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Apports de l’évaluation périchirurgicale à
la recherche en neurosciences
Sensibilisation à la neuroéthique
GILLES LAFARGUE
Grille de lecture du diaporama
L’évaluation périchirurgicale
• Avant / pendant / après l’intervention
• stimulation électrique directe
• Clinique des AVC/ résection des gliomes de bas grades
• Plasticité cérébrale
Pourquoi une éthique spécifique pour les neurosciences ?
• Qu’est-ce que la neuroéthique ? Quels sont ses champs
privilégiés d’investigation ?
• Comprendre les bases neurales des comportements complexes : implications pour la science et la société
• Gérald Edelman : les neurosciences vont engendrer « la révolution scientifique la plus grande qui puisse être, une révolution avec des conséquences sociales importantes et inévitables ».
Quelques généralités bonnes à rappeler
• Dans le cerveau tout ne fait pas tout
- Distribution précise des fonctions cognitives dans
les différentes régions (notion de réseaux)
Paul Broca
(1824-1880)
Damasio H., et al. (1994). "The return of Phineas Gage: clues about the brain from the skull of a famous patient.". Science, 264 (5162): 1102-5.
Le cas Phineas Gage (1848)
Dehaene et al. (2003). Three parietal circuits for
number processing. Cognitive Neuropsychology,
20:487--506.
Mouvements de la main droite
Quelques généralités bonnes à rappeler
• Dans le cerveau tout ne fait pas tout
- Distribution précise des fonctions cognitives dans
les différentes régions
• Les potentialités d’apprentissage et de réorganisation
fonctionnelle du cerveau, tout au long de la vie, sont
très importantes et probablement largement sous-estimées
Hemispherectomie chez l’enfant
Feuillet, L. et al. (2007). Brain of a white-collar worker. The Lancet. 370:262.
Homme de 44 ans
Marié, 2 enfants, emploi
QI verbal: 84 ; QI performance: 70
Tests neuropsychologiques quasi normaux
Hydrocéphalie
Desmurget, Bonnetblanc & Duffau
(2007). Brain, 130, 898-914.
Gliomes de bas grade et plasticité
cérébrale
-Résection chirurgicale complète de
l’aire de Broca
- Le patient ne présente aucun
déficit cognitif détectable pré ou
post-opératoire
Evaluation comportementale périchirurgicale
et recherche fondamentale
• Neuropsychologie classique fondée sur la clinique des AVC
• AVC
– soudain, brutal
• Gliomes de bas grade
– Développement lent (diam=+4mm/an)
Il a longtemps été considéré
• que la chance de réaliser une résection quasi complète
d’une tumeur cérébrale était faible
• que le risque d’induire des déficits post-opératoires
irréversibles était fort
• Double but de la chirurgie
– Maximiser la qualité de la résection
– Tout en minimisant le risque opératoire
Equation qui ne peut pas être résolue avant
l’opération
La stimulation électrique directe (SED)
(pendant l’opération)
La SED peroperatoire permet d’adapter la résection aux
limites fonctionnelles cortico-sous-corticales individuelles, le
rapport bénéfice/risque de la chirurgie peut ainsi être optimisé
Le stimulateur bipolaire d’Ojemann, appliqué directement sur le parenchyme cérébral (cortex ou fibres) pendant deux à cinq secondes, envoie un train continu d’impulsions de 0,1 à 1,5 ms chacune, d’intensité réglable (de 2 à 12mA) et ce au rythme de 20 à 60Hz. Il est habituellement reconnu qu’une stimulation de 10mA diffuse sur un rayon de 5mm autour de chacun des deux plots du stimulateur. Ainsi, la résection tumorale doit impérativement être stoppée dès que la stimulation des faces et des berges de la cavité opératoire engendre une réponse motrice, sensitive ou la perturbation d’une fonction cognitive
SED permet de tester les fonctions en temps
réel durant l’opération
• Fonctions somatosensorielles
– Mouvements involontaires ; Dysesthesies (sensations anormales:
diminution ou exagération de la sensibilité ; sensations de douleurs
engourdissent, picotements, brûlures)
• Langage spontané, dénomination, compréhension, lecture,
écriture, bilinguisme, calcul, mémoire, processus
visuospatiaux,…..
Paraphasie phonologique
40, 47,49
Dysarthrie 45; 46
SB: lobule pariétalinf droit
CAL: partie caudale du lobe temporal droit
42: partie sup du faisceau occipito-frontal qui connecte les lobes parietal et frontal
Fried et al. (1991). Direct stimulation of the supplementary motor area in man. A strip of
electrodes is used to stimulate the cerebral cortex as part of pre-operative procedure before
neurosurgery for severe epilepsy. When the SMA (electrodes outlined in red) was stimulated,
subjects reported the sensation of an urge to move their limbs. More intense stimulation at the
same locations provoked physical movements of the corresponding limb
L’intention motrice
Expérience
consciente de la
volonté d’effectuer
un mouvement
précis
déclenchée par le neuro-
chirurgien
Rires
Interruption du langage
Interruption de la capacité à
nommer les objets
Interruption des activités
manuelles
Mouvements impliquant les
bras et les avant-bras
Sensations de frôlementFried et al. (1998). Electrical current stimulates laughter, Nature, 391, 650.
Éclats de rire induits par SE de la partie antérieure de l’AMS
• La plasticité cérébrale. Jusqu’où ?
• Les résections induisent-elles des déficits subtiles, par exemple en altérant des composantes de l’identité personnelle (volonté, formation des intentions, conscience de soi, sens moral,….)
Lafargue G, Paillard J, Lamarre Y, and Sirigu A. Production and perception of
grip force without proprioception: is there a sense of effort in deafferented
subjects? European Journal of Neuroscience, 17: 2741–2749, 2003.
Expérience consciente d’un
effort de volonté
Intention préalable
Je sens que j’agis quand j’agis !
- 200 ms 0 ms
MVA
VA : volonté d’agir ; M : Mouvement
La neuroéthique
• Les enjeux– Connaissances
– Actions, comportements
• L’éthique vise à répondre à la question « Comment agir au mieux ? »– nécessité d’anticiper pour assumer les
conséquences de nos actes, pour nous-mêmes et pour les autres
Neuroéthique
Neurosciences de l’éthique
Ethique des neurosciences
Approche scientifique du comportement moral
Neurophilosophie
Implication éthique des neurosciences
Ethique de la pratique
Réévaluer nos valeurs morales et nos conceptions de la moralité
Consentement, bénéfices pour les participants…
Justice, marketing,
• Inquiétant
– Il devient (et il va devenir de plus en plus) possible de modifier les personnes en agissant sur leur cerveau
OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATIONDES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
République Française
AUDITION PUBLIQUE OUVERTE À LA PRESSESur Exploration du cerveau, neurosciences :
avancées scientifiques, enjeux éthiques
Chargés d’établir une évaluation de la loi de bioéthique de 2004, quatre ans après sa publication, les rapporteurs de l’OPECST ont estimé nécessaire de consacrer leur deuxième audition publique-à un état des lieux des possibilités d’exploration du cerveau et des comportements humains,- à leurs perception et répercussion sur la société,- à un débat sur les régulations, voire les adaptations législatives à prévoir.
La « psychochirurgie »
La lobotomie
• Prix Nobel 1949 à son inventeur, Egas Moniz
• Dans les années 1940 Walter Freeman dit avoir lobotomisé 3500 patients schizophrènes
• Médication psychotrope
en 1954 sonne le déclin de cette pratique
Cas Carolyn Wilson, publié en 1990
• Brillante étudiante en médecine diagnostiquée schizophrène vers 1940, à l’âge de 26 ansLobotomie standard en 1947 puis examinée tous les 10 ansSon état a été remarquablement stable jusqu’à la fin de sa vie :
– Mène chez elle une vie placide, souriant sans cesse, mange avec excès et sans discrimination, ne peut vivre seule, se perd dans la rue, ne peut écrire une lettre de plus de 150 mots et son style est infantile
– QI préservé mais difficulté extrême dans les épreuves de résolution de problème, surtout quand les règles changes durant l’examen
Problèmes éthiques
• « Meurtre de la personnalité »
• Dès 1940, sévères critiques contre un « contrôle chirurgicale du comportement »
– risques de dérives vers des applications à la déviance sociale et à la délinquance.. à l’opposition politique….
• Interventions sur le complexe amygdalien chez les sujets violents et de l’hypothalamus chez les déviants sexuels ont été pratiquées dans certains pays
Le fondement de la bioéthique
• Code de Nuremberg (1947)
Le fondement de la bioéthique
• Code de Nuremberg (1947)
– «Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne intéressée doit jouir de la capacité légale pour consentir; qu’elle doit être dans une situation telle qu’elle puisse choisir librement, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes de contrainte ou de coercition. *…+ L’expérience doit avoir des résultats pratiques pour le bien de la société impossibles à obtenir par d’autres moyens de recherche; elle ne doit pas être pratiquée au hasard, et sans nécessité. *…+ L’expérience doit être pratiquée de façon à éviter toute souffrance et tout dommage physique ou mental, non nécessaires.»
La neurochirurgie fonctionnelle aujourd’huiToujours pratiquée dans un cadre très strict
• Capsulotomie (interruption des voies entre Cxpr et thalamus) en Suède pour les TOC… et en France depuis juin 2002 (avis du comité national consultatif d’éthique)
• Cingulotomie pour les dépressions graves aux EU (résection d’une partie du gyrus cingulaire)
• Pathologies du SNC affectant la capacité de conscience ou de jugement
– Affection psychiatriques, démences
– comas
Owen et al., (2006). Detecting Awareness in the Vegetative State, Science, 313, 1402.
Deux exemples de thématiques en neurosciences de l’éthique
– Les bases cérébrales du sens moral
– Le problème philosophique et les bases cérébrales du libre arbitre
Sens de la justice et sensation de dégoût
• Jeu de l’ultimatum
– Vous venez de recevoir 10 euros
• Pour les garder, partager avec un autre joueur qui doit accepter la proposition
• Décision rationnelle 9/1
Sanfey, A et al. Science, 2003
Sens de la justice et sensation de dégoût
• L’insula s’active d’autant plus que les offres proposées sont perçues comme plus injustes (sensible au degré d’injustice)• Par exemple 9/1 > 7/3
• Or l’insula est connue pour son rôle dans les états émotionnels négatifs, notamment le dégoût
Sanfey, A et al. Science, 2003
Le problème du libre arbitre
• lié au problème de la responsabilité légale
Le problème du libre arbitre
Actions libres, traditionnellement :
– explicables en termes d’intentions, de motivations
– faire l’expérience de soi-même comme agent de l’action
– capacité à agir différemment dans des conditions identiques
• Neurosciences et libre arbitre
• Neurosciences et responsabilité
Jeffrey M. Burns, MD; Russell H. Swerdlow, MD , 2003, Right OrbitofrontalTumor With Pedophilia Symptom and Constructional Apraxia Sign, Archive Neurology. 2003;Vol. 60, 437-440
• Où est la frontière entre la criminalité et la maladie ?
« Par delà les applications cliniques qui verront prochainement le jour, on ne peut qu’espérer que notre siècle connaîtra des réformes sociétales profondes, rendues indispensables par notre compréhension grandissante de la complexe condition de l’homme neuronal. Je pense tout particulièrement à nos prisons, vestiges moyenâgeux que le neuroéthicien ne peut que considérer scandaleux, car on connaît bien la quantité de malades psychiatriques et cérébraux qu’elle recueille, tout autant qu’inefficace, car on voit mal comment le cerveau pourrait s’y réformer sereinement. C’est là un parmi quelques dizaines de grands chantiers qui attendent les neuroéthiciens de demain. »S. Dehaene
• Existe-t-il un libre arbitre ?
• Quelle est la part de l’autonomie de la décision
• Peut-on orienter voir contraindre ce processus? (applications militaires, applications dans le marketing..)
Retour à l’éthique des neurosciences
La neuroimagerie
• Médicale– Diagnostic
– Pronostic (fiabilité et validité, risque d’étiquetage)• Bénéfices du pronostic / discriminations et dommages
associés au statut de « personne à risque »
• Pas forcément médicale– Attitudes inconscientes et prédispositions
– Détection du mensonge
• Problèmes éthiques– Possibles effets secondaires à long terme
– Compétition (discrimination, aggravement des inégalités)
– Changer la condition humaine• Dévalorise en mettant du côté de la pathologie les
expériences « négatives » dans la vie humaine
• Médicaliser les efforts humains peut revenir à déresponsabiliser, à dévaloriser le développement personnel reposant sur l’effort, à réduire notre capacité à résoudre les problèmes de la vie
Modifier, améliorer, contrôler les fonctions cognitives
• Mémoire, humeur, attention, vigilance
- Utilisation des psychostimulant (ADHD)
• Effacer les souvenirs indésirables
• Humeur et bonheur (prise de SSRIs)
– Sentiments négatifs: anxiété, tristesse, contrariétés, timidité, culpabilité sont atténués
– Estime de soi confiance exacerbés
– Influence positive sur la qualité des interactions sociales
(Kass L. Beyond therapy: biotechnology and the pursuit of happiness. New York: Harper Collins; 2003.)
Modifier, améliorer, contrôler les fonctions cognitives
Les neuroprothèses
Vers la mise au point d’une prothèse bionique neurocontrôlée capable de sensations
La responsabilité de la mémoire
• Que deviendrait notre perception du monde déchargée de sa charge affective ?
– Témoins de souffrances sans en être affectés
– Que deviendraient les qualités nécessaires à la vie en société : compassion, empathie, altruisme
La responsabilité de la mémoireLe dilemme du survivant
• Un témoin d’un massacre doit-il être traité pour alléger ses souffrances personnelles liées au souvenir du drame, ou doit-il souffrir et les transmettre ?– Prise de conscience par l’humanité des crimes commis
….mise en place de moyens pour éviter la récidive
• La douleur, même la plus cruelle, n’est-elle pas la composante incontournable d’une vie « heureuse » ?
Problèmes éthiques concernant la conception de la personne humaine
• Les nouvelles technologies et les médicaments pourraient être en mesure de changer la nature même de l’être humain
• Faut-il encourager ou au contraire interdire certaines pratiques ?
Présent et futur des neurosciences : - qu'est-ce qui est possible ?- qu'est-ce qui est souhaitable ?
Atelier européen, 22 et 23 avril 2004 , Amsterdam, Pays-Bas
Synthèse :"Les neurosciences ne se limitent pas seulement au traitement des maladies neurologiques, mais constituent également un récit conséquent sur ce qu'est "d'être humain ". C'est pourquoi, il est important d'avoir un véritable débat de société dans ce domaine".