Actualités sur la prévention secondaire après un AIT ou un infarctus cérébral

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Actualités sur la prévention secondaire après un AIT ou un infarctus cérébral New developments in secondary stroke prevention Inserm 894, service de neurologie, centre hospitalier Sainte-Anne, université Paris-Descartes, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France FIBRILLATION ATRIALE (FA) : LA FIN DES ANTIVITAMINES K (AVK) ? La FA est à la fois une affection fréquente (1 à 2 % de la population, environ 10 % au-delà de 80 ans) et un puissant facteur de risque d'infarctus cérébral. Environ 15 % des infarc- tus cérébraux sont dus à la FA et cette pro- portion augmente avec l'âge pouvant atteindre 25 % au-delà de 80 ans. Les infarctus céré- braux survenant chez les patients en FA sont particulièrement sévères, avec une mortalité à la phase aiguë et des séquelles neurologi- ques plus importants que ceux survenant chez les patients en rythme sinusal. Le risque de récidive en l'absence de traitement est d'envi- ron 10 % par an. Les AVK réduisent d'environ deux tiers, par rapport au placebo, le risque de premier AVC ou de récidive (Hart et al., 2007). Ils sont aussi nettement plus efcaces que l'aspirine (Hart et al., 2007) ou l'association d'aspirine et de clopidogrel (Camm et al., 2012 ; Furie et al., 2012). Cependant, les AVK ont une fenêtre thérapeutique étroite (INR 2 à 3) et la réponse au traitement est inuencée par de nombreux facteurs, incluant des interactions alimentaires et médicamen- teuses. Le maintien dans la fenêtre thérapeu- tique nécessite des contrôles sanguins et des ajustements thérapeutiques fréquents. En pra- tique, de nombreux patients en FA candidats à ce traitement ne sont pas traités ou lorsqu'ils le sont ne sont pas dans la zone d'efcacité thérapeutique. Même dans le cadre optimal des essais thérapeutiques, le pourcentage de temps moyen dans la cible thérapeutique est de l'ordre de 60 % (Camm et al., 2012 ; Furie et al., 2012). Ces inconvénients ont conduit au J.-L. Mas Mots clés Accident vasculaire cérébral Prévention secondaire Fibrillation atriale Anticoagulants oraux Foramen ovale perméable Endartériectomie Stenting Artère carotide Occlusion carotide Sténose intracrânienne Antiplaquettaire Aspirine Clopidogrel Pression artérielle Keywords Stroke Secondary prevention Atrial fibrillation Oral anticoagulants Patent foramen ovale Carotid artery Endarterectomy Angioplasty and stenting Antiplatelet therapy Aspirin Clopidogrel Blood pressure Cerebral vascular event Atrial septum defect Carotid occlusion intracranial stenosis Antiplatelet agents Adresse e-mail : [email protected] RÉSUMÉ Les patients ayant présenté un infarctus cérébral ou un accident ischémique transitoire (AIT) ont un risque de récidive dont l'importance varie en fonction de la cause et des facteurs de risque associés. Ces patients sont aussi à haut risque de complications vasculaires, en particulier cardiaques. La prévention a pour objectifs de diminuer non seulement le risque de récidive d'accident vasculaire cérébral (AVC), mais aussi le risque d'événements vasculaires dans d'autres territoires, en particulier cardiaques. La prévention secondaire repose sur un contrôle strict des facteurs de risque artériel, un traitement antiplaquettaire ou anticoagulant oral et des traitements spéciques (ex. : revascularisation carotide) selon la cause de l'infarctus cérébral. Cet article présente les principales avancées récentes dans ces différents domaines. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. SUMMARY The risk of stroke recurrence after cerebral infarction or transient ischemic attack depends on the underlying stroke mechanism and associated vascular risk factors. Stroke patients also have a high-risk of vascular complications, particularly cardiac events. The goal of prevention is to not only reduce the risk of stroke but also the risk of vascular events in other territories, notably in the heart. Secondary prevention depends on strict control of arterial risk factors, antiplatelet agents or oral anticoagulants, and specic treatments (for instance carotid revascularization) depending on the cause of stroke. This article presents the main recent developments in these different elds. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Pratique Neurologique FMC 2013;4:97101 Pathologie vasculaire ischémique © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2013.01.007 97

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Pratique Neurologique – FMC 2013;4:97–101 Pathologie vasculaireischémique

Actualités sur la préventionsecondaire après un AITou un infarctus cérébral

New developments in secondary stroke prevention

J.-L. Mas

Inserm 894, service de neurologie, centre hospitalier Sainte-Anne,université Paris-Descartes, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France

Mots clésAccident vasculairecérébralPrévention secondaireFibrillation atrialeAnticoagulants orauxForamen ovale perméableEndartériectomieStentingArtère carotideOcclusion carotideSténose intracrânienneAntiplaquettaireAspirineClopidogrelPression artérielle

KeywordsStrokeSecondary preventionAtrial fibrillationOral anticoagulantsPatent foramen ovaleCarotid artery

RÉSUMÉLes patients ayant présenté un infarctus cérébral ou un accident ischémique transitoire (AIT) ontun risque de récidive dont l'importance varie en fonction de la cause et des facteurs de risqueassociés. Ces patients sont aussi à haut risque de complications vasculaires, en particuliercardiaques. La prévention a pour objectifs de diminuer non seulement le risque de récidived'accident vasculaire cérébral (AVC), mais aussi le risque d'événements vasculaires dansd'autres territoires, en particulier cardiaques. La prévention secondaire repose sur un contrôlestrict des facteurs de risque artériel, un traitement antiplaquettaire ou anticoagulant oral et destraitements spécifiques (ex. : revascularisation carotide) selon la cause de l'infarctus cérébral.Cet article présente les principales avancées récentes dans ces différents domaines.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SUMMARYThe risk of stroke recurrence after cerebral infarction or transient ischemic attack depends on theunderlying stroke mechanism and associated vascular risk factors. Stroke patients also have ahigh-risk of vascular complications, particularly cardiac events. The goal of prevention is to notonly reduce the risk of stroke but also the risk of vascular events in other territories, notably in theheart. Secondary prevention depends on strict control of arterial risk factors, antiplatelet agentsor oral anticoagulants, and specific treatments (for instance carotid revascularization) dependingon the cause of stroke. This article presents the main recent developments in these differentfields.

© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Endarterectomy

FIBRILLATION ATRIALE (FA) : LA FINIls sont aussi nettement plus efficaces que

Angioplasty and stentingAntiplatelet therapy

AspirinClopidogrelBlood pressureCerebral vascular eventAtrial septum defectCarotid occlusionintracranial stenosisAntiplatelet agents

Adresse e-mail :[email protected]

DES ANTIVITAMINES K (AVK) ?

La FA est à la fois une affection fréquente (1 à2 % de la population, environ 10 % au-delà de80 ans) et un puissant facteur de risqued'infarctus cérébral. Environ 15 % des infarc-tus cérébraux sont dus à la FA et cette pro-portion augmente avec l'âge pouvant atteindre25 % au-delà de 80 ans. Les infarctus céré-braux survenant chez les patients en FA sontparticulièrement sévères, avec une mortalitéà la phase aiguë et des séquelles neurologi-ques plus importants que ceux survenant chezles patients en rythme sinusal. Le risque derécidive en l'absence de traitement est d'envi-ron 10 % par an. Les AVK réduisent d'environdeux tiers, par rapport au placebo, le risque depremier AVC ou de récidive (Hart et al., 2007).

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l'aspirine (Hart et al., 2007) ou l'associationd'aspirine et de clopidogrel (Camm et al.,2012 ; Furie et al., 2012). Cependant, lesAVK ont une fenêtre thérapeutique étroite(INR 2 à 3) et la réponse au traitement estinfluencée par de nombreux facteurs, incluantdes interactions alimentaires et médicamen-teuses. Le maintien dans la fenêtre thérapeu-tique nécessite des contrôles sanguins et desajustements thérapeutiques fréquents. En pra-tique, de nombreux patients en FA candidatsà ce traitement ne sont pas traités ou lorsqu'ilsle sont ne sont pas dans la zone d'efficacitéthérapeutique. Même dans le cadre optimal desessais thérapeutiques, le pourcentage detemps moyen dans la cible thérapeutique estde l'ordre de 60 % (Camm et al., 2012 ; Furieet al., 2012). Ces inconvénients ont conduit au

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Tableau I. Méta-analyse des essais randomisés compa-rant les nouveaux anticoagulants oraux aux antivitami-nes K en prévention secondaire.

Odds ratio (IC 95 %)

AVC (ou embolie systémique) 0,85 (0,74–0,99)

AVC 0,87 (0,75–1,01)

AVC ischémique (ou type indéterminé) 1,03 (0,87–1,21)

AVC hémorragique 0,44 (0,32–0,62)

Hémorragie majeure 0,86 (0,75–0,99)

Décès 0,90 (0,81–1,01)

D'après Ntaios et al., 2012.AVC : accident vasculaire cérébral.

J-L MasPathologie vasculaireischémique

développement de nouveaux anticoagulants oraux qui ciblent lathrombine (ex. : dabigatran) ou le facteur Xa (ex. : rivaroxaban,apixaban). Ces médicaments sont d'utilisation beaucoup plussimple que les AVK. Ils ont une fenêtre thérapeutique large et ontl'avantage de ne pas nécessiter de contrôle sanguin, ni deprécaution alimentaire. Les interactions médicamenteuses sontplus limitées qu'avec les AVK.Trois essais randomisés – RE-LY, ROCKET-AF et ARIS-TOTLE – (Camm et al., 2012 ; Furie et al., 2012) ont comparéle dabigatran (150 mg ou 100 mg, deux fois par jour), le rivaro-xaban (20 mg, un fois par jour) et l'apixaban (5 mg, deux fois parjour) à la warfarine chez des patients ayant une FA non valvu-laire. Ces essais ont montré la non infériorité des trois médica-ments par rapport à la warfarine pour la prévention des AVC etdes embolies systémiques (critère de jugement principal). Ledabigatran (150 mg, deux fois par jour) et l'apixaban étaientsupérieurs à la warfarine pour ce même critère de jugement ;alors que le rivaroxaban n'était significativement supérieur à lawarfarine qu'en analyse per-protocole et non en intention detraiter. Concernant la sécurité, le dabigatran (110 mg, deux foispar jour) et l'apixaban étaient associés à un risque moindred'hémorragies majeures. Dans les trois études, il existait uneréduction importante des hémorragies intracrâniennes chez lespatients recevant les nouveaux anticoagulants, qui explique engrande partie la réduction de l'incidence du critère de jugementprincipal. Une autre étude – AVERROES – (Camm et al., 2012 ;Furie et al., 2012) conduite chez des patients en FA considéréscomme de mauvais candidats aux AVK, a montré que l'apixabanétait nettement supérieur à l'aspirine pour prévenir les AVC,sans majoration significative du risque d'hémorragie sévère.Concernant la prévention secondaire, les études RE-LY (Die-ner et al., 2010), ROCKET-AF (Hankey et al., 2012) et ARIS-TOTLE (Easton et al., 2012) ont montré que les effets dunouvel anticoagulant comparativement à la warfarine, dansles sous-groupes de patients ayant des antécédents d'AVC oud'AIT étaient cohérents, en termes d'efficacité et de sécurité,avec ceux observés dans l'ensemble des patients des études(Diener et al., 2010 ; Hankey et al., 2012 ; Easton et al., 2012).Une méta-analyse des trois études (Ntaios et al., 2012) portantsur les patients ayant des antécédents d'AVC ou d'AIT (n = 14527 patients) suggère que les nouveaux anticoagulants orauxsont plus efficaces et mieux tolérés que les AVK en préventiondes récidives d'AVC chez les patients atteints de FA. Ils sontassociés à une diminution significative du risque d'AVC oud'embolie systémique, d'hémorragie majeure, en particulierd'hémorragie cérébrale (Tableau I). La principale limite decette méta-analyse est qu'elle combine des médicamentsayant des mécanismes d'action et des profils d'efficacité etde sécurité différents.À côté d'avantages indéniables, les nouveaux anticoagulantsoraux ont actuellement un certain nombre d'inconvénients,comme l'absence d'antidote et de test biologique permettantde connaître le niveau d'anticoagulation. Compte tenu de leurélimination rapide, une mauvaise observance du traitementpourrait avoir plus de conséquences qu'avec les AVK. Enfin, leprofil bénéfices–risques des nouveaux anticoagulants orauxen pratique quotidienne est mal connu. Leur facilité d'utilisationne doit pas faire oublier la nécessité d'une stricte observancedu traitement par les patients et des règles d'utilisation par lemédecin, au risque sinon de perdre le bénéfice de ces nou-veaux traitements.Les nouvelles recommandations des sociétés savantes fontune large part aux nouveaux anticoagulants oraux. Ils sont

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recommandés en première intention par la Société euro-péenne de cardiologie (Camm et al., 2012) dès lors qu'untraitement anticoagulant est indiqué, alors que l'AHA/ASAmet sur le même plan les AVK et les nouveaux anticoagulantsen recommandant d'individualiser le choix thérapeutique enfonction de divers facteurs (Furie et al., 2012).

FORAMEN OVALE PERMÉABLE (FOP) :TO CLOSE OR NOT TO CLOSE ?

Au cours des 20 dernières années, une littérature abondante aété consacrée à la responsabilité du FOP dans la survenued'infarctus cérébraux, en particulier chez l'adulte jeune. Toute-fois, la conduite à tenir en prévention secondaire reste empi-rique et controversée, notamment en ce qui concerne lesindications de la fermeture du FOP. Plusieurs essais randomi-sés ont été mis en place en Europe et aux États-Unis, dontl'étude CLOSE en France. Les résultats de l'étude CLOSURE 1(Furlan et al., 2012) ont été récemment publiés. Cet essairandomisé a comparé la fermeture du FOP (avec le systèmeSTARFLEX) au traitement médical seul (par aspirine, warfarineou les deux selon le choix du médecin) chez 909 patients âgésde 18 à 60 ans ayant présenté un accident ischémique cérébralcryptogénique associé à un FOP. Cet essai n'a pas montré dedifférence entre la fermeture du foramen et le traitement médicalsur l'incidence du critère de jugement principal (AVC ou AITpendant les deux ans de suivi, décès dans les 30 premiers joursou décès de cause neurologique entre le 31e jour et deux ans),ou sur l'incidence des AVC (Tableau II). Il n'y avait pas dedifférence en fonction de l'importance du shunt ou de la pré-sence d'un anévrisme du septum interauriculaire ou entre lestraitements par aspirine ou warfarine. En termes de sécurité, lafermeture du FOP était associée à un risque de 3,2 % decomplications périprocédurales majeures et à une augmenta-tion significative du risque de développer une FA. Cet essai« négatif » comporte des limites, comme une puissance insuf-fisante liée à un risque d'AVC plus faible qu'attendu, un biais desélection potentiel de patients (la principale cause de refus departicipation étant lié la décision d'une fermeture en dehors del'essai) et le caractère insuffisamment restrictif des critèresd'inclusion amenant à inclure des patients ayant d'autres cau-ses potentielles d'AVC (infarctus lacunaires, sténose athéro-scléreuse inférieure à 50 %). En effet, seulement quatre des

Tableau II. Étude CLOSURE I.

Fermeturedu FOP (%)

Traitementmédical (%)

p

Critère de jugementprincipala

5,5 6,8 0,37

AVC 2,9 3,1 0,79

AIT 3,1 4,1 0,44

Complicationpériprocéduralemajeure

3,2 0,0 < 0,001

Hémorragie majeure 2,6 1,1 0,11

Fibrillation atriale 5,7 0,7 < 0,001

D'après Furlan et al., 2012.FOP : foramen ovale perméable ; AIT : accident ischémique transitoire ; AVC :accident vasculaire cérébral.aAVC, AIT, décès dans les 30 premiers jours, décès neurologique entre le 31e jouret deux ans

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25 récidives d'AVC observées pendant les deux années desuivi étaient cryptogéniques ; la majorité pouvait être attribuéeà d'autres causes (athérosclérose, artériolosclérose, etc.).D'autres essais sont nécessaires avant de conclure aux béné-fices et risques respectifs de la fermeture du FOP et du traite-ment médical. Les résultats des études PC trial et RESPECTseront bientôt disponibles. Les études REDUCE et CLOSE sepoursuivent. CLOSE sera la seule étude comparant les troisstratégies thérapeutiques : fermeture du FOP, antiplaquettaires,anticoagulants oraux.

REVASCULARISATION CAROTIDE ETINTRACRÂNIENNE

Sténose carotide récemment symptomatique

Une méta-analyse récente des essais randomisés ayantcomparé le stenting à la chirurgie carotide chez les patientsayant une sténose carotide récemment symptomatique mon-trent que le stenting carotide est associé à une augmentationsignificative de 66 % (OR 1,66, 1,34–2,07) du risque d'AVC oude décès dans les 30 jours suivant le traitement et à uneréduction de 58 % (OR 0,42, 0,23–0,79) du risque d'infarctusdu myocarde (Bangalore et al., 2011). Si l'on prend en comptel'infarctus du myocarde périprocédural dans l'évaluation durisque de la revascularisation carotide, la différence entrestenting et chirurgie est moins importante (OR 1,43, 1,16–1,76) bien que toujours en faveur de la chirurgie (Bangaloreet al., 2011). Cette position est cependant très controversée,en raison notamment du faible retentissement de la survenued'un infarctus du myocarde périprocédural comparativementà celui d'un AVC. Ainsi, dans CREST (Cohen et al., 2011), lespatients ayant eu un AVC périprocédural avaient, un an aprèsleur AVC, un retentissement marqué sur la qualité de vie danstous les domaines de l'échelle SF-36 (comparativement auxpatients sans AVC périprocédural), contrairement aux patientsayant eu un infarctus du myocarde périprocédural chez les-quels la qualité de vie n'était pas significativement modifiée.Au-delà de la période périprocédurale, le risque d'AVC

ipsilatéral est faible aussi bien chez les patients traités parstenting que chez ceux traités par chirurgie. Les études EVA-3S (Arquizan et al., 2011) et CREST (Lal et al., 2012) ontmontré que le risque de resténose carotide serrée (> 70 %) estfaible aussi après stenting qu'après chirurgie. Globalement, lerisque d'AVC ou décès périprocédural et d'AVC ipsilatéralultérieur est augmenté de 49 % (OR 1,49, 1,23–1,80) chezles patients traités par stenting plutôt que par chirurgie (Ban-galore et al., 2011). La chirurgie reste donc le traitement depremière intention des patients ayant une sténose carotideserrée récemment symptomatique. Afin d'améliorer le profilbénéfices–risques du stenting carotide, il est important d'iden-tifier les patients chez qui le stenting (ou la chirurgie) estassocié à un risque plus élevé de complications périprocédu-rales. À cet égard, les essais randomisés ont montré qu'après70 ans, le risque d'AVC ou de décès est deux fois plus impor-tant dans les suites du stenting que dans celles de la chirurgie,alors qu'avant 70 ans les risques sont similaires avec les deuxtechniques (Carotid stenting trialists' collaboration, 2010).

Revascularisation intracrânienne

Deux études ont conclu à l'absence de bénéfice de la revascu-larisation intracrânienne par rapport à un traitement médical.L'étude COSS (Powers et al., 2011) n'a pas montré de bénéficede l'anastomose temporo-sylvienne par rapport au traitementmédical seul chez les patients ayant une occlusion carotideathéroscléreuse récemment symptomatique et une augmenta-tion ipsilatérale de la fraction d'extraction de l'oxygène en TEP.L'essai a été arrêté prématurément après inclusion de195 patients, car les risques d'AVC ou décès périprocédurauxet d'AVC ipsilatéral à deux ans était similaires dans les deuxgroupes (21,0 % versus 22,7 % dans le groupe médical,p = 0,78). Le risque d'infarctus cérébral ipsilatéral dans les30 jours étaient de 14,4 % dans le groupe chirurgical versus2,0 % dans le groupe médical (différence : 12,4 % ; 95 % CI,4,9 % to 19,9 %). Dans l'étude SAMMPRIS (Chimowitz et al.,2011), 451 patients ayant une sténose serrée (70–99 %) d'uneartère intracrânienne récemment symptomatique ont reçu untraitement médical intensif associé ou non à une revascularisa-tion par stenting (avec le système Wingspan). L'étude a étéarrêtée prématurément après inclusion de 451 patients en rai-son d'un excès de risque d'AVC ou décès à 30 jours chez lespatients traités par stenting : 14,7 % (AVC non mortel, 12,5 % ;AVC mortel, 2,2 %) versus 5,8 % dans le groupe médical (AVCnon mortel, 5,3 % ; décès non lié à un AVC, 0,4 %) (p = 0,002).Au-delà de 30 jours, 13 patients dans chaque groupe ont eu unAVC ipsilatéral. Le risque à un an du critère de jugement princi-pal (AVC ou décès à j30) et AVC ipsilatéral par la suite était de20,0 % après stenting et 12,2 % dans le groupe médical(p = 0,009).

BITHÉRAPIE PAR ASPIRINE ET CLOPIDOGREL

L'étude SPS3 (The SPS3 Investigators., 2012) est la troisièmeétude, après MATCH (Diener et al., 2004) et CHARISMA(Bhatt et al., 2006), à conclure à l'absence de bénéficed'une bithérapie par aspirine et clopidogrel comparativementà une monothérapie antiplaquettaire en prévention secondaireaprès un AIT ou infarctus cérébral non cardio-embolique. Cetessai en double insu a porté sur 3020 patients ayant uninfarctus lacunaire récent identifié par IRM, dont la cause

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Points essentiels

� Les nouveaux anticoagulants oraux (toutesclasses confondus) semblent plus efficacesque les AVK en prévention des récidivesd'AVC chez les patients atteints de FA. Ils sontassociés à une diminution significative du ris-que d'hémorragie majeure, en particulierd'hémorragie cérébrale.

� L'essai CLOSURE 1 n'a pas montré de béné-fice de la fermeture du foramen ovale par rap-port au traitement médical seul en termes deprévention des récidives d'AVC chez lespatients ayant un FOP. D'autres essais rando-

J-L MasPathologie vasculaireischémique

habituelle est une maladie des petites artères cérébrales.Après un suivi moyen de 3,4 ans, le risque de récidived'AVC n'était pas réduit de façon significative chez les patientsayant reçu une bithérapie antiplaquettaire (aspirine 325 mg etclopidogrel 75 mg) : 2,5 % par an versus 2,7 % par an sousaspirine seule (hazard ratio, 0,92 ; IC 95 %, 0,72–1,16). Iln'existait pas non plus de réduction significative du risqued'infarctus cérébral (hazard ratio, 0,82 ; IC 95 %, 0,63–1,09). Le risque d'hémorragie majeure était presque doublésous bithérapie 2,1 % par an versus 1,1 % par an sous aspi-rine (hazard ratio, 1,97 ; IC 95 %, 1,41–2,71 ; p < 0,001).Parmi les infarctus récidivants, 71 % étaient des infarctuslacunaires. De façon surprenante, la mortalité était significa-tivement augmentée sous bithérapie (hazard ratio, 1,52 ; IC95 %, 1,14–2,04 ; p = 0,004) ; un différence non attribuableà un excès d'hémorragies mortelles.Si l'association d'aspirine et de clopidogrel ne semble pasapporter de bénéfice en prévention à long terme, son intérêten prévention à court terme chez des patients ayant un AIT ouun infarctus mineur récent non cardio-embolique est en coursd'évaluation dans plusieurs essais randomisés. Une méta-analyse (Geeganage et al., 2012) portant sur 3766 patientsinclus dans 12 essais randomisés comparant une bithérapie(aspirine + dipyridamole ou aspirine + clopidogrel) à unemonothérapie antiplaquettaire et ayant reçu le traitement pré-cocement (dans les trois jours) suggère un bénéfice potentieldes bithérapies antiplaquettaires. Comparativement à lamonothérapie, la bithérapie était associée à une réductionà trois mois du risque de récidive d'AVC (3,3 % versus5,0 % ; risque relatif, 0,67 ; IC 95 %, 0,49–0,93) et du risqued'AVC, infarctus du myocarde ou décès vasculaire (4,4 %versus 6 % ; risk ratio, 0,75 ; IC 95 %, 0,56–0,99). Il existaitaussi sous bithérapie une tendance non significative à l'aug-mentation du risque d'hémorragie majeure (0,9 % versus0,4 % ; risk ratio, 2,09 ; IC 95 %, 0,86–5,06).

misés sont en cours.� La chirurgie reste le traitement de premièreintention des patients ayant une sténose caro-tide serrée récemment symptomatique, en par-ticulier après 70 ans.

� L'anastomose temporo-sylvienne (étude COSS)chez les patients ayant une occlusion carotidesymptomatique avec augmentation de la frac-tion d'extraction de l'oxygène en TEP et le stent-ing artériel (étude SAMMPRIS) chez les patientsayant une sténose serrée symptomatique d'uneartère intracrânienne ne se sont pas avérés plusefficaces que le traitement médical seul.

� La bithérapie par aspirine et clopidogrel (étudeSPS3) n'est pas plus efficace que l'aspirineseule pour prévenir les récidives d'AVC chezles patients ayant un infarctus lacunaire. Elleest associée à risque presque doublé d'hémor-ragie majeure et à un excès de mortalité.

� L'abaissement de la PAS en dessous de120 mm Hg en prévention secondaire (aprèsla phase aiguë) pourrait être associé à une aug-mentation du risque d'événements vasculaires.

PRESSION ARTÉRIELLE

Si la preuve n'est plus à faire du bénéfice du traitement del'hypertension artérielle en prévention primaire ou secondairedes AVC, le niveau de pression artérielle à atteindre resteincertain. Les recommandations de prévention secondairesuggèrent que la réduction du risque d'AVC est d'autant plusforte que la réduction de la pression artérielle est importante etdéfinissent comme normale une pression artérielle systolique(PAS) inférieure à 120 mm Hg. Cependant, le risque d'événe-ments vasculaires associé au maintien d'une PAS inférieureà 120 mm Hg après un AVC est incertain.Dans une méta-analyse (Thompson et al., 2011) portant sur64 162 patients ayant des antécédents de diabète ou de mala-die cardiovasculaire, mais non hypertendus, les patients rece-vant un traitement anti-hypertenseur avaient, comparativementaux témoins, une réduction des risques d'AVC (risque relatif,0,77 ; IC 95 %, 0,61–0,98), d'infarctus du myocarde (risquerelatif, 0,80 ; IC 95 %, 0,69–0,93), d'insuffisance cardiaque(risque relatif, 0,71 ; IC 95 %, 0,65–0,77) et de décès (risquerelatif, 0,87 ; IC 95 %, 0,80–0,95).Cependant, un abaissement trop important de la pressionartérielle pourrait avoir un effet délétère comme le suggèreune analyse secondaire observationnelle de 20 330 patientsayant un infarctus cérébral récent non cardio-embolique inclus

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dans l'étude PROFESS (Ovbiagele et al., 2011). Comparé auxpatients avec une PAS normale haute (130 � 140 mm Hg), lerisque de récidive d'AVC était significativement plus élevéchez les patients ayant une PAS « très basse normale »(< 120 mm Hg) (hazard ratio, 1,29 ; IC 95 %, 1,07–1,56), ainsique chez ceux ayant une PAS élevée (140 � 150 mm Hg)(hazard ratio, 1,23 ; IC 95 %, 1,07–1,41) ou un PAS trèsélevée (� 150 mm Hg) (hazard ratio, 2,08 ; IC 95 %, 1,83–2,37). Des études complémentaires sont nécessaires pourmieux préciser l'objectif thérapeutique concernant l'abaisse-ment de la pression artérielle en prévention secondaire aprèsun AVC.

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Déclaration d'intérêtsL'auteur déclare avoir perçu des honoraires de Bayer, Boehringer,BMS, Daiichi et Pfizer.

RÉFÉRENCES

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