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SONGE POP L'AURORE BORÉALE SOILE ISOKOSKI LUDIQUE & ESTHéTIQUE MICHEL KELEMENIS RÉACTUALISE LA FANTAISIE SHAKESPEARIENNE LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE DIE WALKÜRE LA VIERGE GUERRIÈRE SE DÉVOILE LES ABONNéS DU TEMPS BéNéFICIENT DE 15% DE RéDUCTION AU GRAND THéâTRE. 16 N°16 | SEPTEMBRE 2013 MARIAGE POUR TOUS FIGARO EN PERSPECTIVES

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Le journal du Cercle et du Grand Théâtre de Genève Septembre 2013 N°16

Transcript of ACT-0 n°16

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ludique & esthétique

MicheL keLeMenis réactualise la fantaisie shakespearienne

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MAriAge pour tousfigaro en perspectives

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C hères lectrices,Chers lecteurs,Chères amies et chers amis,La saison 2012-2013 s’est terminée en apo-théose avec le chef d’œuvre de Dvořák,

Rusalka, que vous avez largement plébiscité et dont vous avez reconnu l’excellence musicale et l’intelligente inter-prétation. La page d’une saison riche en événements s’est tournée sur un bilan financier sans faille et une fréquenta-tion de plus de 100 000 spectateurs, grâce à vous et à votre fidélité et grâce à la détermination de tous les collabora-teurs du Grand Théâtre. Il existe cependant une ombre à ce tableau. Qu’il nous soit permis de l’évoquer en cette rentrée 2013-2014. Il s’agit d’un certain manque de curiosité dès que nous vous sol-licitons sur des ouvrages moins connus, moins connotés. Cela nous paraît pourtant une démarche indispensable afin de garder au répertoire lyrique toute sa richesse. Les Aventures du roi Pausole n’ont-elles pas valu deux nomina-tions aux premiers Opera Awards, à Londres, en avril 2013, et la découverte d’un jeune talent de la mise en scène ? Il serait aisé de tomber dans une forme d’autosatisfaction simpliste et oublier qu’une nouvelle saison s’annonce, et avec elle de nouveaux défis d’importance. Mais grâce à vous et avec vous nous allons les relever dans l’excellence. Votre confiance et votre fidélité nous sont précieuses au moment où nous abordons les trois journées du Ring des Nibelungen, commencé avec un réel succès au mois de mars dernier. Nous porterons nos efforts sur cette aven-ture afin de vous rendre plus proche cette fabuleuse saga. Au mois de mai 2014, Bayreuth sera à Genève, et peut-être, y trouverez-vous une place plus facilement. Mais le Festival ne s’arrêtera pas là. Vous pourrez en-tendre Sigurd d’Ernest Reyer, le compositeur du  « Ring français », très proche des Eddas scandinaves. Une occa-sion qui reste encore trop rare pour la manquer. Nous vous préparons une « folle journée » avec Mozart, mais également une « folle nuit » avec Strauss, qui vous per-mettra de retrouver le célèbre clown et mime Dimitri, interprétant le rôle du gardien de prison Frosch, et Le Songe d’une nuit d’été, un nouveau programme de notre ballet. Fin février s’élèvera sous le plafond étoilé de la scène de Neuve, le fameux « Va pensiero » de Nabucco que certains ont chanté sur la scène et dans la salle du Grand Théâtre lors de la Fête de la musique 2013. Mozart, Verdi, Wagner et un joyau de Catalani pour clore la saison, voilà de quoi vous souhaiter une excellente année lyrique en notre compagnie.

Tobias RichterDirecteur général

Directeur de la publication Tobias Richter

Responsable éditorial Albert Garnier

Responsable graphique & artistique Aimery Chaigne

Coordination Corinne Béroujon

Ont collaboré à ce numéroKathereen Abhervé, Gisèle de Neuve,Daniel Dollé, Albert Garnier, Sandra Gonzalez, Frédéric Leyat, Luz, Wladislas Marian, Benoît Payn, Christopher Park.

Impression SRO-Kundig Parution 4 éditions par annéeAchevé d’imprimer en août 20136 000 exemplaires

Il a été tiré 40 000 exemplaires de ce numéro et encarté dans le quotidien Le Temps

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Buzz op 2-3Quoi de neuf dans le monde de l’opéra

à Genève et ailleurs

opération 4-15Une folle rentrée : perspectives

sur Les Noces de Guy JoostenPremière journée du Ring : en route vers la délivrance

Sigurd/Siegfried : un même personnage

on stage 16-19La Maréchale est de retour

Les prometteuses voix du Mariinski

Carnet du CerCle 20-21Le Cercle soutient Labo-M

en Ballet 22-25 Michel Kelemenis : « Que du geste jaillisse le sens ! » plein feux 26-27

Jour de fête

didaCtique 28-35Chère Gisèle

Le cas Wagner« Emmenons-les à l’opéra ! »

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Photo de couvertureSix danseurs du Ballet

du Grand Théâtre prennent la pose pour évoquer leur prochain

ballet : Le Songe d'une nuit d'été chorégraphié par Michel Kelemenis.

© GTG/GRéGORy BATARDON

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À l’heure du bouclage du maga-zine, nous avons appris la triste nouvelle : Jean-Marc Stehlé n’est plus, il nous a quitté le vendredi 9 août 2013. Par ces quelques lignes, le Grand Théâtre sou-haite rendre hommage au scé-nographe et comédien genevois. Grande personnalité du monde théâtral et cinématographique, il était apprécié dans toute l’Eu-rope. Collaborateur de Benno Besson, Matthias Langhoff,

Patrice Chéreau et Colline Serreau, entre autres, il reçut pas moins de six «  Molière  » en France et obtint, en 2009, l’Anneau Hans Reinhart, la plus haute distinction du théâtre suisse. Il dessina les costumes et la scénographie de L’Oiseau vert pour la Comédie de Genève, et de La Flûte enchantée pour le Grand Théâtre de Genève, deux spectacles mis en scène par Benno Besson. Aux grands ef-

fets, il préférait la féerie des scé-nographies réalisées avec de pe-tits budgets. Passionné par son métier, par son art, l’homme dis-cret qu’il était, ne reculait devant aucune contrainte pour nous offrir des spectacles que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Le Grand Théâtre est fier d’avoir pu accueillir son immense talent en compagnie de Benno Besson, également disparu et qu’il re-joint aujourd’hui. DD

les lauréatsau festivalDu 1er au 6 décembre, le Concours de Genève présente pour la pre-

mière fois son Festival des Lauréats. De Martha Argerich [photo ▼] à

Arturo Benedetti Michelangeli, en passant par Nelson Goerner, Heinz

Holliger ou Emmanuel Pahud [photo ▼], la liste de ses lauréats est élo-

quente. Grandes stars internationales ou jeunes étoiles montantes, cet

événement vous réserve plus d’une surprise… La programmation sera

annoncée le 24 septembre et la billetterie ouvrira le 14 octobre. Les

abonnés du Grand Théâtre et les

membres de Labo-M bénéficient

de tarifs spéciaux ainsi que de

deux semaines de prélocation.

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Stehlé tire le rideau

en attendant Rigoletto…Le 4 juillet dernier, le

Festival d’Aix-en-Provence

ouvrait son édition 2013

avec Rigoletto de Giuseppe

Verdi dans une mise en

scène de Robert Carsen

sous la direction musicale

remarquée de Gianandrea

Noseda. Probablement l’aurez-vous lu dans la presse, le

Grand Théâtre, coproducteur avec l’Opéra national du

Rhin, le Théâtre de la Monnaie et le Bolchoi de Moscou,

accueillera cette production pour ouvrir la saison 14-15. Il

vous faudra donc patienter un peu pour voir sur la scène

de Neuve ce Rigoletto plongé dans l’univers du cirque

grâce au talent de Robert Carsen. En mettant en place la

mécanique de sa vengeance, le bouffon machiavélique

aura condamné sa fille qu’il tenait soigneusement cachée.

La presse unanime salue le triomphe de Verdi, le bicen-

tenaire du compositeur et le retour de Robert Carsen

à Aix. Rigoletto, un des grands chefs-d’œuvre de Verdi,

d’après le flamboyant mélodrame de Victor Hugo, sera de

retour place de Neuve après dix-huit années d’absence.

Une mise en scène magistrale pour ce premier volet de la

trilogie populaire. Attendons avec impatience le Pierrot

clownesque qui restera à jamais cloué à son calvaire. DD

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100 000La saison 12-13 s’est achevée le 27 juin avec la dernière des six représentations de Rusalka d’Antonín Dvořák. De sep-tembre 2012 à juin 2013, le Grand Théâtre a accueilli près de 100 000 spectateurs et le nombre de 7 350 abonnés a été atteint, soit une augmentation de 25% par rapport à la saison 09-10. « [Avec] près de 8 000 de plus qu’en 2009-2010, ce qui représente un taux de rem-plissage moyen de 87%. Nous sommes très heureux de ce suc-cès », souligne Tobias Richter. Parmi les dix-huit spectacles programmés cette saison, la moitié a affiché complet : trois opéras (Il Barbiere di siviglia, La Traviata, madama Butterfly), deux ballets (Le Lac des cygnes, Le sacre du printemps/Les Noces), trois récitals (Renée Fleming, Diana Damrau, Barbara Frittoli) et le spectacle pour enfants Le Chat botté. AG

MontreuxClassicComme chaque année, lorsque le Grand Théâtre s’apprête à lever le rideau sur une nouvelle saison, le Septembre Musical envahit ses lieux de prédilection et vous invite à découvrir de nouveaux talents qui côtoient les « monstres sacrés » de la musique classique. Lorsque paraîtra votre magazine, l’Orchestre de la Suisse Romande, notre partenaire, sous la direc-tion de Neeme Järvi, aura donné le coup d’envoi de la nouvelle édition en compagnie d’Élisabeth Leonskaja, fabuleuse pianiste. Le cadre enchanteur du Château de Chillon accueillera, entre autres, Cheng Zhang, le lauréat du concours Clara Haskil 2011, et l’Eben Trio. Au Théâtre de Vevey, le pianiste Daniil Trifonov ne man-quera pas de vous séduire, et vous pourrez assister à la finale du 25ème Concours International de Piano Clara Haskil avec l’OSR sous la baguette de Frédéric Chaslin qui dirigera Sigurd dans le cadre de la saison du Grand Théâtre. Charles Dutoit et le Royal Philharmonic Orchestra de Londres, fidèles au Festival, donneront trois concerts, accompagnés par de remarquables solistes. L’Orchestre de Saint-Pétersbourg sera également de re-tour à l’Auditorium Stravinski, au programme Liadov, Chostakovitch et le concerto pour violon de Tchaïkovski avec Lisa Batiashvili, une violoniste à découvrir, sous la direction de Yuri Temirkanov. Des rendez-vous à ne pas manquer.www.septmus.ch DD

La première édition des Opera Awards, dont l’ambition des orga-nisateurs était de créer les Oscars de l’opéra, a eu lieu au Hilton on Park Lane à Londres le 22 avril der-nier. Durant la cérémonie qui s’est déroulée devant un parterre de célébrités du monde lyrique, ce ne sont pas moins de vingt-deux prix qui ont été décernés dont celui du meilleur chanteur à Jonas Kaufmann [photo ], celui de la meilleure chanteuse à Nina Stemme et celui de la meilleure direction musicale à Antonio Pappano. Le public du Grand Théâtre de Genève a notamment eu la chance d’entendre Nina Stemme dans le rôle-titre d’Ariadne auf Naxos en avril 2007 et Jonas Kaufmann dans le rôle-titre de La Damnation de Faust en juin 2003. Ce dernier sera d’ailleurs en réci-tal au Grand Théâtre en mars 2014. De nombreuses personnalités ayant connu la scène ou la fosse du Grand Théâtre de Genève étaient nominées : Aleksandrs Antonenko (Samson dans samson et Dalila en novembre 2012), Joyce DiDonato (Elena dans La Donna del Lago en mai 2010), Elīna Garanča (récital avec orchestre en janvier 2013) ou encore Ingo Metzmacher (direction musicale de Das Rheingold en mars 2013). La nouvelle production de l’opérette d’Arthur Honegger Les Aventures du roi pausole [photo ▼], présentée sur la scène de Neuve en décembre 2012, concourait pour le prix Rediscovered Work destiné à saluer la qualité du travail de redé-couverte d’une œuvre rarement jouée dans les maisons d’opéra. Son metteur en scène, le Neuchâtelois Robert Sandoz, était nominé dans la catégorie Newcomer, visant no-tamment à souligner le talent d’un metteur en scène sur sa première production lyrique. FL

oscarslyriques

Folle journéeau grand ThéâtreAlors que Rusalka prenait son essor et allait réjouir le pu-

blic de la scène de Neuve, le Grand Théâtre apprenait qu’il

lui faudrait renoncer à Stéphanie d’Oustrac pour le rôle de

Cherubino, suite à une intervention chirurgicale. Elle sera

remplacée par Maria Kataeva [photo ▼], une jeune artiste russe

promise à un bel avenir. Au cours des premiers jours du mois

de juillet, l’agent de Russell Braun annonçait à la direction du

Grand Théâtre que l’artiste devait renoncer au rôle du Comte

de Le Nozze di Figaro, ce sera l’occasion pour vous de retrouver

Bruno Taddia [photo ▼] qui avait participé à La Calisto et forte-

ment impressionné dans Punch and Judy. Mais ne dit-on pas,

jamais deux sans trois ? À quelques jours du début des répé-

titions, Ekaterina Surina, dans l’attente d’un heureux événe-

ment, devait renoncer à se déplacer pour les premières séances

de travail avec le metteur en scène, une arrivée tardive n’étant

pas envisageable, la direction se mit à la recherche d’une nou-

velle camériste. Nataliya Kovalova [photo ▼], l’exquise Juliette

de Juliette ou la clé des songes de Martinů, accepta de relever

le défi et d’interpréter le rôle de Susanna qui ne lui était pas

inconnu. Rendez-vous dès le 9 septembre… DD

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Benoît Payn Guy Joosten, vous n’êtes pas un inconnu pour le public genevois puisque vous avez déjà présen-té deux de vos mises en scène au Grand Théâtre.

Guy Joosten Oui, ma première venue remonte à l’année 1999. Je m’en rappelle très bien puisque mon fils est né le jour de mon arrivée à Genève ! C’était pour Così fan tutte, le troisième opéra du cycle Mozart-Da Ponte. Et je suis revenu en 2001 pour Jenůfa, une œuvre qui n’avait pas été donnée à Genève depuis longtemps. À l’époque, c’était Renée Auphan qui avait absolument voulu proposer une œuvre de Janáček avant de quitter son poste de directrice.

BP C’est donc votre mise en scène des Noces de Figaro qui inaugure cette nouvelle saison du Grand Théâtre, une production qui a été créée il y a déjà pas mal de temps. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’his-toire de cette mise en scène et le contexte dans lequel elle a vu le jour ?

GJ C’était à l’orée de ma carrière. J’ai fait mes débuts à l’opéra avec La Cenerentola pour l’Opéra des Flandres à Anvers et après la première, Marc Clémeur, l’inten-dant de l’époque, m’a proposé dans la foulée de faire la trilogie Mozart-Da Ponte. On a commencé par Don Giovanni que l’on a situé dans la période du mythe de Don Juan en le plongeant dans une atmosphère rococo.

> le nozze di figaro de Wolfgang Amadeus Mozart DIRECTION MUSICALE Stefan Soltesz MISE EN SCèNE Guy Joosten LE COMTE ALMAVIVA Bruno Taddia LA COMTESSE Malin Byström SUSANNA Nataliya Kovalova FIGARO David Bižic CHERUBINO Maria Kataeva Au Grand Théâtre 9 | 11 | 13 | 15 | 17 | 19 septembre 2013

Après Le Barbier de séville en début de saison précédente, le Grand Théâtre rouvre ses portes

avec toute la fraîcheur, l’humour et la modernité du théâtre de Beaumarchais qui cette fois-ci est passé

entre les mains ingénieuses de Mozart et Da Ponte. Entretien en compagnie de Guy Joosten, metteur

en scène, et Daniel Dollé, dramaturge et conseiller artistique du Grand Théâtre de Genève.

« Chérubin va apprendre que pour être quelqu’un, il doit

participer à ce jeu, c’est-à-dire jouer un rôle, se masquer. »

« la rupture n’appartient pas à l’esprit de l’œuvre conçue

par Mozart et da ponte. »

« toutes les idées, tous les projets et toutes les démarches

des personnages sont placés dans une fausse perspective. »

par Benoît Payn

Une folle rentrée Perspectives sur les Noces de Guy Joosten

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On s’est ensuite attaqué aux Noces de Figaro que l’on a fait se dérouler dans un temps pas vraiment défini, avec la volonté de ne pas forcément reprendre la période choisie par Beaumarchais, soit celle qui précède de peu la Révolution française. Et le dernier volet Così fan tutte s’est tenu dans un cadre plus moderne. En étant atten-tif aux contenus de ces différents opéras, on assiste tout d’abord dans Don Giovanni à la disparition de la grande aristocratie avec la mort du Commandeur. Ensuite, c’est la bourgeoisie qui perd son influence et son pou-voir dans Les Noces de Figaro. Et dans Così fan tutte, on a affaire à une société encore plus moderne, qui ne s’occupe que de ses propres problèmes et ses propres émotions. Voici donc l’idée directrice de ce cycle qui n’a d’ailleurs pas encore été présenté dans son intégralité. La création des différents opéras s’est échelonnée sur plusieurs années, occasionnant un grand tour d’Europe, de Lisbonne jusqu’à Helsinki et de Londres jusqu’à Genève ! Malheureusement, le Don Giovanni a disparu après les représentations données à l’English National Opera. La maison d’opéra londonienne a gardé les dé-cors qui furent détruits suite à des questions de contrats et de droits d’auteur. Je suis maintenant très heureux d’avoir la possibilité de pouvoir enfin présenter le cycle complet avec une nouvelle version de ce Don Giovanni qui est présentée en septembre à Saint-Gall et sera re-prise en juin 2014 à Anvers.

BP Ce sera donc un Don Giovanni entièrement remanié ?

GJ Non pas forcément car vingt ans plus tard, on a évi-demment tiré de nombreux enseignements des diffé-rentes reprises de ces productions. Par contre, une idée subsiste : Don Giovanni est un mythe théâtral, une créa-ture qui n’existe que sur une scène de théâtre. On a éga-lement retenu cette époque rococo pour les costumes.

BP Daniel Dollé, pourquoi parmi les très nombreuses productions des Noces avoir choisi celle-ci ?

Daniel Dollé Je crois qu’avec notre directeur, c’était la vision qui nous semblait la plus coller avec ce que l’on voulait montrer durant cette saison. On a évidemment vu plusieurs mises en scène des Noces de Figaro – la liste est longue ! – mais c’était celle qui nous semblait la plus juste du point de vue de notre programmation. Dans cette production, il y a quelque chose de très actuel et même de révolutionnaire, dans le sens où la saison du Grand Théâtre est cette année ancrée dans un siècle mar-qué par de nombreux changements et de nombreuses révolutions. Les Noces de Figaro, c’est la vision de ce qui va se passer durant la Révolution française. Plutôt que de se tourner vers un spectacle qui cherche à inscrire cette œuvre dans une sorte d’histoire de l’opéra, nous avons

Une folle rentrée Perspectives sur les Noces de Guy Joosten

(ci-dessus)

Cette production a été créée au Vlaamse Opera en 1995, reprise en 1999 et 2007. (page de gauche)

Guy Joosten pendant les répétitions des Nozze di Figaro au studio stravinski cet été.

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opté pour une production qui avait cette coloration et ce quelque chose qui nous est très proche. À mon avis, cette œuvre reste d’ailleurs un ouvrage indémodable, une œuvre qui n’a pas d’équivalent. Il me semble que si l’on s’y intéresse plus en détail, il n’y a pas d’autre opéra où les récitatifs sont aussi significatifs et possèdent autant d’importance que dans Les Noces.

GJ Tout le sens dramatique, toutes les péripéties du drame sont en effet annoncés dans les récitatifs et conclus par des airs ou des ensembles. Toutes les idées et toutes les intrigues proviennent et naissent de ces récitatifs. Cela est aussi dû au fait que parmi cette trilogie, Les Noces est le seul ouvrage qui se base sur une pièce de théâtre, et non sur une forme musicale. Ce n’est pas une dramaturgie musicale qui est à l’origine de l’œuvre mais bel et bien une pièce de théâtre. Mozart et Da Ponte ont vraiment utilisé ce texte, ce qui explique l’importance du verbe dans cet opéra.

DD Oui, très souvent lorsque l’on a affaire à un opéra qui alterne entre récitatif et air, il y a une vraie rupture. Or ce n’est pas le cas dans Les Noces. L’air ou l’ensemble démarre dans la continuité du récitatif. Le Durchkomponieren – ce procédé de composition qui privilégie une forme musi-cale continue et sans répétition, apparu au XIXème siècle avec Wagner – existait déjà chez Mozart.

GJ Absolument. Ce sont des gens de théâtre et c’est une «  folle journée ». Le fait que le rythme de la pièce soit continu était sans aucun doute un aspect extrêmement important pour eux. Il n’y a pas tellement de moments de réflexion, même les airs sont composés dans un sens très dramatique, dans le sens où ils expriment très clai-rement la situation dramatique du personnage à un mo-ment bien précis et ne sont pas une réflexion sur les évé-nements passés, sauf dans le dernier acte où les person-nages commencent à comprendre qu’en se perdant dans des intrigues, ils n’ont pas atteint leur objectif. Cette dynamique est également très importante dans notre conception de l’œuvre car on ne voulait notamment pas faire de pause pour les changements de décors car la rupture n’appartient pas à l’esprit de l’œuvre conçue par Mozart et Da Ponte.

DD Il y a encore autre chose qui m’interpelle. Quand on connaît la pièce précédente de Beaumarchais, on retrouve, en dehors de Suzanne qui n’est pas encore pré-sente, un certain nombre des personnages du Barbier de Séville dans Les Noces. Quand on voit le Comte Almaviva prêt à tout pour conquérir Rosine, la future Comtesse, on retrouve un tout autre personnage dans Les Noces. Cette évolution des personnages est frappante puisque

maintenant on imagine le Comte en train d’escalader le balcon de Suzanne. Est-ce qu’il y a quelque chose de l’ordre de l’usure dans cette relation intense qui a eu lieu lors du premier épisode ou est-ce que c’est induit par un contexte ou par une lassitude ?

GJ Je pense aussi que la rupture est due au fait que le Comte commence à perdre peu à peu son pouvoir, son aura mais aussi la façon dont il organise son monde. On ne doit pas oublier que sa réussite, il la doit à Figaro. Au dé-but des Noces, les deux anciens partenaires se retrouvent d’emblée dans une relation de concurrence. Figaro est totalement bouleversé par le fait que cet ami, le Comte, devienne quelqu’un qui veut profiter de sa femme, le jour même de son mariage… Figaro en devient fou !

DD Est-ce que dans Chérubin, on ne voit pas encore ap-paraître un nouveau Comte ?

GJ Et même avec toute la jeunesse. Il y a une nouvelle génération qui apparaît dans cette pièce, incarnée par Chérubin et Barberine. Je pense que cette jeune fille n’est pas mal non plus : arrêtons-nous brièvement sur la manière dont elle parvient à tenir tête au Comte, c’est du jamais vu ! Ce sont de jeunes gens qui sont en train de perdre leur innocence car ils sont entourés par une so-ciété qui est impatiente, déboussolée et bouleversée par ses émotions et ses intrigues. Cette nouvelle génération constate que pour exister, elle doit faire la même chose, se lancer dans le même jeu, sans quoi elle est perdue. En étant aussi vulnérable que Chérubin qui cherche dès le 1er acte des réponses à des questions existentielles, l’on se retrouve dans une situation de faiblesse dont les autres personnages tirent profit. Chérubin va apprendre que pour être quelqu’un, il doit participer à ce jeu, c’est-à-dire jouer un rôle, se masquer – ce que plusieurs personnages font dans cette pièce : Chérubin se travestit en femme, la Comtesse en Suzanne et vice versa.

DD Je crois que c’est là l’une des raisons de la modernité de cette œuvre. Forcément, une histoire évolue selon les époques et les contextes dans lesquels elle est représen-tée. Mais le malaise d’une jeunesse, on l’a vu hier, on le voit aujourd’hui et on le verra encore demain. Et sans être Docteur Freud au chevet des Noces, il y a quand même un certain nombre d’archétypes et de fonctionne-ments humains qui interpellent dans cet opéra.

GJ C’est très clair. Au début de l’opéra, une situation est mise en place par les auteurs. Après son premier air, Figaro a saisi les plans du Comte et veut sa revanche. Mais il ne sait pas comment il va procéder et doit donc encore

(ci-dessus)

Guy Joosten donne ses indications de mise en scène à la nouvelle distribution de

cette production : (photo de gauche, de

gauche à droite) elisa Cenni, maria Kataeva,

David Bižić, piet Vansichen et Nataliya Kovalova.

(photo de droite,

de gauche à droite) Johanna Rittiner-sermier, maria Kataeva et Victoria

martynenko.

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concevoir sa propre stratégie. Mais en lisant le livret de Da Ponte et en écoutant l’air composé par Mozart, on se rend bien compte que sa stratégie n’est pas encore au point («  Saprò… ma piano  » / «  Je saurai… mais doucement  »). Puis apparaissent Bartholo et Marceline, qui –  on ne le sait pas encore – sont en fait les parents de Figaro. Dans le premier récitatif de Marceline, durant lequel elle explique son plan, on retrouve la même complexité que dans l’air de vendetta de Bartholo, qui lui aussi annonce ce qu’il va faire, sans pour autant avoir de tactique particulière. En lisant les paroles de cet air, on reste perplexe. La généalo-gie entre les trois personnages est déjà donnée par cette façon commune d’envisager leur propre vengeance.

BP Vous avez décidé de faire se dérouler cette « folle journée » dans une serre, un décor somme toute assez original. Quels sont les enjeux d’un tel décor ?

GJ C’est tout d’abord une fausse perspective. Toutes les idées, tous les projets et toutes les démarches des per-sonnages sont placés dans une fausse perspective, ce dont les personnages ne se rendent compte qu’à la fin de l’opéra. Deuxièmement, il y a toujours une sorte de contrôle social tout au long de l’œuvre. Les personnages ne sont jamais vraiment à l’aise puisqu’ils sont toujours observés par d’autres personnages qui font irruption sur scène, qui regardent au travers des fenêtres, etc. Et finalement, il y a la nature qui s’impose petit à petit en envahissant le décor. Au sol, ce sont des herbes qui poussent peu à peu, ce qui donne déjà une impression de dégradation. À la fin, c’est la nature qui occupe com-plètement tout l’espace alors que les intrigues explosent et les émotions sont libérées – là où on entend les airs les plus intimes de l’opéra, les airs les plus réfléchis : les deuxièmes airs de Suzanne et Figaro.

DD Ce décor m’a toujours fait penser à un monde qui disparaît progressivement. On fait face à quelque chose de solide mais qui, on le sent, est en voie de devenir une ruine. Une sorte de cheminement vers l’érosion.

BP À vous entendre, on perçoit bien toute la profon-deur et le potentiel d’interprétation que recèle Les Noces de Figaro. Cette œuvre, tout comme les deux autres volets de la trilogie Mozart-Da Ponte, doit cer-tainement avoir une signification particulière pour un metteur en scène…

DD À propos de cette profondeur, je crois que les Noces font partie de ces œuvres que l’on ne finira jamais d’ex-plorer. Dans mon expérience de vie lyrique, je n’ai jamais réussi à m’ennuyer dans les Noces, même lorsque je suis sorti d’un spectacle en me disant que je n’avais pas aimé cette mise en scène. Il y avait toujours quelque chose qui m’interpelle, ce qui n’est pas forcément le cas lorsque j’assiste à une représentation d’Il Trovatore ou d’autres ouvrages de Verdi.

GJ Cette trilogie représente bien sûr quelque chose de particulier pour moi car dans mon cas, monter et re-monter ces œuvres m’a pris un quart de siècle de ma vie. Comme je suis également professeur, je suis aussi toujours confronté à cette trilogie dans le cadre de mon travail avec les jeunes chanteurs qui viennent souvent avec ces partitions de Mozart-Da Ponte. Je découvre sans cesse de nouveaux éléments, ce qui m’a bien sûr en-couragé à venir ici en personne pour cette reprise. Je ne voulais pas laisser cette production dans les mains d’un assistant car en additionnant ma propre vision, celles des chanteurs engagés dans le projet et les découvertes qui découlent des interactions au sein de cette nouvelle distribution, l’interprétation de l’œuvre évolue forcé-ment et le résultat peut s’avérer très intéressant. D’autre part, j’ai toujours trouvé que Mozart et Da Ponte étaient présents lors des répétitions et qu’à la fin, c’était à eux de juger du résultat. Cette sensation émane très fortement lorsque j’aborde l’une de leurs œuvres communes. Pour les interprètes, il n’est pas nécessaire de combler les vides, par contre il faut explorer la partition et le texte pour trouver des nouveautés et ensuite cela fonctionne ou pas. Il y a une certaine rigidité à ce niveau. Je dois encore ajouter que le deuxième finale des Noces est pour moi l’un des plus beaux moments du répertoire lyrique. J’y trouve la musique, la dramaturgie, la composition des portraits des personnages, la dimension dramatique, etc. tout y est, tout est presque parfait ! Si c’était absolument parfait, je ne pourrais pas y toucher. Or il y a toujours quelque chose à découvrir.

(ci-dessus, à gauche)

Bruno Taddia (Le Comte Almaviva) et malin Byström (La Comtesse) en pleine explication conjugale tandis que Nataliya Kovalova (susanna) se détend.(ci-dessus)

David Bižić (Figaro) fait face à Bruno Taddia (Le Comte Almaviva).(ci-contre)

Nataliya Kovalova (susanna) et malin Byström (La Comtesse) semblent avoir trouvé une parfaite entente.

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r apidement, Richard Wagner avait dépassé le stade d’un ouvrage essentiellement ré-volutionnaire qui montre l’effondrement du vieux monde et l’avènement d’une so-ciété d’avenir grâce à un héros socialiste,

né pour abolir le capital et la loi.

peut-être l’œuvre la plus populaire…L’écoute de La Walkyrie ne nécessite pas la connaissance du prologue, alors que les deux journées suivantes sup-posent une assimilation du drame qui s’est développé dans les trois actes de La Walkyrie. Si à cela, on ajoute que de nombreux passages de cette œuvre sont devenus des « tubes » popularisés par le cinéma ou simplement par certains programmes de concerts symphoniques, on comprend aisément le succès de l’ouvrage, pour lequel l’écriture musicale et orchestrale ainsi que la publicité ont largement contribué à sa popularité. Des préludes orchestraux avec une forte identité marquent facilement le spectateur et imprègnent sa mémoire auditive : l’orage au premier acte, l’arrivée guerrière de Wotan au deuxième et la « Chevauchée des Walkyries » au troisième. Malgré cette apparente hétérogénéité, l’œuvre n’est jamais dis-parate et les différents actes sont liés entre eux par des thèmes communs. L’Or du Rhin, La Walkyrie, ainsi que les premiers actes de Siegfried ont vu le jour dans un seul élan entre 1853 et 1854, pendant l’exil suisse de Wagner. Entre Siegfried et Le Crépuscule des Dieux viendra l’intermède de Tristan et Iseult, une autre œuvre qui parle d’amour inter-dit et de mort, mais également, Les Maîtres chanteurs de Nuremberg. Malgré cela, il existe entre les quatre ouvrages une incroyable continuité.On pourrait qualifier La Walkyrie de l’œuvre la plus hu-maine de la Tétralogie. Au premier acte, Richard Wagner cède à la mélodie et au lyrisme grâce au diatonisme. On se-rait presque tenté de parler de bel canto italien, il suffit pour cela d’écouter « Winterstürme wichen dem Wonnemond » (Mai chassa les tempêtes de l’hiver), le seul air de l’opéra. Le célèbre lied de Siegmund s’élève au-dessus d’un style vocal subordonné au poème. À ce chant, Sieglinde répon-dra délirante de désir, « Du bist der Lenz, nach dem ich ver-lange » (Tu es le printemps auquel j’aspirais).N’oublions pas l’importance des harpes, du cor anglais, deux instruments de l’amour, et les figures arpégées de l’orchestre qui contribuent largement au lyrisme de l’ou-vrage, élément déterminant du succès de La Walkyrie.

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En route vers la délivrance

Première journée du Ring

(ci-contre)

La maquette de l’arbre qui trône au centre du premier

acte de Die Walküre.

par Daniel Dollé

> die Walküre de Richard Wagner DIRECTION MUSICALE Ingo Metzmacher MISE EN SCèNE Dieter Dorn

DéCORS & COSTUMES Jürgen Rose BRüNNHILDE Petra Lang WOTAN Tom Fox SIEGLINDE Michaela Kaune SIEGMUND Will Hartmann FRICKA Elena Zhidkova HUNDING Günther Groissböck Au Grand Théâtre 7 | 10 | 13 | 16 novembre 2013 14 | 21 mai 2014 (pendant les cycles complets du Ring)

Combien de temps s’est écoulé entre L'Or du Rhin et La

Walkyrie ? Combien de temps les Dieux ont-ils vécu un faux

bonheur dans le déclin ? Nul ne saurait le dire, il s’agit d’un

temps indéfini. Avec les trois journées qui suivent

le temps se précipite. Avec La Walkyrie, la première

journée de la trilogie après L'Or du Rhin, son prologue,

unique dans l’histoire de l’art lyrique, nous pénétrons

dans le vif du sujet. Il s’agit probablement de l’œuvre la

plus populaire et la plus jouée isolément de

L'Anneau du Nibelung.

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Aucun autre volet de la Tétralogie n’offre un éventail aussi large d’atmosphères et de contrastes. « Quelle fée-rie ! Quelle musique ! Quelle douceur d’orchestration ! C’est pénétrant ! », s’exclamera Jules Massenet, en 1883, en entendant l’œuvre à Bruxelles.

La MoRt de SiegFRied ne suffit plus à Wagner…La Mort de Siegfried, le grand opéra héroïque en trois actes, conçu comme un drame cosmogonique, se transforme et amène Richard Wagner à écrire Le Jeune Siegfried en 1851 afin de préparer La Mort. En 1852, il écrit La Walkyrie, pour annoncer Le Jeune Siegfried, et enfin il rédige L’Or du Rhin qui sera le prologue des trois précédentes œuvres. Il aborde ainsi un autre aspect de sa philosophie, l’antagonisme entre l’or et l’amour, la volonté de puissance égoïste et l’altruisme. Alors que le règne des Dieux était à jamais assuré dans la première version (1848), dans la version définitive, Wotan et les Dieux finissent leur règne dans les ténèbres du néant en laissant le champ libre à l’humanité, peut-être affranchie de la malédiction de l’or.À la fin de L’Or du Rhin, le rideau est tombé sur Wotan, gardien des lois et prisonnier des contrats sur lesquels il bâtit sa puissance. Pour retrouver la liberté, il fonde son espoir sur un couple humain, Siegmund et Sieglinde, qu’il a engendré avec une mortelle, en prenant le nom de Wälse (Loup – Wolf). Pour s’affranchir de la faute originelle, il donne naissance à un frère et une sœur, tout comme son alter égo, Alberich a engendré un fils, Hagen, qui devrait récupérer le trésor, l’anneau et le heaume magique.Le frère et la sœur grandissent dans la douleur et l’an-goisse. Sieglinde est mariée à un époux qu’elle n’aime pas, Hunding (Chien – Hund) et Siegmund traverse les pires épreuves, poursuivi, entre autres, par Hunding et ses hommes. Ils vont se rencontrer, s’enflammer d’un amour coupable et de leur union incestueuse va naître Siegfried. Gaston Bachelard qui a peu parlé de l’œuvre wagnérienne, évoque la rencontre, l’union des enfants du loup, de Siegmund et de Sieglinde dans La Terre et les rêveries du repos : « Le feuillage est un toit, au-dessus du toit. Comment une telle demeure ne vivrait-elle pas comme un arbre, comme un mystère redoublé de la fo-rêt, recevant les saisons de la vie végétale, sentant frémir la sève dans l’axe de la maison ? Aussi, quand l’heure du bonheur sonnera, appelant Siegmund [Siegfried dans le

texte original de Bachelard] vers l’épée, la porte au loquet de bois s’ouvrira par la seule fatalité du printemps… » Car ne l’oublions pas, dans la demeure de Hunding se trouve un vieux frêne dans lequel un vieillard (Wotan) était venu planter une épée, cette épée qu’il avait em-portée au Walhalla et qui deviendra le cadeau du père à son fils et du grand-père à son petit-fils. Par l’arbre et par l’étreinte, Siegmund et Sieglinde participent à la vie créa-trice du monde. Ils saluent leur Désir, et l’épée Nothung qui glisse hors du frêne devient l’écho de l’étreinte et du couple sous l’arbre cosmogonique. Seul Siegmund est parvenu à dégager l’épée du frêne où elle était enfoncée. Au destin des Wälsungen correspond le schéma Terre – Frêne – Feu, à celui de Brünnhilde Air – Sapin – Feu, un arbre à feuilles caduques et un arbre à feuilles persis-tantes des paysages alpestres.La Loi dont Wotan est le garant condamne Siegmund, et sa fidèle épouse Fricka ne manque pas de le lui rappeler. Il doit faire périr son fils. C’est sa fille chérie, Brünnhilde qu’il charge de frapper le héros. Elle désobéit à son père qui, d’un coup de lance, brise l’épée qu’il lui avait, jadis, destinée. Il immole son fils et doit à présent châtier sa fille. Par un baiser, elle perd sa nature divine et redevient une femme à la merci du premier venu. Il abandonne sa fille sur un rocher, sous la garde du feu. Il a couché au tombeau son rêve de puissance, et Wagner ajoute : « Il s’élève sur les tragiques sommets du renoncement jusqu’à vouloir son anéantissement. » Il a renoncé aux pommes de l’éternelle jeunesse, de la Déesse Freia. Son crépuscule ne l’effraye plus, il consent à la mort inévitable, il sait que tout ce qui est doit naître, grandir, aimer et mourir. Il lui reste à par-courir le monde sous les traits d’un Voyageur avec l’espoir que l’homme prendra la succession des Dieux.

la suisse BerCeau de La WaLkyRie…Le 24 septembre 1848, un concert est organisé pour célébrer le 300ème anniversaire de la Königliche Kapelle. Wagner propose des extraits de Lohengrin qui sont ac-cueillis froidement. Dans sa biographie, Ma Vie, il écrit : « Je me désintéressai de tout ce qui aurait pu consolider ma place de Kapellmeister à Dresde, et me vouai entiè-rement à la conception de projets artistiques dont la réa-lisation concrète n’était même pas imaginable dans les institutions théâtrales de l’époque.Je me mis donc à exécuter un projet auquel je réflé-chissais depuis longtemps sans oser le réaliser : La Mort

« les fleurs parfumées naissent à chaque pas, et l’orchestre comme une mer infinie, berce les deux amants avec ses flots magiques. »CaMille saint-saëns

(ci-dessus, à gauche)

Le baiser de siegmund et de sieglinde (Cycle wagnérien, La Walkyrie)Mariano Fortuny, 1928 Venise, Palais Fortuny Tempera sur bois

(à droite)

La Révélation (Brunhilde découvrant Siegmund et Sieglinde)Gaston Bussière, 1894 Musée Thomas-Henry, Cherbourg Huile sur toile ©

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nique. En 1852, il rencontre les époux Wesendonck suite à l’exécution d’une symphonie de Beethoven qu’il diri-geait. Le compositeur s’installe à la campagne pour tra-vailler au livret de La Walkyrie et entreprend une longue randonnée pédestre : « Je commençai mon excursion par Alpnach sur le lac des Quatre-Cantons ; je voulais la faire tout entière à pied en suivant un parcours qui contournait les points principaux de l’Oberland bernois et empruntait des sentiers alpins peu fréquentés. Je pro-cédai de façon assez systématique et fis, entre autres, l’ascension du Faulhorn, dans l’Oberland bernois, qui était assez difficile à cette époque. Par la vallée du Hasli, j’arrivai ensuite à l’hospice du Grimsel et m’informai au-près de l’aubergiste, homme de robuste apparence, sur les moyens d’escalader le Siedelhorn. »Avant de se lancer dans la composition de L'Anneau du Nibelung, il fait un grand voyage en Italie, c’est là que naît le prélude orchestral de L’Or du Rhin. « À mon retour [de promenade] l’après-midi, je m’étendis fourbu, sur un ca-napé très dur, attendant le sommeil si désiré. Il ne vint pas. Je sombrai en revanche dans un état somnambulique pendant lequel il me sembla que soudain je m’enfonçais dans un rapide courant d’eau. Le bruissement se trans-forma bientôt en un son musical : c’était un accord de Mi bémol majeur qui se diffractait en vagues sonores inin-terrompues ; puis ces vagues devinrent des figures mélo-diques dont le mouvement allait en s’amplifiant, mais jamais l’accord parfait de Mi bémol majeur ne se modi-fia, et son immuabilité semblait donner une signification profonde à l’élément liquide dans lequel je m’abîmais. Je reconnus immédiatement le prélude orchestral de L’Or du Rhin tel que je le portais en moi sans être parvenu en-core à lui donner une forme. En même temps, je compris la singularité de ma nature : c’était en moi-même que je devais chercher la source de vie et non au-dehors. »Il retourne à Zurich pour la composition de son grand poème : « Je me plongeai complètement dans mon tra-vail. Le 26 septembre, j’achevais la copie au propre de la partition de L’Or du Rhin. Puis, dans la paisible soli-tude de ma maison, je pris connaissance d’un livre dont l’étude devait être pour moi de la plus haute importance. Je veux parler du Monde comme Volonté et Représentation d’Arthur Schopenhauer. » Il semblerait cependant que Wagner connaissait la pensée de Schopenhauer depuis 1852, ce qui impliquerait que le livret de La Walkyrie aurait été rédigé à la lumière de cette philosophie, et c’est sur les bords du lac des Quatre-Cantons qu’il ins-trumente La Walkyrie.

HojotoHo…Et si c’était dans les montagnes suisses que Wagner aurait trouvé l’inspiration du fameux Hojotoho que pousse Helmwige lors de son entrée au troisième acte ? Ce Hojotoho que Philippe Fénelon a cité dans la créa-tion mondiale de JJR (Citoyen de Genève), au mois de septembre 2012. Rien ne permet de l’affirmer avec cer-titude, mais en relisant certaines didascalies de la main de Wagner, on ne peut que songer aux paysages alpestres suisses et au jodle. « Au sommet d’une montagne ro-cheuse. À droite, un bois de sapins limite la scène. À gauche, l’entrée d’une cavité rocheuse qui forme une salle naturelle : au-dessus le rocher s’élève jusqu’à sa pointe sommitale. Au fond, la vue est entièrement déga-gée ; des blocs de rocher plus ou moins élevés forment le rebord du versant qui, comme on peut s’en douter,

de Siegfried. Ce faisant, je ne pensais ni au théâtre de Dresde ni à aucun autre théâtre royal ; la seule chose qui comptait pour moi était de m’engager dans une entre-prise qui m’éloignerait une fois pour toutes de ce monde absurde. Comme il n’y avait plus moyen de m’adresser à Röckel, je lus mon poème à Eduard Devrient, la seule personne avec qui je puisse m’entretenir encore de question de théâtre et d’art dramatique. […] Il me fit re-marquer qu’avant de voir Siegfried et Brünnhilde se dé-chirer, il fallait avoir connu auparavant le bonheur sans nuage qu’ils avaient vécu autrefois. J’avais, en effet, fait débuter le poème de La Mort de Siegfried par des scènes qui forment aujourd’hui le premier acte du Crépuscule des Dieux, et tout ce qui concerne la liaison antérieure de Siegfried et de Brünnhilde était seulement relaté, à l’intention du spectateur, dans un dialogue à la fois lyrique et épique entre l’épouse du héros abandonnée et de la troupe de Walkyries passant devant son rocher. L’observation d’Eduard Devrient me donna immédiate-ment l’idée d’ajouter les scènes qui composent mainte-nant le prologue du drame… »La situation politique à Dresde se complique. Il décide de quitter la ville, mais rapidement il retourne à Dresde afin de suivre les évènements de près. Il échappe mira-culeusement à la prison et se rend à Weimar auprès de Franz Liszt. Il se rend à Paris en passant par Lindau, Zurich et Strasbourg, sans être inquiété par la police. « Depuis mon entrée en Suisse jusqu’à mon arrivée à Paris, mon humeur apathique et comme engourdie avait fait place à une gaieté et à un bien-être que je ne connais-sais pas encore. Je me sentais comme un oiseau heureux de n’être pas condamné à périr dans un marais. » Il ap-prend l’échec des derniers soubresauts révolutionnaires en Allemagne et que sa femme, Minna, ne lui écrirait plus. Ses nouvelles conceptions artistiques, ses choix dans la catastrophe de Dresde étaient le fruit de ses nou-velles erreurs auxquelles Minna ne pouvait pas sous-crire. Le 6 juillet 1849, Wagner part s’installer à Zurich alors que Minna exprime le désir de revivre avec lui. Mais c’est pour les époux Wagner le retour des années difficiles. Wagner accepte de retourner à Paris. Après de nouvelles péripéties à Bordeaux et à Montmorency, il re-tourne en Suisse où il fait de longues excursions dans les montagnes en compagnie du jeune Karl Richter. Il reçoit également une lettre de rupture de Jessie Laussot, ren-contrée à Bordeaux. Elle rompt avec lui toute relation, car elle est convaincue qu’elle a été manipulée par un séducteur professionnel.En juillet 1851, Wagner entreprend de longues randon-nées alpestres, il souffre d’une maladie nerveuse chro-

(ci-dessus)

Dieter Dorn, Jürgen Rose, leur équipe de production, les équipes techniques du Grand

Théâtre, les dizaines de figurants pendant les essais scéniques de Die Walküre

en mai dernier.

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réussi son drame. Avec Cosima, l’enfant terrible de Liszt, de vingt ans plus jeune que lui, il trouve le dernier amour qu’il considère comme une tragédie qui le rajeunit. En 1865 naît Isolde, en 1867 naît Eva, puis Siegfried en 1869, ce qui ne l’empêche pas de courtiser Judith Gautier qu’il considère comme « le superflu enivrant ». C’est dans une soierie offerte par Judith qu’il meurt avec l’obsession du tragique et de l’amour. Mais les a-t-il connus ?Les couples chez Richard Wagner sont des couples pré-caires qui, pour la plupart, bravent les interdits, comme lui même. Les femmes, chez le compositeur, appa-raissent toujours accompagnées. La force explosive des couples se situe dans la problématique morale. Leur relation est considérée comme socialement illégitime, voire inacceptable, mais toujours douteuse. Elle se si-tue en dehors des normes sociales. Wagner, toujours à l’image de ses héros, est conscient des nombreuses rela-tions possibles entre hommes et femmes, et différentes de celles officiellement institutionnalisées. Grâce aux moyens artistiques, il transpose ces relations délicates dans la sphère idéale. Avant l’heure, il procède à ce que Siegmund Freud appellera la sublimation. Ces couples, qui remettent en cause la morale bourgeoise, vont ins-pirer rapidement les peintres. Gaston Bussière présente Brünnhilde dans les bras de Wotan (en haut, ci-contre), victime de sa propre logique au moment des adieux. Ils sont placés dans un décor inhospitalier et montrent une relation sans issue, probablement une relation inces-tueuse qui ne peut aboutir qu’à la chute. Max Beckmann, avec son tableau Die Geschwister (Frère et sœur) (en-des-

sous) représente Siegmund et Sieglinde qui illustrent la négation des normes sociales bourgeoises de l’époque. L’épée, un héritage de Wotan, n’est plus un symbole phallique, ni guerrier. Elle devient le symbole du tabou de l’amour incestueux, du tabou de la civilisation, cruel mais indispensable. Siegmund et Sieglinde illustrent ce qui est possible et pourtant impossible, humainement conforme et socialement non-conforme.En frappant le roc de sa lance, Wotan appelle Loge, le de-mi-dieu du feu. Une flamme jaillit, et entoure le rocher d’une ceinture de feu. Les yeux de la vierge guerrière se sont fermés et ne se rouvriront que pour l’heureux mortel qui viendra la conquérir. Brünnhilde avait cru agir selon la pensée intime et le secret désir de Wotan en protégeant le Wälsung. Privée d’essence divine, bannie, elle sera désormais l’esclave de l’amour. Il convient éga-lement d’évoquer Grane, son fidèle compagnon et meil-leur ami, le cheval de la Walkyrie. Condamné avec elle, réveillé avec elle, il finira immolé par le feu comme elle. Grani, choisi par Sigurd dans les écuries du roi Hjalpcek, joue presque un rôle identique, mais il ne l’accompa-gnera nullement lors de son dernier voyage. Serait-il le symbole de l’amour et de la fidélité : l’Anti-Anneau ?Sieglinde qui porte un Wälsung en son sein, encouragée par Brünnhilde, a fui dans la forêt où vit Fafner qui veille sur le butin et où Wotan ne s’aventure jamais. Elle em-porte avec elle les tronçons de l’épée brisée par Wotan. Elle armera le bras du « héros sublime entre tous », Siegfried, inaccessible à la crainte. Au cours de son par-cours initiatique, il viendra conquérir celle qui chantait la gloire des héros morts aux combats. Brünnhilde et les Walkyries sont les véhicules de la mélodie naturelle et peuvent être assimilées à la nature, une réponse aux aspirations du compositeur. Il rejoint en cela Rousseau, si on en réfère à Opéra et drame (1851). DD

descend en une pente abrupte vers le fond. » : lorsque le compositeur parle du rocher de Brünnhilde  on ne peut que songer à l’admiration du compositeur pour les paysages suisses, ainsi qu’à la fameuse scène de la Gorge-aux-Loups du Freischütz de Carl Maria von Weber. Mais n’est-il pas vrai que Wagner reste un compositeur romantique ? Lorsqu’il compose la célèbre « Chevauchée des Walkyries », le compositeur était en exil en Suisse, un pays qui lui paraît un havre de paix favorable à la quié-tude et à la composition de son œuvre. Aussi, on peut affirmer sans hésitation que La Walkyrie est née dans les montagnes suisses et que les « Hojotoho » reprennent les principes du jodle. La nature suisse constituait pour l’exilé, pour le compositeur confronté à des périodes dif-ficiles, une délivrance, un remède contre les maux des années 1850. Au sombre monde des villes industrielles, Wagner oppose la splendeur des montagnes suisses : « Au premier regard qui me fit reconnaître son image hideuse [Paris], je la repoussais comme un spectre, c’est-à-dire que je m’enfuis en toute hâte dans les montagnes fraîches des Alpes suisses pour au moins ne plus devoir respirer l’odeur pestilentielle de la Babylone moderne. » (Richard Wagner, Une communication à mes amis, 1851)

à l’iMage des ses Héros…« Toute œuvre d’art est une confession », a dit Goethe. Il poursuit dans son Torquato Tasso : « Un dieu me don-na le pouvoir de dire ce que je souffre. » Tous les héros sont Wagner lui même. Lorsqu’il épouse Minna Planer, il recherche le foyer maternel où la mort avait fauché son père lorsqu’il était bébé. Ni le Hollandais, ni Tannhäuser ne parviendront à s’intégrer à la vie. Wagner ne trouve pas la solution du problème qui le hante avec Lohengrin, l’équi-libre de la chair et de l’esprit, de la passion et de la volonté. Pour asseoir sa domination sur terre, Wotan a promis la Déesse de l’amour, Freia, aux Géants. Comme Alberich, il a en quelque sorte renoncé à l’amour, il a sacrifié l’amour. Avec Alberich, il ne représente qu’un appétit de puissance. Wagner prenait l’argent chez les amis, tels que Liszt, Otto Wesendonck et pour finir chez un roi fou. Lorsque le poème de L’Anneau du Nibelung est terminé, Richard Wagner a besoin de trouver le « stimulant vivant pour atteindre l’état d’âme d’où jailliront les motifs de son œuvre. » Avant chaque rencontre, le compositeur pourrait écrire : « Je suis amoureux, il ne me reste plus qu’à trouver de qui. »Mathilde Wesendonck a vingt-quatre ans. Elle et son mari, un riche négociant en soieries, sont installés à Zurich. Ils aiment la musique et accueillent Richard Wagner qui vient les voir chaque soir. Mathilde est une Isolde brune, il l’initie à son œuvre et à son art. Les relations se font de plus en plus intimes. Elle l’écoute comme Brünnhilde écoutait Wotan. Ce fut une trêve ex-quise sur l’âpre chemin de son existence agitée. Devant l’abîme aux bords duquel Mathilde et Richard sont ar-rivés, ils optent pour le renoncement total et définitif. L’âme meurtrie, Wagner quitte l’Asile pour Venise, dans la solitude, il va chercher l’apaisement et la guérison. Les amours interdites semblent le fasciner. Plus tard, le com-positeur s’éprendra de Cosima, la fille de Liszt, la femme de son ami et chef d’orchestre, Hans von Bülow. Cosima savait qu’il était possible de venir en aide à Wagner, et elle s’est exposée à toutes les condamnations pour le se-courir. Avec elle, il passera à Triebschen les six années les plus heureuses de sa vie. Avec Isolde-Mathilde, Wagner a

(ci-dessus, en haut)

L’Adieu à Wotan Gaston Bussière, 1895 Mâcon, Musée des UrsulinesHuile sur toile

(en-dessous)

Frère et sœur Max Beckmann, 1933 Berlin, collection privéeHuile sur toile

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M. Ernest Reyer […] est l’un des compo-siteurs les plus doués de cette époque. Il a de l’invention, de l’originalité, naturelle et voulue, la haine féroce du lieu commun, de la rengaine, des

phrases toutes faites, le sentiment profond des rythmes exotiques et bizarres, une rare fraîcheur de mélodie, un amour de son art poussé jusqu’à la passion et au fana-tisme, un enthousiasme pour le beau que rien ne décou-rage, et la résolution immuable de ne jamais faire de concession au faux goût du public. Ces qualités ne sont contestées de personne, comment se fait-il donc que l’on n’ait pas profité davantage de ce talent si près d’être un génie et que l’on l’ait laissé perdre les plus belles années de sa jeunesse en luttes obscures, en vaines attentes, en espoirs trop souvent trompés ? »Théophile Gautier (La Gazette de Paris du 22 octobre 1871)Ernest Reyer très ému, lui répondit : «  Mon cher Théo, Vous êtes le courtisan du malheur… » Théophile Gautier avait rédigé cet article au moment de la création d’Érostrate à l’Opéra de Paris. L’ouvrage qui dix ans aupa-ravant avait connu du succès à Baden-Baden, fut un four et n’eut même pas les trois représentations dont avait béné-ficié Tannhaüser en 1861. Mais Gautier faisait également al-lusion à Sigurd, longtemps différé par la « Grande maison », alors dirigé par Perrin. Treize ans plus tard, l’œuvre sera créée à Bruxelles (7 janvier 1884) et quatorze ans plus tard à l’Opéra de Paris (12 juin 1885). Entre la création et 1935, on compte 252 représentations sur la scène parisienne, devant un large public fidèle et conquis. L’ouvrage serait-il définitivement classé au rayon des œuvres à ignorer ?À l’heure où une nouvelle Tétralogie s’invite sur la scène de Neuve, il était légitime et indispensable de vous faire entendre une œuvre qui mérite largement sa place dans le répertoire lyrique et qui semble avoir sombré dans l’oubli après la Seconde Guerre mondiale.Vous connaissez Sigurd ? Vous voulez dire Siegfried ? Tel est le dialogue qu’on pourrait facilement imagi-ner. En effet Wagner est passé par là, et le musicologue Paul Landormy écrit en 1943 : « Le Siegfried de Wagner a rendu le Sigurd de Reyer impossible ! » Sigurd met en scène une saga nordique en se limitant à la partie que Wagner a choisie pour Le Crépuscule des Dieux. Siegfried n’a aucune parenté, ou presque, si ce n’est la conquête de la Valkyrie, avec Sigurd d’Ernest Reyer. Plutôt que de considérer Wagner en titan victorieux du nain Reyer, le temps est venu de les mettre en parallèle afin d’en sai-sir les différences et de reconnaître à chacun ses talents.

Assurément, Sigurd n’est pas un sous-produit wagnérien, c’est autre chose, l’œuvre appartient à la tradition lyrique française et mérite sa place dans le riche patrimoine de l’opéra qui ne saurait se réduire à quelques titres mis en exergue par les « connaisseurs ».En été 1993, le Festival de Radio-France et Montpellier rendait un hommage à Ernest Reyer en programmant Sigurd, opéra en quatre actes, en version concertante, au Corum. En mai 1994, l’opéra de Montpellier présente l’œuvre à l’Opéra-Berlioz/Corum. Il s’agit d’une co-production avec l’opéra de Marseille, la ville natale du compositeur. La direction musicale était confiée à Baldo Podic et la mise en scène signée par Tobias Richter, dans les décors d’Andreas Reinhardt et les costumes de Silvia Strahammer. En juin 1995, l’œuvre est présentée à l’opé-ra de Marseille où elle avait déjà connu de nombreuses représentations. Depuis elle semble être restée absente des affiches. Que la nouvelle Tétralogie soit l’occasion de faire réentendre Sigurd à Genève.

reyer et Wagner…Parler de Reyer de façon littéraire peut paraître para-doxal pour évoquer un compositeur qui n’aimait pas qu’on fît de la littérature en parlant de la musique, bien qu’il écrivait des feuilletons très littéraires, dignes d’un grand écrivain classique. Ces articles paraissaient dans Le Courrier de Paris et dans Le Journal des Débats. Il évite le jargon technique, utilise l’ironie comme outil de cri-tique et de louange et veille à l’intégrité intellectuelle, reconnue et honorée par ses contemporains.Il consacra de nombreuses pages à Richard Wagner qu’il admirait. Peut-être l’aimait-il trop pour ses détracteurs ? Il combattit pour lui lors de la chute du Tannhaüser en 1861, et lutta pour faire représenter La Walkyrie, Lohengrin ou Les Maîtres chanteurs à l’Opéra, tout en répétant  : «  Je ne suis pas un wagnérien enragé, et pas plus un wagnérien de parti pris, qu’un wagnérien sans le savoir. » À ceux qui lui reprochaient de faire du Wagner, il rétorquait : « Le seul musicien qui puisse faire de la musique wagnérienne, c’est Wagner, ne l’oubliez pas !... »Il voyait Richard Wagner comme un disciple de la tra-dition de l’opéra français et refusa de considérer le drame musical wagnérien comme une nouvelle forme suprême du théâtre lyrique. Une écoute attentive de Sigurd montre qu’il n’a jamais essayé d’imiter le style de Wagner. Rappelons, qu’au moment où Reyer commence à composer Sigurd, le Ring des Nibelungen n’est pas ache-vé. Seraient-ce alors le scénario, ou l’emploi des leitmo-

« je voudrais que la musique fût la langue universelle et qu’elle parlât à toutes les oreilles, comme la peinture parle à tous les yeux. »ernest reyer

Sigurd/Siegfried un même personnage

par Daniel Dollé

> sigurd d’Ernest Reyer DIRECTION MUSICALE Frédéric Chaslin SIGURD Andrea Carè BRUNEHILD Anna Caterina Antonacci HILDA Anne Sophie Duprels UTA Marie-Ange Todorovitch Au Victoria Hall (version concert) 6 | 8 | 10 octobre 2013

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(à droite)

Le prétendu « casque de sigurd » appartenant au bateau funéraire

datant du VIIème siècle trouvé lors de fouilles

archéologiques à Vendel (suède) Uppsala, musée d’Uppland, suède ©

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tifs qui feraient de Reyer un disciple de Wagner ?Il est vrai que le scénario puise aux mêmes sources que le 3ème acte de Siegfried et du Crépuscule des Dieux, ce-pendant le traitement en est bien différent. Quant aux motifs caractéristiques, redisons qu’il ne s’agit pas d’une exclusivité wagnérienne et que d’autres compositeurs les ont utilisés. Cependant les leitmotifs demeurent les traits les plus wagnériens de Sigurd. Ce à quoi Ernest Reyer répond : « Serait-ce le leitmotif dont je me suis beaucoup servi dans Sigurd, dont j’ai même, si l’on veut, abusé, qui ferait de moi un disciple de Wagner ? Mais si l’emploi du motif conducteur est un des caractères prin-cipaux de la musique wagnérienne, est-il bien sûr pour cela que ce soit à Wagner qu’il faille attribuer le mérite de l’avoir inventé ? Du reste ce procédé si essentiel à l’unité, au développement et même à la compréhen-sion du drame lyrique, n’acquiert toute son importance dans l’œuvre du maître qu’à partir de Tristan et Iseult. Or, ainsi que je l’ai dit plus haut, je n’en étais encore qu’à Lohengrin quand je me suis remis à travailler à Sigurd. Pendant mon séjour à Weimar, j’avais, il est vrai, déchif-fré au piano la partition de Tristan et Iseult, mais c’était pour moi de l’hébreu, du sanscrit, du malgache, je n’y comprenais absolument rien. Je n’ai été touché par la grâce, l’esprit de vie et de lumière n’est descendu en moi que beaucoup plus tard. »Sigurd n’est pas une action musicale, mais un opéra où les airs, les ensembles et les chœurs affirment leur iden-tité. Comme dans Les Troyens de Berlioz, ils constituent les parties « actives » d’un tout. En écoutant Sigurd, on découvre une musique qui possède une réelle qualité poétique, un raffinement, une délicatesse que l’héroïsme ne saurait occulter. On se rend alors compte que Reyer a souvent regardé du côté de Berlioz et qu’il s’inscrit dans la lignée de la musique française.Commencée dans les années 1860, la partition demeura ina-

chevée jusqu’à ce que la décision de représenter l’œuvre au Théâtre de la Monnaie, en janvier 1884, vînt en hâter l’achè-vement. L’année précédente, Ernest Reyer avait découvert le Ring des Nibelungen à Bruxelles, il écrivit alors qu’il ne lui restait plus qu’à jeter un regard douloureux sur le passé, à saluer l’avenir et à tomber avec grâce. Cependant, il ne se posait pas en vaincu, il était conscient d’avoir fait autre chose. On aurait tort de le considérer comme un « sous-Ber-lioz » ou un « épigone de Wagner ». Deux musiciens dont il admirait trop le génie, pour avoir l’audace de les imiter. Pour aller à la rencontre des sources d’inspiration du com-positeur, ne devrions-nous pas plutôt regarder du côté de Gluck et de Weber pour la musique, et des Parnassiens pour le scénario ?Sigurd d’Ernest Reyer et de ses librettistes, Camille du Locle et Alfred Blau, n’a rien de mystique. L’œuvre se veut théâtrale, dramatique sans préoccupation my-thique ou symbolique. Avec Sigurd, Reyer s’est aventuré vers les brumes du Nord, et cependant, « Il contemple le Rhin du même regard dont il caressait la Durance : il le latinise et les accents qu’il prête au grand prêtre d’Odin ont la tendresse des préceptes galants qu’un félibre pourrait chanter, en Avignon, devant une cour d’amour », écrit Balsan de la Rouvière dans la revue Musica, en mars 1909. Et Alfred Bruneau d’ajouter :  « La Méditerranée berce ses rêveries d’une musique où il retrouve comme un écho des immortelles mélodies que son âme lui a dic-tées. » L’essentiel de sa vie, comme de son œuvre res-tera méditerranéen, africain et oriental. Non Sigurd n’est nullement le parent pauvre de Siegfried et Reyer ne sera jamais « le petit Wagner de la Canebière » !Alors, ne succombons pas aux sirènes des soi-disant éru-dits de musicologie ou des thuriféraires de l’art wagné-rien, profitons de l’aubaine, trop rare, d’entendre cette partition de Reyer où se succèdent des numéros d’une rare beauté. DD

le 1er décembre 1823, Louis-Étienne-Ernest Rey naît à Marseille. Il est né

à l’angle de la rue Rouvière et de la rue de Rome, dans une famille bourgeoise, son père était notaire. À l’âge de six ans, il fréquente une école de musique et dès seize ans, il compose en autodidacte. Il part en Algérie et devient commis chez son oncle Louis Farrenc. Les années passées en Afrique du Nord ins-pirent ses premiers ouvrages.« On ignore quand et pour-quoi il prit le nom de Reyer. » écrit son biographe, Henri de Curzon, bien que les mauvaises langues affirment que c’est pour lui donner une conso-nance d’Outre-Rhin.En 1848, bravant les interdits familiaux, il s’installe à Paris au-près de sa tante Louise Farrenc, pianiste célèbre, qui assure sa formation musicale et le met en contact avec des artistes et des écrivains, notamment Théophile Gautier qui sera le librettiste de sa première œuvre présentée avec succès, Le Sélam. De 1848 à 1862, Ernest Reyer compose la plus grande partie de son œuvre musicale. En 1862, au Kursaal de Baden-Baden, il donne Érostrate, son troisième opéra, et Napoléon III le décore de la Légion d’honneur.Honorablement connu, le com-positeur mène simultanément une carrière de critique musical, notamment pour Le Journal des Débats, où il succède à Berlioz, et de bibliothécaire à l’Opéra de Paris. Il sera entre autres, un ardent défenseur de Hector Berlioz. En 1867, Ernest Reyer est élu à l’Académie des Beaux-Arts. Il ne composera plus que deux ouvrages importants : Sigurd et Salammbô (1890). Fêté à l’occasion de chacun de ses pas-sages dans sa ville natale, il était devenu, avec Edmond Rostand, le plus célèbre des Marseillais, à l’aube du XXème siècle. Il meurt dans sa villa du Lavandou, le 15 janvier 1909. Après l’incendie de 1919, l’opéra de Marseille dont le foyer porte le nom de Reyer, rouvre ses portes avec Sigurd, en décembre 1924.

Mais qui est ernest reyer ?

au Théâtre de la Monnaie, en 1884, la partition fut exé-

cutée intégralement. La du-rée devait dépasser quatre heures. À l’Opéra de Paris, où les contraintes horaires étaient plus strictes, des cou-pures s’imposèrent. Quoique hostile aux coupures, Ernest Reyer en proposa plusieurs. La tradition a entériné une vingtaine de coupures qui ra-mènent la partition à environ trois heures de musique.Après une ouverture assez longue, nous nous retrou-vons à Worms, dans la grande salle du burg de Gunther, où le chœur chante tandis que Hilda reste songeuse. Uta, sa nourrice, la questionne. Hilda est troublée par un rêve dans lequel Uta voit le pré-sage du destin fatal d’un mari assassiné à cause d’une rivale. Hilda avoue son amour pour Sigurd. Uta, qui a deviné sa souffrance, a attiré Sigurd par magie. Un philtre qu’elle a composé le rendra amoureux

de Hilda. Gunther et ses che-valiers s’apprêtent à festoyer en l’honneur des envoyés d’Attila. Le barde chante la chanson de Brunehild, prison-nière d’Odin. Hilda refuse les trésors d’Attila et son trône.Hagen annonce l’arrivée de Sigurd qui vient défier Gunther pour la conquête de la Valkyrie. Ils échangent un serment d’amitié et boivent la coupe destinée à sceller ce ser-ment. Sigurd s’éprend de Hilda et va aider Gunther à conqué-rir la Valkyrie, Brunehild.L’acte II nous entraîne en Islande, dans une forêt sacrée au bord de la mer, où les prêtres d’Odin et le peuple chantent des litanies d’apai-sement aux Dieux de la nuit. Sigurd, Gunther et Hagen annoncent leur intention de conquérir la Valkyrie, bien qu’on leur prédise la mort.Sigurd va tenter l’aventure. Gunther et Sigurd échangent leurs casques, Brunehild ne le verra pas. Le Grand Prêtre lui donne le cor sacré qui,

lorsqu’il sonnera pour la troi-sième fois, fera surgir le palais de feu dans lequel est retenue captive la Valkyrie.Resté seul, il songe à Hilda. Lorsqu’il sonne le cor pour la troisième fois, la salle du palais magique apparaît. Il découvre Brunehild, il abaisse la visière de son casque. Il la réveille. Elle l’invite à prendre place près d’elle et lui donne sa ceinture en gage d’amour et se rendort dans les bras de Sigurd qui demandent aux esprits de les porter au burg de Gunther.À l’acte III nous sommes dans un jardin du burg de Gunther à Worms. Gunther découvre la beauté de Brunehild en-dormie que lui livre Sigurd. Brunehild s’éveille et doute que Gunther soit son sauveur, mais elle se soumet. Hilda est au comble du bonheur. Sigurd lui a avoué son amour.Depuis une terrasse du châ-teau de Gunther, Hagen convie le peuple aux noces royales. Le peuple se réjouit, mais le moment est chargé de

douleur et de funestes pres-sentiments. À la demande de Gunther, Brunehild unit Hilda et Sigurd. En rencon-trant la main de Sigurd, le tonnerre se met à gronder et le voile fatal semble déchiré. À l’acte IV nous sommes tou-jours à Worms, le palais est rempli de tristesse. Brunehild est plongée dans un profond désespoir et aspire à la mort. Elle découvre sur Hilda, jalouse et en colère, la ceinture virgi-nale qu’elle avait jadis donnée à son sauveur. Hilda lui apprend que son sauveur était Sigurd. Elle exige que cette trahison soit lavée dans le sang.Hagen est décidé à tuer Sigurd qui regrette sa trahison. Brunehild s’avance vers Sigurd et brise l’enchantement. Sigurd comprend alors et avoue son amour, observés par Hagen et Gunther cachés. Ils se livrent à l’ivresse de leur amour.Gunther fait assassiner Sigurd et Brunehild vient mourir avec lui. Hilda appelle sur Gunther la vengeance d’Attila.

Que raconte Sigurd ?

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e lle a étudié le chant au plus haut niveau en Finlande, à l’Académie Sibelius. À l’époque, tout le monde lui disait déjà qu’elle avait une voix merveilleuse. Elle s’est présentée au plus grand concours finlandais, et elle a gagné. La

Radio finlandaise l’envoie alors au pays de Galles, pour représenter la Finlande au concours Singer of the World de la BBC. Elle était effrayée par l’opéra ; elle n’en avait même jamais vu. Les chanteurs d’opéra lui semblaient étranges, égoïstes, imbus de leur personne, arborant des tenues ex-centriques. À présent, elle a appris que dans ce milieu la célébrité rend normal. Elle pensait être incapable de jouer sur une scène. Ni l’église, où travaillait son père, et où elle avait joué de l’orgue et chanté dans le chœur, ni la banque, où elle avait travaillé deux ans après ses études de com-merce, ne lui convenaient, elle n’était vraiment pas faite pour cela ! Elle débuta l’opéra sur la scène de l'Opéra na-tional de Finlande en interprétant Mimì de La Bohème.Elle n’interprète pas la Maréchale, elle est la Maréchale. Elle possède un timbre argenté, idéal pour la musique de Strauss. Tout le monde se souvient de cette sublime inter-prétation ou de sa délicate et raffinée Elsa de Lohengrin de Richard Wagner qu’elle a offert également au public de la scène de Neuve. Mike Reynolds, venu voir et entendre Der Rosenkavalier à Genève, écrit dans Musical Criticism en avril 2012 : « She is truly lovely in this part, and genuinely affecting at the key moments…. In the Trio, she was utterly glorious. The conclu-sion of Act One, the impassioned duet with Octavian and the reflective passage that follows was simply beautiful… and her final exit in Act Three was done with exquisite sensititvity… a wonderfully expressive performance. This was Straussian singing of a high order – and I am delighted to have heard it. »Quel que soit le personnage qu’elle incarne, c’est le mot lumière qui revient. N’oublions pas que son nom signifie « aurore boréale », une lumière dont elle irradie les plus grandes scènes du monde de façon exceptionnelle.Elle a chanté avec les plus grands chefs : Philippe Herreweghe, Jukka-Pekka Saraste, Esa-Pekka Salonen, Seiji Ozawa, John Elliot Gardiner, Colin Davis, Zubin Mehta, Daniel Barenboim, Simon Rattle, Marek Janowski, Bernhard Haitink, Claudio Abbado, Riccardo Muti, Valery Gergiev, Pierre Boulez, James Levine, Leif Segerstam et Michael Tilson Thomas. Si les héroïnes de Strauss et de Mozart occupent une place prépondérante dans son ré-pertoire, elles ne doivent pas faire oublier les nombreux autres rôles (voir ci-contre à gauche) que l’artiste interprète avec son raffinement et sa sensibilité si typique.

De ses nombreuses parties qu’elle nous offre avec un égal et immense bonheur, elle a su tirer une philoso-phie de vie. Lorsqu’elle aborde le récital, la luminosité et l’éclat rarement égalé sont également présents, mais nous devons aussi remarquer une intériorité hors du commun et une grande puissance émotionnelle.Ses programmes de récital sont ceux d’une musicienne : ce sont d’authentiques Liederabende qu’elle propose, des récitals comme on en fait trop rarement. Son art est sou-verain et on ne sait plus que louer. Est-ce sa voix, sa ligne de chant, l’homogénéité de ses registres avec des aigus lumineux, ses couleurs de voix étonnantes, ou encore son intonation parfaite ? Avec très peu d’effets, elle sait faire varier les climats et les états d’âme et parvient à un degré d’accomplissement qui ne peut qu’émouvoir et toucher le cœur des auditeurs. L’apprêt n’a pas droit de cité avec la Kammersängerin*, nous sommes au royaume du naturel et de l’émotion, du grand art.En entendant Soile Isokoski, on comprend ce que Liederabend veut dire. Elle nous donne à entendre la quintessence du chant, ce trésor unique de la musique qu’ensemble nous devons choyer. Au cours de son récital, elle nous propose de décou-vrir Das Marienleben (La Vie de Marie), un cycle de Paul Hindemith (1895-1963). Le nom de ce compositeur est rarement au programme de soirées consacrées au lied. Au départ, il s’agit d’un cycle de Rainer Maria Rilke que Paul Hindemith met en musique et qui devient un des cycles majeurs du XXème siècle. Il ne s’agit pas simple-ment d’une série de vignettes pieuses, mais d’une relec-ture de la mythologie religieuse.Le poète propose un parcours subjectif du mythe. Il fait parler la Vierge et l’étoile aux bergers. Il explore les pen-sées intimes et les doutes sans jamais altérer la figure sacrée. Les poèmes présentent des rimes rigoureuses, ils sont dans un style rhétorique, dans l’ordre de la parole.La musique de Paul Hindemith semble très singulière. Une prosodie un peu plate, voire psalmodiante rappellant Poulenc. La voix, très souvent à découvert, est accompa-gnée par le piano qui ménage de petits contrepoints dis-crets. Le flux musical épouse la logique des poèmes de Rilke et aboutit à une « forme linéaire que certains qua-lifient de divine logorrhée ». Lorsque Hindemith rema-nie, en 1948, sa version originale de 1923, il emploie des tonalités différentes pour les thèmes qu’il veut évoquer : Si pour la Vierge, Fa pour la faute, Sol pour la douceur, Mi pour le Christ, Ré pour la Foi et Ut pour l’Infini.On entend un Hindemith à la fois très contrapuntique, assez austère et utilisant des accords de quatre sons qui sonnent très jazz. Une œuvre simple, parfois difficile et étrange, qui regorge de finesses, dont nous pourrons découvrir quelques facettes. DD

ses rôlesFiordiligi Così fan tutteDonna Elvira Don GiovanniLa Comtesse Le Nozze di FigaroPamina Die ZauberflöteDesdemona OtelloAlice Ford FalstaffAmelia Simon BoccanegraEva Die Meistersinger von NürnbergElsa LohengrinAgathe Der FreischützMarenka La Fiancée vendueLa Maréchale Der RosenkavalierLa Comtesse CapriccioAriadne Ariadne auf NaxosDaphne DaphneAntonia Les Contes d’HoffmannMarguerite FaustRachel La JuiveMimì La BohèmeLiù TurandotMicaëla CarmenTatiana Eugène OnéguineEllen Orford Peter GrimesMadame Lidoine Dialogues des carmélites

* Titre donné aux artistes lyriques en Allemagne et en Autriche. Il s’agit d’un titre honorifique. Historiquement ce titre était ac-cordé par les rois et les princes. Son abréviation est KS.

« qui aussi, plus que soile isokoski, peut offrir une telle probité vocale à l’intègre elsa ? la limpidité éblouissante

des aigus et la douceur des médiums, le frissonnement des sentiments et la vigueur de leur expression sont portés à un rare degré d’émotion et de musicalité. »

sylvie Bonier, Tribune de Genève, Mai 2008

La Maréchale est de retourpar Daniel Dollé

> soile isokoski Soprano PIANO Ilkka Paananen Au Grand Théâtre 17 novembre 2013

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son agenda quelquesenregistrements26-27 octobre 2013

Gurre-Lieder Schönberg(Tove)Orch. Philharmonique de Berlin

3/10 octobre 2013Der Rosenkavalier Strauss(La Maréchale)Semperoper de Dresde

13 novembre 2013Récital avec le Quatuor Aron Opéra Bastille (Amphithéâtre)

2/8 mars 2014Der Rosenkavalier Strauss(La Maréchale)Nationaltheater de Munich

18 mars 2014Der Rosenkavalier Strauss (version concert)(La Maréchale)Théâtre des Champs-élysées, Paris

20 mars 2014RécitalIkka Paananen, piano Musée d'Orsay, Paris

La Maréchale est de retourVier letzte lieder StraussRundfunk-Sinfonieorchester BerlinDM : Marek JanowskiOndine, 2002B000062TDA

richard StrauSS lieder Marita Viitasalo, pianoOndine, 2012B0062WDHZA

daS Marienleben (vers. 1948) HindemithMarita Viitasalo, pianoOndine, 2009B002JP9I5M

MélodieSSibelius, Strauss et BergMarita Viitasalo, pianoWigmore Hall - Coda, 2007B000IHY1G4

italieniScheS liederbuchWolfBo Skovhus, baryton Marita Viitasalo, piano Ondine, 2002B00006K07U

liederkreiS op. 39 Frauenliebe und –lebenRobert Schumann Marita Viitasalo, pianoFinlandia, 1995Disponible sur iTunes et autres...

FinniSh SongSMarita Viitasalo, piano Ondine, 2002B00006K07U

Scene d’aMoreHelsinki Philharmonic OrchestraDir. Mikko FranckOndine, 2008B001DCVIO6

coSì Fan tutteMozartGroop, Schäfer, Vollestad La Petite Bande Dir. Sigiswald Kuijken Brilliant Classics, 2001B00005LN1J

don gioVanniMozart Keenlyside, Salminen, Remigio, Heilmann, Terfel Chamber Orchestra of EuropeDir. Claudio Abbado Deutsche Grammophon, 2004B0002CHKOA

dialogueS deS carMeliteSPoulenc Dir. musicale Kent NaganoMise en s cène Dmitri TcherniakovSylvie Brunet (Mme de Croissy)Soile Isokoski (Mme Lidoine)Blu-RayBel Air Classique, 2011B004QDNSHY

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a u mois de mai dernier, la planète lyrique fut secouée par un événement de taille : l’inauguration à Saint-Pétersbourg de la nouvelle salle Mariinski II. Ce théâtre ul-tra-moderne pouvant accueillir quelques

2000 spectateurs complète ainsi l’infrastructure de l’institution saint-pétersbourgeoise qui comptait déjà le théâtre historique, datant de 1860, et le nouvel audi-torium, inauguré en 2006. Avec le Théâtre Bolshoi de Moscou, le Théâtre Mariinski est l’une des principales scènes lyriques de la patrie de Pouchkine et Tchaïkovski. À la fin de l’ère soviétique, le théâtre que l’on appelait alors Kirov – en l’honneur de l’ancien maire de Leningrad – a connu un regain d’attention auprès du public européen. Chef d’orchestre principal dès 1992, Valery Gergiev a également beaucoup œuvré pour le rayonnement de son institution favorite. Les productions lyriques y ras-semblent désormais les meilleurs chanteurs de Russie et d’ailleurs – on pense notamment au dernier enre-gistrement de Die Walküre qui a réuni Jonas Kaufmann, René Pape, Nina Stemme et Anja Kampe – tandis que les spectacles du ballet sont toujours très prisés. La troupe du Théâtre Mariinski marquée par les empreintes suc-cessives de Petipa, Fokine et Vaganova, possède l’une des histoires les plus riches de l’univers de la danse.C’est également à l’initiative du chef d’orchestre ossète que, dès sa nomination en 1998 au poste de directeur gé-néral, l’académie pour jeunes chanteurs fut créée. Conçue comme un centre de formation postgrade, cette académie offre à des jeunes chanteurs sélectionnés sur audition la possibilité de se perfectionner à leur sortie du conserva-toire. Par la même occasion, elle permet à ses membres de se familiariser à l’univers des théâtres lyriques. Daniil Shtoda ou Ekaterina Semenchuk, que l’on peut entendre

de Saint-Pétersbourg à Milan, en sont deux an-ciens membres. Depuis sa création, l’aca-démie est dirigée par Larissa Gergieva [pho-to]. La sœur du célèbre chef d’orchestre est connue à travers la pla-nète lyrique comme une pianiste-accompagna-trice et maître de chant

de talent. Directrice de la Rimsky Korsakov International Competition, elle est régulièrement invitée comme jurée dans de nombreux concours de chant lyrique.Le programme de la soirée est dédié au répertoire ro-mantique pour voix et piano du pays d’origine de ces chanteurs. Et si de nos jours le public affectionne tout particulièrement le lied et la mélodie, le genre ana-logue russe est malheureusement trop souvent ignoré. Pourtant, les opéras russes et leurs mélodies modales inspirées des hymnes orthodoxes et des chants popu-laires sont profondément ancrés dans le répertoire des opéras européens. Tout d’abord fondée sur les modèles français et allemands, la tradition russe du chant accom-pagné au piano a peu à peu développé ses propres spé-cificités, s’adaptant notamment aux particularités de la langue russe. Des romances aux résonnances euro-péennes de Glinka et Dargomyjski, les deux pionniers de l’opéra russe, aux compositions novatrices des membres du Groupe des Cinq, les pièces qu’interprèteront les quatre chanteurs donnent à entendre un bel aperçu de ce très riche répertoire. Avis aux amateurs, si l’âme slave vous transporte, ce récital est pour vous ! BP

> Mariinsky aCadeMy MARIA BAyANKINA Soprano yEKATERINA SERGEyEVA Mezzo-soprano DMITRy VOROPAEV Ténor GRIGORy CHERNETSOV Baryton PIANO larissa gergieva Dimanche 20 octobre 2013 à 19 h 30

Les prometteuses voix du Mariinski

Lors de l’unique date suisse d’une tournée européenne, quatre des chanteurs de la mariinsky Academy donnent à entendre quelques-unes des plus belles mélodies du répertoire russe. Les stars de demain de passage au Grand Théâtre !

par Benoît Payn

23 octobre 2013RécitalAuditorium Saint-Pierre-des-Cuisines, Toulouse

27 octobre 2013RécitalWigmore Hall, Londres

Avec le soutien de

à suivre

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Bureau

M. Luc Argand, présidentM. David Lachat, vice-président M. Gabriel Safdié, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaireMme Françoise de Mestral

autres memBres Du comité

S. A. S. la Princesse Andrienne d’ArenbergMme Muriel Chaponnière RochatM. Gerson WaechterM. Pierre-Alain Wavre

memBres Bienfaiteurs

M. et Mme Luc ArgandMme René AugereauM. et Mme Claude DemoleM. et Mme Guy DemoleFondation de bienfaisance de la banque PictetFondation Hans WilsdorfM. et Mme Pierre KellerMM. Lombard Odier & CieM. et Mme Trifon NatsisM. et Mme yves OltramareMrs Laurel Polleys-CamusUnion Bancaire Privée – UBP SAM. Pierre-Alain WavreM. et Mme Gérard Wertheimer

memBres inDiviDuels

S. A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’ArcisS. A. S. La Princesse Etienne d’ArenbergMme Dominique ArpelsM. Ronald AsmarMme Véronique BarbeyMme Christine Batruch-HawrylyshynM. et Mme Gérard BauerMme Maria Pilar de la BéraudièreM. et Mme Philippe BertheratMme Antoine BestMme Saskia van BeuningenMme Françoise BodmerM. Jean BonnaProf. et Mme Julien BogousslavskyMme Christiane BoulangerComtesse Brandolini d’AddaMme Robert BrinerMme Caroline CaffinM. et Mme Alexandre CatsiapisMme Maria Livanos CattauiMme Muriel Chaponnière-RochatMme Anne ChevalleyM. et Mme Neville CookM. Jean-Pierre CubizolleM. et Mme Olivier DunantMme Denise Elfen-LaniadoMme Maria EmbiricosMme Diane Etter-SoutterMme Clarina FirmenichMme Pierre-Claude FournetM. et Mme Eric FreymondMme Elka Gouzer-WaechterMme Claudia GroothaertM. et Mme Philippe Gudin de La SablonnièreMme Bernard HacciusM. Alex HoffmannM. et Mme Philippe JabreM. et Mme Eric JacquetM. Romain JordanMme Madeleine KogevinasM. et Mme Jean KohlerM. David LachatM. Marko LacinM. et Mme Pierre LardyMme Guy LefortMme Eric Lescure

Mme Eva LundinM. Ian LundinM. Bernard MachMme France Majoie Le LousM. et Mme Colin MaltbyM. Thierry de MarignacMme Mark Mathysen-GerstM. Bertrand MausMme Anne MausM. et Mme Charles de MestralMme Vera MichalskiM. et Mme Francis MinkoffM. et Mme Bernard MomméjaM. et Mme Christopher Mouravieff-ApostolMme Pierre-yves Mourgue d’AlgueMme Laurence NavilleM. et Mme Philippe NordmannM. et Mme Alan ParkerM. et Mme Shelby du PasquierMme Sibylle PastréM. Jacques PerrotM. et Mme Gilles PetitpierreM. et Mme Charles PictetM. et Mme Guillaume PictetM. et Mme Ivan PictetM. et Mme Jean-François PissettazMme Françoise PropperMme Ruth RappaportM. et Mme Andreas RötheliM. Jean-Louis du Roy de BlicquyM. et Mme Gabriel SafdiéComte et Comtesse de Saint-PierreM. Vincenzo Salina AmoriniM. et Mme Paul SaurelM. Julien SchoenlaubBaron et Baronne SeillièreM. Thierry ServantMarquis et Marquise Enrico SpinolaMme Christiane SteckM. André-Pierre TardyM. et Mme Riccardo TattoniM. et Mme Kamen TrollerM. Richard de TscharnerM. et Mme Gérard TurpinM. et Mme Jean-Luc VermeulenM. Pierre VernesM. et Mme Julien VielleM. et Mme Olivier VodozM. Gerson WaechterMme Véronique WalterM. et Mme Lionel de WeckMme Paul-Annik WeillerMme Julie Wynne

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l’Assemblée Générale• Cocktails d’entractes réservés

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Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.

Le carnet du Cercle

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depuis 1988, le Cercle du Grand Théâtre in-vestit son enthousiasme et ses ressources dans la vie et les projets artistiques de la grande maison genevoise d’opéra et de ballet. On pouvait lire, dans la dernière

édition d’ACT-O, que le mécénat du Cercle allait s’étendre au-delà de son habituel soutien aux projets artistiques, pour donner un coup de pouce très bienvenu aux activi-tés de développement du jeune public et du club Labo-M. Le président du Cercle, Me Luc Argand, a notamment an-noncé la concrétisation de trois projets visant à intensifier la fréquentation du Grand Théâtre par les membres de Labo-M (18 à 30 ans) et a ouvert l'adhésion au Cercle aux jeunes dès 30 ans moyennant le paiement d'une cotisa-tion moindre et ceci jusqu'à 40 ans. Le but de ses mesures vise à préparer l'avenir du Grand Théâtre en solidifiant la base de son cercle de mécènes.Cela dit, même s’il est essentiel à l’heure actuelle d’in-vestir dans le soft power, le Cercle ne saurait négliger son engagement de toujours, en faveur des productions du Grand Théâtre. Combien de spectateurs remarquent-ils la mention discrète sur nos affiches, dans nos pro-grammes ou même sur la couverture du magazine gra-tuit que vous tenez entre vos mains (Le Journal du Cercle du Grand Théâtre et du Grand Théâtre de Genève), du sou-tien efficace et généreux des 120 mécènes, personnes privées et institutionnelles, membres bienfaiteurs et individuels, qui forment le Cercle ?Pour la saison 13-14, le soutien du Cercle aux produc-tions se multiplie en trois temps, mais se conjugue à un seul mode : celui du plaisir de l’œuvre, qu’elle soit répu-tée populaire, difficile ou carrément hors catégorie. Nous sommes donc très heureux de relayer ici les choix de notre plus fidèle et proche mécène, pour manifester son engagement envers un spectacle lyrique du plus haut ni-veau et au plus proche des goûts du public genevois.

Nabucco. Est-il besoin de soutenir une œuvre lorsque son compositeur et son contenu sont presque garan-tis de faire salle comble ? Si on promet Verdi et son Va pensiero aux Genevoises et aux Genevois, de belles re-cettes de billetterie ne suffisent-elles pas pour financer l’entreprise ? Pour Nabucco, l’appui du Cercle prouve le contraire : les recettes de billetterie n’arrivant à soutenir qu’environ 20% d’une production donnée, la possibilité de soulager, même modestement, le budget culturel de la Ville de Genève fait une différence considérable pour le reste de la programmation !La Wally. C’est l’outsider de la programmation 13-14 au Grand Théâtre. Le souvenir de Ebben ne andrò lontano dans un certain film des années quatre-vingt est de plus en plus lointain et les fans de l’opéra ottocentesque tar-dif ne sont pas si nombreux. Et pourtant, la direction du Grand Théâtre a choisi cette œuvre mal- ou mécon-nue pour faire partie de ses productions « maison » de la saison à venir. Parce qu’une nouvelle production de La Wally a valeur d’événement dans le paysage lyrique international et parce que ce choix est cohérent avec un parti-pris artistique de Tobias Richter tourné vers le XIXème siècle, le Cercle a choisi de relever avec nous le défi de refaire connaître une œuvre injustement oubliée.La Tétralogie de l’Anneau. Monter l’une des séquences lyriques et dramatiques les plus célèbres de l’art occiden-tal, c’est ambitieux. Et faire de la place de Neuve, pendant deux semaines de mai 2014, un reflet de la Verte Colline de Bayreuth, c’est décidément gonflé ! Mais à quoi cela sert-il de mettre en scène et en musique le Ring, si l’on ne peut pas offrir aux spectateurs, l’expérience totale de l’œuvre d’art totale ? La géométrie d’un tel projet est ver-tigineuse, mais lorsqu’on vous dira que cela sera possible parce que le Cercle soutient l’Anneau, vous comprendrez qu’il y a parfois des complicités qui semblent dictées par une poésie… métaphysique ! ChP

Le Cercle et l’Anneau

(ci-dessus)

Affiche du Ring pour la saison 13-14.(au-dessus)

C’est la pause pour les équipes techniques du Grand Théâtre lors des essais scéniques de Die Walküre en mai dernier sur la scène de Neuve.

par Christopher Park

Conjuguer mécénat et plaisir des œuvres

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chP Michel Kelemenis, quatre saisons se sont écou-lées depuis votre Cendrillon présentée au Grand Théâtre en octobre 2009. Que s’est-il passé dans votre carrière dans l’intervalle ?

Mk Un bouleversement total ! Après avoir réa-lisé Cendrillon, je suis rentré chez moi à Marseille pour entreprendre un projet que je porte depuis très longtemps : le chantier de KLAP Maison pour la danse, un édifice de 1900 m2 pour trois espaces capables d’héberger des grosses productions cho-régraphiques contemporaines de A à Z. C’est un outil exemplaire, unique à sa façon que bien des centres chorégraphiques sur sol français pourraient nous envier. En tant que Marseillais et dan-seur, c’est une chance inouïe d’avoir pu créer cela pour le développement de la danse dans ma ville. J’ai été très occupé par cela, mais j’ai aussi pu pour-suivre mon travail de création en réalisant en septembre 2010 un spectacle pour quatre dan-seurs à destination du jeune public, Henriette et Matisse qui met en scène la relation entre l’inspiration et la création. Des per-sonnages réels, le peintre Henri

Une entrevue avec le chorégraphe Michel Kelemenis par Christopher Park

La saison genevoise du Ballet du Grand Théâtre s’ouvre avec Le songe d’une nuit d’été, musique de scène que Félix Mendelssohn écrivit pour la féerique comédie de Shakespeare, placée entre les mains habiles d’un artiste que le public de la place de Neuve commence à bien connaître. Michel Kelemenis, 53 ans, fréquente le Ballet du Grand Théâtre comme chorégraphe depuis 1997, traçant une danse tantôt déliée comme un trait de calligraphe, tantôt pleine de verve et de cabrioles, et toujours soutenue par l’élégance naturelle de l’homme penseur. Avant la pause estivale, Michel Kelemenis nous a dit quelques mots sur son travail en préparation.

« Que du geste jaillisse le sens ! »

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Nathanaël marie, Yu Otagaki, Joseph Aitken, sarawanee Tanatanit, Geoffrey Van Dyck et Daniela Zaghini du Ballet du Grand Théâtre posent pour la couverture de ce numéro d'ACT-O.

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tion qui prend sens sans être théâtralement démonstra-tive. C’est du geste que j’aimerais que jaillisse le sens, ou le caractère. On se trouve sur une lisière assez déli-cate qui interfère avec la culture et l’identité de chaque danseur et leurs différentes natures, puisqu’on peut aborder de manière plus pudique, ou plus extravertie, le sens du personnage. Entre l’exagération du théâtre et la disparition d’une qualité d’éloquence du geste, il y a un constant équilibre à maintenir. Je suis parfois obligé de donner des indications immédiates, de nature drama-tique (« Approche-toi de cet objet, » « Va vers cette per-sonne… ») pour que la vitesse du corps engagé dans une phrase prenne sens.

Chp Situer sens, expression et caractère sur la lisière des genres, grâce au geste, cela ne permet pourtant pas de faire abstraction de la narrativité. Le songe d’une nuit d’été, ce sont plusieurs histoires qui s’entremêlent. Laquelle ou lesquelles voulez-vous raconter ?

Mk Avec Le Songe d’une nuit d’été, je ne me trouve pas, comme avec Cendrillon, face à une histoire si connue que j’ai l’obligation de la raconter. Le texte de William Shakespeare superpose plusieurs intrigues et les im-brique de manière si complexe que ce qui en ressort ce sont moins ces histoires que l’esprit d’une satire sociale. J’y perçois moins une narration qu’un lot de relations imbriquées, que j’essaie de charger des différentes rela-tions humaines en jeu. J’ai été frappé par une réplique dans les premières lignes de cette comédie ironique, de Thésée le Roi à Hippolyta, sa Reine : «  Nous allons nous remarier, et cette fois par amour. » Il y a là déjà une immense part du cynisme de la pièce, une ironie pro-fonde quant à ce qui s’est passé dans ce mariage de rai-son entre deux aristocrates, sans que l’épouse ait eu son mot à dire (et certainement l’époux non plus). J’imagine ainsi que mon Songe doit s’emparer de cette dimension amorale dont parvient à naître malgré tout un véritable amour entre les protagonistes. Mais plutôt que de ra-conter strictement, j’essaie de m’emparer de l’esprit de quelques intrigues pour, en quelque sorte, recréer une narration propre au ballet et que la danse peut traduire par elle-même. Il n’y a pas d’histoire au sens narratif strict, mais des personnages qui vont vivre des situa-tions d’approche ou de séparation différentes. Prenons un autre jalon important de la pièce : le philtre d’amour. Je suis parti d’une anecdote figurant dans une tirade du deuxième acte, où Puck doit aller recueillir le pistil d’une fleur magique pour en faire une potion, grâce à laquelle une personne endormie, devient ins-tantanément amoureuse, en se réveillant, du premier être vivant qu’elle voit. On y apprend que cette fleur est magique parce qu’elle naît sur le lieu où est tom-bée une flèche perdue de Cupidon. Mon Puck est aussi ce Cupidon maladroit qui va non seulement perdre sa flèche mais être sa propre victime en tombant amoureux de quelqu’un, une fée, qui ne veut pas de lui. Cette anec-dote de la flèche de Cupidon est le point de départ de la narration de mon propre Songe et occupe une partie im-portante du spectacle, avec une multiplication des Puck qui renforce sa course à l’amour. Là, je retrouve Thésée et Hippolyta et leur mariage contraint, rendu possible par le philtre magique. Ces superpositions de person-nages sont miennes, le Puck de Shakespeare ne tombant pas amoureux mais mon Puck/Cupidon, si.

Matisse et l’une de ses muses, la danseuse Henriette Darricarrère, y côtoient des personnages imaginaires qui sont le Pinceau de la couleur et le Pinceau du trait. Ils incarnent ce moment où Matisse, après un moment au creux de la vague, aborde la deuxième partie de sa car-rière de créateur, avec la technique du collage d’à-plats de papier découpé, suscitant un tollé esthétique parmi la critique en France, incapable de qualifier ces à-plats en termes de trait ou de couleur !Ma création suivante en mars 2012, My Way, un trio, a été définie pour permettre de représenter une danse de qualité dans des endroits d’arrière-pays sans structure d’accueil théâtrale. Le spectacle se développe autour de la chanson de Frank Sinatra et trace un vaudeville de trois personnages joués par un petit théâtre en tournée dans lequel on se souvient d’un drame. Il s’agit d’une pièce narrative. Enfin, en mai de cette année au Théâtre de la Criée à Marseille, j’ai crée Siwa qui tient son nom de l’oasis égyptienne sur la frontière avec la Libye, entre plateau rocheux et Sahara. Il s’y trouve un grand lac salé, qui forme par temps très calme un miroir parfait pour le paysage environnant. Le spectacle, pour quatuor d’hommes, est une méditation sur les reflets entre tem-poralité et éternité qu’inspire ce paysage.

Chp Peinture, chanson, paysage… Et maintenant, avec Le songe d’une nuit d’été, théâtre. Dans votre tra-vail, les autres genres et pratiques viennent toucher de très près à la danse. Comment orienter l’approche

chorégraphique lorsque le point de départ est un texte dramatique, et par surcroît l’une

des comédies les plus iconiques de Shakespeare ? Comment la danse

fréquente-t-elle le théâtre ?

MK En gros, j’essaye de faire en sorte que le théâtre ne soit

jamais présent, comme jeu théâtral, pour au-tant que mon Songe a une certaine dimension narrative et amène des

personnages. Faire des per-sonnages sans théâtre, c’est

rappeler aux danseurs de ne pas surjouer le geste. J’ai besoin qu’ils

dansent, qu’ils sentent l’initiative qui, à travers chaque geste, parvient à créer

du sens, par une variation de vitesse, de regard, qui appuient une rela-

loris Bonani« Je trouve ça marrant de jouer Thisbé en gardant ma barbe, l’humour est une manière importante de soutenir le récit. D’ailleurs, les artisans-comédiens expliquent le ballet au public dans ses gros traits et en tant que danseur, c’est un défi stimulant. Au-delà du rôle de caractère qui me convient bien vu mon expérience du Ballet, la chorégraphie de Kelemenis me fait tout autant tenir la cadence que le reste de la compagnie. »

yu otagaki« La partie que je danse figure un personnage qui d’abord n’est qu’une fée parmi tant d’autres Puckettes autour de Puck, mais qui va devenir le binôme féminin de Puck. Mon personnage évolue par la suite en Reine des Fées. Au début quand je suis dans les rangs des Puckettes, mes mouvements sont timides, légers. Quand je deviens la Reine, il faut que le mouvement évolue, devienne plus ample, plus digne mais aussi plus sensuel et attirant. Ce sera l’une de mes dernières prestations au Ballet du Grand Théâtre donc je me donne beaucoup dans le projet. Je connaissais la pièce de Shakespeare et, même si nous allons beaucoup la simplifier, je me réjouis de danser ce rôle dont l’une des dimensions est finalement celle de Titania. »

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MK La scénographie et les costumes ont été confiés à Nicolas Musin, qui a su exciter ma fantaisie personnelle. Il suggère deux espaces scéniques simples et clairement identifiables. Le premier, plus onirique et « absent », est celui du surnaturel, fées et elfes. Le deuxième se défi-nit par l’intervention d’objets roulants, entre accessoire et décor  ; il est plus humain, plus « présent ». Pour les costumes, Nicolas privilégie la légèreté et la sensualité, avec des éléments de reconnaissance d’identités qui agi-ront en subtils porteurs de la narration. Pour la distribu-tion, on reconnaîtra les cinq artisans-comédiens dont je viens de parler, ainsi que le couple Puck/Cupidon et la Fée, qui absorbent les identités de Thésée et Hippolyta, mais aussi d’Obéron et Titania. Enfin, deux couples de fiancés, comme dans la pièce de Shakespeare, figurent également dans ma narration.

Chp En termes pratiques, combien de temps vous êtes-vous donné pour dérouler votre songe  ? La suite d’orchestre de Mendelssohn n’est pas particulière-ment longue…

Mk Le spectacle durera une heure et quart environ sans entracte. La suite du Songe par Mendelssohn dure envi-ron quarante minutes, mais j’en retire les deux numéros vocaux, le Chœur des Elfes et le Finale, ce qui la réduit à 30 minutes de pure suite pour orchestre. Je me suis donc posé le défi de compléter ce programme musical exclu-sivement à partir d’œuvres du même compositeur, sans adjonction d’autres éléments sonores, par exemple élec-troniques. La suite du Songe étant une musique d’illus-tration pour la pièce de théâtre, j’ai cherché une œuvre musicale pleine, entière et forte, ayant un souffle et un élan de composition qui lui soit propre. D’où mon choix

Chp Il y a un troisième réseau de personnages dans l’armature shakespearienne du songe, probablement les plus célèbres de la pièce, les artisans devenus co-médiens amateurs…

Mk Avant d’en parler, j’aimerais évoquer les communau-tés de natures différentes qu’évoque Le Songe d’une nuit d’été, communautés qui décident chacune de leur côté de passer une dernière nuit avant les noces, par coïncidence dans la même clairière par un même soir de pleine lune. J’ai donc cherché comment de mon côté je pourrais re-produire cette imbrication de mondes, celui des elfes et des fées autour de Puck/Cupidon, le monde des humains incarné par deux couples d’amoureux et une cour qui se rend avec eux dans la forêt pour festoyer. La fée que Puck/Cupidon cherchera à séduire ira se cacher dans le monde des humains : c’est une première imbrication qui me per-met de développer alternativement les deux mondes.La troisième communauté, celle des artisans comédiens, plutôt balourds et maladroits, est assez difficile à traiter dans le ballet. J’ai pensé qu’ils pourraient servir la fonc-tion de récitatif ; c’est par eux que l’on comprend le récit de la flèche perdue de Cupidon. Ils éclairent les événe-ments, donnent un autre aspect aux relations imbriquées, contraintes, « Je te veux », « Je ne te veux pas », « On se sépare, mais on se retrouve »… Ces historiettes qui fina-lement se répètent sans cesse à l’intérieur du Songe sont celles de tout couple. C’est aux comédiens que je donne la charge de l’ouverture du spectacle pour dire l’importance de l’acte magique qui permet de diviser et de rassembler.

Chp Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de votre scénographie et des identités que vous prévoyez donner aux danseurs ?

joseph aitken« En tant qu’anglophone, le personnage de Puck et le songe sont peut-être plus intimement liés à ma culture que pour les autres membres de la compagnie. Pour cela, c’est un honneur d’avoir été choisi pour danser le rôle de Puck/Cupidon dans cette production. J’ai ressenti la même chose lorsqu’on m’a proposé de danser Puck dans la compagnie où j’étais avant le Ballet du Grand Théâtre. Je me suis rendu compte à ce moment que la figure de Puck me correspondait vraiment, que j’avais un plaisir incroyable à la danser. Entre les mains de Kele, l’approche est bien sûr différente, notamment au niveau du style de mouvement qu’il demande de moi, mais elle est tout aussi épanouissante. »

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sarawanee tanatanit« Mon français n’est pas très bon donc ce n’est pas toujours facile pour moi de suivre le détail toutes les évolutions de la narration que nous fait Kele pour comprendre la part qu’on y prend. Mais je connais bien la version du songe en ballet classique et les deux couples d’amoureux sont parmi des éléments qui se retrouvent également dans notre version. Le couple que je forme avec Geoffrey est celui des amants plus jeunes, nous dansons donc de manière plus rapide, dynamique et enjouée que l’autre couple. Le hasard a voulu que nous soyons partenaires. C’est un jeune danseur et j’ai un peu plus d’expérience mais je suis ravie de la manière dont ça se passe entre nous. »

travailler avec une musique dense, très « écrite », très en prise avec le temps. Cette difficulté, je la retrouve d’ail-leurs avec le Songe : quelle place trouver, quelle respira-tion donner à la danse de façon à ce qu’elle ne soit pas juste l’illustration gestuelle de la musique mais qu’elle porte elle-même une force. Ici, la dimension narrative donne une force supplémentaire aux danseurs au-delà du geste, permet de suivre une forme d’intrigue qui ren-force l’action scénique, à côté de la puissance musicale ; du coup, la danse n’est pas juste « jolie » – pour simpli-fier – mais porte elle-même un discours imbriqué dans le geste, et qui propose un parcours parallèle à celui de la musique. Cela me semble très important. Sans cette précaution un geste, quand bien même serait-il très contemporain, mis à côté de tels volutes musicaux, n’est jamais qu’une posture néo-classique de plus. Il faut sa-voir comment se décaler par rapport à une pratique déjà très parcourue. Cette difficulté-là est la même que j’ai eue avec Prokofiev ; il est simplement en prise différem-ment avec le temps. Pour illustrer cela, j’aimerais relever une symétrie entre Cendrillon et le Songe : dans les deux œuvres il y a un bal. La difficulté du bal pour un choré-graphe contemporain dans une œuvre d’aujourd’hui, où la danse se conçoit comme langage, c’est que la danse est soudain déplacée en fonction sociologique  : le bal. Comment faire en sorte que ce bal soit intéressant et que ce ne soit pas juste une jolie danse harmonieuse qui tourne en rond sur de la jolie musique. Pour cela, j’avais choisi dans Cendrillon de faire en sorte qu’un Prince un peu dragueur y multiplie ses tentatives de séduction, et de continuer à l’intérieur de la scène du bal de raconter un morceau de l’histoire. Dans le Songe l’exercice symé-trique c’est évidemment la Marche nuptiale qui n’est plus une musique, c’est une fonction sociologique sym-bolisant la sortie des époux de l’église sous une pluie de riz ou de pétales de fleurs. Comment se positionner à côté d’une telle musique au statut quasiment publici-taire ? Pour cela j’ai choisi de lui affecter un autre sens que celui d’une marche nuptiale ; c’est le cœur de l’ac-tion dans la forêt où les choses, disons… se désorganisent beaucoup, que tous les couples sont… un peu séparés, que chaque individu va un peu… rencontrer les autres et vivre un peu la vie avant que les couples ne soient rassemblés. Et la musique des noces devient musique de l’enterrement de vie de célibataire. Les épousailles se feront, en duos reconstitués, pendant la scène finale. La difficulté particulière du Songe par rapport à Cendrillon, réside aussi dans le fait que l’histoire du Songe, personne ne l’a dans la tête car c’est un récit théâtral très com-plexe. Certains se souviendront de vagues détails, une forêt, la pleine lune, une tête d’âne, Puck, mais ils ne font pas le poids à côté des images en nous qui font le récit de Cendrillon. Pour mon Songe, il s’agit de porter à la scène une chose qui est ressentie comme narrative mais dont la narration scénique hors des mots est impos-sible. C’est ainsi que s’impose à moi une relecture qui recompose les identités des personnages et des rapports qui les lient, mais qui est rendue lisible par la danse. Si l’histoire n’est pas exactement celle de Shakespeare, cela n’a finalement ici que peu d’importance, tant que toutes ces relations qui sont un peu amorales, un peu timides, un peu coquines, un peu « je-m’immisce-dans-votre-couple-pour-vous-séparer-mais-c’est-pour-mieux-vous-rassembler » sont, et c’est indispensable, lisibles en scène par la danse.

de l’Octuor pour cordes, quatre numéros en tout. Encore un défi pour composer ma danse, car c’est une œuvre complexe, au souffle permanent, qui ne cesse jamais d’avancer ses élans. La structure musicale plus légère contraste avec l’effectif massif de la suite du Songe. Après l’impulsion considérable de ce premier souffle, nous écouterons un bref extrait des Romances sans paroles, au piano ; une berceuse pour libérer les oreilles du dis-cours musical-fleuve de l’Octuor et préparer à la seconde grande partie, la suite pour orchestre.

Chp Frederick Ashton, John Neumeier, George Balanchine ont tous été inspirés par Le songe d’une nuit d’été. Comment Michel Kelemenis, dont le langage est plus contemporain que classique, souhaite-t-il prendre sa place dans cette continuité ?

Mk Le fait d’avoir travaillé sur Cendrillon m’a conforté dans ma liberté de créateur d’images contemporain face au répertoire classique. J’ai dû y aborder la difficulté de

geoffrey van dyck« À peine arrivé dans la compagnie et on me dit “T’es un des amoureux” ! C’est d’autant plus génial que je n’ai jamais dansé un rôle de garçon amoureux avec une fille et ou de pas de deux. Ça me met dans une situation de pantomime, même si c’est très loin de la pantomime démonstrative classique, et ça me fait chercher une forme de pantomime néo-classique, contemporaine. Je viens de finir mes premières répétitions de mon pas de deux avec Sarawanee et ça se passe bien ; nos corps sont faciles à mettre ensemble et on fait tout pour que notre pas de deux soit bien coulé. »

(ci-dessous, à gauche)

La scène finale de Cendrillon en 2009 avec Yu Otagaki (Cendrillon) et

Damiano Artale (Le prince).(à droite)

La scène du bal de Cendrillon où l'ensemble des danseurs

portent des escarpins rouges et des petites robes.

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La Fête de la musique est l’occasion pour les habitués du Grand Théâtre et les autres de le découvrir sous la forme la plus populaire qu’il soit. Cette édition 2013, ouverte par un lâ-cher de ballons sous un chaud soleil, n’a pas dérogé à la règle.

Jour de fête !v ous avez été plus de 3 500 à vous presser

dans les travées pour assister à des réci-tals de la jeune troupe et à une répéti-tion ouverte du Ballet en préparation du Songe d'une nuit d'été, son prochain spec-

tacle avec le chorégraphe Michel Kelemenis pour vous exprimer sa passion et son travail sur cette œuvre, et vous avez été près de 500 à être applaudis par une salle archi-comble lors du spectacle du chœur renforcé pour l’occasion par vous, notre public. Merci encore d’avoir pris part à cette fête comme spec-tateur et plus encore comme artiste, les quelques ins-tantanés de cette journée sont le signe manifeste de la belle énergie qui entoure votre Grand Théâtre. ©

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Chère Gisèle,Parfois, le public du Grand Théâtre peut être terrible-ment irrespectueux. Pendant une récente représentation de L’Or du Rhin, une dame assise à côté de moi n’a pas arrêté de consulter un de ces téléphones dits « intelli-gents », comme une adolescente à l’affut des dernières nouvelles de ses copines. Le compagnon de cette dame ne semblait pas du tout offusqué par son comportement, et je crois même que ce monsieur lui-même s’est amusé

à brandir son propre ordiphone lorsque les cheveux d’un chanteur ont pris feu. Que faire, chère Gisèle, dans des cas pareils ?

Siegfried Sans Smartphone

Cher Siegfried,Comme je vous plains ! Et Wagner ne s’est jamais imaginé que des lu-

cioles électroniques par centaines pouvaient troubler l’obscurité mys-

tique de la salle où sa composition serait jouée. Sinon il aurait prévu un entracte à Das Rheingold, pour permettre aux mélomanes de rappeler ces fâcheux à l’ordre…Nous sommes devant deux catégories d’in-fraction, l’une à la courtoisie élémentaire et l’autre à la propriété intellectuelle. Un télé-phone portable, mis « sous silence » peut

cependant vibrer avec une vigueur surprenante. Si c’est pendant les enclumes du Nibelheim, le mal est

moindre. Récemment, lors du pia-nissimo final d’une grande mezzo, un

Natel anonyme s’est mis à vrombir comme un bourdon asthmatique, à moins de deux mètres de mon fauteuil. Aussi agaçant qu’un moustique qui vous vient couiner à l’oreille quand vous venez juste de sombrer dans les bras de Morphée.Quant à la captation d’images pendant la durée de la représentation, elle est strictement interdite. Malgré l’abondance de vidéos pirates sur des chaînes de par-tage en ligne, cette pratique est illégale. Partout. Le personnel d’accueil du Grand Théâtre a la consigne de demander aux gens qu’ils voient utiliser leur téléphone portable pendant les représentations, de leur confier l’appareil jusqu’à ce que la lumière se refasse en salle. S’ils ont enregistré images ou son, il leur sera demandé d’effacer ce matériel.On demande aux passagers de lignes aériennes soit d’éteindre, soit de mettre leurs appareils hors mode de communication, une fonction disponible sur tous les smartphones (le mode « avion »). D’après une enquête, environ 30% des passagers « oublient » de le faire, ce qui a priori augure mal pour ce genre de solution dans les salles obscures. Et puis si vous utilisez votre appareil comme aide-mémoire ou agenda, une alarme est si vite oubliée…Le mode « avion », un pis-aller qui a au moins le mérite de vous mettre, par un geste conscient et réfléchi, hors d’atteinte pendant la durée de votre voyage lyrique. Et plus il y aura de spectateurs qui, par un geste délicat ou un murmure, feront comprendre aux accros de l’écran tactile, que la luminosité et les vibrations de leur appareil « sous silence » sont plus bruyants qu’ils ne s’imaginent, mieux on se portera à l’opéra ou au ballet. Votre dévouée, Gisèle de Neuve

Gisèle de Neuve fréquente le Grand Théâtre depuis 1952, année où elle hérita à l’âge de 10 ans, de l’abonnement de son arrière-grand tante Gertrude-Isabelle de Neuve, décédée d’une pneumonie après s’être rendue imprudemment aux Chorégies d’Orange sans petite laine. Madame de Neuve connaît tous les dé-tails de la vie du grand vaisseau sur sa place éponyme et s’est proposée à ACT-0 pendant la saison 13-14 comme trouble-shooteuse des petits et grands détails qui incommodent notre Cher Public. Chère Gisèle, que nous dit votre courrier ?

Non, mais allô quoi ?

CHère gisèle...Une chronique réalisée par Luz et Gisèle de Neuve

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Snif !

CHère gisèle...

Chère Gisèle,Avec le printemps exécrable que nous avons connu, les refroidissements et les rhumes ont affecté bien des gens. Mais pourquoi ces gens-là doivent-ils toujours être assis à côté de moi quand je viens au Grand Théâtre ? Lors d’un récital, il y a peu, ma voisine s’est mise à renifler, d’abord assez doucement mais avec une cadence et oserais-je le dire… un débit, toujours plus conséquents. Quand on est enrhumé, on reste chez soi, ou alors on apprend l’usage du mouchoir !

Véronique Linex

Chère Véronique,Je comprends votre irritation, mais je ne peux que sup-poser que vous êtes l’une de ces personnes, de plus en plus rares, pour qui un mouchoir est un carré de batiste fin repassé et parfumé, brodé à vos initiales et que, par conséquent, vous ne portez pas sur votre personne des tissus de papier à partager charitablement avec vos reniflants voisins. Sachez cependant que le personnel d’accueil du Grand Théâtre est à même de fournir le matériel nécessaire aux spectateurs en détresse rhino-lyrique. Plutôt que de vous irriter toute seule, et surtout

si vous êtes la plus proche des coursives, réclamez et tendez-lui le paquet secourable.Quant à votre suggestion de rester en quarantaine chez soi plutôt que de répandre ses germes dans les rangées du Grand Théâtre, elle est certes judicieuse. Mais tous les nez qui coulent ne sont pas sources d’infection : les allergies diverses aux pollens, aux poussières, aux par-fums (dont certains spectateurs font un usage parfois abusif, s’il m’est permis de digresser) peuvent nous surprendre aux moments les plus incongrus… Ne soyez donc pas si prompte à juger. N’oubliez pas enfin que la raison principale pour laquelle on vient à l’opéra, à savoir l’émotion, a cela d’inconvénient qu’elle peut par-fois déraper en des torrents de larmes et que le canal lacrymonasal draine l’excès de vos pleurs vers la cavité nasale. Des doux reniflements de votre voisine aux san-glots dégoulinants d’une mélomane touchée à l’extrême par le pathos de Butterfly, il n’y a pas loin à aller. Raison de plus, selon moi, pour remettre les mouchoirs en ba-tiste au goût du jour. Vous avez déjà essayé de pleurer toutes les larmes de votre cœur dans un vulgaire bout de cellulose ? Votre dévouée, Gisèle de Neuve

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Le comédien et metteur en scène Alain Carré

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Musicien, poète, éternel amoureux des « femmes interdites par le monde bourgeois », révolutionnaire sans le sou, fugitif traqué, exilé en Suisse, travaillé par l’antisémitisme de son

époque, Richard Wagner est l’auteur de nombreux écrits qui couvrent un large éventail de sujets. Ses idées ont été souvent récupérées, notamment par les Nazis. Mais n’oublions pas que Beethoven et Bruckner étaient éga-lement appréciés des Nazis. Il n’y a pas si longtemps, les ouvrages de Wagner étaient boycottés en Israël, et Daniel Barenboim a suscité de vives polémiques en diri-geant le prélude de Tristan und Isolde à Tel Aviv, en 2001.Que dire des relations entre Nietzsche et Wagner ? Une amitié à la fois bonheur et tragédie, l’histoire d’un malen-tendu réciproque qui devenait de plus en plus pénible d’année en année. Pendant près de sept ans, ils sont res-tés des étrangers l’un pour l’autre, et cela leur fut fatal. Ils furent « deux navires, dont chacun avait un but et sa voie tracée. » Ils partageaient bien des choses, un même amour pour la Grèce antique, un intérêt pour Schopenhauer, une même volonté d’anoblir l’homme, etc. Le premier Festival de Bayreuth (1876) consommera la rupture.Maître Marc Bonnant, connu et reconnu à Genève et par-delà les frontières, Bernard-Henri Lévy, écrivain, philo-sophe, personne médiatique qui vient de signer une ori-ginale et merveilleuse exposition à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence, et Alain Carré, comédien, nous invitent à être les juges du Cas Wagner. Faut-il le dire ou le redire ? Leur art conjugué à leurs talents exceptionnels et à leur remarquable personnalité ne manqueront pas de nous ouvrir de nouvelles perspectives sur un personnage hors du commun : le mage de Bayreuth qui restera encore longtemps un sujet de débats et de controverses.Richard Wagner représente bien un cas, toujours capable d’attiser de nouvelles passions. Nul doute, vous serez des nôtres, au cœur des débats, surtout lorsque de tels maîtres les animent… DD

WAGNéRiSMe POLiTiQue?Dans l’histoire de l’antisémitisme moderne, le rôle joué par Richard Wagner est aussi important qu’incompa-rable. Par son factum laborieux publié en 1850 et réédité en 1869, La Juiverie dans la musique, où il dénonce l’in-fluence selon lui corruptrice des Juifs dans la musique, il a largement contribué à la formation des énoncés de l’antisémitisme moderne.D’autres pamphlets suivront, d’une judéophobie fla-grante, brutale et parfois terrifiante.Le « Procès » mis en scène au Grand Théâtre sera en trois actes et une péroraison de contrastes. Alain Carré incarnera Richard Wagner. Bernard-Henri Lévy et Marc Bonnant l’accuseront ou le défendront. En alternance, sur un coup de dé, selon leur pensée profonde ou – qui sait ? – en contradiction avec elle…La philosophie et l’esthétique du siècle, mais aussi l’esprit du Festival de Bayreuth seront convoqués. Sans oublier, naturellement, la grande ombre de la tragédie du XXème siècle et de ce qu’il faut bien, hélas, appeler le wagnérisme politique.Seront cités à comparaître – viendront-ils  ? – des té-moins à charge et à décharge : Kant, Bakounine, Marx, Feuerbach, Schopenhauer, Meyerbeer et Mendelssohn, Nietzsche et Baudelaire, mais aussi Gobineau, Cosima Wagner, Houston Stewart Chamberlain, Winifred Wagner… et, peut-être, Adolf Hitler.Les textes seront analysés. Ce qu’ils disent et ce qu’ils font naître. Les images et la musique seront évoquées et les symboles de leur sillage.L’antisémitisme des écrits polémico-théoriques de Wagner est une réalité. En trouve-t-on la trace, et com-ment, dans ses œuvres poético-musicales ?Et quelle est, au regard de l’Histoire, la responsabilité de l’intellectuel et de l’artiste ?Un musicien immense répond-il, et de quelle façon, face à quel tribunal, de ses délires ou de ceux qu’il a nourris ? Vous serez juges ! MB & BHL

Richard Wagner laisse peu de gens indifférents. Depuis plus de deux siècles, on dissèque ses œuvres et on ne compte plus les écrits le concernant. Etait-il cet antisémite forcené que certains de plaisent à décrire ? Et que penser de sa querelle avec Nietzsche. Deux tribuns hors pair et un comédien s’emparent du sujet dans un brillant exercice oratoire.

les datesVendredi 8 novembre 2013Vendredi 31 janvier 2014Mercredi 30 avril 2014Une quatrième date est prévue. à 19 h 30 dans le Grand Foyer

Le cas Wagner… Un « Procès » passionnant

marc Bonnant et Bernard-Henri Lévy entourent l'illustration de la couverture de Der Spiegel de mars 2013 qui s'interroge sur la “folie géniale” de Wagner.

« Wagner, […] il rend malade tout ce qu’il touche, […] Wagner s’est trompé sur lui-même et a trompé les autres ; […]  s’attacher à Wagner, cela se paye cher. »friedriCH nietzsCHe

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d epuis sa création en septembre 2001, le service pédagogique se mobilise et s’investit pour familiariser les élèves des établissements publiques et privées dès la 6ème primaire, avec les arts lyrique

et chorégraphique, et ceci grâce au précieux soutien du Département de l’instruction publique, de la culture et du sport de la République et du canton de Genève, et l’aide providentielle de la Fondation de bienfaisance de la banque Pictet. La tâche est d’envergure et pas tou-jours facile, mais l’équipe de « pédagos » composée de Kathereen Abhervé, de Christopher Park à mi-temps et d’un/e stagiaire « MatuPro » engagé/e pour une année, s’emploie avec ardeur et passion à ce travail de fourmi qui conduira peut-être un jour, ces jeunes à pousser d’eux-mêmes, les portes de la noble institution.Ainsi, durant la saison écoulée, près de 5 000 élèves de six à vingt ans accompagnés de leurs enseignants ont fréquenté le Grand Théâtre, soit lors de répétitions géné-rales (environ 1400 élèves), de représentations publiques (90 élèves) ou de représentations scolaires (environ 3500 jeunes de 4 à 20 ans...). Des chiffres encore jamais égalés !

les Mille et un Moyens pour attirer les jeunesLes répétitions générales marquent pour les élèves, l’ul-time étape des parcours pédagogiques leur permettant de découvrir, outre les volutes souvent compliquées des livrets d’opéra, les coulisses du Grand Théâtre, ses ate-liers, et de s’initier aux arcanes de la mise en scène, de la danse ou de la scénographie. Plus d’une cinquantaine de classes de l’enseignement primaire, du cycle d’orienta-

Il en va des saisons théâtrales comme des rois. Un monarque s’éteint et déjà on célèbre dans l’allégresse le nouveau souverain : le roi est mort, vive le roi ! La comparaison est certes plaisante, mais avant de présenter les nouveaux projets pédagogiques du Grand Théâtre de Genève, revenons le temps de quelques chiffres sur la saison écoulée qui une nouvelle fois reflète l’engouement des jeunes pour la scène de Neuve.

par Kathereen Abhervé

« Emmenons-les à l'opéra ! »Programme pédagogique 13-14

Deux moments forts de la saison 13-14 pour nos jeunes amateurs d'opéra : Siegfried ou Qui deviendra le seigneur de l’anneau de peter Larsen mis en scène de Julien Ostini avec l'orchestre du Collège de Genève dirigé par philippe Béran. (ci-dessus, à gauche) Ici, une infographie du scénographe Bruno de Lavénère.(à droite) Découverte de l’instrumentarium créé par le compositeur américain Harry partch dont le chef-d’œuvre musical Delusion of the Fury sera présenté en mars prochain sur la scène du BFm.

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qCTition et du postobligatoire ont pu bénéficier cette année de cette préparation exceptionnelle. De plus, grâce à son directeur général, Tobias Richter, fort bien disposé envers le jeune public, le Grand Théâtre a proposé trois représentations réservées aux élèves dites « représenta-tions scolaires » dont les places sont à 10 francs. Il s’agis-sait tout d’abord en février dernier du spectacle de ballet Le Sacre du printemps et Les Noces de Stravinski qui a at-tiré en pleine après-midi près de 900 élèves au Bâtiment des Forces Motrices. Puis au mois de mai, deux repré-sentations du conte lyrique Le Chat botté du compositeur César Cui ont été littéralement prises d’assaut par plus de 2500 élèves dont certains n’étaient pas plus haut que trois pommes. Inspirés par les prouesses du rusé matou, certains d’entre eux issus d’une classe de regroupement spécialisé de l’école de Cayla, nous ont transmis leur vision artistique de ce Robin des Bois réalisé à l’aide de chutes de tissu (voir réalisation ci-contre).

des projets plein la têteAprès une telle saison, le service pédagogique n’avait plus qu’à relever le défi pour faire encore mieux. Aussi sept des neuf spectacles lyriques et chorégraphiques de la saison feront l’objet d’une préparation soutenue qui permettra aux élèves d’une soixantaine de classes d’as-sister aux répétitions générales. Le contenu de ces pro-positions est par ailleurs disponible sur le site du Grand Théâtre de Genève (www.geneveopera.ch/pedagogie). Comme les années précédentes, la metteuse en scène Michèle Cart, la scénographe Claire Peverelli, la chan-teuse lyrique Marie-Camille Vaquié et élisabeth Laurent, ancienne danseuse du Ballet du Grand Théâtre de Genève, mettront leurs compétences professionnelles et leur expérience au service des élèves afin de leur permettre, au cours d’ateliers interactifs, de découvrir quelques unes des facettes de leur profession. À l’occa-sion de La Chauve-Souris qui sera programmée sur la scène de Neuve pour les fêtes de fin d’année, un atelier d’initiation à la valse organisé dans le somptueux décor du grand foyer viendra par ailleurs enrichir ces offres, en proposant aux élèves de pratiquer cette danse si popu-laire dans la Vienne du XIXème siècle.Outre les parcours pédagogiques faisant dorénavant partie de la tradition, il sera proposé aux élèves des classes de musique du postobligatoire de préférence, de découvrir en collaboration avec le Festival Archipel, le formidable « instrumentarium » créé par le compositeur américain Harry Partch dont le chef-d’œuvre musical Delusion of the Fury sera présenté en mars prochain sur la scène du BFM. Enfin pour rester fidèle à sa politique en faveur du pu-blic jeune et dans le cadre du bicentenaire de la nais-sance de Wagner qui se poursuit toute cette saison avec l’intégrale de l’Anneau du Nibelung, le Grand Théâtre pro-gramme Siegfried ou Qui deviendra le seigneur de l’anneau, une fantasy musicale conçue par Peter Larsen pour un public d’enfants et d’adolescents de 8 à 14 ans. Nul doute que les 1500 places à 10 francs de l’unique représenta-tion scolaire programmée le 24 mars prochain à 10 h 30 ne vont pas faire long feu.Ajoutons à cela que les élèves qui participeront à une visite des ateliers du Grand Théâtre pourront doréna-vant essayer costumes, casques et chapeaux extraits de la formidable réserve de costumes riche de plus de 4 000 pièces. Et bien d’autres surprises les y attendent... KA

Quelques perles relevées au cours de discussions avec les élèves

QueSTiON Qu’as-tu aimé dans le spectacle que tu as vu sur la scène du Grand Théâtre ?RéPONSe J’ai préféré l’entracte. (un élève de 9ème du collège de la Gradelle)

QueSTiON Quelle activité as-tu préférée ?RéPONSe Moi geme les chosur et la danse. (un élève de 5ème primaire de l’école de Meinier)

QueSTiON Aimerais-tu revenir au Grand Théâtre ?RéPONSe Petètre si le spectacle est moins long. (un élève de 6ème primaire de l’école des Grottes)

QueSTiON Quelles activités as-tu préférées ?RéPONSe Je n’en ai préféré aucune mais j’aimerais quand même revenir au Grand Théâtre. (un élève de 7ème primaire de l’école La Découverte)

QueSTiON Comment as-tu trouvé Rheingold de Wagner ? RéPONSe Lent et long. (une élève de 4ème du Collège Rousseau)

(ci-dessus)

Inspirés par les prouesses du rusé matou du Chat Botté de César Cui en mai 2013, quelques enfants issus d’une classe de regroupement spécialisé de l'école de Cayla, nous ont transmis leur vision artistique de ce Robin des Bois réalisé à l’aide de chutes de tissu.

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OPéRA

siegfriedDeuxième journée en 3 actes du festival scénique Der Ring des Nibelungen de Richard Wagner

Au Grand Théâtre30 janvier & 5 | 8 février 2014 à 18 h2 février 2014 à 15 hDirection musicale ingo Metzmacher Mise en scène Dieter DornDécors & costumes Jürgen RoseAvec John Daszak , Petra Lang, Tómas Tómasson, Andreas Conrad, John Lundgren, Maria Radner Orchestre de la Suisse RomandeNouvelle production

Conférence de présentationpar Christian MerlinMercredi 29 janvier 2014 à 18 h 15

OPéRA

la CHauve-sourisOpérette en 3 actes de Johann Strauss fils

Au Grand Théâtre13 | 17 | 21 | 28 | 30 | 31 décembre 2013 à 19 h 3015 | 22 décembre 2013 à 15 hDirection musicale Theodor Guschlbauer Mise en scène Stephen LawlessDécors Benoît DugardynCostumes ingeborg BernethAvec Noëmi Nadelmann, Nicolas Rivenq, Teodora Gheorghiu, Marie-Claude Chappuis, Olivier Lallouette, Dimitri Chœur du Grand ThéâtreOrchestre de la Suisse RomandeProduction originale du Festival de GlyndebourneReprise en français de la production du Grand Théâtre de 2008

Conférence de présentationpar Alain PerrouxJeudi 12 décembre 2013 à 18 h 15

RéCiTALS

leo nuCCiBARyTON

avec l’italian Chamber Opera QuintetDirection et piano Paolo Marcarini Au Grand Théâtre 20 décembre 2013 à 19 h 30

ferruCCio furlanettoBASSe

Piano igor TchetuevAu Grand Théâtre 12 janvier 2014 à 19 h 30

laWrenCe BroWnleeTéNOR

Piano Christophe LarrieuAu Grand Théâtre 21 janvier 2014 à 19 h 30

SPeCTACLe

le Cas WagnerAu foyer du Grand ThéâtreVendredi 8 novembre 2013 à 19 h 30Vendredi 31 janvier 2014 à 19 h 30Marc Bonnant, Bernard-Henri Lévy et Alain Carré mettent en scène le « Procès » de Richard Wagner.

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