A propos de la notion de précarité : Présentation du CAO ...

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collectif - précarité... Mis à jour Mercredi, 05 Mars 2014 15:17 A propos de la notion de précarité : Présentation du CAO Le Mas : Claudine Farina, Assistante Sociale Qui sommes-nous ? Le Centre d’Accueil et d’Orientation est un des services de l’association le MAS (cf plaquette). Le CAO occupe une place particulière au sein du dispositif lyonnais dans la prise en charge du sans abrisme [1] . En plus d’être un C.H.R.S sans hébergement, il est le seul service social spécialisé dans l’accueil et l’accompagnement des personnes sans domicile, avec un personnel uniquement composé de professionnels. Nos partenaires sont ceux des services de veille sociale et d’urgence et toutes les associations et institutions oeuvrant dans la prise en charge des publics en errance et en situation de grande précarité mais aussi les services de droit commun.. Notre petite équipe se compose de 9 personnes : un Directeur, de 3,5 Assistants sociaux, deux Secrétaires. Un Psychiatre, un Psychologue et un superviseur d’équipe interviennent à temps partiel. Qui accompagnons-nous ? Le C.A.O offre un accueil quasi inconditionnel puisque sont accueillies toutes personnes majeures en situation régulière et privées de domicile personnel. En 2006 le centre a reçu 1060 personnes différentes dont 680 venaient pour la première fois. 450 personnes sont autorisées à recevoir du courrier. Le public reçu est majoritairement composé d’hommes seuls (86 %) ayant entre 30 et 50 ans. Parmi eux 35 % perçoivent le RMI, 25 % n’ont pas de ressources et 7 % travaillent. Lors du premier entretien toutes les personnes sont sans domicile fixe. Sous ce terme se cachent différentes formes d’habitats : hébergement, accueils d’urgence, rue, squat, voiture, locataire d’une chambre meublée ou en foyer. Généralement elles ont alterné des périodes de rue, de squat, de meublés, de C.H.R.S., de prison. Ces personnes ont perdu leur domicile à la 1 / 18

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A propos de la notion de précarité :Présentation du CAO Le Mas : Claudine Farina, Assistante Sociale

Qui sommes-nous ?

Le Centre d’Accueil et d’Orientation est un des services de l’association le MAS (cf plaquette).

Le CAO occupe une place particulière au sein du dispositif lyonnais dans la prise en charge dusans abrisme [1] . En plus d’être un C.H.R.S sans hébergement, il est le seul service socialspécialisé dans l’accueil et l’accompagnement des personnes sans domicile, avec unpersonnel uniquement composé de professionnels. Nos partenaires sont ceux des services deveille sociale et d’urgence et toutes les associations et institutions oeuvrant dans la prise encharge des publics en errance et en situation de grande précarité mais aussi les services dedroit commun..

Notre petite équipe se compose de 9 personnes : un Directeur, de 3,5 Assistants sociaux, deuxSecrétaires. Un Psychiatre, un Psychologue et un superviseur d’équipe interviennent à tempspartiel.

Qui accompagnons-nous ?

Le C.A.O offre un accueil quasi inconditionnel puisque sont accueillies toutes personnesmajeures en situation régulière et privées de domicile personnel. En 2006 le centre a reçu1060 personnes différentes dont 680 venaient pour la première fois. 450 personnes sont autorisées à recevoir du courrier. Le public reçu est majoritairement composé d’hommes seuls(86 %) ayant entre 30 et 50 ans. Parmi eux 35 % perçoivent le RMI, 25 % n’ont pas deressources et 7 % travaillent.

Lors du premier entretien toutes les personnes sont sans domicile fixe. Sous ce terme secachent différentes formes d’habitats : hébergement, accueils d’urgence, rue, squat, voiture,locataire d’une chambre meublée ou en foyer. Généralement elles ont alterné des périodes derue, de squat, de meublés, de C.H.R.S., de prison. Ces personnes ont perdu leur domicile à la

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suite d'un divorce, d'une perte d'emploi, d'une absence de ressources, d’une expulsion. Parfoiselles n'en ont jamais eu. Beaucoup font la "manche” et sont bénéficiaires de minima sociaux.

Elles sont connues depuis 1 an, 5 ans, 10 ans, la plus ancienne depuis l’année 1966. Leuradresse est celle du service.

La plupart de ces personnes viennent nous rencontrer car le bouche à oreille fonctionne bien.Sinon elles sont orientées par l’ensemble des partenaires du dispositif de veille sociale,notamment les accueils de nuit et le 115. Les plus marginalisées sont accompagnées par uncollègue de l’équipe du SAMU Social.

Que faisons-nous ?

Notre action s’axe principalement autour de l’accompagnement vers un soin et un logementmême si ce n’est pas un but en soi. Nous pouvons être simplement présents, sans exigence deprojet. Nous avançons au rythme de l’autre, avec patience en acceptant de nombreux retoursen arrière, des digressions, avant qu’une toute petite étape soit franchie.

Nous sommes instructeur et référent RMI. La domiciliation au CAO permet l’accès à des droitsfondamentaux : ressources, couverture maladie, papiers d’identité, vote. Elle donne uneinscription légale et sociale, une nouvelle visibilité, aux personnes sans abri.

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Notre travail peut s’arrêter à une action ponctuelle et unique ou s’étendre à unaccompagnement sur un parcours de vie pouvant aller jusqu’à l’organisation des obsèques enl’absence ou à la demande des familles.

[1] J’utilise ce terme car il m’apparaît adapté à la diversité des situations vécues par lespersonnes sans abri tout en faisant référence à un processus.

 

 

Témoignage de Monsieur Jean-Claude B. sur son parcoursd'errance

Je m'appelle Jean-Claude B. J'ai 53 ans et je suis le père de deux enfants. J'habitais dans lenord, une région où l'on buvait pas mal. Lorsque j'étais gamin, les premiers coups à boire sepassaient dans les communions, les mariages... A l'adolescence, c'était les bandes de copainsavec qui ont boit, c'était pour se donner de la force, pour draguer, ou pour "faire le con" ou êtreà la hauteur.

Puis, dans ma période de travail, j'avais un poste d'attaché de direction aux serviceséconomiques dans le milieu hospitalier, c'était les pots avec les collègues, pour lesanniversaires, avec les représentants.

Je suis devenu alcoolique dépendant, il me fallait ma dose de plus en plus. A cause de tout çaj'ai perdu ma maison, ma femme, mes enfants, ma famille...

Et puis un beau jour, j'ai décidé de prendre le sac et de partir sur la route. J'ai eu une périoded'errance de 10-11 ans pendant laquelle j'ai vendu des journaux de rue, j'ai fait la manche pourme payer l'hôtel ou ma maîtresse qui était la bouteille.

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C'était ma maîtresse car c'était la seule chose qui comptait. Cette image reflète vraiment cequ'est l'alcoolisme. Tant que je n'avais pas ma dose, ça n'allait pas. De jours en jours, de moisen mois, d'années en années, j'ai plongé au plus profond. C'était les foyers d'accueil et d'urgence du type Père Chevrier, l'Armée du Salut, les chambres d'hôtel quand je pouvais lespayer, chez les "amis" quand ils voulaient bien m'héberger,

C'était l'errance totale et à la fin  je n'étais que dans la rue. Je refusais tout ce qui était soin, jerefusais tout ce qui était conseil. On me disait blanc je disais noir et si on me disais noir jedisais blanc.

Pour me soigner de la maladie alcoolique, il m'a fallu 18 ans.

J'ai fait quatre cures et une post-cure. Si j'ai fait les premières cures, c'était pour faire plaisir àla famille et à mon ex-femme, pour faire plaisir à mon employeur. Donc, à chaque fois, je lefaisais contre mon gré. Ca ne servait à rien du tout et il y a même des cures où j'allais boire uncanon à côté avant la fin de la cure.

Puis en 2005, après plusieurs séjours en cellule de dégrisement et un événement de mafamille, j'en ai eu ras le bol. Là, j'ai eu le déclic et je me suis soigné.

Je connais la date exacte à laquelle j'ai arrêté de boire : le 12 octobre 2005 à 12 h 05. A partirde là, avec ma référente sociale du C.A.O. (centre d'accompagnement et d'orientation de Lyon)Nadine Michel, nous avons commencé par une chambre d'hôtel. Puis après avoir prouvé queje tenais le coup, que j'étais sérieux, je suis passé en résidence hôtelière. Puis nous sommespartis sur la solution maison-relais où je suis actuellement.

Ce que je souhaite maintenant, c'est d'avoir un petit appartement comme tout le monde etretrouver du boulot, pour pouvoir vivre normalement comme tout le monde. Je tiens à signalerque j'ai fait tout de même un C.E.S. (contrat d'emploi solidarité) et un C.A.E. (contrat d'accompagnement dans l'emploi). Mais je sais qu'à mon âge ce n'est pas évident de retrouverun boulot stable et je reste toujours plus ou moins dépendant du système. Mais j'essaye et jefais tout pour m'en sortir. Voilà en gros mon itinéraire.

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Au sortir de ma post-cure je suis allé dans une autre association : "Vie Libre". C'est un groupede personnes avec lequel je me sens bien. Ce groupe de personnes m'a aidé à lutter contrel'alcoolisme et m'a beaucoup aidé à me soigner.

Depuis un an, j'estime que m'ayant aidé, c'est à mon tour d'aider les gens qui veulent se sortirde la maladie alcoolique, car l'alcoolisme est une maladie dont on peut se soigner si on ledésire.

Je fais des interventions au Centre Les Bruyères à Létra (Centre Médical Spécialisé), les lycées à Rillieux la Pape comme le lycée Lamarque, et je commence à portermon témoignage via le C.A.O. à travers des séminaires comme celui de ce matin. Je continueà m'engager et cela m'apporte beaucoup de choses. Cela me rappelle que je suis un malade guéri mais toujours en rémission, comme pour un cancer. Je dois faire attention et surtoutTOLERANCE ZERO.

 

La double problématique alcool et précarité

"L'errance et les difficultés d'attachement des personnes sansabri" - Claudine Farina Assistante Sociale

D'après ses recherches en vue de l'obtention de son DSTS.

Ma présentation est un peu longue et va peut-être vous paraître très théorique. J’ai résumé150 pages en huit pages ce qui explique que cela soit si long et condensé. Je vais essayerd’être le plus clair possible.

J’ai conduit le travail de recherche que je vais vous présenter entre 2004 et 2007 dans le butd’obtenir le Diplôme Supérieur en Travail Social (D.S.T.S.).

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Cette recherche s’intitule "De l’errance à l’attachement. Le sans abrisme une pathologie dulien" . Elle a été conduite par Yves JEANNE professeur àl’I.S.P.E.F. (Institut des Sciences et Pratiques de l’Education et de la Formation) et dirigée par René ROUSSILLON, Professeur de Psychologie Clinique et Psychopathologie à Lyon II etPsychanalyste. Elle a été validée en février 2008.

Cette recherche part d’un constat paradoxal fait au terme de plus de 10 ans de pratiqueauprès des personnes sans abri. Ce constat est le suivant : souvent, lorsque ces personnes obtiennent un logement, elles ne le conservent pas alors qu’elles le demandaient et s’étaientbattues pour l’obtenir.

Pour tenter de comprendre ce constat, j’ai d’abord mené une recherche théorique autour duconcept d’exclusion sociale. Je vais vous présenter ce que j’en ai retiré.

Tout d’abord, l’exclusion est un processus qui se définit à la fois comme une rupture du lien économique, une rupture du lien social et personnel et à l’extrême une rupture du lien avecsoi-même. Pour comprendre ce processus, je me suis d’abord appuyée sur les travaux des Sociologues René CASTEL [1] et Serge PAUGAM [2] .

Pour R. CASTEL, le mécanisme de l’exclusion sociale se fonde sur l’évolution des modes deproduction, l’évolution de la société salariale et du monde du travail. Ainsi, il considère que laperte de l’emploi est le premier vecteur vers l’exclusion sociale.

Robert Castel repère quatre zones :

- Une zone d’intégration qui suppose la possession d’un travail fixe permettant desrelations et favorisant le lien social.

- Une zone de vulnérabilité construite à la conjonction de la précarité du travail etde la fragilité du lien social.

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- Une zone d’assistance où les personnes dépendent des institutions sociales.

- Une zone de désaffiliation où se mêlent absence d’emploi et isolement relationnel. C’est celle qui concerne les personnes sans abri.

Les personnes qui perdent leur emploi voient leur vie sociale s’amenuiser du fait de l’absencede ressources et de la honte de ne plus travailler. Elles éprouvent un sentiment d’inférioritésociale car, avec la perte de leur emploi, elles perdent une sécurité matérielle, des liens avecleurs pairs, une identité sociale.

La fonction d’intégration que comporte le travail disparaît. Le cumul des pertes des objetssociaux qu’elles subissent remet en cause le sentiment de sécurité matérielle et psychique. Ilfragilise socialement et psychologiquement et introduit le doute et la peur de perdre davantage et le repli sur soi.

Plutôt que d’exclusion, Serge PAUGAM parle de processus de disqualification sociale. CommeCASTEL, il montre comment un événement objectif tel que la perte d’un emploi, vient bousculer brutalement la vie d’une personne lorsque tout l’équilibre mis en place par le travail se rompt, reléguant ainsi la personne dans la culpabilité, la honte et l’isolement. La phaseultime de ce processus étant celle de la clochardisation.

Pour comprendre les mécanismes sociaux contribuant à la construction de destins individuelsdans les années 50, Alexandre VEXLIARD [3] réalise une enquête auprès d’une soixantainede clochards. Il montre comment s’entremêlentfacteurs socio-économiques et histoire personnelle et utilise le terme de désocialisation.

A.VEXLIARD décrit quatre phases par lesquelles peut passer une personne avant d’arriver austade de clochardisation.

Il qualifie la première phase "d’agressive" : la personne se bat pour retrouver ce qu’elle vientde perdre et rejette les autres personnes sans abri. A ce moment-là, sa personnalité ne subitpas de modification et elle reste attachée à ses valeurs passées.

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Puis, lorsque la situation nouvelle s’installe, devient familière, la personne déprécie son passétout en s’y raccrochant. Elle entre dans une phase de repli sur soi, dans une phase "régressive " où les échecs prolongés ou répétés de ses tentatives pour retrouver son monde ancien annulent tout désir de se mobiliser pour modifier son quotidien. Son état psychologique se détériore.Les difficultés objectiveslui semblent insurmontables, elle bascule alors dans une phase de "fixation" : elle rompt avec le passé et s’installe dans son nouvel environnement. Peu à peu, elle sombredans une phase de "résignation"à la perte du monde ancien et valorise son monde nouveau. Sa personnalité est transformée,elle commence à apprécier ses compagnons et perd ses liensavec son passé.

Pour compléter cette excursion sociologique, je me suis ensuite  intéressée au point de vuedes psys sur l’exclusion. J’ai d’abord étudié les écrits de Patrick DECLERCK [4] qui montreque l’exclusion est parfois accompagnée d’une "pathologie du lien", d’une impossibilité de s’attacher. Une difficulté à faire confiance à l’autre, à le reconnaîtrecomme son semblable. Dans les discours des personnes sans abri, nous retrouvonsfréquemment une peur d’être abandonné et une vision de tout ce qui vient de l’extérieurcomme mauvais.

Pour René ROUSSILLON [5] , dans certaines situations extrêmes et durables d’exclusionsociale, un vécu de mort identitaire s’organise. L’état de souffrance psychique de la personneest tel qu’elle n’a d’autre recours pour survivre que de se couper d’elle-même.Paradoxalement,  pour survivre, elle doit s’abandonner, s’exclure à son tour.

En temps normal, lorsque la personne vit une situation de déplaisir entraînant une douleurpsychique, la psyché est organisée de telle sorte que cette douleur est prise dans un universsymbolique qui lui donne un sens. Chargée de sens, elle devient pensable et se transforme en"souffrance supportable à vivre" [6] . Mais, lorsque la douleur ne peut être symbolisée lapersonne n’a pas le choix, elle s’enferme dans une logique de répétition, réitérant à l’infini levécu traumatique dans l’espoir de pouvoir l’assimiler ou l’évacuer. Enfermée dans cettelogique, elle n’est jamais satisfaite et s’installe petit à petit dans un état de désespoir absolu.

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Elle est alors prise dans un sentiment de solitude inexorable. Si la personne ne meurt pasphysiquement, elle survit et s’engage dans ce que René Roussillon appelle  "une agonie psychique".  Pour tenter de survivre elle met en place ce qu’il nomme  "des stratégies de survie" où "le sujet se retire de lui-même, il se retire de son expérience subjective (…) et pour ne plus sesentir et ne pas succomber, il se tue". Il s’économise physiquement et psychiquement, se contentant de rester là où il se trouve,sans bouger pour ne pas trop réveiller la vie qui est en lui. L’errance devient alors psychique.

Cette thèse est partagée par Jean FURTOS qui regroupe l’ensemble des symptômes de lasouffrance psychique sous le terme de "syndrome d’auto exclusion" où à l’extrême la personnepour ne plus souffrir se coupe d’elle-même.

Ce syndrome d’auto exclusion est aussi décrit par Patrick DECLERCK sous l’angle de ladésocialisation. Patrick DECLERCK défend une clinique particulière de la désocialisationcomme le symptôme d’une pathologie du lien où "la grande désocialisation est, avant tout, unepathologie du lien. Du lien à soi-même, comme du lien aux autres et au monde".  Elle est le versant psychopathologique de l’exclusion.

La désocialisation est ainsi considérée comme une folie qui ne peut se réduire à aucune autreet qui oblige à vivre sans pouvoir créer, en reproduisant sans cesse le même scénario : détruire ce et ceux qui entourent, tout en s’auto détruisant.

Le rapport que certains clochards entretiennent avec leur corps est un bon exemple du videpsychique qui est le leur. Il permet de comprendre la clinique de la grande désocialisation.C’est le cas, par exemple, de ces personnes qui acceptent d’être accompagnées à l’hôpital dans un tel état sanitaire que l’amputation d’un membre est indispensable, et qui pourtant ne semblent ressentir aucune douleur, paraissent coupées de leur corps.

 

Arrivée à ce stade de mes recherches théoriques, j’ai ainsi pu démontrer que l’exclusion est un

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processus fait d’une imbrication de l’intime et du social.

 

A ce moment, je suis revenue à mon interrogation de départ : celle de l’impossibilité pour lespersonnes sans abri de rester dans leur logement. J’en profite pour préciser qu’il ne faut pascomprendre que ce constat s’applique à toutes les personnes sans abri mais qu’il concerne un pourcentage que je n’ai pas mesuré scientifiquement, mais qui apparaît important puisquesur 10 dossiers analysés lors de ma pré-enquête, 8 présentent les mêmes résultats. L’analysede ces 10 dossiers révèle que lorsque l’on s’intéresse de très près aux récits des personnessans abri, on retrouve des enfances bouleversées, carencées en terme d’affect et de stabilité,avec souvent le décès d’un proche, des violences familiales, des placements… A l’âge adulte,au moment traumatique de la perte du travail, lors d’un divorce ou d’une expulsion, lasouffrance liée à ces périodes de l’enfance se réveille.  Autrement dit, la douleur de cette perte nouvelle de ce que Jean FURTOS nomme un "objet social" vient réveiller celle enfouied’une enfance  douloureuse.

Saisir cela permet de comprendre pourquoi la perte d’un emploi, ou un divorce, entraînecertains vers la désocialisation et d’autres pas.

L’analyse des trajectoires de personnes sans abri a aussi fait apparaître une vacuité de                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              souvent plus de liens avec des proches, ces personnes ont créé et conservé un lienstable et durable avec un professionnel de l’action sociale.

Devant ce mode d’attachement paradoxal, j‘ai voulu étudier l’élaboration du processusd’attachement. Je me suis intéressée à la théorie de l’attachement développée par JohnBOWLBY [7] qui montre l’importance d’une figure de référence stable dans les 3 premièresannées de la vie, pour le bon développement des liens à venir. Puis, je me suis intéressée àl’élaboration des liens primaires entre la mère et son bébé, en m’appuyant sur le conceptd’espace transitionnel développé et défini par Donald WINNICOTT [8] . C’est

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dans cet espace que se construit la première expérience d’attachement de l’enfant mais aussisa première expérience de séparation.

Ces expériences vont déterminer l’intégration psychique d’un modèle d’attachement quirestera influent pour l’ensemble des relations à venir.

J’ai nourri cette exploration conceptuelle des travaux de Patrick DECLERCK qui montre queles personnes sans abri viennent dans les institutions parce qu’elles sont en recherche delien, ou parce qu’elles sont "en demande de maternage".

Tout cela est venu enrichir mon constat de départ que j’ai reformulé ainsi : si les personnes nerestent pas dans le logement obtenu, c’est parce qu’en réalité derrière la demande delogement se cache une autre demande : celle d’être en lien. Cela fonctionne apparemmentassez bien puisque celles que j’ai interviewées par la suite avaient toutes au moins un liendurable avec un professionnel. J’ai donc émis l’hypothèse selon laquelle les personnes sansabri ont la possibilité, à travers le lien avec leur référent social, de trouver un sentiment desécurité.

Pour vérifier cette hypothèse, j’ai effectué une enquête auprès d’usagers et de  professionnelsdans des accueils de jour lyonnais.

L’enquête explore comment se met en place une relation transitionnelle à l’aide d’un cadreinstitutionnel et d’un lien d’accompagnement. J’ai postulé la construction d’un espace transitionnel à travers la présence et la qualité de la relation entre les professionnels et lespersonnes accueillies. L’élément constitutif d’un tel espace est l’existence d’un cadrepermanent et stable dont la clarté des limites contient et rassure.

Pour qu’une relation soit possible, il faut être deux. J’ai donc rencontré des professionnels etdes usagers dans l’objectif d’observer et de croiser des éléments susceptibles d’êtreconsidérés comme transitionnels.

A présent, je vais vous présenter les résultats de l’enquête en commençant par le discours des

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professionnels qui fait apparaître certains éléments, parfois paradoxaux, dans lecomportement des usagers:

Ils viennent  chercher du lien alors que leurs trajectoires de vie montrent qu’ils sont dansl’évitement de toute forme de lien.

- Ils sont demandeurs de lien et pourtant les professionnels doivent inventer desstratégies pour les amener à entrer en relation (apprivoisement).

- Au-delà de l’accès aux droits possibles, ils n’attendent pas forcément d’intervention sociale, ils veulent simplement une présence.

Le discours des professionnels fait aussi apparaître certaines ambiguïtés du travail social :

- Les professionnels accompagnent l’absence de demande des usagers tout en ayantbesoin de trouver un sens à leur présence. Or, dans le travail social, ce sens passe souvent par l’action. Leur difficulté est alors de trouver un équilibre entre la non demandedes  usagers et le besoin de se sentir utile.

- Pour éviter davantage de souffrances et d’échecs aux usagers, les professionnels les maternent et se retrouvent ainsi non seulement dans une position qui dépasse le cadrede leur fonction professionnelle, mais se retrouvent aussi à partager la souffrance de ceuxqu’ils accompagnent. Cette "souffrance portée" [9] comme la qualifie Jean FURTOS,est un élément essentiel dans la place occupée auprès des personnes sans abri. Elleest un indicateur de vie, en ce sens que ressentir la souffrance de l’autre, c’est restervivant face à celui qui est  enfermé dans une "agonie psychique" [10].

Les résultats de mon enquête montrent que les accueils de jour fonctionnent comme unematrice, où la personne apprend ou réapprend la sécurité et la confiance en soi et en l’autre. Avec le temps, certains pourront reprendre une place sur la scène sociale où les contraintesde la réalité seront supportables. L’élément essentiel dans la mise en place de ce type de

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relation passe par un accueil des personnes dans le respect de leur souffrance et de leur identité avec la possibilité de ne pas exprimer de désirs ou de projets. En effet, demander c’estadmettre le manque et le besoin de l’autre, élément bien trop souffrant pour des personnesqui sont dans l’incapacité psychique de métaboliser l’idée du manque. Jean FURTOS développe cette idée lorsqu’il écrit que cette "demande impossible doit alors être portée par destiers sous peine d’abandon à personnes en danger (…)".Il ajoute "chemin faisant, des solutions de dégagement peuvent permettre d’avoir moins besoin d’autrui" [11]. La relation avec le référent dure souvent depuis plusieurs années ce qui présuppose unpositionnement original des professionnels qui apprennent à travailler avec l’absence dedemande exprimée. Ce lent apprentissage, pour faire confiance à une figure de référence,permet un mécanisme interne. Ces personnes qui, jusqu’alors, étaient abandonnées par ceuxen qui elles avaient confiance, n’avaient aucune représentation mentale d’une figured’attachement stable. A travers la relation avec leur référent, elles construisent une imageinterne d’un sentiment de confiance et de sécurité. A ce moment-là, la relation fait fonction d’entre-deux à la fois entre l’usager et la scène sociale et entre l’usager et ses représentationsmentales. Tout en protégeant la personne, le professionnel lui fait connaître et accepter lemonde qui l’entoure. Ils introduisent peu à peu des éléments venus de l’extérieur, enl’occurrence de l’action sociale, qui entraînent un minimum de contrepartie : un nom et unprénom pour être autorisé à recevoir du courrier, pour obtenir des ressources… Cette lentemise en relation avec un extérieur différent de celui appréhendé quotidiennement, permet à la personne accompagnée de percevoir l’extérieur comme moins inquiétant et de reconstruiredes choses pour elle. Se mettent en place des allers et retours entre le monde de la rue,caractérisé par une prise en charge dans l’urgence et la précarité[12], et le monde de l’insertion sociale[13]. Cette possibilité d’avancer vers la scène sociale, puis de revenir voir son référent à l’accueilde jour, permet de s’assurer de la persistance du soutien de celui-ci. Avec le temps , lesentiment de sécurité est intégré, la personne peut commencer un mouvement vers son autonomie et accepter la séparation d’avec son référent qui pour rendre ce mouvement possible diminue sa disponibilité envers elle (cf. travaux de WINNICOTT).

La nature particulière du travail réalisé dans les accueils de jours se confirme lorsque les professionnels et les institutions acceptent leur impuissance et n’attendent pas, en échange dece qui est donné, que l’autre change. Et c’est là un des élément important de l’enquête qui montre la difficulté pour les professionnels de tenir cette position, d’accepter l’autre tel qu’ilest, simplement en demande d’une présence. Cette difficulté s’explique car les professionnelsont besoin de se sentir utiles. Ils auront à rester prudent car un des risques de dérive potentiel est de projeter ses propres idéaux de vie sur les personnes accueillies.

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Après cette présentation de l’analyse du discours des professionnels, je vais vous présentercelle des récits de vie des  personnes sans abri que j’ai rencontrées.

Cette analyse donne à voir des traits communs, principalement au moment de l’enfance quitoutes sont marquées par des deuils, des pertes, des abandons. D.W. WINNICOTT insiste sur l’importance d’avoir,  pendant l’enfance, un parent, souvent la mère, suffisamment disponibleet fiable.

Pour cela, le contexte dans lequel vivent la mère et l’enfant est essentiel car pour que lesbesoins du nourrisson soient satisfaits, sa mère doit être disponible presque immédiatement.Même si j’ignorais la réalité des premiers mois de vie des personnes que j’ai interviewées, j’aipu supposer, au vu du contexte familial et social qui a été celui de leur enfance, que la disponibilité physique mais surtout psychique de leur parent a été moindre.

En prenant appui sur la théorie de la construction des modèles d’attachements précoces, j’aiformulé plusieurs remarques pour l’ensemble des usagers interviewés :

- le terrain social et affectif sur lequel se sont bâtis les liens primaires n’est ni sécurisant, nistable.

- la relation avec la figure de référence a été soit brutalement et précocement interrompue,soit basée sur l’indifférence et la non-reconnaissance.

- les schémas de référence des modèles d’attachement sont insécures. (Attachementangoissé-évitant et attachement désorganisé [14] ). Etre en lien n’apporte ni réconfort, niconfiance. De fait, à l’âge adulte, aucune personne n’a de liens affectifs stables et personnels.

Cependant, les modes d’attachement des personnes interviewées sont apparus commeparadoxaux du fait de leur attachement à l’age adulte avec un professionnel.

Je me suis alors interrogée sur la nature de ce lien et sur le processus qui permet sa mise enplace.

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Ce lien occupe une place importante et plutôt inattendue dans leur vie. Pour l’un , la référenteoccupe la place d’une mère de remplacement, un autre dit avoir de l’amour pour sa référente,pour un autre, ce lien maintient en vie, un autre le compare à celui d’une famille. Chacun atrouvé et créé une relation avec "son" référent. Ils perçoivent ce référent comme une mère suffisamment bonne dont la présence bienveillante rassure et pousse à conserver la relation.

Le lien se construit aussi parce que le lieu le permet. Le choix de s’installer dans ce lieu nevient pas du professionnel. Il appartient à l’usager chez qui il fait écho au besoin interne deposséder un "lieu de repos" [15] où le professionnel et l’usager construisent un "vécu commun"

[16] . Ceslieux apparaissent à mi-chemin entre la rue et un hébergement où le temps est donné à lapersonne de se poser, de prendre soin d’elle, avant d’élaborer un projet personnel.

Pour autant, ce travail d’analyse du processus d’attachement met en lumière le paradoxesuivant : l’attachement est rendu possible car il s’appuie sur des carences affectives et surl’absence d’une figure d’attachement au moment de l’enfance. Cette place vacante se comblepeu à peu, grâce à la permanence et la mise à l’épreuve de la construction d’un sentiment de confiance entre les deux sujets. Cette mise à l’épreuve de la solidité du lien permet à l’usagerde vérifier qu’il ne sera pas à nouveau abandonné par celui qu’il tente d’investir.

Pour terminer sur l’analyse des discours, j’insiste sur le fait que du côté des professionnels,même s’il permet des choses très fortes comme de rester en vie ou d’avoir le sentiment detrouver une famille, le lien est souffrant. Il questionne et remet en cause, il donne un sentiment d’impuissance et interroge sur la légitimité de leur place en tant qu’intervenantssociaux. Ce désarroi est peut-être la conséquence d’une formation professionnelle et d’unepratique qui ne permettent pas d’accompagner, sans contrepartie, l’absence de demande.C’est pourquoi, malgré toute l’empathie dont font preuve les professionnels, les sentimentsqu’ils éprouvent ne ressemblent pas au sentiment d’amour inconditionnel décrit par D. W.WINNICOTT. Même s’ils acceptent les personnes telles qu’elles sont, inconsciemment, lesprofessionnels attendent une contrepartie à l’investissement professionnel et affectif mis dansla relation.

Les résultats obtenus par cette recherche m’ont permis de proposer 4 pistes pouvantcontribuer à diminuer une part de la souffrance ressentie par les professionnels dans le lienavec les personnes sans abri :

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- réfléchir, pendant la formation initiale des travailleurs sociaux, à transformer l’imagequ’ils ont d’eux-mêmes et des usagers, pour passer d’une logique d’aide, basée sur ladéficience de l’usager, à celle d’une logique de valorisation de la personne.

- créer, par le biais de réunions d’analyse de la pratique, des espaces de parole et deréflexion, sur la nature de l’accompagnement et ce qui s’y passe, dans l’objectif de limiter le sentiment d’impuissance des professionnels et de donner les moyens de penser d’autresformes d’accompagnement social.

- défendre, face à des dispositifs pensés en terme de résultat et d’efficacité, l’existencedes accueils de jour comme des espaces de sécurité et de création adaptés aux besoins despersonnes sans abri. - rencontrer, partager et participer à des colloques, des groupes de réflexions et de miseen œuvre, pour être inventif. Ce mouvement vers l’extérieur, permet à l’institution de sedégager du risque de repli sur elle-même et de rester vivante.

[1] Robert CASTEL. De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation : précarité du travail etvulnérabilité relationnelle . In, Jacques DONZELOT (sous la directionde). Face à l’exclusion : le modèle français.Paris, Esprit, 1991, pp. 137-168. 227p.

[2] Serge PAUGAM. La disqualification sociale : essai sur la nouvelle pauvreté. Paris,PUF, 1997, 256p.

[3] Alexandre VEXLIARD. Le clochard. Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p.7.493p.

[4] Patrick DECLERCK. Les naufragés: Avec les clochards de Paris. Paris, Plon,2001,458p.

[5] René ROUSSILLON. L’errance identitaire. ORSPERE.

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R. ROUSSILLON. Les situations extrêmes et la clinique de la survivance psychique. In J.FURTOS, C. LAVAL.

[6] Jean FURTOS, Souffrir sans disparaître. In Jean FURTOS, Christian LAVAL (s/d). Lasanté mentale en actes : de la clinique au politique.Paris, Erès, 2005, 357p.

[7] John BOWLBY. Attachement et perte : 1 L’attachement. Paris, PUF, 539p.

[8] D.W. WINNICOTT. Jeu et réalité : L’espace potentiel. Paris, NRF, Gallimard, 1991,

[8] Donald Woods WINNICOTT. De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris, Payot, Col.Sciences de l’Homme, 1969, 372 p.

[9] R. ROUSSILLON.

[10] R. ROUSSILLON.

[11] J. FURTOS.

[12] Précarité liée au nombre incertain de nuits attribuées par le 115, aux ouvertures etfermetures des accueils de nuits, aux nombres limité de repas et de vêtements gratuits, de lapossibilité d’être soigné dans un service d’urgence hospitalier…

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[13] Caractérisé par l’obtention du versement d’un minimum vital, suivi médical par un médecinde ville, prise en charge en CHRS …

[14] L’attachement angoissé-évitant s’appui sur des parents qui repoussent leur enfant, il estla conséquence de rejets répétés et de mauvais traitements. L’enfant est sûr d’être repoussé àchacune de ses tentatives pour obtenir de l’affection, alors il abandonne cette idée. Il anticipele rejet et, pour s’en protéger, évite tout mouvement affectif. L’attachement désorganisé naîtd’une mère qui évite le contact avec son enfant.

[15] D. W. WINNICOTT. De la pédiatrie à la psychanalyse.

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