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APERÇU DES RECOURS DÉCOULANT DE L APPLICATION DE LA LOI SUR LES RELATIONS DU TRAVAIL, LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET LA GESTION DE LA MAIN-DŒUVRE DANS LINDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION M e Jean Ménard * TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION ........................................................................ 125 A. Présentation de la Loi R-20 ............................................. 125 B. Le commissaire de l’industrie de la construction ............... 128 I.– RECOURS QUI NAISSENT DE LA LOI OU D’UNE CONVENTION COLLECTIVE EN FAVEUR DES SALARIÉS ..................................................................................... 130 II.– RECOURS CONTRE LES ADMINISTRATEURS D’UNE PERSONNE MORALE ................................................... 132 A. Responsabilité des administrateurs : statut versus démission ..................................................................................... 133 B. Défense possible pour les administrateurs et chose jugée 133 C. Notion de salaire ............................................................ 133 D. Bref d’exécution rapport insatisfait ................................... 134 III.– RECOURS CONTRE LES CAUTIONS ............................ 134 * M e Jean Ménard est directeur, direction des services juridiques, à la Commission de la construction du Québec.

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APERÇU DES RECOURS DÉCOULANT DE L’APPLICATION DE LA LOI SUR LES RELATIONS DU TRAVAIL, LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET LA GESTION DE LA MAIN-D’ŒUVRE DANS L’INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION Me Jean Ménard∗

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION........................................................................125

A. Présentation de la Loi R-20.............................................125

B. Le commissaire de l’industrie de la construction ...............128

I.– RECOURS QUI NAISSENT DE LA LOI OU D’UNE CONVENTION COLLECTIVE EN FAVEUR DES SALARIÉS.....................................................................................130

II.– RECOURS CONTRE LES ADMINISTRATEURS D’UNE PERSONNE MORALE...................................................132

A. Responsabilité des administrateurs : statut versus démission.....................................................................................133

B. Défense possible pour les administrateurs et chose jugée 133

C. Notion de salaire ............................................................133

D. Bref d’exécution rapport insatisfait ...................................134

III.– RECOURS CONTRE LES CAUTIONS ............................134

∗ Me Jean Ménard est directeur, direction des services juridiques, à la

Commission de la construction du Québec.

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IV.– RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE DE L’ENTREPRENEUR GÉNÉRAL ET DU DONNEUR D’OUVRAGE...................135

V.– RECOURS EN VERTU DU PARAGRAPHE C.2 DE L’ARTICLE 81 ...............................................................139

A. Preuve requise...............................................................142

VI.– RECOURS POUR PRATIQUES INTERDITES .................145

VII.– LITIGES RELATIFS AU CHAMP D’APPLICATION DE LA LOI................................................................................146

A. Juridiction du commissaire de l’industrie de la construction.....................................................................................146

B. Le champ d’application de la Loi R-20 : aperçu des principales questions soulevées ......................................148

1. Quelques définitions des assujettis à la Loi R-20 ..148 2. Définition du mot « construction » selon le premier alinéa du paragraphe f) de l’article 1....................153 3. Définition du mot « construction » selon le deuxième alinéa du paragraphe f) de l’article 1....................156

C. Critères d’assujettissement des travaux relatifs à la machinerie de production et à la machinerie de bâtiments.......................................................................160

1. Doit-on appliquer le premier ou le deuxième alinéa du paragraphe f) de l’article 1 au mot « construction » ? ...............................................164 2. Disposition déclaratoire relative à la pose de revêtements souples ..........................................166 3. Exclusions au champ d’application : les paragraphes

1o à 13o du premier alinéa de l’article 19 ..............166

VIII.– LITIGES RELATIFS À LA DÉTERMINATION DU SECTEUR APPLICABLE................................................................169

IX.– RECOURS DEVANT LA CRT RELATIF À LA VALIDITÉ D’UNE CLAUSE D’UNE CONVENTION COLLECTIVE....171

X.– ARBITRAGE DE GRI EFS ..............................................173

XI.– PLAINTE EN MATIÈRE DE LIBERTÉ SYNDICALE ........174

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XII.– RECOURS RELATIF À L’EXERCICE, PAR LA CCQ, DE SES POUVOIRS DE SUSPENSION DES TRAVAUX DE CONSTRUCTION ..........................................................176

A. Révision d’une ordonnance de suspension ......................176

B. Outrage au tribunal.........................................................178

XIII.– LITIGE PORTANT SUR UN CONFLIT DE COMPÉTENCE RELATIF À L’EXERCI CE D’UN MÉTIER OU D’UNE OCCUPATION...............................................................179

XIV.– RECOURS EN MATIÈRE DE FORMATION OU DE QUALIFICATION PROFESSIONNELLE .........................180

XV.– RECOURS EN MATIÈRE DE LICENCE D’ENTREPRENEUR COMPORTANT UNE RESTRICTION AUX FINS D’UN CONTRAT PUBLIC .......................................................182

A. Introduction....................................................................182

B. La licence d’entrepreneur et les contrats publics ..............183

C. Règlement sur les restrictions aux licences d’entrepreneurs aux fins d’un contrat public..............................................187

1. Cas d’ouverture à une restriction .........................189 2. Cumul et nombre requis de condamnations .........192 3. Entrée en vigueur et durée de la restriction ..........194

D. Ordonnance de ne pas considérer une infraction (article 80.2 de la Loi R-20) .............................................196

1. Questions préliminaires et accessoires ................200

E. Conclusion.....................................................................206

XVI.– RECOURS EN MATIÈRE D’AVANTAGES SOCIAUX (ADMISSIBILITÉ OU MONTANT D’UNE PRESTATION)...............................................................207

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INTRODUCTION

A. Présentation de la Loi R-20

1 Comme son titre l’indique, la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20, ci-après la « Loi R-20 ») est une loi sectorielle qui touche plusieurs facettes de l’industrie de la construction :

♦ les relations du travail (cette loi remplace, pour l’industrie de la construction, le Code du travail et la Loi sur les décrets de convention collective, qui ne s’appliquent pas à cette industrie)1;

♦ la formation et la qualification professionnelles de la main-d’œuvre;

♦ les avantages sociaux des travailleurs de cette industrie (régimes d’assurance et régime de retraite);

♦ certaines obligations sont aussi données en matière de lutte contre le travail au noir à l’organisme chargé d’appliquer cette loi, la Commission de la construc-tion du Québec.

2 Chacune de ces facettes donne lieu à des recours parti-culiers, parfois devant les tribunaux de droit commun, parfois devant des instances qui sont particulières à l’industrie de la construction. Le but du présent atelier consiste à donner un aperçu des différents recours auxquels donne lieu l’application de la Loi R-20, et à approfondir certains recours mal connus ou particulièrement importants pour le praticien.

3 Il ne s’agit pas de la seule loi sectorielle qui touche cette industrie; mentionnons notamment la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1), qui a pour objets « d’assurer la qualité des travaux de construction d’un bâtiment et, dans certains cas, d’un équipement destiné à l’usage du public »2 et « d’assurer la sécurité du public qui accède à un bâtiment ou à un équipe-ment destiné à l’usage du public ou qui utilise une installation non rattachée à un bâtiment »3; elle vise à atteindre ces

1 Art. 124 de la Loi R-20. 2 Loi sur le bâtiment, art. 1, 1er al., par. 1°. 3 Idem, par. 2°.

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objectifs notamment par un système de qualification des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires4. Outre qu’elle touche des aspects différents de ceux régis par la Loi R-20 , son champ d’application diffère également de celui de la Loi R-20 : cette dernière s’occupe en effet de la construction d’ouvrages de génie civil (routes, barrages, ponts, etc.), dont la Loi sur le bâtiment ne traite que de façon accessoire, pour les fins des dispositions touchant les licences d’entrepreneurs, les cautionnements et les plans de garantie5; par ailleurs la Loi R-20 contient des exceptions spécifiques qui ne se retrouvent pas dans la Loi sur le bâtiment.

4 Cette disparité entre ces deux lois occasionne parfois des malentendus auprès des justiciables, qui ont de la difficulté à comprendre pourquoi les activités auxquelles ils s’adonnent n’échappent pas aux rigueurs de l’une des deux lois, alors qu’elles ne sont même pas visées par l’autre.

5 De tous les volets touchés par la Loi R-20 , il est certain que c’est celui relatif aux relations du travail qui suscite le plus grand nombre de litiges. Avant d’aborder les recours spécifi-ques au droit du travail de l’industrie de la construction, il convient donc d’esquisser un bref tableau du régime de relations du travail propre à cette industrie.

6 Ce régime tire son origine de celui de la Loi sur les décrets de convention collective (L.R.Q. , c. D-2), dont il s’est affranchi d’abord en 1968, mais surtout en 1992 alors qu’on retirait à l’État le pouvoir de s’immiscer dans le contenu des conditions de travail. L’industrie a alors été divisée en quatre secteurs : le secteur résidentiel, le secteur institutionnel et commercial, le secteur industriel et le secteur génie civil et voirie. Pour chacun de ces secteurs, une convention collective peut être conclue et les conditions de travail qu’elle contient sont obligatoires pour tout employeur et tout salarié œuvrant dans ce secteur, c’est-à-dire pour toute personne qui s’adonne à des activités comprises dans le champ d’application de la loi, quelle que soit son activité principale6. Un organisme, la

4 Idem, 2e al. 5 Loi sur le bâtiment, art. 2 par. 5°. 6 Commission de l’industrie de la construction c. Commission de transport de la

communauté urbaine de Montréal, [1986] 2 R.C.S. 327. Certaines exclusions peuvent cependant toucher des entreprises qui ne sont pas des employeurs professionnels de la construction (voir plus loin).

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Commission de la construction du Québec (ci-après : CCQ), est chargé de veiller à l’application des dispositions de ces quatre conventions collectives sectorielles à qui la loi confie certains pouvoirs et le droit d’intenter certains recours que nous présenterons dans cet atelier.

7 Ces conventions collectives sont négociées, du côté patronal, par une des associations sectorielles (l’APCHQ pour le résidentiel, l’ACQ pour l’institutionnel et commercial et pour l’industriel, et l’ACRGTQ pour le génie civil et la voirie), et par l’AECQ pour le « tronc commun » aux quatre conventions (soit, en gros, le régime d’arbitrage de griefs, les mesures disciplinai-res et les avantages sociaux de base) et du côté syndical, par la ou les associations de salariés ayant obtenu la majorité des adhésions de travailleurs à la suite d’un scrutin organisé à tous les trois ans par la CCQ, suivant les articles 28 à 37 de la Loi R-20.

8 C’est également à l’occasion de cette réforme de 1992, qu’a été introduit dans la loi l’un des recours dont nous allons traiter, mais sans l’approfondir puisqu’il n’a pas donné lieu à des litiges importants jusqu’à présent : il s’agit de la requête que le procureur général ou une partie intéressée peut présenter à la Commission des relations du travail afin qu’elle détermine dans quelle mesure une clause d’une convention collective est contraire à une disposition de la Loi R-20. Soulignons que l’article 61 de la loi indique les sujets sur lesquels ces clauses peuvent ou doivent porter; l’article 61.1 précise celles qui doivent être communes aux quatre conventions sectorielles et enfin l’article 61.2 énumère sept limitations à la liberté contractuelle des parties aux conventions collectives.

9 Notons enfin que la Cour suprême a confirmé, en 2001, l’obligation faite aux travailleurs d’adhérer à l’une de ces quatre associations représentatives (soit la CSD-Construction, la CSN-Construction, le Conseil conjoint de la FTQ-Construction et du CPQMC (international), et le Syndicat québécois de la construction) et que cela ne violait pas la Charte canadienne des droits et libertés même si elle faisait un accroc à la liberté d’association7.

7 R c. Advance Cutting & Coring Ltd., [2001] 3 R.C.S. 209.

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B. Le commissaire de l’industrie de la construction

10 Ce tribunal administratif a été créé en 1998 par la Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l’industrie de la construction (1998, c. 46). Il remplace le commissaire de la construction, qui était principalement chargé d’entendre les litiges relatifs au champ d’application de la Loi R-20, et le conseil d’arbitrage institué en vertu de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d’œuvre (L.R.Q., c. F-5), qui avait juridiction sur les conflits de compétence entre les métiers8, et qui entendait les appels formés à l’encontre des décisions de la CCQ refusant la délivrance ou le renouvelle-ment d’un certificat de compétence.

11 En plus d’hériter des attributions de ces deux organis-mes, qui existaient depuis 1970, le législateur a confié au commissaire de l’industrie de la construction le rôle d’entendre d’autres recours. Ce tribunal a donc maintenant une juridiction exclusive sur les recours suivants :

1. difficulté d’interprétation ou d’application des paragraphes v à y du premier alinéa de l’article 1, c’est-à-dire la question de savoir lequel des quatre secteurs de l’industrie de la construction régit des travaux quelconques (art. 21, 1er al.; voir plus loin, chapitre VIII);

2. difficulté d’interprétation ou d’application de l’article 19 ou des règlements adoptés en vertu de l’article 20, c’est-à-dire litiges relatifs au champ d’application de la Loi R-20 (art. 21, 1er al.; voir plus loin, chapitre VII);

3. révision rendue en vertu de l’article 7.4, c’est-à-dire d’une ordonnance de suspension de travaux de construction (art. 7.7, voir plus loin, chapitre XII-A);

4. conflits de compétence relatifs à l’exercice d’un métier ou d’une occupation (art. 21, 2e al.; voir plus loin, chapitre XIII);

5. recours à l’encontre d’une décision de la CCQ en matière de délivrance ou de renouvellement d’un certificat de compétence ou d’une exemption (art. 80.1, voir plus loin, chapitre XIV);

8 Il a eu cette juridiction jusqu’au 8 février 1995; c’est le commissaire de la

construction qui prenait le relais à cette date : 1995 L.Q. c. 8, art. 12.

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6. recours à l’encontre d’une décision de la CCQ en matière de formation professionnelle (art. 80.3 de la loi et art. 27 du Règlement sur la formation professionnelle de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, [R.R.Q.c. R-20, r. 6.2]; voir plus loin, chapitre XIV);

7. recours pour obtenir une ordonnance en matière de licence restreinte aux fins d’un contrat public (art. 80.2, voir plus loin, chapitre XV);

8. recours formés en vertu des articles 11.1 et 164.1 de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1), c’est-à-dire litiges relatifs au champ d’application de cette loi, et recours à l’encontre d’une décision de la Régie du bâtiment en matière de délivrance de licence d’entrepreneur (art. 21, 3e al.);

9. recours formés en vertu de l’article 41.1 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d’œuvre (L.R.Q., c. F-5), c’est-à-dire en matière de délivrance d’un certificat de compétence pour des métiers hors construction (art. 21, 3e al.);

10. recours formés en vertu de la Loi sur les installations électriques (L.R.Q., c. I-13.01), c’est-à-dire à l’encontre de la suspension ou de la révocation d’une licence d’électricien (art. 21, 3e al.);

11. recours formés en vertu de la Loi sur les mécaniciens de machines fixes (L.R.Q., c. M-6), c’est-à-dire à l’encontre de la suspension ou de la révocation d’un certificat par les examinateurs nommés en vertu de cette loi (art. 21, 3e al.).

12 Il est composé d’un commissaire et de quatre commis-saires adjoints nommés par le gouvernement pour un mandat d’une durée fixe d’au plus cinq ans. Il dispose d’un bureau à Québec et à Montréal et il peut siéger partout au Québec. Il est investi des pouvoirs et de l’immunité conférés à un commis-saire en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête (L.R.Q., c. C-37), sauf celui d’imposer l’emprisonnement (art. 23). Il a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa juridiction et peut rendre toute ordonnance de sauvegarde (art. 23.1); il peut procéder à une visite des lieux (art. 23.2); dans certaines affaires, il peut proposer aux parties de procéder à une conciliation (art. 21.0.3).

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13 Il a adopté les Règles de procédure et de pratique du commissaire de l’industrie de la construction (Décret 850-2002), qui sont entrées en vigueur le 25 juillet 2002.

I.– RECOURS QUI NAISSENT DE LA LOI OU D’UNE CONVENTION COLLECTIVE EN FAVEUR DES SALARIÉS

14 L’article 81 de la Loi R-20, aux paragraphes a), b), c) , c.1 et d) du premier alinéa, accorde à la Commission de la construction du Québec le pouvoir d’intenter certains recours en faveur des salariés de l’industrie de la construction :

15 81. En vue d'assurer la mise à exécution d'une convention collective, la Commission peut :

16 a) exercer les recours qui naissent de la présente loi ou d'une convention collective en faveur des salariés qui n'ont pas fait signifier de poursuite dans un délai de quinze jours de l'échéance, et ce, nonobstant toute loi à ce contraire, toute opposition ou toute renonciation expresse ou implicite du salarié, et sans être tenue de justifier d'une cession de créance par l'i ntéressé, de le mettre en demeure, de lui dénoncer la poursuite, ni d'alléguer et de prouver l'absence de poursuite dans ce délai de quinze jours, ni de produire le certificat de compétence–compagnon;

17 […]

18 b) aux mêmes conditions, reprendre l'instance au lieu et place de tout salarié qui, ayant fait signifier une telle poursuite, a négligé de procéder pendant quinze jours;

19 c) recouvrer tant de l'employeur que du salarié qui violent les clauses d'une convention collective relatives à la rémunération en monnaie courante et aux indemnités ou avantages ayant une valeur pécuniaire, et de chacun d'eux, une somme égale à 20 % de la différence entre le montant obligatoire et celui effectivement payé;

20 c.1) recouvrer tant du salarié visé au paragraphe c qui exécute des travaux de construction sans être titulaire du certificat de compétence ou bénéficiaire d'une exemption requis pour les travaux qu'il exécute

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que de son employeur, une somme supplémentaire égale à 20 % de la différence entre le montant obligatoire et celui effectivement payé;

21 […]

22 d) effectuer tout règlement, compromis ou transaction jugé convenable dans les cas prévus aux paragraphes a à c.2;

23 Il s’agit, bien entendu, du recours ayant donné lieu au plus grand nombre de litiges en vertu de la Loi R-20. L’ensemble des questions qu’il soulève, de même que l’ampleur de la jurisprudence qui en traite, débordent largement le cadre du présent atelier. Ce recours n’est toutefois pas unique à la construction, puisque les comités paritaires peuvent exercer des recours similaires en vertu de l’article 22 de la Loi sur les décrets de convention collective (L.R.Q., c. D-2), et que la Commission des normes du travail dispose de pouvoirs analogues en vertu des articles 98 et 99 de la Loi sur les normes du travail (L.R.Q., c. N-1.1).

24 C’est pourquoi nous invitons les participants qui voudraient approfondir la question à consulter les ouvrages suivants : Loi annotée sur les décrets de convention collective9, Décrets et comités paritaires10 et Loi sur les normes du travail, législation, jurisprudence et doctrine11.

25 D’ailleurs, l’article 109 de la Loi R-20 rend, par renvoi, applicables aux recours de la CCQ les dispositions des articles 40 à 50 de la Loi sur les décrets de convention collective précitée.

26 Soulignons que le paragraphe 1 de l’article 122 édicte des dispositions relatives à la prescription différentes de celles du droit commun.

27 Signalons enfin des dispositions particulières en matière de preuve : l’article 48.1 sur les copies des conventions collectives imprimées sous l’autorité de la CCQ, l’article 81.1 qui porte sur les documents qui ont fait l’objet d’un examen par la Commission, et le paragraphe 6 de l’article 122 concernant

9 DE NIVERVILLE, Patrick, et Hélène OUIMET , Wilson & Lafleur Ltée, 1996. 10 DUBÉ, Jean-Louis, Les Éditions Revue de Droit, Université de Sherbrooke,

1990. 11 CAZA, Charles, dans la collection « Alter Ego », Wilson & Lafleur Ltée, 2001.

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les copies certifiées de documents en la possession de la CCQ.

28 Ces recours s’exercent surtout contre l’employeur du salarié; ils peuvent aussi être exercés contre les administra-teurs de l’employeur « personne morale » (nous verrons ce recours plus loin, au point II), contre la caution de l’employeur (plus loin, au point III) ou contre l’entrepreneur général ou le donneur d’ouvrage (plus loin, au point IV).

II.– RECOURS CONTRE LES ADMINISTRATEURS D’UNE PERSONNE MORALE

29 Le paragraphe a.1 de l’article 81, et le paragraphe 7 de l’article 122 de la Loi R-20 se lisent comme suit :

30 81. En vue d'assurer la mise à exécution d'une convention collective, la Commission peut:

31 […]

32 a.1) exercer à l'encontre des administrateurs d'une personne morale les recours qui naissent de la présente loi ou d'une convention collective en faveur des salariés et qu'ils peuvent exercer envers eux;

33 122. par. 7. Dans le cas d'une faillite ou d'une ordonnance de mise en liquidation d'une personne morale, ou dans le cas de sa dissolution par l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 50 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales (c. P-45), les administrateurs de cette personne morale sont personnellement et solidairement responsables du paiement du salaire dû aux salariés de la personne morale jusqu'à concurrence de six mois de salaire, pourvu qu'une réclamation de cette dette soit déposée dans l'année de la faillite, de l'ordonnance de liquidation ou de la dissolution.

34 Il en est de même, lorsqu'après jugement rendu contre une personne morale, le bref d'exécution est rapporté insatisfait en tout ou en partie si les administrateurs sont poursuivis dans l'année du jugement reconnaissant l'exigibilité du salaire.

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A. Responsabilité des administrateurs : statut versus démission

35 CCQ c. Prévost, D.T.E. 2001T-1063, J.E. 2001-2027, R.E.J.B. 2001-26522 (C.A.).

36 Champagne c. Amiri, D.T.E. 94T-629, J.E. 94-836 (C.A.).

37 CCQ c. Perreault, C.S. Longueuil, no 505-05-001415-907, le 23 juin 1992, conf. D.T.E. 97T-1487, J.E. 97-2204, R.E.J.B. 1997-03758 (C.A.).

38 CCQ c. Fleury et al., C.S. Drummondville, no 405-17-000161-013, les 15 et 23 janvier 2002 [2002] J.Q. no 760 (Q.L.), requête en rejet d'appel accueillie le 16 juillet 2002.

39 CCQ c. Tourville, D.T.E. 93T-845, J.E. 93-1364 (C.S.), appel no 500-09-001234-939, règlement hors cour, le 28 juin 1994.

40 CCQ c. Milioto, C.S. Montréal, no 500-05-014388-910, le 3 février 1994.

41 Aikens c. St-Pierre, D.T.E. 97T-1223, J.E. 97-1827 (C.Q.).

42 CCQ c. Couture, D.T.E. 93T-698, J.E. 93-1180 (C.Q.).

43 CCQ c. Roy, C.Q. Québec, no 200-02-003032-911, le 27 février 1992.

44 Commission des normes du travail c. Imbault, D.T.E. 2001T-688 (C.Q.).

B. Défense possible pour les administrateurs et chose jugée

45 Barrette c. Crabtree, [1993] 1 R.C.S. 1027.

46 Zieman c. Commission des normes du travail, D.T.E. 96T-94, J.E. 96-228 (C.A.), D.T.E. 95T-1067 (C.S.).

47 CCQ c. Rodrigues, C.Q. Québec, No 200-22-007592-983, le 3 décembre 1999, [1999] J.Q. no 5668 (Q.L.).

C. Notion de salaire

48 OCQ c. Pallotta et al., D.T.E. 86T-77 (C.A.).

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49 CCQ c. Tourville, D.T.E. 93T-845, J.E. 93-1364 (C.S.). appel no 500-09-00234-939,règlement hors cour, le 28 juin 1994;

50 Barette c. Crabtree, [1993] 1 R.C.S. 1027.

51 Nadeau c. Boisvert, J.E. 84-488 (C.A.).

52 Commission des normes du travail c. Capannelli, C.Q. [2000] J.Q.no 1984 (Q.L.).

D. Bref d’exécution rapport insatisfait

53 Russo c. Renaud, [1987] R.L. 55 (C.A.), J.E.-87-325 (C.A.);

54 Commission des normes du travail c. Sabbah, D.T.E. 94T-630 (C.Q.);

55 Commission des normes du travail c. Burak, D.T.E. 2002T-813, J.E. 2002-1595, R.E.J.B. 2002-33132 (C.S.), appel rejeté sur requête, C.A. no 500-09-012509-022 et no 500-09-012545-026, 30 septembre 2002.

56 Commission des normes du travail c. Armenti, D.T.E. 2002T-123, J.E. 2002-270, R.E.J.B. 2002-30004 (C.Q.).

III.– RECOURS CONTRE LES CAUTIONS

57 Le troisième alinéa de l’article 81 édicte : 58 La Commission peut exercer les recours visés aux

paragraphes a et b du premier alinéa contre toute personne tenue de payer au salarié ce qui lui est dû.

59 Dans l’arrêt Château Compagnie d'Assurance c. Commission de la construction du Québec12, la Cour d’appel a confirmé que cette disposition, introduite dans la Loi R-20 en 198813, « permet à la Commission, lorsque l'employeur fait défaut, de poursuivre la caution qui s'est contractuellement obligée envers ce dernier de payer directement aux salariés le salaire ». Voir aussi les arrêts Commission de la construction du Québec c. Construction Gasperino Di Iorio Inc.14, et

12 REJB 1999-15657 (C.A .). 13 1988, c. 35, art. 6. 14 REJB 2001-28296 (C.S.).

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 135

Commission de la construction du Québec c. Bouliane & Gauthier Construction Inc.15.

IV.– RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE DE L’ENTRE-PRENEUR GÉNÉRAL ET DU DONNEUR D’OUVRAGE

60 L’article 54 impute à l’entrepreneur général et au donneur d’ouvrage, dans certaines conditions, une responsabilité solidaire avec l’employeur à l’égard du salaire :

61 54. Le salaire dû par un sous -entrepreneur est une obligation solidaire entre ce sous -entrepreneur et l'entrepreneur avec qui il a contracté, et entre ce sous-entrepreneur, le sous-entrepreneur avec qui il a contracté, l'entrepreneur et tout sous-entrepreneur intermédiaire.

62 Lorsque l'employeur est titulaire de la licence requise en vertu de la Loi sur le bâtiment , cette solidarité prend fin six mois après la fin des travaux exécutés par cet employeur, à moins que le salarié n'ait déposé, auprès de la Commission, une plainte relative à son salaire, qu'une action civile n'ait été intentée, ou qu'une réclamation n'ait été transmise par la Commission suivant le troisième alinéa du paragraphe 1° de l'article 122 avant l'expiration de ce délai.

63 Cette solidarité s'étend aussi au client qui a contracté directement ou par intermédiaire avec un entrepre-neur qui n'est pas titulaire de la licence requise en vertu de la Loi sur le bâtiment , à l'égard du salaire dû par cet entrepreneur et par chacun de ses sous-entrepreneurs.

64 Cet article a été introduit dans la Loi R-20 par l’article 31 de la Loi de 1995, chapitre 8, sanctionnée le 8 février 1995. Il remplace les anciens articles 54 et 54.1 qui se lisaient comme suit :

65 54. Tout entrepreneur de construction qui passe un marché avec un sous-entrepreneur ou un sous-traitant, directement ou par intermédiaire, est solidai-rement responsable avec ce sous-entrepreneur ou ce

15 C.Q. no 200-02-014775-961.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 136

sous-traitant et tout intermédiaire, du paiement du salaire fixé par la convention collective.

66 54.1. Tout donneur d’ouvrage qui passe un marché, directement ou par intermédiaire, avec un entre-preneur qui n’est pas titulaire de la licence requise en vertu de la Loi sur le bâtiment est solidairement responsable avec cet entrepreneur et tout intermé-diaire ou son sous-traitant du paiement du salaire fixé par la convention collective.

67 L’expression « entrepreneur de construction » que l’on retrouvait dans l’ancien article 54 remplaçait, depuis le 23 juin 1992, celle d’« employeur professionnel »16. Il est donc nécessaire, lorsqu’on consulte la jurisprudence sous cet article, de distinguer les jugements selon que les faits qui y ont donné lieu sont survenus avant ou après le 23 juin 1992 ou le 8 février 1995. La même mise en garde s’impose à l’égard des déci-sions rendues en application de l’article 14 de la Loi sur les décrets de convention collective, dont le libellé est à peu de choses près celui de l’article 54 de la Loi R-20 tel qu’il se lisait avant le 23 juin 1992.

68 On doit en particulier mettre de côté les décisions qui, dans la foulée de l’arrêt Fellig17, exigeaient la preuve de la « complicité » de l’entrepreneur général pour lui imputer une responsabilité solidaire avec son sous-traitant. Comme le faisait remarquer le juge Kaufman dans l’arrêt Commission de l’industrie de la construction c. J.R. Côté Construction Ltée18, il est plus facile pour un entrepreneur général de contrôler l’appli-cation des conditions de travail rendues obligatoires par la loi sur un chantier de construction, qu’à une entreprise œuvrant dans d’autres secteurs, où l’impartition du travail implique que celui-ci soit effectué ailleurs que dans des locaux contrôlés par l’entrepreneur général. Notons de plus, que dans cette affaire, le jugement de la Cour d’appel est fondé sur le principe que les tribunaux doivent donner effet à un texte de loi clair.

69 Cette disposition, que certains considèrent particuliè-rement sévère pour les donneurs d’ouvrage, se justifie par la volonté du législateur d’empêcher qu’il soit trop facile d’éviter

16 Loi 1992, c. 42, art. 8. 17 Joint Committee for the Men’s and Boys’ Clothing Industry for the Province of

Quebec c. H. & J. Pants Contractors Co., [1972] C.A. 388. 18 [1978] C.A. 400.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 137

les conditions de travail obligatoires de la construction en attribuant (que ce soit à dessein ou par aveuglement volontaire) des contrats de sous-traitance à des « fly by night contractors ». On peut d’ailleurs faire un certain parallèle entre cette disposition et celle de l’article 45 du Code du travail.

70 On s’est demandé, si l’émission par la Commission de la construction du Québec, de « lettres de conformité » en faveur de l’employeur pouvait mettre un obstacle à la respon-sabilité solidaire de l’entrepreneur général. Les entrepreneurs et les donneurs d’ouvrage ont pris l’habitude de demander à la CCQ, avant d’effectuer le paiement des retenues à leurs sous-traitants, une « lettre d’état de situation », qui n’est encadrée par aucune disposition législative, si ce n’est l’article 3 du Règlement sur certains frais exigibles par la Commission de la construction du Québec (R.R.Q., c. R-20, r. 2.3), qui permet à la CCQ d’exiger des frais de 30 $ pour son émission. Cet article se lit comme suit :

71 3.Des frais de 30 $ sont exigibles d'un employeur pour la délivrance d'une lettre d'état de situation.

72 Pour l'application du présent règlement, une lettre d'état de situation est un document délivré par la Commission de la construction du Québec à la demande d'un employeur et qui contient certains renseignements portés à la connaissance de la Commission, dans l'un ou l'autre des cas suivants:

73 1° État de situation aux fins de soumissionner: lettre indiquant notamment le site du chantier, la nature des travaux et le nom du donneur d'ouvrage en rapport avec le contrat pour lequel elle est demandée;

74 2° État de situation relatif à un chantier particulier: lettre indiquant notamment le site du chantier, la nature des travaux, le nom du donneur d'ouvrage, la valeur du contrat, le pourcentage du coût de la main-d’œuvre par rapport à cette valeur, le nombre maximum de salariés impliqués, le nombre total d'heures de travail effectuées et la durée des travaux, à l'égard du contrat pour lequel elle est demandée.

75 La Cour d’appel, dans l’arrêt Office de la construction du Québec c. Entreprise Michel Poulin inc. et Cie de

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 138

construction Gaston Picard inc.19 a rejeté une demande reconventionnelle à l’encontre d’un recours de l’OCQ contre un entrepreneur général, suivant laquelle ce dernier demandait d’être indemnisé par l’OCQ d’une condamnation éventuelle en vertu de l’article 54 au motif que l’OCQ aurait délivré une « lettre de conformité » à son sous-traitant. La Cour a motivé sa décision en disant que la CCQ n’a pas commis de faute en émettant cette lettre, les renseignements qu’elle contenait étant exact au moment où elle a été émise. Cette décision a été suivie notamment dans CCQ c. Montages Unik inc. et Techno Métal inc.20 et dans CCQ c. Maçonnerie Pro-Conseil enr. et Maçonnerie B.B.A. inc.21.

76 Dans la mesure où la lettre de la CCQ est conforme aux informations dont elle dispose au moment où elle l’envoie, en tenant compte notamment du fait que ce n’est que le 15e jour du mois suivant que les employeurs doivent produire leur rapport mensuel22, elle ne saurait constituer une fin de non recevoir à un recours en vertu de l’article 54.

77 Notons que le délai de 6 mois prévu au 2e alinéa de l’article 54 n’est pas, à proprement parler, un délai de prescription. Il s’agit en fait d’un délai au cours duquel doit se produire un événement particulier, à défaut de quoi, une condi-tion résolutoire mettra fin à la responsabilité de l’entrepreneur.

78 On s’est demandé si l’article 54 était applicable constitutionnellement au regard de la loi sur la faillite. La Cour supérieure a répondu affirmativement dans l’arrêt Dans l’affaire de la faillite de D.I.M.S. construction inc., et Raymond Chabot inc. c. Commission de la construction du Québec et al.23 Elle fonde son raisonnement sur le fait que l’article 54 de la Loi R-20 , à l’instar de l’article 316 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001), ne change pas l’ordre de collocation prévu à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. 1985. c. B-3).

19 C.A.Q. no 200-09-000738-861, 19 octobre 1998 (juges Bernier, LeBel et

Mailhot). 20 C.Q. Québec no 200-02-005184-926, 11 mars 10993 (juge J.-M. Tremblay). 21 C.Q. Longueuil NO 505-02-005120-963, 29 août 1997 (juge L. Rémillard). 22 Règlement sur le registre, le rapport mensuel, les avis des employeurs et la

désignation d’un représentant [R.R.Q. c. R-20, r. 14.0.1], art. 12. 23 [2000] R.J.Q. 3056; jugement porté en appel, C.A.M. no 500-09-010064-004.

Voir aussi Hydro-Québec c. 2951-1433 Québec inc., [2000] R.J.Q. 1 (C.A.).

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 139

79 Notons que ce délai de six mois commence à courir à compter de la « fin des travaux exécutés par cet employeur », ce qui ne cause pas de difficulté particulière.

V.– RECOURS EN VERTU DU PARAGRAPHE C.2 DE L’ARTICLE 81

80 Le deuxième alinéa de l'article 4 de la Loi R-20 prévoit que, dans l'exercice de ses fonctions, la Commission doit aussi viser l'élimination de tout travail non déclaré ou exécuté en contravention à la Loi R-20. Ce travail non déclaré est communément désigné comme le « travail au noir ».

81 Afin de remplir ce mandat, la Commission exerce, en faveur des salariés qu'elle représente, les recours qui naissent de cette loi ou de l'une des quatre conventions collectives sectorielles24. Comme nous l'avons vu précédemment, c'est le paragraphe a) de l'article 81 qui permet à la CCQ d'agir en lieu et place des salariés et de réclamer le salaire qui leur est dû. Cependant, un recours selon cet article ne sera exercé que lorsqu'il est possible d'identifier les salariés pouvant faire l'objet d'une réclamation de salaire.

82 Il faut préciser que la non-collaboration des salariés n'est pas fatale au recours selon le paragraphe a) de l'article 81, puisqu'il est possible de l'instituer malgré toute opposition ou renonciation expresse ou implicite des salariés25. Mention-nons que l'article 46 de la Loi R-20 édicte que toute entente fixant des conditions de travail applicables à des métiers ou des emplois de l'industrie de la construction est nulle de nullité absolue si elle n'a pas été conclue conformément à cette loi. Dans l'affaire Entreprise Michel Poulin Inc.26, la Cour d'appel a déclaré que la loi protège même le salarié contre lui-même et à son insu.

83 Considérant que les différentes dispositions des conventions collectives sont obligatoires et que la Loi R-20 est d'ordre public, la Commission peut réclamer du salaire à l'insu des salariés.

24 Article 81 a) Loi R-20. 25 Ibid. 26 Office de la construction du Québec c. Entreprise Michel Poulin Inc. et. al.

(C.A., no 200-09-000738-861, 10 octobre 1988).

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 140

84 Ainsi, des salariés peuvent avoir été identifiés lors d'une visite de chantier, et suite à une vérification des rapports mensuels de l'employeur en cause, la Commission peut cons-tater que les heures déclarées aux rapports de l'employeur ne correspondent pas aux heures travaillées par les salariés présents au chantier. Elle peut alors intenter un recours pour réclamer les sommes payables.

85 Le recours prévu au paragraphe a) de l'article 81 présuppose donc que les salariés ont été identifiés.

86 Par contre, dans certains cas, les salariés ne peuvent être identifiés parce que ni l'employeur, ni les salariés ne colla-borent à l'enquête, rendant ainsi difficile pour la Commission l'application des dispositions des conventions collectives et l'élimination du travail non déclaré. Afin de pallier à cette difficulté, le législateur a adopté en 1995 le paragraphe c.2 de l'article 81 :

87 81. En vue d'assurer la mise à exécution d'une convention collective, la Commission peut :

88 […]

89 c.2) recouvrer de l'employeur qui omet de lui transmettre le rapport mensuel visé au paragraphe b du premier alinéa de l'article 82 les sommes correspondant aux indemnités, contributions, cotisa-tions et prélèvement qui auraient dû être transmises avec ce rapport, et un montant supplémentaire égal à 20% de ces sommes; le montant ainsi réclamé peut être établi au moyen d'une expertise basée sur l'étendue des travaux faisant l'objet du contrat exécuté par l'employeur ou par tout autre moyen de preuve permettant d'établir les heures de travail nécessaires à la réalisation de ces travaux ;27 [gras ajouté]

90 Cette disposition permet donc à la CCQ de réclamer d'un employeur les sommes qu'il doit obligatoirement lui faire parvenir mensuellement avec le rapport mensuel qu’il doit lui transmettre en vertu de l’article 11 du Règlement sur le registre, le rapport mensuel, les avis des employeurs et la

27 Projet de loi 46, sanctionné le 8 février 1995, modifié par le projet de loi 445,

sanctionné le 20 juin 1998.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 141

désignation d’un représentant28. Ces sommes sont identifiées à l’article 13 de ce règlement, qui se lit comme suit :

91 13. L'employeur doit acquitter, au plus tard à la date prévue au premier alinéa de l'article 12, les sommes qui correspondent :

92 1° aux indemnités pour les congés et les jours fériés payés;

93 2° aux cotisations patronales et salariales relatives aux régimes complémentaires d'avantages sociaux, et à la taxe de vente qui s'y applique;

94 3° aux cotisations syndicales;

95 4° à la cotisation patronale visée à l'article 40 de la loi;

96 5o au fonds spécial d'indemnisation;

97 6° au prélèvement;

98 7o au fonds de qualification de soudage;

99 8° à tout fonds de formation;

100 8.1° à la contribution pour les mesures relatives à la main-d'œuvre du secteur résidentiel;

101 9° aux frais prévus à l'article 126.0.2 de la loi.

102 Les sommes mentionnées aux paragraphes 1°, 2°, 5°, 7°, 8° et 8.1° sont déterminées par les conventions collectives (au moment d’aller sous presse, le paragraphe 8.1° n’était pas encore en vigueur29); celles mentionnées aux paragraphes 3° et 4° sont déterminées par les associations patronale et syndicales; le prélèvement (paragraphe 6°) est déterminé annuellement par le Règlement de prélèvement de la Commission de la construction du Québec30.

103 C’est l’article 81.2 de la Loi R-20 qui prévoit la destination des sommes que la CCQ peut percevoir en vertu de ce recours :

104 81.2. La Commission verse dans un fonds prévu au paragraphe 8° de l'article 4 qu'elle détermine, les

28 R.R.Q. c. R-20, r. 14.01.1. 29 Le projet de modification au règlement a été publié à la Gazette officielle le 15

mai 2002. 30 R.R.Q., c. R-20, r. 11.1.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 142

sommes qu'elle recouvre en vertu des paragraphes c.1 et c.2 de l'article 81, à l'exception des sommes suivantes :

105 1° celles correspondant aux cotisations syndicales, qui sont remises aux associations représentatives selon les pourcentages établis en vertu de l'article 35;

106 2° celles correspondant à la cotisation patronale, qui sont remises à l'association d'employeurs;

107 3° celles correspondant au prélèvement et au montant supplémentaire que la Commission recouvre en vertu du paragraphe c.2 de l'article 81, qu'elle conserve.

108 Ainsi, les sommes perçues en vertu du paragraphe c.2 de l'article 81 ne sont pas remises à des salariés : elles sont versées dans le Fonds spécial d'indemnisation des travailleurs, créé par les conventions collectives dans le but de compenser des pertes de salaire conséquentes à l'insolvabilité d'un employeur, à l'émission par un employeur d'un chèque sans provisions ou lorsqu'un bref d'exécution est rapporté insatisfait en tout, ou en partie (cependant, les montants réclamés pour des salariés non titulaires d’un certificat de compétence, ou ceux correspondant à des « banques d’heures » ne peuvent faire l’objet d’un remboursement par ce fonds).

A. Preuve requise

109 Le recours intenté par la Commission en vertu du paragraphe a) de l'article 81 peut avoir été initié par une plainte, une visite de chantier ou une anomalie aux livres de l'employeur. La procédure alors suivie par la Commission consiste entre autres à vérifier si les heures déclarées par l'employeur à son rapport mensuel correspondent à celles travaillées par les salariés.

110 Dans le cadre de son enquête et pour vérifier les faits portés à son attention, la Commission obtiendra de l'employeur les documents décrits aux articles 7.1 et 81.0.1 de la loi, lesquels documents pourront éventuellement être dénoncés au soutien de sa procédure introductive d'instance, joints à d'autres, tels des agendas de salariés, des feuilles de détail d'heures, des rapports de chantier, etc. Ces documents et différents témoignages serviront à étayer la preuve de la poursuite.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 143

111 Notez qu'aucune preuve n'est permise pour établir qu'une action ou poursuite a été intentée à la suite d'une plainte d'un dénonciateur ou pour découvrir l'identité de ce dernier31.

112 Qu'en est-il de la preuve offerte lorsque le recours est institué suivant le paragraphe c.2 de l'article 81 ?

113 Tel que précédemment souligné, le recours visé au paragraphe c.2 de l'article 81 est utilisé par la Commission lorsque l'employeur et les salariés ne collaborent pas à l'enquête. La Commission procède alors à établir au moyen d'une expertise les heures nécessaires à la réalisation d'un ouvrage. Ces heures serviront par la suite à déterminer les sommes recouvrables de l'employeur et qu'il aurait dû faire parvenir avec son rapport mensuel.

114 La Direction de l'inspection de la Commission emploie deux ingénieurs spécialisés dans l'estimation de travaux de construction qui sont assignés à préparer les expertises; ces dernières seront éventuellement produites au soutien du recours de la Commission.

115 Différentes situations peuvent se présenter et donner lieu à un recours suivant l'article 81 c.2); nous en citerons quelques exemples :

♦ Lorsqu'un employeur omet de transmettre son rapport mensuel prétendant que les travaux qu'il exécute ne sont pas assujettis à la Loi R-20, la Commission détermine alors le nombre d'heures nécessaires pour effectuer les travaux et ce, à partir de différents documents, tels des contrats d'entre-prise, des plans et devis, un journal de chantier, etc. Comme la nature des travaux en cause peut soulever la question de leur assujettissement à la loi, le Commissaire de l'industrie de la construction devra préalablement trancher cette question32.

♦ Lorsque la Commission est bien fondée de croire que les heures déclarées par un employeur sont inférieures à celles travaillées par des salariés, la détermination des heures nécessaires à la réalisa-tion des travaux pourra être faite en comparant la

31 Article 42 de la Loi sur les décrets de convention collective, L.R.Q. chapitre.

D2) et article 109 de la Loi R-20. 32 Article 21 Loi R-20.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 144

facturation de l'employeur pour une période donnée avec tous les contrats correspondants à cette factu-ration et les paiements reçus. Dans l'éventualité où la Commission constate un écart d'heures significa-tif, elle réclamera les sommes correspondant à ces heures.

♦ Lorsqu'un propriétaire érige lui-même un immeuble locatif avec l'aide de salariés et ce, sans transmettre le rapport prévu à l'article 82, une expertise est préparée à l'aide de plusieurs documents tels des plans, des photos, des contrats d'entreprise, des factures et, dans certains cas, après une visite des lieux. Comme la construction de l'immeuble com-prend des travaux de coffrage, de menuiserie, de plomberie, d'électricité et d'autres spécialités, l'expertise établira pour chacun des métiers de la construction le nombre d'heures nécessaires à sa réalisation.

116 L'expertise est également préparée à l'aide de différents ouvrages théoriques et pratiques sur les travaux de construc-tion. La vaste expérience des ingénieurs de la Commission assure aussi la qualité des expertises.

117 L'admissibilité en preuve de l'expertise et du témoi-gnage de l'expert exige que les conditions prévues à la loi, comme l'utilité de l'expertise et la qualification de l'expert, soient rencontrées. Le législateur a prévu expressément au paragraphe c.2 de l'article, l'expertise comme moyen de preuve pour établir les heures nécessaires à la réalisation d'un ouvrage de construction; son utilité ne fait donc pas de doute.

118 En ce qui a trait à la qualification de l'expert, nous savons que la détermination de sa compétence et son impar-tialité sont laissés à l'appréciation du tribunal. La compétence de l'expert sera acquise par ses études et son expérience. Son impartialité est aussi une question de faits. Jusqu'à aujourd'hui, la Cour du Québec et la Cour supérieure ont rejeté deux requêtes en irrecevabilité demandant le rejet de l'expertise au motif que l'ingénieur qui avait préparé les expertises était à l'emploi de la Commission33.

33 Commission de la construction du Québec c. Investissement Danda Inc.

(2000), 500-22-036912-999, CQ; Commission de la construction du Québec c. S.Fattal Canvas Inc. (2002), 500-17-012590-025, C.S.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 145

119 En conclusion, nous pouvons affirmer après quelques années d'utilisation du recours prévu au paragraphe c.2 de l'article 81 que son adoption a permis de fournir à la Commission une mesure coercitive efficace pour l'aider à éliminer le travail non déclaré et confirme le caractère d'ordre public de la loi et l'obligation de respecter les dispositions des conventions collectives.

VI.– RECOURS POUR PRATIQUES INTERDITES

120 Les paragraphes 2 et 3 de l’article 122 de la Loi R-20 se lisent comme suit :

121 2. Tout employeur qui, sans raison valable, dont la preuve lui incombe, congédie, suspend ou met à pied un salarié :

122 a) à l'occasion d'un renseignement fourni aux représentants de la Commission et ayant trait à une convention collective, à une entente, à un règlement ou à une infraction aux dispositions de la présente loi;

123 b) à l'occasion d'une plainte, d'une dénonciation ou d'une poursuite pénale à ce sujet ou d'un témoignage dans une poursuite ou requête s'y rapportant;

124 c) dans l'intention de le réengager à un emploi inférieur et d'éluder ainsi une clause d'une conven-tion collective en payant un salaire moindre, commet une infraction et est passible d'une amende de 400 $ à 1 600 $ et, en cas de récidive, d'une amende de 800 $ à 3 200 $.

125 3. Tout salarié congédié, suspendu ou mis à pied en violation du paragraphe 2, ou dans le but de l'obliger à accepter une classification comportant un salaire moindre que celui qu'il reçoit, a droit de réclamer de celui qui l'employait, à titre de dommages-intérêts punitifs, l'équivalent de trois mois de salaire. La preuve que le salarié n'est pas dans les conditions prévues pour réclamer ce droit incombe à celui qui l'employait.

126 Ce recours est similaire à celui que l’on retrouve à l’article 31 de la Loi sur les décrets de convention collective (L.R.Q., c. D-2); on ne retrouve pas cependant dans la Loi R-20 une disposition analogue à celle de l’article 30.1 de la Loi

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 146

D-2 prévoyant un recours devant la Commission des relations du travail. L’action doit être intentée devant les tribunaux de droit commun; les paragraphes a) et b) du premier alinéa de l’article 81 s’appliquent à ce recours, de sorte que la CCQ est habilitée à intenter ce recours en faveur d’un salarié ou à reprendre l’instance au cas où le salarié a lui-même institué les procédures.

127 Ce recours s’apparente à celui que l’on retrouve à l’article 123 de la Loi sur les normes du travail (L.R.Q., c. N-1.1) ou aux articles 15 à 19 du Code du travail (L.R.Q., c. C-27).

VII.– LITIGES RELATIFS AU CHAMP D’APPLICA-TION DE LA LOI

A. Juridiction du commissaire de l’industrie de la construction

128 C’est le premier alinéa de l’article 21 de la Loi R-20 qui donne au commissaire de l’industrie de la construction juridic-tion pour trancher tout litige relatif au champ d’application de la loi :

129 21. Toute difficulté d'interprétation ou d'application des paragraphes v à y du premier alinéa de l'article 1, de l'article 19 ou des règlements adoptés en vertu de l'article 20 doit être déférée au commissaire de l'industrie de la construction.

130 Cette juridiction particulière existe depuis 1970; elle était auparavant exercée par le commissaire de la construction, qui a été remplacé en 1998 par le commissaire de l’industrie de la construction. La Cour d’appel a confirmé à plusieurs reprises le caractère exclusif et obligatoire de la juridiction du commissaire34. La Charte canadienne des droits et libertés

34 Commission de l’industrie de la construction du Québec c. Steinman, [1977]

C.A. 340; Mathews Conveyer Co. c. Geoffroy , [1978] C.A.. 108; Côte Nord Sanitation c. Office de la construction du Québec, [1990] R.L. 173 (C.A.) et J.E. 90-1003; Office de la construction du Québec c. Entreprises Jean Pruneau Inc. [1990] R.J.Q. 1272 (C.A.).

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s’oppose toutefois à cette juridiction lorsque la difficulté se soulève devant un tribunal saisi d’une plainte pénale35.

131 Cette juridiction exclusive s’étend à toute question nécessaire à la détermination de l’application de la loi, comme par exemple : l’interprétation des mots « construction », « salarié » ou « employeur », dont on retrouve la définition à l’article 1 de la loi; cette définition « se trouve incorporée, en quelque sorte » à l’article 1936.

132 Le tribunal de droit commun qui a déféré la difficulté au commissaire est lié par la décision de ce dernier37; les tribunaux de juridiction pénale ne sont toutefois pas liés par la jurisprudence du commissaire38.

133 La juridiction du commissaire ne s’étend pas à tout le litige; elle est parcellaire et se limite à la détermination de la difficulté d’interprétation ou du champ d’application de la Loi R-20 39. Dans l’affaire Steinman, la Cour d’appel commentait ainsi cette juridiction parcellaire :

134 Cet itinéraire du dossier, qui va de la Cour provinciale pour passer par le commissaire de la construction et la Cour supérieure40 et revenir enfin à la Cour provinciale, paraît capricieux et inutilement complexe, mais c’est la loi qui le veut ainsi.41

135 Dans cette affaire, la Cour précisait toutefois qu’une « défense frivole n’aurait pu donner lieu à une prétendue difficulté d’interprétation ou d’application de la loi et n’aurait pu servir de prétexte pour obliger le juge à déférer le dossier au commissaire de la construction »42. Notons enfin, qu’un déféré au commissaire constitue une circonstance justifiant de

35 Procureur général du Québec c. Ducharme Paysagiste inc., [1992] R.J.Q.

2122 (C.A.). 36 Procureur général du Québec c. Ducharme Paysagiste, supra, à la p. 2131. 37 OCQ c. Pruneau, supra, à la p. 1275; Procureur général du Québec c.

Ducharme Paysagiste, supra et Côte Nord Sanitation c. OCQ, supra . 38 Procureur général du Québec c. Ducharme Paysagiste, supra. 39 CIC c. Steinman, supra; Mathews Conveyer Co c. Geoffroy, supra. 40 À cette époque, la loi prévoyait l’homologation des décisions du commissaire

par la Cour supérieure; ce n’est plus le cas aujourd’hui. 41 Notes du juge Mayrand, à la p. 342. 42 Ibid., p. 341.

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demander au tribunal civil de prolonger le délai de 180 jours conformément à l’article 110.1 C.p.c.

B. Le champ d’application de la Loi R-20 : aperçu des principales questions soulevées

1. Quelques définitions des assujettis à la Loi R-20

136 « La présente loi s’applique aux employeurs et aux salariés de l’industrie de la construction » (début du 1er alinéa de l’article 19).

(i) Industrie de la construction

137 L’arrêt de la Cour suprême, dans l’affaire CIC c. CTCUM43, indique que c’est la nature des activités particu-lières exercées qui déterminent s’il s’agit de l’industrie de la construction; la nature de l’entreprise, par exemple, dans cette affaire, une société publique exploitant un système de transport en commun, n’est pas pertinente. Par conséquent, les salariés permanents de la C.T.C.U.M qui travaillaient à la modification d’un bâtiment qui servait de garage pour en faire des bureaux étaient assujettis à la Loi R-20.

138 Note : la nature de l’entreprise ou le statut des salariés aura cependant des conséquences sur l’assujettissement dans deux cas précis :

1. l’assujettissement des travaux visés au deuxième alinéa de la définition du mot « construction » dépendra parfois du statut de l’employeur et des salariés;

2. les exclusions des paragraphes 2o à 8o, 10o et 11o du premier alinéa de l’article 19 s’appliquent en fonction du statut des personnes qui exécutent les travaux.

(ii) « Salariés » 139 « salarié » : tout apprenti, manœuvre, ouvrier non

spécialisé, ouvrier qualifié, compagnon ou commis, qui travaille pour un employeur et qui a droit à un salaire. (Art. 1, par. r)

140 Bénévoles ou salariés : dans l’affaire Luc Bouchard44, un commissaire a décidé que depuis l’introduction à la Loi R-20

43 [1986] 2 R.C.S. 327 44 Décision 1080 (J. Larivière, 9 septembre 1999).

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de l’article 19.2 (« Nul ne peut exécuter des travaux de construction à moins qu’il ne soit un employeur, un salarié, un entrepreneur autonome ou un représentant désigné en vertu de l’article 19.1 »), le bénévolat « n’existe plus dans l’industrie de la construction », et que par conséquent une personne qui effectue des travaux, qui n’est ni un employeur, ni un entrepreneur autonome, ni un représentant désigné, est nécessairement un salarié. Cette décision a toutefois été cassée par la Cour supérieure : Bouchard c. Commissaire de l’industrie de la construction et CCQ45.

141 Malgré cette décision de la Cour supérieure, le même commissaire a rendu une nouvelle décision au même effet dans l’affaire Claude Vallières46, ainsi que dans l’affaire Martin Bouillon47; cette décision a aussi été suivie par la commissaire Béliveau dans l’affaire Réal Lacasse48.

142 Notons que la Cour du Québec, qui a entendu la cause civile découlant de la réclamation relative à l’affaire Bouchard, a rejeté cette action.

143 Indépendamment de ces décisions du commissaire, si la question était de nouveau soumise aux tribunaux supérieurs, il est indéniable que dès qu’une personne reçoit une forme quelconque de rémunération en échange des travaux qu’elle effectue (par exemple : réduction de loyer, échange de services, troc), on peut considérer qu’on est en présence d’un contrat d’emploi et non de bénévolat; il s’agit donc de salariés.

144 Lorsque des personnes soumises à un horaire de travail régulier et à des directives d’exécution comparables à celles qui caractérisent un contrat d’emploi dans toute entrepri-se, particulièrement dans un contexte commercial (par exemple rénovation d’un centre d’achats ou d’un bâtiment industriel, par opposition à une maison unifamiliale), prétendront travailler à titre bénévole, on pourra alléguer ces éléments de preuve comme présomptions de faits (« graves, précises et concor-dantes » : art. 2849 du Code civil) qu’il s’agit en réalité d’un contrat d’emploi; le donneur d’ordre aura alors le fardeau de démontrer qu’il s’agit bien de bénévoles.

45 REJB 2000-16802, DTE 2000T-345 (juge Corriveau). 46 Décision 1127 (8 septembre 2000). 47 Décision 1357 (4 juin 2002). 48 Décision 1123 (28 juin 2000).

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145 Sous-traitants ou salariés: pour déterminer si on est en présence de salariés ou d’entrepreneurs autonomes, il est nécessaire d’examiner les relations juridiques entre les parties en cause :

♦ si ces relations ont toutes les caractéristiques d’un contrat d’entreprise (articles 2098 et 2099 du Code civil), on sera en présence d’un client et d’un entrepreneur ou d’un entrepreneur et d’un sous-traitant. Si l’entrepreneur ou le sous-traitant répond aux termes de la définition d’« entrepreneur autonome » (art. 1 k.1), il s’agira d’un entrepreneur autonome; sinon, il s’agira soit d’un employeur (s’il a des salariés), soit d’une personne qui exécute des travaux en contravention avec l’article 19.2 (s’il n’a pas de salariés) :

146 2098. Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

147 2099. L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordi-nation quant à son exécution.

♦ si ces relations ont toutes les caractéristiques du contrat d’emploi défini à l’article 2085 du Code civil, on sera en présence d’un employeur et de salariés :

148 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

149 C’est la démarche qu’a indiquée la Cour d’appel dans l’affaire O.C.Q. c. Construction industrielle Clément Belley Inc.49.

150 Dans l’affaire CCQ c. 286770 Canada inc. (GTL Best) et al.50, le commissaire avait analysé les rapports entre l’entrepreneur et les personnes qui prétendaient être des

49 JE 91-581, DTE 91-359. 50 Décision 1030 (J.E. Bourbonnais, 3 février 1999).

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entrepreneurs autonomes, et avait conclu que celles-ci étaient des salariés de G.T.L. Best. La Cour supérieure a cassé cette décision51 au motif que le commissaire aurait ajouté à la définition d’entrepreneur autonome, qui est une définition limitative . La CCQ a porté ce jugement en appel soutenant que le commissaire a correctement appliqué les critères du Code civil pour décider qu’il s’agissait d’un contrat d’emploi et donc de salariés. Cette affaire a cependant été réglée hors cour à la suite de la signature de la convention collective du secteur génie civil et voirie le 2 septembre 2001.

151 Notons que des décisions plus récentes de commissai-res ont conclu que lorsque la personne qui prétend être un sous-traitant n’est pas titulaire d’une licence, il s’agit nécessai-rement d’un salarié, suivant le raisonnement fondé sur l’article 19.2 dont nous avons parlé plus haut à propos des bénévoles.

(iii) Entrepreneur autonome 152 « entrepreneur autonome » : une personne ou une

société titulaire d’une licence d’entrepreneur spécialisé délivrée en vertu de la Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1) et qui, pour autrui et sans l’aide de salariés à son emploi, exécute elle-même ou, selon le cas, dont un administrateur, un actionnaire détenant au moins une action avec droit de vote ou un associé exécute lui-même au bénéfice de la personne morale ou de la société :

153 i. des travaux de construction visés à la présente loi, si cette licence est relative aux sous-catégories » Entrepreneur de machineries lourdes » ou « Entrepreneur en excavation et terrassement »;

154 ii. des travaux d’entretien, de réparation et de rénovation mineure visés à la présente loi, si cette licence est relative à toute autre sous -catégorie; (Art. 1, par. k.1).

155 Cette définition d’entrepreneur autonome a été intro-duite en 1988 (P.L. 31, 1988 L.Q., c. 35); elle remplaçait celle d’artisan. Selon le deuxième alinéa de l’article 19, l’entrepre-neur autonome est réputé être un employeur (contrairement à l’artisan qui était considéré comme un salarié); par

51 REJB 2000-16999, [2000] R.J.Q.1270.

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conséquent, la Loi R-20 s’applique aussi à l’entrepreneur autonome.

(iv) « Employeurs » 156 « employeur » : quiconque, y compris le gouverne-

ment du Québec, fait exécuter un travail par un salarié; (Art. 1, par. j)

157 Les entreprises de location de main-d’œuvre : des employeurs. Plusieurs décisions de commissaires (MacDonald Brisson Services de placements ltée52; Desrochers, Hébert et Associés53, Services Gestion Quantum Ltée54), concluent que les entreprises de location de main-d’œuvre sont des employeurs au sens de la Loi R-20, suivant le jugement du juge Boilard dans l’affaire Eastar c. Comité paritaire du camionnage55, rendu en vertu de la Loi sur les décrets de convention collective. La Cour d’appel a confirmé ce principe dans l’affaire Les entreprises Jean Pruneau inc.56.

158 La question de savoir si le client de ces entreprises, (soit le donneur d’ouvrage ou l’entrepreneur), peut aussi être considéré comme l’employeur des salariés n’a pas encore fait l’objet d’une décision motivée des tribunaux ou du commissaire dans une affaire relative à la Loi R-20. Depuis le jugement de la Cour suprême dans l’affaire Ville de Pointe-Claire c. SEPB, local 57 et Tribunal du travail57, on peut soutenir qu’on est en présence d’une relation tripartite dans laquelle l’entrepreneur et l’entreprise de location exercent conjointement les attributs de l’employeur du salarié : l’entreprise de location se garde le rôle du pouvoir d’embauche et de licenciement, des mesures disciplinaires et de la rémunération, alors que l’entrepreneur exerce le rôle du lien de subordination dans l’exécution du travail. Les deux entités sont alors considérées comme co-employeurs et sont chacune conjointement responsables des obligations civiles et pénales imposées par la Loi R-20.

52 Décision 907 (G. Gaul, 15 mai 1995). 53 Décision 840 (G. Gaul, 21 juin 1994). 54 Décision 821 (G. Gaul, 26 avril 1994). 55 [1986] R.J.Q. 504. 56 DTE 90T-721. 57 [1997] 1 R.C.S. 1015.

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2. Définition du mot « construction » selon le premier alinéa du paragraphe f) de l’article 1

159 Les travaux de fondation, d’érection, d’entretien, de rénovation, de réparation, de modification et de démolition de bâtiments et d’ouvrages de génie civil exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied d’œuvre , y compris les travaux préalables d’aménagement du sol.

(i) Catégories de travaux : fondation, érection, entretien, rénovation, réparation, modification et démolition

160 Entretien et réparation : ces travaux ont pour but de garder l’immeuble en bon état. L’entretien maintient en état un bâtiment, une machinerie ou un équipement, dans un but préventif. La réparation remet en état le bâtiment, la machinerie ou l’équipement, dans un but curatif, par exemple à la suite d’un bris.

161 Rénovation : rétablissement d’une chose dans son état premier; changer d’aspect un bâtiment, le moderniser.

162 Modification : changement aux caractéristiques de l’immeuble en fonction d’une nouvelle utilisation. Par exemple, la transformation d’un garage en bureaux administratifs.

163 L’agrandissement d’une bâtisse (ajout d’un étage ou d’une aile) ne sont pas des travaux de rénovation ni de modification, mais bien d’érection : on érige un nouvel étage ou une nouvelle aile au bâtiment (affaire Sylvain Bourdeau58), évocation rejetée par la Cour supérieure59.

(ii) « Bâtiment »

164 Ce terme n’est pas limité aux édifices (« bâtisses »); il comprend une « construction close constituant un abri contre les agressions des éléments naturels extérieurs et un espace vital suffisant »60. On peut donner les exemples suivants : un

58 Décision 680 (G. Gaul, 14 février 1992). 59 Sylvain Bourdeau Construction c. Gaul et al., CSTR no 400-05-000185-927,

23 juin 1992 (juge Dufour). 60 Le Grand dictionnaire terminologique.

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réservoir : Multi-Démolition S.D.61; des chambres froides : Systèmes Norbec inc.62.

(iii) « Ouvrage de génie civil » : une nouvelle approche ?

165 La jurisprudence des commissaires a longtemps utilisé une définition de « travaux publics » tirée d’une encyclopédie française :

166 On englobe sous le nom de travaux publics ou de travaux de génie civil l’infinie variété de travaux afférents à des biens immeubles pour le compte d’une personne morale publique, dans un but d’utilité générale.

167 Dans l’affaire L. Fournier & Fils inc. et Construction Val d’Or ltée c. CCQ, Association minière du Québec et al.63, où il s’agissait de la construction d’un parc à résidus miniers, le commissaire a laissé tomber deux critères traditionnellement utilisés antérieurement et qui découlaient de cette définition, soit :

1. le critère relatif au fait qu’il devait s’agir de travaux d’envergure faits par les gouvernements ou les grandes entreprises privées;

2. le critère relatif à la finalité, c’est-à-dire qu’il devait s’agir de travaux d’utilité générale et publique.

168 Cette décision a été maintenue par la Cour supérieure64 et par la Cour d’appel65. On peut maintenant soutenir que la construction d’un ouvrage de génie civil comprend des travaux d’une certaine envergure à un immeuble qui n’est pas un bâtiment, qu’il appartienne à l’État, à une entreprise ou à un particulier, et que ces travaux aient une fin d’utilité privée ou générale. D'ailleurs, le paragraphe 12o de l'article 19 exclut du champ d'application de la loi le « marquage d'une voie publique

61 Décision 756 (G. Gaul, 2 juin 1993). 62 Décision 950 (J.E. Bourbonnais, 14 mars 1996). 63 Décision 976 (J.E. Bourbonnais, 21 avril 1997). 64 Mêmes parties, REJB 1998-04921 (juge Legris, 20 février 1998). 65 Association Minière du Québec inc. c. Bourbonnais, REJB 2000-19145 (Cour

d’appel le 22 juin 2000); demande d’autorisation de pourvoi en Cour suprême rejetée (no 28135).

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ou privée » ; donc une voie privée est un ouvrage de génie civil.

169 Exemples d’ouvrages de génie civil : une route, une rue, un trottoir, un pont, un viaduc, une voie ferrée, un barrage, une ligne de transport d’énergie électrique, un pipeline, un gazoduc, un réseau de télécommunication, un réseau d’aque-duc ou d’égout, une digue, un quai, les pistes d’atterrissage d’un aéroport, un système de remonte-pentes : décision La Cie de remonte-pente Dopelmayr Ltée66.

170 Un chemin forestier est un ouvrage de génie civil : Construction Ladrière inc67 et Excavation Rénald Mongeon et Coopérative Forestière Papineau-Labelle68, évocation rejetée contre ces deux décisions, mais la Cour d’appel a accepté d’entendre le pourvoi à l’encontre des jugements de la Cour supérieure (dossier pendant). Cependant, un chemin ne servant qu’à la cueillette de bois en forêt n’est pas un ouvrage de génie civil : Aristide Brousseau & Fils Ltée69.

(iv) « Sur les lieux mêmes du chantier ou à pied d’œuvre »

171 Les quatre critères développés par la jurisprudence des commissaires sur la notion d’« à pied d’œuvre » sont résumés dans la décision Les Entreprises Jacques Dufour & Fils inc.70. Pour qu’un travail soit à pied d’œuvre, la proximité du chantier n’est pas nécessaire; il suffit que le travail soit effectué aux fins du chantier. Le transport de matériaux du site « à pied d’œuvre » vers le chantier est lui aussi assujetti. Voir aussi Bouchard, Larouche, Boudreau et Transport Cyrille Gauthier & Fils71.

(v) « Travaux préalables d’aménagement au sol »

172 Dans l’affaire Ville de Terrebonne, Entreprise G. Charbonneau Ltée et a.72, le commissaire précise que des travaux de déboisement, d’essouchage, d’enlèvement de terre 66 Décision 881 (G. Gaul, 22 décembre 1994). 67 Décision 1280 (J. Larivière, 23 juillet 2001). 68 Décision 1135 (J. Béliveau, 20 octobre 2000). 69 Décision 1201 (M. Lajoie, 10 mai 2002). 70 Décision 1000 (J. Larivière, le 14 juillet 1998). 71 Décision 1057 (J, Larivière, 17 mai 1999). 72 Décision 1119A (S. Mireault, 31 juillet 2000).

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végétale, de tamisage de cette terre pour en enlever des obus qui pourraient s’y trouver (sur un terrain ayant servi de champ de tir pour l’armée) sont assujettis, puisqu’ils constituent des travaux d’aménagement du sol préalables à la construction de bâtiments (usines dans le parc industriel de la ville) et d’ouvrages de génie civil (réseau d’égout et d’aqueduc).

3. Définition du mot « construction » selon le deuxième alinéa du paragraphe f) de l’article 1

(les cas prévus par règlement) 173 En outre, le mot « construction » comprend l’instal-

lation, la réparation et l’entretien de machinerie et d’équipement, le travail exécuté en partie sur les lieux mêmes du chantier et en partie en atelier, le déménagement de bâtiments, les déplacements des salariés, le dragage, le gazonnement, la coupe et l’émondage des arbres et arbustes ainsi que l’amé-nagement des terrains de golf, mais uniquement dans les cas déterminés par règlement;

(i) Le règlement d’application de la Loi R-20

174 Pour l’application du deuxième alinéa de la définition du mot « construction », le gouvernement a pris le Règlement d’application de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’indus-trie de la construction (R.R.Q., 1981, c. R-20, r.1, ci-après le « Règlement d’application »), sous l’autorité de l’article 21 de la loi. Compte tenu de l’ampleur des décisions rendues sous l’article 1 de ce règlement, qui traite des critères d’assujettisse-ment à la loi des travaux relatifs à la machinerie, il convient d’en traiter séparément des autres cas prévus par ce règlement.

(ii) Définition de « machinerie de production » et de « machinerie de bâtiments »

175 Le Règlement d’application définit ainsi les expressions « machinerie de production » et « machinerie de bâtiments » :

176 « machinerie de production » : toute machinerie et équipement autre que la machinerie de bâtiments;

177 « machinerie de bâtiments » : toute machinerie et équipement installés pour les fins du bâtiment lui-même dont, entre autres, un système de chauffage, un système de ventilation, un système de réfrigéra-

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tion d’une capacité de plus de 200 watts, les ascenseurs ou monte-charge.

178 Cette expression comprend en outre tout autre système de réfrigération d’une capacité de plus de 200 watts installé dans un bâtiment.

179 Les critères d’assujettissement varient selon le type de machinerie. Il y a donc eu des litiges sur la qualification d’une machinerie particulière par rapport à ces deux définitions.

180 Le deuxième alinéa de la définition de machinerie de bâtiments démontre que les exemples donnés dans le premier alinéa ne sont pas nécessairement de la machinerie de bâtiments : en effet, si un système de réfrigération d’une capacité de plus de 200 watts peut être installé pour d’autres fins que celles « du bâtiment lui-même », il peut en être de même pour les autres exemples, comme les systèmes de ventilation ou les monte-charges.

181 Par conséquent, les quelques décisions où le commissaire a postulé qu’à partir du moment où on est en présence de l’un des systèmes énumérés à la définition de machinerie de bâtiments (par exemple, un système de ventilation ou un monte-charge), on n’a pas à chercher plus loin : on doit alors prendre pour acquis que cette machinerie est installée « pour les fins du bâtiment lui-même » et qu’il s’agit donc de machinerie de bâtiments, sont incompatibles avec ce deuxième alinéa de la définition de machinerie de bâtiments. Il s’agit des décisions Pyradia (983), Soudure Ferco (1014), Nilus Leclerc (1033), Textiles Du-Ré (1037). Ces décisions sont d’ailleurs isolées, puisque dans la majorité des décisions traitant de ce sujet, les commissaires ont décidé que même en présence de ce type de machinerie ou d’équipement, on doit donc tout de même se demander si elle est installée « pour les fins du bâtiment lui-même ».

182 Que signifie donc cette expression « pour les fins du bâtiment lui-même » ? Veut-on parler du bâtiment en soi, c’est-à-dire que la machinerie et l’équipement seraient alors nécessaires pour que le bâtiment soit complet en tant que bâtiment, indépendamment de la raison d’être de ce bâtiment ou des activités qui s’y déroulent ? Certains commissaires se sont demandés si la finalité de la machinerie se confondait avec « les fins des personnes, des animaux ou des choses » abrités par ce bâtiment; d’autres ont opposé « les fins du

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bâtiment » à celles du commerce abrité par ce bâtiment, ou encore aux fins de la machinerie elle même : si elle « produit ou transforme des biens », il s’agirait alors de machinerie de production. Si le bâtiment est aussi un ouvrage de génie civil, comme une usine de traitement des eaux, on pourra y trouver les deux sortes de machinerie : Cie internationale des eaux (564).

183 Doit-on tenir compte des fins particulières du bâtiment dont il s’agit : par exemple, un hôpital étant un ouvrage « pour répondre aux besoins des personnes », des hottes de cuisine qui y sont installées ont été considérées comme machinerie de bâtiments : Centre Hospitalier Anna Laberge (457). Ce raisonnement a été poussé très loin dans l’affaire Équipement de théâtre RG (769, évocation rejetée), où une machinerie de scène installée dans un théâtre a été qualifiée de machinerie de bâtiments compte tenu de la finalité du bâtiment (c’est-à-dire un théâtre). Pourtant, on ne tient pas compte de la finalité de ce bâtiment qu’est une usine lorsqu’on décide qu’une machine à papier est une machinerie de production !

184 La jurisprudence ne dégage malheureusement pas de principes simples et faciles d’application pour répondre à la question de savoir ce que veut dire l’expression « pour les fins du bâtiment lui-même ». On ne peut vraiment pas identifier des critères à partir de cette jurisprudence; on peut presque dire que de façon arbitraire, le décideur classera un système donné dans l’une ou l’autre des catégories en justifiant sa décision par « les fins de la machinerie » ou « les fins du bâtiment lui-même ».

185 L’étude de ces décisions relève davantage de la philosophie que du droit du travail : on peut se demander en quoi « les fins d’une machinerie » par rapport à celles d’un bâtiment puissent déterminer le régime de relations de travail applicable à ceux qui installent cette machinerie. Aucune des décisions en la matière ne puise d’arguments dans des considérations reliées aux rapports collectifs du travail. Il est également remarquable que les arguments téléologiques (tirés de la volonté présumée du législateur) sont également absents : on se borne à décortiquer les textes.

186 Une grande partie des litiges traitant de ce problème se rapportaient à des systèmes de ventilation, ou des

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dépoussiéreurs. La finalité du système est déterminante : si on vise surtout le confort des occupants de l’immeuble, il s’agira de machinerie de bâtiments; si, au contraire, la raison d’être du système est de participer à la production (« au commerce » comme disent certaines décisions), il s’agira de machinerie de production même si elle a également pour effet de protéger les travailleurs ou l’environnement. Une décision ancienne dit pourtant que lorsque la machinerie sert à la fois la production et les fins du bâtiment, il s’agira de machinerie de bâtiments : Michel Latulippe73. Dépoussiéreurs considérés machinerie de bâtiments : Pyradia74; systèmes de ventilation considérés comme machinerie de bâtiments : Ventilation G Binette75, Édifice Surprenant76; le dépoussiéreur d’une cimenterie peut toutefois être assimilable à un ouvrage de génie civil (en vertu d’une disposition du règlement qui disparaîtrait suivant le projet de règlement prépublié en novembre 2002) : Wheelabrator77. Un système de climatisation est de la machinerie de bâtiments : Black & Macdonald78. Des foyers préfabriqués sont de la machinerie de bâtiments : Les Maîtres de l’Âtre79 (75). Une chaudière servant au chauffage sera de la machinerie de bâtiments, alors que si elle sert à la production elle sera de la machinerie de production : Volcano80. Système de ventilation et dépoussiéreurs considérés machinerie de production : St-Lawrence Mechanical81, Ventilation G. Binette82, ABF Mines et Dolomex83, Précip Plus84.

187 Ascenseurs et monte-charge : des convoyeurs ne sont pas assimilés à des ascenseurs, il s’agit de machinerie de

73 Décision 58 (E. Bernier, 29 août 1977). 74 Décisions 638(G. Gaul, 23 mai 1991) et 983 (J.-E. Bourbonnais, 23 octobre

1997). 75 Décision 850 (G. Gaul, 25 juillet 1994). 76 Décision 1061 (J. Larivière, 14 juin 1999). 77 Décision 724 (G.. Gaul, 23 octobre 1992). 78 Décision 258 (E. Bernier, 26 juillet 1982). 79 Décision 75 (E. Bernier, 13 avril 1978). 80 Décision 347 (H. Miron, 27 février 1985). 81 Décision 164 (E. Bernier, 16 novembre 1979). 82 Décision 538 (G. Gaul, 23 octobre 1989). 83 Décision 1100 (J. Béliveau, 18 janvier 2000). 84 Décision 1313 (J. Larivière, 5 septembre 2001).

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production : Labrador Welding85; les monte-plats d’un hôpital sont de la machinerie de bâtiments : CDG Levage86 .

188 Divers : des tubes pneumatiques pour transmettre des communications sont de la machinerie de production : Powers Regulator Canada87; un aspirateur central est de la machinerie de bâtiments : Saniflo88, Alain Rousseau89; un système de protection incendie qui protège une fabrique de meubles est de la machinerie de production : Foamex90; une porte fait partie du bâtiment, mais son mécanisme est de la machinerie de bâtiments : Sarto Plante inc.91; une fosse septique est de la machinerie de bâtiments : Robert Senécal92, Entreprises Treco Canada Ltée93; voir cependant Pompes Caron inc.94; une clôture de prison est de la machinerie de bâtiments : Groupe JMC (Data) inc.95; un mur d’escalade est une machinerie de production : Claude Bérubé96 (1368).

C. Critères d’assujettissement des travaux relatifs à la machinerie de production et à la machinerie de bâtiments

189 NOTE : Au moment d’aller sous presse, le gouverne-ment venait d’adopter un règlement modifiant substantiellement les critères d’assujettissement à la Loi R-20 des travaux d’installation et d’entretien de machinerie de production; le projet de règlement a été prépublié à la Gazette officielle le 13 novembre 2002 (p. 7739). Le texte qui suit a été écrit avant que la version définitive du règlement n’ait été publiée à la Gazette officielle. Il faut donc s’en référer pour plus de certitude au texte

85 Décision 95 (E. Bernier, 15 septembre 1978). 86 Décision 998 (J. Larivière, 8 juillet 1998). 87 Décision 131 (E. Bernier, 28 mai 1979). 88 Décision 179 (E. Bernier, 24 mars 1980). 89 Décision 375 (H. Miron, 25 octobre 1985). 90 Décision 185 (E. Bernier, 21 juillet 1980). 91 Décision 213 (E. Bernier, 16 février 1981). 92 Décision 219 (E. Bernier, 20 mars 1981). 93 Décision 240 (E. Bernier, 2 octobre 1981). 94 Décision 497 (G. Gaul, 6 octobre 1998). 95 Décision 1146 (J. Béliveau, 23 février 2001). 96 Décision 1368 (J. Larivière, 27 mars 2002).

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du règlement tel qu’il a été adopté, particulièrement pour le passage indiqué « nouveau critère ».

190 On peut schématiser comme suit les critères d’assu-jettissement des travaux relatifs à la machinerie de production ou de bâtiments :

♦ Installation de machinerie de bâtiments : toujours assujettie.

♦ Montage, réparation et entretien de machinerie de bâtiments : assujettis si effectués par des salariés de la construction à l’emploi d’employeurs professionnels.

♦ Cependant, ascenseurs, monte-charge ou escaliers mobiles : montage, réparation et entretien sont toujours assujettis.

♦ Cependant, s’il s’agit d’un système de réfrigération « visé au paragraphe a », le montage, la réparation et l’entretien sont aussi assujettis, sauf si le travail est exécuté :

− par les salariés habituels du fabricant ou de l’utilisateur d’un tel système;

− dans un bâtiment ne possédant pas plus de 2 systèmes d’au plus 600 watts;

− sur un appareil de réfrigération monobloc à prise fabriqué en usine;

− dans un bâtiment résidentiel de moins de 9 logements.

♦ Installation, réparation et entretien de machinerie de production :

− assujettis si effectués par des salariés de la construction à l’emploi d’employeurs professionnels;

− assujettis si effectués sur les lieux du chantier et à pied d’œuvre pendant la phase de construction d’une centrale électrique.

♦ Nouveau critère : Toute partie de l’installation et de la réparation d’une machinerie de production effectuée sur les lieux du chantier et à pied d’œuvre dans les secteurs industriel, génie civil et voirie, qui

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nécessite le recours à une expertise qui se trouve principalement dans l’industrie de la construction est assujettie dans les cas suivants :

− installation faisant partie d’un projet de construc-tion initial ou de modification structurale d’un bâtiment ou complexe industriel ou d’un ouvrage de génie civil;

− installation ou réparation sur une ligne ou unité de production arrêtée à cette fin pendant ses heures habituelles d’opération, s’il est prévu que les travaux impliquent au moins 40 salariés de la construction;

− installation ou réparation dans un établissement où toute production a été abandonnée, s’il est prévu que les travaux impliquent au moins 40 salariés de la construction.

sauf dans les cas suivants :

− travaux couverts par un décret pris en vertu de la Loi D-2;

− travaux exécutés par des salariés habituels de l’utilisateur de la machinerie ou d’une entreprise dont il est propriétaire à 40 %;

− travaux exécutés par des salariés habituels du fabricant de la machinerie ou de son ayant-cause, ou d’une personne dont l’activité principale est d’effectuer ces travaux par contrat exclusif du fabricant ou de son ayant-cause;

− travaux exécutés par des salariés habituels d’un employeur autre qu’un employeur professionnel qui effectue régulièrement des travaux dans un établissement de l’utilisateur, avec un contrat de réparation ou d’entretien, jusqu’à concurrence du nombre de salariés affectés habituellement à ces activités.

♦ La réparation et l’entretien de machinerie et de l’équipement de construction sont assujettis s’ils sont exécutés par les salariés d’un employeur professionnel ou d’Hydro-Québec sur les lieux mêmes des chantiers de construction et à pied d’œuvre.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 163

Note: Le montage d'équipement de construction, comme par exemple une grue à tour (« sapine ») ou un ascenseur temporaire, peut-il être considéré comme une activité participant directement à l'érection d'un bâtiment et d'un ouvrage de génie civil ?

♦ La définition d’« employeur professionnel » dans la Loi R-20 : « un employeur dont l'activité principale est d'effectuer des travaux de construction et qui emploie habituellement des salariés pour un genre de travail qui fait l'objet d'une convention collective » (art. 1 k).

Note: La jurisprudence passée des commissai-res est à l'effet que l'expression « travaux de construction » dans cette définition réfère unique-ment à des travaux définis au premier alinéa de la définition de « construction », c'est-à-dire à des travaux dont l'assujettissement ne dépend pas du statut de ceux qui les exécutent.

♦ « salariés de la construction» : titulaires d’un certificat de compétence délivré en vertu de la Loi R-20, qui effectuent régulièrement des travaux de construction : Syndicat national des employés de l’aluminium d’Arvida c. CCQ, la Société d’électrolyse et de chimie Alcan et J. Sirois électrique inc.97.

♦ Exception rattachée, dans le règlement, à la notion de « machinerie et équipement » : L'installation, le montage, la réparation et l'entretien d'un système privé de captage d'eau souterraine , au regard d'un bâtiment d'habitation de six étages ou moins, ne sont toutefois pas assujettis (art. 1.1 du règlement).

(iv) Les autres cas prévus au règlement

191 La coupe et l'émondage d'arbres et d'arbustes aux fins de dégagement de lignes de distribution d'énergie électri-que, et l'arrosage chimique pour les mêmes fins, ne sont assujettis que s'ils sont exécutés à l'occasion de la construction ou l'entretien des circuits et supports de la ligne par les salariés d'un employeur professionnel (art. 2 du règlement).

97 Décision 662 (G. Gaul, 16 octobre 1991).

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192 Le travail en atelier effectué occasionnellement par un salarié d'un employeur professionnel et se rapportant à celui qu'il exécute couramment sur un chantier demeure assujetti (art. 3 du règlement).

193 Le grutier affecté habituellement a un travail de cons-truction, mais appelé occasionnellement à effectuer comme tel un travail autre que de construction demeure assujetti (art. 4 du règlement).

194 Le travail effectué par un salarié occasionnel obéit à certaines règles; seules certaines dispositions s'appliquent à lui (art. 5 du règlement).

195 Une convention collective peut déterminer une rémuné-ration pour le temps de déplacement des salariés ainsi que des frais de déplacement, pour tout déplacement de la résidence au chantier ou d'un chantier à l'autre (art. 6 du règlement).

1. Doit-on appliquer le premier ou le deuxième alinéa du paragraphe f) de l’article 1 au mot « construction » ?

(i) Démarche à suivre

196 D’abord examiner si les travaux entrent dans le premier alinéa.

197 La première étape de l'analyse d'une situation doit porter d'abord sur l'application du premier alinéa de la définition du mot « construction » . Si le travail est compris dans cet alinéa, par exemple si le travail est effectué sur quelque chose qui est partie intégrante du bâtiment, on ne va pas plus loin et il est inutile de se demander s'il peut aussi s'agir de machinerie et d'équipement: affaire Association des entrepreneurs en intercommunication du Québec et al. c. CCQ et al.98. Voir aussi l'affaire CCQ c. J.P. Désormeaux et fils inc.99.

98 Décision 770 (G. Gaul, 17 août 1993); C.S. Montréal no 500-05-012608-939

(juge Viau, 21 janvier 1994); C.A.M. no 500-09-000301-945 (Cour d’appel, le 30 septembre 1998); permission d’appeler refusée en Cour suprême le 2 septembre 1999 (no 26995).

99 Décision 734 (G. Gaul, 19 janvier 1993); cassée par la Cour supérieure dans Jean-Pierre Daigle et FTQ Construction c. Gaul et al., C.S.M. no 500-05-002581-930 (juge Marquis, 27 avril 1993).

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198 Le deuxième alinéa de la définition de « construction » commence par les mots « en outre »; il s'agit donc d'activités que le gouvernement peut ajouter, par règlement, à ce que comprend déjà le premier alinéa; un tel règlement ne peut toutefois restreindre la portée de ce premier alinéa.

199 De plus, le mot « machinerie » implique l'idée d'élé-ments mécaniques. Ainsi des ballasts de fluorescents sont intégrés au bâtiment; ils ne constituent pas de la machinerie et équipement: : affaire Av-Tech inc.100.

200 L'article 901 du Code civil du Québec précise: 201 Font partie intégrante d'un immeuble les meubles qui

sont incorporés à l'immeuble , perdent leur indivi-dualité et assurent l'utilité de l'immeuble . (gras ajouté)

202 Le commentaire du ministre de la Justice sur cet article explique :

203 Cet article précise ce qu'il faut entendre par la notion de partie intégrante. Celle-ci est liée à celle d'intégrité : une chose est partie intégrante d'une autre lorsqu'elle contribue à l'intégrité du tout, sans en constituer l'essence. Cette chose, incorporée à l'autre, entre donc comme partie dans un tout et perd alors son individualité. Sa fonction est d'assurer l'utilité de l'immeuble et d'en faciliter l'usage . Cette notion d'utilité est déterminante pour juger de l'incorporation d'un meuble à un immeuble. (gras ajouté).

204 Une solution satisfaisante de ce problème ne pourra être trouvée tant que la définition de « machinerie de bâtiments » édictée par le Règlement d’application ne sera pas modifiée. En effet, celle-ci comprend une énumération d’activi-tés pouvant porter sur des objets qui font partie intégrante du bâtiment où ils sont installés. À titre d’exemple, on peut penser que l’installation d’un ascenseur dans un immeuble neuf en construction est une activité comprise dans les travaux d’érection de ce bâtiment. Autre exemple : nul ne conteste que la réparation de la toiture d’un édifice soit une activité comprise

100 Decision 993 (J. Larivière, 19 juin 1998), confirmée par la Cour supérieure

dans Av-Tech c. Larivière et al., C.S.Q. no 200-05-009815-981 (juge Rochette, 11 novembre 1998), appel en Cour d’appel rejeté le 1er mars 1999 C.A.Q. no 200-09-2352-984.

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dans les mots « réparation d’un bâtiment »; cependant la réparation du système de chauffage du même édifice, qui est une activité nommément visée par le Règlement d’application, semble également comprise dans les mots « réparation d’un bâtiment » que l’on retrouve au premier alinéa.

(ii) Cas d’application

205 Des cathodes installées sur des quais pour empêcher la corrosion du métal font partie intégrante de cet ouvrage de génie civil que constitue un quai : Atlantique Sous-Marine inc.101.

206 Des rails deviennent intégrés à un pont roulant : Société d’électrolyse et de chimie Alcan Ltée102.

207 Voir cependant les deux décisions rendues dans les affaires Produits Delta Victo Ltée : des tableaux noirs installés en permanence dans une école n’en feraient pas partie intégrante103, et des sièges de cinéma fixés en permanence ne feraient pas partie de l’immeuble104.

2. Disposition déclaratoire relative à la pose de revêtements souples

208 L’article 1.1 édicte une disposition déclaratoire visant la pose de tapis, tuiles, prélarts, etc. :

209 1.1. Le mot « construction » comprend et a toujours compris les travaux de pose de revêtements souples faisant partie intégrante de bâtiments.

3. Exclusions au champ d’application : les paragra-phes 1o à 13o du premier alinéa de l’article 19

210 1o Exploitations agricoles – Cette expression est définie à l’article 1 l) : « une ferme mise en valeur habituellement par l’exploitant lui-même ou par l’entremise de moins de trois salariés embauchés de façon continue ».

211 Cette expression ne comprend pas la transformation des produits de la ferme (par exemple, des produits de l’érable)

101 Décision 788 (G. Gaul, 16 novembre 1993). 102 Décision 710 (G. Gaul, 23 juillet 1992). 103 Décision 1059, J. Larivière, le 14 juin 1999. 104 Décision 1060, J. Larivière, le 14 juin 1999.

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l’exclusion ne s’y applique donc pas : décision Érablière le Rossignol inc.105.

212 2o Travaux d'entretien et de réparation par les salariés permanents d'employeurs non professionnels – « salarié permanent» : tout salarié qui fait habituellement des travaux d'entretien de bâtiments ou d'ouvrages de génie civil et tout salarié qui, depuis au moins six mois, travaille à la production dans un établissement » (art.1 s de la loi) .

213 Pour les critères et les conditions applicables, voir la décision Ville de Percé106.

214 3o Travaux de canalisation d'eau, d'égout, de pavage et de trottoirs par des salariés de municipalités.

215 4o Construction qui se rattache à l'exploration ou l'exploitation d'une mine par des entreprises minières – Ne comprend pas la transformation du minerai : décision Compagnie minière Québec Cartier107; l’exclusion ne s’applique donc pas aux travaux qui s’y rattachent.

216 5o Construction qui se rattache à l'exploitation de la forêt par des entreprises forestières – Ne comprend pas la transformation du bois (vg scieries) : décision Transport Hardy inc.108; l’exclusion ne s’applique donc pas aux travaux qui s’y rattachent.

217 6o Construction de lignes de transport d'énergie par des salariés d'Hydro-Québec – L’expression « lignes de transport » comprend les lignes de distribution : décision Hydro-Québec109.

218 7 o (Paragraphe abrogé : travaux assujettis au décret du verre plat.)

219 8o Travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de modification par des salariés permanents de commissions scolaires, de collèges et d'hôpitaux – Pour les critères applicables, voir la décision Hôtel-Dieu de Montmagny110.

105 Décision 466 (B. Lefebvre , le 6 mai 1988). 106 Décision 466 (B. Lefebvre, le 6 mai 1988). 107 Décision 1066 (J. Larivière, 23 juin 1999). 108 Décision 681 (G. Gaul, 25 février 1992). 109 Décision 412 (R. Leboeuf, 2 septembre 1986). 110 Décision 659 (G. Gaul, 10 octobre 1991).

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220 9o Travaux d'entretien, de réparation, de rénovation et de modification d'un logement et de construction d'un garage ou d'une remise annexe (contigu ou non au logement) pour le compte de la personne physique qui habite ce logement, agissant pour son propre compte et à ses fins personnelles et non lucratives – Exemples : Centre d’économie et de chauffage Turcotte inc.111 (thermopompes); Reflex Paysage inc.112 (pavé imbriqué); modification versus construction neuve : Sylvain Bourdeau construction inc.113.

221 10o Gouttières, portes de garage, systèmes d'aspirateur central ou aménagement paysager, y compris cours, entrées ou trottoirs, d'une maison unifamiliale isolée, par une personne qui n'est pas un employeur professionnel ou par un salarié qui n'exécute pas habituellement d'autres genres de travaux – Les conditions relatives à l’employeur et au salarié ne sont pas cumulatives : décision Pavage et Paysagiste Uni Val inc.114.

222 11o Transport d’une matière en vrac par le seul camion inscrit au nom d’un exploitant de véhicules lourds inscrit au Registre du camionnage en vrac, conduit par cet exploitant ou par son remplaçant temporaire en raison de son inaptitude – Exemple : décision Bouchard, Larouche, Boudreault et al.115.

223 12o Marquage de revêtement d'une voie publique ou privée.

224 13 o Réalisation ou restauration d’une production artistique originale de recherche ou d’expression ou son intégration à l’architecture d’un bâtiment ou d’un ouvrage de génie civil ou à leurs espaces intérieurs et extérieurs, lorsque ces travaux sont exécutés par une personne qui, sans être un salarié habituel d’un employeur professionnel, est :

1. soit un artiste professionnel membre, à ce titre, d’une association reconnue dans le domaine des arts visuels ou des métiers d’art en vertu de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art

111 Décision 720 (G. Gaul, 6 octobre 1992). 112 Décision 768 (G. Gaul, 21 juillet 1993). 113 Décision 680 (évocation rejetée), voir supra, note 58 . 114 Décision 1104 (J. Béliveau, 17 février 2000). 115 Décision 1057 (J. Larivière, 17 mai 1999), aussi intéressante sur la question

des bancs d’emprunt (« à pied d’œuvre »).

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et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (chapitre S-323.01);

2. soit un restaurateur professionnel membre d’une associa-tion de restaurateurs reconnue à cette fin par le ministre, après consultation auprès du ministre de la Culture et des Communications; le ministre publie à la Gazette officielle du Québec le nom de toute association de restaurateurs qu’il reconnaît.

225 Pour l’assujettissement de divers travaux « artistiques, de décoration ou de faux finis (situation avant le P.L. 181), voir Association canadienne des métiers de la truelle, section locale 100, et al. c. Studio 57 et al.116.

VIII.– LITIGES RELATIFS À LA DÉTERMINATION DU SECTEUR APPLICABLE

226 Une convention collective sectorielle peut être conclue pour chacun des quatre secteurs de l’industrie; il peut arriver qu’un litige surgisse sur la question de savoir laquelle de ces conventions collectives s’applique à des travaux de construc-tion particuliers. Le premier alinéa de l’article 21 de la loi confère au commissaire de l’industrie de la construction la juridiction exclusive pour résoudre toute difficulté d’interpréta-tion ou d’application des dispositions qui indiquent quels sont les travaux compris dans chaque secteur, c’est-à-dire les paragraphes v à y du premier alinéa de l’article 1 de la loi; ces paragraphes se lisent comme suit :

227 v) « secteur génie civil et voirie » : le secteur de la construction d'ouvrages d'intérêt général d'utilité publique ou privée, y compris les installations, les équipements et les bâtiments physiquement ratta-chés ou non à ces ouvrages, notamment la construc-tion de routes, aqueducs, égouts, ponts, barrages, lignes électriques et gazoducs;

228 w) « secteur industriel » : le secteur de la construc-tion de bâtiments, y compris les installations et les équipements physiquement rattachés ou non à ces bâtiments, réservés principalement à la réalisation d'une activité économique par l'exploitation des

116 Décision 1540 (S. Mireault, le 17 mai 2002).

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richesses minérales, la transformation des matières premières et la production de biens;

229 x) « secteur institutionnel et commercial » : le secteur de la construction de bâtiments, y compris les ins-tallations et les équipements physiquement rattachés ou non à ces bâtiments, réservés principalement à des fins institutionnelles ou commerciales ainsi que toute construction qui ne peut être comprise dans les secteurs résidentiel, industriel ou génie civil et voirie;

230 y) « secteur résidentiel » : le secteur de la construc-tion de bâtiments ou d'ensembles de bâtiments contigus, y compris les installations et les équipe-ments physiquement rattachés ou non à ces bâtiments, dont au moins 85 % de la superficie, excluant celle de tout espace de stationnement, est réservée à l'habitation et dont le nombre d'étages au-dessus du sol, excluant toute partie de sous -sol et vu de toute face du bâtiment ou de l'ensemble de bâtiments, n'excède pas six dans le cas de bâtiments neufs ou huit dans les autres cas.

231 Il n’y a eu jusqu’ici qu’une seule décision du commissaire117 suite à un litige dont l’origine est un recours de ce type.

232 Étant donné que la disposition attribuant juridiction au commissaire en la matière est la même que celle portant sur le champ d’application de la loi, on doit considérer que les principes dégagés des décisions des tribunaux en matière d’assujettissement s’appliqueront également aux recours concernant les secteurs (caractère obligatoire du recours, etc.; voir le chapitre précédent).

233 Signalons que le deuxième alinéa de l’article 1 de la Loi R-20 précise que :

234 Les paragraphes v à y du premier alinéa ne s'appliquent pas à la détermination du champ d 'application de la présente loi.

117 Association de la construction du Québec c. Conseil conjoint de la FTQ et du

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec et Rolls-Royce Canada Ltée, Décision 1273, DTE 2003T-65.

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IX.– RECOURS DEVANT LA CRT RELATIF À LA VALIDITÉ D’UNE CLAUSE D’UNE CONVEN-TION COLLECTIVE

235 Les articles 61 à 61.4 de la Loi R-20 se lisent comme suit :

236 61. La convention collective doit contenir des clauses concernant la classification des emplois, la rému-nération, le bulletin de paie, la durée du travail, les heures supplémentaires, les jours fériés, les congés payés, le délai-congé, le régime complémentaire de sécurité sociale et la procédure applicable pour sa modification.

237 Elle doit aussi contenir des clauses concernant la sécurité syndicale, y compris le précompte des cotisations, les délégués syndicaux, la procédure de règlement des griefs et l'exercice des recours des salariés contre les mesures disciplinaires prises par l'employeur.

238 Elle peut aussi contenir notamment des clauses concernant l'ancienneté, les mesures relatives à la main-d'œuvre, la mobilité de la main-d'œuvre, les mouvements de main-d'œuvre, les travaux par roulement, les travaux de nuit et les travaux du dimanche ainsi que les majorations de salaire, les primes, les indemnités et allocations diverses, les tableaux d'affichage, les vestiaires et les outils. Elle peut aussi contenir des clauses instituant une procédure destinée à prévenir ou régler un conflit de compétence relatif à l'exercice d'un métier ou d'une occupation avant que le commissaire de l'industrie de la construction n'en soit saisi.

239 61.1. Les clauses portant sur les matières suivantes doivent être communes aux conventions collectives de chacun des secteurs :

240 1° la sécurité syndicale, y compris le précompte des cotisations syndicales;

241 2° la représentation syndicale;

242 3° la procédure de règlement des griefs;

243 4° l'exercice des recours à l'encontre des mesures disciplinaires;

244 5° l'arbitrage;

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245 6° le régime complémentaire d'avantages sociaux de base;

246 7° tout fonds d'indemnisation que les parties aux négociations dans chacun des secteurs jugent nécessaire.

247 61.2. Une clause d'une convention collective ne peut : 248 1° accorder une préférence à une association

représentative ou à une association sectorielle d'employeurs;

249 2° porter atteinte à un droit d'un salarié sur la base d'une discrimination en rapport avec son allégeance syndicale;

250 3° porter sur une agence de placement;

251 4° limiter le libre choix de l'employeur de requérir les services d'un salarié directement auprès de cette personne ou par l'entremise de la Commission ou d'une référence syndicale;

252 5° introduire des clauses discriminatoires à l'endroit de quelque employeur ou de quelque association ou groupement de salariés ou d'employeurs;

253 5.1° introduire une disposition incompatible avec un engagement du gouvernement du Québec dans le cadre d'une entente intergouvernementale en matière de mobilité de la main-d’œuvre;

254 6° contenir toute autre disposition contraire à la loi.

255 61.3. Toute clause d'une convention collective contraire aux dispositions de la présente loi est réputée non écrite.

256 61.4. Sur requête du procureur général ou de toute partie intéressée, la Commission des relations du travail peut déterminer dans quelle mesure une clause d'une convention collective est contraire à une disposition de la présente loi.

257 Une clause qui contreviendrait à l’une des dispositions de l’article 61.2 pourrait bien entendu faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 61.4. On peut se demander si ce recours est également ouvert à l’encontre d’une clause qui porterait sur une matière autre que celles énumérées à l’article 61. Cependant, une personne qui alléguerait qu’une clause viole uniquement des dispositions d’une autre loi, comme par

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exemple la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12)118, devrait s’adresser aux tribunaux de droit commun; elle ne pourrait avoir recours à l’article 61.4.

X.– ARBITRAGE DE GRIEFS

258 Le rôle de l’arbitre de griefs dans l’industrie de la construction est très limité par rapport à celui qu’il exerce dans une entreprise dont les conditions de travail sont régies par une convention collective conclue en vertu du Code du travail. Il y a très peu de griefs soumis à l’arbitrage dans l’industrie de la construction, tel qu’en fait foi le nombre de décisions déposées auprès de la CCQ conformément à l’article 75 de la Loi R-20 : six décisions en l’an 2000, quatre en 2001 et douze en 2002.

259 La juridiction de l’arbitre de griefs est prévue à l’article 62, qui réfère à l’article 61 :

260 62. Tout grief portant sur un sujet visé au deuxième alinéa de l'article 61 ou sur l'ancienneté, la mobilité de la main-d’œuvre, les mouvements de main-d’œuvre ou le tableau d'affichage doit être déféré à un arbitre unique. Cet arbitre est choisi par les parties au moment des négociations; à défaut d'entente, il est nommé par la Commission parmi les personnes dont les noms apparaissent sur la liste dressée annuellement en vertu du deuxième alinéa de l'article 77 du Code du travail (chapitre C-27).

261 61. La convention collective doit contenir des clauses concernant la classification des emplois, la rémunération, le bulletin de paie, la durée du travail, les heures supplémentaires, les jours fériés, les congés payés, le délai-congé, le régime complémen-taire de sécurité sociale et la procédure applicable pour sa modification.

262 Elle doit aussi contenir des clauses concernant la sécurité syndicale, y compris le précompte des cotisations, les délégués syndicaux, la procédure de règlement des griefs et l'exercice des recours des

118 La CRT pourrait toutefois se prononcer sur cette question, en vertu de sa

compétence accessoire, dans un litige en vertu de l’article 64.1 dont l’objet principal aurait consisté à déterminer dans quelle mesure une clause contrevient à une disposition de la Loi R-20 .

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salariés contre les mesures disciplinaires prises par l'employeur.

263 Elle peut aussi contenir notamment des clauses concernant l'ancienneté, les mesures relatives à la main-d'œuvre, la mobilité de la main-d'œuvre, les mouvements de main-d'œuvre, les travaux par roulement, les travaux de nuit et les travaux du dimanche ainsi que les majorations de salaire, les primes, les indemnités et allocations diverses, les tableaux d'affichage, les vestiaires et les outils. Elle peut aussi contenir des clauses instituant une procé-dure destinée à prévenir ou régler un conflit de compétence relatif à l'exercice d'un métier ou d'une occupation avant que le commissaire de l'industrie de la construction n'en soit saisi.

264 Elle peut également contenir toute clause relative aux conditions de travail dans un secteur, qui n'est pas contraire à l'ordre public ni prohibée par la loi.

265 Les articles 63 à 77 précisent les pouvoirs de l’arbitre et contiennent des dispositions portant notamment sur la récusa-tion de l’arbitre, l’instruction du grief, l’assignation de témoins, la visite des lieux et la sentence arbitrale.

XI.– PLAINTE EN MATIÈRE DE LIBERTÉ SYNDICALE

266 L’une des caractéristiques du régime de relations de travail de l’industrie de la construction consiste dans le pluralisme syndical et la liberté pour le salarié d’appartenir à l’association de son choix (art.94 de la Loi R-20 ).

267 Pour protéger ce droit, la loi interdit certains comporte-ments de la part des employeurs et des syndicats; il accorde un recours à une association représentative (voir la définition de cette expression à l’art. 1 b) et les art. 28 et suivants), de même qu’à un salarié, s’ils se croient lésés par un tel comportement :

268 105. Toute association représentative ou tout salarié peut soumettre au ministre toute plainte qui naît de l'application des dispositions du présent chapitre, au moyen d'un avis écrit qu'il doit lui faire parvenir dans les quinze jours qui suivent la date à laquelle a eu lieu le fait dont il se plaint.

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269 Le ministre peut alors nommer un enquêteur et le charger de lui faire rapport dans les huit jours qui suivent. Si huit jours après l'expiration de ce délai le salarié n'a pas reçu satisfaction, la question est soumise à un seul arbitre nommé par le ministre et choisi parmi les personnes dont les noms apparais-sent sur la liste dressée annuellement en vertu du deuxième alinéa de l'article 77 du Code du travail.

270 La décision arbitrale doit être rendue dans les trente jours de la nomination de l'arbitre ou dans les cinq jours de la fin de l'enquête, au premier de ces termes.

271 Au-delà de cette période, [le tribunal du travail peut, sur requête d'une partie, rendre l'ordonnance qu'il]1 juge nécessaire pour que la décision arbitrale soit rendue dans les meilleurs délais et soit déposée.

272 __________

273 1 Sera remplacé par « la Commission des relations du travail peut, sur requête d'une partie, rendre l'ordonnance qu'elle […] » (2001, c. 26, a. 167, non en vigueur).

274 Les articles 63 à 70, 72, 73 et 75 à 77 s'appliquent en faisant les adaptations nécessaires.

275 106. Si le salarié établit à la satisfaction de l'arbitre qu'il exerce un droit lui résultant du présent chapitre, il incombe à l'association de salariés ou à l'employeur, suivant le cas, de prouver qu'il avait un motif juste et suffisant de poser le geste dont le salarié s'est plaint.

276 107. L'arbitre peut ordonner à l'employeur de réintégrer le salarié dans son emploi dans les huit jours qui suivent la signification de la décision, avec tous ses droits et privilèges et de lui payer, à titre d'indemnité, l'équivalent du salaire et des autres avantages dont il a été privé illégalement.

277 L'arbitre peut aussi ordonner à l'association de salariés de réintégrer le salarié dans ses rangs avec le maintien des avantages dont il a été privé illégalement.

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XII.– RECOURS RELATIF À L’EXERCICE, PAR LA CCQ, DE SES POUVOIRS DE SUSPENSION DES TRAVAUX DE CONSTRUCTION

A. Révision d’une ordonnance de suspension

278 L’article 7.7 de la Loi R-20 accorde au commissaire de l’industrie de la construction le pouvoir de réviser les décisions de la CCQ en matière de suspension des travaux de construction :

279 7.7. Toute personne qui se croit lésée par une décision rendue en vertu de l'article 7.4 peut, dans les dix jours de sa notification, en demander la révision au commissaire de l'industrie de la construction.

280 La demande de révision est instruite et décidée d'urgence.

281 Les articles 21.2 à 23.1 s'appliquent à une telle demande de révision.

282 Les pouvoirs de la CCQ en la matière se retrouvent aux articles 7.1 à 7.6 :

283 7.1. La Commission ou toute personne qu'elle autorise à cette fin peut :

284 1° pénétrer à toute heure raisonnable dans un lieu où s'effectuent des travaux de construction ou dans un établissement d'un employeur;

285 2° exiger tout renseignement relatif à l'application de la présente loi ou de ses règlements ainsi qu'à celle de la Loi sur le bâtiment ou de ses règlements en ce qui concerne la qualification des entrepreneurs et des constructeurs -propriétaires, de même que la communication pour examen ou reproduction de tout document s'y rapportant.

286 Toute personne autorisée à exercer les pouvoirs prévus au premier alinéa doit, sur demande, s'identifier et exhiber le certificat délivré par la Commission, attestant sa qualité.

287 7.2. Toute personne concernée par des travaux de construction doit prendre les moyens nécessaires pour permettre à la Commission et à toute personne

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qu'elle autorise à cette fin d'exercer les pouvoirs prévus à l'article 7.1.

288 7.3. La Commission peut, dans l'exercice des pouvoirs prévus à l'article 7.1, demander à toute personne qui exécute ou fait exécuter des travaux de construction de lui démontrer, d'une part, qu'elle est titulaire d'une licence appropriée délivrée en vertu de la Loi sur le bâtiment et, s'il y a lieu, d'un certificat de compétence ou d'une preuve d'exemption approprié délivré en vertu de la présente loi et, d'autre part, que toute personne dont elle utilise les services pour l'exécution de travaux de construction ou qu'elle affecte à des travaux de construction est titulaire d'un tel certificat de compétence ou preuve d'exemption ou, s'il y a lieu, d'une telle licence.

289 Elle peut aussi, de la même manière, demander à toute personne qui exécute ou fait exécuter des travaux de construction en vertu d'un contrat public visé à l'article 65.4 de la Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1) de lui démontrer que la licence dont elle était titulaire ne comportait aucune restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public à la date où elle a présenté une soumission pour ce contrat, lorsqu'il a fait l'objet d'un appel d'offres, ou à la date d'adjudi-cation de ce contrat dans les autres cas.

290 La Commission formule sa demande par écrit et fixe un délai pour s'y conformer.

291 7.4. La personne visée par une demande prévue à l'article 7.3 doit en informer sans délai son client.

292 Si elle fait défaut de s'y conformer dans le délai fixé, la Commission peut, après avoir permis à toute personne intéressée informée de cette demande de lui communiquer son point de vue, ordonner la suspension des travaux dans la mesure qu'elle indique.

293 La Commission rend sa décision par écrit, en transmet copie à toute personne intéressée qui a fait valoir son point de vue et en affiche une copie dans un endroit en vue sur le lieu des travaux visés.

294 7.4.1. Nul ne peut exécuter ou faire exécuter des travaux de construction en contravention à une décision rendue en vertu de l'article 7.4.

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295 7.5. La Commission peut autoriser la reprise de travaux de construction qui ont été suspendus dès que la personne qui entend les exécuter ou les faire exécuter lui démontre, d'une part, qu'elle est titulaire d'une licence appropriée délivrée en vertu de la Loi sur le bâtiment et, s'il y a lieu, d'un certificat de compétence ou d'une preuve d'exemption approprié délivré en vertu de la présente loi et, d'autre part, que toute personne dont elle entend utiliser les services pour l'exécution de ces travaux ou qu'elle entend affecter à ces travaux est titulaire d'un tel certificat de compétence ou preuve d'exemption ou, s'il y a lieu, d'une telle licence.

296 7.5.1. Pour l'application des articles 7.3 et 7.5, la personne qui établit bénéficier d'une exemption prévue dans un règlement édicté en vertu du deuxième alinéa de l'article 123 est réputée titulaire d'une preuve d'exemption.

297 7.6. Les pouvoirs prévus aux articles 7.3 à 7.5 peuvent être exercés par tout membre de son personnel que la Commission autorise à cette fin. Cette personne doit, sur demande, s'identifier et exhiber le certificat visé au deuxième alinéa de l'article 7.1.

B. Outrage au tribunal

298 L’article 7.8 prévoit ce qui suit : 299 7.8. La Commission peut déposer une copie

conforme d'une décision rendue en vertu de l'article 7.4, à l'expiration du délai pour en demander la révision, ou d'une décision finale du commissaire de l'industrie de la construction ou d'un commissaire adjoint de l'industrie de la construction, s'il y a eu révision, au bureau du greffier de la Cour supérieure du district où est situé le lieu visé par la décision.

300 Sur ce dépôt, la décision devient exécutoire comme un jugement final et sans appel de la Cour supérieure et en a tous les effets.

301 Un recours pour outrage au tribunal peut être intenté contre une personne qui transgresse une telle décision devenue exécutoire.

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XIII.– LITIGE PORTANT SUR UN CONFLIT DE COMPÉTENCE RELATIF À L’EXERCICE D’UN MÉTIER OU D’UNE OCCUPATION

302 Le deuxième alinéa de l’article 21 de la Loi R-20 accorde au commissaire de l’industrie de la construction la compétence, « sur demande de toute partie intéressée, d’entendre et de régler les conflits de compétence relatifs à l’exercice d’un métier ou d’une occupation ». C’est le seul endroit dans cette loi où on traite de tels conflits; cette disposition est tout aussi laconique que l’ancien article 80119 de la Loi R-20 qui confiait cette tâche au conseil d’arbitrage institué en vertu de l’article 41 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d’œuvre (L.R.Q., c. F-5).

303 Dans son Dictionnaire canadien des relations du travail120, Gérard Dion donne les définitions suivantes des expressions « conflit de compétence » et « conflit de juridiction de métiers » :

304 « conflit de compétence – juridiction/al/ dispute; juristiction/al/ conflict. Conflit surgissant lorsque deux sujets de droit font valoir leur prétention exclusive à poser des actes dans un même domaine. Syn. – Conflit de juridiction; conflit d’attribution; conflit de démarcation.

305 « conflit de juridiction de métiers – work assignment jurisdictional dispute; trade assignment jurisdictional dispute; borderline dispute. Désaccord entre deux ou plusieurs syndicats à l’occasion de l’affectation d’une tâche ou d’un groupe de tâches en raison des qualifications exigées pour l’exécution du travail, des coutumes des métiers, du champ d’appli-cation des conventions collectives, ou d’ententes intersyndicales. Le conflit de juridiction de métiers naît, non de la délimitation des champs d’action dans leur principe, mais de la nature du travail à exécuter. Il s’agit d’un conflit de droits plutôt que d’intérêts, et le droit de représentativité des syndicats n’y est pas mis en cause. Le conflit de juridiction de métiers est un conflit intersyndical qui a la particularité de rejoindre

119 Abrogé par l’art. 36 du p.l. 46 (1995 L.Q., c. 8). 120 Deuxième édition, P.U.L., 1986, p. 109.

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les travailleurs par le biais du travail à exécuter. C’est l’exécution du travail qui est l’enjeu d’un tel conflit. Syn. Conflit d’attribution des tâches; conflit de distribution du travail.

306 Le paragraphe 2° de l’article 123.1 de la Loi R-20 accorde à la CCQ le pouvoir réglementaire de « déterminer les activités comprises dans un métier ». C’est à l’annexe A du Règlement sur la formation professionnelle de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction [R.R.Q. c. R-20, r. 6.2] que l’on trouve la définition des métiers de l’industrie de la construc-tion. Par ailleurs, les conventions collectives de l’industrie (et autrefois le Décret de la construction) contiennent des clauses définissant certaines occupations121. On trouvera une illustra-tion des difficultés que cela entraîne dans l’arrêt Association des manœuvres inter-provinciaux c. Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers, forestiers et travailleurs d’usine, local 9 et al.122.

307 Outre les syndicats qui se disputent l’exercice des tâches qui font l’objet du conflit, l’employeur est également considéré comme une partie intéressée à ce genre de litiges.

308 Signalons que dans les dernières conventions collectives, les parties ont stipulé des clauses contenant des mesures de prévention et de règlement alternatif de ce genre de conflits123.

XIV.– RECOURS EN MATIÈRE DE FORMATION OU DE QUALIFICATION PROFESSIONNELLE

309 Les articles 80.1 et 80.3 de la Loi R-20 accordent les pouvoirs suivants au commissaire de l’industrie de la construction :

310 80.1. Le commissaire de l'industrie de la construction statue sur tout recours formé à l'encontre d'une décision de la Commission :

121 C’est-à-dire « une activité qui n’est pas comprise dans un métier au sens d’un

règlement adopté en vertu du paragraphe 2° de l’article 123.1 : définition du mot « occupation » au paragraphe p.1 de l’article 1 de la Loi R-20 .

122 [1995] R.J.Q. 35 (Cour d’appel). 123 Voir, par exemple, les clauses 5.01 à 5.04 de la convention collective conclue

le 31 août 2001 pour le secteur industriel.

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311 1° refusant la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de compétence-compagnon, d'un certificat de compétence-occupation ou d'un certificat de compétence-apprenti et d'un carnet d'apprentissage;

312 2° délivrant ou renouvelant un certificat de com-pétence-compagnon, un certificat de compétence-occupation ou un certificat de compétence-apprenti ou un carnet d'apprentissage que son titulaire n'estime pas approprié;

313 3° refusant de remettre en vigueur un certificat de compétence-compagnon, un certificat de com-pétence-occupation ou un certificat de compétence-apprenti et un carnet d'apprentissage annulés suivant une disposition d'un règlement visé à l'article 123.1;

314 4° refusant à un employeur l'autorisation d'utiliser dans une région les services d'un salarié;

315 5° refusant la demande d'un employeur de délivrer à un salarié un certificat de compétence-occupation ou un certificat de compétence-apprenti et un carnet d'apprentissage;

316 6° refusant ou annulant une exemption à l'obligation d'être titulaire d'un certificat de compétence-compagnon, d'un certificat de compétence-occupation ou d'un certificat de compétence-apprenti et d'un carnet d'apprentissage ou soumettant la délivrance d'une telle exemption à des conditions que la personne ayant fait la demande n'estime pas appropriées;

317 7° refusant à un salarié la délivrance d'une carte visée à l'article 36.

318 Seul l'employeur peut contester devant le commissaire de l'industrie de la construction une décision visée aux paragraphes 4° et 5° du premier alinéa et, dans les cas prévus au paragraphe 6° du premier alinéa, lorsque l'employeur doit en vertu de la présente loi ou de ses règlements formuler lui-même la demande de délivrance d'une exemption.

319 80.3. Une personne qui se croit lésée par une décision de la Commission rendue en application d'un règlement édicté en vertu du premier alinéa de l'article 123.1 peut, lorsqu'un tel recours est prévu dans ce règlement, la contester devant le commissaire de l'industrie de la construction.

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320 Un tel recours (visé à l’art. 80.3 de la Loi R-20) est prévu à l’article 27 du Règlement sur la formation profession-nelle de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction [R.R.Q., c. R-20, r. 6.2] :

321 27. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission dans la mise en application du présent règlement, peut en interjeter appel par écrit devant le commissaire de l'industrie de la construction, dont la décision est finale.

XV.– RECOURS EN MATIÈRE DE LICENCE D’ENTREPRENEUR COMPORTANT UNE RESTRICTION AUX FINS D’UN CONTRAT PUBLIC

A. Introduction

322 Dans son Discours sur le budget de 1995-1996, le gouvernement du Québec s'engageait à adopter diverses mesures visant à enrayer le « travail au noir » et l'évasion fiscale dans tous les secteurs importants de l'économie québé-coise et plus particulièrement dans le secteur de la construc-tion, souvent identifié comme l'un des secteurs les plus atteints. Étant l'un des plus importants donneurs d'ouvrages en matière de contrats de construction, le gouvernement s'enga-geait plus précisément à donner l'exemple et à adopter certaines mesures touchant l'octroi des contrats publics pour assurer les citoyens du Québec que leur argent n'alimente pas l'économie clandestine ou le travail illégal, surtout au moment où un effort fiscal important leur était demandé.

323 C'est dans ce contexte que diverses modifications légis-latives124 ont été apportées à la Loi sur le bâtiment et à la Loi R-20 et qu'a été promulgué le Règlement sur les restrictions aux licences d'entrepreneurs aux fins d'un contrat public125 (ci-après : « Règlement sur les restrictions »). L'objectif visé par ce train de mesures était de resserrer les règles d'attribution des contrats publics en matière de construction de façon à 124 Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du

Québec et d'autres dispositions législatives, L.Q. 1997, c. 85, art. 5 à 9 et art. 395 à 399; entrés en vigueur le 16 septembre 1998: D.1195, (1998) 130 G.O. II, 5337.

125 D.1196-98, (1998) 130 G.O. II, 5343.

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exclure les entrepreneurs qui contreviennent à certaines dispositions législatives ou réglementaires ciblées.

324 Considérant la place qu'occupent les contrats publics dans l'industrie de la construction en général, et pour certaines entreprises en particulier, il est facile de deviner l'importance que les règles d'attribution de ces contrats peuvent parfois prendre pour un entrepreneur. Or, jusqu'à ce jour, ce resserre-ment des règles d'attribution demeure méconnu, particulière-ment en ce qui a trait au Règlement sur les restrictions, pourtant au cœur de ces mesures, et au recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20 devant le commissaire de l'industrie de la construction.

325 Notre objectif est donc d'offrir un survol de ces nouvelles règles en concentrant toutefois notre attention sur les dispositions du Règlement sur les restrictions et sur le recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20.

B. La licence d’entrepreneur et les contrats publics

326 Avant d'aborder le Règlement sur les restrictions et le recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20, une mise en contexte s'impose.

327 Règle générale, la personne qui entend exécuter des travaux de construction à titre d'entrepreneur de construction doit, notamment, être titulaire d'une licence d'entrepreneur émise en vertu de la Loi sur le bâtiment. Sans entrer dans les détails, disons simplement que le droit d'exercer les activités d'entrepreneur de construction, ou même d'en prendre le titre, est réservé aux seules personnes qui démontrent avoir les qualifications requises pour obtenir une licence d'entrepreneur appropriée aux activités qu'il entend exercer126. À défaut de détenir cette licence, il est interdit d'agir directement ou indirectement en tant qu'entrepreneur de construction.

328 Dans le cas de contrats publics de construction, une condition supplémentaire à la détention d'une licence s'impose à celui qui entend participer comme entrepreneur à l'exécution d'un contrat public de construction. En effet, pour accéder à ce marché, l'entrepreneur doit non seulement être titulaire d'une licence appropriée émise en vertu de la Loi sur le bâtiment, mais il faut de plus que cette licence soit exempte de restriction 126 Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1, art.46.

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aux fins de l'obtention d'un contrat public. Cette interdiction d'accès au marché des contrats publics de construction est prévue aux articles 65.2 et 65.3 de la Loi sur le bâtiment qui se lisent comme suit :

329 65.2 Il est interdit au titulaire d'une licence restreinte aux fins de l'obtention d'un contrat public de présenter une soumission pour un contrat public lorsque ce contrat fait l'objet d'un appel d'offres ou de conclure un contrat public dans les autres cas.

330 La soumission présentée par un entrepreneur dont la licence comporte une telle restriction ne peut être retenue.

331 65.3 Il est interdit à tout entrepreneur de retenir, pour l'exécution de tout sous-contrat se rattachant directe-ment ou indirectement à un contrat public, les services d'un entrepreneur titulaire d'une licence restreinte.

332 L'interdiction est générale et vise à la fois les contrats publics et les sous-contrats qui s'y rattachent et ce, quelque soit leur mode d'attribution. Elle vise de plus non seulement les entrepreneurs à titre de contractant principal ou à titre de sous-traitant, mais aussi leurs donneurs d'ouvrages, publics ou privés, à qui elle interdit de retenir la soumission ou les services d'un entrepreneur dont la licence fait l'objet d'une restriction.

333 Enfin, il n'est pas inutile de signaler que la Loi sur le bâtiment prévoit également que l'entrepreneur titulaire d'une licence restreinte qui ne respecterait pas l'interdiction prévue au premier alinéa de l'article 65.2 de cette loi s'expose à une amende127 et risque de voir sa licence cesser d'avoir effet128. Cette conséquence ne s'étend cependant pas aux donneurs d'ouvrages.

334 Certes, cette interdiction est large, mais elle ne concerne que l'obtention des contrats publics. Dans sa volonté d'enrayer l'économie clandestine et le travail illégal dans l'industrie de la construction, le législateur s'en est tenu à un resserrement des règles d'attribution de ces contrats, mais n'est pas allé jusqu'à empêcher l'exercice de toute activité de

127 Idem, art. 197. 128 Idem, art. 71.

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construction129. La restriction sur la licence n'a ainsi pas d'effet sur les contrats publics attribués ou conclus avant l'entrée en vigueur de la restriction. C'est donc qu'un entrepreneur sur un chantier de construction relié à un contrat public, dont la licence est restreinte, peut néanmoins entreprendre ou poursuivre les travaux déjà en cours sur ce chantier, pourvu qu'il s'agisse de travaux reliés à un contrat public attribué ou conclu avant l'entrée en vigueur de la restriction sur sa licence. Cette restriction ne visent que l'obtention de nouveaux contrats publics. Ses effets ne sont pas rétroactifs mais seulement prospectifs.

335 En outre, ce ne sont pas tous les contrats de construc -tion qui sont visés par cette interdiction, mais seulement ceux qui correspondent à la définition de contrats publics au sens de l'article 65.4 de la Loi sur le bâtiment. La notion de contrat public est ainsi définie :

336 65.4 Pour l'application de la présente sous-section, un contrat public est un contrat de construction et tout sous-contrat de construction se rattachant directement ou indirectement à un tel contrat auquel est partie :

337 1º un ministère ou un organisme visé par un règlement pris en vertu du chapitre V de la Loi sur l'administration publique (chapitre A -6.01);

338 2º une commission scolaire, le Conseil scolaire de l'Île de Montréal ou un collège d'enseignement général et professionnel;

339 3º un établissement public visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2), une régie régionale instituée en vertu de cette loi, la Corporation d'hébergement du Québec visée à l'article 471 de cette loi, un établissement public visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5) ou un conseil régional institué en vertu de cette loi;

340 4º une municipalité, une communauté métropolitaine, l'Administration régionale Kativik, une société

129 La Commission « Sexton-Picard » recommandait notamment de fortes amendes et la révocation de la licence d'entrepreneur pour une période de trois ans, voir: Rapport de la Commission sur la stabilisation du revenu et de l'emploi des travailleurs de l'industrie de la construction, Québec, Publications du Québec, 1990, pages 105 à 115.

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d'économie mixte visée par la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal (chapitre S-25.01), une régie intermunicipale de transport, une société municipale ou intermunicipale de transport, un conseil intermunicipal de transport ou tout autre organisme dont le conseil d'administration est formé majoritairement d'élus municipaux, lorsque le gouver-nement, l'un de ses ministères ou organismes leur verse une subvention, ou leur en assure le verse-ment, relativement au projet de construction visé au contrat.

341 On le voit, cette définition est très large. Elle ne vise pas seulement les contrats directement conclus entre un entrepre-neur et un donneur d'ouvrages publics, c'est-à-dire un donneur d'ouvrages qui correspond à la liste énumérée aux paragra-phes 1° à 4° de l'article 65.4 de la Loi sur le bâtiment, mais elle comprend également tout sous-contrat de construction qui se rattache directement ou indirectement à tel contrat, ce qui est très large.

342 À première vue, un contrat peut parfois avoir les appa-rences d'un contrat public mais s'avérer, après vérification, ne pas en être un au sens de l'article 65.4 de la Loi sur le bâtiment. Un tel contrat ne serait donc pas visé par la restriction sur la licence et pourrait évidemment faire l'objet d'une soumission ou être autrement conclu par un entrepre-neur qualifié dont la licence serait restreinte. Il est donc nécessaire de faire cette vérification avant de conseiller à son client de s'abstenir de présenter une soumission ou de signer un tel contrat.

343 À l'inverse, un contrat pourrait avoir les apparences d'un contrat « privé », mais être en réalité rattaché à un contrat public de construction au sens de l'article 65.4 de la Loi sur le bâtiment. Un tel contrat serait alors lui-même un contrat public de construction, de sorte que la restriction imposée à la licence d'un entrepreneur produirait tous ses effets à l'égard de ce contrat. Il serait ainsi interdit à cet entrepreneur de présenter une soumission ou autrement conclure ce contrat. S'il le faisait malgré la restriction imposée à sa licence, il s'exposerait alors aux sanctions pénale et administrative déjà mentionnées130. Quant à son donneur d'ouvrages, il lui serait interdit d'accepter cette soumission ou de retenir les services de cet entrepreneur. 130 Supra, notes 127 et 128.

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S'il le faisait, il ne serait pas visé par ces sanctions, mais il risquerait néanmoins de se retrouver avec suspension forcée de tout ou partie des travaux131 sur son chantier, avec tous les retards que cela pourrait entraîner sur l'échéancier.

344 La prudence est donc de mise lorsque l'on s'engage dans une chaîne contractuelle impliquant un contrat public ou un entrepreneur dont la licence fait l'objet d'une restriction. La vérification de la licence de ses cocontractants et sous-traitants est ainsi une question cruciale pour tout entrepreneur ou donneur d'ouvrages qui tient à contrôler les risques auxquels il s'expose quand il s'engage dans une relation contractuelle. Cette vérification est heureusement facilitée par le registre public que tient la Régie du bâtiment du Québec conformément à l'article 66 de la Loi sur le bâtiment132 et qui indique, notamment, si la licence d'un entrepreneur comporte une restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public.

345 On voit donc que le resserrement des règles d'attribution des contrats publics par la restriction de la licence d'entrepreneur a des conséquences importantes pour les entrepreneurs qui exercent leurs activités dans ce marché. Voyons maintenant les cas d'ouverture à une telle restriction. Pour ce faire, nous aborderons d'abord le Règlement sur les restrictions, puis le recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20.

C. Règlement sur les restrictions aux licences d’entrepreneurs aux fins d’un contrat public

346 C'est par le Règlement sur les restrictions que le gouvernement a fixé dans quels cas et dans quelles conditions une licence émise en vertu de la Loi sur le bâtiment comporte une restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public. Les cas d'ouverture sont énoncés à l'article 1 qui se lit comme suit :

347 1. Une licence délivrée ou renouvelée en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1) comporte une restriction, aux fins de l'obtention d'un contrat public, lorsque son titulaire :

348 1° a fait l'objet d'une décision de suspension de travaux exécutoire en vertu de l'article 7.8 de la Loi

131 Loi R-20, art. 7.3 et 7.4; voir supra, chapitre XII. 132 Ce registre est accessible sur le site Internet de la RBQ :

(www.rbq.gouv.qc.ca).

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sur les relations du travail, la formation profession-nelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l'industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20);

349 2° a payé une réclamation fondée sur le paragraphe c.2 du premier alinéa de l'article 81 de cette loi, ou a été condamné par un jugement final à payer une telle réclamation;

350 3° au cours d'une période de 24 mois consécutifs, a été déclaré coupable ou, s'il s'agit d'une société, dont l'un des associés a été déclaré coupable ou, s'il s'agit d'une personne morale, dont l'un des administrateurs a été déclaré coupable, alors qu'il agissait en cette qualité pour cette personne morale, du nombre d'infractions déterminé à l'article 2, commises dans des périodes mensuelles de travail différentes, à l'une ou l'autre des dispositions suivantes :

351 a) le paragraphe 3° de l'article 83 de cette loi, pour avoir refusé ou retardé d'accorder à la Commission de la construction du Québec ou à une personne autorisée par celle-ci, l'accès à un lieu où s'effectuent des travaux de construction ou à un établissement d'un employeur;

352 b) l'article 83.1 de cette loi, pour avoir refusé ou négligé de fournir par écrit à la Commission ou à une personne autorisée par celle-ci, dans un délai de 10 jours francs suivant la remise d'une demande écrite à cet effet, ou suivant le jour où cette demande lui a été laissée par tout moyen approprié, les renseigne-ments jugés nécessaires, conformément au paragra-phe f du premier alinéa de l'article 81 de cette loi;

353 c) l'article 83.2 de cette loi, pour avoir fait défaut de se conformer à une demande écrite de la Commission en vertu de l'art icle 81.0.1 dans un délai de 10 jours de l'expédition de cette demande;

354 d) le paragraphe 4 de l'article 122 de cette loi, pour avoir sciemment détruit, altéré ou falsifié un registre, une liste de paye, le système d'enregistrement ou un document ayant trait à l'application de la loi, d'un règlement ou d'une convention collective;

355 e) l'article 1 du Règlement sur le registre, le rapport mensuel, les avis des employeurs et la désignation d'un représentant, approuvé par le décret 1528-96 du

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 189

4 décembre 1996, pour avoir omis de s'enregistrer auprès de la Commission;

356 f) l'article 8 de ce règlement, pour avoir omis d'inscrire à son registre les heures travaillées par un salarié;

357 g) l'article 11 de ce règlement, pour avoir omis d'indiquer à son rapport mensuel les heures travaillées par un salarié;

358 h) l'article 12 de ce règlement, pour avoir omis de transmettre à la Commission son rapport pour une période mensuelle de travail;

359 4° au cours d'une période de 24 mois consécutifs, a été déclaré coupable ou, s'il s'agit d'une société, dont l'un des associés a été déclaré coupable ou, s'il s'agit d'une personne morale, dont l'un des administrateurs a été déclaré coupable, alors qu'il agissait en cette qualité pour cette personne morale, du nombre d'infractions déterminé à l'article 2, commises dans des semaines différentes s'il s'agit du même salarié, ou à des jours différents dans les autres cas, au paragraphe 3° de l'article 119.1 de cette loi, pour avoir utilisé les services d'un salarié ou l'avoir affecté à des travaux de construction sans que ce dernier soit titulaire soit d'un certificat de compétence-compagnon, soit d'un certificat de compétence-occupation, soit d'un certificat de compétence-apprenti, délivré par la Commission, ou sans bénéficier d'une exemption.

1. Cas d’ouverture à une restriction

360 On peut regrouper les cas d'ouvertures à une restriction sur la licence en quatre catégories différentes.

(i) Suspension de travaux exécutoire (art. 1(1o) du Règlement sur les restrictions

361 La première catégorie, énoncée au premier paragraphe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions, vise les cas où le titulaire d'une licence a fait l'objet d'une suspension de travaux exécutoire en vertu de l'article 7.8 de la Loi R-20. Il s'agit en résumé, comme on l'a vu précédemment133, des situations où une personne exécute ou fait exécuter des travaux de construction en contravention avec certaines 133 Supra, chapitre XII.

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dispositions de la Loi sur le bâtiment ou de la Loi R-20 et, après avis, persiste dans son défaut de se conformer à ces dispositions.

362 Dans un tel cas, le Règlement sur les restrictions prévoit une restriction à la licence pour une durée de deux ans134.

(ii) Réclamation fondée sur le paragraphe c.2 de l'article 81 de la Loi R-20 (art. 1(2°) du Règlement sur les restrictions)

363 La seconde catégorie de cas est énoncée au second paragraphe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions et vise les situations impliquant une réclamation fondée sur le paragraphe c.2 de l'article 81 de la Loi R-20. Ces réclamations, comme on l'a aussi vu précédemment135, sont d'un type particulier et concernent des situations où faute de collabora-tion des personnes impliquées, la CCQ a dû procéder à une expertise pour évaluer l'ampleur des travaux exécutés et assurer le respect des conditions de travail obligatoires.

364 Le Règlement sur les restrictions prévoit dans ce cas deux variantes possibles : soit que le titulaire de la licence ait payé une telle réclamation, soit qu'il ait été condamné par un jugement final à payer une telle réclamation. Dans les deux cas, la restriction prévue est d'une durée de deux ans136.

(iii) Cumul de condamnations (art. 1(3°) du Règlement sur les restrictions)

365 De loin la plus large, la troisième catégorie de cas donnant ouverture à une restriction sur la licence d'entrepre-neur vise les cas de cumul de condamnations pénales pour des infractions énumérées au troisième paragraphe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions.

366 Le principe général est assez simple : lorsque le titulaire d'une licence émise en vertu de la Loi sur le bâtiment cumule un certain nombre de condamnations aux infractions spécifi-quement mentionnées au troisième paragraphe de l'article 1 du

134 Règlement sur les restrictions, art. 3 (1°). 135 Supra, chapitre V. 136 Règlement sur les restrictions, art. 3 (1°).

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Règlement sur les restrictions, une restriction sera imposée à toute nouvelle licence qui lui sera émise à l'intérieur d'un an137.

367 Les condamnations prises en compte pour imposer une restriction sont spécifiquement identifiées au troisième paragra-phe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions. Il s'agit d'infractions à certaines dispositions de la Loi R-20 ( sous-parapraphes a) à d) ) ou du Règlement sur le registre, le rapport mensuel, les avis des employeurs et la désignation d'un représentant138 (sous-paragraphes e) à h)). Toutes sont reliées de façon générale à des actes ou à des omissions faisant obstacle au pouvoir de contrôle de la CCQ de vérifier et de s'assurer du respect de la Loi R-20 et des conditions de travail obligatoires. Ce ne sont donc pas toutes les infractions prévues à la Loi R-20 et à sa réglementation qui sont comptabilisables aux fins de la restriction à la licence, mais seulement une sélection d'entre elles, identifiée et énumérée aux sous-paragraphes a) à h) du paragraphe 3 de l'article 1 du Règlement sur les restrictions.

(iv) Cumul de condamnations (art. 1(4°) du Règlement sur les restrictions)

368 La quatrième catégorie de cas donnant ouverture à une restriction vise les cas de cumul de condamnations énoncés au quatrième paragraphe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions. Cette catégorie suit le même principe général que pour la troisième catégorie, à savoir qu'un cumul de condam-nations pénales est nécessaire pour imposer une restriction à la licence. Elle vise cependant des condamnations reliées à une infraction spécifique d'une autre nature et est soumise à des conditions d'applications différentes qui en font une catégorie distincte.

369 Les infractions visées dans cette catégorie sont ainsi reliées à l'interdiction prévue au paragraphe 3° de l'article 119.1 de la Loi R-20 d'utiliser ou d'affecter à l'exécution de travaux de construction une main-d'œuvre non titulaire d'un certificat de compétence ou d'une exemption.

370 Tout comme pour les cas prévus au troisième paragraphe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions, le

137 Idem, art 3 (2°). 138 D.1528-96 du 4 décembre 1996, (1996) 128 G.O. II, 7226.

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Aperçu des recours découlant de l’application de la Loi… 192

cumul du nombre requis de condamnations entraîne une restriction à la licence pour une durée d'un an139.

371 Il faut cependant noter que les infractions énumérées au troisième paragraphe sont cumulatives entres elles, mais pas avec celles prévues au quatrième paragraphe. Cette remarque nous amène à traiter de la question spécifique du cumul des condamnations et du nombre requis pour entraîner une restriction à la licence.

2. Cumul et nombre requis de condamnations

372 Le cumul des condamnations obéit à certaines règles qui méritent qu'on s'y attardent. Précisons d'abord que ce cumul n'est applicable qu'aux cas d'ouverture visés aux troisième et quatrième paragraphes de l'article 1 du Règlement sur les restrictions. Il ne concerne pas les deux premières catégories énumérées aux premier et second paragraphes de cet article.

373 De plus, il est important de noter, car ce n'est peut-être pas évident à première vue, que les condamnations pour des infractions prévues au troisième paragraphe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions sont cumulatives entre elles, mais pas avec celles du quatrième paragraphe. Ainsi, par exemple, une condamnation pour une infraction énumérée au sous-paragraphe c) du troisième paragraphe se cumule avec une condamnation prévue au sous-paragraphe h); mais ni l'une ni l'autre ne se cumule avec une condamnation à une infraction prévue au quatrième paragraphe de l'article 1. Les condamna-tions de ces deux paragraphes sont, à cet égard, indépen-dantes les unes des autres.

374 En outre, les conditions prévues pour le cumul des condamnations au troisième paragraphe ne sont pas tout à fait les mêmes que celles prévues au quatrième paragraphe. Ainsi, dans le cas prévus au troisième paragraphe, les condamna-tions doivent être relatives à des infractions commises au cours de périodes mensuelles différentes.

375 Par contre, dans le cas des condamnations visées au quatrième paragraphe, deux situations sont prévues : soit qu'il s'agisse d'infractions pour un même salarié, auquel cas les infractions doivent avoir été commises dans des semaines

139 Règlement sur les restrictions, art. 3 (2°).

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différentes; soit qu'il s'agisse d'infractions pour des salariés différents, auquel cas les infractions doivent avoir été commises à des jours différents.

376 Dans tous les cas cependant, que ce soit pour les condamnations visées au troisième ou au quatrième paragra-phe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions, la période de cumul ne s'étend pas au-delà de 24 mois consécutifs.

377 Quant au calcul du nombre requis de condamnations pour imposer une restriction à la licence d'entrepreneur, il est déterminé à l'article 2 qui se lit comme suit :

378 2. Le nombre d'infractions mentionné aux paragra-phes 3º et 4º de l'article 1, dans le cas d'une entreprise ayant rapporté, à titre d'employeur, des heures de travail à la Commission au cours de la période de référence relative à l'année civile au cours de laquelle a été prononcée la dernière condamna-tion pour ces infractions, est de :

379 1° deux infractions pour 10 000 heures de travail ou moins;

380 2° trois infractions pour un nombre d'heures de travail supérieur à 10 000 mais inférieur à 50 000;

381 3° quatre infractions pour un nombre d'heures de travail égal ou supérieur à 50 000 mais inférieur à 100 000;

382 4° cinq infractions pour un nombre d'heures de travail égal ou supérieur à 100 000 plus une infraction pour chaque tranche de 100 000 heures de travail en sus de 100 000.

383 Ce nombre est de deux infractions dans le cas d'une entreprise qui n'a rapporté aucune heure de travail au cours de la période de référence.

384 La période de référence correspond aux 12 périodes mensuelles de travail consécutives se terminant au mois d'août précédant l'année civile visée et la période mensuelle de travail correspond à celle décrite à l'article 12 du Règlement sur le registre, le rapport mensuel, les avis des employeurs et la désignation d'un représentant.

385 Le nombre requis de condamnations est le nombre à ne pas atteindre pour l'entrepreneur car une fois atteint, une restriction sera imposée à sa licence. Ce nombre n'est ni

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unique, ni constant, mais varie d'un entrepreneur à l'autre en fonction du nombre d'heures déclarées à titre d'employeur à la CCQ. Plus le nombre d'heures déclarées est élevé, plus le nombre requis de condamnations l'est aussi. Cette variation en fonction du nombre d'heures déclarées vise à tenir compte des risques accrus d'erreurs ou d'omissions auxquels s'expose un entrepreneur qui a un important volume d'activités de construc-tion, par rapport à celui qui en a un plus faible140. Il s'agit ainsi d'une mesure d'équité envers les entrepreneurs qui pondère l'application des sanctions en fonction du risque réel supporté.

386 Par ailleurs, étant donné que le nombre d'heures déclarées à la CCQ varie généralement pour chaque entrepre-neur d'une année à l'autre, il est indispensable de trouver une formule qui permette à chaque entrepreneur de connaître à l'avance le nombre de condamnations à ne pas atteindre chaque année. C'est donc pour répondre à cette nécessité que le dernier alinéa de l'article 2 du Règlement sur les restrictions prévoit une période dite de « référence » pour établir le nombre d'heures déclaré.

387 Cette période correspond aux 12 mois consécutifs se terminant au mois d'août de l'année précédant celle au cours de laquelle est prononcée la dernière condamnation. Un exemple pour illustrer cette règle est sans doute utile. Ainsi, pour un entrepreneur dont la dernière condamnation est en 2000, la période de référence sera les 12 mois consécutifs se terminant en août 1999. Le nombre total des heures alors déclarées à la CCQ au cours de ces 12 mois déterminera le nombre requis de condamnations pour imposer une restriction.

388 Une fois réunies les conditions pour imposer une restriction à la licence, que ce soit par atteinte du nombre requis de condamnations ou autrement, celle-ci ne devient pas pour autant restreinte dès cet instant. En effet, certaines règles particulières régissent l'entrée en vigueur et la durée de cette restriction. Voyons lesquelles.

3. Entrée en vigueur et durée de la restriction

389 Les règles qui déterminent l'entrée en vigueur et la durée de la restriction imposée à la licence d'entrepreneur

140 Cf., Defran inc. c. Québec (Procureur général) , D.T.E. 2001T-629 (C.S.); (en

appel: CAM no 500-09-010943-017).

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varient selon le cas d'ouverture. Elles sont prévues à l'article 3 du Règlement sur les restrictions qui se lit comme suit :

390 3. Comporte une restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public toute licence délivrée ou renouvelée :

391 1° au cours d'une période de 2 ans qui débute:

392 a) le jour où expire la licence dont est déjà titulaire la personne qui devient visée par le paragraphe 1º ou 2º de l'article 1;

393 b) le jour où la personne qui demande la délivrance de cette licence devient visée par le paragraphe 1º ou 2º de l'article 1;

394 2° au cours d'une période d'un an qui débute:

395 a) le jour où expire la licence dont est déjà titulaire la personne qui devient visée par le paragraphe 3º ou 4º de l'article 1;

396 b) le jour où la personne qui demande la délivrance de cette licence devient visée par le paragraphe 3º ou 4º de l'article 1.

397 Pour l'application du paragraphe 2º du premier alinéa, une personne devient visée par le paragraphe 3º ou 4º de l'article 1, 45 jours après la date de sa dernière condamnation pour les infractions prévues à ces paragraphes.

398 La durée d'une restriction est ainsi fonction de la nature du cas qui y donne ouverture : deux ans dans le cas d'une suspension de travaux exécutoire141 ou du paiement ou d'une condamnation à payer une réclamation fondée sur le paragra-phe c.2 du premier alinéa de l'article 81 de la Loi R-20142; un an dans les cas d'ouverture à la restriction par cumul de condamnations143.

399 Par ailleurs, ce n'est que du jour où une personne devient « visée » par l'un ou l'autre des quatre paragraphes de l'article 1 que la restriction entre en vigueur. Dans le cas des deux premiers paragraphes de cet article, c'est dès la

141 Règlement sur les restr ictions, art. 1 (1°). 142 Idem, art. 1 (2°). 143 Idem, art. 1 (3°) et (4°).

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réalisation des conditions prévues que la personne devient visée.

400 Par contre, dans le cas des troisième et quatrième paragraphes de l'article 1, la personne ne devient visée que 45 jours après la date de sa dernière condamnation et non le jour même. Ce délai, prévu au dernier alinéa de l'article 3 du Règlement sur les restrictions, est nécessaire afin notamment de tenir compte de l'expiration des délais d'appel qui sont de 30 jours, puisqu'un appel suspendrait la condamnation et ramène-rait ainsi le nombre atteint de condamnations en deçà de ce qui est requis.

401 Enfin, signalons que l'article 3 du Règlement sur les restrictions prévoit de plus différentes modalités relatives à la prise d'effet de la restriction, selon que la personne visée est déjà titulaire ou non d'une licence144.

402 En résumé, lorsqu'un entrepreneur devient visé par le Règlement sur les restrictions, toute licence qui lui sera délivrée ou renouvelée, durant une période d'un ou deux ans selon le cas, comportera une restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public. Cette restriction lui est imposée en raison d'actes ou d'omissions associés par le législateur au phénomène du travail non déclaré et entraînera, de ce fait, son exclusion du marché des contrats publics. Elle constitue ainsi une sanction administrative automatique prévue par la loi et la réglementation et imposée sans qu'aucune autre décision ne soit requise.

403 Toutefois, afin d'atténuer les risques d'erreurs et préve-nir les injustices qui pourraient se produire, le législateur a prévu un tempérament au caractère automatique de l'émission d'une licence restreinte et a introduit le recours prévu l'article 80.2 de la Loi R-20.

D. Ordonnance de ne pas considérer une infraction (article 80.2 de la Loi R-20)

404 Pour bien comprendre la nature et la portée du recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20, il est indispensable de cerner d'abord le mécanisme selon lequel une restriction est imposée. 144 Idem, art 3 (1°) (a) et (2°) (a) pour les renouvellement de licence et art. 3 (1°)

(b) et (2°) (b) pour la délivrance.

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405 C'est la Régie du bâtiment du Québec ou une corpo-ration mandataire145 qui délivre et renouvelle la licence d'entrepreneur et qui indique si celle-ci comporte une restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public :

406 65.1 La Régie indique, sur la licence qu'elle délivre ou qu'elle renouvelle, si celle-ci comporte une restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public, suivant les données pertinentes au titulaire de cette licence que lui transmet la Commission de la construction du Québec en vertu de l'article 123.4.4 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction (chapitre R-20).

407 C'est toutefois à la CCQ que revient la responsabilité de recueillir et de tenir à jour les données nécessaires à l'applica-tion du Règlement sur les restrictions et de les communiquer à la Régie du bâtiment du Québec ou à une corporation mandataire afin de s'assurer que la licence qui sera émise comporte une restriction aux fins de l'obtention d'un contrat public. Le Procureur général du Québec doit par ailleurs communiquer à la CCQ les informations nécessaires sur les résultats des dossiers pénaux qui originent d'elle. Le mécanisme est ainsi prévu aux articles 123.4.2 à 123.4.4 de la Loi R-20 :

408 Art. 123.4.2. La Commission recueille et tient à jour les données nécessaires à l'application d'un règle-ment pris en vertu des paragraphes 8.2 et 8.3 du premier alinéa de l'article 123 et des dispositions de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1) portant sur les licences restreintes aux fins de l'obtention d'un contrat public.

409 Art. 123.4.3. Le procureur général doit communiquer à la Commission les renseignements nécessaires à l'application des dispositions visées à l'article 123.4.2, relatifs à une condamnation pour une infraction à la présente loi ou à un règlement adopté sous son autorité.

410 Art. 123.4.4. La Commission doit communiquer à la Régie du bâtiment du Québec et à une corporation

145 Pour la Corporation des maîtres électriciens du Québec, voir D.887-2001,

(2001) 133 G.O. II, 5135, et pour la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, voir D.888-2001, (2001) 133 G.O. II, 5141.

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mandataire visée à l'article 129.3 de la Loi sur le bâtiment les renseignements qu'elle détient à l'égard d'un entrepreneur ou, dans le cas d'une personne morale, à l'égard de l'un de ses administrateurs ou, dans le cas d'une société, à l'égard de ses associés et qui sont nécessaires à l'application des disposi-tions de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1) portant sur les licences restreintes aux fins de l'obtention d'un contrat public.

411 Le mécanisme prévu par la loi et la réglementation pour imposer une restriction en raison d'un cumul de condamnations est donc le suivant : le Procureur général du Québec transmet à la CCQ le résultat des plaintes pénales qu'elle a déposées. La CCQ recueille ces informations et les tient à jour en comptabilisant les condamnations. Une fois atteint le nombre requis de condamnations par un entrepreneur, elle en avise notamment la Régie du bâtiment du Québec ou une corpora-tion mandataire. Et lorsque vient enfin le temps du renouvelle-ment ou de la délivrance de la licence de cet entrepreneur, la Régie ou la corporation concernée indique sur cette licence la restriction prévue aux fins de l'obtention d'un contrat public. Le mécanisme est simple et presque automatique.

412 C'est ce caractère automatique qui fera dire au commis-saire de l'industrie de la construction dans l'affaire Les Constructions de Val d'Or inc. et Les Constructions Brault et Fils inc. c. Commission de la construction du Québec :

413 Force nous est de constater qu'à partir de la condam-nation, le mécanisme s'enclenche et l'entrepreneur fautif ne peut faire valoir à la Commission les circonstances entourant l'infraction commise. Il ne peut non plus le faire auprès de la Régie du bâtiment puisque la restriction est inscrite automatiquement, le libellé même de l'article ne laissant aucune discrétion à la Régie. 146

414 Or, le recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20 permet à un entrepreneur condamné pour une infraction visée au Règlement sur les restrictions, de s'introduire en quelque sorte dans ce mécanisme afin d'empêcher que cette infraction ne soit comptabilisée dans son « dossier ». Il peut ainsi s'adresser au commissaire afin que celui-ci ordonne à la CCQ de ne pas considérer cette infraction aux fins de l'application de 146 Décision 1108A, (J. Béliveau, 16 mars 2000), p. 6.

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ce règlement. Plus précisément, l'article 80.2 de la Loi R-20 prévoit :

415 80.2. L'entrepreneur condamné pour une infraction entraînant une restriction à sa licence aux fins de l'obtention d'un contrat public et qui est visée à un règlement pris en vertu des paragraphes 8.2° et 8.3° du premier alinéa de l'article 123 peut, dans les 30 jours de la condamnation, s'adresser au commissaire de l'industrie de la construction afin que celui-ci ordonne à la Commission de ne pas considérer cette infraction pour l'application du règlement.

416 L'ordonnance ne peut être rendue que si l'entrepreneur démontre, à l'égard des faits ayant entraîné la condamnation :

417 1° soit qu'il a commis l'infraction en raison d'une mauvaise interprétation, faite de bonne foi, d'une disposition d'une convention collective ou d'une disposition législative ou réglementaire relative au champ d'application de la présente loi;

418 2° soit qu'il n'entendait pas éluder son obligation de déclarer les heures réellement travaillées ni ses obligations en vertu d'une loi fiscale.

419 Un avis de la demande doit être transmis à la Commission dans le même délai.

420 Dans la première décision au fond rendue dans une affaire reliée au recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20, la commissaire Josette Béliveau qualifie ainsi le recours :

421 Il s’agit d’un recours administratif pour évaluer les circonstances ayant prévalu à la commission de l’infraction et décider si la condamnation sera retenue pour les fins de restriction à la licence. En fait, le recours est une soupape à l’automatisme du mécanisme entraînant une restriction à la licence. 147

422 Le but de ce recours est donc d'obtenir une ordonnance du commissaire s'adressant à la CCQ afin que celle-ci ne considère pas une ou plusieurs condamnations aux fins de l'application du Règlement sur les restrictions. Il ne s'agit pas d'un appel d'une condamnation ni d'une révision d'une décision pour faire en sorte que la licence de l'entrepreneur ne 147. Les Constructions Brault et Fils inc. c. Commission de la construction du

Québec, Décision 1108 B, (26 mai 2000), p. 9.

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comporte pas de restriction. En effet, la loi ne prévoit rien de tel pour l'entrepreneur. Mis à part les moyens usuels de défense à sa disposition devant l'instance pénale et les autres moyens de contestation de la validité de la loi ou de la réglementation, l'entrepreneur qui veut éviter une licence restreinte n'a guère d'autre recours utile que l'article 80.2 de la Loi R-20.

423 Par ailleurs, il convient de souligner que le recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20 ne nous apparaît pas ouvert dans le cas d'une restriction fondée sur le premier paragraphe de l'article 1 du Règlement sur les restrictions, puisque ce cas concerne une décision exécutoire de suspen-sion de travaux et est sans rapport avec une condamnation à une infraction. La même remarque s'impose également en ce qui concerne le deuxième paragraphe de cet article, puisqu'il s'agit du paiement d'une réclamation de salaire ou d'une condamnation au paiement d'une telle réclamation et non d'une condamnation à une infraction.

1. Questions préliminaires et accessoires

424 Dans l'exercice du recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20, deux questions accessoires au fond du recours sont fréquemment soulevées au stade préliminaire : la première concerne la question du délai de 30 jours pour exercer le recours et la seconde concerne la sauvegarde des droits des parties dans l'intervalle entre l'ouverture d'un recours et la décision finale.

(i) Le délai d’exercice du recours

425 L'article 80.2 de la Loi R-20 prévoit que le recours doit être exercé dans les 30 jours de la condamnation. Dans l’affaire de G.P. Construction de Val D’Or, ce délai a été considéré comme n'étant pas de rigueur mais pouvant être prorogé pour des motifs sérieux. Le Commissaire s'exprimait ainsi :

426 Le délai étant un délai de procédure, il peut être prorogé pour des motifs sérieux. Pour remédier aux conséquences d'un retard motivé qui ferait en sorte de priver l'entrepreneur de son droit d'être entendu devant la seule instance pouvant le faire, sans injustice à l'égard de la partie adverse, le commis-saire de l'industrie de la construction peut user de

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son pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 23.1 de la loi, pour la sauvegarde des droits des parties.148

427 Jusqu'à présent, la jurisprudence du Commissaire a fait preuve d'une très grande souplesse dans l'appréciation des motifs, invoquant notamment la relative nouveauté du recours, le formalisme réduit des tribunaux administratifs et la prépon-dérance des inconvénients pour l'entrepreneur. Dans presque tous les recours exercés jusqu'à ce jour, il est vrai que la grande majorité d'entre eux l'ont été hors délai. À n'en pas douter, cet élément a influencé la jurisprudence du commis-saire et l'a conduit à apprécier la diligence dans l'exercice du recours, non pas à compter de la date de la condamnation visée, tel que prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20, mais plutôt à compter de la date de la connaissance de l'imminence d'une restriction à sa licence149.

428 Par ailleurs, le commissaire a aussi refusé de proroger le délai en l'absence de motifs sérieux, notamment lorsque l'entrepreneur a négligé d'exercer son recours dans un délai raisonnable après qu'il eût été avisé qu'une restriction allait être imposée à sa licence.

429 Généralement, la question des délais est traitée en même temps que le fond, lors d'une audience au mérite, mais les règles de pratique du commissaire sont muettes à ce sujet et rien n'empêche le commissaire de statuer in limine litis. Étant maître de sa procédure, cette question relève de sa discrétion.

(ii) La sauvegarde des droits des parties

430 La deuxième question accessoire souvent rencontrée est celle de la sauvegarde des droits des parties. Cette question se pose lorsque le renouvellement de la licence de l'entrepreneur et la tenue de l'audience sont rapprochées, de telle sorte que l'émission d'une licence restreinte risque de se produire avant qu'une décision finale ne soit rendue sur le fond du recours.

431 La Loi R-20 étant silencieuse quant à l'effet suspensif ou non de l'exercice du recours, il faut en conclure que cette

148 Précitée, note 146, p.7. 149 Voir notamment Ébénisterie A. Beaucage inc. c. Commission de la

construction du Québec, Décision 1954, (C.Chef, 22 octobre 2002).

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suspension n'a pas lieu. Par conséquent, l'entrepreneur qui exerce son recours afin que ne lui soit pas émise une licence restreinte, risque néanmoins d'en subir les conséquences et ce, avant même d'avoir pu faire valoir ses représentations ou qu'une décision soit rendue. Il devra ainsi être exclu du marché des contrats publics, au mieux pour une brève période, en dépit du fait que cette exclusion aurait pu ne pas être justifiée.

432 Par ailleurs, il est bien connu que la loi doit normale-ment produire ses effets et l'on doit présumer que ceux-ci sont bénéfiques. Par conséquent, avant d'en suspendre les effets dans un cas donné, il faut faire la preuve que les circonstances propres à ce cas le justifient. Or, dans certains cas, les consé-quences de l'émission d'une licence restreinte sont mineures. C'est le cas notamment, lorsque la période des soumissions est tranquille ou que l'entrepreneur ne dépend pas des contrats publics. Par contre, en d'autres circonstances les conséquen-ces peuvent être plus sérieuses lorsque, par exemple, l'entreprise dépend entièrement des contrats publics pour sa subsistance.

433 Aussi, dans un souci de ne pénaliser personne indûment, mais sans ignorer les préceptes de la loi, le commissaire saisi de cet épineux problème a choisi de favoriser une approche pragmatique des diverses situations. La pratique s'est ainsi développée devant le commissaire d'assortir la demande d'ordonnance selon l'article 80.2 d'une demande d'ordonnance de sauvegarde fondée sur l'article 23.1 de la Loi R-20, lequel se lit comme suit :

434 23.1 Le commissaire ou un commissaire adjoint de l’industrie de la construction a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence; il peut rendre toute ordonnance qu’il estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de droit ou de fait.

435 La demande d'ordonnance de sauvegarde est généra-lement entendue avant celle fondée sur l'article 80.2 et parfois en même temps, selon les circonstances de chaque cas. Les conclusions recherchées s'apparentent nécessairement à une ordonnance de sursis et visent à permettre le renouvellement de la licence sans restriction, jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue sur le fond. L'ordonnance s'adressera donc princi-palement à l'organisme responsable de l'émission de la licence alors mis en cause et souvent d'office par le commissaire. La

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décision écrite et motivée sera rendue principalement sur la base de l'urgence et du risque d'un préjudice sérieux et irréparable, s'inspirant en cela des critères pour l'émission d'injonctions interlocutoires, soit l'apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients.

436 Jusqu'à présent, la même souplesse qui a prévalu pour l'appréciation des motifs de prorogation des délais s'est égale-ment manifestée pour décider des ordonnances de sauve-garde, de sorte que la grande majorité d'entre elles ont été accordées. Il faut cependant préciser que la plupart n'ont pas été contestées.

437 C'est l'entrepreneur qui présente la demande d'ordon-nance et qui assume le fardeau de prouver que l'infraction pour laquelle il a été condamné a été commise en raison de l'un ou l'autre des deux motifs prévus au deuxième alinéa de l'article 80.2 de la Loi R-20. L'entrepreneur devra ainsi prouver que cette infraction a été commise :

♦ soit en raison d'une mauvaise interprétation faite de bonne foi d'une disposition d'une convention collec-tive ou d'une disposition législative ou réglementaire relative au champ d'application de la présente loi150;

♦ soit en l'absence d'intention d'éluder son obligation de déclarer ses heures travaillées à la CCQ ni ses obligations en vertu d'une loi fiscale151.

438 Comme c'est généralement la règle devant les tribu-naux administratifs, le degré de preuve requis est celui de la prépondérance de preuve. Considérant qu'il s'agit de faits litigieux intangibles et relatifs à l'état d'esprit ou aux intentions de l'entrepreneur, la preuve peut parfois être difficile à faire au-delà des pures allégations. Pour remplir son fardeau, l'entre-preneur devrait ainsi fournir une explication des faits, avec preuves à l'appui, qu'il a véritablement commis l'infraction visée : soit à cause d'une erreur d'interprétation faite de bonne foi et relative au champ d'application de la Loi R-20, soit, mais à la condition que cela soit à propos en raison de la nature de

150 Loi R-20, art. 80.2 al. 2 (1°). 151 Idem, art. 80.2 al. 2 (2°).

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cette infraction152, qu'il n'a pas délibérément tenté d'éluder son obligation de déclarer les heures travaillées par ses salariés.

439 Rien n'empêche par ailleurs un entrepreneur d'exercer son recours pour plus d'une condamnation à la fois, en autant cependant que les dates des condamnations soient suffisam-ment rapprochées ou que l'entrepreneur ait des motifs sérieux à faire valoir s'il est hors délai. Chaque infraction devra alors être appréciée au mérite et séparément, mais certainement pas indépendamment, puisque la présence d'antécédents et le caractère répété des infractions sont évidemment des éléments importants pour apprécier le caractère véritable d'une intention ou la bonne foi d'une erreur. C'est d'ailleurs parfois un motif de rejet de la demande d'ordonnance, lorsque l'infraction visée a été précédée d'une ou plusieurs infractions de même nature153.

440 Les motifs retenus par le commissaire pour accueillir la demande d'ordonnance sont divers, mais ils se rapportent généralement à des erreurs de l'entrepreneur, en faits ou en droit, qui, selon le commissaire, démontrent de façon prépon-dérante que les infractions ont été commises sans qu'une intention de faire du « travail au noir » ne les aient motivées.

441 Ainsi, à titre d'exemple, le commissaire a accepté les explications d'un entrepreneur qui ignorait que son salarié avait exécuté des travaux assujettis parce que celui-ci avait agi sans l'informer, voire même en contravention directe avec les directives reçues154. Dans certains cas, c'est plutôt une croyance erronée de l'entrepreneur qui, selon le commissaire, a provoqué les infractions et expliquerait qu'elles aient été commises sans qu'il s'agisse pour autant de « travail au noir ». Ainsi, le Commissaire a retenu la version de tel entrepreneur qui croyait, à tort, que le travail sur une réserve indienne n'était

152 Cf., sur le lien entre la nature de l'infraction et les motifs énumérés à l'article

80.2 de la Loi R-20, Ébénisterie B.M.D. inc. c. Commission de la construction du Québec, Décision 1817-A, (S. Mireault, 2 août 2002), p. 16; aussi Décision 1108B, précitée, note 146, p. 9-10; Construction P.A.R. Tanguay (2420-0495 Québec inc.) c. Commission de la construction du Québec, Décision 1151 (M. Lajoie, 2 avril 2001), p. 29-30.

153 Groupe I.P.S. inc. c. Commission de la construction du Québec, Décision 1124 (J. Larivière, 3 juillet 2000); Sciage de Béton expert inc. c. Commission de la construction du Québec, Décision 2009-A (C. Chef, 8 janvier 2003).

154 Construction GFL inc. c. Commission de la construction du Québec, Décision 1556, (S. Mireault, 20 juillet 2001).

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pas assujetti à la Loi R-20155. De même a-t-il jugé que la croyance en l'impossibilité, voire l'illégalité, de déclarer les heures travaillées pour un salarié non détenteur d'un certificat, expliquait que des infractions aient pu être commises en raison de cette erreur et non en raison d'une volonté d'échapper aux obligations de la loi.

442 Dans toutes ces décisions où le Commissaire a accepté les explications des entrepreneurs et accueilli leur demande, il a en somme été convaincu que les infractions n'avaient pas été motivées par une intention coupable d'échapper à la loi, mais plutôt par une erreur commise de bonne foi, selon le contexte particulier à chaque cas. Sa décision ordonne alors à la CCQ de ne pas considérer la ou les infractions visées et, selon l'état du dossier de l'entrepreneur, ordonne également à la Régie du bâtiment du Québec mise en cause d'émettre une licence en conformité avec la décision rendue.

443 À l'inverse, le commissaire a rejeté les demandes d'ordonnance lorsque l'entrepreneur n'a pas réussi à remplir son fardeau de preuve, en raison notamment de la contestation de sa demande par la CCQ. Une demande d'ordonnance selon l'article 80.2 de la Loi R-20 est en effet généralement contestée par la CCQ qui remplit ainsi son mandat de contrôler l'applica-tion de la Loi R-20 et d'assurer notamment, le respect des mesures de resserrement des règles d'attribution des contrats publics156.

444 De façon concrète, la CCQ assume principalement ce rôle en vérifiant si les explications fournies par l'entrepreneur sont plausibles ou crédibles en rapport avec les informations dont elle dispose, et en évaluant si ces explications sont accep-tables en fonction de l'objectif poursuivi par la législation et la réglementation. Si les explications fournies par l'entrepreneur ne concordent pas avec les informations dont dispose la CCQ, ou encore si elles lui apparaissent inacceptables, alors elle contestera la demande de l'entrepreneur devant le commis-saire et fera sa preuve et ses représentations afin qu'il la rejette.

155 2747821 Canada inc (Construction Tech) c. Commission de la construction du

Québec, Décision 1853A, (J. Béliveau, 23 janvier 2003). 156 Voir Pavages Dion inc. c. Commission de la construction du Québec, Décision

1701A (C. Chef, 3 avril 2002).

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445 Les motifs du commissaire lorsqu'il rejette une deman-de d'ordonnance, tout comme lorsqu'il les accueille, sont divers et fondés sur une approche de cas par cas. Mis à part les cas de refus de proroger les délais ou d'absence de preuve, le commissaire rejettera généralement une ordonnance lorsque, au vu de la preuve, les explications fournies par l'entrepreneur n'apparaissent pas crédibles, voire contradictoires, ou qu'il s'agit manifestement d'un entrepreneur qui participe au « travail au noir ».

446 Ainsi, par exemple, le commissaire a rejeté les explica-tions d'un entrepreneur qui prétendait ne pas avoir déclaré les heures d'un salarié détenteur d'une exemption parce qu'il ignorait qu'il le devait, alors que la preuve démontrait qu'en d'autres occasions il l'avait pourtant déclaré157. De même, il a rejeté la version de l'entrepreneur qui prétendait n'avoir que très sporadiquement fait exécuter des travaux par un salarié non déclaré, alors que la preuve démontrait qu'il agissait régulièrement sur les chantiers158. Parfois, malgré la preuve d'absence d'évasion fiscale, le commissaire a néanmoins rejeté la demande d'ordonnance parce que l'entrepreneur avait sciemment utilisé les services d'un salarié non détenteur d'un certificat ou d'une exemption159.

E. Conclusion

447 Les modifications législatives apportées à la Loi sur le bâtiment et à la Loi R-20 ont considérablement resserré les règles d'attribution des contrats publics de construction de façon à exclure de ce marché les entrepreneurs qui participent au travail illégal tout en profitant des deniers publics. Ce resserrement des règles repose principalement sur la notion de licence restreinte définie au Règlement sur les restrictions, notion aux conséquences malheureusement encore trop souvent ignorées ou méconnues. L'innovation principale apportée par ces modifications est de rendre l'accès aux

157 87132 Canada Ltée (Bâtiment Québec Corporation Enr) c. Commission de la

construction du Québec, Décision 1539A (J. Béliveau, 9 avril 2002). 158 Notamment: Rémy Gravel & Fils inc. c. Commission de la construction du

Québec, Décision 1149, (M. Lajoie, 2 mars 2001). 159 Notamment: Construction Rosaire Guay et Fils c. Commission de la

construction du Québec, Décision 1246, (J. Larivière, 4 juin 2001), voir aussi supra note 152.

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contrats publics conditionnel au respect de la loi et de la réglementation.

448 Toutefois, toute intéressante que soit cette innovation, elle comporte néanmoins le risque de punir parfois des entre-preneurs qui ont pourtant à cœur d'être en parfaite conformité avec la loi. C'est principalement afin d'atténuer de tels risques qu'a été introduit le recours prévu à l'article 80.2 de la Loi R-20. Il s'avère dès lors essentiel pour les entrepreneurs de connaître ce recours qui leur offre une opportunité d'éviter qu'une condamnation ne soit retenue aux fins de l'application du Règlement sur les restrictions.

449 Pour les avocats, il s'agit d'un recours relativement nouveau qui soulève encore plusieurs questions qui sont autant de défis pour ceux et celles qui aiment innover. Les particularités du fardeau de preuve à relever notamment, en font une recours assez inusité, résolument de droit administratif mais proche parent de questions propres au droit pénal. La jurisprudence étant encore jeune, elle pourrait par conséquent substantiellement changer dans les prochaines années, au gré de ceux qui trouveront les moyens de la transformer et de la faire évoluer.

XVI.– RECOURS EN MATIÈRE D’AVANTAGES SOCIAUX (ADMISSIBILITÉ OU MONTANT D’UNE PRESTATION)

450 L’article 93 de la Loi R-20 se lit comme suit : 451 93. Si une personne n'est pas satisfaite d'une

décision de la Commission quant à son admissibilité ou quant au montant d'une prestation, ou si la Commission n'a pas rendu de décision dans les quatre-vingt-dix jours de la demande écrite, elle peut en appeler au président de la Commission dans les soixante jours suivant la décision ou, s'il n'y a pas de décision dans ce délai, dans les soixante jours suivant l'expiration de ce délai.

452 Le président rend sa décision dans les vingt jours de l'appel.

453 Cette décision peut, dans les soixante jours de sa réception, être contestée devant la Commission des relations du travail; la décision de cette dernière est sans appel.

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454 C’est la CCQ qui administre les régimes complémen-taires d’avantages sociaux de l’industrie de la construction (régimes d’assurance et régime de retraite). Le contenu de ces régimes est décrit au Règlement sur les régimes complémen-taires d’avantages sociaux dans l’industrie de la construction [R.R.Q., c. R-20, r. 14.01].