hauts Plateaux du centre, l’espace de survie essentiel des habitants de cette région.

Chấp nhận chương trình này là chúng ta chấp nhận không còn Tây Nguyên, không còn cái

mái nhà phải giữ cho kỳ được để đảm bảo phát triển bền vững, không chỉ cho Tây Nguyên mà cho cả

nước ; là chấp nhận phát triển bằng bất cứ giá nào, chấp nhận hy sinh tương lai cho hôm nay. Cũng là

không còn coi trọng sự tồn tại của các tộc người bản địa như những thực thể văn hoá xã hội từng là

chủ nhân của vùng đất có ý nghĩa sinh tử này của tổ quốc ta.

Page 580: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

26

Accepter ce projet, c’est accepter d’effacer totalement ce terrain. Il n’y aura plus le toit qu’on doit à tout prix préserver en vue d’assurer le développement durable, non seulement en faveur de Tay Nguyen, mais aussi en faveur du pays entier. Adopter ce projet, c’est aussi accepter le développement à n’importe quel prix, accepter le sacrifice du futur pour l’intérêt d’aujourd’hui, c’est enfin manifester l’indifférence vis-à-vis de l’existence des ethnies minoritaires, qui auraient dû être considérées comme les propriétaires du terrain, qui est étroitement lié à la question de vie ou de mort de la patrie.

4. Document 4 : Lettre de Ngo Bao Chau

Princeton, ngày 27 tháng 5 năm 2009

Princeton, le 27 mai 2009

Kính gửi Quí vị Đại biểu Quốc hội khóa 12

A l’attention des représentants de l’Assemblée, 12e promotion

Đã có khá nhiều phản biện thuyết phục về kinh tế, ảnh hưởng môi trường và an ninh của dự

án khai thác bô xít ở Tây Nguyên, tôi không có gì bổ sung thêm. Tôi mạn phép cầm bút viết cho Quí

vị với tư cách là một công dân suy nghĩ và trăn trở với vận mệnh của đất nước. Phần lớn các Quí vị

cũng như tôi không phải chuyên gia trong các vấn đề kể trên, nhưng với những tư liệu được cung cấp,

chúng ta có thể chắt lọc một số sự thật hiển nhiên, gọi chúng bằng tên của chúng, sắp xếp chúng một

cách có logic để mỗi người có thể có quan điểm riêng của mình. Đó là phương pháp làm việc khoa

học mà qua trải nghiệm hàng ngày trong công việc của một nhà toán học, tôi biết nó không dễ dàng.

Nhưng đó chính là trách nhiệm mà Nhân dân đã phó thác lên vai của Quí vị.

Il y a maintenant assez de critiques convaincues de l’impact économique, environnemental ainsi que de l’importance des répercussions sur la sécurité sociale du projet d’exploitation minière de la bauxite dans les montagnes du centre, je n’ai rien à ajouter. Je me permets de vous écrire en tant que citoyen qui réfléchit et s’inquiète du destin du pays. La plupart d’entre vous, et moi également, nous ne sommes pas experts dans les spécialités mentionnées ci-dessus, mais avec une abondante documentation, nous pouvons extraire certaines vérités, les appeler par leurs noms et les trier de manière logique pour que chacun d’entre nous ait sa propre opinion. C’est une méthode de travail scientifique que moi, en tant que mathématicien, je ne trouve pas du tout facile. Mais c’est la responsabilité que notre peuple vous a confiée.

Page 581: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

27

Quan hệ Việt Nam-Trung Quốc dài và sâu như chính lịch sử Việt Nam. Người Việt Nam có

phông văn hóa, cách suy nghĩ và ứng xử nhiều phần giống người Trung Quốc, không ít người Việt

Nam có tổ tiên đến từ Trung Quốc. Quan hệ với Trung Quốc vừa là một phần hữu cơ vừa là một nguy

cơ cho sự tồn vong của bản sắc Việt Nam. Đây là một dữ kiện lịch sử mà ta không nên mất thời gian

bàn xem nó tốt hay xấu, đáng vui hay đáng buồn, mà dành thời gian để suy nghĩ đến hệ quả của nó.

[…]

La relation entre le Vietnam et la Chine est aussi longue et profonde que l’histoire du Vietnam. Les Vietnamiens bénéficient d’une culture ressemblant presque à celle des Chinois, d’où certains points identiques dans les mentalités et les comportements. La relation avec la Chine constitue une relation organique qui présente aussi un risque pour l’identité vietnamienne. C’est un fait historique que nous ne devons pas gaspiller du temps pour discuter s’il est bon ou mauvais, s’il apporte des avantages ou cause des soucis. Ce que nous avons à faire, c’est de prendre du temps pour réfléchir à ses conséquences. […]

Cái tôi muốn đề cập đến trong bức thư này không phải là quan hệ giữa nhân dân Việt Nam

và nhân dân Trung Quốc mà là chính sách “thực dân mới” của chính quyền Trung Quốc.

Ce dont je voudrais parler dans cette lettre n’est pas la relation entre les deux peuples vietnamien et chinois, c’est plutôt la politique « néo-colonialiste » du gouvernement chinois.

Cũng như các nước Anh, Pháp trong thế kỷ mười chín, Mỹ trong thế kỷ hai mươi, công

nghiệp Trung Quốc trong thế kỷ hai mốt phát triển như vũ bão. Hệ quả hiển nhiên là Trung Quốc

hôm nay, cũng như các nước kể trên hôm qua, đói nhiên liệu, nguyên liệu và thị trường tiêu thụ các

sản phẩm của mình. Như trong sách lịch sử cho học sinh phổ thông, ta gọi các nước Anh, Pháp cho

quân đi chiếm thuộc địa là chính sách thực dân cũ, Mỹ trong thế kỷ hai mươi và Trung Quốc hôm

nay dùng uy thế chính trị và kinh tế để dành nhiên liệu nguyên liệu và thị trường là chính sách “thực

dân mới”. Đây cũng là một dữ kiện lịch sử mà ta không nên mất thời gian bàn xem thực dân cũ, mới

là tốt hay xấu, gọi tên như thế có quá đáng hay không, mà dành thời gian để suy nghĩ đến hệ quả của

nó. Hệ quả cho các nước bị thực dân như ở châu Phi thì ta biết : tài nguyên khai thác bừa bãi, môi

trường tàn phá, kinh tế phát triển lệch lạc do quá phụ thuộc vào việc khai thác tài nguyên kéo theo tệ

tham nhũng và bất bình đẳng xã hội nghiêm trọng.

Tout comme l’Angleterre et la France au XIXe siècle, ou comme les Etats-Unis au XXe siècle, l’industrie de la Chine se développe, au XXIe siècle, à un rythme impétueux. La conséquence évidente pour la Chine d’aujourd’hui, comme autrefois pour les pays mentionnés ci-dessus, c’est le besoin impérieux de carburant, de matières premières et aussi de marchés pour commercialiser ses produits. Dans les livres d’histoire destinés aux écoliers, nous appelons « l’ancienne politique coloniale » la politique de l’Angleterre et de la France qui mobilisaient leur armée

Page 582: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

28

pour augmenter leurs colonies, et « le néo-colonialisme » celle des Etats-Unis et de la Chine qui utilisent leur puissance politique et économique pour agrandir leur marché et pour obtenir des matières nécessaires en faveur de leur accroissement. Il s’agit là d’autres faits historiques ; nous ne devons pas perdre du temps pour voir laquelle des deux politiques est la meilleure et si une telle appellation est excessive ou non. Ce que nous avons à faire, c’est aussi de prendre du temps pour réfléchir à leur conséquence. Et nous constatons immédiatement que sont évidentes les conséquences dans les pays coloniaux d’Afrique : l’exploitation inconsidérée des ressources naturelles, la dévastation de l’environnement, la corruption et l’inégalité sociales dues au développement économiques déréglé.

Trung Quốc thực hiện chính sách “thực dân mới” một cách có hệ thống ở châu Phi, châu Mỹ

la tinh và mọi nơi có nhiên liệu, khoáng sản trong đó có Việt Nam. Trong trường hợp của Việt Nam,

ảnh hưởng quá mức của Trung Quốc có thể kéo thêm hệ quả nguy hiểm sau đây : quan hệ hữu cơ vốn

có của văn hóa Trung Quốc với văn hóa Việt Nam trở thành đô hộ văn hóa. Đất nước, con người, văn

hóa Trung Quốc có nhiều thứ để ta cảm phục và học tập. Nhưng nếu ta rập khuôn theo mô hình của

họ, đi theo con đường họ đã đi, làm theo cái họ nói tức là cái họ muốn, thì ta chỉ nhận phần thiệt thòi,

còn bản sắc ta thì tồn vong được bao lâu. Vấn đề độc lập văn hóa, giữ gìn bản sắc vô cùng hệ trọng,

xin Quí vị lưu ý...

La Chine adopte de manière systématique une politique néo-colonialiste en Afrique, en Amérique latine et dans tous les pays riches en combustible et en minéraux, dont le Vietnam. Dans le cas particulier du Vietnam, l’influence excessive de la Chine peut encore entraîner d’autres conséquences dangereuses, à savoir par exemple la domination culturelle engendrée probablement par la relation organique entre les deux cultures vietnamienne et chinoise. Certes, le pays, le peuple et la culture chinoise méritent d’être admirés et nous servent d’exemples, mais si nous suivons leur modèle en suivant leur chemin, en faisant ce que les Chinois disent, c’est-à-dire ce qu’ils veulent, nous ne récoltons que les désavantages, autrement dit, c’est eux qui tirent le plus de profit. D’ailleurs, notre identité culturelle est menacée. Ces questions de l’indépendance culturelle et de la préservation de l’identité sont d’une grande importance, soyez donc prudents !

Xin quay lại vấn đề khai thác bô xít ở Tây Nguyên. Đọc tuyên bố chung Việt Nam-Trung

Quốc năm 2001 khi Tổng bí thư Nông Đức Mạnh sang thăm Trung Quốc và năm 2006 khi Tổng bí

thư Hồ Cẩm Đào sang thăm Việt Nam, ta nhận thấy một điều hiển nhiên là Trung Quốc rất quan tâm

đến tài nguyên này và muốn ta khai thác bằng được. Trong những trường hợp như vậy, chỉ suy diễn

ta cũng thấy việc này có lợi cho họ nhiều hơn cho ta.

Revenons à la question de l’exploitation de la bauxite dans les Hauts Plateaux. Après la lecture de la déclaration commune entre les deux gouvernements

Page 583: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

29

vietnamien et chinois lors des visites du Secrétaire général Nong Duc Manh en Chine en 2001 et du Secrétaire Hu Jintao au Vietnam en 2006, j’ai remarqué que la Chine est très intéressée par cette ressource naturelle et veut bien que nous l’exploitions. Par une simple déduction, nous constatons facilement que ce travail est extrêmement rentable pour eux, voire beaucoup plus avantageux que pour nous.

Tuy nhiên, suy diễn thôi không đủ. Nghiên cứu kỹ Báo cáo của Chính phủ và các phản biện

đặc biệt quan tâm đến những con số, cá nhân tôi có ý kiến sau đây :

Mais cette seule déduction n’est pas suffisante pour donner une conclusion. L’étude détaillée du rapport du gouvernement et des critiques me permet de formuler quelques observations :

1) Dữ kiện chính của vấn đề là Việt Nam có nguồn tài nguyên bô-xít lớn thứ ba thế giới chủ

yếu tập trung ở Tây Nguyên. Dữ kiện này kéo theo sự quan tâm của các nước công nghiệp đói bô-xít

chứ không kéo theo ta phải khai thác bô-xít. Về phía ta, dữ kiện trên kéo theo ta có thể lựa chọn có

khai thác bô-xít hay không và nếu có, ta có thể lựa chọn thời điểm và qui mô thích hợp.

1) Le centre du problème est que le Vietnam est le troisième pays du monde disposant d’une ressource abondante en bauxite. Cela intéresse vivement les pays industriels qui ont besoin de la bauxite, mais n’entraîne pas du tout le corollaire que le Vietnam est obligé d’exploiter cette source naturelle. Au contraire, notre pays a pleinement le droit de prendre la décision concernant l’extraction ou non de la bauxite. Au cas où on est favorable à ce projet, on peut tout à fait choisir le moment et l’envergure d’exploitation qui nous seraient le plus profitables.

2) Báo cáo của Chính phủ cho biết qui hoạch bô-xít được lập trong bối cảnh kinh tế tăng

trưởng. Tại thời điểm này, kinh tế toàn cầu đi vào khủng hoảng, có nguy cơ kéo dài. Dữ kiện chính về

kinh tế vĩ mô không còn đúng nữa, không rõ hiệu quả kinh tế đã được tính toán lại như thế nào.

Trong báo cáo của Chính phủ, phần chắc chắn là phần lỗ những năm đầu, vì là lỗ kế hoạch. Ngay cả

tính toán giả định ta cũng chưa rõ là sẽ lỗ kế hoạch bao nhiêu năm. Phần lãi sau đó phụ thuộc vào

nhiều giả thiết : giá nhôm tăng trở lại, mưa đủ để có nước rửa quặng, nhà nước đầu tư thêm vào

đường sắt để vận chuyển quặng. Nếu cứ cho mỗi giả thiết sác xuất 50-50 như cách diễn đạt của lãnh

đạo Than khoáng sản, sác xuất có lãi sau một số năm lỗ kế hoạch, nhiều nhất là một phần tám, chưa

tính đến chi phí cho môi trường.

2) Le rapport du gouvernement montre que la planification d’aménagement du projet a été élaborée dans un contexte de croissance économique. Or, en ce moment, l’économie mondiale est en crise, et cela risque de durer encore…La donnée concernant la condition macro-économique n’est donc plus vraie. Je ne sais pas si on pense à recalculer l’efficacité économique. Selon le rapport du gouvernement, on est sûr de subir des pertes durant les premières années. Ces

Page 584: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

30

déficits concernent la non-conformité de l’avancée du projet. Mais le calcul du gouvernement n’est pas clair quant au nombre des années de pertes par rapport au plan. S’agissant des profits, le rapport précise que ces facteurs dépendent de plusieurs hypothèses : l’augmentation du prix de l’aluminium, la quantité suffisante de pluie pour laver le minerai, l’investissement du gouvernement dans le chemin de fer pour transporter le minerai…Si chacune de ces hypothèses a la probabilité de 50-50 comme l’a dit le leader de l’association du charbon minéral, nous pourrions bénéficier d’un intérêt de un huitième, sans compter le coût pour l’environnement.

3) Diện tích sử dụng cho khai thác bô-xít dự kiến là 8,6% tỉnh Đắc Nông là một con số

khổng lồ nếu ta nghĩ đó là 8,6m2 trên tổng diện tích 100m2 nhà của ta.

3) La superficie totale utilisée pour l’extraction de la bauxite est prévue à 8,6 % de la surface de la province de Dak Nong. C’est un chiffre énorme si nous comparons à 8,6 m2 par rapport à la surface de 100 m2 de notre maison.

4) Báo cáo cho biết khai thác bô-xít không thể tránh khỏi ảnh hưởng nhất định đến môi

trường và có nêu một số giải pháp công nghệ khắc phục. Trong các phản biện có nêu khó khăn đặc

thù của ta là khai thác bô-xít ở đầu nguồn một số sông lớn như sông Đồng Nai, chưa có tiền lệ trên

thế giới. Cá nhân tôi băn khoăn nhất chỗ thiếu hoàn toàn dự toán chi phí cho việc bảo vệ môi trường.

Ngay trong nhưng trường hợp đơn giản hơn như Vedan, công nghệ thì đã có, nhưng vi phạm môi

trường thì vẫn đỡ được 30% chi phí. Như vậy phần ảnh hưởng đến môi trường là phần chắc, phần bảo

vệ môi trường còn phụ thuộc vào nhiều giả thiết, có cái phụ thuộc vào ta (chọn công nghệ), có cái

không phụ thuộc vào ta (thời tiết, địa thế), có cái ta chưa tính toán đến (chi phí), vì vậy rất đáng lo.

4) Le rapport montre également que l’exploitation de la bauxite apporte inévitablement quelques influences néfastes sur l’environnement. Il propose aussi certaines solutions technologiques pour remédier à ce problème. Personnellement, je me demande pourquoi n’a pas été prévu un budget réservé uniquement à la protection de l’environnement. Dans l’exemple plus simple de l’usine Vedan, on a déjà la technologie, mais on doit toujours réserver 30 % des frais pour les violations de l’environnement. Ainsi, les mauvais impacts sur la nature sont inévitables. La protection, quant à elle, dépend de plusieurs hypothèses, dont certaines dépendent de nous (le choix de la technologie), certaines ne dépendent pas de nous (météo, terrain), et ce qui est le plus inquiétant c’est que nous n’avons pas pensé au coût réservé à ce problème.

5) Báo cáo cho biết dự án có ảnh hưởng tốt cho xã hội, cụ thể tạo ra hàng ngàn công ăn việc

làm cho nhân dân địa phương. Nếu so sánh với mức đầu tư hàng tỉ đô-la Mỹ, thì có nhiều cách hay

hơn, an toàn hơn, hiệu quả kinh tế nhãn tiền hơn, để tạo vài ngàn việc làm. Lưu ý con số công ăn việc

làm trong báo cáo tương đương với con số hộ dân bị di chuyển. Còn viễn cảnh xây dựng trung tâm

dịch vụ, khách sạn, du lịch và giải trí xung quanh hồ chứa bùn đỏ, theo tôi, ít có sức thuyết phục.

Page 585: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

31

5) Le rapport dit que le projet a un impact positif dans la société en créant des milliers d’emplois pour la population locale. En comparaison avec les milliards de dollars d’investissements américains, il existe de nombreuses autres solutions plus sécurisées, plus efficaces qui créent aussi des milliers d’emplois. En plus, le nombre de travailleurs cité dans le rapport est équivalent à celui des ménages déplacés. Quant à la perspective de construction de centres de service, d’hôtels en vue du développement du tourisme et des loisirs autour des réservoirs de boues rouges, je trouve ce projet non convaincant.

Xin nhắc lại, cũng như phần đông Quí vị, tôi không phải chuyên gia ngành khai thác khoáng

sản, nhưng qua nghiên cứu kỹ Báo cáo của Chính phủ và các phản biện của nó, tôi nhận thấy trong

Quy hoạch chung khai thác bô-xít ở Tây Nguyên, phần có hại thì cầm chắc, phần có lợi thì mong

manh. Bối cảnh kinh tế thế giới rất không thuận lợi cho khai thác nguyên liệu thô, vậy cái gì thúc đẩy

ta triển khai khai thác ào ạt vào thời điểm này.

Là encore, je voudrais vous rappeler que comme la plupart d’entre vous, je ne suis pas expert dans l’industrie minière, mais à travers l’étude du rapport du gouvernement ainsi que des critiques portant sur ce rapport, je remarque que dans l’aménagement de l’exploitation de la bauxite dans les Hauts Plateaux du Centre, les désavantages sont certains, les intérêts sont aléatoires. Le contexte de l’économie mondiale n’est pas favorable pour l’exploitation des matières premières. Alors, qu’est-ce qui nous pousse à mettre en oeuvre un travail d’exploitation de manière aussi impétueuse en ce moment ?

Khác với các nước Châu Phi thế kỷ mười chín, đất nước chúng ta là một quốc gia độc lập có

chủ quyền. Quí vị, phần nhiều ở tuổi cha, tuổi chú của tôi, biết rõ hơn tôi : độc lập chủ quyền của ta

không phải tự nhiên mà có. Nước ta có một Quốc hội do nhân dân bầu ra, một Chính phủ do Quốc

hội chỉ định, một Quân đội phục tùng Chính phủ. Đó là một thành quả cũng không phải tự nhiên mà

có.

Différent des pays africains du XIXe siècle, notre pays est un pays indépendant. Vous, dont la plupart êtes de la génération de mon père et de mes oncles, vous savez mieux que moi que la souveraineté de notre pays n’est pas évidente. Notre pays a une assemblée nationale élue par le peuple, un gouvernement nommé par l’assemblée, une armée qui obéit au gouvernement. Ce n’est pas un résultat naturel.

Tôi kính mong Quí vị bỏ thời gian, nghiên cứu tường tận Báo cáo dự án khai thác bô-xít Tây

Nguyên, các phản biện khoa học của nó, lắng nghe ý kiến cử tri và suy nghĩ đến sự tồn vong của đất

nước, để rồi xây dựng quan điểm riêng của Quí vị, trình bày nó rõ ràng trong nghị sự của Quốc hội và

chịu trách nhiệm về nó trước các cử tri.

Page 586: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

32

Je vous prie donc de prendre du temps pour étudier, analyser de façon détaillée le projet d’aménagement d’exploitation minière dans les Hauts Plateaux et ses critiques scientifiques. Veuillez écouter les différentes opinions des électeurs en tenant compte de la survie du pays avant de prendre votre position. Et surtout, exposez clairement votre point de vue dans l’ordre du jour de l’assemblée nationale et prenez-en la responsabilité devant les électeurs.

Tôi rất biết đây là việc khó, nhưng dù Quí vị muốn hay không muốn, nhân dân đã đặt niềm

tin lên vai của Quí vị.

Je sais que c’est un travail très difficile, mais le peuple a mis sa confiance en vous.

Ngo Bao Chau

Professeur de mathématiques à l’Université Paris 11e, France

Membre de Institute for Advanced Study

Einstein Drive

Princeton

5. Document 5 : Discours de M. Duong Trung Quoc

Voici la traduction d’un discours prononcé par un député lors de la réunion de l’Assemblée nationale, 12e promotion. : Duong Trung Quoc, député de la province de Dong Nai

[…] Một vấn đề gây được sự quan tâm của cử tri vào thời điểm này là dự an khai thác Bôxít

ở Tây Nguyên, việc báo cáo chính thức của Thủ Tướng chính Phủ, chỉ lướt qua có vài dòng, và phải

đến kỳ họp Quốc hội đã diễn ra được 2 ngày, Chính phủ mới ủy quyền Bộ trưởng Bộ thương mại có

văn bản giải trình, theo chỉ đạo của Bộ Chính trị, cho thấy trong tư duy của Chính phủ, đây vẫn là sự

đối phó nhiều hơn là việc nhận thức tầm quan trọng của vấn đề này.

[…] La question qui suscite en ce moment beaucoup de préoccupations chez les électeurs est celle concernant l’exploitation de la bauxite dans les Hauts Plateaux du centre. Le rapport officiel du gouvernement n’en parle qu’en quelques lignes. Seulement 2 jours après le commencement de la réunion de l’assemblée nationale, le gouvernement a demandé au ministère du commerce intérieur d’être, sous la direction du politburo, chargé de donner les explications. Cela montre que, dans

Page 587: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

33

l’esprit du gouvernement, il s’agit plutôt d’une manière de travail « pour faire face à » qu’une sérieuse prise en considération de l’importance du problème.

Tôi không bàn về các vấn đề liên quan đến Khoa học công nghệ, nhưng tôi đã dự những

buổi hội thảo, đã đọc những phản biện nghiêm túc, công phu theo đúng chức năng, như phản biện của

Liên hiệp các hội Khoa học kỹ thuật Việt Nam mà tôi là thành viên, vì tôi thấy luận chứng của Chính

phủ chưa giải đáp được những phản biện mà các nhà khoa học đã đưa ra.

Je ne me permets pas de discuter des questions technologiques, mais en participant aux séminaires, en lisant de nombreuses critiques argumentées sur ce sujet, comme par exemple celle de l’Association scientifique et technique du Vietnam dont je suis membre, je constate que les arguments exposés par le gouvernement ne répondent pas encore aux questions posées par les scientifiques.

Riêng tôi, tôi xin phát biểu dưới góc độ của một người làm công tác nghiên cứu lịch sử , và

tôi rất tiếc là có một cử tri lão thành, một hội viên, cũng là Chủ tịch danh dự của hội sử học VN

chúng tôi – Đó là Đại tướng Võ Nguyên Giáp đã có tới 3 bức thư phát biểu vấn đề này, mà bức thư

cuối cùng đề ngày 20/05/2009, tức là đúng ngày khai mạc kỳ họp Quốc hội, gửi các cơ quan lãnh đạo

và Quốc hội, mà rất tiếc cho đến thời điểm này rất ít đại biểu Quốc hội biết tới. Tôi xin bày tỏ quan

điểm của tôi bằng những câu hỏi.

Personnellement, je voudrais présenter mon point de vue en tant que chercheur en histoire. Je regrette de dire qu’un ancien électeur qui fait aussi partie de notre association, qui est également le Président d’honneur de l’Association de l’Histoire, le général Vo Nguyen Giap, a pris la plume à trois reprises pour exprimer ses réserves aux autorités et aux députés ; sa plus récente lettre date du 20 juin 2009, c’est-à-dire du jour de la séance d’ouverture de la réunion de l’Assemblée nationale. Or, à l’heure actuelle, très peu d’entre nous en sont au courant.

Je me permets d’exposer mon opinion par les questions suivantes.

Thứ nhất : Trong tư duy của Chính phủ, có dự trữ cho tương lai, có để dành cho con cháu

không, hay có chút của giả nào của tổ tiên để lại thì làm cho bằng hết. Đất đai, than đá, dầu khí hiện

chiếm 1 tỷ trọng rất cao trong tổng thu Ngân sách là một biểu hiện.

Premièrement, est-ce que le gouvernement pense à garder en réserve des ressources naturelles pour les nouvelles générations ? Ou bien nous allons exploiter à sec tous les biens que nous ont laissés nos ancêtres ? Le sol, la houille, le complexe pétrolier et gazier représentent actuellement un taux élevé dans le budget national, ce qui suffit à justifier ce que je viens de dire.

Người phương Bắc họ có “thập tam lăng” là 13 ngôi mộ của các Hoàng Đế, họ chỉ khai quật

một vài còn lại để cho con cháu khi đủ tiền, đủ tài. Còn khoáng sản thì họ đi mua thô để dự trữ cho

tương lai.

Page 588: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

34

Les gens du Nord62 ont une grosse fortune qui est constituée de 13 mausolées des rois, mais ils n’en ont exhumé que quelques-uns, laissant le reste aux futures générations. Quant au minerai, ils achètent des matières brutes afin de stocker pour l’avenir.

Tại sao ta không để dành Bô xít cho con cháu làm, khi chúng ta có đủ năng lực để làm và để

đạt được hiệu quả kinh tế cao nhất. Ngoài Bô xít, Tây nguyên còn nhiều tiềm năng khác, Bô xít

không phải là duy nhất. Tổ tiên ta đã dạy “lọt xàng xuống nia” hay còn nhiều câu khuyên hay hơn

như “đời cha phải tập ăn nhạt thì đời con mới có nước uống”

Alors, pourquoi ne reporterions-nous pas ce travail d’exploitation d’un tel gisement de bauxite dans quelques années, quand nous aurons suffisamment de compétences en vue de l’obtention d’une efficacité économique maximale. De plus, en dehors de la bauxite, dans les Hauts Plateaux du centre, il y a d’autres potentialités. La bauxite n’est pas la seule ressource à exploiter. Nos ancêtres nous ont appris : « traverser le tamis, tomber sur le van » ou encore « si le père apprend à manger des aliments insipides, son enfant aura de l’eau à boire » pour dire que l’enfant subit les conséquences fâcheuses des actes de son père.

Thứ hai: Một câu hỏi được đặt ra là Vì sao một chủ trương lớn như thế, quan trọng như thế

có thể làm thay đổi Tây Nguyên như thế và đã được chuẩn bị lâu như thế, mà đến lúc này Quốc hội

mới có cơ hội được bàn đến, phải chăng đây có vấn đề trong cái nguyên lý “Ý Đảng Lòng Dân”, hay

giữa chủ chương của Chính Phủ và lòng dân còn có một khoảng cách.

Deuxièmement, pourquoi une option si importante, susceptible de changer tous les Hauts Plateaux du centre et qui est préparée depuis longtemps, est jusqu’à l’heure actuelle, en ce moment précis, discutée au sein de cette réunion ? Y a-t-il un problème dans le principe « conformité entre la décision du Parti et l’opinion populaire » ? Ou bien existe-t-il une divergence entre l’option du gouvernement et l’opinion de la population ?

Tôi không dám như đại biểu tỉnh Lâm Đồng, nhân danh là toàn thể nhân dân của tỉnh ủng

hộ, tôi chỉ dựa vào ý kiến của một bộ phận, mà chính trong văn bản của Bộ Chính trị đã bày tỏ lòng

biết ơn, đó là những vị lão thành cách mạng, đó là những nhà khoa học tâm huyết, để nói rằng tại sao

một vấn đề đặt ở tầm mức quan trọng như vậy mà cái bộ phận nhân dân này vẫn chưa cảm thấy đồng

thuận, vậy thì Quốc hội phải xem chính vai trò của mình tại sao đứng ngoài sự việc.

Je n’ose pas, comme le député de la province de Lam Dong, représenter tous les habitants pour me déclarer entièrement favorable au projet. Je m’appuie seulement sur l’opinion d’une partie des gens envers lesquels dans son rapport, le

62 Les Chinois

Page 589: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

35

politburo a manifesté de la reconnaissance : ce sont des vieux combattants, des scientifiques qui ont du cœur, pour poser la question : Pourquoi face à une question d’une telle importance, cette partie de peuple ne manifeste-t-elle pas encore un consentement unanime ? Dans cette perspective, l’Assemblée nationale a à revoir sa place en se demandant pourquoi elle est en marge de cette affaire.

Khi giải trình, Chính phủ đưa ra hai tiêu chí, để dự án này không đưa ra Quốc hội là “hạn

mức đầu tư chưa đủ” và “mới là quy hoạch” vậy mà ai cũng biết rằng việc xây dựng nhà Quốc hội và

mở rộng Hà Nội đã từng đưa ra Quốc hội đâu phải vì “hạn mức đầu tư” hay “mới là quy hoạch”.

Dans son rapport, le gouvernement a cité deux raisons pour expliquer pourquoi l’Assemblée n’est pas encore informée de ce projet d’exploitation de la bauxite. La première est que ce projet est loin d’avoir atteint le seuil d’investissement déterminé, et la seconde consiste à dire qu’il n’est à peine qu’un plan d’aménagement. Or, tout le monde sait bien que les projets de construction de la maison de l’Assemblée et d’élargissement de Hanoï ont été discutés au sein de l’Assemblée non pas pour l’insuffisance de l’investissement ni pour l’aménagement. Còn ý kiến của Bộ Thương mại cho rằng, nhiều người không tán thành Bô xít vì thiếu thông

tin, thậm chí bị những thông tin xấu lung lạc, vậy thì trách nhiệm đầu tiên cũng thuộc về Chính phủ.

Chính tôi đây và cũng có nhiều vị đại biểu Quốc hội khác cho đến trước ngày 22 tháng 05, tức là 2

ngày sau kỳ họp Quốc hội này, chúng ta mới có được một cái thông tin tương đối đầy đủ. Và ngày tại

cuộc hội thảo do Phó thủ tướng Hoàng Trung Hải chủ trì mà tôi có tham dự ngày mùng 09 tháng 04,

khi Liên hiệp các Hội khoa học kỹ thuật Việt Nam, sau một cái Công trình nghiên cứu đưa ra con số

những lao động Nước ngoài sử dụng Visa du lịch, thì ngay lập tức Chủ tịch – đại diện của tỉnh Lâm

đồng chỉ đưa ra một con số không đầy 1/10, mà trong khi đó Phó thủ tướng – người chủ trì không đưa

ra nổi con số nào chính xác, như thế là chúng ta không có đầy đủ thông tin.

Quant à l’opinion du Ministère du Commerce selon laquelle de nombreuses personnes ne sont pas favorables au projet d’exploitation de la bauxite à cause du manque d’informations, voire de la mauvaise influence des fausses informations, j’estime que le gouvernement doit en tenir compte. Moi, en personne, et probablement beaucoup d’entre vous, on a, jusqu’au 22 mai, c’est-à-dire deux jours après notre séance d’ouverture, assez suffisamment d’informations nécessaires concernant cette affaire. Lors du séminaire animé par le vice premier ministre Hoang Trung Hai, auquel j’ai eu l’occasion de participer, l’Association nationale scientifique et technique, après un travail de recherche, a donné un chiffre du nombre de travailleurs étrangers présents déjà sur place, dotés seulement de visas de tourisme63 alors que le député venant de la province de Lam Dong a donné un

63 L’embauche d’ouvriers étrangers non qualifiés est interdite au Vietnam

Page 590: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

36

chiffre égal au dixième. Quant au vice premier ministre, il ne donne aucun chiffre exact. Tout cela suffit à dire que nous n’avons pas suffisamment d’informations.

Cuối cùng: tôi đoán chắc rằng khi triển khai quy hoạch này, Chính phủ chưa quan tâm đến

lịch sử Tây Nguyên, nhất là lịch sử gắn kết Tây Nguyên với lãnh thổ của Tổ quốc chúng ta. Chúng tôi

sẵn sàng phát biểu nếu có thời gian, và Chính phủ nếu có lắng nghe ở một kỳ Quốc hội khác.

Enfin, je crois que le gouvernement, pour la conception de cet aménagement, ne tient pas compte de l’histoire de Tay Nguyen, en particulier de la relation étroite entre l’histoire de ces Hauts Plateaux du centre et celle de notre pays. Nous sommes prêt à exposer plus clairement notre point de vue à une autre occasion, si nous avons plus de temps et si le gouvernement veut nous écouter. Merci de votre attention.

6. Document 6 : Discours de M. Nguyen Minh Thuyet

Voici la traduction du discours prononcé par le député Nguyen Minh Thuyet, représentant de la province de Lang Son lors de la réunion de l’Assemblée nationale, 12e promotion : Nguyen Minh Thuyet, député de la province de Lang Son

[…] Trước hết tôi xin khẳng định là tôi hoần toàn nhất trí với chủ trương phát triển khai

khoáng bô-xít và chế tạo nhôm kim loại. Tuy nhiên đọc cái báo cáo của chính phủ thì tôi chưa thấy tự

giải đáp được ba vấn đề mà dư luận nhân dân rất quan tâm. Đó là hiệu quả kinh tế, tác động đến môi

trường tự nhiên và xã hội và đảm bảo an ninh quốc phòng.

[…] Tout d’abord, je voudrais affirmer que je suis entièrement d’accord avec l’option de développement industriel de l’exploitation de la bauxite et de la fabrication de l’aluminium. Mais, après la lecture du rapport du gouvernement, je ne pense pas pouvoir répondre aux trois questions soulevées actuellement par l’opinion publique. Ce sont respectivement l’efficacité économique, l’impact écologique et social et la défense nationale.

Có thể nói dự án khai thác bô-xít ở Tây Nguyên là một đại dự án liên quan đến rất nhiều

vùng và liên quan đến rất nhiều ngành với số tiền rất là lớn. Theo quyết định 167 của chính phủ thì

dự án này từ nay đến năm 2025 sẽ cần huy động vốn đầu tư từ 190 nghìn đến 250 nghìn đồng Việt

Nam và có hàng loạt cụm mỏ, cụm nhà máy. Ở riêng Đắc Nông là có đến 4 nhà máy alumin đánh số

từ 1 cho đến 4 và các nhà máy này trải dài ra ở 4 tỉnh là Lâm Đông, Gia Lai, Đắc Nông, Bình Phước.

Page 591: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

37

On peut dire que ce projet d’exploitation de la bauxite dans les Hauts Plateaux du centre constitue un grand projet qui concerne plusieurs régions, plusieurs branches et qui demande un énorme investissement financier. Selon la décision numéro 167 du gouvernement, ce projet demandera, d’ici à 2025, une mobilisation d’un fond d’investissement de 190 à 250 mille milliards de dongs vietnamiens. Il y aura des séries de groupes de mines et d’usines. Rien qu’ à Dak Nong, on construira 4 usines de fabrication de l’aluminium, numérotées de 1 à 4, éparpillées respectivement dans les 4 provinces : Lam Dong, Gia Lai, Dak Nong, Binh Phuoc.

Thêm vào đó có rất nhiều công trình phụ trợ nên chúng ta phải xây dựng đường xe lửa dài

vào khoảng 270 đến 300 km với độ chênh của các điểm là đến 700 m, với địa hình hết sức phức tạp

quanh co. Và tính ra là phải tiêu tốn hết 3,1 tỉ đô la Mỹ.

Parallèlement à la construction de ces usines, il nous faut aussi mettre en œuvre d’autres travaux supplémentaires. Nous avons par exemple à construire une voie ferrée de 270 à 300 km environ, avec une dénivellation de 700 m, sans compter un relief complexe, sinueux. On prévoit un financement de 3,1 milliards de dollars américains pour ces travaux.

Tôi cũng không biết là cái đường xe lửa như thế thì xe lửa sẽ đi như thế nào. Nếu ôtô thì còn

có thể đi được chứ xe lửa thì chưa biết đi như thế nào. Nếu được mời đi trên đường xe lửa như thế thì

tôi cũng không biết là mình có đủ dũng cảm để đi không nhưng mà tiền thì rất là tốn. Đồng thời

chúng ta còn phải làm cái cảng ở Hòn Kê Gà hoặc là Hòn Gió. Thế thì tất cả tiền này tính vào đâu ?

Personnellement, je n’imagine pas comment un train peut fonctionner sur une telle voie ferrée. Pour les voitures, oui, c’est possible, mais pour les trains, je ne sais pas comment ça se fait. A supposer que je sois invité à prendre le train sur cette voie, je ne pense pas avoir le courage d’accepter. Or, il faut beaucoup d’argent pour la bâtir. De plus, il nous faut aussi construire un port soit à Hon Ke Ga soit à Hon Gio. Donc, d’où viendra l’argent ?

Nếu như những tiền này tính vào sản phẩm alumin thì giá rất cao, như thế chúng ta bán hoàn

toàn không có lãi. Còn nếu như mà không tính vào sản phẩm alumin và coi là công trình dân dụng thì

có thể nói là vô hình chung chúng ta đã lấy tiền thuế của dân để làm lợi cho doanh nghiệp. Cái này

chúng tôi cho là cần phải hết sức tính toán.

En ce qui concerne les produits d’alumine, on n’aura aucun bénéfice. Par contre, si on n’y pense pas en considérant toutes ces constructions comme des travaux civils, on a, sans le faire expressément, pris les impôts de la population pour servir les intérêts des entreprises. Sur ce point, il nous faut calculer soigneusement.

Page 592: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

38

Hiệu quả rất là thấp. Giá alumin chỉ bằng 12 % giá nhôm thành phẩm thôi. Và chúng tôi

cũng lưu ý là Đại hội X cũng hạn chế xuất khẩu khoáng sản thô mà alumine là khoáng sản thô. Giá

alumin và nhôm trên thị trường đang xuống rất là thấp. Cái này các đồng chí cũng biết cả rồi, chúng

tôi cũng xin không nói nhiều.

En fait, l’efficacité est faible. Le prix de l’alumine ne représente que 12 % de celui de l’aluminium ouvré. Nous vous rappelons à ce propos que lors du VIe Congrès du Parti, on était unanime pour dire qu’il faudrait limiter l’exportation des matières brutes, donc de l’alumine. Vous êtes bien au courant que le prix de l’alumine et de l’aluminium est actuellement en baisse. Je n’en parlerai plus.

Bây giờ tại sao chúng ta lại phải đi vay đến vài triệu đô la để làm các nhà máy ở Tân Rai hay

là ở Nhân Cơ trong khi nền kinh tế của chúng ta đang gặp rất nhiều khó khăn mà lãi thì chưa nhìn

thấy đâu.

Dans cette perspective, pourquoi avons-nous à emprunter des centaines de millions de dollars pour faire construire des usines comme celles de Tan Rai ou de Nhan Co quand notre économie est en difficulté ? D’ailleurs, nous ne voyons pas encore l’intérêt de ces projets.

Ngay như cả đồng chí chủ tịch của tỉnh cũng nói là 50 ăn 50 thua. Nếu như mình bỏ tiền túi

của mình ra có bao giờ mình đi kinh doanh theo kiểu là chưa nhìn thấy lãi mà mình đã đi kinh doanh

hay không. Cho nên chúng tôi xin đề nghị hết sức cân nhắc chuyện này.

Même le président du Conseil d’administration a dit que le pourcentage de gains et de pertes est de 50-50. A supposer qu’on paie avec notre argent de poche, est-ce qu’on accepte de faire du commerce quand on ne voit pas encore la possibilité de bénéfices ? En conséquence, nous vous demandons de bien balancer entre le pour et le contre dans cette affaire.

Về môi trường chúng tôi chỉ xin nói vắn tắt vì chỉ còn có hơn 2 phút.

Sur le plan écologique, je vais parler très brièvement car il me reste seulement 2 minutes.

Trước hết là về nước. Trong báo cáo của chình phủ có nói là sẽ xây các hồ chứa nước ở trên

Tây Nguyên vì đằng nào nước cũng chảy xuống sông Đồng Nai rồi chảy ra biển. Thế thì tôi xin báo

cáo với các đồng chí là đồng bằng Nam Bộ hiện nay đang khát nướcvà chúng ta cũng biết tin mới

nhất là lượng nước sông Mê Kông đang giảm xuống. Nếu bây giờ trên đó xây các hồ đập như thế thì

liệu có ảnh hưởng đến đồng bằng Nam Bộ không ?

Premièrement, c’est la question de l’eau. Dans le rapport du gouvernement, on parle de la nécessité de la construction de lacs à Tay Nguyen, en argumentant que l’eau dans ces lacs va couler vers Dong Nai puis vers la mer. Je fais une objection en disant que la plaine du Sud est actuellement déficitaire en eau. De plus, selon

Page 593: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

39

l’information la plus récente, la quantité d’eau dans le Mekong est en baisse. Donc, la construction des lacs et des barrages dans les Hauts Plateaux du centre influera-t-elle sur la plaine du Sud ?

Vấn đề thứ hai là bùn đỏ. Xin báo cáo với các đồng chí là với lượng alumin chúng ta sản

xuất ra thì từ năm 2015 mỗi năm sẽ thải ra 10 triệu tấn bùn đỏ. Như vậy hết đời của dự án này sẽ thải

ra 1,5 tỉ tấn. Đấy là những quả bom bùn treo ở trên cao, trên đồng bằng Nam Bộ và Nam Trung Bộ.

Chỗ này phải tính.

La deuxième question concerne la boue rouge. Avec la quantité d’alumine que nous allons produire, à partir de 2015, chaque année l’exploitation dégagera environ 10 millions de tonnes de boue rouge. Donc, jusqu’à la fin de ce projet, la quantité de boue rouge dégagée s’élèvera à 1,5 milliards de tonnes. Ce sont des « bombes de boue » qui seront suspendues en haut, au dessus de la plaine du Sud. Ce problème est aussi à étudier.

Vấn đề thứ ba là về hiệu quả đối với kinh tế, đối với xã hội. Chúng tôi xin nói rằng trong

thời gian qua thì trong 300 công nhân được đi đào tạo chỉ có 2 người là người của địa phương thôi.

Sáng nay tôi rất phấn khởi nghe một đồng chí đại biểu quốc hội ở tỉnh Tây Nguyên nói là dự án sẽ

nộp 500 tỉ vào cho địa phương và 1000 công nhân sẽ được đưa đi đào tạo. Chúng tôi đề nghị Quốc

hội ghi lại tất cả những con số đó và vài năm nữa chúng ta kiểm tra lại xemcó đúng thế không.

Vient en troisième lieu l’efficacité économique et sociale. A notre connaissance, parmi 300 ouvriers en formation, seulement deux sont de la région. Ce matin, j’ai été bien content d’entendre un député venant d’une province de Tay Nguyen qui disait que le projet va apporter à la région 500 milliards et que 1000 ouvriers seront en formation. Nous proposons à l’Assemblée de noter tous ces chiffres pour les vérifier dans quelques années.

Còn về an ninh quốc phòng, chúng tôi xin nói là rất may có điều chỉnh kịp thời của Bộ chính

trị cho nên sự việc có hơi khác, nhưng nếu mà đọc lại quyết định 167 thì chúng tôi thấy là chúng ta

chưa lường trước được tình hình khó khăn này cho nên trong quyết định 167 là cho phép đầu tư vốn

nước ngoài 100%. Chỗ này chúng tôi cho là chính phủ có phần chủ quan.

En ce qui concerne la défense nationale, nous dirions que le politburo a régulé à temps… En fait, la décision numéro 167 montre que nous n’avons pas suffisamment prévu la situation. Nous estimons que le gouvernement a agi légèrement en approuvant, par cette décision, le financement par des fonds étrangers à 100%.

Vậy bây giờ xử lí như thế nào ? Tôi cho rằng phải coi đây là công trình quan trọng quốc gia

bởi vì cả cụm dự án đó tiêu một số tiền gấp 10 lần tiêu chí tiền cho một công trình quan trọng quốc

gia.

Page 594: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

40

Alors, comment réagissons-nous dans cette affaire ? Nous exigeons de considérer ce projet comme un travail d’importance étatique, car il mobilise un énorme financement qui est de 10 fois supérieur au seuil de financement acceptable pour un travail d’envergure nationale.

Chúng tôi yêu cầu phải đưa vào công trình quan trọng tầm quốc gia, Quốc hội thẩm tra và

cuối năm nay chúng ta sẽ quyết định.

Ce projet doit nécessairement être surveillé et vérifié par l’Assemblée avant qu’on prenne la décision définitive en fin d’année.

Nếu chúng ta không tính cả cụm dự án mà chúng ta cứ tách từng dự án ra để nói rằng nó

chưa đến số tiền Quốc hội yêu cầu đưa vào công trình trọng điểm quốc gia thì tôi cho như thế là lách

luật.

Si nous ne faisons pas le calcul total des dépenses nécessaires à ce projet, si nous cherchons à le diviser en petits projets pour faire séparément des calculs en vue de dire qu’il n’est pas un projet d’importance nationale sous prétexte que les dépenses n’atteignent pas encore le seuil de financement déterminé par l’Assemblée, nous avons, d’après nous, triché avec la loi.

7. Document 7 : Discours du représentant de la province de Lam Dong

Voici la traduction du discours prononcé par le représentant de la province de Lam Dong lors de la réunion de l’Assemblée nationale, 12e promotion.

Nhìn chung nhân dân vùng dự án rất đồng tình ủng hộ, chỉ còn một vài hộ chưa nhận tiền

đền bù, tỉnh đang đẩy mạnh công tác tuyên truyền và vận động.

Dans l’ensemble, les habitants de notre province sont entièrement d’accord avec le projet d’exploitation de la bauxite, sauf quelques foyers qui n’acceptent pas encore de recevoir de l’argent64. Nous allons les persuader.

Quan điểm của tỉnh là không vì vấn đề môi trường mà không khai thác tiềm năng tài năng

của địa phương để phát triển kinh tế. Nhưng cũng không vì mục tiêu phát triển kinh tế mà không đặc

64 Pour mettre en oeuvre le projet d’exploitation de la bauxite, le gouvernement donne aux habitants

une somme d’argent afin que ceux-ci soient d’accord pour quitter leur habitation et déménager.

Page 595: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

41

biệt quan tâm đến vấn đề bảo vệ môi trường. Tỉnh sẽ phối hợp cùng bộ tài nguyên môi trường giám

sát chặt chẽ việc thực hiện của chủ đầu tư đúng như qui định.

Notre point de vue, c’est d’approuver l’exploitation des ressources potentielles de la région en faveur du développement économique du pays, malgré des problèmes écologiques. Mais cela ne revient pas à dire qu’on ne s’intéresse pas du tout à l’environnement et qu’on ne pense qu’à un objectif économique. On va collaborer avec le Ministère des Ressources et de l’Écologie pour surveiller régulièrement les actions de l’investisseur.

Việc triển khai dự án khai thác bô xít ở Tân Rai nhỏ so với tổng diện tích đất tự nhiên đất

nông nghiệp mà Lâm Đồng có, chỉ bằng 1,4 % nên ảnh hưởng không lớn đến sản xuất nông nghiệp

của vùng. Khu vực dự án là vùng nghèo, năng suất sản lượng chè cà phê trong vùng rất thấp do tầng

phủ mỏng, bên dưới là bô xít.

La mise en œuvre du projet de la bauxite se fait sur une surface de terrain agricole qui représente seulement 1,4 % de la superficie de la province, c’est pourquoi elle n’influe pas forcément sur l’activité de la production agricole de la région. Le lieu où s’applique le projet est d’ailleurs pauvre, la productivité du thé et du café est très basse à cause de l’existence de la bauxite sous la couche de terre.

Dự án bô xít Tân Rai do tập đoàn than khoáng sản VN là doanh nghiệp nhà nước làm chủ

đầu tư. Công ty Chalico là đơn vị trúng thầu thi công nhà máy. Sauk hi nhà máy hoàn thành đưa vào

sản xuất vận hành thì công ty Chalico sẽ rút toàn bộ lao động về nước. Hiện có 643 lao động là người

TQ ở tại dự án này.

Le projet de la bauxite à l’usine Tan Rai est surveillé par le groupe de charbon et de minerai, une entreprise étatique. La société Chalico65 est responsable de la construction de l’usine. Dès qu’elle fonctionnera, tous les travailleurs de Chalico rentreront dans leur pays. Actuellement, il y a environ 643 travailleurs chinois sur chantier.

Kính thưa quốc hội, theo xu hướng của chúng tôi, triển khai dự án khai thác bô xít để đảm

bảo sản xuất alumina sẽ tác dộng tích cực đến sự phát triển kinh tế xã hội, đảm bảo an ninh chính trị

trên địa bàn của Lâm Đồng. Nó sẽ thực hiện được chủ trương hiện đại hóa công nghiệp hóa theo xu

thế chung của đất nước và chuyển cơ cấu kinh tế của tỉnh theo xu hướng tăng trưởng tỉ trọng công

nghệ trong tổng giá trị PGI, sẽ tăng vốn đầu tư đầu xã hội trên địa bàn.

Messieurs les députés, à notre avis, la mise en œuvre du projet d’exploitation de la bauxite va influer positivement sur la croissance économique, tout en assurant

65 Chalico est une entreprise chinoise. La présence d’un grand nombre de Chinois sur le chantier

constitue aussi l’objet de plusieurs controverses.

Page 596: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

42

la sécurité politique sur l’aire de la province de Lam Dong. Ce projet contribue à renforcer la modernisation et l’industrialisation du pays, à développer l’économie de la province et à augmenter les fonds d’investissement de la province.

Qua tiếp xúc với cử tri, cán bộ và nhân dân trong tỉnh chúng tôi chưa phát hiện những ý kiến

phản ảnh hoặc phản bác không đồng tình việc triển khai dự án. Quan điểm của lãnh đạo tỉnh và nhân

dân tỉnh Lâm Đồng là luôn luôn chấp hành và hoàn toàn ủng hộ dự án đầu tư lớn do chính phủ quyết

định tại địa bàn tỉnh trong đó có dự án khai thác bô xít alumina của tập đoàn than khoáng sản đang

khai thác hiện nay

Au cours des discussions avec les électeurs, les responsables et les habitants de la province, nous n’avons vu aucune opinion qui désapprouve le projet d’exploitation de la bauxite. Notre point de vue, et c’est aussi celui de tous les habitants et de toutes les autorités de la province de Lam Dong, est de suivre et d’approuver entièrement tous les projets d’investissement adoptés par le gouvernement, dont le projet d’exploitation de la bauxite.

8. Document 8 : Discours du représentant de la province de Dak Nong

Voici la traduction du discours prononcé par le représentant de la province de Dak Nong lors de la réunion de l’Assemblée nationale, 12e promotion.

[…]

Một số đại biểu đang băn khoăn khi triển khai thực hiện các dự án bô xít không an toàn về

môi trường sinh thái làm xói mòn nền văn hóa bản sắc cộng đồng các dân tộc thiểu số trên Tây

nguyên và không đảm bảo phát triển bền vững Tây Nguyên, làm ảnh hưởng đến an ninh quốc phòng

khu vực v.v…Tôi cho rằng sự băn khoăn của các đại biểu là thể hiện sự quan tâm và tinh thần trách

nhiệm với việc khai thác tài nguyên của đất nước. Các ý kiến đúng đắn của các nhà khoa học, các

chuyên gia và nhiều cử tri đã giúp cho địa phương chúng tôi nhận thức đầy đủ hơn về dự án khai thác

bô xít.

Quelques représentants se soucient de l’exploitation de la bauxite, constatant que ce projet n’est pas écologiquement sécurisé, qu’il influe défavorablement sur l’identité culturelle de la communauté des ethnies minoritaires, qu’il n’assure pas le développement durable des Hauts Plateaux du Centre et qu’il menace enfin la sécurité politique de la région… A mon avis, cette préoccupation manifeste clairement la responsabilité des représentants vis-à-vis de l’exploitation des ressources naturelles du pays. Les rapports des scientifiques et des experts ainsi que

Page 597: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

43

les opinions des électeurs nous apportent une meilleure vision quant à l’exploitation de la bauxite.

Vấn đề thứ nhất là về môi trường, vấn đề này Bộ chính trị có thông báo 245 ngày 24-4-2009.

Thủ tướng chính phủ đã giao cho bộ công thưông và bộ tài nguyên môi trường chủ trì phối hợp với

các bộ ngành địa phương lien quan kiểm tra giám sát các giải pháp bảo vệ môi trường trong đó chú

trọng đến là thẩm định thiết kế kỹ thuật của bùn đỏ của dự án Tân Rai và Nhân Cơ bảo đảm an toàn

lâu dài đối với môi trường.

La première interrogation qui vient à l’esprit porte sur l’écologie. Le politburo a la circulaire numéro 245 du 24 avril 2009, selon laquelle le premier ministre a demandé au Ministère du Commerce et de l’Industrie de coopérer avec les autorités régionales concernées pour prendre les mesures nécessaires en faveur de la protection de l’environnement, en particulier pour résoudre les problèmes de boues rouges du projet de Tan Rai et de Nhan Co.

Vấn đề thứ hai là vấn đề hiệu quả giữ gìn bản sắc văn hóa đan tộc tây Nguyên. Tỉnh Đắc

Nông hôm nay là quê hương của ba mươi dân tộc anh em đang sinh sống. Sự phát triển của ngành

công nghiệp khai thác và chế biến quặng bô xít trên địa bàn sẽ góp phần đáng kể trong tăng trưởng

PIB, tăng các nguồn thu cho ngân sách của tỉnh, tạo đà phát triển kinh tế xã hội theo hướng công

nghiệp hóa hiện đại hóa.

La deuxième question concerne l’identité culturelle de la région de Tay Nguyen. Dans notre province de Dac Nong, il y a environ 30 ethnies. Le développement de l’industrie de la bauxite contribuera à augmenter considérablement le produit général brut, à accroître les recettes de la province, à orienter le développement économique et social vers l’industrialisation et la modernisation.

Tính riêng dự án tổ hợp alumina Nhân Cơ ở giai đoạn 1, với công suất là 600 000 tấn

alumine /năm, dự kiến các loại thuế pahỉ nộp bình quân mỗi năm là khoảng 547 tỉ đồng, tạo việc làm

nâng cao trình độ sản xuất và tăng thu nhập cho người dân, dự án bô xít alumine Nhân Cơ khi đi vào

hoạt động dự kiến đào tạo nghề cho 1600 công nhân nông nghiệp, tao việc làm ổn định cho khoảng

16 ngàn lao động lien quan, chuyển đổi cơ cấu lao động nông thôn, nâng cao đời sống của người dân.

Pour le projet de fabrication de l’alumine à l’usine Nhan Co, avec une productivité de 600 000 tonnes d’alumine par an, on prévoit un revenu de 547 milliards de dongs vietnamiens. Ce projet créera aussi des emplois, améliorera le niveau du revenu des habitants. De plus, il prévoit une formation professionnelle pour 1600 ouvriers agricoles, créera des emplois stables concernant 16000 travailleurs, améliorera le niveau de vie des habitants.

Page 598: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

44

Sự hình thành kinh tế khu vực sẽ kéo theo các ngành kinh tế dịch vụ như giao thông vận tải,

khách sạn, du lịch, vui chơi giải trí, dịch vụ ăn uống v.v… Hoạt động khai thác bô xít sẽ tạo ra những

cộng đồng dân cư mới, những đô thị mới, đưa ánh sang văn hóa vòa vùng sâu vùng xa, nâng cao chất

lượng cuộc sống, nâng cao dân trí cho một bộ phận không nhỏ ở dân cư.

De nombreuses autres branches économiques comme le transport, l’hôtellerie, le tourisme, la restauration… s’épanouiront également. L’activité d’exploitation de la bauxite entraînera la formation de nouvelles communautés humaines, de nouvelles agglomérations. Elle apportera de la lumière dans ces régions éloignées, améliorera la qualité de la vie et augmentera le niveau d’instruction des habitants…

Kính thưa quốc hội đối với người dân tộc thiểu số bản địa việc phát triển công nghiệp bô xít

trong qui hoạch sẽ ảnh hưởng không lớn đến trật tự dân cư đã hình thành từ nhiều đời nay. Sự tồn tại

và phát triển văn hóa của dân tộc phải song hành với sự phát triển đi lên của địa phương, đất nước

như là một lẽ tự nhiên, phù hợp với quy luật phát triển.

En général, pour les ethnies minoritaires, la mise en œuvre du projet d’exploitation de la bauxite n’exercera pas de grandes influences sur l’organisation disciplinées de ces communautés constituées depuis des générations. L’existence et le développement de l’identité culturelle d’un peuple doivent être parallèle s à l’accroissement du pays. Cela est tout à fait naturel et convient au principe de la croissance.

Page 599: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

45

Annexes 4 : Productions orales et écrites des étudiants vietnamiens

1. Transcription des productions orales

Sujet 1 : On dit que les médias tuent les livres. Qu’en pensez-vous ? Justifiez votre réponse.

1.1. Intervention 1 (3m05s)

Comme camarade nous a parlé de l’attitude des Français à l’égard de lecture (inaudible) je vais donner quelques informations sur la lecture des jeunes // les jeunes les jeunes intéressent plus aux livres que qu’il y a dix ans / mais les sujets ont beaucoup changé / quatre vingt huit quatre vingt huit pour cent des jeunes lisent (silence) ils lisent des livres ordinaires quatre-vingt quatre pour cent des journaux et des magazines / soixante douze pour cent des bandes dessinées / ils aiment ils aiment les romans d’aventure les articles les séries à hero / pour les jeunes de douze à seize ans ils lisent plus de presse et moins des livres et des bandes dessinées / la lecture occupe toujours une place importante dans la vie des jeunes / elle est influence par les médias / pour pour les jeunes entre dix à quatorze ans c’est c’est la television / pour les jeunes de entre de seize à dix-huit ans ils s’intéressent beaucoup et se considèrent comme la (VIE….inaudible) / ils s’intéressent beaucoup à l’internet et ils considèrent comme la grande source (inaudible) mais surtout on me demande leur TEMPS influence / les médias ne disparaissent pas la lecture (grand silence, sourire)

1.2. Intervention 2 (1m15s)

Vous trouvez que l’audio visuel et le téléviseur est très important dans la vie dans la vie et c’est le moyen uhh ces moyens aident à mieux comprendre et à mieux travailler / ils donnent beaucoup des ils donnent beaucoup d’informations c’est

Page 600: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

46

rapide mais (1) exhaustif mais (2) c’est entre le livre et les audios visuels et les technologies c’est de concurrencer mais (3) pas de tuer et vous trouvez l’idée dans cette idée dans la sixième paragraphe à la page vingt vingt hmm on (XXXXX inaudible) (silence) (éclat de rire) / c’est notre réponse

Sujet 2 : Que pensez-vous de la lecture des vietnamiens ?

1.3. Intervention 3 (3m32s)

Au nom de notre groupe je vais répondre à la dernière question (elle lit la question) Aujourd’hui les vietnamiens s’intéressent moins aux livres qu’au qu’autrefois / et le sujet a changé selon l’âge / pour les enfants ce sont des bandes dessinées et des contes parce qu’il y a parce que dans les bandes dessinées et les contes ils peuvent voir / dans les bandes dessinées et les contes ils peuvent voir des images des dessins pour bien comprendre / ils sont ils sont ils sont faciles à lire / ils ne sont pas ils ne sont pas longs / les thèmes les thèmes dans les bandes dessinées sont variés comme l’histoire d’aventure les séries à héros comme par exemple on peut (XXXX inaudible) (éclat de rire) les enfants peuvent trouver différents sujets / pour pour les jeunes ils lisent moins qu’il y a trente ans / ils préfèrent choisir des livres scientifiques et socials les romans d’aventure et les romans romantiques / ils n’aiment pas lire les romans d’histoire quand les jeunes qui est (silence) (inaudible) avec les médias les jeunes ont beaucoup d’activités pour loisir comme regarder la télé ou écouter la musique ou connecter l’internet / le temps consacré à la lecture a diminué / malgré cela (XXX inaudible) la lecture est très positive / pour les femmes et les personnes âgées ils n’ont pas de temps pour ils n’ont pas de temps de lire // ils s’intéressent au roman historique / ils consacrent le temps libre à lire // ils préfèrent aller au club comme le club de Poésie pour lire pour commentaire des poésies (rire) des poèmes // c’est tout

Jeu de rôle

Consigne :

Luc et ses deux amis, Yann et Martine, ont lu dans un quotidien local que leur groupe de rock préféré donnait exceptionnellement un concert dans leur petite ville le jeudi soir. Ils décident d'y aller mais le concert commence à 22h et ne se termine après minuit. Comme ils n'ont pas encore 18 ans, ils devront convaincre

Page 601: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

47

leurs parents de les laisser sortir la veille d'un jour de classe. Or, tous les parents s'opposent à la demande de leur enfant.

Père de Luc : «Pas question ! Tu es mineur. Je suis ton père et c'est moi qui décide ! Pas question que tu rentres après minuit».

Père de Yann : «Je te rappelle qu'au début de l'année scolaire, on a convenu que quand il y avait classe, tu ne te coucherais pas après 11 heures du soir».

Père de Martine : «En principe, je n'ai rien contre votre idée, mais malheureusement, je ne pourrais pas venir te chercher. Tu as oublié que la voiture était chez le garagiste»

Par groupe de quatre, préparez des arguments pour faire changer d'avis l'un des trois pères (1 membre du groupe joue le rôle du père et les 3 autres essaient de le convaincre).

1.4. Groupe 1 (3m40s) (enregistrement n.13)

Luc : Papa il y a un grand concert un grand concert de notre groupe de rock préféré au jeudi soir mais (1)

Papa de Luc : Bon je vais voir, ça c’est bien, ça commence à quelle heure ↑

Luc : Ah ah pas trop tard

Papa de Luc : Pas trop tard quelle heure ↑

Luc : Le concert commence à vingt deux heures

Papa de Luc : Ça commence à vingt deux heures / oui d’accord mais / mais (2) ça termine à quelle heure ↑

Luc : Après minuit

Papa de Luc : Quoi ↑ après minuit ↑ pas question vous êtes mineur je suis votre père et c’est moi qui décide / vous n’avez pas le droit d’y aller

Luc : Mais (3) papa c’est le grand concert de notre groupe préféré et nous l’aimerions beaucoup et nous devons y aller parce qu’il n’y aura aucune occasion et nous ne nous ne pouvons pas rater cette occasion / Ah papa toute la classe y vont ensemble

Papa de Luc : C’est vrai ↑ est-ce que c’est vrai ↑ bon je vais téléphoner à Marie elle est la meilleure élève de la classe

(Un instant plus tard)

Page 602: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

48

Papa de Luc : bon vous avez menti / Marie ne sait pas du tout de ce concert

Luc : non papa / mais (4) Marie tu sais elle est une fille qui ne sait qu’apprendre toutes les vingt quatre heures par jour / il y a quelquechose dans sa tête / elle porte de grosses lunettes

Papa de Luc : bon mais (5) vous allez rentrer après minuit et c’est trop dangereux pour vous

Luc : non il y a des parents des autres qui vont ensemble avec nous et et n’inquiète pas il y a des majeurs il y a des parents et tu peux dormir à la maison

Papa de Luc : oh d’accord mais (6) // bon si ce concert se termine après douze heures / le vendredi matin vous devez aller à l’école / qu’est-ce que vous pouvez faire / est-ce que vous pouvez vous lever à heure ↑

Luc : pas de problème papa parce que notre professeur aime beaucoup le rock et il décide de nous permettre d’aller au troisième cours le vendredi matin

Papa de Luc : c’est vrai ↑ // oui je vais lui téléphoner après donc d’accord ça va

Luc : merci

1.5. Groupe 2 (1m80s)

Luc : Papa ce soir il y a un concert dans notre petite ville / Je peux sortir avec mes amis

Papa de Luc : ah bien et à quelle heure commence ↑

Luc : à à vingt deux heures

Papa de Luc : et quand on termine ↑

Luc : on termine après minuit

Papa de Luc : oh on termine trop tard c’est interdit

Yanne : Mais(1) Monsieur il y a beaucoup de personnes / n’inquiète pas

Papa de Luc : Hmm pas question que tu rentres après minuit

Luc : mais(2) c’est un concert intéressant c’est le groupe de rock que nous l’aimons

Papa de Luc : je vous répète après minuit c’est dangereux

Yanne : mais mais(3) nous pouvons (inaudible) ma sœur elle y va avec nous

Page 603: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

49

(XXX inaudible)

Papa de Luc : mais(4) je pense que vous devez rentrer avant minuit

Luc : nous te promis que nous rentrons avant minuit

Papa de Luc : alors je suis d’accord

1.6. Groupe 3 (enregistrement n.14)

Yanne : papa il y a un concert d’un groupe de rock très célèbre le soir du jeudi / et je voudrais aller au concert / tu es d’accord ↑

Papa de Yanne : mais(1) il commence à quelle heure ↑

Yanne : à vingt deux heures papa

Papa de Yanne : à vingt deux heures c’est trop tard

Yanne : mais(2) je sors avec Luc et Martine

Martine : Monsieur nous vous promettons de rentrer le plus tôt possible

Papa de Yanne : plus tôt possible / c’est à quelle heure ↑ un concert ne peut pas terminer avant minuit et vous n’avez pas encore dix-huit ans ce n’est pas possible

Yanne : oui, nous ne l’avons mais (3) c’est un concert idéal

Papa de Yanne : d’accord / je le sais et le cours du jour après ↑ je te rappelle qu’au début de l’année scolaire on a convenu que quand tu as la classe tu ne te coucherais pas après dix heures du soir

Yanne : oui mais(4) c’est un cas exceptionnel / je te promets d’aller à l’école à l’heure

Papa de Yanne : si tu rentres après minuit tu ne pourras pas te lever tôt / et les exercices est-ce que tu les as finis ↑

Yanne : oui j’en ai tout fini

Luc : mais(5) Monsieur pourquoi vous ne vous accompagnez pas avec nous et puis nous rentrons ensemble d’accord

Papa de Yanne : et votre classe

Yanne : papa s’il te plaît

Papa de Yanne : d’accord et c’est la dernière fois

Martine : oui merci Monsieur

Page 604: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

50

Yanne : merci papa

1.7. Groupe 4

Luc : papa qu’est-ce que tu fais ↑

Papa de Luc : (inaudible)

Luc : tu aimes le football ↑

Papa de Luc : oui

Luc : tu aimes le rock ↑

Papa de Luc : non je déteste le rock parce que c’est très bruyant

Luc : papa nous aimons le rock comme tu aimes le football / aujourd’hui nous voudrions y aller

Papa de Luc : pourquoi tu dis comme ça

Luc : c’est parce que c’est une rare occasion

Papa de Luc : oui / le concert commence à quelle heure ↑

Luc : c’est à vingt-deux heures et ça termine après minuit

Papa de Luc : après minuit ↑ oh c’est trop tard

Luc : un peu tard mais(1) c’est très intéressant d’y aller

Papa de Luc : non tu restes mineur / je suis ton père c’est moi qui décide de tout

Luc : Papa le concert est près de chez moi et le prix n’est pas cher

Papa de Luc : hmm oui le concert (inaudible) mais(2) j’ai peur que tu as des problèmes quand tu rentres à la maison

Yanne : mais(3) le concert est près de chez moi et elle peut se coucher chez moi et elle rentres le lendemain matin

Luc : oui papa alors je peux me coucher chez elle

Papa de Luc : mais(4) le lendemain vous devons aller à l’école vous devez aller à l’école

Yanne : oui (sourire) mes parents nous emmènent chez elle

Luc : oui je vais rentrer avant sept heures et je vais aller à l’école à l’heure / je te promets

Page 605: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

51

Papa de Luc : oui parce que tu es majeur je suis d’accord

Luc : merci papa

Page 606: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

52

2. Productions écrites des étudiants

Sujet : A votre avis, peut-on affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres ?

2.1. Copie 1

Nous sommes en train de vivre au XXIe siècle où beaucoup de spécialistes estiment que c’est l’ère du développement scientifique. L’explosion d’information ne cesse pas de se passer chaque jour. La vie de l’homme change beaucoup. Elle devient plus occupée. Et de nos jours, dans cette révolution, il y a une chose qui change complètement de notre ère : c’est l’internet.

Il y a 11 ans, si quelqu’un a demandé : « L’Internet, c’est quoi ? », on était très déçu parce qu’à ce moment-là, l’Internet était encore une définition vague pour tout le monde. Mais maintenant, s’il y a une personne qui ne connaît pas l’Internet, elle a précisement le problème sur les nerveux ! Le développement de l’Internet est très vite. Et l’Internet apporte aux personnes beaucoup d’intérêts : lire des nouvelles, chercher des documents concernés aux études… De plus, l’Internet favorise encore la communication avec les autres. Je peux l’affirmer. Nous vivons dans un monde saturé. Autrefois, quand nous voulions parler à un ami, nous devions écrire la lettre et lui envoyer. Cela perd beaucoup de temps. Mais maintenant, à travers l’internet, on peut se dire et échanger des nouvelles sur la santé, la famille, le travail… même si l’un est au Vietnam, l’autre est en Macédonie ! C’est l’avantage que les personnes au siècle précédent n’ont pas eu. En outre, on peut encore se communiquer avec d’autres personnes aux pays différents. Quand on se dit avec eux, on a beaucoup d’intérêts : pratiquer la langue étrangère, avoir les connaissances sur la vie, les costumes, les cultures de ces nouvels amis…

En conclusion, il y a encore beaucoup d’avantage d’Internet qu’on ne découvre pas encore. Plus la société développe, plus les moyens d’informations publiques perfectionnent. Mais à mon avis, l’Internet joue encore un rôle très important dans la vie quotidienne. C’est la vérité. Et peut-être, l’Internet serait la source des recherches scientifiques et technologiques les plus célèbres plus tard.

(copie de Dang Thai Son)

Page 607: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

53

2.2. Copie 2

Internet, c’est une communication assez populaire surtout dans la société moderne. L’Internet apparaît récemment mais il apporte des avantages réels.

Pour l’Internet, on peut faire de la connaissance avec plusieurs d’amis dans le monde. Et ce fait est très nécessaire pour les étudiants de la langue. Il y a beaucoup de personnes qui cherchent les étrangers par l’Internet pour augmenter le niveau de la communication en sa langue. On peut aussi se parler et échanger ensemble les informations par le chat n’importe où. En plus, le prix est raisonnable, il correspond à la poche de tout le monde. D’ailleurs, on se parle s’en voyant grâce à un webcam.

En outre, on envoye des lettres par la poste, il est possible de perdre. Actuellement, le modèle de technologique nous aide à faire l’envoie les lettres aux amis, parents très vite et assuré par l’émail.

A côté des grands intérêts, l’Internet compose aussi quelques inconvénients dans l’utilise de communication. On ne peut pas contacter directement avec ses amis alors, on ne connaît pas nettement leurs informations qui sont exactement ou non. Il y a des gens qui se communiquent sur l’Internet et après, ils s’aiment mais ce n’est pas une belle amour, l’un des deux devient malheureux dans le cas l’autre trompe.

L’Internet est une moyenne de communication favorisé. On peut dire qu’il est un petit symbol de modèle de la société.

(copie de Doan Thi Bich Hang)

2.3. Copie 3

Maintenant, l’Internet se développe de plus en plus. Il apparaît quasiment partout, comme à l’école, au bureau…Pour l’utiliser, on a besoin d’électricité et d’un ordinateur. Une question est posée : avec ce développement, est-ce que l’Internet peut devenir le moyen pour que l’homme communiquent ensemble ?

A mon avis, l’internet peut totalement faire cela. En effet, Internet nous aide à se passer nos inconvénients : le temps, l’argent, la distance, la vitesse. Par exemple : si tu as une petite amie en France et tu veux quotidiennement communiquer avec elle, ne sois pas inquiété de perdre l’argent du téléphone. Tu peux utiliser l’Internet, entre en Yahoo pour bavarder avec elle. De plus, tu peux regarder son image.

Ou tu veux envoyer mon plan à mon directeur qui est au Japon, comment fais-tu ? Tu ne peux pas utiliser le fax parce que mon directeur ne l’apporte pas. A ce moment-là, tu

Page 608: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

54

dois utiliser l’Internet ; mais entre à mail pour le lui envoyer. S’il n’a pas d’ordinateur, il peut encore regarder mon plan à l’Internet publique.

Nous pouvons utiliser beaucoup de situations pour justifier les avantages de l’Internet dans la communication avec les autres. Avec l’Internet, nous pouvons croire qu’on peut regarder, diviser les films, les histoires, les chansons aux autres n’importe où et n’importe quand. Avec moi, je crois qu’Internet peut faire le plus. Il aidera tout le monde aux pays à comprendre bien et la guerre n’est plus encore. Je crois cela.

(copie de Hoang Thi Thu Huyen)

2.4. Copie 4

Pour communiquer avec les autres, on peut utiliser la lettre, le téléphone, la signe… Mais on peut affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres.

Si on utilise l’Internet, on a des difficultés. D’abord, pour pouvoir bien utiliser Internet, il faut avoir un ordinateur ou des autres moyens-médias modernes comme le téléphone portable. Mais ils sont assez cher. D’ailleurs Internet n’est pas populaire aux campagnes, aux montagnes et aux régions perdues où l’onde est faible et le niveau de connaissance générale des habitants est bas. De hors, on est peut-être plus gai de recevoir une lettre qu’un message… On peut avoir quelques autres difficultés en utilisant Internet mais on ne peut pas nier son rôle important en communiquant. Premièrement, Internet a un rôle comme la lettre, c’est facile de taper une lettre électronique et de l’envoyer. Et il ne faut pas perdre beaucoup de temps pour envoyer et recevoir une lettre électronique. Deuxièmement, Internet a un rôle comme le téléphone et le téléphone portable. On peut écouter la voix grâce aux chat voix, rédiger des messages et les envoyer avec les imagines d’accompagnements par exemple les photographes… Enfin, Internet a un rôle comme la caméra. En prenant le webcam, il est possible de regarder les personnes qui échangent des nouvelles. D’ailleurs, l’utilisation d’Internet est moins cher que l’utilisation du téléphone. Il faut payer environ 2000 dongs pour téléphoner pendant une minute mais grâce à 2000 dongs on peut utiliser l’Internet pendant 1-2 heures. Actuellement, c’est très difficile de trouver un moyen de communication qui est plus moins cher, plus moderne et plus favorable qu’Internet.

Dans le monde, Internet est de plus en plus populaire.

(copie de Le Thi Huong)

Page 609: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

55

2.5. Copie 5

Jusqu’à maintenant, les conditions de vie ne cesse pas de s’élever. Depuis longtemps, l’homme se sert d’Internet comme un outil de communication avec tout le monde. Cette utilisation n’est plus limitée dans un pays.

En effet, je trouve Internet apparaître à n’importe où même à la campagne, à la montagne, être de plus en plus moderne. Premièrement, il est très facile de connecter à d’autres amis à l’étranger, à aucun lieu que nous voulons. Un résultat que j’assure est efficace. Nous pouvons faire des devoirs, faire la connaissance avec d’autres… et encore acheter ou vendre beaucoup de choses. Bien que nous nous situons à notre pays, nous sommes certains d’avoir un botte de parfum en France. Tous sont sur Internet. Deuxièmement, nous passons un peu de temps pour communiquer avec des amis le réseau des ondes est toujours 24/24 heures. De plus, nous dépensons moins d’argent en Internet qu’en portable pour trouver. Nous ne sommes pas surtout terrible du bulletin au bout de la mois.

Internet dont des inconvénients sont aussi existente. Mais par rapport à ses avantages. l’homme de décide d’utiliser ce transport de communication nécessaire à la vie.

(copie de Le Thi Thanh)

2.6. Copie 6

Actuellement, il y a beaucoup de moyens de communication. Et un des moyens de communication que je pense qu’il joue la plus importante place dans la société. C’est Internet. C’est-à-dire qu’on peut affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres.

Avant, pour se communiquer, on écrit souvent une lettre. Pourtant on doit attendre un temps long pour la recevoir.

Maintenant, bien que le téléphone soit utilisé populairement, on doit payer un grand sommet d’argent. C’est pourquoi l’utilisation du téléphone est très raisonnable.

Ainsi, l’apparition de l’Internet est très importante. Internet a trop d’efficace et n’est pas cher.

Sur l’Internet, il y a d’informations utiles. C’est le lieu où peut chercher des informations nécessaires, se parler ou s’échanger, on peut aussi se faire aux étrangers surtout on peut lire des informations de tous les domaines dans le monde entier.

Page 610: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

56

En outre, on peut connecter l’Internet n’importe quand. Pourtant, on l’utilise tous les temps, ce n’est pas utile du tout. Sur l’Internet, il y a aussi des pages webs mauvais.

En résumé, Internet est un moyen de communication qui favorise avec les autres. Grâce à l’internet, on comprend et connaît de plus en plus.

(copie de Nguyen Thi Tham)

2.7. Copie 7

On affirme qu’Internet favorise la communication avec les autres. Je suis d’accord avec cet avis. La société est de plus en plus moderne. Ainsi, l’Internet est très nécessaire dans la vie quotidienne, surtout dans la communication entre les hommes.

Avant, on échangeait les informations par lettre. Et pour recevoir une lettre, il fallait perdre cinq ou six jours. Maintenant, on réalise cela en une minute avec l’Internet. Les nouvels sont diffusés rapidement. On peut aussi se parler, se bavarder toute la journée parce que le prix de l’Internet est moins cher que celui du téléphone portable. Pour des amis dans le monde, entre des pays différents, on se voit n’importe où, n’importe où si on veut. L’autre avantage est d’entendre la voix du locuteur grâce à chat-voice. En outre, on peut laisser un message (avec des images et des sons) quand vous êtes absents. Sa capacité de langue est améliorée et augmentée en communiquant avec les étrangers. Ils peuvent corriger vos fautes d’orthographe et vous apprendre à utiliser des phrases correctes.

L’ordinateur est un invente importe à la fin du XXe siècle et l’Internet est aussi un outil utile dans la communication avec les autres.

(copie de Nguyen Thi Thanh Thuy)

2.8. Copie 8

Depuis longtemps, nous avons beaucoup de moyens de communication comme lettre, fax, téléphone… Aujourd’hui, avec le rythme élevé de la société, on invente Internet. C’est le moyen de communication le plus favorisé.

D’abord, l’Internet est moins cher. Quand on se bavarde dans son pays ou à l’étranger, le prix de l’utilisation d’Internet ne change pas. Il est différent du téléphone. Quand on téléphone à quelqu’un à l’étranger, le prix est très cher.

D’autant plus, Internet est très rapide. On peut envoyer et recevoir un mail en quelques minutes tandis qu’une lettre a besoin de 5 ou 6 jours.

Page 611: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

57

Enfin, Internet est un moyen de communication très confortable. On peut entrer sur Internet n’importe où. Il a beaucoup de fonctions : non seulement on se bavarde mais aussi on cherche l’information, regarde le film, écoute de la musique sur Internet.

En résumé, je pense qu’Internet peut remplacer tous les moyens de communication d’avant. C’est pourquoi nous devrions utiliser Internet.

(copie de Nguyen Thi Van Anh)

2.9. Copie 9

Depuis le début du XXIe siècle, Internet développe de plus en plus. Internet apporte les utiliseurs à beaucoup d’avantages. On peut affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres.

On peut trouver qu’Internet est très utile pour les personnes sans avoir la chance de rencontrer. Par exemple, vous êtes au Vietnam mais votre ami est aux Etats-Unis, vous peuvent utiliser Internet pour la communication. Vous pouvez envoyer des lettres électroniques comme email. Imaginez, dans une minutes, vous en recevrez. Comme c’est utile. De plus vous pouvez se voir en webcam et entendre la voix de votre ami quand vous prenez le voice-chat. D’autre part, avec le blog, on peut écrire les sentiments de la vie, de la famille, de la société qu’on ne parle jamais en parole. Quand ses amis les lisent, ils peuvent se comprendre plus. Grâce à l’internet, on peut connaître des nouvelles de son pays natal, du monde, la plus rapide, exacte. Mais l’internet a aussi quelques inconvénients. Si on contacte Internet pendant plusieurs heures, on est déjà fatigué et quand on utilise toujours Internet pour la communication dans la vie quotidienne, on est difficilement en parole.

Au total, je crois qu’Internet est utile et il favorise la communication avec les autres.

(copie de Nguyen Van Thang)

2.10. Copie 10

Depuis longtemps, l’homme a créé les moyens différents pour se contacter : la lettre, le fax, le téléphone. Et aujourd’hui, avec le développement de technologie, on fabrique un moyen plus moderne. Internet. Une question pose ici : « Peut-on affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres ? »

Pour répondre à cette question, je donne ses avantages. Tout d’abord, on utilise souvent Internet pour échanger les informations et en plus, gagner le temps. Avant, on doit prendre deux ou trois jours pour envoyer ou recevoir une lettre. Mais, maintenant on a

Page 612: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

58

seulement besoin de quelques minutes. Ensuite, Internet peut remplacer un téléphone. On peut se bavarder bien qu’on soit le distance très loin. Internet non seulement remplace le téléphone mais encore devient un caméra. Quand on se situe les pays différents, via Internet on peut se parler en regardant. En outre, il faut dépenser beaucoup d’argent pour téléphoner à quelqu’un à l’étranger tandis que le prix d’Internet est moins cher. D’autre part, Internet est un moyen très confortable, on peut être courant d’information n’importe où.

En un mot, Internet est un moyen de communication très confortable. C’est pourquoi, on devrait utiliser de plus en plus internet.

(copie de Phan Thi Phuong Thao)

2.11. Copie 11

Depuis plusieurs années, le grand rôle d’Internet est noté par l’augmentation du nombre des utilisateurs d’internet. Un exemple très simple, c’est deux sur cinq étudiants de l’Université nationale de Hanoi qui l’utilisent.

Leur but est très différent : pour faire des études, pour chercher des informations… Mais la plupart c’est pour communiquer avec les autres. Une question très intéressante c’est « Peut-on affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres ? »

Tout d’abord, je veux parler de la bonne qualité d’Internet. Il est le plus utile, le plus rapide, le plus comfortable, moyen de l’information. On peut trouver n’importe quoi grâce à un click. Avec Internet, la distance n’est plus devenue un grave problème pour les amoureux, pour les amis, pour les personnes qui vivent loin de la famille, loin de le pays natal. On peut aussi voir par webcam, se bavarder par voice chat. D’ailleurs, le prix est très acceptable.

Cependant, à côté de ces avantages, l’internet a aussi des inconvénients. Il y a toujours des mentions quand on fait la connaissance sur internet. On se bavarde. Mais on ne peut pas examiner des informations de l’autre soit correctes soit incorrectes par un écran de l’ordinateur. Donc, faire attention quand vous parlez d’une personne inconnue sur internet.

Dehors, la communication sur internet est la cause de beaucoup d’autres phénomènes sociaux. On peut être moins sociales, moins réalistes. Plus grave, on peut aussi tromper entre le monde réel ou irréel quand on l’utilise trop régulièrement.

Il est aussi la cause de la diminuation de l’utilisation des autres moyens de communication comme la lettre que maintenant on n’écrit plus sauf des personnes qui ne savent pas utiliser le téléphone ou internet.

(copie de Phung Thi Bich Huong)

Page 613: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

59

2.12. Copie 12

Depuis longtemps, il y a beaucoup de moyens de communication comme lettre, téléphone, fax… Aujourd’hui, avec le développement de technologie, on a créé internet qui est un des moyens la plus favorable pour communiquer avec les autres.

On peut trouver qu’internet apporte plusieurs avantages. D’abord, internet est rapide. En effet, avec la communication de lettre, on faut 3 ou 4 jours pour envoyer et recevoir. Mais on n’a besoin que de quelques minutes avec email pour recevoir les nouvelles des autres. C’est gagner le temps. Ensuite, l’internet est très confortable. On peut se parler en se regardant via le chat qui n’a pas dans les autres moyens de communication. En plus, internet est moins cher. Quand on se bavarde dans un pays ou à l’étranger par téléphone, il faut beaucoup d’argent tandis que par Internet, on prend seulement peu d’argents et le prix d’utilisation internet ne change pas. En outre, internet a des fonctions. Non seulement se bavarder mais aussi on peut chercher l’information sur internet, regarder le film, écouter de la musique…

Au total, je pense qu’internet est la communication la plus favorable, rapide dans nos jours. C’est pourquoi, on utilise de plus en plus internet.

(copie de Phuong Dung)

2.13. Copie 13

Dans la société développée, on a beaucoup de façon de communiquer avec les autres. On peut affirmer qu’internet est un moyen de communication utile. Mais, n’importe quoi a deux visages : l’un est bon et l’autre est mauvais.

Grâce à l’internet, on peut trouver tous les informations rapidement. On peut les échanger avec nos amis. On peut parler à nos amis n’importe quand et n’importe où. La distance n’est pas encore un problème difficile. L’internet nous aide à faire connaissance avec tout le monde. On peut poster les photos, envoyer les messages ou parler directement à nos amis.

Mais, l’internet a son revers aussi. Si il a de bonnes utilisations, il peut en avoir de mauvais. Sur internet, il y a beaucoup d’informations qui peuvent avoir des sources innets. On ne peut pas savoir que soient bonnes ou pas bonnes. On doit choisir des informations qui sont exactes. Sur l’internet, on peut trouver trop de webs noirs dans lesquelles les informations sont souvent mauvaises. Mais, les ménages de l’internet ne peuvent pas contrôler totalement des webs noirs.

Page 614: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

60

Quand on fait la connaissance avec des nouveaux amis sur internet, peut être ils sont seul des amis immaginaires.

(copie de Tran Minh Ly)

2.14. Copie 14

Actuellement, quand la société développe de plus en plus, l’informatique est très nécessaire. Principalement, l’internet ne manque pas. Et on affirme qu’internet favorise la communication avec les autres.

D’abord, l’informatique développe de plus en plus. On amène beaucoup d’ordinateurs moderne. Ils nous aident à avoir les bonnes conditions pour le travail, les loisirs et la communication. Nous pouvons connecter à l’internet facilement grâce à l’ordinateur portable et le téléphone portable. C’est pourquoi nous pouvons communiquer avec les amis, les personnes n’importe où et n’importe quand.

Ensuite, il y a beaucoup de travails, nous n’avons pas de temps pour rencontrer les amis. Grâce à l’internet, nous pouvons voir et parler souvent.

D’ailleurs, car la distance est très loin, on ne peut pas se rencontrer souvent. On peut parler à le téléphone ou le chat à l’internet, le prix est moins cher et vous pouvez voir les autres en caméra.

Enfin, vous n’avez pas besoin d’aller au bureau, vous pouvez travailler, vous pouvez communiquer aux collègues grâce à l’internet. Vous pouvez envoyer l’email dans le court temps.

Internet favorise la communication avec les autres.

(copie de Tran Thi Thu Trang)

2.15. Copie 15

De nos jours, les moyens de communication se développe de plus en plus grâce aux progrès technologiques. Parmi lesquels, l’internet est un moyen de communication efficace. On peut tout à fait affirmer que : « Internet favorise la communication avec les autres ».

Avant pour communiquer avec les autres, on écrivait les lettres où on pouvait écrire longuement, où on pouvait s’exprimer ses sentiments mais le temps d’envoyer et recevoir une lettre était assez long. Ensuite, on prend le téléphone et le téléphone portable comme un

Page 615: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

61

moyen de communication. Avec un téléphone, on peut directement se parler, on peut aussi effacer la distance géographique mais cela coûte cher.

Aujourd’hui, avec un rythme de développement économique, un ordinateur est devenu populaire et internet est une des fonctions importantes de l’ordinateur. En utilisant l’internet, on peut aussi se communiquer directement, on peut envoyer des messages, on échange des informations, des événements individuels à travers l’internet. En outre, il y a d’autres services. On peut se voir grâce à un webcam, on se parle grâce au chat-voice. En particulier, tout coûte moins cher et il n’est pas difficile de l’utiliser.

Comme les journaux, les magazines, on connaît la situation de l’économie, de la politique, du sport, de la culture, de la musique de notre pays et du monde entier. Si on a un ordinateur, il faut seulement rester à la maison, on connecte l’internet et on aura toutes les informations qu’on veut. Ça nous aide à être au courant. Pour les travailleurs, les étudiants… on prend l’internet pour échanger des affaires, on fait un travail et puis on l’envoie au chef de classe, au directeur. Que c’est simple !

En un mot, par rapport aux autres moyens de communication, l’internet a plus d’avantages. On peut faire des économies du temps, de l’argent en utilisant l’internet. L’internet favorise la communication avec les autres. Cependant, on ne peut nier que il existe toujours des fausses informations, des webs noirs, des mauvais images qui influencent négativement aux utilisateurs. C’est pourquoi, il faut l’utiliser avec un bon but. On ne doit pas l’abuser pour des mauvais faits.

(copie de Trinh Thanh Thuy)

Page 616: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

62

Annexe 5 : Documents de travail des manuels FLE

1. Textes de compréhension écrite tirés des manuels de FLE

1.1. Texte de CE.1 : « Un plaidoyer pour l’assimilation » (Gaston Kelman) (unité 6, p.90, Campus 4)

Page 617: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

63

Page 618: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

64

1.2. Texte de CE.2 : « Pourquoi les Français deviennent végétariens ? » (Fabien Gruhier) (unité 12, p.124, Café crème 4)

Page 619: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

65

Page 620: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

66

1.3. Texte de CE.3 (Café crème 2)

L’expérience de Pierre B.

« La vie y est plus douce, plus facile », répètent les Parisiens qui annoncent leur déménagement en province. Les embouteillages sont rares. Les gens sont souriants. Le travail est moins stressant. Pierre est parti il y a trois ans. Il rêvait d’une grande maison à 10 minutes de la forêt de promenades au bord de la rivière… Cet été, Pierre a décidé de rentrer. Où ? A Paris bien sûr ! Problème de boulot ? Non. Il s’ennuie. Ses amis de la capitale viennent trop rarement. Et sur place, il ne s’est pas fait un seul vrai ami. Il parlait de qualité de vie. Il parle maintenant de qualité de relation.

Page 621: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

67

2. Transcription des documents oraux utilisés dans les manuels de FLE

2.1. Transcription CO.1 (Tempo 2, p.165)

- J’aime bien le couloir : le papier peint est joli et les couleurs sont gaies.

- Oui, mais il est un peu étroit.

- Ah voilà la salle de séjour.

- Oui, mais c’est grand. Tiens, regarde, on pourrait mettre le canapé et la télé ici. Qu’est-ce que tu en dis ?

- Oui, moi, ce que j’aime bien, c’est la vue qu’on a : l’avenue Carnot à droite, là, et puis le parc en face. Tu as vu ? L’arrêt de bus est juste en bas.

- Oui, c’est pratique mais ça risque d’être bruyant avec les bus qui s’arrêtent et démarrent toute la journée.

- L’école de Frédéric est juste à côté. Il pourra y aller à pied.

- Je vous montre la cuisine ?

- Oui.

- C’est ici.

- Elle est aménagée ? Ah oui... Oh ! une cuisine sinière encastrée, c’est bien

- Les couleurs sont gaies et puis c’est ensoleillé. Bien, la cuisine !

- Tu ne crois pas que c’est un peu petit ?

- Tu crois ? De toutes façons, nous ne sommes que trois. Et on organise pas de banquets !

- Si je peux me permettre … Vous pouvez mettre une grande table dans la salle de séjour, si vous recevez des amis

- Oui, c’est vrai mais j’aime bien travailler au large dans ma cuisine …

- Les deux chambres sont par ici. Suivez-moi.

- Elles donnent sur le parc ?

- Oui, comme ça, c’est plus tranquille

(…)

Page 622: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

68

- Ecoutez, je crois que c’est l’appartement qu’il nous faut. Qu’est-ce que tu en dis, Josette?

- Oui, moi j’aime bien… Je crois que c’est bien.

- Ecoutez, je vous laisse le week-end pour réfléchir et vous me rappelez lundi matin. Mais ne tardez pas trop parce qu’il y a beaucoup de demandes.

2.2. Transcription CO.2 (Café crème 3, exercice 2, p.124)

Olivier (O) : Jean-Michel, tu regardes le match, ce soir, à la télé ?

Jean-Michel (J-M) : Tu sais, moi, le foot ! Ce n’est pas mon truc !

O : Ah bon, tu t’intéresses pas au sport ?

J-M : Si, Olivier, justement. J’aime le sport d’équipe, mais le vrai, celui où l’on est beau joueur, où chaque joueur pense d’abord à son équipe, à l’harmonie du jeu. En un mot pour moi, le sport, c’est le rugby.

O : Mais c’est un sport de sauvages

J-M : Je te parle du rugby, pas du football américain ! Bien sûr le rugby est un sport violent, mais je ne crois pas qu’il soit plus brutal que le football. En tout cas, au rugby, les joueurs se respectent, ce qu’on ne peut pas toujours dire des footballeurs !

O : Je ne comprends pas…

J-M : Mais si, au foot, chacun joue pour soi, c’est-à-dire contre tous. Le footballeur est un égoïste qui ne pense qu’à soi. Les footballeurs se prennent pour des vedettes au lieu de jouer en équipe. Et puis, ces hommes, qui tombent à genoux, qui se roulent par terre, qui s’embrassent, ces comédiens qui jouent les blessés lorsque l’équipe adverse gagne, c’est un ridicule !

O : Je ne trouve pas, c’est normal, ils expriment leur joie ou leur colère…

J-M : Exprimer leur joie ou leur colère, tu parles ! Ils veulent gagner à tout prix, par tous les moyens, sans aucun souci de fair-play, ils veulent qu’on les regarde, qu’on les admire, qu’on les plaigne…

O : Ce n’est pas parce que tu n’aimes pas le foot que…

J-M : En fait, si les joueurs avaient l’esprit sportif au lieu d’être obsédés par la victoire, c’est-à-dire par l’argent et leur image de marque, j’aimerais sûrement le foot. Mais appeler ça un sport alors qu’on préfère critiquer l’arbitre qui,

Page 623: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

69

évidemment, « favorise toujours les autres » plutôt que de goûter le spectacle d’un beau match !

O : Je crois que tu ne veux pas comprendre : chaque équipe a ses supporters, moi aussi, j’ai mon équipe préféré, et je ne vois pas pourquoi je ne serais pas content qu’elle gagne !

J-M : Ce n’est pas ce que je veux dire, et tu le sais !

O : Essaie d’être un peu plus clair, alors.

J-M : C’est parce que le football est très populaire que les matchs ont été transformés en “événements sports”, en grands spectacles profitant aux sponsors, aux annonceurs, aux chaînes de télévisions, mais le commerce se fout de la beauté d’un match, de l’habileté d’une équipe.

O : Tandis que, bien sûr, quand il s’agit de rugby, c’est different.

J-M : Exactement : le rugby a beaucoup de chance. Il est moins spectaculaire et donc plus difficile à montrer à la télévision. C’est l’équipe, la bonne entente à l’intérieur de l’équipe, qui donne la victoire, et non pas tel ou tel joueur. Les amoureux du ballon ovale le savent bien… Allez, bonne soirée quand-même, avec ton ballon rond.

O : Merci

2.3. Transcription CO.3 (Tempo 2, unité 7, Rubrique Compréhension, p169)

• J’imagine Lille comme une ville triste et grise. En réalité, c’est une ville très animée, et les gens sont très chaleureux.

• Je pensais rencontrer un homme différent des autres. En fait, Georges, c’est un vrai macho.

• Alors que tout le monde pensait qu’à 31 ans sa carrière de coureur cycliste était terminée, il a gagné le tour de France en écrasant tous ses adversaires

Page 624: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

70

2.4. Transcription CO.4 (Connexions 2, unité 12, exercice 9)

La consommation des Français a connu des changements importants. Premièrement, en raison des crises économiques et politiques, ils achètent. Ensuite ils ne veulent plus acheter n’importe quoi. D’une part, ils veulent des produits bons et bien faits (produits bio, produits labellisés…). D’autre part, ils veulent des produits “éthiques” qui respectent les travailleurs, la nature. Enfin, ils veulent un bon rapport qualité-prix.

2.5. Transcription CO.5 : (Café crème 4, unité 14, p146)

- Nathalie Choukroun, vous restez avec nous, vous nous diriez ce que vous pensez des livres que nous allons évoquer et on commence par cette petite révélation et même cette petite révolution de l’édition de… de l’automne, c’est-à-dire Sans moi, le deuxième roman de Marie Desplechin, elle a 39 ans, je le rappelle, elle est la soeur du cinéaste Arnaud Desplechin, elle est… elle est en tête des meilleures ventes euh je crois même qu’elle a ravi la première place à Houellebecq, certaines semaines, Raphael, son roman a été tiré, à la fin du mois d’août à 6000 exemplaires, il approche aujourd’hui les 100 000 exemplaires – je dois avouer que je n’en reviens pas – pour aller vite, son héroïne, Olivia, enfant de la DASS et de la rue, toxicomane et prostituée occasionnelle, s’installe chez une femme qui est exerce le métier de nègre et qui est mère de deux enfants ; c’est la rencontre un peu insolite de deux univers qu’apparemment tout oppose j’oubliais de dire que ça a paru aux éditions de l’Olivier. Donc, euh qu’avez-vous pensé de ce roman euh Pierre Assouline ?

- Au début j’étais pas très chaud hein parce que je trouvais qu’elle en faisait beaucoup que c’était un peu trop catalogue de toutes les déprimes et de la morosité du monde aujourd’hui que euh son héroïne Olivia les collectionnait quoi donc de page en page on se disait bon qu’est-ce qui va… qu’est-ce qui lui manque? euh pour finir la panoplie et donc ça me euh… bon… Et puis en allant jusqu’au bout, finalement j’ai trouvé… bon… je suis pas un fan de ce livre mais en même temps je trouve que… il mérite son succès parce que euh… il est racheté quand même par sa fin : c’est-à-dire que …que c’est une belle histoire d’amitié, c’est une belle rencontre, y a-t-il une sorte de mélancolie qui se dégage de ce livre au départ mais en fait c’est un livre très optimiste , c’est un livre optimiste qui part … qui part mal, qui part noir

Page 625: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

71

- Donc tu y vois aussi une des raisons du succès ?

- Probablement oui, parce que ... y a une sorte de ...y a une rédemption et c’est quand même une belle histoire qui commence noir mais qui finit quand même dans l’optimisme donc (…)

- Raphael ?

- (…) c’est un univers finalement un peu … qui fait penser à…à une certaine presse … presse féminine qui fait dans la confiture ou dans le euh dans l’ameublement

- Presse féminine qui fait dans…

- Oui dans les les journaux de décoration on a l’impression que c’est un univers un peu tamisé, un peu… y a jamais de vraie violence, tout ça est est euh un peu euh désincarné et c’est vraiment…c’est un livre …je ne sais pas si elle l’a fait exprès mais qui est extrêmement bien fabriqué pour avoir du succès, moi son succès ne m’étonne pas du tout parce que y a pas …y a pas de vrai conflit avec le lecteur , on ne peut , si on adhère à ce livre, on ne peut qu’adhérer complètement à sa philosophie qui est d’une euh platitude absolue et euh on a l’impression…

- Bon on a on a compris, Raphael

- On a l’impression en plus qu’on lit un livre de bonne littérature et c’est une impression évidemment puisqu’il n’en reste pas grand-chose une fois que c’est fini…

- Jean-Louis ?

- Oui, je partage assez le point… le point de vue de euh de Raphael

- Mais qu’est-ce qu’il leur arrive à ces critiques cette semaine ?

- C’est vrai que … bon de quoi y s’agit ? y s’agit euh des sujets les plus violents qu’on puisse évoquer dans la société d’aujourd’hui, il s’agit de la drogue, il s’agit de l’inceste, il s’agit de quoi encore ? de … des problèmes de la DASS, il s’agit des problèmes de… bon il s’agit de ce qu’on peut imaginer de pire mas c’est vrai que c’est vu à travers… moi, j’avais l’impression de lire le journal en quelque sorte.

- Alors est-ce que Nathalie Choukroun a aimé “Sans moi” de Marie Desplechin aux éditions de l’Olivier ?

- Modérément

- Modérément

Page 626: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

72

- A vrai dire euh oui j’avais au départ je trouvais ce livre gris souris et barbifiant enfin j’aime…

- Ah c’est pas mal barbifiant !

*nègre (fam.) : personne qui rédige un livre pour le compte d’une autre personne qui le signera

*DASS : Direction des Affaires Sanitaires et Sociales, organisme qui s’occupe des enfants abandonnés.

Page 627: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

73

Annexe 6 : Extrait d’un débat vietnamien

Il s’agit d’un extrait de débat portant sur la protection des animaux sauvages, l’émission « Đối thoại cuối tuần » (Dialogue en fin de la semaine) diffusé sur VOV1, la Radio du Vietnam.

Animateur du débat :

Thưa ông Đỗ Quang Tùng theo cách tính toán của một số tổ chức như hiệp hội bảo tồn động

vật hoang dã hay chính cục kiểm lâm cũng thừa nhận là hiện lực lượng chức năng cũng chỉ phát hiện

được 20% số vi phạm lien quan đến động vật hoang dã, phải để lọt lưới đến 80%. Vậy theo ông đâu

là những khó khăn trong việc kiểm soát và quản lí các vi phạm loại này

Monsieur Do Quang Tung, selon quelques organisations comme l’association de la protection des animaux sauvages et le bureau des questions forestières, les autorités n’ont réussi qu’à repérer 20% des violations concernant les animaux sauvages. 80% des cas ont échappé à la police. D’après vous, quelles sont les difficultés dans la surveillance et dans la sanction de ces violations ?

Monsieur Do Quang Tung :

[…] Còn về nhận định của một số tổ chức trong việc phát hiện số vi phạm liên quan đến

động vật hoang dã thì tôi có thể khẳng định răng đây là những nhận định không óc căn cứ và cũng

không chính xác bởi vì không có một phương pháp nào, hiện nay trên thế giới chưa có một phương

pháp nào để đánh giá xác định được tỉ lệ phần trăm, bao nhiêu phần trăm số vụ vi phạm bắt được hay

là số vụ lọt lưới. Hơn nữa cục kiểm lâm cũng chưa đưa ra một nhận định nào là chỉ có 20 % số vụ vi

phạm liên quan đến động vật hoang dã được phát hiện. Ở Việt Nam ngoài các văn bản xử lí vi phạm

qui định pháp luật thì cũng có các lực lượng chức năng được đánh giá rất cao trong việc thực thi các

luật liên quan đến quản lí động vật hoang dã, ví dụ như chúng ta có cả một hệ thống bao gồm kiểm

lâm, hải quan, các cơ quan công an biên phòng hay bên quản lí thị trường đều tham gia vào quá trình

quản lí động vật hoang dã này, vì vậy nếu nói là chỉ có 20 % số vụ bắt được thì tôi e răng các đánh

giá này vô hình chung đã nhận định một cách rất chủ quan và có thể gây ảnh hưởng đến uy tín của

Việt nam trên trường quốc tế đối với việc thực thi các hoạt động có liên quan này.

[…] En ce qui concerne le propos de certaines organisations que vous venez de mentionner, je peux vous affirmer que ces constatations n’ont pas de raisons d’être et qu’elles ne sont pas du tout exactes. Actuellement, dans le monde entier, il n’existe pas encore une méthodologie qui puisse déterminer le pourcentage des

Page 628: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

74

violations détectées ainsi que celui des affaires ayant échappé à la loi. D’ailleurs, le bureau des questions forestières n’a jamais donné une telle affirmation disant que 20 % des violations qui concernent les animaux sauvages ont été découvertes. Au Vietnam, en dehors des actes juridiques déterminant les différents types de sanctions, nous avons encore des organes autorisés chargés de l’exécution des lois concernant la surveillance des animaux sauvages. Nous avons par exemple des gardes-forestiers, des douaniers, des gardes-frontières ou des gestionnaires du marché…tous ces gens participent à la mission de sauvegarde des animaux sauvages. C’est pourquoi, si on se contente de dire que seulement 20% des violations ont été punies, je crains que cette observation soit un peu subjective, qu’elle puisse influer défavorablement sur le prestige du Vietnam dans le monde entier en ce qui concerne la réalisation de ces activités.

Page 629: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

75

Annexe 7 : Documents de travail : Unité 6 (Rond-Point 2)

Page 630: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

76

Page 631: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

77

Page 632: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

78

Page 633: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

79

Page 634: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

80

Page 635: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

81

Page 636: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

82

Page 637: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

83

Page 638: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

84

Annexe 8 : Documents de travail : Articles

1. Article 1 : « Cratopathie précoce, cratopathie sénile » (Jean-Noel Cuénod)

(Courrier International, no811, 15-5-2006)

Page 639: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

85

2. Article 2 : « Pour ou contre la gratuité ? » (Michel Soudais)

(Rubrique Dossier Transport, Politis, 25-2-2010)

Page 640: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

86

3. Article 3 : « La tarification, enjeu électoral » (Clémentine Cirillo-Allahsa)

(Rubrique Dossier Transport, Politis, 25-2-2010)

Page 641: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

87

Page 642: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

88

4. Article 4 : « Faut-il se méfier des caméras de surveillance ? »

Page 643: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

89

(Phosphore, no320, 2-2008)

Page 644: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

90

5. Article 5 : « Faut-il plus de croissance ? »

Page 645: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

91

(Phosphore, no323, 5-2008)

Page 646: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...
Page 647: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

1

Titre de la thèse en français : Argumentation et didactique du Français langue étrangère pour un public

vietnamien Argumentation and teaching of French as a foreign language for Vietnamese

students

Résumé en français : Notre recherche a pour objectif d’améliorer la didactique de l’argumentation dans

les classes de Français langue étrangère au Vietnam. L’étude s’appuie sur l’hypothèse que les étudiants participent à une culture où l’autorité est très importante et qu’il faut, par conséquent, mettre le problème de la relation des étudiants avec l’autorité à la base de leurs difficultés à entrer dans des discussions argumentatives. Dans cette perspective, parler, manifester son désaccord, traiter un désaccord dans une relation d’autorité et, surtout, dans une société marquée par l’autorité et le consensus n’est pas quelque chose d’évident. De même, savoir utiliser et critiquer l’argument d’autorité dans un échange argumentatif est censé être difficile.

Notre travail s’articule sur quatre parties. La première repose sur le principe méthodologique selon lequel travailler l’argumentation en français langue étrangère suppose qu’on travaille aussi, en parallèle, la capacité d’argumenter comme capacité linguistique générale et la capacité d’argumenter dans sa propre langue, le vietnamien. Ensuite, la deuxième partie est consacrée à l’étude du langage argumentatif dans une perspective contrastive français-vietnamien. Nous tenterons de traduire en vietnamien des termes et des expressions qui sont, certes, très élémentaires, mais néanmoins susceptibles de poser à nos étudiants des difficultés de compréhension. La troisième partie s’intéresse à l’autorité et au raisonnement par autorité, qui joue un rôle déterminant dans la façon d’argumenter des Vietnamiens. Nous avons essayé d’expliquer pourquoi les Vietnamiens sont « sages » en interaction tout en rendant compte de la prégnance de la « préférence pour l'accord » en vietnamien, ce qui se manifeste clairement à travers des proverbes et des locutions traditionnelles, et de montrer comment cette tendance s'articule avec une pratique « dialectique » du langage, qui pèse toujours le pour et le contre et qui refuse la polémicité. Nous avons analysé une question actuellement très débattue au Vietnam : l’exploitation de la bauxite. Ce travail a un double objectif : il vise d’une part à illustrer la maîtrise de l’argumentation des Vietnamiens, d’autre part sert de fil de conducteur pour la quatrième partie. Cette dernière, par l’élaboration des unités didactiques portant sur des thèmes d’actualité, notamment la question du clonage, vise à proposer une nouvelle

Page 648: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

2

démarche d’enseignement/apprentissage en vue d’une amélioration de la didactique de l’argumentation dans les classes de français langue étrangère au Vietnam, démarche fondée sur l’appropriation des contenus argumentatifs, et remettant en cause la trop fameuse « passivité vietnamienne ».

Mots clés : Argumentation ; arguments ; stratégie d’argumentation; langage argumentatif;

autorité; face; pratiques argumentatives des Vietnamiens; didactique de l’argumentation au Vietnam; élaboration des unités didactiques

Abstract : The aim of this dissertation is to improve the teaching of argumentation in classes

of French as a foreign language in Vietnam. The study is based on the assumption that the Vietnamese students are influenced by a particular culture where authority is very important; therefore the difficulties in participating to argumentative discussions are attributed to inhibitions produced by a complex system of authority. In this perspective, expressing and taking on a disagreement in an academic context marked by authority and consensus, is never so simple. Similarly, knowing when and how to use or criticize the argument of authority in an argumentative conversation is supposed to be difficult.

This dissertation is structured in four parts. The first is based on the methodological principle that to teach argumentation in French as a foreign language we have to teach the argumentation as a general language as well as the ability to argue in one’s mother tongue, here Vietnamese. The second part is devoted to study the argumentation language in a contrastive perspective French / Vietnamese. We have translated in Vietnamese words and expressions which are, although basic, difficult to understand for our students. The third section focuses on study of authority and reasoning by authority. We tried to explain why the Vietnamese are "soft" in interaction while reflecting the predominance of "preference for agreement" in Vietnamese. We have extensively analyzed a disputed issue on the exploitation of bauxite in Vietnam. This analysis aims both to demonstrate the intensity of the arguments in contemporary Vietnam, and, on the other hand, it lays the foundation for the fourth part of the dissertation. This last part develops teaching units on various topics of current interest (e.g. cloning), is to propose a new approach to teaching argumentation in French as a

Page 649: Argumentation et didactique du Français langue étrangère ...

3

second language, grounded in the necessary appropriation of argumentative contents and casting doubt on the too famous “Vietnamese passivity”.

Key words : Argumentation; arguments; strategies of argumentation; argumentative language;

authority; face; argumentative practices of Vietnamese; teaching of argumentation in Vietnam; teaching units.