accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

8
1 Accroître la capacité de changement de l'organisation m• N° 137a Cette synthèse a été rédigée à partir d'une analyse critique de publications soigneusement sélectionnées. Il s'agit d'une œuvre originale, et non d'un simple condensé de ces publications. Elle ne peut donc se substituer à la lecture de celles-ci. S'appuyer sur un réseau de "champions du changement" pour rendre l'entreprise plus réactive. La pression au changement n'a jamais été aussi forte. Evolutions technologi- ques, mondialisation, mouvements de concentration, etc. sont autant de fac- teurs qui nécessitent de plus en plus souvent d'importantes transformations dans l'entreprise. Pourtant, de nombreuses études montrent que les grandes initiatives de changement présentent de forts risques d'échec. Les transformations visées im- pliquent en effet de changer les comportements quotidiens d'un nombre par- fois considérable de salariés. Il ne suffit donc pas de les décréter pour les réussir. Les publications que nous avons sélectionnées mettent en avant un levier fondamental dans la réussite de changements significatifs : pouvoir s'appuyer sur des salariés qui "tirent" le changement de l'intérieur. Il s'en dégage trois messages essentiels : - Certains salariés ont la capacité de se comporter comme des "champions du changement", prédisposés à aider leur entourage à se remettre en cause pour progresser. - Se doter d'un vivier de "champions du changement" renforce considérablement la capacité de transformation de l'organisation. - Pourvoir son organisation de champions du changement ne suffit pas. Il faut également veiller à orienter leur action et à leur apporter un soutien au quotidien. idées clés ACCROÎTRE LA CAPACITÉ DE CHANGEMENT DE L'ORGANISATION nos sources Synthèse des idées publiées par les meilleurs experts, en particulier dans les livres présentés ci-dessous et les publications citées dans le premier encadré "en savoir plus". REAL CHANGE LEADERS Jon R. Katzenbach, éd. Three Rivers Press, 1997, 416 pages. Avec la contribution de Paul Evans, professeur de ressources humaines et de comportement des organisations à l'INSEAD. TRUE CHANGE Janice A. Klein, éd. Jossey-Bass, 2004, 207 pages.

Transcript of accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

Page 1: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

1

Accroître la capacité de changement de l'organisation

m

• N° 137a

Cette synthèse a été rédigée à partir d'une analyse critique de publications soigneusement sélectionnées. Il s'agit d'une œuvre originale, et non d'un simple condensé de ces publications. Elle ne peut donc se substituer à la lecture de celles-ci.

S'appuyer sur un réseau de "champions du changement" pour rendre l'entreprise plus réactive.

La pression au changement n'a jamais été aussi forte. Evolutions technologi-ques, mondialisation, mouvements de concentration, etc. sont autant de fac-teurs qui nécessitent de plus en plus souvent d'importantes transformationsdans l'entreprise.

Pourtant, de nombreuses études montrent que les grandes initiatives dechangement présentent de forts risques d'échec. Les transformations visées im-pliquent en effet de changer les comportements quotidiens d'un nombre par-fois considérable de salariés. Il ne suffit donc pas de les décréter pour les réussir.

Les publications que nous avons sélectionnées mettent en avant un levierfondamental dans la réussite de changements significatifs : pouvoir s'appuyersur des salariés qui "tirent" le changement de l'intérieur. Il s'en dégage troismessages essentiels :

-

Certains salariés ont la capacité de se comporter comme des "champions du changement", prédisposés à aider leur entourage à se remettre en cause pour progresser.

-

Se doter d'un vivier de "champions du changement" renforce considérablement la capacité de transformation de l'organisation.

-

Pourvoir son organisation de champions du changement ne suffit pas. Il faut également veiller à orienter leur action et à leur apporter un soutien au quotidien.

idées clés

ACCROÎTRE LA CAPACITÉ DE CHANGEMENT DE L'ORGANISATION

nos sources

Synthèse des idées publiées par les meilleurs experts, en particulier dans les livres présentés ci-dessous et les publications citées dans le premier encadré "en savoir plus".

REAL CHANGELEADERS

Jon R. Katzenbach,éd. Three Rivers

Press, 1997,416 pages.

Avec la contribution de Paul Evans, professeur de ressources humaines et de comportement des organisations à l'INSEAD.

TRUE CHANGE

Janice A. Klein, éd. Jossey-Bass, 2004, 207 pages.

Page 2: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

2

analyse

m

• N° 137a Accroître la capacité de changement de l'organisation

Pour rédiger cette synthèse, nous nous sommes inspirés des livres présentés en première page, mais aussi des sources suivantes :

- Real Change Leaders, McKinsey. (Article en ligne sur www.manageris-executive.com)Un article écrit par les auteurs de "Real Change Leaders", qui résume les idées clés de l'ouvrage.

- Helping Employees Embrace Change, McKinsey, 2002. (Article accessible sur www.manageris-executive.com)Les transformations majeures ont de meilleurs résultats avec des salariés préparés à tous les niveaux.

- Disturbing The System, Accenture, Outlook, 2004. (Article accessible sur www.manageris-executive.com)Comment des leaders du changement peuvent faciliter le changement dans l'organisation.

pour en savoir plus

1

Changer de l'intérieur

Imposer le changement aux salariés permet rarement de transformer l'organisation en profondeur.

La difficulté de changer constitueun frein majeur à la performance denombreuses organisations. En effet,les besoins de transformation sont deplus en plus fréquents : adoption denouvelles technologies, reconfigura-tion des processus, changement d'ap-proche commerciale, réorganisation,etc. Or la majorité des initiatives dechangement échouent. Une étude deMcKinsey sur les initiatives de chan-gement au sein de 40 entreprises desecteurs variés révèle que, dans 58 %des cas, celles-ci n'ont pas atteintleurs objectifs.

Le taux d'échec des tentatives dechangement s'explique par la diffi-culté de faire évoluer les comporte-ments du quotidien. En effet, pourréussir une transformation, il ne suffitpas de changer les outils, les techno-logies, ou encore l'organisation deséquipes ou des processus. Il est géné-ralement essentiel de faire aussi évo-luer les gestes et réflexes profession-nels, croyances, attitudes, etc. Parexemple, un industriel souhaitantadopter un système de production"au plus juste" (ou

lean management

)doit changer non seulement ses pro-cessus et son mode d'organisation,mais aussi faire évoluer le comporte-ment des salariés. Il ne lui suffira pasde réorganiser ses chaînes d’assem-blage. Il faudra aussi que les ouvriersacquièrent le réflexe de stopper lesopérations dès qu’ils constateront uneanomalie ou un défaut de qualité.Ceux-ci devront également acquérirde nouveaux savoir-faire afin d’êtreplus polyvalents. Or tout cela repré-sente une véritable révolution desmentalités par rapport au système deproduction classique. Pour avoir sous-estimé l'ampleur de cette révolution,de nombreux constructeurs automo-biles ont été confrontés aux pires dif-ficultés en tentant d'imiter les métho-des qui avaient fait le succès deToyota.

Face à ce besoin de transformationen profondeur, l'approche tradition-nelle de conduite du changement estinsuffisante. Généralement, on inviteles dirigeants qui souhaitent initier unchangement d'envergure à communi-quer leur vision, à obtenir l'adhésionsur les orientations essentielles, puis àdécliner leur stratégie en objectifsprécis. Des équipes de projet sontalors mandatées pour définir de nou-velles façons de travailler, puis dé-ployer ces nouvelles approches à l'en-semble de l'organisation.

Cette démarche classique, en ap-parence séduisante, se heurte à deuxgrandes difficultés :

• On ne décrète pas un changement de culture.

Nos comportements quotidien re-posent sur un ensemble de croyancesfortement enracinées, et souvent nonformulées. Il ne suffit pas d'une simpledemande ou même d'une démonstra-tion, aussi logique et convaincantesoit-elle, pour faire changer des con-victions ancrées de longue date. Ortant que certaines croyances n'évo-lueront pas, les changements engagésrisquent fort d'être superficiels, etdonc peu durables. Prenons l'exemplede dirigeants qui souhaitent promou-voir la transversalité. Il ne suffit pas departager leur vision d'une entrepriseoù les idées circulerait librement d'unservice à l'autre, de mettre en placeune organisation matricielle et d'ex-pliquer à chacun qu'il est importantde faire circuler l'information. Si, aufond d'eux, les salariés et leurs supé-rieurs hiérarchiques restent convain-cus que le plus important est d'attein-dre ses propres objectifs, voire seconsidèrent en concurrence interneavec d'autres équipes, ils auront degrandes difficultés à changer leurscomportements. Quelle que soit leurbonne volonté initiale, celle-ci auratôt fait de disparaître lorsque l'effetmobilisateur de la nouvelle visions'estompera ou qu'ils seront soumis àune forte pression. Ils "oublieront"alors de transférer telle ou telle infor-mation, rechigneront à se soumettre àdes procédures jugées fastidieuses,etc. De fait, ce n'est que par un dialo-gue conduit sur la durée et une con-frontation régulière à l'épreuve desfaits que l'on peut amener progressi-

vement l'autre à changer sa façon devoir les choses. C'est pourquoi il estdifficile aux dirigeants, trop éloignésde la majorité de leurs collaborateurs,de convaincre les salariés de changerleurs comportements.

• La mise en œuvre du changement se joue souvent sur les détails.

Même lorsque les salariés adhèrentsur le principe à la nouvelle vision ex-posée par les dirigeants, ils se trou-vent fréquemment confrontés à desproblèmes de mise en œuvre. Soit ilsne voient pas comment la traduiredans les faits, soit ils constatent desincohérences que les dirigeants, tropéloignés de la réalité opérationnelle,ne peuvent pas voir. Une bonne pra-tique pour pallier ce problème est dedécliner les objectifs en "cascade",chaque responsable hiérarchique dé-clinant ses objectifs en des objectifsplus précis et concrets pour les mem-bres de son équipe. Mais cette appro-che est clairement insuffisante. En ef-fet, c'est à un niveau très fin de détailque l'organisation doit se transformer,et il est impossible d'anticiper chaqueévolution nécessaire. Le changementbutte ainsi souvent sur des problèmesde mise en œuvre concrète au plusprès du terrain. Il ne peut réussir quesi les salariés se sont approprié lesgrandes orientations, et sont à mêmede les traduire intelligemment dansleurs actions quotidiennes, quelle quesoit la diversité des situations rencon-trées. Or tous les salariés n'ont pas lacapacité requise de remise en cause etd'adaptation des façons de faire.

Page 3: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

3

Accroître la capacité de changement de l'organisation

m

• N° 137a

TRUE CHANGEJanice A. Klein, éd. Jossey-Bass, 2004

Ce livre propose une approche originale du changement, en s'opposant à l'idée que les dirigeants ont la responsabilité de "conduire le changement". Le propos de l'auteur est que le changement décrété au sommet, et imposé ensuite à l'ensemble de l'entreprise, est voué à l'échec. En effet, le "changement véritable" est celui qui aboutit à une modification en profondeur de la culture de l'entreprise. Sans quoi les salariés appliqueront initialement les nouvelles directives, mais reviendront progressivement à leurs anciennes habitudes. L'auteur préconise au contraire de s'organiser pour faire "tirer le changement" de l'intérieur de l'organisation, en s'appuyant sur un réseau d'agents du changement.- La première partie de l'ouvrage, chapitres 2 à 4, analyse les difficultés que rencontrent de nombreuses entreprises lorsqu'elles initient une transformation majeure. En s'appuyant sur des exemple détaillés, dont celui d'une entreprise industrielle ayant tenté de mettre en place le "lean management", l'auteur introduit progressivement les notions qui sous-tendent le reste de l'ouvrage : le changement est plus efficace s'il est désiré par les salariés auxquels il s'applique, s'il s'inscrit dans la culture existante, et s'il est conçu et mis en œuvre au niveau opérationnel. Le cœur de l'ouvrage est le chapitre 2, qui présente le concept "d'outsider-insider". Certains salariés ont en effet la capacité à la fois de s'approprier la culture et les modes de fonctionnement de l'entreprise, et de prendre du recul pour s'extraire de ces façons de faire et proposer des solutions différentes. C'est sur ces individus que l'entreprise peut s'appuyer pour initier un changement qui viendra réellement "de l'intérieur". Le reste de cette partie peut se lire rapidement.- La deuxième partie du livre propose de multiple conseils très concrets sur la façon de développer et de tirer parti de ces "outsider-insiders". Comment former les salariés en place à adopter un regard plus extérieur (chapitre 5) ? Comment, à l'inverse, intégrer de nouvelles recrues en faisant en sorte qu'elle ne perdent pas leur vision extérieure tout en assimilant la culture de l'entreprise (chapitre 6) ? Comment faire en sorte que leurs initiatives soient cohérentes avec la stratégie de l'entreprise (chapitre 7) ? Enfin, comment entretenir dans la durée leur état d'esprit, à la fois critique et engagé vis-à-vis de l'entreprise (chapitre 8) ?

pour en savoir plus

C'est pourquoi les transformationsqui réussissent le mieux sont celles quisont "tirées de l'intérieur" plutôtqu'exclusivement poussées par les di-rigeants (

figure A

) : la prise encharge volontariste par des managersau plus près du terrain est particulière-ment efficace pour conduire les équi-pes à évoluer. Ainsi, les dirigeants dela banque Texas Commerce Bankavaient un objectif très ambitieux deréduction des coûts : 50 millions dedollars en un an. Ils avaient lancé unerefonte de la quasi totalité des proces-sus, sans grand succès. Ils ont alorsécouté un certain nombre de mana-gers intermédiaires, qui leur ont mon-tré que la façon essentiellement finan-cière dont ils avaient formulé cetobjectif n'était pas motivante pour lessalariés. Ces managers ont proposéune nouvelle façon d'envisager leproblème : "éliminer tout ce qui en-nuie les clients et les employés", etont agi, chacun à son niveau, pourconvaincre leur entourage de réflé-chir à des solutions pour résoudre ceproblème. Cette approche a redyna-misé de façon spectaculaire la démar-che de re-engineering.

Nous allons voir que pour réussir lechangement, il est très utile de s'ap-puyer sur un noyau d'individus capa-bles de "tirer le changement" depuisl'intérieur de l'organisation. Nousverrons ensuite comment se doterd'un vivier de tels "champions duchangement" et quelle aide leur ap-porter pour tirer le meilleur parti deleurs compétences.

2

Des individus clés

Certains individus sont capables d'initier et faire réussir le changement dans leur entourage.

A tous les niveaux de l'organisa-tion, certains individus ont, plus qued'autres, la capacité d'initier et depromouvoir le changement. Ils savents'extraire de la réalité quotidiennepour prendre du recul sur les modesde fonctionnement de l'entreprise. Ilssont ainsi capables de repérer desproblèmes invisibles aux yeux desautres, et d'identifier des opportunitésinsoupçonnées. Ils savent aussi envi-sager des solutions originales pour ré-pondre à ces problèmes ou tirer partide ces opportunités. Enfin, ils saventconvaincre à la fois leurs supérieurshiérarchiques et leurs collègues demettre en œuvre les changementsqu'ils suggèrent. Ils agissent ainsicomme de véritables "champions duchangement".

Le livre

Real Change Leaders

four-nit plusieurs illustrations de telschampions du changement. Parmieux, Charles Bennett, un chefd'équipe de production sur un site deforage de Mobil, dans le Golfe duMexique. Bennett savait que les diri-geants avaient des objectifs ambitieuxde réduction de coûts et d'accroisse-ment de la valeur actionnariale. Maisil ne s'est pas contenté de répercuterces objectifs à son équipe comme onle lui demandait. Il n'a pas non pluspris aveuglément le parti de ses colla-

borateurs, qui n'étaient pas favorablesau changement. Son expérience duterrain et sa connaissance de la cul-ture de ses équipiers lui ont fait com-prendre que l'exhortation des diri-geants n'avait aucune chance de lesconvaincre des vertus des réductionsde coûts. Faisant un constat lucide surles risques qu'ils encouraient, il a prissur lui de leur demander de réagir

A

Conception traditionnellede la conduite du changement

"Tirer" le changement de l'intérieur

Les dirigeants définissent la vision ainsi que les grands axes de la stratégie, et les communiquent à leurs collaborateurs

Les différents niveaux de management déclinent "en cascade" ces orientations en directives et objectifs de plus en plus précis

Les dirigeants définissent les orientations et les grands axes de la stratégie

Des "champions du changement", s'étant approprié ces orientations, identifient des opportunités de changement à leur niveau, et entreprennent de convaincre leurs supérieurs, leur pairs et les membres de leurs équipes

Les salariés appliquent ces directives ou doivent proposer des initiatives pour atteindre les objectifs

Deux approches du changement

La conception traditionnelle se heurte à l'éloignement entre le terrain et les initiateurs du changement que sont les dirigeants : ils échouent ainsi souvent à faire évoluer les comportements en profondeur ou à faire émerger les solutions adaptées sur le terrain.

Page 4: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

4

m

• N° 137a Accroître la capacité de changement de l'organisation

REAL CHANGE LEADERSJon R. Katzenbach, éd. Three Rivers Press, 1997, 416 pages.

Ce livre fait le constat que les transformations réussies émanent souvent des middle-managers, qui agissent comme les "véritables leaders du changement". En s'appuyant sur de nombreux exemples tirés du monde de l'entreprise, l'auteur souligne les caractéristiques qui distinguent ces leaders du changement des autres managers : une aptitude à remettre en cause les normes et les hypothèses existantes, une énergie contagieuse, le pouvoir de parler au cœur des autres et pas seulement à leur raison, un profond désir de voir l'entreprise progresser, etc. La tonalité de l'ouvrage est essentiellement pratique, avec de multiples conseils de mise en œuvre, des check-lists, un questionnaire pour déterminer si un individu a le profil du "real change leader", etc. Mais il peut se lire à plusieurs niveaux et incite aussi à une prise du recul sur la conduite du changement.

pour en savoir plus

pour sauver leur poste. Pour cela, il ainnové en partageant avec eux des in-formations sur les coûts d'exploita-tion de l'entreprise, leur faisant tou-cher du doigt de façon tangible ceque coûtait l'extraction du pétrole.Comparant ces coûts avec ceux desconcurrents, il est parvenu à les con-vaincre qu'il était possible de devenirl'exploitant le moins cher de la ré-gion, et ainsi, de gagner des parts demarché, ce qui permettrait de créerdes emplois. Pour cela, il ne s'est pascontenté d'un discours : il a dialoguéavec chacun, à de nombreuses repri-ses, de façon quotidienne et souventinformelle. Ensemble, ils ont ainsiidentifié différentes actions qui ontcontribué à renforcer la compétitivitéde Mobil dans la région. Ces effortslui ont permis de transformer ce quiétait à l'origine une mesure de crise enune opportunité de doper la perfor-mance de son équipe. Il s'est ainsi ré-vélé un acteur clé du changement.

Parvenir à initier le changementde cette façon suppose un certainnombre d'aptitudes, qui caractéri-sent les champions du changement(

figure B

) :

• La capacité d'adopter simultanément plusieurs point de vue.

Alors que la majorité des salariésconsidèrent les façons de fairecomme établies une fois pour toutes,

les champions du changement les en-visagent comme une option parmid'autres. Cette aptitude leur permetd'imaginer des possibilités d'action làoù les autres ne voient qu'une im-passe. Ainsi, Bennett a su s'extraire àla fois de la position de sa hiérarchieet de celle de ses équipiers pour pro-poser une approche différente duproblème. Mais la solution qu'il aproposée et mise en œuvre n'a pu êtreefficace que parce qu'elle reposait sursa connaissance intime de son équipe.L'auteur de

True Change

appelle ainsiles champions du changement des"outsiders/insiders", parce qu'ils com-binent une connaissance "de l'inté-rieur" du fonctionnement et de la cul-ture de l'entreprise avec la capacitéd'exercer un regard critique, commepourrait le faire un consultant externe(

figure C

).

• Une forte intelligence émotionnelle.

Les résistances au changementsont souvent d'ordre psychologiqueet rarement explicites. Il est donc im-portant, pour mener habilement unchangement, d'être capable d'écouterles émotions des autres et de les ame-ner à exprimer leurs ressentis. De fait,on constate que les champions du

changement ont souvent à la fois unecertaine sensibilité naturelle et uneexpérience qui leur a permis de déve-lopper leur intelligence émotionnelle.Le succès de Bennett s'explique ainsien grande partie par le temps qu'il aconsacré à discuter de façon très ap-profondie avec ses différents collabo-rateurs de leur perception de la situa-tion, de leurs inquiétudes ou de leursdoutes.

• Le courage d'exprimer des opinions dissidentes.

Agir comme un champion duchangement consiste à s'opposer enpermanence à la façon communé-ment acceptée d'envisager la situa-tion. En cela, les champions du chan-gement se mettent souvent en porte-à-faux vis-à-vis de leur hiérarchie, àqui ils suggèrent des solutions diffé-rentes de celles envisagées initiale-ment. De même, ils risquent d'irriterleurs pairs en ne soutenant pas néces-sairement la position du groupe, etleurs collaborateurs, à qui ils deman-dent régulièrement de se remettre enquestion. Ce sont donc souvent desindividus mus par un profond désir devoir aboutir leurs idées, plus que parun souci d'avancement hiérarchiqueou de récompense.

B

D'après Real Change Leaders, Jon R. Katzenbach, éd. Three Rivers Press, 1997.

Les qualités des champions du changement

Leurs défis Les qualités requises

– Etre ancré dans la réalité opérationnelle – Bien comprendre la culture de l'entreprise– Faire preuve de discernement : comprendre les

orientations stratégiques, mais être capable de proposer des solutions différentes si elles paraissent plus adaptées

– S'en remettre aux faits, voir par soi-même plutôt que croire les autres

– Oser expérimenter et savoir en tirer les leçons

– Savoir prendre du recul sur les façons de faire habituelles– Savoir s'inspirer d'idées prises à l'extérieur, et les adapter

pour les appliquer en interne– Etre capable d'envisager en parallèle plusieurs points de

vue différents– Etre prompt à se remettre en cause

– Avoir une forte intelligence émotionnelle pour comprendre les ressentis des uns et des autres

– Faire preuve de courage pour exprimer des opinions dissidentes et "déranger" son entourage

– Avoir la persévérance de prendre le temps de dialoguer avec chacun

Avoir un impact à 360° autour de soi

Réussir l'articulation entre la réalité du marché, les désirs des dirigeants et la capacité des salariés à changer

Etre capable d'imaginer les solutions les plus appropriées aux problèmes rencontrés

Page 5: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

5

Accroître la capacité de changement de l'organisation

m

• N° 137a

• Une persévérance supérieure à la moyenne.

Convaincre de la nécessité d'unchangement et le faire aboutir est untravail de longue haleine. En effet,une transformation majeure n'est pé-renne que si les croyances qui sous-tendent les comportements ont réel-

lement changé. Faire évoluer cescroyances nécessite de longues dis-cussions, de même qu'il faut veilleren permanence à ce que les ancienscomportements ne reprennent pas ledessus. Les champions du change-ment doivent donc faire preuved'une énergie et d'une ténacité supé-

rieure à la moyenne pour assurer lamise en œuvre des changementsqu'ils soutiennent.

Ainsi, l'entreprise dispose souventsans le savoir d'une ressource pré-cieuse pour développer sa capacité dechangement : des individus capablesd'initier le changement à leur niveau,et de le diffuser dans l'organisation.Nous allons voir à présent commentrepérer et développer ces individus etcomment soutenir leur action.

3

Développer un vivier de champions du changement

Pour accroître l'aptitude de l'organisation au changement, il faut investir dans le développement d'individus susceptibles de l'initier.

Pour tirer parti de l'existence dechampions du changement, il fautveiller à ce que ceux-ci soient pré-sents en nombre suffisant dans lesrangs de l'organisation. Faute de quoi,ils ont peu de chances d'être écoutéset risquent de finir par être mis àl'écart par leurs collègues, ou de se re-plier sur eux-mêmes par lassitude.

L'enjeu est donc de repérer et dedévelopper des individus qui, tout enressentant clairement leur apparte-nance à l'organisation, sont capablesd'adopter un point de vue externe surses modes de fonctionnement. Pourcela, deux voies sont possibles :

• Former des salariés en place pour leur apprendre à avoir un point de vue "extérieur".

Certains individus sont, de parleur personnalité et leurs expériencespassées, prédisposés à agir commedes champions du changement. Il estdonc important de mettre en place,dans le cadre des processus d'évalua-tion annuelle par exemple, lesmoyens de repérer de telles prédis-positions. Il s'agit d'identifier les in-dividus qui possèdent les caractéris-tiques décrites précédemment :aptitude à voir les choses sous un an-gle original, intelligence émotion-nelle, courage d'affronter l'opposi-tion, persévérance à la limite del'opiniâtreté, etc.

Une fois ces individus détectés, ilfaut les aider à développer leur apti-

DFormer les salariés à prendre du recul

Modalités possibles Remarques

Une fois identifiés les individus dont la personnalité et l'expérience laissent penser qu'ils sont susceptibles de devenir des champions du changement, il faut accroître leurs chances de jouer ce rôle en les mettant en situation d'être confrontés à des perspectives différentes.

Une immersion totale, de longue durée, dans un nouvel environnement (expatriation, formation longue hors site, etc.)

Il faut maintenir des contacts réguliers avec le salarié et bien préparer sa réintégration : le risque serait qu'il perde de vue la perspective interne, et se mette en porte-à-faux avec le reste de l'entreprise à son retour.

Une exposition répétée et fréquente à d’autres univers ou d’autres cultures (lecture d’ouvrages ou de la presse professionnelle, séjours à l’étranger, participation à des conférences, visites d’usines, etc.)

On aura intérêt à privilégier des secteurs d’activité différents du sien car cela stimule la curiosité et l’analyse. Cela permet en outre d’éviter les analogies trop rapides ou trop superficielles avec son propre environnement de travail.

La confrontation à de multiples perspectives en interne (affectation à un rôle transversal, à une équipe multidisciplinaire, changement de poste ou de fonction en interne, etc.)

Il est conseillé d'accompagner cette démarche d'un coaching, de façon à aider le salarié à ne pas être déstabilisé par les approches différentes, mais au contraire à apprendre à faire cohabiter différentes façons de voir un problème.

CUn équilibre à trouver

Les champions du changement se caractérisent par leur capacité à combiner une connaissance intime du fonctionnement de l'entreprise avec une aptitude à prendre du recul pour le regarder avec un œil critique. Ils peuvent ainsi pousser des solutions qui tiennent compte de ces deux perspectives.

Perspective interne Regard extérieur

– Comprendre les subtilités de la culture de l'entreprise

– Connaître le détail des modes de fonctionnement

– S'appuyer sur une légitimité acquise préalablement auprès des autres salariés

– Savoir s'extraire des modes habituels de fonctionnement

– Remettre en cause les hypothèses sur lesquelles les décisions sont prises

– S'inspirer de solutions qui ont fait leurs preuves ailleurs

D'après True Change, Janice A. Klein, éd. Jossey-Bass, 2004.

Page 6: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

6

m

• N° 137a Accroître la capacité de changement de l'organisation

ERecruter des futurs "champions du changement"

Recruter ses futurs champions du changement à l'extérieur de l'entreprise permet d'importer des façon de voir différentes. L'enjeu est néanmoins complexe, car il faut que la "greffe" prenne, c'est-à-dire que la personne recrutée s'approprie les orientations et la culture de l'entreprise, tout en conservant son point de vue extérieur.Les conseils suivants favorisent le succès d'un tel recrutement :

- Préférer des individus ouverts et polyvalents à des individus spécialisés.Un individu trop spécialisé aura plus de mal à relativiser son savoir qu’un individu plus généraliste. De plus, un individu polyvalent aura plus de capacité d’avoir une influence à 360° au sein de l’organisation car il pourra facilement s’entretenir avec des spécialistes de disciplines différentes.

- Etre clair dans la communication de recrutement.Les futurs champions du changement doivent savoir qu’on les recrute dans cette perspective, mais doivent aussi savoir qu’ils ne pourront jouer pleinement leur rôle qu’après une période d’assimilation des méthodes et de la culture maison. Sinon, ils risquent de s’impatienter ou de se décourager trop tôt, et de quitter l’entreprise avant même d’avoir commencé à instiller le changement.

- Consacrer des efforts importants à l'intégration des nouvelles recrues. On considère qu'il faut en moyenne 1 à 2 ans pour s'approprier la culture d'une entreprise. L'enjeu est d'accélérer cette acculturation, de façon à ce que les nouvelles recrues n'aient pas le temps "d'oublier" la façon qu'elles avaient de voir les choses auparavant. Mettre en place un parcours d'intégration est un accélérateur efficace. Dans l'idéal, celui-ci combinera :– un stage d'observation – combinant différentes fonctions et permettant de rencontrer

des salariés de différents départements – ou la participation à des équipes transverses ;– une formation formelle, portant sur les hypothèses sous-jacentes et les modèles de

référence qui prévalent dans l'entreprise ;– la nomination d'un mentor, qui permettra aux nouvelles recrues de mieux comprendre le

fonctionnement informel et la culture de l'entreprise, et les aidera à affiner leurs perceptions en dialoguant avec elles.

- Aider les nouvelles recrues à acquérir une crédibilité en interne.Arriver de l'extérieur et suggérer des façons de faire différentes peut amener les nouvelles recrues à se voir exclues par leurs collègues. Il est donc important de les aider à asseoir leur légitimité. Pour cela, on pourra par exemple leur confier une première mission à forte visibilité et d'une difficulté raisonnable par rapport à leurs compétences, de façon à ce qu'elles puissent s'appuyer ensuite sur un premier succès.

tude à adopter un point de vue exté-rieur. Pour cela, il faut délibérémentles exposer à de multiples perspecti-ves, afin d'élargir le spectre de leursmodèles de référence (

figure D

).Une rotation fréquente dans les pos-tes, l'expatriation ou la participation àdes équipes multidisciplinaires sontpour cela des moyens efficaces : ilspermettent de prendre connaissancede façons différentes d'envisager unmême problème. Il est aussi utile demettre ces individus en contact avecl'extérieur, que ce soit en leur don-nant l'occasion de lire des ouvragesde réflexion ou la presse profession-nelle, ou encore en les incitant àrencontrer des salariés d'autres entre-prises confrontés aux mêmes types deproblèmes. Dans tous les cas, il s'agitnon pas de leur fournir un nouveaumodèle de référence, mais de les inci-ter à découvrir qu'il existe différentesfaçons – toutes aussi valables lesunes que les autres – d'envisager unemême situation. A partir de ceconstat, ils pourront plus aisément seforger leur propre point de vue, sansse laisser contraindre par l'opiniondominante.

• Recruter des individus qui sauront comprendre la culture de l'entreprise tout en conservant leur œil extérieur.

Une façon efficace de développerla capacité de changement d'une or-ganisation est d'intégrer de nouvellesrecrues qui lui apporteront des pers-pectives originales. L'enjeu est alorsde parvenir à "acculturer" rapidementces nouvelles recrues – pour qu'ellespuissent tenir compte des modes defonctionnement et la culture de l'en-treprise dans leurs suggestions – touten veillant à ne pas les assimiler tropfortement – pour qu'elles conserventl'avantage d'un point de vue externe.

De tels recrutement doivent êtreconduits avec un soin particulier, en-core plus marqué que pour un recru-tement classique. Les nouvelles re-crues doivent savoir qu'on attendd'elles qu'elles prennent à terme desinitiatives, mais seulement après avoirpu assimiler la culture de l'entreprise :un équilibre souvent délicat à trouver.Il faut aussi les aider à établir leurcrédibilité vis-à-vis des salariés del'entreprise, sous peine de les voirrapidement ostracisées. La

figure E

propose quelques conseils pour opti-miser ses chances de faire d'un telrecrutement un succès.

4

Orienter et soutenir les champions du changement

Les champions du changement ont besoin à la fois d'orientation et de soutien.

Il ne suffit pas de disposer d'indivi-dus capables d'initier le changement.Encore faut-il leur donner les moyensde réussir à mettre en œuvre ce chan-gement, et qu'ils le fassent dans l'inté-rêt de l'entreprise !

Pour cela, il faut à la fois guiderleurs efforts et leur apporter un sou-tien au quotidien.

-

Orienter les champions du changement

L'un des plus gros risques quecourt une entreprise en développantdes individus désireux d'initier deschangements importants est de voirles initiatives se multiplier de façondésordonnée. Il faut donc porter unsoin particulier à la cohérence de cesinitiatives avec la stratégie. Deuxfacteurs sont cruciaux à cet effet :

• Placer les champions du changement aux endroits stratégiques.

Pour tirer le meilleur parti de cesindividus hors normes, il est impor-tant de les positionner dans les

Page 7: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

7

Accroître la capacité de changement de l'organisation

m

• N° 137a

Si vous voulez approfondir votre réflexion sur ce sujet, nous vous recommandons aussi les lectures suivantes :

- The Cycle of Leadership, Noel M. Tichy, Nancy Cardwell, éd. Harper Business, 2002. (Livre et synthèse Manageris N° 110a)Instaurer un dialogue pour diffuser la vision et les orientations stratégiques de l'entreprise.

- Mobilizing the Organization, Kathleen Lusk Brooke, John Bray, George H. Litwin, éd. Prentice Hal, 1995. (Livre et synthèse Manageris N° 32b)Les enjeux clés de la gestion du changement.

- Leading Change, John P. Kotter, éd. Harvard Business School Press, 1996. (Livre et synthèse Manageris N° 43a)Huit étapes pour réussir une démarche de changement.

- Charging Back Up the Hill, Mitchel Lee Marks, éd. Jossey-Bass, 2003. (Livre et synthèse Manageris N° 119a)Gérer la dimension psychologique du changement.

- Corporate transformation without a crisis, McKinsey. (Article en ligne sur www.manageris-executive.com)Les conditions à respecter pour réussir le changement.

- The psychology of change management, McKinsey. (Article en ligne sur www.manageris-executive.com)Les conditions à réunir pour parvenir à faire évoluer les comportements et l'état d'esprit des collaborateurs.

pour en savoir plus

équipes dont le changement est clépour le succès de l'entreprise, ou ausein de celles qui sont les plus suscep-tibles de bénéficier d'une prise de re-cul. Ainsi, une entreprise qui décidede se lancer dans un vaste programmede maîtrise des coûts choisira de pla-cer ses champions du changement làoù les plus fortes économies sont at-tendues.

• Communiquer très clairement la stratégie de l'entreprise.

Si les champions du changementsont aptes à identifier des opportuni-tés variées d'améliorations, il reste às'assurer que leurs actions sont cohé-rentes avec la stratégie de l'entreprise.Il est donc particulièrement impor-tant de les aider à comprendre les en-jeux et les orientations stratégiques del'organisation. Ce faisant, il faut êtreconscient qu'une simple directive ex-posant les objectifs poursuivis ne suf-fit pas. Il s'agit en effet généralementd'individus qui ont besoin de se for-ger leur propre conviction. Il fautdont prendre le temps de les informeren détail des éléments de la réflexionstratégique et de nouer avec eux undialogue qui permettra d'aboutir àune compréhension partagée despriorités.

-

Leur apporter un soutien au quotidien

Le rôle de champion du change-ment est particulièrement exigeant.Beaucoup d'individus à fort potentielfinissent ainsi, par lassitude, par re-noncer à tenir un rôle auquel ils aspi-raient pourtant. Ce risque peut êtremaîtrisé en veillant à leur apporter unsoutien permanent :

• Les encourager explicitement à tenir ce rôle.

Isolés du fait de leurs prises de po-sitions antagonistes, les championsdu changement ont souvent besoinde signes visibles d'encouragementpour maintenir leur motivation. C'estpourquoi il est très important de solli-citer expressément les initiatives, dereconnaître les avancées obtenues etde veiller à ce que le système d'éva-luation ne récompense pas seulementles "bons soldats". Les dirigeants doi-vent aussi faire un effort conscientpour apprendre à écouter les opinionsdissidentes, aussi dérangeantes

soient-elles initialement, sans expri-mer trop rapidement leur scepticismeou leur désaccord. Enfin, il est crucialque l'entreprise ne sanctionne passystématiquement les échecs, mais sa-che valoriser le fait d'avoir osé expéri-menter.

• Les aider à se construire leur crédibilité en interne.

Les champions du changement quin'ont pas encore fait leurs preuvespeuvent facilement être mal perçuspar leurs pairs ou leurs collaborateurs,qui les trouvent utopistes, perfection-nistes, ou encore épuisants à force deremettre en cause systématiquementl'existant. C'est pourquoi il est impor-tant que les dirigeants les aident à éta-blir leur crédibilité vis-à-vis des autrescollaborateurs, de façon à ce que leschangements proposés soient écoutéset mis en œuvre. Ils peuvent parexemple communiquer sur les succèsen mettant en avant celui qui en est àl'origine. Il est aussi conseillé de con-fier aux champions du changementpotentiels des missions à forte visibi-lité, afin d'asseoir leur réputation deprofessionnalisme. Les dirigeants peu-vent aussi se faire leur porte-parolepour promouvoir leurs idées.

• Créer des réseaux.

Une façon efficace de renforcer lamotivation des champions du chan-gement est de leur montrer qu'ils nesont pas aussi isolés qu'ils le pensent.Certaines entreprises constituentainsi des réseaux informels qui leurpermettent d'échanger leurs idées etde trouver un soutien lorsqu'ils en res-sentent le besoin. Ces réseaux per-mettent en outre une meilleure coor-dination des efforts des champions duchangement disséminés dans l'orga-nisation. Ainsi, une entreprise detechnologie dont un axe stratégiqueétait l'optimisation de la

supply chain

a créé une communauté des supplychain managers, postes auxquels elleavait placé un grand nombre de seschampions du changement. Cettecommunauté a permis des échangesde bonnes pratiques, mais aussi d'en-tretenir la dynamique en soutenant lamotivation des acteurs du change-ment sur la durée.

• Nommer des "mentors".

Un mentor ou un coach peut jouerun rôle fondamental dans le succèsd'un champion du changement. Ilpeut lui servir de caisse de résonance

pour tester ses idées et les affiner. Ilpeut aussi l'aider à nuancer sa façonde communiquer ses idées, car beau-coup de champions du changement,passionnés par leur envie d'avancer,courent le risque de heurter leurentourage par un style trop direct.Enfin, il peut lui prodiguer des encou-ragements réguliers et soutenir sa mo-tivation. De préférence, un tel coachou mentor sera lui-même un cham-pion du changement. Etre passé parun parcours similaire facilite en effetgrandement le transfert d'expérience.

• • •

Développer un vivier de cham-pions du changement peut constituerun atout considérable. Cela permetnon seulement de se préparer à af-fronter les besoins de transformationà venir, mais aussi de promouvoir unesprit et une démarche d'améliorationcontinuelle.

Page 8: accroitre la capacité de changement de l'organisation.pdf

avis d’expert

Commentaire critique de "True Change",par Paul Evans, Professeur de Ressources Humaines et de Développement des Organisations (Chaire Shell) et Professeur de Comportement des Organisations à l’ INSEAD.

m

• N° 137a Accroître la capacité de changement de l'organisation

8

MANAGERIS

• 28, rue des Petites Écuries - 75010 Paris • Tél : 01 53 24 39 39 • Fax : 01 53 24 39 30 • E.mail : [email protected]

Directeur de la publication : Etienne BaërdRédactrice en chef : Chrystel MartinDéveloppement commercial : Sabine de VirieuRelations clients : Isabelle LadjadjMaquette : Barbary & Courte

Publication mensuelle composée de 2 synthèses, éditée par Manageris, SA au capital de 47 689

RCS B 388 524 290 – ISSN : 1243-3462Impression : Promoprint, 79 rue Marcadet, Paris 18

e

Commission paritaire: 74245Dépôt légal à parution - Copyright 2005.

Abonnement à Manageris (1 an) :

"Classique"

(22 synthèses "papier") : 690

HT

"E-xecutive"

(22 synthèses "papier" et en accès privatif sur le web + leurs idées clés) : 850

HT

"Gold"

(accès privatif pour un an sur le web à toutes les synthèses déjà parues) : 1850

HT

Un numéro : 132

HT - Une synthèse : 66

HT

h non, pas en-core un livre surle changement !”.Telle a été maréaction en dé-

couvrant

True Change

. Au coursde ma carrière, j’ai fait la critique denombreux ouvrages qui avaient tousune formule magique pour mener lechangement dans les entreprises.J’ai cependant été rassuré lorsquej’ai lu dans la préface que l’auteur estconsciente de ce risque, lorsque j’aidécouvert qu’elle enseigne au MIT,là même où Ed Schein, Dick Bec-khard et d’autres ont lancé le mou-vement du changement planifié, etlorsque j’ai appris que ce livre est lefruit d’études menées sur des entre-prises industrielles qui ont connudes difficultés pour mettre en placele

lean management

ou pour réduire ladurée de mise sur le marché, en ré-ponse à la mondialisation de la con-currence.

La force de ce livre réside dans leconcept "d'outsider-insider". Laplupart des personnes qui se sonttrouvées en situation d'initier lechangement se reconnaîtront danscette métaphore. Elles sont des"outsiders" dans la mesure où elleséprouvent un besoin de changerque les autres ne ressentent pas. Etcependant, elles doivent agir entant "qu’insiders" pour faire aboutirce changement. Ce livre traite destensions entre la perspective ex-terne et les réalités internes. Il sefonde sur les découvertes de Scheinet Van Maanen sur l’innovation etla socialisation, des forces opposéesqui doivent être manipulées avecprudence. Si vous n'avez pas l’im-pression que cette métaphore tra-duit votre réalité, ne perdez pas vo-tre temps avec ce livre.

Ce livre n’est pas une étude sur lafaçon de mener le changement entemps de crise ou au travers d’unleadership héroïque. Il dit commentgérer les périodes de transition, enprovoquant le changement pas àpas, de façon à éviter les crises, ens’appuyant sur la culture interneplutôt qu’en la combattant. Les"outsiders" – qu’ils soient de nouvel-les recrues ou des hauts potentielsqui suivent des programmes de for-mation à l’extérieur – doivent prou-ver leur crédibilité dans la cultureexistante. En même temps, ils doi-vent trouver des problèmes qui nepeuvent être résolus avec les mé-thodes en place. Ces défis sont desopportunités de tirer le change-ment, de le faire advenir plutôt qued'en parler. Le changement se pro-duit à travers ces victoires, petitesmais tangibles, au cours desquellesles autres apprennent de nouvellesfaçons de travailler et de nouvelleshypothèses. Ces actions localesdoivent être mises en cohérence pardes sponsors du changement – despetits "pings" qu'il faut agréger pourprovoquer un grand "pong", pourreprendre l’image de l’auteur.

Les dirigeants qui essayent deconduire le changement trouverontdans ce livre une stratégie réaliste,bien que graduelle. S’il y a peud’idées radicalement nouvelles, l'ac-cent est mis sur la façon d’éviter lespièges. Avoir la capacité de trans-former son organisation de l'inté-rieur suppose de produire un nom-bre critique "d’outsiders-insiders".Recrutez des "outsiders" qui ontl’expérience requise, mais aidez-lesà comprendre la culture de l’entre-prise et à s’appuyer dessus plutôtque de la remettre en cause, souspeine d'être rejetés par les autres.

Prenez des "insiders" présentant lebon profil, et apportez leur uneperspective extérieure en les en-voyant en formation, en mission debenchmarking ou en poste à l'étran-ger, mais gérez soigneusement leurretour dans l’entreprise, sinon ilséchoueront. Les managers aux pri-ses avec des difficultés d’intégrationou de réintégration dans l’entreprisetrouveront ce livre pertinent, demême que ceux qui ont pour rôle dedévelopper les aptitudes au change-ment.

En tant que concepteur et anima-teur de programmes de formationvisant à importer le changement, jetrouve que ce livre est d’une aideprécieuse. Cependant, il n’est pasd’une lecture passionnante. Lerythme est lent. Il y a quelques di-gressions sur le travail en équipesvirtuelles. Les passages qui men-tionnent les douze entreprises con-cernées par l’étude manquentd’anecdotes qui permettraient d’en-tretenir l’intérêt du lecteur. Et la di-mension psychologique et person-nelle manque. Alors que l’auteuraffirme dans sa conclusion que c’estl’expérience qui fait un "outsider-in-sider", on se doute que certainespersonnes recherchent plus cegenre de défis que d’autres.

Ce qui est juste dans le messagede Janice Klein, c’est qu’il faut pas-ser plus de temps à leur trouver desoccasions de provoquer le change-ment. Cependant, certains indivi-dus sont mieux placés que les autrespour voir dans les difficultés des op-portunités plutôt que des menaces.

"O