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1 4 e numéro – juillet/août juillet/août juillet/août juillet/août 2009 2009 2009 2009 SOMMAIRE ACTUALITES La gestion de crises sociétaires en OHADA : Anticipation conventionnelle et statutaire – Gestion négociée et règlement des conflits internes (Présentée lors de la 2 e édition de l’Université d’été dédié au droit OHADA à Orléans du 6 au 10 juillet 2009) (P 2) ETUDES De l’expertise en droit des sociétés OHADA (P 10) CHRONIQUES Les exigences de fonds d’une créance litigieuse faisant l’objet d’une procédure d’injonction de payer – Note sous Arrêt CCJA 29 juin 2006 – C.D c/ SIDAM (P 22) INFORMATIONS PRATIQUES Dix questions pratiques sur le fonctionnement des sociétés commerciales de l’OHADA (P 29) LU POUR VOUS Marchés Publics : Les manquements d’une entreprise dans l’exécution de précédents marchés suffisent-ils à l’écarter au stade de la candidature pour des marchés ultérieurs ? (P 30) Validité de la mention « lu et approuvé » (P 32) Dans cette quatrième parution, La Revue Jurifis Info revient sur la seconde édition de l’Université d’été dédié au droit OHADA qui s’est tenu à Orléans du 6 au 10 juillet 2009 et qui a vu la participation de nombreux experts du droit international des affaires parmi lesquels le Cabinet d’Avocats Associés JURIFIS CONSULT avec la présentation de la problématique relative à « la gestion de crises sociétaires en OHADA ». La survenance d'un conflit entre actionnaires constitue l’un des nombreux avatars pouvant paralyser le fonctionnement normal des organes sociaux et mettre en danger la pérennité de l’entreprise et la poursuite de l’exploitation. Au regard de cette situation, la préoccupation majeure des fondateurs de la société doit être de créer et de gérer les instruments de résolution des situations difficiles avant qu’elles ne dégénèrent en conflit. Or en dehors, des mécanismes légaux mis en place par l’Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du GIE ( AUSCGIE) ; il est essentiel d’anticiper autant que faire se peut ces incidents par la mise en place de différents instruments : idéalement au moment de la création de la société, ou à l’occasion de l’acquisition d’une société existante, ou encore, au cours de son existence, lors d’une modification dans la « population » des associés (apparition de nouveaux actionnaires, changements générationnels, ouverture du capital…). Pour tout renseignement ou pour recevoir la Revue Jurifis Info par e-mail, écrivez à [email protected] Consultez La Revue en ligne : www.jurifis.com Quartier Hamdallaye, ACI 2000, face Nouvelle Ambassade des USA - BP E 1326 Bamako/Mali Tél : (+223)20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 - Fax (+223) 20.22.40.22

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4e numéro – juillet/aoûtjuillet/aoûtjuillet/aoûtjuillet/août 2009 2009 2009 2009

SOMMAIRE

ACTUALITES

La gestion de crises sociétaires en OHADA : Anticipation conventionnelle et statutaire – Gestion négociée et règlement des conflits internes (Présentée lors de la 2e édition de l’Université d’été dédié au droit OHADA à Orléans du 6 au 10 juillet 2009)

(P 2) ETUDES

De l’expertise en droit des sociétés OHADA

(P 10) CHRONIQUES

Les exigences de fonds d’une créance litigieuse faisant l’objet d’une procédure d’injonction de payer – Note sous Arrêt CCJA 29 juin 2006 – C.D c/ SIDAM

(P 22) INFORMATIONS PRATIQUES

Dix questions pratiques sur le fonctionnement des sociétés commerciales de l’OHADA

(P 29)

LU POUR VOUS

Marchés Publics : Les manquements d’une entreprise dans l’exécution de précédents marchés suffisent-ils à l’écarter au stade de la candidature pour des marchés ultérieurs ?

(P 30)

Validité de la mention « lu et approuvé »

(P 32)

Dans cette quatrième parution, La Revue Jurifis Info revient sur la seconde édition de l’Université d’été dédié au droit OHADA qui s’est tenu à Orléans du 6 au 10 juillet 2009 et qui a vu la participation de nombreux experts du droit international des affaires parmi lesquels le Cabinet d’Avocats Associés JURIFIS CONSULT avec la présentation de la problématique relative à « la gestion de crises sociétaires en OHADA ». La survenance d'un conflit entre actionnaires constitue l’un des nombreux avatars pouvant paralyser le fonctionnement normal des organes sociaux et mettre en danger la pérennité de l’entreprise et la poursuite de l’exploitation. Au regard de cette situation, la préoccupation majeure des fondateurs de la société doit être de créer et de gérer les instruments de résolution des situations difficiles avant qu’elles ne dégénèrent en conflit. Or en dehors, des mécanismes légaux mis en place par l’Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du GIE ( AUSCGIE) ; il est essentiel d’anticiper autant que faire se peut ces incidents par la mise en place de différents instruments : idéalement au moment de la création de la société, ou à l’occasion de l’acquisition d’une société existante, ou encore, au cours de son existence, lors d’une modification dans la « population » des associés (apparition de nouveaux actionnaires, changements générationnels, ouverture du capital…).

Pour tout renseignement ou pour recevoir la Revue Jurifis Info par e-mail, écrivez à [email protected] Consultez La Revue en ligne : www.jurifis.com

Quartier Hamdallaye, ACI 2000, face Nouvelle Ambassade des USA - BP E 1326 Bamako/Mali

Tél : (+223)20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 - Fax (+223) 20.22.40.22

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LA GESTION DES CRISES EN OHADA: Anticipation conventionnelle et statutaire – Gestion négociée et règlement des conflits internes

Mamadou I. KONATE

Avocat Associé JURIFIS CONSULT

Bakary DIALLO Docteur en droit privé

Juriste Collaborateur Externe JURIFIS CONSULT

ATER à l’Université de Paris I Sorbonne

Bérenger MEUKE Docteur en droit des Affaires

Avocat Collaborateur Principal JURIFIS CONSULT

Attaché d’Enseignement - Université du Mali

La survenance d'un conflit entre actionnaires constitue l’un des nombreux avatars pouvant paralyser le fonctionnement normal des organes sociaux et mettre en danger la pérennité de l’entreprise et la poursuite de l’exploitation. Par nature, l’entreprise, créatrice de richesses est souvent l’objet et le réceptacle d’intérêts divergents, conflictuels, mettant aux prises des actionnaires, avec pour conséquences, d’importantes menaces sur le fonctionnement et l’existence de l’exploitation. Les exemples ne manquent pas : deux groupes d’actionnaires devenus antagonistes bloquent toute décision qui permettrait de reconstituer le Conseil d'Administration ; les dirigeants refusent pendant de très nombreuses années toute distribution de dividendes ; ou encore, un actionnaire disposant d'une minorité de blocage en assemblée générale extraordinaire interdit toute modification statutaire, pourtant indispensable à la survie de la société, etc. Au regard de cette situation, la préoccupation majeure des fondateurs de la société doit être de créer et de gérer les instruments de résolution des situations difficiles avant qu’elles ne dégénèrent en conflit.

Or en dehors, des mécanismes légaux mis en place par l’Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du GIE ( AUSCGIE) ; il est essentiel d’anticiper autant que faire se peut ces incidents par la mise en place de différents instruments : idéalement au moment de la création de la société, ou à l’occasion de l’acquisition d’une société existante, ou encore, au cours de son existence, lors d’une modification dans la « population » des associés (apparition de nouveaux actionnaires, changements générationnels, ouverture du capital…). Notre analyse déclinera en deux grandes parties :

- Les Mécanismes légaux de prévention et de règlement des conflits ; - Les Mécanismes conventionnels de prévention et de règlement des conflits.

I. Les Mécanismes légaux de prévention et de règlement des conflits

Des diverses innovations que comporte l’Acte Uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du GIE (AUSGIE), les apports ayant trait aux règlements des conflits entre actionnaires sont loin d’être les plus négligeables. Nous retiendrons dans cette analyse, l’exemple du fonctionnement d’une société anonyme. Le fonctionnement de la société anonyme est dominé par la règle de la majorité dans les organes de gestion et les organes délibérants, selon laquelle toutes les décisions sont prises à la majorité simple ou qualifiée (art. 129 et 550 AUSCGIE). Dans un tel contexte, il n’est pas illusoire de penser que les intérêts des actionnaires minoritaires, peuvent être mis en danger ou violés. Ayant conscience qu'une telle situation peut déboucher sur des conflits sociaux préjudiciables à l'économie et aux protagonistes, le législateur de l’OHADA a voulu protéger les droits que l'actionnaire tient de la création de la société anonyme. Ainsi, l'AUSC organise, dans des dispositions impératives et éparses, un système de prévention des conflits fondé sur les droits individuels appartenant à l'actionnaire (A). Cependant, si en dépit des dispositions préventives évoquées, un conflit n'a malheureusement pas pu être évité, les actionnaires peuvent introduire une action en justice. En fonction de la situation dans laquelle ils se trouvent et du résultat qu'ils souhaitent atteindre, ils choisiront entre différentes solutions prétoriennes.

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Si l'article 147 de l’AUSGIE dispose que : « tout litige entre associés (...) relève de la juridiction compétente », aux termes de l'article 148 de l'AUSCGIE : « Ce litige peut également être soumis à l'arbitrage, soit par une clause compromissoire, statutaire ou non, soit par compromis ». Dans cette hypothèse, le litige est tranché par la procédure d’arbitrage en dehors du système judiciaire (B).

A- Les dispositions légales de préventions des conflits entre actionnaires

L’AUSC, a entendu reconnaître à l'actionnaire des droits irréductibles auxquels ni les statuts, ni la décision d'un organe social ne peuvent porter atteinte. Une classification traditionnelle distingue les droits sociaux de l'actionnaire de ses droits financiers.

1) Les droits sociaux Il s’agit notamment du :

droit de participer aux décisions de la société - l’actionnaire a le droit de participer à toutes les assemblées générales, peu importe le nombre de titres sociaux qu'il détient. C'est un droit fondamental pour lui, et tout acte de nature à le priver de ce droit doit être proscrit1. Bien que la participation aux assemblées soit personnelle, l'actionnaire peut se faire représenter par un mandataire de son choix (art. 538 AU SCGIE). Le droit de participer aux décisions collectives appelle celui de prendre part au vote. Le droit de vote est l'un des droits individuels les plus importants de l'actionnaire. La doctrine l'a même qualifié de « vache sacrée du droit des sociétés »2. Selon les articles 543 et 741 AUSCGIE, le droit de vote attaché aux actions est proportionnel à la quotité du capital représentée; et à chaque action est attaché un droit de vote.

droit d’être désigné aux fonctions sociales - l'actionnaire a le droit de se faire élire dans les fonctions sociales qui reviennent à l'ensemble des actionnaires. Puisque toutes les délibérations de l'assemblée d'actionnaires sont prises dans le respect de la loi de la majorité, l'actionnaire qui veut se faire élire doit rechercher par des tractations avec ses paires cette majorité. Le problème ne se pose pas si l'actionnaire en question détient la majorité. Selon l'article 414 AUSC, la société anonyme peut être administrée soit par un conseil d'administration, soit par un administrateur général. Le mode d'administration de la société anonyme est choisi par les statuts de manière non équivoque.

droit d’agir en justice - le recours à la justice est une prérogative si importante que la jouissance de la faculté

d'ester en justice est ouverte à tout actionnaire personne physique ou personne morale. Sur la question des intérêts à agir en justice dans la société anonyme, il est de principe que les actionnaires d'une société anonyme ne peuvent utiliser leur pouvoir que dans l'intérêt social. Une des applications les plus intéressantes en est sans doute, l'action en abus de majorité. Cette action permet d'obtenir l'annulation de toute résolution qui a été prise sans aucun égard pour l'intérêt social et uniquement en vue de favoriser l'intérêt d'un actionnaire minoritaire.

2) Les Droits financiers de l’actionnaire

Il s’agit surtout du :

droit aux bénéfices - l'exercice de la vocation aux bénéfices se concrétise par l'attribution d'un dividende à l'actionnaire. En principe un dividende est attribué chaque année à chaque action. La décision du partage des bénéfices est prise par l'assemblée générale ordinaire annuelle (article 546 AU) et exécutée par le conseil d'administration (article 756 AU), dans un délai de neuf mois après la clôture de l'exercice, sauf prorogation de délai accordé par le président de la juridiction compétente (art. 146 al. 2 AU).

droit de souscription aux augmentations du capital - lorsque la société augmente son capital en numéraire, les actionnaires disposent d'un droit préférentiel de souscription (art. 573 AU). Les actionnaires ne sont jamais obligés de souscrire aux augmentations de capital, car ce serait une augmentation de leur engagement et donc une atteinte à leurs droits fondamentaux. Par conséquent, l'actionnaire qui ne souscrit pas ne s'expose à aucune sanction, même s'il a voté la résolution décidant l'augmentation du capital. A l'inverse, lorsque l'actionnaire veut souscrire, il doit pouvoir le faire dans l'exacte proportion du capital qu'il détient afin que l'augmentation de capital n'entraîne pas une dilution de ses droits au sein de la société (art. 757 AU).

1 La cour de cassation française affirme clairement que les statuts ne peuvent pas supprimer le droit de vote d'un actionnaire. Cf Cass. Com. 9 février 1999,

Château d'Yquem, Rev . Soc., 1999, 81, note Le Cannu. 2 VIANDIER A. in Observations sur les conventions de vote, JCP édit. E 1986, 15405, cité par Merle Ph. Op.cit p.364

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droit de négocier ses actions - au sens de l'article 764 de l'AUSC, les actions sont en principe librement négociables. Il s'agit de modalités de transmission simple, accordées aux actionnaires qui dérogent aux formalités qu'exige l'article 1690 du Code civil français pour les cessions de créances. La transmission peut avoir lieu à cause de mort, pour succession ou alors entre vifs.

B- Les dispositions légales de règlement des conflits

L’analyse de l’AUSC conduit à examiner tout d’abord, le recours au juge national et ensuite, le recours à l'arbitrage.

1) Le recours au juge national

Le législateur O.H.A.D.A n'a pas voulu poser des règles qui auraient été nécessairement trop rigides pour aboutir à une résolution rapide des conflits entre actionnaires. Aussi, dans la pratique, certaines actions sont ouvertes aux actionnaires pour préserver l’intérêt social3 :

la désignation d’un administrateur provisoire - le juge des référés peut désigner un administrateur provisoire dans les conditions d’urgence lorsque : le conflit est de nature à paralyser de manière durable le fonctionnement normal de la société. La société peut être paralysée par la défaillance des organes de gestion : par exemple, le conseil ne peut plus fonctionner régulièrement par suite de mésentente entre administrateurs ou encore les actionnaires minoritaires et majoritaires se heurtent, à un point tel qu'ils compromettent les intérêts sociaux. Mais, il faut que l'entrave soit telle qu'elle empêche le fonctionnement régulier de la société et compromette les intérêts. De simples divergences de vue seraient insuffisantes.

l’action d’abus de majorité - en droit français l'abus de droit est un concept purement prétorien et jurisprudentiel, dans l'optique de sanctionner tout comportement abusif lié à l'exercice du droit de vote des majoritaires, l'AUSC a pour lui le mérite de préciser les contours de cette notion en posant de façon explicite à l'alinéa 2 de l'article 130 qu'« il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société ». Les décisions collectives peuvent ainsi être annulées pour abus de majorité et engager la responsabilité des associés qui les ont votées à l'égard des associés minoritaires (art. 130 al. 1 AUSCGIE). L'abus de majorité peut se manifester au sein de l'assemblée générale comme au sein du conseil d'administration. L'administrateur est titulaire d'un droit de fonction, ce qui signifie qu'il doit suivre l'intérêt de la société et ne peut rechercher son intérêt personnel lorsqu’il prend une décision. Il est en outre, le mandataire de l’assemblée générale des actionnaires dans son ensemble, et non celui d'un groupe particulier d'actionnaires. Il va de soi qu'il existe des affinités entre les actionnaires et le conseil d'administration.

l’abus de minorité – l’abus de minorité est comparable à l'abus de droit, sans pouvoir lui être assimilé. C'est une attitude d'actionnaires minoritaires contraire à l'intérêt général de la société, en créant un obstacle à la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci et dans l'unique dessein de favoriser leurs propres intérêts. La minorité peut ainsi imposer sa volonté à la majorité soit par une opposition injustifiée soit par un vote de surprise abusivement préparé. Il existe en effet, des minorités de blocage qui peuvent de manière abusive empêcher l'adoption de résolutions conformes à l'intérêt social. Aux termes des dispositions de l'article 131 al. 2 AUSCGIE « Il y a abus de minorité lorsque, en exerçant leur vote, les associés minoritaires s'opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt légitime ». L'exemple classique d'un abus de minorité est le blocage abusif d'une décision nécessitant une majorité spéciale (modification des statuts, augmentation de capital).

2) Le recours à l’arbitrage

Le litige né, rien n’empêche les parties de recourir à l’arbitrage pour le règlement de leurs mésententes. La condition sine qua non pour qu'il y ait arbitrage est l'existence d'une convention d'arbitrage. C'est cette exigence que traduit l'art. 21 du Traité : « En application d'une clause compromissoire ou d'un compromis d'arbitrage, toute partie à un contrat, ... peut soumettre un différend d'ordre contractuel à la procédure d'arbitrage prévue par le présent titre ».

3 Vr sur la notion, « De l’intérêt social dans l’AUSC de l’OHADA » ; Bérenger MEUKE in Rec penant 117

e année, n° 860 P. 338-355

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L’arbitrage présente plusieurs avantages :

Sur le choix des arbitres – car ceux-ci peuvent être choisis en fonction de la complexité de la difficulté à résoudre.

Sur la simplification de la procédure – parce que les parties dispensent l’arbitre du formalisme de la procédure civile, commerciale et sociale et peuvent même l’autoriser à juger en équité, sans aucune référence aux règles de droit (c’est la clause d’amiable compositeur de l’article 15 de l’Acte Uniforme sur le droit de l’arbitrage).

Sur la discrétion – en ce que les délibérations du tribunal arbitral sont secrètes contrairement aux décisions des

tribunaux qui sont en général rendues en audience publique. Pour les milieux d’affaires, cet avantage est important et évite à l’entreprise, une mauvaise publicité.

II. Les Mécanismes conventionnels de prévention et de règlement des conflits

Par voies conventionnelles, les actionnaires peuvent instaurer d’une part des mécanismes de prévention des conflits et d’autre part des mécanismes de règlements de litiges qui n’ont pu être évités.

A- Les Pactes d’actionnaires : mécanisme de prévention des conflits

Par définition, les dispositions légales de l’AUSC ne peuvent suffire à couvrir toutes les situations de conflits entre les actionnaires. Aussi, de leurs propres initiatives ils peuvent et doivent se prémunir de certaines situations de blocage à terme très néfaste à la société. De plus en plus dans la pratique, les actionnaires sont conduits à conclure des conventions ordinairement appelées Pactes d’actionnaires. Ce sont des conventions par lesquelles les actionnaires cherchent à régler le contrôle de la conduite des affaires et de la composition de leur société. Ces pactes sont l'expression même d'un intérêt porté à l'aspect contractuel du droit des sociétés. Dans le cadre de cette étude on peut se limiter à les classer dans deux catégories que sont, les conventions de vote entre actionnaires et les conventions relatives à la cessibilité des droits sociaux.

1) Les Conventions de vote entre actionnaires

Les conventions de vote portent sur l'exercice du droit de vote des actionnaires à l'assemblée générale. Leur portée varie de l'engagement ponctuel de concertation avant le vote à l'une ou l'autre assemblée générale jusqu'à des obligations plus larges, telles que celle de souscrire à une augmentation du capital ou le recours à des mécanismes qui affectent, aménagent ou infléchissent les principes de fonctionnement de la société .

Sur le régime des conventions de vote – Les conventions de vote ne font l’objet d’aucune interdiction par les textes de l’OHADA. Elles sont donc valables, à condition d’être limitées à une opération déterminées, conforme à l’intérêt social et exempt de toutes idées de fraudes.

Cependant, on imaginerait aisément que la nullité s’applique sans difficulté à la convention par laquelle un actionnaire prendrait l’engagement de ne pas voter ou de ne voter qu’avec l’accord ou l’autorisation d’un autre. En effet, la convention ne doit pas dépouiller l’associé de son droit ou restreindre sa liberté dans des conditions illicites. En réalité, la convention de vote est une immixtion de la liberté contractuelle dans le droit des sociétés. Or si le droit des sociétés est contraignant et formaliste, c’est qu’il doit protéger les actionnaires minoritaires, protection que la liberté contractuelle met en danger. La convention de vote va donc à l’encontre du principe d’égalité entre associé et crée indiscutablement des droits et obligations dans le chef pour les associés contractants. Par analogie aux principes de réparation par équivalent, le créancier de l’obligation de voter dans un certain sens pourra ne toute hypothèse obtenir réparation de la violation du pacte, par le paiement de dommage et intérêts, sanction naturelle de l’obligation de faire ou de ne pas faire.

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Sur la typologie des conventions de vote – il faut distinguer les conventions relatives à l’engagement de voter

dans un sens, de celles en rapport avec le statut des dirigeants sociaux ou encore de celles relatives au fonctionnement de la société.

� L’engagement de voter dans un sens déterminé Ce sont des conventions en vertu desquelles, un associé s’engage à voter dans un sens ou à se concerter avant le vote avec les membres du pacte, pour déterminer le sens dans lequel il votera. Ces conventions peuvent également portées sur la cession du droit de voter ou des questions précises telles que le maintien du siège social ou de la dénomination sociale.

� Le statut des dirigeants sociaux D’après une classification établie par le Pr Y. GUYON et largement reprise, les conventions relatives aux statuts des dirigeants sociaux portent généralement sur :

• le renforcement de la stabilité des dirigeants [les associés pouvant tirer partie d’une désignation statutaire du dirigeant, dont la révocation impliquerait la preuve de motifs graves ou encore le cas de dirigeant non soumis au principe de la révocation ad nutum »] ;

• les conventions tendant à éviter la révocation [certains dirigeants sociaux associés peuvent en dépit de la vente de leurs droits sociaux, souhaités conserver leur position dans la société (mandats sociaux, contrat de travail, contrat de consultance), en prévoyant des modalités d’indemnisation importante en cas d’éviction] ;

• les conventions limitant les effets de la révocation [c’est la pratique des golden parachuts actuellement décriée en

France] ;

• les clauses de représentation proportionnelle au sein du conseil d’administration [le cessionnaire d’une participation minoritaire peut souhaiter participer effectivement à la gestion sociale et par conséquent, être représenté dans les différents organes de direction].

� Le fonctionnement des organes sociaux

Même si elles sont inopposables aux tiers, les répartitions de compétence au sein du conseil d’administration sont autorisées. Aussi, on peut contracter sur le renforcement des conditions de majorité à l’assemblée générale [on pourrait stipuler des majorités qualifiées pour la prise de décisions de l’assemblée générale, ou du conseil d’administration] ou sur les limitations du pouvoir votal des associés.

2) Les Conventions relatives à la cessibilité des droits sociaux

Le législateur OHADA consacre la liberté reconnue aux actionnaires de restreindre la cessibilité des titres par voie conventionnelle. Les statuts, les actes authentiques d'émission de droits de souscription et toutes autres conventions peuvent limiter la cessibilité des actions. Par ces clauses, les actionnaires maintiennent un équilibre entre les groupes existants, ou augmentent leur participation dans le capital si l'un d'entre eux se retire. En assurant la stabilité de l'actionnariat, les clauses restrictives de cessibilité des actions sont considérées comme des moyens par excellence de prévention interne des conflits. Ces clauses peuvent être stipulées soit lors de la constitution de la société, soit en cours de vie sociale. Elles peuvent être insérées non seulement entre associés, mais également à l’égard des tiers. Si les clauses d’inaliénabilité doivent être limitées dans le temps et être justifiées par l’intérêt social, les clauses d’agrément et de préemption n’ont quant à elles pas à être justifiées par l’intérêt social.

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La clause de sortie simultanée – est celle par laquelle chaque associé s'engage en cas de volonté de céder sa participation, d'en réduire le volume de manière proportionnelle afin de permettre à ses coassociés de se joindre à l'offre à concurrence du nombre de titres que le tiers s'est engagé à acquérir.

La clause dite de « sortie prioritaire » - clause par laquelle un majoritaire s'engage, en cas de cession de sa

participation, à permettre aux minoritaires de céder leurs titres, par priorité, au candidat cessionnaire.

Les clauses d’interdiction d’acquérir - encore appelées « clause de non agression », les associés peuvent convenir de limiter la cessibilité des titres qu'ils possèdent déjà. Ils peuvent également décider de limiter, soit partiellement, soit totalement, leur liberté d'acquérir des titres supplémentaires.

Ces clauses d'inaliénabilité inversées permettent d'assurer la conservation d'un équilibre savamment recherché et mis en place par les parties, évitant ainsi les renversements ou renforcements non contrôlés de majorité. Afin de ne pas figer la situation de manière indéfinie, la prudence commandera toutefois d'insérer dans ces clauses un mécanisme dérogatoire permettant l'acquisition de titres supplémentaires en cas d'accord d'un ou plusieurs autres actionnaires, sauf à prévoir une validité de clause limitée dans le temps.

Les clauses d’options sur actions - la négociabilité des titres d'une société peut être affectée par l'existence de

promesses de vente ou d'achat. Issus de la pratique anglo-saxonne, ces promesses sont fréquemment identifiées selon la terminologie anglaise de « put » et « call ». L'option « put » ou option de vente, est une promesse d'achat par laquelle le promettant s'engage irrévocablement à acquérir les titres du bénéficiaire de la clause, sur demande (levée d'option) de ce dernier. A l'inverse, l'option « call » ou option d'achat, est une promesse de vente par laquelle le promettant s'engage irrévocablement à vendre les titres au bénéficiaire de la clause, sur demande de ce dernier. Dans un cas comme dans l'autre, le bénéficiaire de la promesse est toujours libre de lever ou non l'option d'achat ou de vente qui lui a été consentie.

Les conventions d’options croisées (clause américaine du shotgun) - encore appelée clause dite shotgun, elle permet à un associé, en certaines circonstances, d'initier un processus agressif d'achat ou de vente des actions d'un autre associé. Le coassocié aura alors la possibilité d'accepter l'offre d'achat ou de vente ou de se porter lui-même acquéreur ou vendeur aux mêmes termes et conditions.

L’associé qui aura initié le processus n'aura pas le choix d'accepter. Le but recherché n'est pas ici d'assurer le transfert des titres, mais au contraire de l'éviter dans la mesure du possible puisque le principe d'une telle option croisée est de faire pression sur le cosignataire du pacte afin que celui-ci use le moins possible de son droit de céder ou d'acquérir des titres.

Les clauses d'entrainement - ce sont des clauses forçant les fondateurs à céder tout ou partie de leurs actions si

un acquéreur cherche à acheter plus de 50% du capital de la société.

Les clauses de retrait – sont celles prévoyant un droit de retrait en cas de réalisation d'évènements contractuellement stipulés. Elles prennent généralement la forme d'options de vente qui doivent prévoir le prix de rachat

La clause de ratchet - permet à un associé ou un actionnaire de se ménager la possibilité de réviser à la hausse sa

participation dans le capital de la société.

Ce mécanisme très fréquemment employé en matière de capital risque, consiste à permettre aux investisseurs de se "reluer" si la valorisation de la société à l'occasion de "tours de table" ultérieurs était inférieure à celle qui a servi de base à leur entrée au capital.

B- Mécanismes conventionnels de règlement de litige

Aujourd’hui plus qu’hier, la « loi du lavage du linge sale en famille » (GRIFFITHS 1985 P. 218) demeure la règle fondamentale en matière de règlement des conflits dans le monde des affaires.

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Aux côtés des mécanismes traditionnels de gestion de conflits, la pratique a développé des techniques modernes fondées d’une part sur la disparition de l’actionnariat d’une des parties au litige (1) et d’autre part sur des procédés alternatifs de gestion de conflits (2).

1) Techniques fondées sur la disparition de l’actionnariat d’une des parties au conflit

La disparition de l’actionnariat d’une partie au conflit découle soit de l’exclusion d’un associé (cas de la cession forcée de droits sociaux), soit de son retrait (cas du rachat forcé de droits sociaux).

L’exclusion de l’associé défaillant - L’affectio societatis exprime la volonté des associés de collaborer ensemble, au succès de la société. En cas de conflit, le législateur OHADA a prévu à l’article 200-5 de l’AUSC la dissolution pure et simple de la société en cas de dysfonctionnement entraînant la paralysie de ses organes.

Or, la pratique révèle qu’une telle mesure est généralement excessive et inappropriée face aux enjeux socio-économiques. C’est pour cette raison qu’on pourrait aisément imaginer dans l’espace OHADA, l’alternative de l’exclusion de l’associé défaillant. En effet, le « socius » c’est à dire l’allié, peut devenir un élément perturbateur et gênant pour le bon fonctionnement de la société. Il s’agirait alors pour les associés, de prévoir dans leurs documents contractuels, une clause d’exclusion. La clause d’exclusion peut se définir comme celle qui permet aux associés d’exclure l’un d’entre eux si certains évènement surviennent ou encore si certaines qualités justifiant sa présence en société disparaissent (manquement à des obligations, fin d’un partenariat exclusif, non atteinte des objectifs fixés…) C’est pour éviter la disparition de la société qui ne serait pas voulue par l’ensemble des associés, et ainsi préserver l’affectio societatis entre ceux des associés désireux de continuer l’exploitation de la société, qu’on pourrait imaginer l’utilisation d’une telle clause. En réalité, la jurisprudence française s’est toujours refusée d’affirmer le principe de l’exclusion d’un associé, alors même qu’une telle décision des associés aurait l’avantage de mettre fin à la crise secouant la société. Il n’existe donc pas de fondement légal à l’exclusion d’un associé. Pourtant, certaines juridictions françaises n’ont pas hésité, dans l’intérêt de la société, à exclure un associé4. En revanche, la jurisprudence a toujours admis la validité des clauses d’exclusions5 à la condition qu’elles soient clairement définies, qu’elle désigne l’organe compétent pour prononcer l’exclusion et qu’elles prévoient une contrepartie financière pour l’associée exclue qui doit obtenir le remboursement de ses droits sociaux à un juste prix. Reste à préciser qu’une décision unanime des associés serait nécessaire pour introduire une clause d’exclusion dans les statuts, en cours de vie sociale6.

4 Tribunal de commerce de Poitiers le 30 juin 1975, qui prononce l’exclusion d’un associé pour cause de mésentente, au lieu de prononcer la dissolution. Ce

jugement était novateur car il se fondait sur la volonté de sauvegarder une société rentable. Le juge a privilégié l’intérêt social à l’intérêt particulier de

l’associé.

5 La validité des clauses d’exclusion prévue dans les statuts semble avoir été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 avril 1854. La Cour

remarque que le défendeur « a été exclu en exécution des accords sociaux ».

Un arrêt de la Cour de Paris rendu le 18 novembre 1893 consacre aussi le principe de validité : la clause prévoyait l’exclusion d’un actionnaire au cas où celui-ci

cesserait d’être commerçant ou s’il ne délivrait pas à ses clients un nombre suffisant de timbres primes.

D’autres décisions vont dans le même sens : CA Paris le 12 avril 1996 donne plein effet à la clause des statuts d’une SA prévoyant que l’actionnaire qui perd

définitivement la qualité de salarié de la société perd simultanément sa qualité d’associé.

On peut considérer que cette admission de principe de la clause d’exclusion à été finalement retenue de façon implicite mais incontestable dans un arrêt de la

Cour de cassation du 13 décembre 1994 dans laquelle la chambre commerciale indiquait que les statuts de la société ne prévoyant pas la possibilité d’exclure

un actionnaire les juges du fond ont estimé à bon droit que la société n’était pas fondée à ordonner la cession forcée de leurs titres par les deux actionnaires

ayant fait l’objet d’une prise de contrôle interne. (JCP E 1995, éd E, I. 447, obs A. VIANDIER et J-J. CAUSSAIN)

6 C. A Paris, 27 mars 2001 ; RTDJA 10/01, n° 973

9

Le retrait de l’associé - Si l’exclusion de l’associé peut être initiée par ceux qui entendent rester en société, la procédure de retrait est initiée par l’associé sortant. Lorsqu’un associé d'une société souhaite que les autres lui reprennent ses parts, on parle de procédure de rachat forcé ou de procédure de retrait. Dans la procédure de retrait, le demandeur à l'action pourra quitter l'actionnariat de la société en obtenant la condamnation d'un des autres actionnaires à lui racheter tous ses titres.

Sans préjudice des droits des tiers, un associé doit pouvoir se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice. L’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux. D’ailleurs, pour la Chambre commerciale de la Cour de cassation française, les statuts peuvent valablement prévoir que, préalablement à une demande de retrait judiciaire pour justes motifs, un associé sera tenu de proposer aux autres associés de leur céder ses parts. L'esprit du retrait est totalement différent de celui qui gouverne l’exclusion. Alors qu'il s'agit en matière d'exclusion, d'évincer un actionnaire dont le maintien de la présence peut paraître préjudiciable pour la continuité de l'entreprise, le demandeur du retrait entend, pour sa part, se désintéresser totalement et définitivement du sort de l’entreprise. Dans le premier cas, il s’agit de protéger les intérêts de la société alors que dans le second, c'est la protection des intérêts de l'associé sortant qui est poursuivie.

2) Les Modes alternatifs de résolution des conflits

On considère généralement que l’expression « modes alternatifs de règlement des différends » recouvre tout mécanisme permettant de trouver des solutions acceptables par des parties en différend en dehors des procédures judiciaires traditionnelles (d’où le terme « alternatif »). Ils ne se substituent pas à celles-ci mais doivent permettre de « vider les conflits » de leur substance à la satisfaction des parties Plutôt que de laisser le juge ou l’arbitre prendre une décision à leur place, les associés peuvent solliciter l'intervention d'un médiateur, ou d’un conciliateur soit encore d’un comité de règlements des conflits.

La médiation - est généralement considérée comme une méthode en dehors des influences juridiques, morales et culturelles qui a pour objectif de permettre aux parties, accompagnées dans leur réflexion par le médiateur, de trouver la solution la plus satisfaisante possible pour elles - et non pour le tiers médiateur.

La médiation est basée sur l’intervention d’un tiers neutre, dont le rôle est, avec l’accord des parties, de les rapprocher et de les aider à trouver une solution satisfaisante et équitable et ce, sans jamais les obliger en rien. En effet, elle offre une solution rapide puisqu’il ne s’agit pas d’instruire une cause, mais d’offrir aux associés la possibilité de comprendre quels sont les intérêts en présence et de concilier ceux-ci, en trouvant une solution judicieuse et créative adaptée à leurs besoins. Au-delà de sa rapidité, le processus de médiation, au lieu d’opposer les associés et de donner raison nécessairement à l’une ou à l’autre, place le débat sur un plan de l’intérêt de chacun, en cherchant le bénéfice de chacun plutôt que la condamnation de l’autre. Par opposition à l’arbitrage, la médiation est un processus dont les parties sont les acteurs principaux. Même s’il est préférable que les parties soient accompagnées par le Conseil, ce qui constitue un coût, le médiateur devant être rémunéré aussi et que plusieurs séances de médiation sont nécessaires pour parvenir à une solution, les sommes dépensées ne seront en rien comparables au prix d’un procès judiciaire ou arbitral. La clause de médiation peut être introduite dans tous les contrats. Elle dispose que les parties signataires envisagent avant tout recours à une procédure judiciaire de faire appel à un médiateur.

10

Cette clause peut a fortiori être introduite dans un accord de médiation, prévoyant ainsi le cas où les parties ont des difficultés à respecter l'accord (qui est alors un nouveau contrat). L'accord peut rester sous seing privé.

La conciliation - consiste dans le recours à un tiers, généralement ce recours est prévu dans le cadre d'une

procédure, écouter les parties et leur faire une proposition de règlement du différend.

Le med-arb - est un mode alternatif de résolution de conflit qui consiste à prévoir un arbitrage en cas d'échec de la médiation.

Il s'agit d'une pratique développée dans des pays anglo-saxons, laquelle consiste dans l'association de l'arbitrage et de la médiation, en un seul processus. Le med-arb est une approche mixée de la médiation et de l'arbitrage. En cas d'échec de la médiation - et plus vraisemblablement le médiateur ayant atteint ses limites de compétence - le médiateur se transformerait en arbitre. Le med-arb peut être conçu comme une prestation optimisée et permettant d'augmenter les chances que les parties aboutissent à un accord. Cette procédure imaginée par le Centre de Médiation et d'Arbitrage de Paris (CMAP), met en place simultanément et façon indépendante, une médiation et un arbitrage. Par voie discutée avec la médiation ou par contrainte avec un arbitrage, les parties devraient espérer avoir une solution dans un délai convenu et pour un coût fixé par avance.

DE L’EXPERTISE EN DROIT DES SOCIETES OHADA

Bérenger MEUKE Docteur en droit des Affaires

Avocat Collaborateur Principal JURIFIS CONSULT

Attaché d’Enseignement - Université du Mali

« Le procès » peut se définir comme l’un des mécanismes permettant, s’il arrive à son terme, de juger dans la limite la plus juste possible, des faits litigieux. Il s’agit pour le juge d’appliquer la règle de droit adéquate afin que soit retrouvée la paix sociale. Le juge ne devra pas faire l’économie des connaissances les plus exactes des éléments de la situation litigieuse qu’il faut apprécier, et à partir desquels il prendra définitivement position. Durant le procès, les parties apportent au juge un ensemble d’éléments parfois contradictoires dont l’analyse permet d’avoir une idée de la situation conflictuelle et même dans certains cas, une probable prise de position. Le juge peut s’estimer suffisamment éclairé par les convictions des parties, et mettre à profit ses propres connaissances techniques et scientifiques pour trancher le litige. Mais parfois, la seule reconstitution des faits, ne permet pas au juge de rendre dans l’impartialité la plus totale et en toute connaissance de cause sa décision. Encore faudrait-il que les éléments du litige soient maîtrisés dans leur ensemble. Pour cela, il faut l’intervention ou encore le regard de celui-là qui a fait des éléments du litige sa spécialité, et dont les connaissances sur la question sont reconnues par tous ; voilà l’expert. Ce sont les difficultés rencontrées lors des procès dans la recherche et la matérialisation de la vérité qui sont à l’origine de cette institution très ancienne, qu’est l’ « expertise ». Par ailleurs, il faut rappeler que le droit des sociétés doit aujourd’hui faire face aux profondes mutations qui secouent le monde des affaires. L’usage de nouveaux moyens de contrôle ainsi que le développement de nouvelles méthodes de gestion ont fondamentalement changé l’organisation générale de l’entreprise, qui est devenue le siège d’intérêts divers qu’il importe de gérer au mieux et dont la protection est désormais une priorité. On doit, de plus en plus, de faire de la lumière où régnaient jadis l’obscurantisme et l’opacité.

11

Il est devenu impératif au sein des entreprises du continent, de rééquilibrer les rapports de force qui coexistent entre les divers acteurs sociaux7. C’est dans un tel contexte qu’il faut situer « l’expertise en droit des sociétés OHADA », toute la problématique étant celle de la place et du rôle de cette institution dans le droit actuel des sociétés, compte tenu des dernières évolutions législatives8. Il y a bien longtemps que les arpenteurs de Rome faisaient la mesure des terres, que les huissiers-priseurs estimaient déjà les biens, et la Novelle 64 nous apprend que l’évaluation des légumes était faite par les jardiniers de Constantinople. La place de l’expertise n’a pas vraiment changé à cet égard. Il s’agit toujours de prendre des hommes et des femmes de chaque branche d’activité pour éclairer ce qui dépend de la connaissance de leur art. Cependant, si l’histoire n’a pas modifié la place de cette institution dans notre système juridique, son rôle ainsi que son autorité ont accru de façon considérable durant ces dernières années. Le droit des sociétés de l’OHADA n’est pas resté en marge de cette évolution d’ensemble sur l’institution qui, en s’inscrivant dans une logique de protection de l’intérêt social, s’est érigé peu à peu en garant de la transparence dans la gestion sociale, tout en participant à l’évaluation de l’entreprise en terme de valeur et de risque. Il s’agirait donc aujourd’hui de répondre à une double préoccupation :

- Comment à travers l’institution, garantir la transparence sur la gestion sociale ?

- Comment partir de l’institution pour obtenir une évaluation de l’entreprise ?

I- LA TRANSPARENCE SUR LA GESTION SOCIALE Contrairement à ce que l'on peut penser, la transparence dans les entreprises est plus une nécessité qu'un effet de mode. Ne rien cacher passe pour une vertu. Le droit des sociétés de l’OHADA doit aujourd’hui affronter les défis de l’économie de marché qui se traduisent par un mouvement irrésistible des capitaux par delà les frontières naturelles et juridiques9. Pour les acteurs qui interviennent dans un monde fortement concurrentiel comme le notre, la transparence semble être l’une des clés du succès10. Cet objectif de transparence correspond à la préoccupation du législateur de l’OHADA qui en a fait une ligne de force dans l’AUSC et que, la jurisprudence semble poser comme un objectif prioritaire. La transparence est définie par le Littré comme « la qualité d'un corps qui laisse passer la lumière pour un objet qui se trouve derrière ». Ce qui nous intéresse ici ce n'est pas le corps transparent qui laisse passer la lumière et qui dans le cas d'espèce est l'entreprise; mais l'objet qui se trouve derrière le corps transparent à savoir l’information sur la gestion de la société. L'information est nécessaire dans toute activité. Mais si elle est destinée à rendre un message communicable, son organisation au sein des sociétés se révèle extrêmement complexe, car elle est destinée à un groupe hétérogène d'individus. Son étendue est surtout génératrice de conflits entre les acteurs sociaux pour lesquels la société doit apparaître dans toute sa transparence. C'est pour protéger ces intérêts divers que le législateur de l’OHADA a institué « l'expertise de gestion » qui est une évaluation qualitative de la gestion sociale puisqu’elle permet l'obtention de rapport sur des opérations de gestion susceptibles de porter atteinte aux intérêts des associés et à ceux de la société. Cette technique expertale, si elle constitue une arme redoutable, demeure néanmoins limitée par d'assez strictes conditions liées notamment aux opérations pouvant en être l'objet, d'où une transparence incomplète.

7 Vr J. PAILLUSSEAU « Les fondements du droit moderne des sociétés » ; J.C.P éd G 1984, I. n° 3148

8 Vr H-D MODIKOKO. B « La réforme du droit des sociétés commerciales de l’OHADA » ; Rev. Soc 2002. 255

9 Vr P. BEZARD « Le droit des sociétés français face aux défis de la mondialisation » ; Rev. Soc 2000. 55

10

Vr D. VELARDOCHIO « La transparence en droit des sociétés dans la loi sur les nouvelles régulations économiques» ; Droit et patrimoine, nov 2001. 62

12

Mais là où le droit spécial des procédures sociétaires fait défaut, le droit commun de la procédure civile offre ses généreuses ressources et il peut être tentant d'aller y puiser afin d'obtenir d'une main ce qui est refusé de l'autre. Les mesures d'instruction « in futurum » ou « à futur » sont de celles-là. Ces mesures bien que prévues par les législations des différents Etats membres de l’OHADA comme moyen de pré constitution de preuves pour un litige futur, peuvent être utilisées dans les situations étrangères au dispositif de l'expertise de gestion et permettent tout en complétant cette dernière un contrôle satisfaisant de la gestion sociale. Pour parvenir à la transparence, l’institution qu’est l’expertise doit donc apparaître non seulement comme une source d’informations sur la gestion sociale (A), mais également comme un véritable moyen de contrôle de cette dernière (B). A- UNE SOURCE D’INFORMATION SUR LA GESTION SOCIALE: Du rôle de l’expertise de gestion L’information est au cœur de la gestion sociale et sa parfaite connaissance permet aux acteurs sociaux de mieux protéger leurs intérêts et ceux de la société. C’est ce souci de protection qui a conduit à la naissance de « l’expertise de gestion » avec les articles 159 et suivants de l’AUSC et qui permet aujourd’hui aux associés minoritaires de demander qu’un expert soit désigné si une opération de gestion parait critiquable ou contestable11. L’expertise prend tout naturellement place dans un mouvement plus général tendant à prévenir les abus de majorité par le renforcement et l'amélioration de l'information des associés. Le but avoué du législateur est d’informer les acteurs sociaux tant dans les circonstances normales qu'en période de crise. Le pouvoir majoritaire est par essence, un pouvoir autoritaire que l'institutionnalisation progressive des fonctions des dirigeants sociaux n'a fait que consolider. Ce qui n'est pas du tout regrettable, car pour être utile et efficace, la direction doit être une. Mais la mise à l'écart de la minorité qui résulte de l'application de ce principe ne fait que renforcer les exigences de sa protection. Le législateur de l’OHADA s'en est bien rendu compte ; au renforcement des pouvoirs des dirigeants, répond le souci d'une meilleure information et d'une protection plus efficace des minoritaires. L'expertise de gestion répond à la préoccupation du législateur, non seulement parce qu'elle permet à la majorité de gouverner l'entreprise, ce qui est la conséquence naturelle de l'exercice du droit de vote par chacun des associés, mais aussi parce qu'elle protège la minorité afin qu'elle puisse également concourir, sinon au pouvoir qui lui échappera, du moins au bon usage du pouvoir et du contrôle des associés majoritaires. L'originalité de cette institution fait d'elle une procédure spéciale et nécessaire pour le droit des sociétés OHADA. Il ne s’agit pas dans cette analyse, de faire une étude d’ensemble sur l’expertise de gestion12 , mais surtout de mettre l’accent sur son utilité pratique dans la recherche de la transparence sociale. Aux termes de l’article 159 du texte précité, « Un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ». A y regarder de près, plusieurs interrogations doivent recevoir des réponses pour donner à ces dispositions toute leur force et les faire jouer tout leur rôle dans notre système juridique. La nomination d’un expert de gestion est donc subordonnée à un ensemble de conditions de fond bien délimité par l’AUSC. La recevabilité de la demande doit par exemple s’apprécier au regard d’éléments liées :

11

Vr sur l’ensemble de la notion en droit français : B. TOUYERAS-PAULZE D'IVOY « L'expertise en droit des sociétés » ; Th. Lille, 1993. 115 / G.

AMEDEE-MANESME « L’expertise de l’article 226 » ; Th Clermont. 1977 / R. David « La protection des minoritaires dans les sociétés par actions » ; Th. Paris.

1938 / J. Hamel « La protection des minoritaires dans les sociétés anonymes »; R.I.D.C 1951. 677 / Y. GUYON « Les nouveaux aspects de l'expertise de

gestion »; J.C.P éd E 1985. n° 14593 / P. LE CANNU « Eléments de réflexion sur la nature de l'expertise judiciaire de gestion » ; Bull. Joly 1988. 553 / Yves

CHARTIER « L'expertise de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 » ; J.C.P éd G 1972, I. 2507 / P. Le CANNU « Eléments de réflexion sur la nature de l’expertise

de gestion » ; Bull. Joly 1988. 553 / CERATI-GAUTHIER « La nouvelle expertise de gestion assure-t-elle une meilleure information aux actionnaires

minoritaires » ; Petites affiches, 5 avr 2002, n° 69. 4

12

Vr sur l’étude de l’expertise de gestion, notre article : « L’information des actionnaires minoritaires dans l’OHADA : Réflexion sur l’expertise de gestion » ;

Revue Trimestrielle de Droit et de Jurisprudence des Affaires (Mali) 2009 n° 1

13

• à la notion d’intérêt social, dont la protection est l’objectif de la procédure13, • à la notion d’opération de gestion, qui constitue à la fois le fondement et l’objet de la procédure14, • à la qualité de demandeur, ce qui relance le débat sur la qualité d’actionnaire bénéficiant de la procédure15, • à l’ouverture de la procédure aux organes tels que le ministère public, les autorités de contrôle des

marchés financiers, les salariés16, • à l’extension de la procédure aux groupes de sociétés lorsque l’intérêt du groupe le justifie17, • au groupement d’associés18, • au bien fondé de la demande19.

Ce sont les difficultés en rapport avec ces différents éléments qui rendent la mise en œuvre de cette procédure moins souple et l’atteinte des objectifs du législateur plus périlleuse. On ne devrait donc pas étonner de voir réapparaître devant nos juridictions l’expertise « à futur » ou dite « préventive », qui tout en étant une procédure probatoire, risque peu à peu de prendre place en droit des sociétés pour contribuer au contrôle de la gestion sociale.

13

Vr notre article : « De l’intérêt social dans l’AUSC de l’OHADA » ; Recueil PENANT 2007, Revue de droit des pays d’Afrique - 117e année, n° 860 P. 338-355 /

D. VIDAL « L’atteinte à l’intérêt social ; critère du domaine de l’expertise de gestion » ; Dr. Soc 1997-1998, n°4, avril 1998. 13 / G. GAFFAUX-CALLEBAUX « La

définition de l’intérêt social : retour sur la notion après les évolutions législatives récentes » ; R.T.D Com 2004. 35 / Gérard SOUSI « L’intérêt social dans le droit

français des sociétés commerciales » ; Th Lyon III 1974. 352 / D. SCHMIDT « De l’intérêt social » ; J.C.P, éd. E 1995, n° 38. 488

14

Vr sur la question, notre article : « La notion d’opération de gestion au sens de l’article 159 de l’AUSC de l’OHADA : Réflexion à la lumière du droit français » ;

www.ohada.com doctrine ohadata / D-05-57 / V.G MARTIN « La représentation des sociétés commerciales par leurs organes » ; Th Nancy II, 1977. 117 /

MARTEAU PETIT « La notion d’acte de gestion et le droit des sociétés » ; Th Paris II 1992. 293

15

Alors que le législateur français réserve dans les articles L 225-231 et L223-37 du Code de commerce, l’expertise de gestion respectivement aux sociétés par

action et aux sociétés à responsabilité limitée, l’AUSC va plus loin que la loi du 24 juillet 1966 qui a inspiré ses rédacteurs et institue une mesure d’application

générale aux sociétés commerciales sans distinction aucune. On peut constater là, la volonté du législateur africain de protéger les minoritaires de tout bord. Il

peut aussi s’agir là, d’un moyen de lutter contre « la concurrence indélicate » que l’expertise judiciaire pourrait faire à cette institution nouvelle, comme tel est

le cas aujourd’hui en France. On ne peut donc qu’approuver cette extension de l’institution à l’ensemble des sociétés commerciales. Mais la question peut se

poser de savoir comment le législateur africain réglera les difficultés liées aux sociétés en cours de constitution ou en liquidation.

Vr sur la question, s’agissant de la jurisprudence OHADA : TRHC Dakar, ord. réf. n° 901, 9-8-1999 : Hassane Yacine c/ Société Nattes Industries, Ibrahima

Yazback et autres, www.ohada.com, Ohadata J-02-198, obs. J. ISSA-SAYEGH / CA Abidjan, n° 376, 2-3-2004 : METALOCK PROCESS-CI SARL c/ TOURREGUITART

JORGE CLUSSELA, www.ohada.com, Ohadata J-04-489 / TRHC Dakar, ord. réf. n°1671, 23-12-2002 : Abdoulaye NDIAYE c/NDIOUGA LO, www.ohada.com,

Ohadata J-03-186 / CA Abidjan, Ch. civ. & com., 5e ch. A, n°10, 2-1-2001 : Polyclinique Avicennes c/ Bassit Assad, www.ohada.com, Ohadata J-02-113, obs. J.

ISSA-SAYEGH / TR Niamey, ord. réf. n° 245, 22-10-2002 : ABASS HAMMOUD c/ JACQUES CLAUDE LACOUR et DAME EVELYNE DOROTHEE FLAMBARD,

www.ohada.com, Ohadata J-04-80

Vr également sur cette problématique, notre article : « Observations sur le démembrement de droits sociaux dans l’espace OHADA » ; Recueil PENANT 2007,

Revue de droit des pays d’Afrique - 117e année, n° 858 P. 97-103 / A. VIANDIER « La notion d'associé » ; LGDJ, 1978. n° 248 et s

16

A la différence de la législation française qui donne qualité pour agir à d’autres requérants comme le ministère public, le comité d’entreprise ou encore

l’Autorité des Marchés Financiers, le législateur africain a estimé qu’il fallait réserver cette prérogative aux seuls associés minoritaires.

Vr sur la question : B. TEYSSIE « L'expert de gestion du comité d'entreprise » ; Dr. Social 1994. 877 / Y. GUYON « Les nouveaux aspects de l'expertise de

gestion » ; J.C.P éd E, 1985, I. 14593 / SOUBIER « Observations sur l’évolution du comité d’entreprise » ; Dr. Soc., 1983. 356 / Vr E. Du PONTAVICE « Le droit de

communication de l'expert-comptable du comité d'entreprise en vue de l'examen des comptes annuels » ; Rev. Com. Comptes, janv. 1984

17

Il est cependant regrettable que le législateur africain ne permette pas la mise en œuvre de la procédure dans les groupes de sociétés. En n’admettant pas

que puisse faire l’objet d’une expertise, les opérations de gestion des sociétés contrôlées, il ferme la porte de l’institution à cet acteur social appelé à jouer un

rôle de plus en plus important dans le paysage juridique africain.

Vr sur la question : P. LE CANNU « L’expertise de gestion et les filiales » ; Bull. Joly 1994. 147 / R. MARRAU « Un paradoxe permanent du groupe de sociétés :

indépendance contre unité économique de ses sociétés » ; Petites affiches, 5 août 1996. n°94. 4 / J. PAILLUSSEAU « La notion de groupe de sociétés et

d’entreprises en droit des affaires économiques » ; D. Aff 2003. 2346 et 2418 / D. SCHMIDT « Les conflits d'intérêts dans la société anonyme » ; JOLY. 1999 / P.

Le CANNU « Expertise de gestion demandée par des actionnaires d’une société mère américaine sur des opérations d’une filiale française après la loi N.R.E »,

note sous C. A Versailles, 23 oct 2002 ; Bull. Joly 2003. 204

18

A notre sens, il faudrait voir dans cette autorisation donner au groupement des minoritaires, un simple moyen pour le législateur, de faciliter l’exercice de

l’action et non un mécanisme visant à opérer un regroupement quelconque des associés minoritaires.

19

On ne devrait pas exiger du minoritaire qu’il établisse une atteinte à l’intérêt social, car là se trouve le but même de la procédure engagée. On ne devrait pas

également demandé à l’associé minoritaire d’épuiser tous les moyens normaux d’information mis à sa disposition y compris ceux prévus aux articles 157 et

158 de l’AUSC. Le juge africain ne devrait pas exiger une preuve du caractère contestable de l’acte en cause, en revanche, il devrait admettre la demande du

minoritaire dès que celui-ci établit que l’on peut raisonnablement soupçonner la gestion de ne pas être régulière.

14

B- UN MOYEN DE CONTROLE DE LA GESTION SOCIALE : De l’utilisation de l’expertise « à futur » Dans le souci de rendre plus compréhensible le rôle joué par l’expertise « à futur » dans le contrôle de la gestion des sociétés, nous avons choisis d’analyser cette procédure expertale dans le cadre de la législation d’un des Etats membres de l’OHADA ; le Mali. D’après les dispositions de l’article 167 du CPCCS20 malien, « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admises peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Ce texte qui jouit généralement d'une plus grande faveur auprès des praticiens du droit de la construction, de la responsabilité délictuelle ou contractuelle, demeure encore d’un usage assez limité, sinon inexistant en droit des sociétés OHADA. Dans cette étude, nous n’analyserons pas l'expertise dite préventive dans son ensemble. Nous essayerons de mieux la cerner afin de dégager la manière dont elle pourrait s’utiliser en droit des sociétés OHADA. 1- L’originalité de l’expertise « à futur » de l’article 167 du CPCCS malien À la lecture de l'article 167 du texte précité, on constate qu'il se situe à la croisée de deux domaines, celui des preuves d'une part, et celui des mesures d'urgence d'autre part. La logique serait donc que sa mise en œuvre procède des principes qui gouvernent ces deux domaines21. Les dispositions de ce texte ont été largement inspirées par celles de l’article 145 du NCPC22 français. On pourrait donc imaginer que ses développements étant inexistant en droit des sociétés OHADA, il n’y aurait aucune impossibilité qu’un raisonnement prenne appui sur l’état du droit positif français actuel. Or, tout l'effort de la jurisprudence française a été de libérer l’expertise « à futur » de l'emprise des référés et règles concernant les mesures d'instruction pour lui donner une originalité23. C'est d’ailleurs, cette originalité qui lui vaudra dans le cadre de son application en droit OHADA, sa souplesse et sa sécurité. La mise en œuvre de l’expertise « à futur » qui découle de l’article 167 du CPCCS malien serait donc totalement indifférente des notions d'urgence24 et de contestation sérieuse25. L'originalité de cette procédure résiderait également dans le fait que le droit d'agir en justice est accordé avant tout procès. Dans cette procédure, l'intérêt à agir n'est pas simplement un intérêt né et actuel, il peut aussi être un intérêt éventuel26.

20

Code de Procédure Civile Commerciale et Sociale du Mali (Décret N° 99-254/P-RM du 15/09/99 révisé par le Décret N° 09-220/P-RM du 11/05/2009)

21

La question peut se poser de savoir si le choix de la procédure à utiliser entre la voie sur requête et celle en référé est discrétionnaire ou alors s'il ne s'agit

que d'une possibilité donnée par le législateur malien de pouvoir utiliser le moyen procédural que l'on veut.

Il semblerait que les demandes faites sur le fondement de l'article 167 ne soient formulées par voie de requête que si les circonstances exigent que la mesure

sollicitée soit ordonnée sans qu'il y ait besoin d'appeler le défendeur. Une telle position nous paraît importante, d'autant plus que la procédure du

contradictoire a pour but de permettre au juge de mieux apprécier le caractère sérieux de la demande qui reste la seule condition réelle de la mise en œuvre

de la procédure.

22

Nouveau Code de Procédure Civile

23

Vr sur l’ensemble de la notion en droit français : M. JEANTIN « les mesures d'instruction in futurum » ; D 1980, Chr. 205 / M. PERROT ; R.T.D Civ 1976. 629 /

PERROT « La compétence du juge des référés » ; Gaz. Pal 1974, II. 895 / R. MARTIN « Le référé théâtre d'apparence » ; D 1979, doct. 156

24

Selon PERROT « l'urgence en soi a cessé désormais d'être une condition nécessaire et distincte pour la raison que dans ce cas particulier (parlant de l'article

145 du NCPC français), le juge des référés tire son investiture juridictionnelle, non plus du droit commun mais d'une attribution légale de juridiction soumise à

des conditions qui lui sont spécifiques » ; R.T.D Civ 1976. 629

25

Selon NORMAND, « il y a contestation sérieuse dès lors que l'un des moyens de défense opposés à la demande de celui qui s'appuie sur un droit n'est pas

manifestement vain dès lors, autrement dit qu'il existe une incertitude si faible soit-elle, sur le sens dans lequel trancherait le juge du fond s'il venait à être

saisi », « l'existence d'une contestation sérieuse sur la recevabilité ou le bien fondé des prétentions qui se trouvent au centre d'un procès futur ne constitue en

soi seul un obstacle à la saisie du juge des référés ; R.T.D Civ 1979. 653

26

Selon J-Cl. PEYRE « l'intérêt éventuel consiste le plus souvent dans l'intérêt qu'à une partie pour des raisons pécuniaires, morales de gagner un futur procès ou

même parfois d'obtenir la rétractation d'une décision qui lui est défavorable » ; in « Le référé probatoire de l'article 145 du nouveau code de procédure civile » ;

J.C.P éd G, 1984, Doct. 3158

15

Le législateur malien a envisagé l'hypothèse d'un demandeur qui veut se prémunir des moyens de preuves qui pourront être déterminant avant tout procès. Il est donc simplement question d'un procès éventuel. Par conséquent, si au cours d’un procès, une mesure d'instruction est nécessaire, l'article 167 ne peut être utilisé. Dans les sociétés commerciales de l’OHADA, les dirigeants sont responsables civilement des infractions aux dispositions de la loi, aux violations des statuts ou encore des fautes commises dans la gestion. Ces dirigeants peuvent également voir leur responsabilité engagée pénalement pour des infractions telles que l'escroquerie, l'abus de confiance, l'abus de biens sociaux, la diffamation, le faux et usage de faux, l’organisation d'insolvabilité de l'entreprise, l’abus de pouvoir, l’abus de voix, la faute de gestion, pour ne citer que celles là. La relation entre la mise en cause de cette responsabilité27 et une expertise dite préventive impliquant un litige éventuel, est dans la plus part des cas facile à dégager. En effet, l'expertise de l'article 167 a pour objectif de rechercher ou d'éviter le dépérissement des preuves en vue d'un litige à venir. Dans une telle perspective, le litige en question est la mise en cause de la responsabilité des dirigeants. Aussi, dans le but de rechercher ou d'éviter le dépérissement des preuves concernant les différentes infractions citées précédemment, la victime pourrait demander le bénéfice de l’expertise à futur sur n'importe quel acte de gestion de la société susceptible de permettre la mise en cause de la responsabilité des dirigeants concernés. La justification d'un intérêt probatoire pour bénéficier de la procédure résulterait aussi bien de la lettre de l'article 167 que de sa place dans le CPCCS malien. Elle constitue une pièce importante dans le droit des preuves. Les dispositions de l'article 167 imposent que son utilisation ne soit pour autre chose que la conservation et l'établissement de preuves; ce qui exclurait d'entrée de jeu l'application de l'article 168 du CPCCS malien28. L’expertise de l’'article 167 n'a donc pas pour fonction de pallier la carence du demandeur dans l'administration des preuves. Soumettre l'article 167 à l'article 186 du CPCCS malien, serait le vider de sa substance. En effet, l'objet de l’article 167 est de préconstituer, de conserver, ou d'établir, une preuve. Le terme « établir » suppose donc que l'on soit en situation de carence probatoire, tandis que l'article 168 parle d'insuffisance d'éléments ce qui suppose l'existence d'éléments. Mais, il nous semble judicieux de rappeler qu'une expertise « à futur » ne devrait être autorisée que si la situation probatoire du demandeur est susceptible de s'améliorer par l'action sollicitée. Le juge devra avant de statuer, considérer la vraisemblance des faits qui sont recherchés comme preuve et évaluer les chances de leur impact sur la solution du litige. L’exigence d’un motif légitime qui ressort de l’article 167 implique un motif éventuel et essentiellement probatoire, dont la recherche des faits doit être utile et pertinente. Ce qui laisse au juge du fond une libre appréciation. L’expertise « à futur » ou dite préventive serait d’une mise en œuvre assez aisée en droit des sociétés et la seule condition de la justification par le demandeur de l’existence d’un motif légitime qui finalement, ne sera rien d’autre qu’un intérêt purement probatoire, trouverait sa place dans le mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux qui, dans le cadre d’une expertise de gestion sur la base de l’article 159 de l’AUSC, est l’une des finalités recherchées par le demandeur29. C’est dans cette optique que le droit des sociétés OHADA, devrait se servir de cette procédure expertale pour pallier les insuffisances de l’expertise de gestion30.

27

Vr notre article, « Brèves observations sur le risque juridique du mandataire social dans l’OHADA » ; Revue Juridique Tchadienne n° 12

28

« Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui allègue ce fait ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun

cas, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve »

29

Vr en droit français : Loïc CADIET « Brèves observation sur l'expertise préventive en droit des sociétés » ; Mél. JEANTIN 1999. 151 / J-Cl. PEYRE « Le référé

probatoire de l'article 145 du nouveau code de procédure civile » ; J.C.P éd G, 1984, Doct. 3158 / J-P. ROUSSE « La contestation sérieuse, obstacle à la

compétence du juge des référés, la contestation sérieuse, condition de la compétence du juge des référés » ; Gaz. Pal 1974, II D. 837

30

S. MICHELIN-FINIELZ « L’expertise de l’article L 226 et l’expertise préventive dans la société anonyme »

16

Cependant, une grande inquiétude règne pour ce qui est de l'utilisation par le droit des sociétés de ce mécanisme, surtout lorsque l'on sait d'une part que cette action relève du droit commun et d'autre part que le droit des sociétés dispose d'un moyen d’information propre sur la gestion sociale qui est l'expertise de gestion. 2- La confrontation entre l’article 159 de l’AUSC de l’article 167 du CPCCS malien ou la concurrence indélicate de l’article 167 Les associés qui sollicitent une expertise de gestion, pourront obtenir par une autre voie ce qu’ils ne peuvent obtenir par la voie normale31. A défaut d’obtenir une expertise de gestion, pourquoi ne pas solliciter une expertise dite préventive ? L’utilisation simultanée de ces deux techniques en droit des sociétés sera sans doute à l’origine d’une confusion autour de l’institution32. S’il est évident qu’en théorie l’expertise de gestion telle qu’elle est prévue par l’OHADA et l’expertise dite préventive telle qu’elle est pratiquée dans les différents Etats membres, procèdent toutes deux d’esprits différents, la première ayant pour vocation la défense de l’intérêt de l’entreprise et la seconde correspondant à une technique procédurale au service de la preuve, dans la pratique, ces certitudes risqueront de se diluer peu à peu au point de s’estomper33. D’où la confusion consacré encore récemment par la jurisprudence française, qui a vu pendant longtemps dans l’expertise de gestion une application de l’expertise préventive en droit des sociétés. D'ailleurs, en droit français, on retrouve cette confusion chez certains praticiens. Pour certains experts judiciaires par exemple, la preuve de l'élément intentionnel dans l'abus de majorité, qui incombe au demandeur minoritaire, peut se faire grâce à l'expertise de gestion34. On ne devrait donc pas s’étonner de voir dans l’espace OHADA, des demandeurs omettre de préciser sur quel fondement ils entendent introduire leur action. Néanmoins, on peut déjà se réjouir de ce que, la jurisprudence française semble de plus en plus rejeter cette confusion au profit de l’expertise de gestion35. La Cour d’Appel de Paris souligne d’ailleurs « qu’il importe peu qu’en sa qualité d’actionnaire, le demandeur dispose du droit d’engager la procédure prévue par l’article L 225-231 du nouveau code de commerce (« expertise de minorité »), et que ce droit ne saurait le priver de la faculté de demander des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du NCPC (« expertise judiciaire »)36. Les Juges africains devront donc insister sur le caractère probatoire pour admettre une procédure sur la base de l’expertise dite préventive. L'expert en gestion contribue par ses investigations à une élaboration plus consciente de la volonté sociale, il est donc rattaché institutionnellement au fonctionnement de la société, même si l'expertise qu'il mène apparaît à certains égards, exceptionnelle ou dérogatoire, par rapport aux mécanismes classiques d'information et de contrôle. L'expertise préventive sur la gestion a, quant à elle pour objet, d'être le prélude à une action en responsabilité contre les mandataires sociaux ou en annulation de délibération d'une assemblée générale.

31

Vr : M. JEANTIN note sous C.A Paris, 28 nov 1990 ; Bull Joly 1991. 182

32

G. CHABOT « Remarques sur la finalité probatoire de l'article 145 du N.C.P.C » ; D 2000 Chr. 256 33

Vr J. MOURY « Expertise de gestion, la concurrence indélicate de l'article 145 du nouveau code de procédure civile »; Mél JEANTIN 1999. 297 / Sur la

possibilité de glissement d’une procédure vers l’autre, en jouant sur le recueillement des informations, Cass. Com, 7 déc 1987; Rev. Soc 1988. 519

34

Vr « L'expertise judiciaire en matière d'abus de majorité » Rapports présentés au XVII congrès national de la compagnie nationale des experts judiciaires en

comptabilité ; Rev. Soc 1988. 711

35

Vr par exemple l’affaire Vivendi Universal du 27 juin 2002 qui est assez révélatrice : T. Com Paris, réf 27 juin 2002; Bull. Joly. Soc Août- sept 2002, n° 8 et 9.

942

36

Arrêt N° 635, Cour d’Appel de Paris, 14ème Chambre, Section B, 25 octobre 2002

17

La juxtaposition des deux procédures représente assez le danger de contournement de l'expertise de gestion par l’expertise dite préventive et la sollicitation systématique de la première par les demandeurs, en méconnaissance des objectifs précis de la seconde. Ce pendant, si dans le cadre du droit des sociétés, l’expertise de gestion doit prendre le pas sur l’expertise dite préventive, cette seconde procédure devrait toujours rester d’utilisation possible s’agissant de préconstituer des preuves pour un litige à venir et, ce serait à cette seule condition que cette dernière conservera droit de cité en matière de société. Elle ne devrait pas davantage que l’expertise de gestion, devenir un moyen de remise en cause d’une gestion qui n’est que le reflet du jeu normal de la règle majoritaire dans les sociétés. Appliquer au droit des sociétés, la voie de l'expertise préventive ne saurait s'élargir sans que l’on ne prenne le risque de vider de tout son sens le dispositif propre prévu en la matière par le législateur de l’OHADA avec l’expertise de gestion. Il pourrait ne pas être de bon sens que, le juge africain usant des pouvoirs qu’il tient d’une loi de procédure, puisse concéder aux demandeurs une expertise qui lui serait probablement refusée dans le cadre du texte qui la régit. De toutes les façons, à s’en tenir à l’état actuel du droit positif dans l’espace OHADA, l’expertise préventive complète l’expertise de gestion en ce qu’elle contribue au contrôle de la gestion sociale, même si les tribunaux africains doivent encore rechercher un véritable point de départ entre les domaines d’application respectif de ces deux actions37. Il semble donc qu’il faille d’un côté, garantir l’information économique, financière et de l’autre, renforcer le contrôle de la gestion sociale. La confrontation entre les deux institutions expertales participera à n’en pas douter au renforcement de la transparence sociale dans l’espace communautaire. Plus qu’un simple rôle de garant de la transparence dans les affaires sociales, l’expertise participerait à l’évaluation de l’entreprise en termes de valeur et de risque.

II- L’EVALUATION DE L’ENTREPRISE Le rôle joué par l’expertise dans l’évaluation des entreprises réside surtout dans sa capacité à être une véritable source d’information sur la valeur des droits sociaux (A), mais va bien au-delà lorsqu’elle contribue au diagnostic du potentiel social (B). Il ne s’agit donc pas dans cette réflexion de revenir sur la problématique de l’évaluation des entreprises au sens large du terme, la bibliographie sur la question, même en se limitant aux ouvrages récents étant fort copieuse et de grande qualité38. A- UNE SOURCE D’INFORMATION SUR LE PRIX DE CESSION DE L’ENTREPRISE: De l’utilité de l’expertise de cession de droits sociaux Depuis quelques années, le nombre de cessions d’entreprises augmente de manière considérable dans l’espace OHADA et il est prévu qu’il continuera à augmenter dans les années à venir. En effet, la majorité des entreprises du continent ont été créées dans les années soixante et leurs dirigeants sont aujourd’hui âgés et doivent organiser leur succession qui pourrait passer par la cession des droits sociaux qu’ils détiennent sur leur société. Or, chaque fois qu’il s’agit de cession de droits sociaux, l’un des éléments qui présente un intérêt majeur, c’est le prix, qui conditionne la réussite ou l’échec de la transaction.

37

A. COURET « Expertise de gestion ou mesure d’instruction in futurum… ou comment faire le départ entre les deux procédures » note sous C. A Paris 25 oct

2002 ; Bull. Joly 2003. 217

38

Vr sur l’ensemble de la problématique : J. VALLANSAN « La cession d’entreprise » ; Th. Caen, 1986 / Comptables agrées du Québec « Réflexions sur la santé

des entreprises » Evaluation d’entreprises, redressement, insolvabilité ; Bilan de la revue des C.A du Québec, vol 13, n° 5 sept 1996 ; http// :www.lexinter.net /

M-C. LEPROUST-LARCHER « L’expertise en évaluation d’entreprise » in M-A. FRISON-ROCHE et D. MAZEAUD ; L’expertise, D 1995. 46 / J. BACUS « L’évaluation

des titres des entreprises en cas de restructuration » ; Th. Paris II, 1999 / J.P. DECORPS et M. GIRAY « La transmission des entreprises » ; Petites affiches 1990.

n° 56 / J. PAILLUSSEAU, J-J. CAUSSAIN, H. LARZARSKI, P. PEYRAMANE « La cession d’entreprise » ; 3e éd. Dalloz / B. CENDRIER « Cession et transmission

d’entreprise » ; éd Nathan

18

Il est un principe en droit des sociétés selon lequel l’associé ne doit pas rester prisonnier de ses droits sociaux. Nul ne peut rester en société ad vitam aeternam. Généralement, c’est la difficulté à déterminer le prix de cession qui fait généralement échec à ce principe39, tant ses éléments constitutifs sont si complexes et variables qu’il n’est guère possible d’en établir avec exactitude une synthèse40. L’estimation du prix d’un titre social suppose une parfaite connaissance du titre et du marché. Le prix « n’est pas la somme la plus élevée qu’il soit possible de retirer d’un bien ; (…), c’est le prix de vente qui serait pratiqué si les deux contractants étaient parfaitement au courant de la situation du marché ; c’est la valeur idéale à laquelle parfois ne correspond pas la réalité »41. On devrait donc nécessairement prendre en compte pour son estimation des éléments financiers, comptables, économiques, sociaux et même environnementaux. Il n’est pas alors étonnant que la fixation du prix par les parties aboutisse très souvent à des divergences dans la mesure où chacune d’elle, juge d’après ses renseignements et ses conceptions personnelles. Dans cette logique, la différence d’appréciation peut alors varier du simple au double42. Pour faire face à cette difficulté et dans une perspective de protection des intérêts des acteurs à la vente afin d’éviter les risques d’indétermination du prix de cession que de plus en plus ni les clauses de révision de prix, ni celles de garantie de passif ne permettent d’éviter, le législateur de l’O.H.A.D.A a prévu à l’article 59 de l’A.U.S.C, une procédure adaptée à l’évolution de la vie commerciale et des activités économiques, permettant à un tiers de chiffrer le prix des titres sociaux43. Cette procédure instituée par l’OHADA permet de déterminer sous le contrôle efficace des acteurs à la transaction le montant exact de leurs droits. Il s’agit alors pour ces acteurs d’exclure le danger d’une estimation subjective en laissant à un tiers la délicate mission de chiffrer le prix idéal : question essentiellement pratique dont la solution demande autant de science que d’expérience et qui incombe aux sociétés fiduciaires, notaires et banquiers réputés pour leur maîtrise de la comptabilité et leur expérience des affaires44. Pour mieux comprendre la procédure instituée par l’article 59, il convient de s’interroger d’une part, sur la nature juridique de la mission que le législateur confie au tiers chargé de l’évaluation qui passe par un examen des circonstances et modalités de sa désignation et d’autre part, sur les enjeux d’une protection des acteurs à la cession par l’expertise. Aux termes de l’article 59, « dans tout les cas où est prévue la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, à défaut d’accord amiable entre les parties, par expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par décision de la juridiction compétente statuant à bref délai ». La mission confiée au « tiers » par le législateur de l’OHADA ne saurait s’analyser ni en une opération d’arbitrage45 encore moins, en une opération d’expertise46 au sens juridique du terme.

39

B. WERTENSCHLAG « Prix déterminable et cession de droits sociaux » ; J.C.P éd E I, 1991, n° 99 / P. MOUSSERON « Les conventions de garantie de passif dans

les cessions de droits sociaux » ; Nouvelles Editions Fiduciaires, 1992. 136 / J. POUSTIS et J-L. MONNOT « La garantie dans les cessions de droits sociaux » ; J.C.P

éd E 1989, II, n° 15479 / T. HERVIEU « Les clauses de garantie dans les cessions d’actions ou parts sociales » ; Quot. Jur 20 mars 1984. 4

40

J. PAILLUSSEAU « Les droit du cédant d’actions garant de la situation financière de la société cédée » ; Banque et droit 1994, n° 37 41

JOUET « Principes économiques applicables à la détermination des valeurs vénales » ; Th Paris 1936 / Vr « L’expert comptable judiciaire et l’évaluation

d’entreprises » ; Gaz. Pal 1er

– 3 oct 1995. 3

42

A. COURET, L. CESBRON, B. PROVOST, P. ROSENPICK, J-C. SAUZEY « Les contestations portant sur la valeur des droits sociaux » ; Bull. Joly nov 2001. 1045, n°

11

43

Bien qu’aucune disposition dans l’A.U.S.C n’y fasse expressément allusion, l’évaluation conventionnelle reste sans conteste le mode normal d’évaluation.

C’est dire que, à défaut de texte contraire, les acteurs à la cession peuvent y procéder de façon amiable ou par les statuts.

44

Vr sur la question, notre article « Expertise et prix de titres sociaux dans l’OHADA : étude de l’article 59 de l’AUSCGIE » ; www.ohada.com doctrine

ohadata/D-05-58 / J-H MOITRY « Expertise et clause compromissoire » ; Bull. Joly 1991. 617

45

Parce que l’arbitrage a une fonction juridictionnelle et que la décision qui en découle s’impose aux parties, a la nature d’un jugement et doit alors être

motivée / Vr sur cette confusion JARROSSON « La notion d’arbitrage » ; LGDJ, n° 315 et s / MOTULSKY « La nature juridique de l'arbitrage prévu pour la fixation

des prix de vente ou de loyer »; Ecrits, II. Etudes et notes sur l’arbitrage, P. 26, n° IX

46

Parce que les conclusions de l’expert ne sont qu’un avis ne liant ni les parties, ni le juge et qu’il s’agit d’une décision nécessairement ordonnée par le juge.

19

Le caractère contractuel de la procédure instituée par l’article 59 et l’opération de représentation qui en découle, laisse penser que le tiers serait un mandataire, sauf à souligner que si sa mission découle du mandat, la phase d’exécution portant sur l’évaluation requiert des compétences particulières et pourrait ainsi relever du contrat d’entreprise47. Aussi, il n’est pas déraisonnable qu’il faille plutôt parler de « tiers estimateur » et non d’expert, cette première notion rendant mieux compte de la réalité de l’opération48. C’est donc cette mission dévolue au tiers estimateur qui provoquerait la protection des intérêts des acteurs à l’opération de cession, dans la mesure où elle permet l’obtention d’informations utiles sur l’objet de la cession. Mais quels en sont les enjeux ?49 Il s’agirait tout d’abord d’éviter les risques d’indétermination du prix de cession que, parfois, même les cessions avec clauses de prix déterminable50 ou encore celles avec clauses de garantie de passif51 ne peuvent couvrir. Il s’agirait ensuite des effets de la détermination du prix de cession par le tiers estimateur, la question étant alors de savoir si le prix fixé par ce tiers s’impose aux parties52. S’il est clairement établi que la décision du tiers estimateur a en principe une force obligatoire, la jurisprudence française a néanmoins tenté de limiter cet effet, afin que l’expertise n’aille pas à l’encontre des intérêts qu’elle doit protéger53. Parmi ces limites, on cite généralement « l’erreur grossière » dont la jurisprudence française a sensiblement élargie durant ces dernières années le contenu y incluant par exemple le non-respect par le tiers des précisions données par les parties sur la mission d’évaluation54. Le pouvoir considérable laissé à l’expert susciterait alors une inquiétude et on pourrait aisément imaginer que les acteurs à la cession aient la volonté de le limiter en précisant les méthodes d’évaluation à suivre55. Dès que les acteurs à la cession sont en possession du rapport d’expertise, nul ne peut contester la valeur donnée aux droits sociaux. Le cédant ne peut soutenir qu’il a vendu trop bon marché et le cessionnaire qu’il a acheté trop cher. Tout au plus, on pourrait faire valoir les causes de nullité généralement admises pour les contrats. L’estimation ne peut être remise en cause que s’il est démontré que l’homme de l’art s’est trompé grossièrement ou a outrepassé son mandat. Tout ce qui pose le problème de la responsabilité de l’expert56 en matière d’évaluation de droits sociaux. Si on le considère comme mandataire des parties, il n’est dans ce cas tenu que d’une responsabilité contractuelle. Les conditions de sa responsabilité n’appelant pas d’observations particulières, on peut juste préciser que sa mise en œuvre n’est pas toujours aisée et qu’elle suppose une faute, un préjudice et un lien de causalité57.

47

Vr J. MOURY « Des ventes et des cessions de droits sociaux à dire de tiers (études des articles 1592 et 1843-4 du code civil) »; Rev. Soc 1997. 466, n° 15 -

Comme le soutient le professeur J. MOURY, « la convention qui lie le tiers aux parties apparaît ainsi comme un contrat complexe, mandat mâtiné d’entreprise,

appelant une qualification distributive ». Selon l’auteur, si l'effet obligatoire de la décision du tiers dans les rapports des parties l'une à l'égard de l'autre

découle du mandat, il semblerait que la phase d'exécution en elle-même portant sur l'évaluation, relève quant à elle du contrat d'entreprise et doit se voir

appliquer, s'agissant des rapports entre les ou l'une des parties et le tiers, certaines règles gouvernant le contrat d'entreprise.

48

Serge MARECHAL « Le prix de vente laissé à l'arbitrage d'un tiers »; Th. Lille 1970. 35

49

Vr LACOMBE, note sous C.A 26 oct 1971 ; D. 1973. 145 / A. VIANDIER et J. RICHARD « La mission de l’expert désigné en application des art. 1843-4 et 1862 du

C. Civ » ; Dr. Soc 1981. 289 / Y. GUYON, Droit des affaires, t I, 7e éd. 748

50

S’agissant surtout de la soustraction des éléments de référence de la détermination du prix à la volonté des parties et du choix par eux de la méthode

d’évaluation à utiliser.

51

S’agissant des cessions avec clauses de garantie de passif stricto sensu ou encore des cessions avec clauses de révision de prix.

52

H. LE NABASQUE « La force obligatoire du rapport d’expertise dans la procédure d’agrément » ; note sous Cass. Com, 13 oct 1992 ; Dr. Soc, déc 1992. 2

53

Vr en droit français pour des applications d’erreur sur la substance des parts sociales ou actions cédées, Cass. Com 7 févr 1995 ; D 1996. 50, note BLASSELLE

/ Cass. Com 17 oct 1995 ; D 1996. 167, note PAILLUSSEAU 54

Cass. Com 4 nov 1987 ; J.C.P 1988, II. 21050 / Vr pour des applications d’erreur sur la substance des parts sociales ou actions cédées, Cass. Com 7 fév 1995 ;

D 1996. 50, note BLASSELLE / Cass. Com 17 oct 1995; D 1996. 167, note PAILLUSSEAU 55

H. Le NABASQUE « tiers arbitre, tiers expert, responsabilité », note sous Cass. Com 4 fév 2004 ; Bull. Joly 2004. 814

56

Vr sur la notion V. LARRIBEAU-TERNEYRE « La responsabilité de l’expert judiciaire : à l’ombre du droit commun de la responsabilité… » ; Petites Affiches, 2 déc

1998, n° 144. 7

57

Vr sur la responsabilité de l’expert de cession de droits sociaux, S. MARECHAL « Le prix de vente laissé à l’arbitrage d’un tiers » ; Th préc. 210

20

Cependant, notre crainte réside dans le risque que le tiers estimateur institué par l’OHADA, ne devienne d’ici quelques années, qu’un simple calculateur. D’ailleurs, dans un récent arrêt rendu en date du 5 mai 2009, la Chambre commerciale de la Cour de cassation française s’est prononcée sur la question de la liberté de l’expert quant à la détermination des critères permettant d’évaluer les droits sociaux à céder. La haute juridiction a estimé que, « dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés ; que seul l'expert détermine les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, (…) »58. Pour que l’expertise instituée par l’article 59 de l’AUSC soit efficace et permette d’atteindre les objectifs fixés par le législateur de l’OHADA, la mission de l’expert doit répondre aux conditions de liberté dans le choix des méthodes de calcul et des techniques d’évaluation. L’efficacité de son travail exige qu’il ait la liberté dans le choix des moyens et actions nécessaires à la détermination exacte de la valeur des titres sociaux. B- UN MOYEN D’APPRECIATION DE LA SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE DE L’ENTREPRISE : De l’importance de l’expertise en diagnostic d’entreprise dans le traitement des défaillances des sociétés La crise financière internationale n’épargne pas les entreprises africaines. Or, celles-ci traversaient déjà une situation économique, financière et sociale peu rayonnante qui s’est traduite par des dépôts de bilan en cascade. C’est à ce niveau qu’il faut situer le rôle joué par l’expertise dans le redressement des entreprises en difficulté. Le diagnostic dans les entreprises en difficulté est aujourd’hui une nécessité dans la mesure où il permet d’apprécier la situation de l’entreprise et d’évaluer ses perspectives de redressement59. Le législateur de l’OHADA a d’ailleurs pris conscience de cette nécessité et a mis en place à cet effet, un expert en diagnostic chargé d’établir un rapport sur la situation économique et financière de l’entreprise comme le prévoit les dispositions de l’article 8 de l’AUPCAP60. En réalité, le rapport que l’expert en diagnostic transmet au Président de la juridiction compétente, permet d’avoir une vision d’ensemble sur l’état de l’entreprise afin de déterminer les perspectives de redressement de l’entreprise compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes autres mesures contenues dans les propositions de concordat. Il s’agirait donc d’une procédure expertale qui prend place au cœur du règlement préventif, l’expert devant apprécier la situation du débiteur, entendre les créanciers et leur prêter ses bons offices pour parvenir à la conclusion d’un accord sur les modalités de redressement de l’entreprise et l’apurement du passif. A ce titre, cet homme de l’art, afin de bien assumer sa mission, aurait droit à une information la plus large possible qu’il peut obtenir, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire. Si on peut déplorer le fait que l’Acte Uniforme soit peu explicite sur les contours de la mission de l’expert en diagnostic, qui n’est en réalité pas très juridique, il est certain que celle-ci portera sur l’analyse critique des éléments de l’offre de concordat61. Rien n’empêcherait alors de faire le rapprochement entre ce technicien soumis aux dispositions des articles 41 et 47 de l’AUPCAP et le conciliateur prévu à l’article 35 de la loi française du 1er mars 1984 relative au règlement amiable62.

58

Vr Cass com., 5 mai 2009, n° 08-17465

59

Vr sur l’ensemble de la question : A. SILLERO « Diagnostic global d’entreprise » ; éd ESKA 2002. 13

60

Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif

61

Vr sur l’ensemble de la question : TPI Libreville, jug. Répertoire n° 02/2004/2005 du 17 janv 2005 / Trib de Com de Bamako, jug n° 113 du 2 mars 2005 / TGI

de Ouagadougou, jug n° 20 du 29 janv 2003

62

Vr art L 611-3 du Code de commerce français

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Cette dernière procédure doit surtout se concevoir comme un outil indispensable au traitement des difficultés, ayant un rôle purement thérapeutique et débouchant sur la mise en place d’un concordat après l’apparition des difficultés. On ne peut que regretter le fait que les rédacteurs de l’Acte Uniforme n’aient pas profité de cette occasion pour mener une réflexion d’ensemble visant à promouvoir cette dernière technique expertale qui est l’une des rares qui soit exclusivement orientée vers l’entreprise et son devenir et non vers la procédure. Le professeur A. SUPIOT faisait déjà remarquer que, « la floraison des experts appelés, en dehors de tout procès à intervenir dans l’entreprise », est « l’un des phénomènes juridiques les plus remarquables de ces dernières années »63. L’auscultation possible de l’entreprise même en l’absence de tout procès, alors réservée aux seuls actionnaires, n’a cessé de trouver un champ d’application de plus en plus large, ouvert à de nombreux partenaires de la vie économique. L’expertise en diagnostic est alors la première procédure exclusivement orientée vers l’entreprise et son devenir, et non plus vers la solution de litiges ponctuels et passés. C’est un nouvel état d’esprit partagé par la justice que pratiqueront désormais les acteurs de la vie économique en zone OHADA. En définitive, On peut faire le constat selon lequel, l’entreprise est marquée de plus en plus par une plus ample diffusion du pouvoir et des responsabilités qui a changé son organisation générale. On assiste désormais à une décentralisation de la gestion sociale qui s’accompagne d’un accroissement sensible des contrôleurs de gestion, des audits internes et externes, qui ont entraîné une décentralisation du dialogue social. C’est tout le système par lequel les entreprises sont dirigées et contrôlées qui a été remanié par l’OHADA. L’expertise qui, a pour instrument l’information économique, apparaît incontestablement comme une source de transparence sociale. C’est cette information économique qui traduit la gestion sociale et au-delà provoque son contrôle, la notion de « contrôle » devant être entendu ici comme recouvrant l’idée de « surveillance ». Cependant, si l’institution permet aux acteurs sociaux de percer les mystères de la gestion sociale à travers les informations qu’elle diffuse, il ne faudrait pas en revanche qu’elle devienne un obstacle à la gestion. On peut craindre que s’instaure, comme « une peur du gendarme », la peur de l’institution qui, rendrait alors les dirigeants sociaux frileux dans leur décision. De toutes les façons, le juge devrait juguler les demandes d’expertise afin de prévenir tout abus qui, nuirait au bon fonctionnement de l’entreprise. Par conséquent, il devra avant d’ordonner une telle mesure, faire une appréciation approfondie de la demande à lui faite, car il reste le seul rempart face à une utilisation abusive des techniques expertales en droit des sociétés. Le fait pour des actionnaires de solliciter une expertise de gestion peut les exposer même si ce n’est que de façon exceptionnelle, à la mise en œuvre de leur responsabilité civile pour abus de droit, lorsque leur demande repose sur de simples allégations dépourvues de fondement et procèdent d’une volonté de remettre en cause des actes de gestion régulièrement adoptés par une majorité d’associés64. Il faut donc d’un côté garantir l’information économique par l’expertise de gestion et renforcer le contrôle de la gestion sociale par l’expertise préventive, et de l’autre éviter que des demandes abusives ne paralysent la vie sociale. Par ailleurs, le recours au tiers estimateur devient une pratique impérieuse. Son développement est dû essentiellement à la complexité actuelle des relations d’ordre économique et juridique entre les protagonistes sociaux, d’où il résulterait l’impossibilité pour les parties d’avoir connaissances de pure technique indispensable pour apprécier les situations dans lesquelles elles se trouvent. Le législateur ou le juge ne peut donner que des directives très générales en la matière. Comme le relève le professeur A. VIANDIER, « le rôle des magistrats n’est pas d’évaluer, auraient-ils reçu la formation appropriée »65.

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A. SUPIOT « Le progrès de lumières dans l’entreprise. A propos d’une floraison d’experts » ; Mél G. Lyon-Caen, Dalloz 1989. 463 64

Vr à ce propos, Vr : C. A Lyon 27 nov 1992 ; R.T.D Com 1993. 112, Obs Y. REINHARD

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A. VIANDIER, note sous C. A Paris, 19 déc 2000 ; J.C.P éd. E 2001. 417

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C’est sans doute ce qui a amené le législateur de l’OHADA à élargir considérablement le domaine d’application de l’article 59 de l’AUSC, l’adaptant à l’évolution de la vie commerciale et des activités économiques. Notre souhait est de voir se multiplier dans l’espace OHADA, les procédures expertales, dont le rôle en droit des sociétés permet aujourd’hui de reconsidérer le visage qui est donné à l’entreprise. En revanche, dans le but de protéger la partie la plus faible, c’est-à-dire celle en situation d’infériorité, le domaine du contrat se rétrécit chaque jour davantage au profit d’une certaine justice contractuelle et le principe de l’autonomie de la volonté dont l’intangibilité conférait encore il y a quelques années la valeur d’un dogme, bien que toujours respecté, tend de plus en plus à être relégué au rang des théories. Reste alors à s’interroger sur le fait de savoir si l’institution qu’est l’expertise ne fait pas aujourd’hui évoluer la notion d’associé en droit des société OHADA.

LES EXIGENCES DE FONDS D’UNE CREANCE LITIGIEUSE FAISANT L’OBJET D’UNE PROCEDURE D’INJONCTION DE PAYER

Note sous Arrêt CCJA 29 juin 2009 – 1re Chambre civile C.D c/ Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM

Bakary DIALLO

Docteur en droit privé Juriste Collaborateur Externe

Jurifis Consult ATER à l’Université Paris I Sorbonne

À première lecture, l’arrêt de la 1ère chambre civile de la CCJA du 29 juin 2006, ci- dessus reproduit, ne pouvait souffrir de contestations sérieuses, la juridiction supranationale ayant déjà rappelé à plusieurs reprises les exigences de fonds d’une créance litigieuse faisant l’objet d’une procédure d’injonction de payer66. Mais voilà, sous ses dehors d’un classicisme éprouvé, cet arrêt de rejet enferme de nombreuses ambigüités et provoque chez le commentateur quelques doutes. Le juge supranational statue sur l’effet qu’il faut accorder à une ordonnance d’injonction de payer qui avait fait l’objet d’une opposition tardive et qui était consécutive à une transaction intervenue à la suite d’un accident de voiture. L’espèce, semble-t-il, pose des difficultés sérieuses et récurrentes dans de nombreux litiges relatifs au contentieux des assurances règlementé par le code CIMA67. Un jeune garçon avait été victime d'un grave accident de la circulation, à la suite duquel il fut amputé d’un membre inférieur. En 1999, Monsieur C.D agissant au nom de son fils avait conclu une transaction avec la compagnie d’assurance SIDAM qui assurait le véhicule mis en cause, transaction qui avait abouti au paiement d’une somme de 6.127.844 francs CFA au titre de l’indemnité de réparation définitive. Estimant que l’indemnisation convenue n’était que partielle , notamment parce que : « les indemnités relatives au corporel, celles des prothèses étaient toujours en souffrance », Monsieur C.D avait réclamé vainement à la compagnie d’ assurance le paiement de la somme de 8.507.500 francs CFA, représentant selon lui , le montant des prothèses prescrits par les experts, et avait fini pour obtenir cette somme par saisir le Président du Tribunal de première instance d’ Abidjan de deux procédures successives d’ injonction de payer. La première initiée le 22 juin 2000 avait fait l’objet d’opposition de la part de la SIDAM et fut, en conséquence, rétractée le 05 février 2001. La seconde procédure d’injonction de payer quant à elle formée le 26 avril 2001 avait manifestement échappé à la vigilance de la compagnie d’ assurance puisque celle ci fut déclarée forclose et condamnée au paiement de la somme de 8.507.500 francs CFA pour avoir formé une opposition tardive ( 06 juin 2001) . Résistant à l’application de ce jugement du 28 novembre 2001 qui constatait sa forclusion et le condamnait, la SIDAM avait relevé appel. Avec satisfaction puisque la cour d’appel d’Abidjan infirma le jugement et statuant à nouveau annula l’ordonnance d’injonction de payer.

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Voy notre chronique jurisprudence OHADA n° 851,2005

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En témoignent les nombreux arrêts de rejet rendu par la CCJA et les juridictions nationales sur les demandes d’injonction de payer pour le recouvrement

d’indemnité d’assurance.

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Privé du bénéfice de l’ordonnance d’injonction de payer, Monsieur C.D se pourvoit irrégulièrement en cassation devant la Cour suprême de Côte d’Ivoire qui conformément à l’ article 15 du traité de l’ O.H.A.D.A s’est naturellement dessaisie au profit de la juridiction supranationale. Tels étaient, pour l’essentiel, les circonstances et les termes du litige soumis en l’espèce à la censure de la 1ère chambre civile de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage. L’auteur du pourvoi reprochait spécialement à la cour d’appel d’avoir infirmé le jugement constatant la forclusion au seul motif que la créance poursuivie n’était pas contractuelle au sens de l’article 1er de l’Acte uniforme, et considérait plutôt celle ci comme née d’un quasi- délit. Or pour les défenseurs de la victime le problème ne consistait plus à ce stade de la procédure en la recherche de l’origine contractuelle ou non de la créance. Il s’agissait tout simplement pour le pourvoi de donner plein et entier effets à l’ordonnance d’injonction de payer qui n’avait pas fait l’objet d’opposition. Même imparfaitement formulée la question juridique ne manquait pas de pertinence : un débiteur forclos de son droit d’opposition peut –il contester devant une cour d’appel le bien fondé de l’ordonnance d’injonction de payer ? Pour rejeter le pourvoi, les hauts magistrats se sont contentés de trancher l’espèce en rappelant que l’ordonnance d’injonction de payer ne pouvait prospérer qu’autant que la créance litigieuse remplissait les conditions requises par l’article 2 de l’AUPSRVE. Selon eux , en l’ occurrence, la créance n’était pas d’ origine contractuelle et ne résultait pas de l’ engagement , de l’ émission ou de l’ acceptation d’ un effet de commerce , ou d’ un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. L’économie immédiate de ce dispositif ne laisse pas place au doute : la créance dont le recouvrement est poursuivi résultant d’un accident de la circulation est un quasi- délit donc régi par les dispositions du code CIMA. Seulement, ce faisant, la juridiction supranationale ne répond pas directement à la problématique du pourvoi : un débiteur forclos de son droit d’opposition peut –il contester devant une cour d’appel le bien fondé de l’ordonnance d’injonction de payer ? La question n’est pas sans intérêt quand on sait, comme le relève l’auteur du pourvoi, que « l’irrégularité de l’opposition entraine la déchéance ... » Cet arrêt objet de nos commentaires parait éminemment critiquable, il méconnait l’esprit de la procédure d’injonction de payer qui veut que le Président puisse rendre l’ordonnance dès que la créance lui parait fondée en son principe ; il appartiendra ensuite au débiteur, qui veut élever une contestation, de former une opposition qui restituera un caractère contradictoire à la procédure conduite jusque là de manière unilatérale par le créancier. Dès lors c’est une autre instance qui est ouverte sur l’opposition et le tribunal est saisi de l’entier litige. En l’absence d’opposition ou d’opposition tardive, l’ordonnance d’injonction de payer produit tous les effets d’une décision contradictoire et n’est pas susceptible d’appel (article 16 de l’AUPSRVE). Mais fondamentalement, c’est la motivation même de l’arrêt qui nous semble vulnérable. En effet, compte tenu des circonstances et des faits de l’espèce la qualification de la créance litigieuse peut prêter à discussions (première partie), le doute est également permis sur l’efficacité même qu’il convient de donner à l’ordonnance d’injonction de payer (deuxième partie).

I- Le caractère contractuel de la créance litigieuse Pour rejeter le pourvoi, la CCJA avait qualifié la créance de délictuelle. Pourtant à l’analyse de l’ arrêt ce constat est loin d’ être évident : la créance de la victime résultait d’ une transaction qui est un contrat ( A) , c’est de la contestation de cette transaction qu’ est née la demande d’ injonction de payer (B)

A- La nature contractuelle de la transaction Il faut dire que le traitement des dossiers d’accidents de la circulation automobile, jadis basé sur les règles de réparation du droit commun édictées par le code civil, se trouve aujourd’hui bouleversé par le code CIMA à travers l’obligation qui est faite aux parties de se soumettre à une tentative de transaction avant toute action judiciaire. En effet, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter une offre d’indemnité.

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Cette obligation de transiger résulte des dispositions de l’ article 231 du code CIMA: « indépendamment de la réclamation que peut faire la victime , l’ assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’ un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter , dans un délai maximum de douze mois à compter de l’ accident une offre d’ indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ….. ». Ce recours obligatoire à la transaction a pour objectif d’amener les parties à rechercher un terrain d’entente afin de parvenir le plus rapidement possible à un règlement amiable et d’éviter autant que possible le contentieux judiciaire. Mais bien plus, le curseur a été déplacé, du dommage subi par l’assuré on est passé par celui subi par la victime ; du droit de l’assuré de transiger au nom de l’assuré on est passé au devoir de transiger avec la victime. Le souci du législateur CIMA est la protection de la victime qui conduit à mettre l’accent sur la créance de l’indemnisation. Or classiquement le principe en droit civil c’est que la créance d’indemnisation de la victime nait au moment de la réalisation du dommage, le jugement de condamnation du responsable est déclaratif et non constitutif. Par suite, l’orthodoxie de la théorie de la nature juridique de l’assurance de responsabilité semble bouleversée : de l’assurance d’une dette de responsabilité, elle passe à l’assurance d’une créance de réparation de la victime68 . Ce bouleversement du régime de responsabilité en matière d’assurance n’a qu’un seul but améliorer la situation des victimes d’accidents de la circulation en hâtant la perception de l’indemnité par la victime. Mais compte tenu du déséquilibre économique qui peut exister entre la compagnie d’assurance et la victime ou ses ayants droit il est fréquent que les offres d’indemnités assez dérisoires soient acceptées sans véritables discussions. C’est ainsi qu’une offre qui paraît manifestement insuffisante fait régulièrement l’objet de contestations ultérieures de la part des victimes. C’est ce qui manifestement semble être le cas dans l’espèce qui nous mobilise. Mais quelle peut être la portée réelle d’une telle opération ainsi intervenue entre les parties ? Quelle est véritablement la nature juridique de la transaction ? La transaction est réglementée pour l’essentiel par les articles 2044 à 2058 du Code civil. L’alinéa premier de l’article 2044 du code civil définit la transaction comme : « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ». L’article 1441-4 du CPC ajoute que « le président du TGI, saisi sur requête par une partie à la transaction, confère force exécutoire à l’acte qui lui est présenté. » La transaction est donc un contrat, un contrat synallagmatique. Cette réalité peut se déduire d’un des attendus d’un récent arrêt de la cour de cassation française : « le sacrifice consenti par chacune des parties devient la cause de l’engagement contracté par l’autre partie… » (cass.24 Déc.2000). La transaction est donc une convention par laquelle les parties entendent arrêter une contestation et se consentent des concessions réciproques. La victime qui conclut une transaction arrête définitivement le montant de ses indemnités. Elle emporte abandon du droit d’agir en justice, c’est-à-dire du droit de faire trancher par un juge le différend relatif à l’objet de la transaction. Dans le cas qui nous occupe, la transaction intervenue entre la SIDAM et Monsieur C.D tendait à mettre fin au litige. Elle stipulait que M.C.D renonçait « à formuler toute réclamation de quelque nature qu’elle soit quant à l’état de son fils relativement aux prothèses dont il se charge de la fourniture ». Mais l’expérience a montré que, parmi les transactions opérées par les compagnies d’assurances, certaines offres d’indemnité étaient très dérisoires et correspondaient très peu au taux réel d’incapacité. Dans le cas présent, le montant de la transaction versé par la SIDAM à la victime était manifestement insignifiant, puisque des experts ont pu estimer le coût des prothèses à 8.507.500 francs CFA alors que le montant global convenu dans la transaction s’élevait à 6.127.844 francs CFA. Malgré son caractère contractuel , il n’ y a pourtant pas véritablement d’ obstacle à ce que , les parties à une transaction permise dans le cadre de la procédure d’offre d’indemnisation imposée aux assureurs ( articles 225 à 258 du code CIMA) contestent ultérieurement l’autorité de la chose jugée en dernier ressort qui, selon l’article 2052 du code civil, s’attache aux transactions, au motif que l’assureur n’y aurait pas fait de concessions, ou y aurait fait des concessions insuffisantes .

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Un auteur français a su exprimer cette idée de façon lumineuse : François Chabas, « Commentaire de la loi du 5 juillet 1985 », JCP., 1985, 3205.

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B- Créance résultant de la contestation de la transaction Après avoir signé, Monsieur C.D a prétendu que le dommage subi par son fils n’avait pas été entièrement réparé par la transaction, que l’indemnité reçue dans le cadre de ce contrat était seulement réputé couvrir une indemnité partielle des préjudices subis par son fils. Dès lors, peut-on dire, comme l’avaient fait les juges nationaux et supranationaux qu’on était dans le cadre d’une créance délictuelle ? En vérité l’hésitation est permise. En un sens, la contestation du montant de la transaction par la victime ou ses ayants droit relève plus de l’interprétation de la volonté contractuelle ou de l’objet du contrat que du délit ou quasi -délit résultant de l’accident de la circulation. Si la cause de l’indemnité est bien délictuelle, l’objet de la créance, lui parait être contractuel. La jurisprudence regorge d’exemples de contestations de transactions qui ont été remises en cause devant les tribunaux. En comparaison, on peut faire observer que la jurisprudence française considère que les concessions réciproques faites dans le cadre de la transaction doivent exister et rester réelles. À ce propos, deux arrêts de Cour d'appel, l'un d'Aix-en-Provence et l'autre de Paris, ont jugé qu'une transaction n'avait de valeur juridique que si la compagnie d'assurances respectait les dispositions légales lui incombant; à défaut, malgré le délai de 15 jours de rétractation, les victimes pouvaient saisir valablement la justice pour obtenir une intégrale réparation de leurs dommages. En l'espèce, un jeune garçon de 13 ans avait été victime d'un grave accident de la circulation, son incapacité permanente partielle était de 100 %. En 1989, ses parents avaient conclu une première transaction avec une compagnie d'assurances, puis un avenant en 1993 portant le montant total de l'indemnisation à la modique somme de 841.900 €. Cette transaction fut attaquée en justice et ce malgré un délai de rétractation expiré depuis longtemps. Par un arrêt du 18 mai 2005 la 10éme Chambre de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a d’ abord jugé que ce contrat n'était pas une transaction bien que la victime fut assistée d'un avocat et que la transaction eut été approuvée par le Juge des Tutelles, ledit contrat ne présentait aucune concession réciproque majeure et les dispositions légales (des articles L 211-9 et L 211-10 du Code des Assurances) n'avaient pas été respectées par la compagnie d'assurances. Puis, elle a évalué le préjudice corporel à la somme de 2.806.000 € ; on était bien loin de la somme initiale de 841.900 € réglée à titre transactionnel par la Compagnie d'Assurances à cette jeune victime présentant un taux d'I.P.P. de 100 %. Quant à la 17e Chambre de la Cour d'Appel de Paris, c’est par arrêt du 24 octobre 2005, qu’elle a rendu une décision tout aussi remarquable. La Cour a jugé que le non-respect par la compagnie d'assurances de ses obligations légales édictées par le Code des Assurances rendait nulle la transaction conclue plusieurs années auparavant avec la victime. La Cour stipule : "Considérant que l'assurance Y était tenue, par application de l'article L 211-9 du Code des Assurances, de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité aux victimes ayant subi une atteinte à leur personne ; que par application de l'article L 211-10 du Code des Assurances, à l'occasion de sa première correspondance avec les victimes, elle était tenue, à peine de nullité de la transaction qui pourrait intervenir, d'informer les victimes qu'elles pouvaient obtenir de sa part, sur simple demande, la copie du procès-verbal d'enquête de police ou de gendarmerie et de leur rappeler qu'elles pouvaient à leur libre choix se faire assister d'un avocat et, en cas d'examen médical, d'un médecin ; que l'assurance Y ne verse aux débats aucun document justifiant qu'elle a satisfait à ses obligations légales : qu'en conséquence, les transactions sont nulles". Faute pour une compagnie d'assurances de respecter certaines dispositions légales ou en l’absence de concessions réelles la transaction n'existe pas. Les concessions dérisoires sont en règle générale assimilées par la jurisprudence à l’absence de contrepartie. Il s’agit donc d’une opération d’interprétation contractuelle. Le juge vérifie l’équilibre du contrat dans un souci de protection de la partie supposée la plus faible. La cour d’appel d’Abidjan aurait pu dans notre cas d’espèce restituer aux faits tels qu’ils ont été énoncés leur véritable qualification et ne pas se contenter de dire que l’origine de la créance était quasi -délictuelle pour rejeter la procédure d’injonction de payer. Le juge d’appel pouvait souverainement apprécier si les concessions réciproques qui ont été faites entre la compagnie d’assurance et la victime et apprécier si le montant transactionnel de 6.127.844 francs CFA était dérisoire par rapport aux circonstances de l’espèce. L’acte transactionnel doit réellement constitué un sacrifice pour la compagnie d’assurance, un

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sacrifice réel et chiffrable. Dans 80 % des cas lorsque la transaction est annulée c’est que le juge avait estimé que les concessions n’étaient pas réelles et chiffrables. En bref, il ressort de cette analyse que la demande de Monsieur C.D relevait plus de l’interprétation contractuelle de la transaction signée entre les parties : erreur sur les termes du contrat ? désaccords sur son objet ? que de l’obligation de réparation qui pesait sur l’assureur, obligation qui était, elle, d’origine délictuelle. Pour autant, la créance revêt –elle les caractères de certitude, d’exigibilité et de liquidité ? Et dans l’affirmative quelle devrait être la portée de l’ordonnance d’injonction de payer ?

II- La survivance de l’ordonnance d’injonction de payer Quelle soit infectée de vices de forme ou de fond, la jurisprudence analyse rigoureusement les conditions requises pour faire produire effet à l’ordonnance portant injonction de payer (A). Cela eu égard aux conséquences que celle- ci entraine pour le débiteur (B).

A- Caractères certain, liquide et exigible de la créance litigieuse La procédure d’injonction de payer ne peut être déclenchée que si la créance présente certains caractères. Cela résulte clairement de l’article 1er de l’AUPSRVE qui n’autorise le recours à la procédure que si la créance est certaine, liquide et exigible. Le caractère certain de la créance peut résulter, par exemple, de la production des factures signées par le débiteur (CA Bouaké 14 janvier 2001)69 ; d’une reconnaissance de dette notariée, de l’exécution et de la réception des travaux convenus entre les parties (CA Abidjan 19 juillet 2002)70 ; de son constat dans plusieurs documents échangés entre les parties et visée dans une décision de justice (CA Abidjan du 16 janvier 2004)71. Une créance dont le recouvrement est poursuivi doit être considérée comme certaine, dès lors que le débiteur qui n’apporte aucune preuve de ce qu’il s’est libéré de sa dette, en conteste seulement le mode de calcul et d’établissement des factures, sans s’expliquer sur les règlements partiels déjà effectués (CCJA 17 juin 2004)72 . La créance litigieuse dont le recouvrement était poursuivi en l’espèce était-elle certaine ? La créance certaine, c’est la créance dont l’existence est incontestable et actuelle (TGI Ouagadougou 5 février 2004)73 . Il résulte de cette exigence que le titulaire d’une créance éventuelle ne peut pas recourir à la procédure d’injonction de payer. Cette condition peut paraitre faire défaut dans notre cas d’espèce puisque la contestation ne porte pas sur la somme de 6.127.844 francs CFA qui a été payée mais bien sur une éventuelle somme de 8.507.500 francs CFA qui compléterait l’indemnité offerte. Mais en règle générale, cette exigence de l’Acte uniforme est quelque peu étonnante, car à ce stade de la procédure il est difficile d’écarter l’idée d’une possibilité de contestation de la créance. D’ ailleurs, le droit d’opposition est précisément fait pour contester éventuellement devant le tribunal la créance invoquée. À cet égard , on peut relever avec le Professeur Ndiaw Diouf que le législateur français dont l’ œuvre semble avoir servi de modèle aux rédacteurs de l’ Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’ exécution ne fait nullement référence à la certitude de la créance74. En sorte que si les juges devaient appliquer dans toute sa rigueur ce critère il y a fort à parier que très peu de créanciers verraient leurs requêtes admises. Dans notre cas particulier la créance litigieuse doit être considérée comme certaine puisqu’ elle résulte de l’interprétation de la transaction par le créancier poursuivant et qui porte sur le coût des prothèses de la victime. La créance litigieuse était-elle exigible ?

69 CA Bouaké 14 janvier 2001 n° 13, 24-14-1-2001, Bc/STATION MOBIL, le Juris-Ohada, n°3/2003, juillet-septembre 2003,p.63, ohada.com, ohadaJ-04-11) 70 CA Abidjan 19 juillet 2002, n° 927, 19-7-2002 : AFRIDRAG c/KOSOU , ohada.com, ohada J-04-484) 71 CA Abidjan du 16 janvier 2004)71 , n° 49, 16-1-2004 : Société de construction et d’entretien de Côte d’ Ivoire c/ SAD et Direction générale des douanes de Côte d’ Ivoire, ohada.com, ohada J-04-496). 72 (CCJA 17 juin 2004), N°21, 17-6-2004 : SDV-Côte D’Ivoire C/Société RIAL TRADING, Le Juris Ohada, n° 3/2004, juillet octobre 2004, p. 11, note BROU Kouakou Mathurin ; Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 3, janvier-juin 2004, p. 130 ; ohada.com, Ohadata J-04-382) 73 TGI Ouagadougou n° 155 SODEGRAIN-SA c/STCK, ohada.com, Ohadata J-05-246 74

Ndiaw DIOUF, Commentaire de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, code vert, 3éme

édition, juriscope 2008.

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Une créance est exigible lorsqu’elle est arrivée à échéance (TGI Ouagadougou 5 juin 2004)75 ou lorsque le débiteur ne peut se prévaloir d’aucun délai ou condition susceptible d’en retarder ou d’en empêcher l’exécution. Dans notre cas présent, la créance doit être considérée comme exigible dans la mesure où le débiteur ne se prévaut ni d’un terme conventionnel ni d’un délai moratoire. La créance litigieuse était- elle liquide ? L’exigence de la créance liquide conduit quant à elle à interdire normalement le recours à cette procédure lorsque le montant de la créance est indéterminé. La difficulté de notre espèce résulte du fait que c’est le créancier poursuivant lui-même, qui a effectué les calculs qui le conduisent sur cette base à réclamer une somme différente de celle qui figure nominalement dans la transaction. Néanmoins la requête doit être admise dès lors que le montant de la créance est très facilement déterminable par expertise. En effet, la créance est liquide lorsque son montant est déterminable en argent (TGI Ouagadougou, n° 155, 5-5-2004)76 dès lors que le quantum est déterminé dans sa quantité, chiffré (CCJA, N°21, 17-6-2004 : SDV-Côte D’Ivoire C/Société RIAL TRADING) 77 . A contrario, n’est pas liquide, une créance dont le montant n’est pas définitivement fixé en raison des paiements effectués par le débiteur (CA Abidjan 13 juin 2003)78. De nature contractuelle, la créance litigieuse remplissait également les caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité ; si bien que l’injonction de payer ordonnée sur cette base devait produire, à notre sens, ses pleins effets.

B- La forclusion opposée au débiteur Plutôt que de faire convoquer leurs débiteurs devant le Tribunal, pour qu'un débat contradictoire puisse s'instaurer, la tendance actuelle est, pour les créanciers poursuivants, de généraliser le recours à la procédure d’injonction de payer. Dans ce cadre, le créancier adresse simplement au Greffe du Tribunal, une demande indiquant le montant de ce qu’il prétend lui être dû en y joignant les documents justificatifs. Le Président du tribunal doit les examiner, souvent à la chaîne, car les greffes des différentes juridictions nationales sont inondés de ces demandes79. Si la créance lui paraît fondée, il signe une Ordonnance enjoignant au débiteur de payer une certaine somme. Si le débiteur ne décèle pas la signification de cette Ordonnance, ou néglige de former opposition, passé le délai de quinze jours, celle-ci devient une décision de justice définitive. La procédure d’injonction de payer est donc conduite unilatéralement par le créancier et le Président rend sa décision sur la base des seuls éléments produits par le créancier poursuivant. L'expérience démontre que le débiteur, déjà harcelé par son créancier ou ses mandataires ou parfois par son service de recouvrement, par des courriers, des relances, des mises en demeure, des appels téléphoniques, des menaces, des actes d'huissiers (commandement de payer ou autres), etc., est noyé sous une masse de documents, auxquels il finit par ne plus prêter attention. Or le délai pour faire opposition à une ordonnance d’ injonction de payer dans le cadre de l’ O.H.A.D.A est particulièrement court : quinze jours ( article 10 de l’ AU) , pour ne pas être forclos et confronté à un jugement définitif, sans avoir pu débattre avec son adversaire devant un Juge, le débiteur doit apprendre à repérer très tôt la signification d'une Ordonnance d'injonction de payer, et réagir quasi immédiatement à cette signification . Car les conséquences d’une absence d’opposition sont terribles pour le débiteur poursuivi. Comme cela a pu être observé : "On n'a peut-être pas suffisamment remarqué que l'injonction de payer et la saisie-attribution sont des procédures extrêmement rapides qui, l'une et l'autre, ont pour trait commun de déporter le jugement des contestations après la réalisation de leurs effets (...) cette inversion du contentieux exige de grandes précautions, car il faut éviter que, dans cette course de vitesse, certains intérêts légitimes ne soient injustement sacrifiés sur l'autel de la célérité "80.

75

Op.cit. 76

Ohadata J-05-246 ; 77

Le Juris Ohada, n° 3/2004, juillet octobre 2004, p. 11, note BROU Kouakou Mathurin ; Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 3, janvier-juin 2004, p. 130 ;

ohada.com, Ohadata J-04-382). 78

CA Abidjan 13 juin 2003, n° 778, 13-6-2003 : STE EL NASR de Côte d’Ivoire, ohada.J-03-239, 79

Voy, Bakary DIALLO, « Les règles du contentieux des Actes uniformes de l’OHADA : analyses et perspectives », Paris I, 2007, p.387 et s. 80

R. Perrot, RTD civ. 1986, p. 716

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Selon le même commentateur : "En raison de la gravité des conséquences que risque d'entraîner l'expiration du délai d'opposition, - et notamment la délivrance d'un titre exécutoire de façon irrémédiable-, il est légitime de différer le point de départ du délai jusqu'au jour où l'on aura la certitude que le débiteur n'a pas pu ignorer l'ordonnance délivrée contre lui"81 . Dans notre cas particulier, l’opposition tardive de la compagnie d’assurance SIDAM est assimilable purement et simplement à une absence d’opposition. Ce principe a été très logiquement appliqué par le tribunal de première instance de Yaoundé : l’opposition à l’injonction de payer doit être formée dans le délai de 15 jours à partir de la signification. Dès lors, s’agissant d’une computation franche, doit être frappée de forclusion, l’opposition formée le lendemain de fin du délai légal imparti. Il s’ensuit que le débiteur n’ayant pas fait opposition de l’injonction de payer dans les délais légaux, la formule exécutoire doit être apposée sur la décision d’injonction de payer, le recours tardif valant absence d’opposition conformément aux dispositions de l’article 16 AUPSRVE (TPI Yaoundé 6 mars 2003)82. S’il n’a pas été formé d’opposition dans les délais ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier poursuivant peut donc demander l’apposition de la formule exécutoire sur la décision d’injonction de payer (article 16). Cette demande se fera par simple déclaration écrite ou verbe adressée au greffe de la juridiction compétente (article 17, alinéa 1er)83. Contrairement à la solution retenue par la législation ivoirienne antérieure84, la décision portant injonction de payer n’est plus immédiatement revêtue de la formule exécutoire. Si bien que, l’apposition de cette formule devait , en l’ espèce , être demandée par le créancier après l’ obtention de l’ ordonnance d’ injonction de payer dans les deux mois qui suivent l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur sous peine de caducité de la décision d’injonction de payer (article 17, alinéa 2 de l’ AU). Revêtue de la formule exécutoire, l'ordonnance portant injonction de payer produit tous les effets d'un jugement contradictoire en dernier ressort. (Art. 16 al. 2 de l’AU). L’ordonnance produit donc les effets d’un jugement définitif, c’est-à-dire non susceptible d’appel. Le créancier est ainsi autorisé à procéder à des mesures d’exécution forcée en cas de non paiement de sa dette par le débiteur (par exemple : procéder à une saisie attribution). À titre de comparaison, La cour de cassation française a décidé que l'ordonnance après apposition de la formule exécutoire ne peut plus être frappée que d'un pourvoi en cassation. (Ci. 06 avril 1987). Cet arrêt, objet de nos commentaires, nous parait discutable, il méconnait l’esprit de la procédure d’injonction de payer qui veut que le Président puisse rendre l’ordonnance dès lors que la créance lui parait fondée en son principe ; il appartient normalement au débiteur, qui veut élever une contestation, de former une opposition qui restitue un caractère contradictoire à la procédure conduite jusque là de manière unilatérale par le créancier. Ce n’est que dans ces conditions qu’une nouvelle instance est ouverte. Peu importe d’ ailleurs, le motif et le bien fondé de cette contestation. Il suffit qu’elle existe pour que la rétractation soit prononcée85. Si bien que , la juridiction d’appel qui statue sur un jugement constatant la déchéance d’une opposition à une ordonnance d’injonction de payer ne peut se fonder sur les éléments introduits dans le débat par le débiteur pour apprécier rétroactivement les caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité ou la nature contractuelle de la créance litigieuse. Ce n’est qu’ en cas d’opposition et dans ce cas seulement , qu’ après avoir souverainement apprécié les documents joints à la demande et considéré qu’il y avait manifestement compte à faire entre les parties et que c’est à tort que le créancier a obtenu l’ordonnance d’injonction de payer que la Cour d’appel est fondée à confirmer ou infirmer le jugement rétractant ladite ordonnance.

81

Droit judiciaire privé, t. 3, n° 1430) 82

(TPI Yaoundé, n° 350/C, 6-3-2003 : ZAMBO NTOUMBA c/ Mme ATOH AKAM Anastasie, Me Nana Raphaël Ledoux, www.ohada.com, Ohadata J-04-405). 83

Le créancier peut à l’avance solliciter du greffier qu’il appose, en l’absence d’opposition dans le délai, la formule exécutoire sur l’ordonnance (Cass. civ. 23-1-

1991 : Bull. civ. II p. 13). 84

Voy, notamment l’article 5, alinéa 2 de la loi n°93-669 du 9 août 1993 « l’ordonnance d’injonction de payer est immédiatement revêtue de la formule

exécutoire ». 85

Ce qui rend d’ ailleurs quelque peu illusoire le caractère de certitude exigé par l’article 1 de l’AU.

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En bref, il est permis de s’interroger sur la solution de cet arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage du 29 juin 2006, l'interprétation particulièrement rigoureuse faite par le juge supranational d'une règle de procédure qui a privé le requérant du bénéfice d’une ordonnance d’injonction de payer appelle nos plus sérieuses réserves.

DIX QUESTIONS PRATIQUES SUR LE FONCTIONNEMENT DES SOCIETES COMMERCIALES DE L’OHADA

Bérenger MEUKE Docteur en droit des Affaires

1- Un commissaire aux comptes peut-il démissionner ? A la lecture de l’Acte Uniforme relatives aux sociétés commerciales, aucune disposition ne s’oppose à la démission du commissaire aux comptes. Ce dernier peut démissionner quel qu’en soit le motif et la forme. Il importe cependant qu’il le fasse à bon escient. Toute démission abusive et intempestive qui provoquerait un dommage à la société l’exposerait à une demande en réparation. 2- Faut-il l’agrément des associés quand il y a succession d’un associé ? Dans les SA, nonobstant le principe de la libre transmissibilité posé par l’article 764 de l’Acte Uniforme, les statuts peuvent prévoir certaine limitations. Cependant, ces limitations ne peuvent s’opérer en cas de succession. La clause d’agrément à l’égard des héritiers est donc illicite (article 765 – 3°). En revanche, dans les SARL, l’Acte Uniforme précise qu’en cas décès d’un associé, les statuts peuvent prévoir que son héritier ou son successeur ne deviendra associé qu’après avoir été agréé dans les conditions qu’ils fixent (article 321). Quant à la SNC, si les statuts prévoient non seulement la continuation de la société en cas de décès de l’un des associés mais aussi la continuation avec les héritiers, ces derniers doivent être agréés à l’unanimité des associés survivants. 3- Une société peut-elle se porter caution d’une autre société ? En principe, une personne morale peut se porter caution des dettes d’une autre personne morale. Le cautionnement est alors dans ce cas soumis à une juxtaposition des règles du droit commerciale et du droit civil. Cependant, dans la pratique, il faut distinguer selon le type sociétaire. Dans la SA par exemple, les cautions souscrites par la société pour des engagements pris par des tiers doivent faire l’objet d’une autorisation préalable du conseil d’administration (article 449). 4- Un administrateur peut-il contracter à des fins personnelles un emprunt auprès de sa société ? En principe, un administrateur ne peut pas contracter un emprunt auprès de sa société sous quelque forme que ce soit (article 450). En revanche, cette interdiction ne s’applique pas aux personnes morales membres du conseil d’administration. Il est alors dans ce cas, appliquées à l’opération, les dispositions propres aux conventions réglementées prévues aux articles 438 à 448. 5- Un associé peut-il emprunter en son nom pour le compte de la société ? Si une telle opération est concevable légalement, il faut toutefois remarquer qu’elle n’aura d’effet qu’entre l’associé et le prêteur. Dans la pratique, il revient à l’associé de mettre les fonds à la disposition de la société sous la forme qui lui convient : apport, compte courant, etc. 6- Une SARL doit-elle recourir à un commissaire aux apports en cas d’augmentation du capital en nature En cas d’augmentation de capital par des apports en nature, un commissaire aux apports doit être désigné par les associés dès lors que la valeur de l’apport est supérieure à cinq millions (5. 000 000) de francs CFA.

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Ce commissaire aux apports peut également être nommé par le président de la juridiction compétente à la demande de tout associé, peu important le nombre de parts qu’il représente (article 363). 7- Quelle est la limite de la participation réciproque directe entre les sociétés ? Une SA ou une SARL ne peut posséder d’actions ou de parts sociales d’une autre société si celle-ci détient une fraction de son capital supérieure à 10% (article 177). En revanche si une société autre qu’une SA ou une SARL a, parmi ses associés, une SA ou une SARL détenant une participation à son capital supérieure à 10%, elle ne peut détenir d’actions ou de parts de cette société. 8- Dans quel délai peut-il y avoir autorisation tacite de cession de parts sociales dans une SARL ? L’Acte Uniforme prévoit à l’article 317, une procédure particulière pour les cessions de parts de SARL au cours de laquelle de multiples formalités de notification doivent être respectées préalablement à l’autorisation de cession. L’autorisation tacite de cession n’est acquise que passé un délai de 3 mois à compter de la dernière notification prévue à l’alinéa 2 de l’article 319. 9- Quelles sont les conséquences du non-respect des dispositions régissant l’ordre du jour des AG dans les SA ? Il est de principe que l’assemblée générale ne délibère que sur les questions inscrites à l’ordre du jour (article 522) faute de quoi l’assemblée est réputée nulle de plein droit. Or, elle peut délibérer valablement sur la révocation des membres du conseil d’administration ou le cas échéant de l’administrateur général et procéder à leur remplacement sans que cette question ait été portée à l’ordre du jour. 10- Une SARL, filiale d’une autre société, peut-elle consentir des prêts ou des avances à sa société mère ? L’article 356 fait interdiction aux gérants et associés de SARL de contracter des emprunts auprès de la société, de se faire consentir des découverts par elle ou de lui faire cautionner des engagements souscrits par eux à l’égard des tiers. Les actes passés en contravention de cette disposition sont frappés de nullité absolue. Cependant, cette interdiction ne s’applique qu’aux associés personnes physiques de la SARL, de sorte que cette règle n’empêche pas les opérations de trésorerie au sein d’un groupe de sociétés auquel participe la SARL. Cette faculté s’accompagne des précautions posées par la procédure dite des conventions réglementées (articles 350 à 355), puisque ces conventions relèvent rarement d’opérations courantes conclues à des conditions normales. Dans la pratique, une avance, un prêt consentis à la société mère seront soumis à un contrôle à posteriori exercé par la collectivité des associés (sauf ceux ayant conclu la convention) sur rapport du gérant de la SARL ou du commissaire aux comptes.

ETUDE JURIDIQUE : LES MANQUEMENTS D’UNE ENTREPRISE DANS L’EXECUTION DE PRECEDENTS MARCHES SUFFISENT-ILS A L’ECARTER AU STADE DE LA CANDIDATURE ?

Lu pour vous sur Pôle des Marchés

La cour administrative d’Appel de Paris vient récemment de se prononcer sur cette question. Retour sur l’affaire jugée (arrêt de la 4ème chambre, 02/10/2007, requête n° 06PA02495). La commune de Congis sur Thérouanne a engagé au cours de l’année 2003, une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché de restauration du clocher d’une église. Ce marché comprenait 3 lots. La société GAR s’est alors portée candidate pour l’attribution du lot maçonnerie/pierre de taille. La commission d’appel d’offres a décidé de ne pas admettre la candidature de cette société en raison « de litiges ayant opposé récemment ou opposant la société au maître d’oeuvre dans des opérations similaires ». La société GAR déboutée dans un premier temps de sa demande tendant à l’annulation de cette décision a relevé appel de ce jugement.

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La Cour d’Appel administrative de Paris, dans un arrêt en datedu 2 octobre 2007 a décidé d’annuler le jugement rendu en 1ère instance, pour les motifs suivants : • Lors de l’examen des candidatures, la commission d’appel d’offres doit vérifier d’une part que toutes les pièces exigées par le code des marchés publics et par l’avis d’appel public à la concurrence ont été produites par chaque entreprise candidate et d’autre part que chacune des entreprises présente toutes les garanties techniques et financières suffisantes pour exécuter le marché. • La commission d’appel d’offres ne peut se fonder uniquement sur les seuls manquements allégués d’une entreprise dans l’exécution, de précédents marchés, sans rechercher si d’autres éléments du dossier de candidature de la société permettent à celle-ci de justifier de garanties. La Cour d’Appel administrative de Paris considère qu’en se fondant uniquement sur l’existence de litiges opposant cette société au maître d’ouvre dans des opérations similaires, sans examiner dans son ensemble le dossier de candidature de la société, la commission d’appel d’offres a entaché sa décision d’une erreur de droit. Commentaires : L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris apporte des précisions sur les points suivants: Tout d’abord, l’existence d’un contentieux antérieur ou en cours opposant le maître d’œuvre à l’entreprise candidate ne donne pas droit au pouvoir adjudicateur d’écarter la candidature de cette entreprise. Ensuite, le pouvoir adjudicateur doit examiner dans son ensemble le dossier de candidature. Que prévoit le code des marchés publics sur cette question ? L’article 52 du code des marchés publics précise que : « les candidatures sont examinées au regard des niveaux de capacité professionnelles, techniques et financières mentionnés dans l’avis d’appel public à la concurrence ou s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi d’un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées ». L’article 45 précise, quant à lui, que : « le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager ». La combinaison de ces 2 dispositions confirme, d’une part le caractère limitatif de la liste des documents et renseignements pouvant être demandés au stade de la candidature et d’autre part le fait que les candidatures ne peuvent être écartées qu’à la condition que les garanties présentées soient jugées insuffisantes. Dans le cas présent, le rejet d’une candidature fondé sur des difficultés antérieures d’exécution suppose donc de justifier que les difficultés en cause ont de nature à peser négativement sur l’appréciation des niveaux de capacité nécessaires à l’exécution du présent marché. Présentation chronologique des principales décisions sur la question de la mauvaise exécution de précédents marchés : Arrêt du Conseil d’Etat du 27 février 1987, Hôpital départemental Esquirol c/ Société Généton Dans le cadre de cet arrêt, le Conseil d’Etat a considéré que la mauvaise exécution d’un marché antérieur, lorsqu’elle s’explique par l’insuffisance des capacités d’une entreprise, justifie que la candidature de cette dernière soit écartée lors de la passation d’un nouveau marché. Arrêt de la Cour administrative d’Appel de Marseille du 16 mai 2000, Société Rafalli La cour administrative d’appel a considéré que le motif tiré de l’incompatibilité d’humeur et des relations tendues qui ont existé avec les élus des deux communes lors de la réalisation de travaux antérieurs, dont il n’est pas soutenu ni même allégué qu’elles auraient eu des répercussions sur les compétences et le comportement professionnels de l’entreprise ou sur la conduite de chantier, ne justifiaient pas le rejet de la candidature de cette société. Il faut véritablement que les capacités et les compétences de l’entreprise soient en cause. Les motifs tirés de l’incompatibilité d’humeur et des relations tendues ne justifient pas le rejet de la candidature. Par conséquent, le pouvoir adjudicateur doit apporter la preuve sous la forme de courriers, mises en demeure que l’exécution du précédent marché n’a pas été correctement effectuée.

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Arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 2 octobre 2003 Commune de Saint Galmier La commune de Saint Galmier avait écarté la candidature de la société Montbrisonnaise des travaux publics en raison de mauvaises références obtenues à l’occasion de travaux réalisés sur des chantiers similaires dans d’autres communes. La cour d’appel a considéré que les pièces produites faisaient juste état de difficultés dans la conduite d’un chantier. Le mécontentement de la commune interrogée aurait du se traduire par des courriers de mise en demeure ou par l’application de sanctions. Arrêt de la Cour administrative d’Appel de Marseille du 13 juin 2005, Sarl Mariani Frères De même dans cet arrêt, la cour administrative d’appel a considéré que la commission d’appel d’offres avait à bon droit rejeté la candidature du groupement d’entreprises formé par les sociétés Mariani Frères, Sialelli et Apex compte tenu des retards reprochés aux deux premières sociétés dans l’exécution d’autres marchés passés précédemment.

LA MENTION « LU ET APPROUVE » APPOSEE AU BAS D’UN CONTRAT A-T-ELLE UNE INFLUENCE SUR LA

VALIDITE DE LA CONVENTION SOUMISE A LA SIGNATURE DES PARTIES ? Lu pour vous

Dans un arrêt du 27 janvier 1993, la Cour de cassation a répondu à cette question de façon catégorique. Les faits de l'espèce étaient les suivants: la société Rejanis avait accepté de recevoir en paiement d’une créance un certain nombre de caravanes d’occasion et avait fait savoir par lettre à sa débitrice que celles-ci étaient "dès à présent sa propriété". Cette lettre avait été contresignée par le dirigeant de la société débitrice, mais ce dernier avait, dès le lendemain, vendu au comptant les mêmes caravanes à des tiers et avait disparu avec les fonds. La société créancière, assurée contre le vol auprès de la compagnie L’Equité, lui avait demandé sa garantie.

Faisant droit au moyen développé par la compagnie d’assurances, la Cour d’appel avait débouté la demanderesse en considérant que seule l’inscription usuelle "lu et approuvé" pouvait signifier sans équivoque l’approbation du signataire.

Ce motif a été rejeté par la Cour de cassation qui a jugé que la mention "lu et approuvé" inscrite au bas d’un acte sous seing privé "constitue une formalité dépourvue de toute portée" et rappelé que, en dehors des exceptions prévues par la loi, l’acte sous seing privé, en vertu de l’article 1322 du Code civil, n’est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s’obligent.