Anesthésie du patient obèse

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 85—91 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Anesthésie du patient obèse Anne Mongredien-Menigaux Hôpital privé Armand-Brillard, 3, avenue Watteau, 94130 Nogent- sur- Marne, France Disponible sur Internet le 2 mai 2008 MOTS CLÉS Anesthésie et obésité ; Obésité ; Index de masse corporelle ; BMI ; Évaluation préopératoire ; Syndrome d’apnées du sommeil ; Décompensation cardiaque gauche ; Intubation difficile ; Laparoscopie ; Ventilation ; Anesthésie locorégionale ; Anticoagulation Résumé L’obésité a progressé de 5,5% par an entre 1997 et 2003. Ses comorbidités, surtout dans sa forme androïde, diminuent l’espérance de vie, et peuvent être contrôlées par une perte de poids durable. Le bilan préopératoire doit être minutieux (surtout respiratoire, cardiaque et métabolique). Le risque d’intubation difficile est majoré chez l’obèse et la pharmacocinétique des anesthésiques est modifiée. L’anesthésie locorégionale est séduisante. Le réveil est un moment particulièrement à risque. Les complications postopératoires sont plus fréquentes mais le taux d’échec semble supérieur par rapport au patient mince. © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Introduction L’obésité est un désordre métabolique dont la prévalence a considérablement augmenté ces 15 dernières années dans les pays occidentaux, notamment en France. Selon les études nationales Insee : de 6,1 % en 1980, elle est passée à 6,5 % en 1991, 10,1 % en 2000 pour atteindre en 2003, 11,2 %, soit une progression annuelle moyenne de 5,5 % entre 1997 et 2003. L’incidence de l’obésité est en constante augmentation notamment chez les enfants Adresse e-mail : [email protected]. 1279-7960/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pratan.2008.03.004

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 85—91

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

MISE AU POINT

Anesthésie du patient obèse

Anne Mongredien-Menigaux

Hôpital privé Armand-Brillard, 3, avenue Watteau, 94130 Nogent- sur- Marne, France

Disponible sur Internet le 2 mai 2008

MOTS CLÉSAnesthésie etobésité ;Obésité ;Index de massecorporelle ;BMI ;Évaluationpréopératoire ;Syndrome d’apnéesdu sommeil ;Décompensationcardiaque gauche ;Intubation difficile ;Laparoscopie ;

Résumé L’obésité a progressé de 5,5 % par an entre 1997 et 2003. Ses comorbidités, surtoutdans sa forme androïde, diminuent l’espérance de vie, et peuvent être contrôlées par une pertede poids durable. Le bilan préopératoire doit être minutieux (surtout respiratoire, cardiaque etmétabolique). Le risque d’intubation difficile est majoré chez l’obèse et la pharmacocinétiquedes anesthésiques est modifiée. L’anesthésie locorégionale est séduisante. Le réveil est unmoment particulièrement à risque. Les complications postopératoires sont plus fréquentes maisle taux d’échec semble supérieur par rapport au patient mince.© 2008 Publie par Elsevier Masson SAS.

Ventilation ;Anesthésielocorégionale ;

Anticoagulation

Introduction

L’obésité est un désordre métabolique dont la prévalence a considérablement augmentéces 15 dernières années dans les pays occidentaux, notamment en France. Selon les étudesnationales Insee : de 6,1 % en 1980, elle est passée à 6,5 % en 1991, 10,1 % en 2000 pouratteindre en 2003, 11,2 %, soit une progression annuelle moyenne de 5,5 % entre 1997 et2003. L’incidence de l’obésité est en constante augmentation notamment chez les enfants

Adresse e-mail : [email protected].

1279-7960/$ — see front matter © 2008 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.pratan.2008.03.004

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e cinq à 12 ans : de 6—8 % dans les années 1980, elleatteint 13—15 % en 2003. Sa prise en charge est donc

evenue un problème majeur de santé publique. D’origineultifactorielle (sexe, âge, génétique, conditions socioé-

onomiques), l’obésité a un impact important sur lesonctions vitales, en particulier cardiovasculaire et res-iratoire. Elle est en effet associée de facon directe

l’hypertension artérielle, au diabète, à la dyslipidé-ie, à l’insuffisance coronarienne, cardiaque, respiratoire,

insi qu’aux pathologies ostéoarticulaires et à certainsancers. Le risque de mortalité et de morbidité lié à’obésité est corrélé au degré du surpoids et, pour certainesomplications, à l’adiposité abdominale. Ces comorbidi-és entraînent une réduction de l’espérance de vie desatients. Il a été démontré qu’une perte de poids durableermettait de diminuer ces comorbidités, notamment le dia-ète, l’hypercholestérolémie et le syndrome d’apnées duommeil.

La chirurgie de l’obésité ou la chirurgie pratiquée chezes obèses morbides (body mass index [BMI] supérieur à 40 ouMI supérieur à 35 plus une comorbidité) s’est développéen France depuis 2001, les deux techniques les plus cou-antes étant le by-pass gastrique et la gastroplastie. De plus,es patients après amaigrissement doivent subir de nom-reuses interventions de chirurgie esthétique. Les médecinsnesthésistes peu habitués aux obèses morbides peuventppréhender leur prise en charge très spécifique. Le bute cette mise au point est donc de démystifier l’anesthésieu patient obèse en rappelant brièvement les modificationshysiologiques et en insistant sur les points essentiels deeur prise en charge en périopératoire.

éfinition

a définition internationale de l’obésité repose sur l’indicee masse corporelle [IMC], en anglais BMI), qui prend enompte le poids et la taille. L’IMC est le rapport entre leoids (kg) sur le carré de la taille (m2). Il fournit une éva-uation satisfaisante de la masse grasse. On parle d’obésitéodérée entre 30 et 34,9, d’obésité sévère entre 35 et 39,9,

rès sévère ou morbide pour un IMC supérieur à 40. On parlee « super obèses » pour les patients dont l’IMC dépasse 55.

La mortalité augmente de facon significative à partird’un IMC de 35.

C’est l’obésité androïde, c’est-à-dire l’accumulation deraisses au niveau de l’abdomen, qui est associée à unerévalence accrue de maladies cardiovasculaires et méta-oliques.

valuation préopératoire

’évaluation préopératoire du patient obèse est une étaperimordiale pour la prise en charge anesthésique de cesatients. La consultation d’anesthésie permet de détermi-er les comorbidités associées à l’obésité (complications

espiratoires, cardiovasculaires, métaboliques), d’évaluera difficulté d’intubation, de décider du protocole anes-hésique adapté et des prémédications, et, étape nonégligeable, d’informer le patient des risques liés à’anesthésie et inhérents à sa pathologie.

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A. Mongredien-Menigaux

omorbidités

nsuffisance respiratoire

es pathologies ventilatoires, ou celles pouvant avoirne conséquence ventilatoire, associées à l’obésité sontombreuses. Dans une série de 434 patients obèses consé-utifs opérés d’anneau gastrique ou de by-pass, 50 %es patients souffraient de syndrome d’apnée du som-eil documenté, 44 % de reflux gastro-œsophagien, 43 %’insuffisance respiratoire restrictive (capacité résiduelleonctionnelle inférieure à 70 % de la valeur théorique),4 % de diabète et 12 % d’asthme. L’activité métaboliquee la graisse et de l’énergie consommée à bouger aug-entent la consommation en oxygène et de la productione CO2. L’obésité a de multiples conséquences sur la fonc-ion ventilatoire du fait de la surcharge graisseuse de la cagehoracique, notamment :

l’augmentation des résistances des voies aériennes pardiminution de leur calibre ;la diminution de la CRF ;la baisse de la compliance et en particulier de lacompliance parenchymateuse pulmonaire ;l’augmentation du travail respiratoire.

Toutes ces modifications aboutissent finalement à uneiminution de l’oxygénation pulmonaire et ce, de faconroportionnelle à l’IMC. On aboutit au maximum à unensuffisance respiratoire de type restrictif dans la majo-ité des cas. Cependant, certains obèses présentent parfoisne insuffisance respiratoire de type restrictif, obstructif ouixte. En général, on ne demande pas systématiquement’explorations fonctionnelles respiratoires préopératoireshez le patient obèse, car la prise en charge anesthésique’est que peu ou pas modifiée par leur résultat. Cependant,es EFR font partie du bilan préopératoire demandé par lehirurgien avant une chirurgie de l’obésité.

yndrome d’apnée du sommeil (SAS)

’interrogatoire du patient ou de son entourage recherchees apnées, ou des pauses respiratoires nocturnes, évoca-rices d’un SAS, pathologie fréquente dans cette population70 % des patients obèses évalués pour une chirurgie baria-rique ont un SAS [1] versus 2—4 % dans la populationénérale). Le SAS peut être associé à deux types deomplications périopératoires, notamment :

une incidence augmentée du risque d’intubation difficile ;un risque d’obstruction des voies aériennes supérieuresen postopératoire.

La survenue des apnées peut être prévenue par’application d’une pression expiratoire positive (PEP) par’intermédiaire d’un masque facial ou nasal (CPAP). La CPAPonstitue actuellement le traitement de référence du SASévère (indice d’apnée—hypopnée supérieur à 30 par heure).a polysomnographie, seul examen permettant le diagnosticositif de SAS, n’est pas demandée de facon systéma-ique chez tous les patients obèses, car le bénéfice d’une

entilation préopératoire par CPAP n’a pas été clairementémontré [2] L’attitude face à un patient obèse présentantn SAS n’est pas consensuelle. Elle est surtout guidée par’analyse des facteurs de risque associés. Il semble indiqué

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Anesthésie du patient obèse

d’assurer une surveillance continue des patients obèses quiont recu des opiacés de longue durée d’action et/ou qui ontsubi une chirurgie susceptible de perturber la mécaniqueventilatoire, munis de leur CPAP la première nuit postopé-ratoire.

Insuffisance ventriculaire gauche,hypertension artérielle (HTA), infarctus dumyocarde( IDM)

Le risque de décompensation cardiaque gauche est plusélevé chez le sujet obèse. L’étude de Kenchaiah [3] sur unepopulation de 5881 personnes sur 14 ans démontre que lerisque de défaillance cardiaque chez l’obèse est multipliépar deux par rapport au sujet sans surpoids. Le risque aug-mente de 5 % pour les hommes et 7 % pour les femmes pourchaque augmentation de un point d’IMC. L’augmentation del’IMC est un facteur de risque d’hypertension, de diabèteet de dyslipidémie, tous ces facteurs majorant le risqued’infarctus du myocarde, qui est lui-même une cause impor-tante de défaillance ventriculaire gauche. Un IMC élevé estassocié à un remodelage du ventricule gauche, du fait possi-blement de l’augmentation de la demande métabolique, del’activation neurohormonale et du stress oxydatif. On peutdonc aboutir à une hypertrophie ventriculaire gauche puisà une hypertension artérielle de type systolodiastolique.Zhou et al. [4] ont émis l’hypothèse d’une action directe del’obésité sur le myocarde (stéatose cardiaque). L’obésité estun facteur de risque de maladie coronarienne indépendant,surtout chez l’homme jeune. La prise de poids à l’âge adultesemblant être le facteur déterminant du risque coronarienlié à l’obésité.

La seule évaluation clinique du patient ne permet pasd’apprécier sa fonction ventriculaire gauche : la dyspnéed’effort est souvent multifactorielle (respiratoire, insuffi-sance cardiaque) et présente chez un grand pourcentaged’obèses. L’auscultation pulmonaire et cardiaque est dif-ficile du fait de l’épaisseur pariétale, assourdissant lesbruits. On demande systématiquement un ECG de repos etune radiographie de thorax préopératoires. L’appréciationd’un angor est aussi rendue plus complexe du fait de lalimitation d’activité liée au surpoids. Les examens complé-mentaires ne sont souvent pas contributifs : la réalisationd’une échographie transœsophagienne ETT est difficile carles patients sont peu échogènes, celle d’une scintigraphiedobutamine ou d’une coronarographie aussi car souvent lestables d’examen ne sont pas adaptées à des poids élevés !

Maladies métaboliques

On recherchera de facon systématique un diabète, une dys-lipidémie, une hyperuricémie, qui sont plus fréquemmentassociés à l’obésité de type androïde que gynoïde.

Évaluation du risque d’intubation difficile

Juvin et al. [5] ont démontré que le risque d’intubation diffi-cile était plus élevé chez le sujet obèse, associé à un risque

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ugmenté de désaturation artérielle en oxygène. La diffi-ulté d’intubation est évaluée à 15 % mais peut atteindre0 % chez les patients porteurs d’un SAS. Les critères usuelsscore de Mallempati) sont peu sensibles et peu spécifiques :eulement 47 % des intubations difficiles sont détectées parn score de Mallempati de III ou IV. La mesure de la circon-érence du cou serait un meilleur critère prédictif : 35 % deisque d’intubation difficile pour un patient dont la circon-érence du cou est supérieure à 60 cm. Les patients obèsesrésentent, de surcroît, souvent une macroglossie et un couourt, une limitation de la mobilité du cou qu’il faut recher-her en consultation d’anesthésie. L’obésité fait de plusartie des critères de ventilation au masque difficile (parmiux, la présence d’une barbe, l’édentation et la présence’un SAS).

rémédication

l est clairement établi que le patient obèse n’est pas àonsidérer comme un « estomac plein » : des études récentesrospectives et descriptives [6] comparant l’acidité et leontenu gastrique chez les sujets obèses après un jeûnee huit heures par rapport aux sujets sains montrentu’il n’y a pas de différence significative, contrairement

ce qui a été avancé depuis plus de 30 ans par lestudes antérieures, critiquables par leur méthodologie.ependant, il paraît encore justifié de prescrire à cesatients un antiacide en préopératoire, du fait de la pré-ence fréquente d’un reflux gastro-œsophagien (environ5 % des patients obèses) et de l’hyperpression abdo-inale. Classiquement, on prescrit l’association citrate

t anti-H2 (cimétidine). La prescription d’un anxioly-ique en préopératoire est aussi envisageable mais ilaudra éviter des molécules pouvant provoquer uneédation postopératoire prolongée (risque d’hypoxémieostopératoire) : on peut donc conseiller l’administration’hydroxyzine.

nformation du patient

’information du patient sur les risques liés à l’anesthésieet non pas ceux liés à l’acte chirurgical) est capitale etbligatoire. Cette information doit être renforcée pour toute qui est acte non urgent, non thérapeutique (chirurgiesthétique après chirurgie bariatrique principalement). Ilst recommandé de bien noter sur le dossier d’anesthésieue les explications ont été données au patient et qu’il estnformé du risque qu’il encourt.

rise en charge peropératoire

nstallation du patient

a prise en charge peropératoire des patients obèsesécessite un matériel adapté : tables spéciales (les tablespératoires standard ne pouvant supporter un poids excé-

ant 130 kg), brassard à tension grande taille, lames dearyngoscopes adaptées). Le déplacement du patient pour’installer sur la table opératoire ou dans un brancardemande souvent la coopération de tout le personnel duloc. La chirurgie bariatrique se réalisant en position demi-

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ssise, les jambes surélevées, le risque de compression ete rhabdomyolyse postopératoire est augmenté. On prévien-ra les points de compression, notamment ulnaires, par desrotections mousses.

nduction

tant donné le risque d’intubation difficile plus élevé chez’obèse, on peut recommander d’être deux à la tête duatient lors de l’induction de l’anesthésie générale ; onréoxygène le patient pendant plusieurs minutes ou para méthode des quatre capacités vitales, le patient obèseésaturant plus vite que le sujet mince. La technique deéquence rapide peut aussi être préconisée, même sansstomac plein véritable, la crush induction permettant’éviter de ventiler ces patients au masque, ce qui peuttre difficile, et une désaturation de ces patients dont laRF est diminuée.

En effet, les patients obèses désaturent en dessous de90 % en trois minutes en moyenne contre sept à dixminutes pour un sujet sain.

Certains auteurs suggèrent même d’administrer une CPAPe 10 mmHg à l’induction. La justification de l’utilisatione la succynylcholine est surtout liée à l’obtention’une curarisation rapide et non pas au risque poten-iel d’inhalation. Le risque d’inhalation est quand mêmeajoré par l’augmentation de la pression intra-abdominale

t la présence d’un RGO associé. De même, l’obèsepéré d’une gastroplastie est souvent plus à risque deégurgitations du fait de la création d’une poche ali-entaire au-dessus de l’anneau, ce qui ne change rienla prise en charge en soi, mais en fait un estomac

lein. Il est recommandé de placer le patient en pro-live (relever la partie supérieure du corps de 30◦) et enosition amendée de Jackson, pour faciliter la laryngo-copie. Dans notre expérience, il est souvent nécessaire’introduire la lame dans la bouche, puis de la raccorderu manche, vu l’anatomie particulière de certains obèsesou d’utiliser un manche court). De même, nous met-ons systématiquement un mandrin rigide dans la sonde’intubation et utilisons une lame métallique. L’attitudeui consiste à pratiquer une intubation systématique parbroscopie vigile ne peut être préconisée et doit êtrevaluée au cas par cas. Les études récentes ne cau-ionnent pas cette attitude. En cas d’intubation difficilees guidelines habituels (Fastrach, fibroscope, mandrin’Eichmann) sont applicables, selon l’expérience du pra-icien. Le Fastrach semble particulièrement indiqué chez’obèse, il permet tout particulièrement de ventiler et’intuber les sujets obèses avec autant de réussite quehez le sujet de poids normal. L’intubation semble éga-ement facilitée par le nouveau dispositif AirtraqTM. Ononseille d’intuber systématiquement ces patients, car leséthodes alternatives comme le masque laryngé, outre

e fait qu’elles ne protègent pas les voies aériennes

upérieures, peuvent être difficiles à mettre en placet risquent de se déplacer en peropératoire. La ven-ilation spontanée sous sédation est, bien entendue,ontre-indiquée vu les modifications respiratoires liées à’obésité.

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A. Mongredien-Menigaux

rotocole anesthésique

a pharmacocinétique de l’obèse présente des particulari-és dont il faudra tenir compte dans le choix des agentsnesthésiques utilisés pour l’induction et l’entretien de’anesthésie. La première difficulté pour l’anesthésiste este savoir s’il faut se référer pour l’induction du patientar agent intraveineux au poids réel ou au poids idéal,oire à la masse maigre. Il convient de rappeler les for-ules permettant le calcul de la masse maigre et du poids

déal :poids idéal (kg) = taille (cm) − × [où × = 100 chez leshommes adultes et 105 chez les femmes adultes].

La masse maigre peut être calculée selon la formule :pour les hommes : 1,1 (poids) − 128 (poids/taille)2 ;pour les femmes : 1,07 (poids) − 148 (poids/taille)2.

On aura tendance à utiliser les agents les moins liposo-ubles et à se baser sur le poids idéal ou la masse maigre.es deux valeurs ne sont pas identiques, car environ 20—40 %e l’augmentation de poids chez un patient obèse peuventtre attribués à l’augmentation de la masse maigre : onourra donc rajouter en pratique courante 20 % de la dosepour une substance hydrosoluble) calculée par rapport auoids idéal. Cette formule s’adapte parfaitement à l’emploies curares non dépolarisants. En revanche, l’activité desseudocholinestérases plasmatiques augmentant fortementvec l’obésité, il faut administrer la succinylcholine enonction du poids réel et non pas du poids idéal. Poures agents hypnotiques intraveineux, l’utilisation du thio-ental est peu rationnelle car c’est un barbiturique trèsiposoluble, dont le volume de distribution est très aug-enté ; de même pour les benzodiazépines. Le propofol,algré sa liposolubilité, ne s’accumule pas chez l’obèseorbide : on peut donc titrer les doses en fonction du poids

déal. L’utilisation de doses de propofol proportionnellesu poids réel expose le praticien à de grandes variationsémodynamiques, chez ces patients souvent porteurs d’uneardiopathie. L’utilisation du propofol en AIVOC est aussiossible et le poids à utiliser est aussi sujet à controverse :epts et al. recommandent d’utiliser le poids corrigé à partire la formule : poids idéal + 0,4 × excès de poids. Le modèlee Schnider et al. propose l’utilisation de la masse maigreu lieu du poids total contrairement au modèle de ciné-ique de Marsh qui est proportionnel au poids, mais limité150 kg. La pharmacocinétique des morphiniques est assezal connue. On retiendra essentiellement que la distribu-

ion du fentanyl est quasi identique à celle du sujet normal,elle du sufentanil augmentée, ce qui ralentit son élimina-ion. Les agents de choix sont donc l’alfentanil et surtoute rémifentanil dont le volume de distribution n’est pasodifié par l’obésité et dont on peut calculer les dosesar rapport au poids idéal. L’entretien de l’anesthésie pargents halogénés se concoit si on utilise des produits peuiposubles, comme le desflurane et le sévoflurane. Le des-urane est considéré comme l’agent de choix. L’étude de

uvin et al. [7] qui comparait le desflurane à l’isofluranet au propofol en entretien de l’anesthésie montre que’utilisation du desflurane permet un réveil et un lever plusrécoce, ainsi que moins de désaturations postopératoires.es études le comparant au sévoflurane sont divergentes.

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Anesthésie du patient obèse

L’étude de Strum et al. en 2004 [8] comparant deux groupesde patients obèses morbides devant subir un by-pass gas-trique par laparotomie montre que les patients du groupedesflurane se réveillent plus vite et ont une meilleure satu-ration à leur entrée en SSPI que ceux du groupe sévoflurane.Pour Vallejo et al. en 2007 [9], il n’y a pas de différencesignificative en terme de rapidité de réveil. L’étude de DeBaerdemaeker et al. [10] ne retrouve pas de différence enterme de rapidité du réveil ni de désaturation postopé-ratoire et trouve une incidence des NVPO moindre dansle groupe sévoflurane. Il n’y a pas de preuve d’une toxi-cité rénale ou hépatique supérieure des halogénés chezl’obèse.

Ventilation mécanique — effets de lalaparoscopie

Les obèses sont exposés à des désaturations peropératoires.Ainsi, dans une étude rétrospective, une désaturation inha-bituelle a été notée chez 20 patients dans un groupe de 434obèses opérés par cœlioscopie. Plusieurs moyens peuventêtre utilisés pour réduire ce risque d’hypoxémie, notam-ment :• l’augmentation du volume courant, de l’ordre de 15 % ;• l’application systématique d’une PEP de l’ordre de

10 mmHg si l’hémodynamique le permet, augmente lerecrutement alvéolaire et optimise l’oxygénation.

Les positions du patient sont déterminantes dansl’oxygénation peropératoire. En décubitus dorsal strict, leseffets de la pression intra-abdominale sur la cinétique dia-phragmatique sont importants, on assiste à une diminutionde la capacité résiduelle fonctionnelle et de la compliance,ainsi qu’à une altération des rapports ventilation perfusion.Le fait de relever la partie supérieure du corps à 30◦ ou 45◦,comme à l’induction, améliore également considérablementles échanges gazeux. La position de Trendelenburg est la plusdélétère pour l’oxygénation du patient : le poids des viscèresaltère la cinétique diaphragmatique, diminue encore plus laCRF et la compliance pulmonaire. Le décubitus latéral etventral, s’il libère le poids des viscères, est bien toléré chezl’obèse.

La laparotomie en chirurgie viscérale améliore transitoi-rement jusqu’à la fermeture les paramètres ventilatoires,par la diminution de la pression intra-abdominale crééepar l’ouverture du péritoine. La laparoscopie semble êtreune indication de choix chez l’obèse. Si effectivementen peropératoire la cœlioscopie aggrave la baisse decompliance, augmente les résistances pulmonaires, sonbénéfice sur la fonction respiratoire de l’obèse enpostopératoire est net : les fonctions ventilatoires post-opératoires, la saturation artérielle dans les premiersjours postopératoires et la mobilité sont meilleuresaprès cœlioscopie qu’après laparotomie chez les patientsobèses [11]. Les effets du pneumopéritoine sur la com-pliance et les pressions de plateau sont cependant

modestes chez le sujet obèse. Le monitorage de laPetCO2 doit être systématique pendant une cœlioscopie,sachant qu’il n’y a pas de différence entre le gra-dient PaCO2—PetCO2 chez le sujet obèse par rapport aumince.

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nesthésie générale versus anesthésieocorégionale

’anesthésie locorégionale peut être une alternative sédui-ante pour les praticiens entraînés à ces techniques car elleiminue le risque principal de l’anesthésie de l’obèse qui est’hypoxémie. Elle permet, de plus, d’améliorer l’analgésieostopératoire en diminuant le recours aux morphiniques et’incidence des nausées vomissements postopératoires. Unenesthésie périmédullaire est possible mais il faut disposere matériel adapté aux obèses : aiguilles de rachianesthésiet de péridurale spécifiques. Les modifications anatomiquese l’obèse rendent parfois l’identification des repères habi-uels compliquée. Les doses à injecter sont les mêmes, onréconise la position assise pour la ponction par commo-ité (moindre épaisseur du pannicule adipeux au niveau despineuses). Il faut cependant injecter au niveau d’espacenterépineux plus bas que chez le sujet mince car le niveauétamérique obtenu est plus élevé chez l’obèse.Il y a peu de données de la littérature sur la faisabi-

ité et le taux de réussite des blocs nerveux périphériques.eule une étude rétrospective, [12] incluant plus de 9000nesthésies locorégionales en ambulatoire, a évalué lesffets de l’obésité sur l’efficacité et la morbidité dees techniques (blocs plexiques, périmedullaire, paraver-ébraux) et retrouvé une association entre obésité, échecu bloc et complications précoces de ces techniques (toxi-ité des anesthésiques locaux, hématome, extension du blocérimedullaires, pneumothorax). Le risque d’échec était,62 fois plus élevé chez les obèses que chez les non obèses.ependant, le taux de satisfaction chez les patients obèsest le pourcentage de réussite étaient jugés satisfaisants.

Chez ces patients, l’utilisation d’un appareil’échographie, qui permet de reconnaître les struc-ures vasculaires et nerveuses, pourrait être un gage deéussite.

ériode postopératoire

e réveil du patient obèse est un moment particulièrementrisque notamment d’obstruction des voies aériennes avecésaturation artérielle. C’est pourquoi, il faut extuber enosition demi-assise ces patients après décurarisation etdistance d’un effet résiduel des agents anesthésiques.

’administration d’oxygène nasal est systématique.

omplications

n décrit classiquement un risque de complications post-pératoires plus élevé chez l’obèse, même si la littératureécente considère que l’obésité n’est pas à elle seule unacteur de risque de complications postopératoires [13].ependant, le risque de complications respiratoires est réel,ême chez les patients sans SAS. Les obèses développent

lus d’atélectasies en postopératoire, qui persistent plus de4 heures. L’encombrement bronchique est plus fréquent,e qui peut faire préconiser une kinésithérapie postopéra-oire systématique. Il n’y a pas d’indication à ventiler unbèse de facon prolongée ni à le garder 24 heures en SSPI.

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eDlnombreuses complications postopératoires (respiratoires,thromboemboliques) et la gestion de l’analgésie doit êtreavant tout sécuritaire, l’utilisation des morphiniques chezles patients obèses avec un SAS doit être réfléchie.

Points essentiels

Le nombre d’anesthésie de patients obèses est enconstante augmentation : chirurgie courante, chirurgiedu traitement de l’obésité.

Les obèses ont de nombreuses comorbiditésassociées à évaluer en consultation d’anesthésie.

La pharmacocinétique est modifiée chez l’obèse :préférer les médicaments les moins liposolubles etpermettant un réveil rapide.

L’hypoxémie est le principal risque périopératoiredes patients obèses : au moment de l’induction,pendant la ventilation et au réveil.

Les obèses ne sont pas des estomacs pleinsvéritables mais le risque est augmenté. On préconiseune séquence d’induction rapide du fait d’unedésaturation plus rapide que chez le sujet mince etd’une ventilation au masque plus difficile.

L’intubation difficile est plus fréquente chezl’obèse.

Les complications postopératoires sont respiratoires

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es obèses porteurs d’un SAS doivent être surveillés de faconrolongée en SSPI, ce qui permet de leur administrer unePAP en postopératoire.

La rhabdomyolyse postopératoire est plus fréquente chezes obèses. Elle pourrait être causée par des points deompression (vérification de l’installation primordiale) etar une durée prolongée de la chirurgie. Dans notre expé-ience, nous demandons systématiquement dans le bilanostopératoire après chirurgie de l’obésité un dosage desPK.

uelle analgésie postopératoire ?

omme nous l’avons vu précédemment, les obèses sontujets à un nombre accru de problèmes respiratoires en post-pératoire : ce risque est à donc prendre en compte dans’éventuel emploi de morphiniques pour l’analgésie post-pératoire. En effet, les obèses sont plus sensibles aux effetsépresseurs respiratoires des opiacés. De plus, une granderoportion de cette population présente un SAS, ce qui estn facteur de gravité : le risque d’obstruction des voiesériennes est majoré que les morphiniques soient injec-és en intraveineux ou périmédullaire (plusieurs cas décrits’arrêt cardiaque hypoxique secondaires à des apnées favo-isées par l’emploi d’opiacés). C’est pourquoi, chez lesatients obèses porteurs d’un SAS, on préconisera de pre-ière intention une analgésie multimodale sans opiacés ou

ne technique d’analgésie locorégionale. Si le recours auxpiacés (avec ou sans PCA) s’avère nécessaire, on devra sur-eiller ces patients en SSPI avec une mesure de la SpO2, dea fréquence respiratoire et éventuellement du CO2 expiré.

uel protocole anticoagulant ?

a prévention de la maladie thromboembolique chez l’obèse’est pas consensuelle dans la littérature : pas de donnéesur les molécules ni les doses à employer, corrélées ou non auoids réel du patient. De plus, étant donné l’importance duannicule adipeux, l’injection sous-cutanée d’une héparineeut avoir une résorption hasardeuse. Faut-il doser systé-atiquement l’anti-Xa et les facteurs de coagulation ? Lesatients obèses morbides sont considérés à haut risque dehrombose veineuse profonde, le plus souvent silencieuse,t la prévention primaire semble être le seul moyen deéduire la morbimortalité. Cette augmentation est en par-ie liée à l’augmentation de l’activité du activateur dulasminogène (PAI). Wu et Barba ont étudié [14] les pra-iques courantes des chirurgiens américains de l’associatione chirurgie bariatrique. L’incidence des TVP et celle de’embolie pulmonaire étaient respectivement, de 2,63 et,95 % ; 48 % des praticiens interrogés avaient eu moins d’unort par EP fatale. La prophylaxie la plus fréquemment

mployée est l’utilisation de doses faibles d’héparine nonractionnée pour 50 % d’entre eux, de compression inter-ittente des mollets pour 38 % des cas, et d’HBPM pour 13 %

es cas. Plus de 50 % des praticiens combinaient plusieursypes de prophylaxie. Une étude récente [15] a déterminées facteurs de risque de survenue d’événements throm-oemboliques chez les patients obèses opérés de chirurgieariatrique. On retrouve un âge supérieur à 50 ans, une fis-

A. Mongredien-Menigaux

ule anastomotique, le tabagisme, et antécédent de maladiehromboembolique sortant comme facteurs de risque indé-endants. La prophylaxie la plus souvent utilisée dans lesentres de référence de chirurgie de l’obèse est donc unenjection, la veille de l’opération, d’héparine de bas poidsoléculaire ou non fractionnée à dose prophylactique risque

levé, soit 40 mg, voire deux injections de 40 mg espacéese 12 heures d’intervalles, sauf si une ALR est prévue leendemain matin, une compression veineuse intermittentees mollets débutée dès le bloc opératoire et une repriseapide des anticoagulants jusqu’à la déambulation complèteu patient.

onclusion

es anesthésistes risquent dans un futur proche d’êtreonfrontés de plus en plus fréquemment dans leur pratiqueuotidienne à des patients obèses morbides, voire superbèses morbides, que ce soit pour de la chirurgie réglée, desrgences ou de la chirurgie bariatrique ou esthétique aprèsmaigrissement. Ces patients présentent certaines particu-arités physiologiques qui induisent une modification de laharmacocinétique de la plupart des agents anesthésiques,u’il convient de connaître si on veut optimiser la prise enharge périopératoire des obèses.

Le risque peropératoire d’hypoxémie est importantt la maîtrise de l’airway peut s’avérer compliquée.e plus, même si cette notion semble controversée à

’heure actuelle, les patients obèses semblent présenter de

et thromboemboliques.L’analgésie repose sur une stratégie multimodale,

l’emploi des morphiniques chez les patients porteursd’un SAS doit être raisonnée.

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Anesthésie du patient obèse

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