4

8
9-068-M-10 Polyposes et cancers colorectaux familiaux D. Bonnet, R. Guimbaud La plupart des cancers sont sporadiques, c’est-à-dire non génétiquement déterminés. Cependant, 5 % des cancers colorectaux sont génétiquement déterminés et s’inscrivent dans un véritable syndrome de prédisposition. Ces syndromes sont liés à l’existence d’une mutation constitutionnelle inactivatrice d’un gène suppresseur de tumeur, à forte pénétrance, de transmission le plus souvent autosomique dominante. Ils exposent les sujets porteurs à un risque particulièrement élevé et précoce de cancer, colorectal et parfois extracolique. On distingue les syndromes de prédisposition aux cancers colorectaux avec et sans polypose colorectale. La polypose adénomateuse familiale est la polypose la plus fréquente. Elle expose à un risque presque inéluctable de cancer colorectal avant 40 ans. La reconnaissance phénotypique des polyposes est généralement facile, et la principale difficulté réside dans leur prise en charge. Le syndrome de Lynch, ou human non polyposis colorectal cancer (HNPCC), est le plus fréquent des syndromes de prédisposition aux cancers colorectaux. Ce syndrome expose aussi à un risque élevé de cancer de l’endomètre et, dans une moindre mesure, d’autres cancers en particulier de l’ovaire. Il n’est pas lié à une polypose colorectale et son diagnostic est souvent difficile, si bien que la plupart des sujets développant un cancer colorectal lié à ce syndrome ne sont pas identifiés comme atteints d’un syndrome de Lynch. Ceci représente une perte de chance pour ces sujets et leur famille car, lorsque ce syndrome est reconnu, des mesures de dépistage et/ou de prévention sont efficaces vis-à-vis du surrisque tumoral. La recherche du phénotype d’instabilité microsatellitaire sur le tissu tumoral d’un sujet touché représente la pierre angulaire du diagnostic de cette affection. L’oncogénétique est une discipline médicale qui a pour objectif de faire le diagnostic de ces affections et de guider la prise en charge des individus touchés et de leur famille. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Syndrome de Lynch ; HNPCC ; Polypose adénomateuse ; Polypose colorectale ; Cancer colorectal héréditaire ; Oncogénétique Plan Introduction 1 Polyposes 1 Polypose adénomateuse familiale 1 Polyposes hamartomateuses 3 Syndrome de Lynch 3 Physiopathologie 3 Présentation clinique et diagnostic 3 Principes de prise en charge 5 Syndromes de prédisposition aux cancers colorectaux de déterminisme génétique encore inconnu 6 Introduction L’oncogénétique est une discipline médicale récente qui connaît aujourd’hui un essor considérable. En effet, les syndromes de prédisposition aux cancers sont de mieux en mieux démem- brés. Les gènes impliqués dans ces affections ont été identifiés, ce qui permet d’en faire le diagnostic génétique. Dans le cancer colorectal (CCR), les deux principaux syndromes de prédisposi- tion héréditaire sont la polypose adénomateuse familiale (PAF) et le syndrome de Lynch (SL), ou human non polyposis colorectal cancer (HNPCC). Ce syndrome est le plus fréquent et le plus diffi- cilement identifié. La meilleure reconnaissance des sujets qui en sont atteints, au sein des patients touchés par un CCR, est néces- saire afin de pouvoir offrir à ces sujets et à leurs apparentés une prise en charge adéquate. Des consultations d’oncogénétique sont organisées en réseau sur l’ensemble du territoire franc ¸ais, adossées à des laboratoires de génétique labélisés, afin de prendre en charge ces sujets prédisposés [1] . L’oncogénétique a donc pour objectif le diagnostic de l’affection en cause et l’aide à la prise en charge des sujets touchés et de leurs apparentés. Polyposes Polypose adénomateuse familiale Présentation clinique classique du syndrome La PAF est la principale polypose héréditaire (Fig. 1). Elle touche un individu sur 10 000 et génère moins de 1 % des CCR [2] . Dans sa forme la plus fréquente, elle est liée à une mutation EMC - Gastro-entérologie 1 Volume 10 > n 4 > octobre 2015 http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1968(15)72023-7

description

cancer du rectum

Transcript of 4

Page 1: 4

� 9-068-M-10

Polyposes et cancers colorectaux familiaux

D. Bonnet, R. Guimbaud

La plupart des cancers sont sporadiques, c’est-à-dire non génétiquement déterminés. Cependant, 5 %des cancers colorectaux sont génétiquement déterminés et s’inscrivent dans un véritable syndrome deprédisposition. Ces syndromes sont liés à l’existence d’une mutation constitutionnelle inactivatrice d’ungène suppresseur de tumeur, à forte pénétrance, de transmission le plus souvent autosomique dominante.Ils exposent les sujets porteurs à un risque particulièrement élevé et précoce de cancer, colorectal et parfoisextracolique. On distingue les syndromes de prédisposition aux cancers colorectaux avec et sans polyposecolorectale. La polypose adénomateuse familiale est la polypose la plus fréquente. Elle expose à un risquepresque inéluctable de cancer colorectal avant 40 ans. La reconnaissance phénotypique des polyposes estgénéralement facile, et la principale difficulté réside dans leur prise en charge. Le syndrome de Lynch, ouhuman non polyposis colorectal cancer (HNPCC), est le plus fréquent des syndromes de prédispositionaux cancers colorectaux. Ce syndrome expose aussi à un risque élevé de cancer de l’endomètre et, dansune moindre mesure, d’autres cancers en particulier de l’ovaire. Il n’est pas lié à une polypose colorectaleet son diagnostic est souvent difficile, si bien que la plupart des sujets développant un cancer colorectal liéà ce syndrome ne sont pas identifiés comme atteints d’un syndrome de Lynch. Ceci représente une pertede chance pour ces sujets et leur famille car, lorsque ce syndrome est reconnu, des mesures de dépistageet/ou de prévention sont efficaces vis-à-vis du surrisque tumoral. La recherche du phénotype d’instabilitémicrosatellitaire sur le tissu tumoral d’un sujet touché représente la pierre angulaire du diagnostic decette affection. L’oncogénétique est une discipline médicale qui a pour objectif de faire le diagnostic deces affections et de guider la prise en charge des individus touchés et de leur famille.© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Syndrome de Lynch ; HNPCC ; Polypose adénomateuse ; Polypose colorectale ;Cancer colorectal héréditaire ; Oncogénétique

Plan

■ Introduction 1■ Polyposes 1

Polypose adénomateuse familiale 1Polyposes hamartomateuses 3

■ Syndrome de Lynch 3Physiopathologie 3Présentation clinique et diagnostic 3Principes de prise en charge 5

■ Syndromes de prédisposition aux cancers colorectauxde déterminisme génétique encore inconnu 6

� IntroductionL’oncogénétique est une discipline médicale récente qui

connaît aujourd’hui un essor considérable. En effet, les syndromesde prédisposition aux cancers sont de mieux en mieux démem-brés. Les gènes impliqués dans ces affections ont été identifiés,ce qui permet d’en faire le diagnostic génétique. Dans le cancer

colorectal (CCR), les deux principaux syndromes de prédisposi-tion héréditaire sont la polypose adénomateuse familiale (PAF)et le syndrome de Lynch (SL), ou human non polyposis colorectalcancer (HNPCC). Ce syndrome est le plus fréquent et le plus diffi-cilement identifié. La meilleure reconnaissance des sujets qui ensont atteints, au sein des patients touchés par un CCR, est néces-saire afin de pouvoir offrir à ces sujets et à leurs apparentés uneprise en charge adéquate. Des consultations d’oncogénétique sontorganisées en réseau sur l’ensemble du territoire francais, adosséesà des laboratoires de génétique labélisés, afin de prendre en chargeces sujets prédisposés [1]. L’oncogénétique a donc pour objectif lediagnostic de l’affection en cause et l’aide à la prise en charge dessujets touchés et de leurs apparentés.

� PolyposesPolypose adénomateuse familialePrésentation clinique classique du syndrome

La PAF est la principale polypose héréditaire (Fig. 1). Elletouche un individu sur 10 000 et génère moins de 1 % des CCR [2].Dans sa forme la plus fréquente, elle est liée à une mutation

EMC - Gastro-entérologie 1Volume 10 > n◦4 > octobre 2015http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1968(15)72023-7

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)

Page 2: 4

9-068-M-10 � Polyposes et cancers colorectaux familiaux

Figure 1. Coloscopie d’une polypose colique s’inscrivant dans le cadred’une polypose adénomateuse familial (reproduit avec l’aimable autorisa-tion du docteur Barange).

“ Point fort

• La majorité des cancers est sporadique, c’est-à-dire sansfacteur génétique clairement identifié. Parmi eux, cer-tains surviennent en présence d’antécédents familiaux(15 % des CCR), suggérant un terrain génétique favo-risant. Celui-ci ne peut être identifié par une analysegénétique en pratique courante.• 5 % des CCR sont liés à une véritable prédispositionhéréditaire, monogénique, transmissible le plus souventsur un mode autosomique dominant (risque de trans-mission à la descendance de 50 %, indépendamment dusexe), et à forte pénétrance (risque très élevé de cancer).Ces formes héréditaires sont liées à deux syndromes prin-cipaux : le SL (ou HNPCC) et la PAF.• Les consultations d’oncogénétique, organisées sur toutle territoire, ont pour but de prendre en charge ces sujetsà haut risque de cancer.

constitutionnelle inactivatrice du gène adenomatous polyposis coli(APC), de transmission autosomique dominante. La pénétrancedu syndrome est complète (100 % des individus ayant héritéde la mutation développent une PAF). La présentation clinique« classique » de la PAF est caractérisée par :• une polypose adénomateuse colorectale profuse (centaines,

milliers de polypes), débutant pendant l’enfance et conduisantà un risque inéluctable de CCR avant 40 ans ;

• des adénomes du duodénum et de l’ampoule de Vater, incons-tants, exposant à un risque de 5 % d’adénocarcinome duodénal ;

• des polypes gastriques glandulokystiques, bénins ; plus rare-ment, des adénomes gastriques. Il ne semble pas exister desurrisque de cancer gastrique ;

• un surrisque tumoral extradigestif. Celui-ci concerne surtoutles tumeurs desmoïdes, qui surviennent chez 10 à 15 % despatients. Il s’agit de tumeurs mésenchymateuses bénignes, aussinommées « fibromatoses agressives », qui peuvent mettre enjeu le pronostic vital par leurs complications locorégionales.Leur localisation est le plus souvent intra-abdominale ; leur sur-venue est favorisée par un geste chirurgical (colectomie). Lesautres tumeurs surviennent chez 1 à 2 % des patients : hépato-blastome (tumeur hépatique primitive du nourrisson), tumeurspancréatiques, cérébrales (médulloblastomes), cancer papillaire

de la thyroïde ; lésions bénignes extradigestives, inconstantes :dents surnuméraires, ostéomes, hypertrophie de l’épithéliumpigmentaire rétinien, lésions cutanées (kystes épidermoïdes,lipomes), adénome surrénalien.Devant ce tableau, le diagnostic de PAF ne fait guère de doute.

Une mutation du gène APC est identifiée dans 70 % des cas.

Autres présentations cliniquesEn dehors de cette forme typique, d’autres présentations cli-

niques existent :• PAF liée à APC... non familiale. Chez 20 % des patients atteints

de PAF avec mutation du gène APC, les parents sont indemneset sans mutation. Il s’agit en ce cas de mutations de novo (néo-mutation) ou de paternité douteuse ;

• PAF « atténuées » liées à APC. Environ 8 % des individus porteursd’une mutation d’APC présentent un phénotype atténué : adé-nomes colorectaux moins nombreux (parfois quelques dizainesseulement), survenue plus tardive des adénomes et de ladégénérescence en CCR. Ce phénotype atténué dépend de lalocalisation de la mutation sur le gène APC, avec une corrélationgénotype–phénotype ;

• PAF récessives liées à mutY homolog (MYH). Une mutationbiallélique (homozygote) du gène MYH (ou MUTYH), dontla fréquence est d’environ un sujet sur 10 000, a récemmentété identifiée comme pourvoyeuse de PAF [3]. La transmissionde ce syndrome est autosomique récessive (nécessité de deuxallèles mutés pour exprimer la maladie) : au sein d’une famille,un seul individu est touché, ou plusieurs dans une fratriealors que les parents sont indemnes (présentation faussement« sporadique », ou de transmission « horizontale »). Le tableauest celui d’une PAF atténuée : 15 à 100 polypes adénomateuxcolorectaux à l’âge moyen de 45 ans. L’âge moyen de survenuedu CCR est de 48 ans. Cette entité doit être évoquée :◦ en cas de PAF typique sans mutation identifiée d’APC,◦ en priorité en cas de PAF atténuée ou de présentation réces-

sive.Les indications de recherche de mutation constitutionnelle

de MYH et les modalités de surveillance de ces sujets ont étéformalisées par un rapport d’expertise récent [3]. Une mutationmonoallélique (hétérozygote) de MYH serait présente chez 2 %de la population, avec un impact nul ou faible sur le risqued’adénome et de CCR.

Principes de prise en chargeLa prise en charge des PAF fait régulièrement l’objet de recom-

mandations [2, 4]. Celles-ci sont adaptées à la présentation clinique,en particulier en cas de PAF « atténuée ». Les principes de prise encharge sont les suivants.

Polypose colorectaleLe risque majeur dans la PAF est le CCR. La surveillance

endoscopique est débutée vers 10 à 12 ans. Une colectomie pro-phylactique est généralement proposée vers l’âge de 20 ans. Deuxprocédures sont possibles, ayant chacune leurs avantages et incon-vénients :• la colectomie totale avec anastomose iléorectale : meilleurs

résultats fonctionnels mais nécessité fréquente d’une proctec-tomie ultérieure si la polypose rectale ne peut être contrôlée pardes résections endoscopiques itératives ;

• la coloproctectomie avec anastomose iléoanale : supprime lerisque de CCR mais expose à plus de séquelles génitos-phinctériennes (incontinence nocturne, sténose anale, troublessexuels) et à un risque d’hypofertilité chez la femme. Elle ne per-met pas de faire l’économie d’une surveillance endoscopiqueultérieure (risque d’adénomes du réservoir iléal).Le choix entre ces deux interventions doit être fait en centre

expert, en fonction du choix du patient et du nombre de polypesrectaux.

Polypose duodénaleLa surveillance du tube digestif haut repose sur un examen

endoscopique minutieux avec coloration à l’indigo carmin, avecun appareil à vision axiale (gastroscope) et à vision latérale (duo-dénoscope, pour la visualisation de la papille). Cette surveillance

2 EMC - Gastro-entérologie

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)

Page 3: 4

Polyposes et cancers colorectaux familiaux � 9-068-M-10

débute vers 25 ans. Le score de Spigelman, qui prend en comptele nombre, la taille et l’histologie des polypes duodénaux, permetde guider la prise en charge : poursuite d’une surveillance, tous les1 à 5 ans en fonction de la sévérité de l’atteinte ; résection endo-scopique des polypes et/ou de l’ampoule de Vater ; dans les casles plus sévères, résection chirurgicale par duodénopancréatecto-mie céphalique. Ces décisions doivent être prises par une équipemédicochirurgicale expérimentée.

Tumeurs desmoïdesLa prise en charge des tumeurs desmoïdes est difficile et contro-

versée. Leur traitement chirurgical est difficile en raison ducaractère mutilant et fréquemment incomplet avec un risque derécidive élevé. Le traitement médical est mal codifié et reposesur les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), le tamoxi-fène, l’imatinib (Glivec®), certaines chimiothérapies cytotoxiques(anthracyclines, vinca-alcaloïdes).

Prise en charge des apparentésLorsqu’une mutation APC a été identifiée chez un individu, le

test prédictif présymptomatique (recherche de la mutation fami-liale) est proposé chez ses enfants vers 10 ans, et tous ses parents aupremier degré, dans le cadre d’une consultation d’oncogénétique.La surveillance endoscopique est ensuite débutée chez les sujetsporteurs.

ChimioprophylaxieLes AINS, en particulier le sulindac, le célécoxib (inhibiteur

sélectif de COX-2) et l’aspirine à forte dose (600 mg/j) ont démon-tré, dans des essais randomisés contre placebo, un effet modestede réduction du nombre de polypes rectaux (chez les patientscolectomisés) et, de facon plus controversée, des polypes duo-dénaux. Néanmoins, l’effet réellement préventif sur le risque decancer, rectal ou duodénal, n’a pas été démontré [2, 5]. Les AINSreprésentent une option thérapeutique, qui doit être associée à lasurveillance endoscopique, chez les patients colectomisés afin defreiner le développement des polypes rectaux. Le célécoxib doitêtre utilisé avec prudence en cas d’antécédents cardiovasculaires.

“ Point fort

• La PAF liée au gène APC, dans sa présentation la plusfréquente, est caractérisée par une polypose profuse, colo-rectale et parfois duodénale, avec un risque très élevé decancer.• La prise en charge repose sur une colectomie pro-phylactique à la fin de l’adolescence et une surveillanceendoscopique du reste du tube digestif.• Il existe des formes atténuées, moins sévères, liées soitau gène APC, soit au gène MYH. Ces dernières sont detransmission autosomique récessive.

Polyposes hamartomateusesUn hamartome est une prolifération excessive de cellules

normalement présentes dans l’organe intéressé. Les polypeshamartomateux du tube digestif contiennent ainsi des cellulesnormales provenant des différents tissus qui composent la paroidigestive, y compris un contingent stromal. Il ne s’agit donc pas àproprement parler d’une formation néoplasique mais d’une pro-lifération polyclonale. Ils représentent moins de 1 % des polypesrencontrés au cours des endoscopies digestives [6].

Les polyposes hamartomateuses sont des syndromes hérédi-taires rares (moins d’un sujet sur 100 000), de transmissionautosomique dominante, qui ont pour points communs :• des polypes hamartomateux du tube digestif ;• un surrisque de tumeurs carcinomateuses, digestives ou extra-

digestives, variable en fonction du syndrome considéré.

Trois syndromes sont bien identifiés : le syndrome de Peutz-Jeghers, la polypose juvénile et la maladie de Cowden.

Seuls les deux premiers sont responsables d’un surrisquede CCR. Ils sont en cause dans moins de 1 % de l’ensembledes CCR.

� Syndrome de LynchLe SL ou HNPCC est le syndrome de prédisposition héréditaire

aux CCR le plus fréquent [7, 8]. Sa transmission est autosomiquedominante. Sa prévalence en population générale est estimée àun sujet sur 2000 à 3000, ce qui en fait l’une des « maladiesgénétiques » les plus fréquentes, et le deuxième syndrome de pré-disposition héréditaire aux cancers après le syndrome sein/ovaire(mutation du gène breast cancer 1 [BRCA1] ou 2). Le SL est estiméresponsable de 3 % des CCR [9].

PhysiopathologieLe SL est lié à l’existence d’une mutation constitutionnelle de

l’un des gènes mismatch repair (MMR) : MLH1, MSH2, MSH6 ouPMS2. Une telle mutation est identifiée chez environ 80 % dessujets porteurs d’un SL. Les protéines MMR sont impliquées dansla réparation des erreurs de réplication de l’acide désoxyribo-nucléique (ADN). La survenue, dans une cellule d’un individuporteur du syndrome, d’une mutation du deuxième allèle dugène conduit à la perte de la protéine codée par ce gène. Ladéficience du système MMR ainsi provoquée induit, à chaqueréplication cellulaire, l’accumulation de mutations non répa-rées. Cette instabilité génétique génère l’activation d’oncogèneset l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs. Cette car-cinogenèse accélérée se traduit par des polypes adénomateuxrares, de petite taille, mais subissant une transformation malignerapide.

Les CCR survenant dans le cadre du SL ont un phénotype molé-culaire qui est la conséquence de cette instabilité génétique. Eneffet, ces erreurs de réplication de l’ADN sont particulièrementreprésentées dans des séquences du génome appelées micro-satellites, qui correspondent à des répétitions en tandem, engrand nombre, d’un motif de quelques nucléotides. L’observationd’anomalies de séquence des microsatellites tumoraux est appe-lée instabilité des microsatellites (IMS). Les tumeurs liées au SLprésentent également une perte d’expression de la protéine MMRen cause, détectable par l’immunohistochimie (IHC) de ces pro-téines. Plusieurs appellations équivalentes sont utilisées pourqualifier le phénotype moléculaire de ces tumeurs « instables »,résumées dans le Tableau 1. Ce phénotype d’instabilité génétiquen’est pas spécifique des tumeurs développées dans le cadre du SL.Il est en effet observé dans 15 % de l’ensemble des CCR. Parmices 15 %, 3 % sont liés au SL et le reste correspond à des CCRsporadiques (non héréditaires) dont la carcinogenèse est carac-térisée par une inactivation somatique (non constitutionnelle)du gène MLH1 (par hyperméthylation de son promoteur). Cestumeurs sporadiques ont donc une IMS et une perte d’expressionde MLH1.

L’ensemble des CCR avec ce phénotype d’instabilité génétiquepartage des caractéristiques anatomocliniques, inconstantes maisévocatrices, détaillées dans le Tableau 1.

Présentation clinique et diagnosticLes sujets porteurs d’un SL ne présentent aucun phénotype

prémorbide particulier, colique ou extracolique. Il n’y a pas depolypose colorectale, comme en rend compte l’autre nom de cesyndrome, également appelé HNPCC.

Le « spectre » tumoral du syndrome est représenté, au premierplan, par les CCR et les cancers de l’endomètre, dans une moindremesure ceux de l’ovaire. Les autres cancers sont beaucoup plusrares et affectent au plus 1 à 3 % des sujets : intestin grêle, voiesurinaires excrétrices, estomac, pancréas, voies biliaires, encéphale(glioblastomes), tumeurs cutanées (adénomes sébacés et kéra-toacanthomes) [7, 10]. Le Tableau 2 résume les principaux risques

EMC - Gastro-entérologie 3

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)

Page 4: 4

9-068-M-10 � Polyposes et cancers colorectaux familiaux

Tableau 1.Principales caractéristiques des CCR avec instabilité génétique liée à la déficience du système MMR, par opposition aux autres CCR.

Tumeurs « instables » Tumeurs « stables »

Pourcentage des CCR 15 % (dont 3 % : syndrome de Lynch) 85 %

Dénominations utilisées MSI ou MSI+ MSS ou MSI–

RER+ RER–

dMMR pMMR

Caractéristiques moléculairescorrespondantes

Instabilité des microsatellites de l’ADN tumoral (biologiemoléculaire)

Absence d’instabilité des microsatellitesde l’ADN tumoral

Perte d’expression d’une protéine MMR (immunohistochimie) Maintien de l’expression de toutes lesprotéines MMR

Caractéristiques anatomopathologiquesfréquentes

Caractéristiques anatomopathologiques fréquentes maisinconstantes, dans les tumeurs « instables » (que leur origine soithéréditaire ou sporadique) : infiltration lymphocytaire ; réactionlymphocytaire Crohn-like ; différenciation mucineuse, médullaire ;cellules en « bague à chaton »

CCR : cancer colorectal ; MMR : mismatch repair ; MDI : microsatellite instability ; RER : replication error ; dMMR : deficient MMR ; pMMR : proficient MMR ; MSS : microsatellitestability ; ADN : acide désoxyribonucléique ; MSI : « microsatellites instables ».

Tableau 2.Risques tumoraux dans le SL et modalités de surveillance recommandées (d’après [7, 8, 10, 11]).

Organe Estimation du risque cumulé (%) Surveillance recommandée

Côlon et rectum 35–60(risque plus faible pour les mutations de MSH6)

À partir de 20–25 ans, tous les 2 ans (tous les ansaprès un premier CCR)Coloscopie complète avec coloration à l’indigocarmin (chromoendoscopie)

Endomètre 30–40(risque maximal pour les mutations de MLH1)

À partir de 30 ans, tous les 1 à 2 ansExamen gynécologiqueÉchographie endovaginaleBiopsies endométriales (pipelle Cornier)Dosage du CA125 (non consensuel)

Voies urinaires excrétrices (uretères, bassinet ;vessie exclue)

< 5 Pas de consensusSurveillance d’une hématurie par bandeletteurinaire annuelle proposéeDans les familles avec antécédent de cancerurothélial, échographie des voies urinaires et culoturinaire annuels

Ovaires 5–10 Surveillance couplée avec celle de l’endomètre

Estomac (adénocarcinome) 1–2 Gastroscopie recommandée au moins une fois dansl’existence avec recherche (et éradication le caséchéant) d’Helicobacter pyloriPoursuite de la surveillance : non consensuelle

Intestin grêle (adénocarcinome) < 5 Pas de consensus

Pancréas et voies biliaires < 5 Pas de consensus

Peau : adénomes sébacés, kératoacanthomes(syndrome de Muir-Torre)

Rare Pas de consensus

Encéphale (syndrome de Turcot [CCR + tumeurcérébrale])

Rare Pas de consensus

SL : syndrome de Lynch ; CCR : cancer colorectal.

tumoraux dans le SL et les mesures de dépistage correspondantesrecommandées (d’après [7, 8, 10, 11]). La raison pour laquelle les can-cers liés à ce syndrome affectent plus spécifiquement la sphèrecolorectale et gynécologique n’est pas connue.

La définition clinique du syndrome repose sur l’agrégation,dans une famille, de cancers du « spectre » Lynch, survenant à desâges inhabituellement jeunes. Cependant, ces critères cliniquesdiagnostiques évoluent au fil des ans pour être de moins en moinsrestrictifs. En effet, les études les plus récentes ont montré que,bien que le risque tumoral (pénétrance) reste majeur (le risquecumulé de cancer à 70 ans, tous sites confondus, est de 45 %chez l’homme et 54 % chez la femme [10]), celui-ci est inférieuraux estimations anciennes. De même, l’âge de survenue de cescancers est de 62 ans en moyenne pour le premier CCR, et nonde 40 ans [12]. Compte tenu de la petite taille des familles occi-dentales, le diagnostic de SL n’est donc pas toujours évident. Le

Tableau 3 représente les différents critères diagnostiques utilisésdans le SL [7, 9, 13–16]. La Figure 2 représente la stratégie diagnostiquela plus utilisée en France (d’après [13]).

La pierre angulaire du diagnostic du SL est la mise en évidence,sur le tissu tumoral, de la déficience du système MMR, c’est-à-diredu phénotype « microsatellites instables » MSI+ (replication error[RER+], ou deficient mismatch repair [dMMR]). Deux méthodes, réa-lisées par l’anatomopathologiste, permettent la mise en évidencede ce phénotype :• la recherche d’IMS est la méthode de référence, puisque toutes

les tumeurs liées au SL sont, par définition, « instables ». Il s’agitd’une technique bien standardisée mais qui nécessite un pla-teau technique de biologie moléculaire ;

• l’IHC des protéines MMR, utilisant des anticorps dirigés contreles protéines MMR. Elle est positive (anormale) en cas de perted’expression d’une protéine MMR dans les cellules tumorales.

4 EMC - Gastro-entérologie

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)

Page 5: 4

Polyposes et cancers colorectaux familiaux � 9-068-M-10

Tableau 3.Critères cliniques diagnostiques pour l’identification du SL (d’après [7, 9, 13–16]).

Critères diagnostiques Remarques

Critères d’AmsterdamTous les critères suivants doivent être remplis :– au moins trois cas de cancers colorectaux (Amsterdam I) ou decancers du « spectre » Lynch a (Amsterdam II) dans une famille– ces cas sont liés au 1er degré entre eux et répartis sur au moinsdeux générations– au moins un cas est survenu avant 50 ans– une polypose adénomateuse a été exclue

Il s’agit des critères historiques de diagnostic du SLCes critères sont trop restrictifs puisqu’ils ne sont retrouvés que chez 30–35 % desfamilles avec SL [7, 9]. La présence des critères d’Amsterdam dans une famille imposeune consultation d’oncogénétique, mais la faible sensibilité de ces critères ne permetpas leur usage à visée diagnostique

Critères de Bethesda (révisés)Un seul des critères suivants suffit :– patient atteint de CCR avant l’âge de 50 ans– présence, chez le même patient, de deux cancers métachronesou synchrones du « spectre » Lynch a, quel que soit l’âge desurvenue– patient présentant, avant l’âge de 60 ans, un CCR d’histologieévocatrice b de tumeur avec instabilité microsatellitaire– patient atteint d’un cancer du « spectre » Lynch a et ayant unantécédent familial au 1er degré de CCR diagnostiqué avant l’âgede 50 ans– patient atteint d’un CCR et présentant deux ou plus de deuxantécédents familiaux, au 1er ou 2e degré, de cancers du« spectre » Lynch a, quel que soit l’âge de survenue

Ces critères ont été créés pour améliorer le diagnostic du SLIls sont peu spécifiques puisque présents chez approximativement 20 % des patientsavec CCR. Leur positivité doit faire rechercher le phénotype tumoral d’instabilitémicrosatellitaireLa recherche de mutation constitutionnelle d’un gène MMR n’est alors proposée qu’encas de phénotype tumoral d’instabilité microsatellitaireLa sensibilité de ces critères est meilleure que celle des critères d’Amsterdam mais ellereste imparfaite, de l’ordre de 75–80 % dans les dernières études [14, 15]

La principale critique à l’égard de ces critères est leur complexitéL’usage de ces critères reste recommandé dans la dernière conférence de consensuseuropéenne [7]

Critères élargis (exemples)– critères francais simplifiés : patient avec CCR avant 60 ans ouavec un antécédent personnel ou familial au 1er degré de CCR (oude cancer du « spectre ») (d’après [13])– critères de Jérusalem : patient présentant un CCR avant70 ans [16]

– critères de Moreira : patient avec CCR avant 70 ans et l’un descritères de Bethesda [9]

La sensibilité insuffisante des critères de Bethesda a conduit certaines équipes àproposer des critères élargis et simplifiés afin d’en faciliter la mise en œuvre. Laprésence de ces critères, comme pour ceux de Bethesda, doit faire rechercher lephénotype tumoral d’instabilité microsatellitaire

SL : syndrome de Lynch ; CCR : cancer colorectal ; MMR : mismatch repair.a Spectre tumoral du SL : côlon–rectum, endomètre, intestin grêle, voies urinaires excrétrices (vessie exclue), ovaire, estomac, voies biliaires, pancréas, glioblastomes,adénomes sébacés, kératoacanthomes.b Caractéristiques anatomopathologiques des tumeurs avec instabilité microsatellitaire : cf. Tableau 1.

Sujet présentant un cancer colorectal

Âge < 40 ans au diagnosticOu critères d'Amsterdam (3 cas liés au1er degré de CCR ou d'autres cancersdu « spectre »*, dont 1 avant 50 ans)

Âge < 60 ans au diagnosticOu antécédent personnel ou familial au1er degré de CCR ou d'un autre cancer

du « spectre »

Consultation d'oncogénétique Arrêt

Test « RER » ou « MSI »Recherche du phénotype d'instabilitémicrosatellitaire sur le tissu tumoral

+ –

Figure 2. Arbre décisionnel. Stratégie d’identification du syn-drome de Lynch (d’après [13]). CCR : cancer colorectal ; RER :replication error ; MSI : « microsatellites instables » ; astérisque :« spectre » tumoral « étroit » : côlon–rectum, endomètre, intes-tin grêle, voies urinaires excrétrices, ovaire.

Cette technique offre l’avantage de guider le test génétiquepuisqu’elle identifie la protéine MMR déficiente. Elle peut êtreréalisée dans tout laboratoire d’anatomopathologie, à condi-tion que sa mise en œuvre soit rigoureuse et qu’elle soit lue parun pathologiste expérimenté.Ces deux techniques ont chacune des avantages et inconvé-

nients propres, mais leur spécificité est excellente et leur taux deconcordance élevé, supérieur à 90 %. Par conséquent l’une, l’autreou les deux conjointement peuvent être utilisées pour faire lediagnostic de CCR de phénotype MSI+ [7].

Du fait de ces difficultés d’identification, le SL est actuelle-ment sous-diagnostiqué. En France, sur les 40 000 cas de CCRannuels, 1000 à 1500 seraient attribuables au SL. Or, seuls 200 à300 cas index sont identifiés chaque année comme porteurs d’unemutation d’un gène MMR [1]. Ainsi, moins du quart des patients

présentant un CCR lié au SL serait identifié chaque année. Quelleque soit la stratégie utilisée, elle doit être appliquée de la faconla plus rigoureuse possible afin d’optimiser l’identification des casde SL.

Principes de prise en chargeLa prise en charge des patients atteints de SL fait l’objet de

recommandations régulièrement mises à jour [7, 11, 17] et qui sontrésumées dans le Tableau 2. Seule la prise en charge du risquede CCR est consensuelle. La prise en charge du risque de can-cer gynécologique (endomètre, ovaire) reste mal codifiée. Aucunerecommandation ne peut être formulée pour les autres risquestumoraux.

EMC - Gastro-entérologie 5

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)

Page 6: 4

9-068-M-10 � Polyposes et cancers colorectaux familiaux

“ Point fort

• L’identification des familles atteintes de SL est difficilecar la présentation clinique et généalogique du syndromen’est pas toujours typique.• La pierre angulaire de l’identification du SL est la miseen évidence du phénotype d’IMS dans le tissu tumoral. Cephénotype n’est pas propre aux CCR liés au SL, mais il esttoujours présent dans les CCR liés au SL.• Le diagnostic de certitude repose sur la recherche demutation constitutionnelle d’un gène MMR, proposée aupatient dans le cadre d’une consultation d’oncogénétique.Cette recherche est proposée en cas de phénotype d’IMStumorale.• La recherche du phénotype d’IMS dans le tissu tumoralest proposée chez un patient atteint de CCR dès lors qu’ila : moins de 60 ans au diagnostic, ou au moins un anté-cédent personnel ou familial au premier degré de CCR oud’un autre cancer du « spectre » tumoral du Lynch. Cescritères de sélection restent cependant débattus.

Prise en charge du risque digestifLa prise en charge du risque colorectal repose sur la surveillance

coloscopique. L’efficacité d’une telle surveillance a été démontréepar plusieurs études, avec une diminution du risque de CCR etde la mortalité spécifique et globale, de l’ordre de 60 %, chez lespatients porteurs d’un SL soumis à une surveillance coloscopiquerégulière, comparés à ceux ne suivant pas une telle surveillance.De plus, le stade tumoral est plus faible au diagnostic chez lespatients surveillés [18, 19]. Un intervalle court de 1 à 2 ans entre deuxcoloscopies améliore encore ces résultats [20].

La coloscopie a un rôle de diagnostic précoce des cancers etde résection des adénomes. La transformation rapide en CCR desadénomes de petite taille dans ce syndrome impose un rythmecoloscopique soutenu, si l’on ne veut pas prendre le risque de voirse développer des cancers d’intervalle. Une coloration à l’indigocarmin est recommandée (chromoendoscopie) car elle double letaux de détection des adénomes [21]. Tout doit être également misen œuvre pour optimiser la qualité de la préparation colique. Lasurveillance coloscopique débute vers l’âge de 20 à 25 ans, avecune coloscopie tous les 18 à 24 mois, sans excéder cet intervalle [11].

L’alternative à la surveillance coloscopique est la chirurgieprophylactique (colectomie et éventuellement proctectomie).Celle-ci n’est pas recommandée du fait de la performance élevéede la surveillance endoscopique bien conduite [17]. Cependant, ils’agit d’une option à discuter avec le patient en cas de mauvaiseadhérence au suivi ou lors du traitement chirurgical d’un pre-mier CCR, au cours duquel la totalisation de la colectomie peutêtre proposée.

L’intérêt d’une chimioprophylaxie reste débattu dans le SL. Laseule étude positive (Colorectal Adenoma/Carcinoma PreventionProgramme 2 [CAPP2]) à ce jour concerne l’aspirine à fortes doses(600 mg/j), qui a démontré un effet protecteur sur l’incidencedu CCR dans le SL. La question de l’efficacité sur le long termeet de la dose minimale efficace reste posée [22]. Une telle chimio-prophylaxie ne peut se substituer à la surveillance endoscopiqueintensive.

Prise en charge du risque gynécologiqueLa surveillance du risque de cancer endométrial et ovarien dans

le SL est moins codifiée. Une surveillance gynécologique débutantà l’âge de 30 ans, sous forme d’un examen gynécologique et d’uneéchographie pelvienne endovaginale est recommandée. La réalisa-tion de biopsies endométriales systématiques est conseillée [11, 17].

De facon alternative, une chirurgie prophylactique (hystérecto-mie totale ± annexectomie bilatérale) peut être envisagée au cas

par cas, chez une patiente demandeuse et après accomplissementdu projet parental [17]. Une telle chirurgie réduit bien sûr de facondrastique le risque de cancer gynécologique [23], mais cette attituden’a jamais été comparée à une surveillance correctement menée.

“ Point fort

• La prise en charge du risque colique chez les sujetsatteints de SL repose sur une coloscopie complète tousles deux ans, à partir de 20 à 25 ans, avec coloration àl’indigo carmin.• La prise en charge du risque gynécologique (cancers del’endomètre et ovarien) repose sur une surveillance à partirde 30 ans. De facon alternative, une chirurgie prophylac-tique peut être proposée chez une patiente demandeuseet après accomplissement du projet parental.• Les mesures de surveillance sont très efficaces dans leSL, ce qui justifie l’identification active des sujets porteurs.

Prise en charge des apparentésLorsqu’une mutation d’un gène MMR a été identifiée chez un

individu, le test prédictif présymptomatique (recherche de lamutation familiale) est proposé à ses apparentés à leur majorité,dans le cadre d’une consultation d’oncogénétique (le dépistagecoloscopique étant débuté à 20 à 25 ans chez les sujets porteurs).

Spécificités de prise en charge des cancerscolorectaux liés au syndrome de Lynch [24, 25]

Il existe une prise en charge spécifique des CCR de phénotypeRER (dMMR).

� Syndromes de prédispositionaux cancers colorectauxde déterminisme génétiqueencore inconnu

Il arrive qu’aucun des syndromes précités ne soit identifiédevant un CCR fortement suspect de prédisposition héréditaire.

� Références[1] Institut national du cancer. Synthèse de l’activité d’oncogéné-

tique 2010. 2011.[2] Vasen HF, Möslein G, Alonso A, Aretz S, Bernstein I, Bertario L,

et al. Guidelines for the clinical management of familial adenomatouspolyposis (FAP). Gut 2008;57:704–13.

[3] Institut national du cancer. La polypose associée aux mutationsbi-alléliques du gène MUTYH. 2011.

[4] Institut national du cancer. Chirurgie prophylactique dans lescancers avec prédisposition génétique : rapport sur la polypose adé-nomateuse familiale (PAF) et les polyposes associées à MYH.2009.

[5] Wallace MH, Lynch PM. The current status of chemoprevention inFAP. Fam Cancer 2006;5:289–94 [discussion 295-6].

[6] Manfredi M. Hereditary hamartomatous polyposis syndromes: unders-tanding the disease risks as children reach adulthood. GastroenterolHepatol 2010;6:185–96.

[7] Vasen HFA, Möslein G, Alonso A, Bernstein I, Bertario L, BlancoI, et al. Guidelines for the clinical management of Lynch syn-drome (hereditary non-polyposis cancer). J Med Genet 2007;44:353–62.

[8] Jasperson KW, Tuohy TM, Neklason DW, Burt RW. Hereditary andfamilial colon cancer. Gastroenterology 2010;138:2044–58.

6 EMC - Gastro-entérologie

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)

Page 7: 4

Polyposes et cancers colorectaux familiaux � 9-068-M-10

[9] Moreira L, Balaguer F, Lindor N, De la Chapelle A, Hampel H, Aalto-nen LA, et al. Identification of Lynch syndrome among patients withcolorectal cancer. JAMA 2012;308:1555–65.

[10] Bonadona V, Bonaïti B, Olschwang S, Grandjouan S, Huiart L,Longy M, et al. Cancer risks associated with germline mutationsin MLH1, MSH2, and MSH6 genes in Lynch syndrome. JAMA2011;305:2304–10.

[11] Institut national du cancer et FSMAD. Principales recommandationsde prise en charge des personnes porteuses d’une mutation d’un gèneMMR dans le syndrome de Lynch. 2009.

[12] Hampel H, Stephens JA, Pukkala E, Sankila R, Aaltonen LA,Mecklin JP, et al. Cancer risk in hereditary nonpolyposis colorec-tal cancer syndrome: later age of onset. Gastroenterology 2005;129:415–21.

[13] Olschwang S, Bonaïti C, Feingold J, Frébourg T, Grandjouan S, Las-set C, et al. Identification and management of HNPCC syndrome(hereditary non polyposis colon cancer), hereditary predisposi-tion to colorectal and endometrial adenocarcinomas. Bull Cancer2004;91:303–15.

[14] Hampel H, Frankel WL, Martin E, Arnold M, Khanduja K, KueblerP, et al. Screening for the Lynch syndrome (hereditary nonpolyposiscolorectal cancer). N Engl J Med 2005;352:1851–60.

[15] Julié C, Trésallet C, Brouquet A, Vallot C, Zimmermann U, MitryE, et al. Identification in daily practice of patients with Lynch syn-drome (hereditary nonpolyposis colorectal cancer): revised Bethesdaguidelines-based approach versus molecular screening. Am J Gastroen-terol 2008;103:2825–35 [quiz 2836].

[16] Boland CR, Shike M. Report from the Jerusalem workshop on Lynchsyndrome-hereditary nonpolyposis colorectal cancer. Gastroentero-logy 2010;138:2197e1–7.

[17] Institut national du cancer. Chirurgie prophylactique dans lescancers avec prédisposition génétique : rapport sur le syndromeHNPCC/Lynch. 2009.

[18] Järvinen HJ, Aarnio M, Mustonen H, Aktan-Collan K, Aaltonen LA,Peltomäki P, et al. Controlled 15-year trial on screening for colorec-tal cancer in families with hereditary nonpolyposis colorectal cancer.Gastroenterology 2000;118:829–34.

[19] De Jong AE, Hendriks MC, Kleibeuker JH, De Boer SY, CatsA, Griffioen G, et al. Decrease in mortality in Lynch syn-drome families because of surveillance. Gastroenterology 2006;130:665–71.

[20] Vasen HF, Abdirahman M, Brohet R, Langers AM, Kleibeuker JH, VanKouwen M, et al. One to 2-year surveillance intervals reduce risk ofcolorectal cancer in families with Lynch syndrome. Gastroenterology2010;138:2300–6.

[21] Brown SR, Baraza W. Chromoscopy versus conventional endoscopyfor the detection of polyps in the colon and rectum. Cochrane DatabaseSyst Rev 2010;(10):CD006439.

[22] Burn J, Gerdes AM, Macrae F, Mecklin JP, Moeslein G, Olschwang S,et al. Long-term effect of aspirin on cancer risk in carriers of hereditarycolorectal cancer: an analysis from the CAPP2 randomised controlledtrial. Lancet 2011;378:2081–7.

[23] Schmeler KM, Lynch HT, Chen L, Munsell MF, Soliman PT, Clark MB,et al. Prophylactic surgery to reduce the risk of gynecologic cancers inthe Lynch syndrome. N Engl J Med 2006;354:261–9.

[24] Gryfe R, Kim H, Hsieh ET, Aronson MD, Holowaty EJ, Bull SB, et al.Tumor microsatellite instability and clinical outcome in young patientswith colorectal cancer. N Engl J Med 2000;342:69–77.

[25] Sargent DJ, Marsoni S, Monges G, Thibodeau SN, Labianca R, Hamil-ton SR, et al. Defective mismatch repair as a predictive marker for lackof efficacy of fluorouracil-based adjuvant therapy in colon cancer. JClin Oncol 2010;28:3219–26.

Pour en savoir plusFiches de la FSMAD/GENMAD (Fédération des spécialistes des mala-

dies digestives/Groupe génétique des maladies digestives) pour laprise en charge des sujets génétiquement prédisposés aux cancersdigestifs. Accessibles en ligne à l’adresse suivante : www.snfge.com/01-Bibliotheque/0K-Conseils-pratique/conseils-pratique.asp.

Documents édités par l’Institut national du cancer sur l’oncogénétique, acces-sibles en ligne à l’adresse suivante : www.e-cancer.fr/soins/prises-en-charge-specifiques/oncogenetique. (Liste des consultationsd’oncogénétique. Rapport sur l’activité d’oncogénétique en Franceactualisé : recommandations de prise en charge des sujets prédisposés.Rapports sur les chirurgies prophylactiques chez les sujets prédisposésgénétiquement aux cancers).

Olschwang S, Eisinger F. Prédisposition héréditaire aux cancers : côlon,rectum, endomètre. Paris: John Libbey Eurotext; 2005. 152 p.

Boland CR, Goel A. Microsatellite instability in colorectal cancer. Gastroen-terology 2010 ;138:2073–87.

D. Bonnet ([email protected]).Service de médecine interne du pôle digestif, Centre hospitalier universitaire Purpan, place du Docteur-Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex 9, France.Consultation d’oncogénétique, Institut Claudius Regaud, 20-24, rue du Pont-Saint-Pierre, 31300 Toulouse, France.

R. Guimbaud.Consultation d’oncogénétique, Institut Claudius Regaud, 20-24, rue du Pont-Saint-Pierre, 31300 Toulouse, France.Service d’oncologie digestive, Centre hospitalier universitaire Purpan, place du Docteur-Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bonnet D, Guimbaud R. Polyposes et cancers colorectaux familiaux. EMC - Gastro-entérologie2015;10(4):1-7 [Article 9-068-M-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com

Arbresdécisionnels

Iconographiessupplémentaires

Vidéos/Animations

Documentslégaux

Informationau patient

Informationssupplémentaires

Auto-évaluations

Casclinique

EMC - Gastro-entérologie 7

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)

Page 8: 4

Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et

em-premium.com :

1 autoévaluation

Cliquez ici

4 informations supplémentaires Infosup 1

Indications de recherche de mutation du gène mutY homolog (MYH).

Cliquez ici

Infosup 2

Polyposes hamartomateuses.

Cliquez ici

Infosup 3

Spécificités de prise en charge des cancers colorectaux liés au syndrome de Lynch.

Cliquez ici

Infosup 4

Syndromes de prédisposition aux cancers colorectaux de déterminisme génétique encore inconnu.

Cliquez ici

© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)