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N°390/JANVIER 2005 <<< 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS Fanny Guibert et Perrine Vennetier. Robert Victoria, ingénieur DOSSIER CIGARETTE : ALIX/PHANIE Substances sous contrôle 53 suspects passés au crible Mieux vaut en manger moins 40 42 47 Émulsifiants, colorants, édulcorants, conservateurs… En scrutant la liste des ingrédients, difficile de ne pas tomber sur un ou plusieurs additifs. Leur utilisation suscite souvent de la méfiance. Alors, simples rumeurs ou inquiétudes justifiées ? vraies et fau- Dans les Paniers de Yoplait à 0 % de matière grasse à la fraise, on trouve du yaourt maigre, des fraises, du fructose, de la gélatine alimentaire, des arômes plus un conservateur du fruit – sorbate de potassium –, un colorant – E120 –, et deux édulco- rants – aspartame et acésulfame K. Ces quatre derniers éléments relèvent de la famille des additifs. Ils fleuris- sent sur la liste des ingrédients des spécialités laitières allégées en sucre ou en graisse, qui constituent désor- mais une grosse part du marché. Est-ce leur nom et leur numéro étrange ? Ces substances suscitent en tout cas la curiosité. Pour la satis- faire, nous proposons en supplément de ce numéro la liste actualisée des additifs. Mais ces derniers suscitent aussi des inquiétudes. La palme de la “rumeur increvable” revient sans doute au tract de Villejuif, dont on a commencé à parler en 1976, et sur lequel nous avons à nouveau été interrogés fin 2002 ! Il s’agit d’une liste de près de 200 substances dou- teuses soi-disant signalées par l’hô- pital de Villejuif. L’Institut Gustave- Roussy et l’Institut de recherche sur le cancer de Villejuif ont eu beau démen- tir et souligner notamment que l’E330 (acide citrique présent en abondance dans les agrumes) ne saurait être “très dangereux”, rien n’y fait. Suspicion, quand tu nous tiens ! Par ailleurs, une étude scientifique a émis l’hypothèse, en 1996, d’un lien entre la consommation d’aspartame et des tumeurs au cerveau. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a conclu en mai 2002 qu’aucun lien entre les deux n’était pour l’instant démontré. Mais, là encore, nous continuons à recevoir des courriers. Tout est-il pour autant rose dans l’univers des additifs ? Non, et l’on peut se poser des questions sur leur utilité, sur leur évaluation, sur le contrôle des industriels et sur les conséquences de la consommation régulière de toutes ces substances. Additifs

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N°390/JANVIER 2005 <<< 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS

Fanny Guibert et Perrine Vennetier.

Robert Victoria, ingénieur

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ALIX

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Substances sous contrôle53 suspects

passés au cribleMieux vaut

en manger moins

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Émulsifiants, colorants, édulcorants,conservateurs… En scrutant la listedes ingrédients, difficile de ne pastomber sur un ou plusieurs additifs.Leur utilisation suscite souvent de la méfiance. Alors, simples rumeursou inquiétudes justifiées ?

vraies et fau-

Dans les Paniers de Yoplait à 0 % dematière grasse à la fraise, on trouvedu yaourt maigre, des fraises, dufructose, de la gélatine alimentaire,des arômes plus un conservateur dufruit – sorbate de potassium –, uncolorant – E120 –, et deux édulco-rants – aspartame et acésulfame K.Ces quatre derniers éléments relèventde la famille des additifs. Ils fleuris-sent sur la liste des ingrédients desspécialités laitières allégées en sucreou en graisse, qui constituent désor-mais une grosse part du marché. Est-ce leur nom et leur numéroétrange ? Ces substances suscitenten tout cas la curiosité. Pour la satis-faire, nous proposons en supplémentde ce numéro la liste actualisée desadditifs. Mais ces derniers suscitentaussi des inquiétudes. La palme dela “rumeur increvable” revient sansdoute au tract de Villejuif, dont on acommencé à parler en 1976, et surlequel nous avons à nouveau étéinterrogés fin 2002 ! Il s’agit d’uneliste de près de 200 substances dou-

teuses soi-disant signalées par l’hô-pital de Villejuif. L’Institut Gustave-Roussy et l’Institut de recherche sur lecancer de Villejuif ont eu beau démen-tir et souligner notamment que l’E330(acide citrique présent en abondancedans les agrumes) ne saurait être“très dangereux”, rien n’y fait.

Suspicion, quand tu nous tiens !Par ailleurs, une étude scientifique aémis l’hypothèse, en 1996, d’un lienentre la consommation d’aspartameet des tumeurs au cerveau. L’Agencefrançaise de sécurité sanitaire desaliments (Afssa) a conclu en mai 2002qu’aucun lien entre les deux n’étaitpour l’instant démontré. Mais, làencore, nous continuons à recevoirdes courriers. Tout est-il pour autantrose dans l’univers des additifs ? Non,et l’on peut se poser des questionssur leur utilité, sur leur évaluation,sur le contrôle des industriels et surles conséquences de la consommationrégulière de toutes ces substances.

Additifs

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sses inquiétudesalimentaires:

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Notre alimentation est de plus en plus composéed’aliments transformés, qui intègrent presque toujoursun ou plusieurs additifs. On s’attend à en trouver dansles bonbons, surtout à l’intérieur des boîtes fantaisie,

mais les produits bio peuvent égalementen contenir.

DÉCRYPTER LES ÉTIQUETTES

Des bonbons de toutes les couleurs Les bonbons contiennent presque toujours beaucoupd’additifs. Pas moins de treize, dont huit colorants, un acidifiant, un gélifiant, deux agents d’enrobage et un correcteur d’acidité, dans cette boîte Haribo.

Lentilles biologiques avec épaississant

Il existe une liste spécifique d’additifsautorisés pour les produits

biologiques. Elle compte environ une trentaine de substances.

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ALIMENTATIONDOSSIER

but technologique : éviter le ran-cissement des graisses, rehaus-ser le goût d’un plat préparé,mais aussi empêcher la mayon-naise de “retomber”, ou faciliterla dissolution d’une purée en flo-cons. En théorie donc, l’additifdoit se révéler utile.Il est également sommé demontrer patte blanche. La

réglementation fonctionne surle principe d’une liste “posi-tive” : seuls les additifs autori-sés pourront être ajoutés dansles produits alimentaires. Pourêtre inscrit sur cette liste, quicompte quelque 360 membres,un nouvel additif doit passerune batterie de tests. Le volettoxicologique est particulière-

“Arôme” : voilà la seule précision à laquelle leconsommateur a le plus souvent droit. Contrairementaux additifs, en effet, la réglementation n’oblige pas les fabricants à mentionner sur l’emballage quellesubstance aromatisante a été ajoutée à leurs produits. Contrairement aux additifs, ensuite, il n’existe pas pour les arômes de liste “positive”des arômes autoriséscommune aux payseuropéens. Contrairementaux additifs, enfin, les plusde 3 000 arômes encirculation dans notrealimentation n’ont pas étépassés au crible d’étudestoxicologiques rigoureuses.Toutefois, la situation est entrain de changer. Suite à une directive européenne

datant de 2000, l’évaluationscientifique de cessubstances est en cours pourétablir l’absence de risquessanitaires. Elle s’appuie surla structure chimique descomposés et sur les niveauxde consommation attendusdans la population. Sonobjectif est de dresser uneliste des moléculesexplicitement autorisées. Unobjectif à long terme, puisqueces évaluations ne seront pasfinalisées avant 2006-2008.

3 500 ARÔMES EN LIBERTÉ

À QUOI SERVENT LES ADDITIFSLes additifs sontregroupés en vingt-quatre catégories enfonction de leur intérêttechnologique.

1• Les colorants : ilsrenforcent la couleur oupermettent d’en créerune spécifique.

2• Les conservateurs :ils ralentissent le développement desgermes indésirables de façon à prolonger ladurée de conservationdu produit.

3• Les antioxygènes ouantioxydants : ils pro-tègent les alimentscontre le vieillisse-ment. À la différencedes conservateurs, ilsagissent non pas surles micro-organismes,mais préviennent lesaltérations provoquéespar l’oxygène (commele rancissement desgraisses).

4• Les émulsifiants : ilspermettent de mainte-nir en un mélangehomogène des élé-

ments non miscibles,comme l’eau et l’huile.

5• Les sels de fonte :employés dans lesfromages fondus, ils assurent une répartition homogène des matières grasses et des autres compo-sants.

6• Les épaississants :ils donnent plus de“corps” à une prépara-tion liquide (comme unesauce, une crème…) enaugmentant sa viscosité.

7• Les gélifiants : ils vontplus loin que les épais-sissants puisqu’ils solidi-fient les préparationsliquides sous forme degel ou de gelée.

8• Les stabilisants : ilsmaintiennent les proprié-tés physico-chimiquesdes aliments, en évitant,par exemple, la transpi-ration de la charcuterie.

9• Les exhausteurs de goût : ils renforcent,sans les modifier, legoût ou l’odeur.

10• Les acidifiants : ils relèvent les alimentsd’une touche acide, et peuvent participer à leur conservation.

11• Les correcteursd’acidité : ils modifient,dans un sens ou dansl’autre, l’acidité.

12• Les antiagglomé-rants : ils évitent que les préparations en poudre ne s’agglutinent sous l’effet de l’humidité.

D’abord, ne pas nuire. Les 357 additifsalimentaires doivent démontrer qu’ils ne font pas courir de risques pour lasanté. La procédure fait l’objet d’unencadrement réglementaire précis.

Substances sous contrôle

Bien connus, les édulcorants ?L’aspartame et la saccharinesont sans doute parmi lesmembres les plus familiers dela grande tribu des additifsalimentaires. Mais pour leconsommateur, le décryptagede ces substances s’avère com-plexe. Car les indications fourniessur les emballages ne sont pasforcément explicites. Selon laréglementation, l’étiquetage doitindiquer la catégorie de l’addi-tif. Il doit aussi préciser sonnom, soit sous son numéro decode européen (E150a, parexemple), soit sous sa dénomi-nation usuelle (hydroxypropyl-

cellulose). Des noms qui éclai-rent rarement notre lanterne.Les additifs ne sont pasconsommés directement en tantqu’aliments. Ils ne constituentpas non plus des “ingrédients”,car ils n’ont pas de valeur nutri-tive. Ils n’appartiennent pas plusaux “arômes”, car ils ne sontpas employés pour créer dessaveurs ou des odeurs. Lesarômes sont d’ailleurs régis parune réglementation distincte(voir encadré ci-contre). Que sont alors les additifs ? Cesont des substances ajoutées enpetites quantités aux alimentslors de leur préparation, avec un

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ment important. Les tests doi-vent être menés chez l’animalsur au moins deux espèces, àcourt terme (90 jours pour lerat) et à long terme.En pratique, différentes dosesde l’additif sont administrées auxanimaux. On cherche à savoir sielles ne provoquent pas d’effetscancérigènes ou de malforma-tions des fœtus.

Une actualisationnécessaireOn examine également sonéventuelle toxicité et l’onrecherche la “dose sans effet”(DSE) en deçà de laquelle aucuneffet indésirable n’est enregis-tré sur l’espèce et le sexe le plussensible. Pour calculer la portionmaximale ingérable parl’homme, cette DSE est diviséepar 100. On obtient ainsi la DJA,dose journalière admissible. LaCommission européenne s’appuiealors sur la DJA pour inscrirel’additif sur la fameuse liste, enprécisant en quelles quantitéset dans quels aliments il pourraêtre utilisé. Notre consommationest-elle effectivement inférieureà la DJA ? En théorie, les limitesd’emploi fixées aux industriels

13• Les amidons modi-fiés : produits de modifi-cation de l’amidon natu-rels, ils jouent sur latexture. Le terme modi-fié ne renvoie pas à unemodification génétique.

14• Les édulcorants :ils apportent une saveursucrée.

15• Les poudres àlever : comme la levurechimique domestique,elles libèrent des gazqui accroissent le volu-me des pâtes.

16• Les antimoussants: ils limitent la forma-tion de mousse qui peutse former lorsque lafabrication d’un produitdemande une agitationintense.

17• Les agents d’enro-bage : appliqués en sur-face des aliments, ilsleur confèrent un aspectbrillant ou les protè-gent.

18• Les agents de trai-tement de la farine : ils sont ajoutés à la

farine ou la pâte pour améliorer leur qualitéboulangère.

19• Les affermissants :ils rendent croquantsles tissus des fruits etdes légumes ou les gardent fermes.

20• Les humectants : ilspréviennent le dessè-chement ou favorisentla dissolution des pré-parations en poudre.

21• Les séquestrants *: utilisés en particulier

dans les aliments enconserve, ils formentdes complexes chi-miques avec les ionsmétalliques.

22• Les enzymes* :Nombre d’entre ellessont utilisées lors de la fabrication des aliments, mais seulesdeux enzymes sontclassées comme desadditifs.

23• Les agents de char-ge : ils accroissent levolume des aliments,

sans augmenter de ma-nière significative leurvaleur énergétique.

24• Les gaz propulseuret gaz d’emballage : les premiers expulsentles aliments contenusdans des bombes(chantilly) ; les secondssont ajoutés dans leconditionnement (sac de salade préparée).

* Ces catégories n’apparaissentpas obligatoirement sur l’éti-quette du produit final. Certainsadditifs peuvent relever de plu-sieurs catégories.

!

Pourquoi n’interdit-on pas un additifqui peut induire un cancer chez le rat ?Il convient de distinguer deux types de produits cancérigènes. Il y a ceuxqui sont génotoxiques, c’est-à-dire qui portent atteinte aux gènes. Si un additif se révèle génotoxique lorsde l’évaluation, son dossier ne va pasplus loin. Mais il y a aussi des produitscancérigènes qui sont des promoteursde tumeurs, autrement dit qui favori-sent la multiplication de cellules déjàatteintes. On en trouve dans notre

environnement, dans notre alimentation. Avec ces produits,il est possible de définir une dose sans effet indésirable(DSE). On peut ensuite calculer une dose journalière admis-sible (DJA) et autoriser un additif avec des conditions d’em-ploi qui doivent garantir le non-dépassement de cette DJA.C’est le cas de l’érythrosine en Europe (voir page 43).

Pourquoi les colorants azoïques font-ils si peur ? Leur structure chimique impose d’être prudent. De plus,certains ont été interdits par le passé, car ils étaient géno-toxiques. Mais dans le cas de la tartrazine, par exemple (voir page 43), c’est la présence d’impuretés qui peut être àl’origine de risques de cancers. Le comité Additifs de l’Afssaa ainsi récemment souhaité que l’on se rapproche des seuilsaméricains, plus sévères en matière de pureté.

ÉVALUER LE RISQUE DE CANCERS

Gérard Pascal est membre du comité “Additifs alimentaires,arômes, auxiliairestechnologiques” de l’Afssa.

QUESTIONS ÀGérard Pascal

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DR

– « Vous n’ajouterez pas plusde 4 mg d’acide borique (E284)par kilo de caviar » – sont défi-nies dans cette optique. Lesscientifiques considèrent quetous les additifs sont présentsdans tous les aliments où ilspeuvent l’être, dans les quanti-tés maximales autorisées.Selon ce “scénario du pire”, lagrande majorité des additifs estconsommée en quantité infé-rieure à la DJA. Mais des éva-luations complémentaires s’im-posent pour une quinzained’additifs – dont les sulfites etles nitrites. Car les consomma-tions évoluent, des additifs sontutilisés pour de nouveaux pro-duits… Il est donc nécessaire devérifier l’adéquation entre laDJA et la quantité réellementingérée. Cette étude est réali-sée en France par l’Observatoiredes consommations alimen-taires de l’Afssa. Son respon-sable, Jean-Luc Volatier sou-ligne que « l’établissement del’absorption réelle de ces addi-tifs donnera les éléments pourcommencer un vrai suivi dansle temps de la consommationdes additifs. Car, pour l’instant,on manque de données ».

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ALIMENTATIONDOSSIER

« Un colorant allergisant dansdes potions Harry Potter »,titrait le Figaro en mars 2004.« De nombreux additifs se révè-lent nocifs pour notre santé »affirme le Pr. DominiqueBelpomme dans « Ces mala-dies créées par l’homme »,paru l’an dernier. Dans de nom-breux livres ou articles, desadditifs sont mis en cause. Nousavons procédé à leur recense-ment à travers une revue depresse des dernières années etnous avons collecté une cin-quantaine de noms. Les cri-tiques à leur égard sont-ellesjustifiées ? La réponse n’est pasfacile, car il faut compter avec lesquerelles d’experts.

Des additifs évaluéspar un comitéNous avons choisi de deman-der l’avis de quatre scienti-fiques, membres du comité“Additifs, arômes et auxiliairestechnologiques” de l’Agencefrançaise de sécurité sanitaire desaliments (Afssa). En l’occur-rence, madame DominiqueParent-Massin, toxicologue etprésidente de ce comité,madame Gisèle Kanny, allergo-logue clinicienne, monsieurFrançois Arsac, pharmacien, etmonsieur Gérard Pascal, nutri-tionniste et toxicologue. Ce comité de l’Afssa est l’ins-tance d’évaluation nationale desadditifs. Ses membres exami-nent les dossiers présentés parles professionnels et émettentdes avis. Mais des évaluationssont aussi faites au niveau euro-

53 suspects passés au

Des travauxd’harmonisa-tion sont tou-tefois menéspour éviter aumaximum des divergencesd’opinions injustifiées. Dans cecontexte, les quatre experts del’Afssa que nous avons consul-tés nous font profiter de leurconnaissance du sujet, à jourdes dernières études en lamatière. De plus, leurs explica-tions permettent souvent decomprendre à partir de quoi lasuspicion a pu se développer.C’est ainsi que l’on découvriraà plusieurs reprises dans la listeci-après que des études sur le ratont permis de déceler des pro-blèmes, mais que de nouvellesdonnées ont permis de préci-ser qu’ils étaient spécifiques aurat et non retrouvés chez lesautres animaux ou chezl’homme. Enfin, nos experts nebaignent pas dans la certitude,et ils nous ont aussi fait part deleurs interrogations.

Nous avons recensé cinquante-trois additifs qui ont suscité rumeurs etinquiétudes au cours des années écoulées. Nous avons demandé à unjury d’experts de nous aider à faire le point sur leurs dangers éventuels.

Produitsallégés

Les produitsallégés, qui se sont fortementdéveloppés, ontrendu célèbres les édulcorantsintenses, comme

l’aspartame(E951) et lasaccharine

(E954).

ÉDULCORANTS

MÉFIANCE SURL’ASPARTAME

L’aspartame (E951) Une étude publiée en 1996

dans une revue internationalede neurologie a émis l’hypo-thèse d’un lien entre l’augmen-tation des tumeurs du cerveauaux États-Unis à partir desannées 80 et la commercialisa-tion de l’aspartame à la mêmeépoque. Cette étude a été trèscritiquée sur le plan méthodo-logique et, depuis, de nom-breuses autres ont conclu àl’absence de lien. Des plaintesconcernant la survenue decéphalées ont été enregistrées,mais aucune relation n’a pu êtremise en évidence.Certaines études suggèrent unerelation entre une consommationélevée d’aspartame et le déclen-chement de crises d’épilepsie.Les données sont contradic-toires chez le singe. Chez l’être IL

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péen, par l’Agence européennede sécurité des aliments, et auniveau international par le Jecfa(Joint Expert Commitee on FoodAdditives). Ces comités sontcomposés de membres possé-dant des compétences complé-mentaires (biochimistes, phy-siologistes, toxicologues,nutritionnistes, généticiens).Ces experts nommés à titrepersonnel doivent remplir desdéclarations afin d’évaluer leurdegré d’indépendance vis-à-visdes dossiers abordés. Au sein d’une même instance, lesdiscussions peuvent être ser-rées en raison d’appréciationsdivergentes entre les experts.Mais on peut aussi constaterdes différences entre comités.Ainsi l’agence américaine a fixéà 0,3 mg par kilo de poids cor-porel et par jour la dose jour-nalière admissible (DJA) pourle néotame. Elle s’est basée surles effets de ce nouvel édulco-rant sur le développement depetits rats, en constatant qu’ilsavaient besoin de plus de tempspour apprendre à nager.

Rat et homme : desréactions diversesLe comité européen, lui, aestimé que ce retard venait dufait que les rats étaient pluspetits à la naissance, leursmères qui n’avaient pas aiméle goût sucré de l’édulcorants’étant moins nourries durant lagestation. Il a donc établi uneDJA de 2 mg par kilo et parjour, sur la base d’un effetmoins sensible.

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humain, elles suggèrent des casd’épilepsie chez des individushypersensibles à l’aspartame ouà l’un des produits formés lors desa digestion par l’organisme.Mais de nombreux autres scien-tifiques qui ont mené des étudessur les animaux et l’hommecontestent ces conclusions. Surl’emballage des produits inté-grant de l’aspartame, les fabri-cants doivent apposer la men-tion « contient une source dephénylalanine » destinée auxpersonnes souffrant de phényl-cétonurie (maladie génétique).

La saccharine (E954)La saccharine est autori-

sée dans l’Union européenne etinterdite aux États-Unis. De quoifaire naître des suspicions ! Enfait, les experts américains sesont basés sur une étude toxi-cologique des années 70, danslaquelle des rats avaient déve-loppé des cancers des voies uri-naires. En 1995, l’Union euro-péenne a examiné de nouvelles

un renforcement des critères depureté. Par ailleurs, une ré-cente étude montre que seu-lement une personne sur centdeux ayant attribué une urti-caire ou un œdème aigus à latartrazine l’a reconnue commecause réelle lors de tests parprovocation orale. Des réactions ont aussi étéobservées chez des personnesà la fois asthmatiques et into-lérantes à l’aspirine. Mais selon

le professeur GisèleKanny, ces réactions àla tartrazine sont davan-

crible

L’allergie est unehypersensibilité qui fait intervenir le systèmeimmunitaire, c’est-à-dire l’ensembledes celluleschargées d’assurerla défense del’organisme. Après une première phase de sensibilisation, le corps réagitsystématiquementlorsqu’il est enprésence de

l’allergène. Lesréactions sont :eczéma, urticaire,asthme, rhinite,œdème et– manifestationextrême – le chocanaphylactique(défaillancecardiaque, chute detension). L’intoléranceest aussi unehypersensibilité, mais elle ne fait pasintervenir le systèmeimmunitaire. La différence avec

l’allergie n’est pastoujours évidente, car les réactions del’organisme sontsemblables (eczéma,urticaire, rhinites…)D’où l’importanced’un bilan précispour éviter dequalifier à tort uneréaction d’allergie,les conséquences entermes de régime etde traitement n’étantpas les mêmes. Environ 3,5 % de la population en

général, et 8 % des enfants, ont des allergiesalimentaires. Parmiles principauxallergènes, on peutciter l’arachide, l’œuf,le lait… Quant auxallergies aux additifs,elles sont très rares,représentant entre0,03 et 0,15 % descas selon un rapportde l’Agence françaisede sécurité sanitairedes aliments (Afssa)publié en 2002.

ALLERGIE ET INTOLÉRANCE

études toxicologiques montrantque ce n’est pas la saccharine,mais une molécule produite lorsde la digestion de la saccharinequi est à l’origine des cancers. Or,cette molécule est produite uni-quement chez le rat et non chezles autres espèces animalescomme, le chien, la souris ou…l’homme.

Le cyclamate et ses sels (E952)

En tenant compte d’une étudequi montrait une toxicité testi-culaire sur le rat au-delà d’unecertaine dose, le comité euro-péen a fixé, en 1985, une dosejournalière admissible (DJA)provisoire. Cette toxicité étaitdue à une molécule produite à partir du cyclamate nonabsorbé par l’intestin. En 2000,de nouvelles données chezl’homme ont montré que laquantité de cette molécule pou-vait être plus importante chezcertains consommateurs. Ducoup, la DJA a été réduite, et il afallu aussi revoir à la baisse lesquantités autorisées dans lesaliments. C’est l’objet d’unedirective européenne en cours dediscussion qui doit réactualiserl’ensemble des autorisations.

COLORANTS

LES AZOÏQUESFONT PEURLa tartrazine (E102)

De nombreux effets ont étéattribués à la tartrazine

dans la littérature médicale :urticaire chronique, inhibitionde l’agrégation plaquettaire,asthme, angio-œdème, purpura(sang qui sort des vaisseaux),troubles gastro-intestinaux…Toutefois, ce colorant n’a jamaisdonné de cancers dans lesétudes sur les animaux, etaucune donnée chez l’hommen’est venue confirmer cesaccusations. Sa pureté esttoutefois un critèreessentiel de sécurité, caril faut éviter la présenceéventuelle d’amines aro-matiques primaires dontcertaines sont cancéri-gènes, selon le Centreinternational de recherchesur le cancer (CIRC).L’Agence française desécurité sanitaire des ali-ments (Afssa) a ainsi sou-haité récemment la réali-sation de contrôle sur lespréparations actuelles et

Haro sur le rouge

Plusieurs colorants rouges, commel’amarante (E123)utilisée dans les vins apéritifset spiritueux, ou l’érythrosine(E127), pour lescerises confites,font l’objet desuspicions.

tage liées à un état instable de lamaladie et elles ont quasiment disparugrâce à la meilleure maîtrise del’asthme obtenue avec les traite-ments corticoïdes. Dans la banquede données du Cercle d’investiga-tions cliniques et biologiques enallergie alimentaire, créée en 1993 àNancy, on ne trouve qu’une seuleobservation d’intolérance à la tar-trazine sur un total de 703 allergies ouintolérances confirmées par tests deprovocation. De plus, aucun accidentà la tartrazine n’a été déclaré auréseau d’allergovigilance, créé en2001 pour recenser les accidents

CONSERVATEURS

DES NITRITESTOXIQUES

Le nitrite de potassium (E249) et le

nitrite de sodium (E250)Les nitrites sont utilisés dansles salaisons et les conservespour éviter le développement duClostridium botulinum, unmicro-organisme qui fabriqueune toxine mortelle à doseinfime. Grâce à leur emploi, lescas d’intoxication au bacillebotulique sont devenus trèsrares en France. Mais les nitritesont aussi des effets toxiquesconnus : modification de l’hé-moglobine du sang qui ne permetplus le transport de l’oxygène ; etformation avec les amines pré-sentes dans l’alimentation denitrosamines, qui ont un très forteffet cancérigène. La DJA a étéfixée de sorte que ces effets nepuissent pas apparaître auxconcentrations autorisées. LaCommission européenne anéanmoins proposé, fin 2004, deréduire les taux de nitrates etnitrites autorisés dans les produitsde viandes pour maintenir leniveau de nitrosamines aussifaible que possible.

L’orthophénylphénol(E231) et son sel de

sodium : l’orthophényl-phénate de sodium (E232)Ces conservateurs sont utilisésaprès récolte sur des fruits dontla partie externe n’est pas des-tinée à être consommée,comme lesagrumes et

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ALIMENTATION

L’amarante (E123)Des effets cancérigènes

ont été suspectés dans deuxpremières études, mais ilsétaient liés à la présence d’im-puretés. Des études plusrécentes ont prouvé qu’il n’yavait pas d’effets avec des colo-rants purs.

Le carmin de cochenille (E120)

Obtenu par broyat de larve decochenille, ce colorant

peut être à l’origined’allergie vraie : un

cas a été recensépar le Centre

d’investiga-tions cli-

niques etb i o l o -

giques en al-lergie alimentaire (CICBAA) de

Nancy. Les personnes aller-giques confirmées doivent traquersa présence sur les étiquettes, car il peut induire un choc ana-phylactique.

Autres colorants • Jaune orangé S (E110),

azorubine (E122), ponceau 4Rrouge cochenille (E124), noirbrillant BN (E151) : des casd’eczéma de contact ont étérapportés, avec une reprise encas d’ingestion de ces colo-rants azoïques. Ils ont égale-ment été incriminés dans despoussées d’urticaires et d’an-gio-œdèmes, mais ces faitsrestent peu documentés.• Curcumine : un seul cas d’ec-zéma de contact professionnela été rapporté.• Canthaxantine : il n’a pas étérépertorié de réaction allergique.

!

Nous assurons une permanencetéléphonique trois fois par semaine, et nous recevons beaucoup d’appels au sujet des additifs. Mais les additifsont bon dos. On suspecte facilement le bonbon ou l’ajout chimique malidentifié dans le biscuit. Mais si lespersonnes procèdent à de véritablestests allergologiques, les résultatssont négatifs. Une autre idée très

répandue est que les additifs ne sont pas étiquetés. Or, ils lesont. Certaines personnes nous sollicitent aussi pour savoirs’il vaut mieux acheter des produits issus de l’agriculturebiologique pour éviter les additifs. Nous devons réexpliquerque l’on est allergique à des protéines, par exemple auxprotéines de l’œuf. Que ce dernier soit bio ou pas ne changerien à l’affaire. En fait, il y a très peu de vraies allergies aux additifs. Il s’agit souvent d’intolérances. Des rougeurssurviennent après une surconsommation de bonbons, de sauces… Bref, d’aliments un peu trop chargés ; et il suffitde faire attention de ne pas les accumuler dans un mêmerepas ou une même journée. Il en va tout autrement pour les vraies allergies où le corps réagit systématiquement en présence de l’allergène.

« LES ADDITIFS ONT BON DOS »

Caroline Morice est présidente de l’Associationfrançaise des polyallergiques.

INTERVIEW DECaroline Morice

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Intolérance aux sulfites Les sulfites (E220 à E228)sont essentiellementprésents dans les vins, les fruits secs (abricots,raisins, prunes et figuesnotamment) mais aussidans les pommes deterre épluchées sousvide ou la moutarde.

graves (choc anaphylactique,angio-œdème et asthme aigugrave). Enfin, saisie par laCommission de la sécurité desconsommateurs au sujet de laprésence de tartrazine dans uncoffret de jeu Harry Potter,l’Agence française de sécuritésanitaire des aliments (Afssa)a estimé que même si lesenfants consommaient l’inté-gralité du sachet de poudre ducoffret, leur exposition restaitinférieure à la dose journalièreadmissible fixée pour cet addi-tif. L’Agence n’en a pas moinsincité à réévaluer le rapport uti-lité-risque du choix de ce colo-rant pour un jouet !

L’érythrosine (E127)L’érythrosine s’est révé-

lée cancérogène chez le rat(mais non génotoxique). Cettesubstance a également deseffets sur la thyroïde del’homme. On a donc déterminéune dose sans effet indési-rable, à partir de laquelle ladose journalière admissible(DJA) a été calculée.

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les bananes. Des atteintes à lavessie, avec évolution cancé-reuse possible chez les ratsmâles avaient été rapportées.Mais ces effets n’ont pas étéretrouvés chez les autresespèces animales et semblentspécifiques au rat.

L’anhydridre sulfureux(E220) et ses sels,

sulfites et bisulfites (E221à 228)Ces conservateurs font partiedes douze familles de produitsdont la présence va devoir êtresignalée sur tous les embal-lages alimentaires, en vertud’une directive entrée envigueur en novembre dernier.Leur mention est obligatoireau-delà d’une concentration de10 mg par litre ou par kilo-gramme. Motif : certaines per-sonnes y sont intolérantes. Ceserait le cas de 4 % des asth-matiques, chez lesquels ilspeuvent déclencher une crise.Mais l’intolérance peut aussi semanifester par un écoulementnasal, un larmoiement des yeuxou une toux. À l’hôpital deNancy, où 7 000 patients par anviennent consulter pour desallergies alimentaires, on ne sesouvient que d’un seul cas d’al-lergie vraie à des sulfites pré-sents dans les fruits confitsd’un cake industriel. Dans tous

les autres cas, il s’agit d’into-lérance sans conséquencegrave. « Les personnes concer-nées savent, par exemple,qu’elles ne peuvent pas boirede vin ou en très petite quan-tité, sous peine de se mettre àlarmoyer », commente le Pr.Gisèle Kanny.

Le lysozyme (E1105) Cet additif provient du

blanc de l’œuf. Les personnesallergiques à l’œuf peuvent doncaussi être allergiques au lyso-zyme, mais ce n’est pas systé-matique. Selon la banque dedonnées du CICBAA, 35 % despersonnes sensibilisées à l’œufle sont également au lysozyme.Il leur est alors recommandé desurveiller la présence d’œufdans les produits et d’éviter lesfromages, car le lysozyme estutilisé dans leur fabrication pourses propriétés bactéricides.Mais elles peuvent consommerdes fromages Appellation d’ori-gine contrôlée (AOC), comme lecomté, dans lesquels le lyso-zyme n’est pas autorisé.

L’acide benzoïque(E210) et ses sels,

les benzoates de sodium(E211) de potassium (E212)et de calcium (E213)L’acide benzoïque est présentà l’état naturel dans de nom-breux fruits comme les raisins,les myrtilles, les mûres et lesframboises. Avec ses sels, ilest utilisé à la fois commeconservateur et antioxydant,car ceux-ci empêchent le déve-loppement de levures et moi-sissures indésirables. Ils sont àl’origine d’intolérances qui semanifestent par un asthme,une urticaire ou un angiœ-dème. Ainsi, 3 % des patientsporteurs du syndrome deFernand Widal (qui associeasthme, polypose nasosinu-sienne et intolérance à l’aspirine)seraient sensibles aux ben-zoates. Des crises d’asthmes

ont aussi été observées aprèsabsorption de sodas contenant20 mg de benzoate par verre.Enfin, l’intolérance aux ben-zoates a été mise en évidencechez des patients souffrantd’urticaire chronique.

Acide sorbique (E200)et ses sels, le sorbate

de potassium (E202) et lesorbate de sodium (E203)Une urticaire de contact péri-buccale (petits boutons autour dela bouche) est possible.

EXHAUSTEURS DE GOÛT

LE SYNDROMEGLUTAMATE

L’acide glutamique(E620) et ses sels

(E621 à 625)Le glutamate monosodique(E621) a été mis en cause dansle “syndrome du restaurant chi-nois”. Ce dernier se traduit parl’apparition, quinze à trenteminutes après un repas de cui-sine asiatique, de trois manifes-tations principales : engourdis-sement à l’arrière du couirradiant progressivement dansles bras et le dos ; faiblessegénérale ; palpitations. Demanière moins fréquente, des

Conservation et couleur Les nitrites (E249, E250) sonttraditionnellement utilisés en charcuterie. Ils inhibent la croissance du germeresponsable du botulisme.

Ils confèrent aussiune couleur rose

stable au jambonqui, sinon,

serait grisverdâtre.

Du goût, toujours plus de goût Le glutamate (E620),

très utilisé dansles cuisinesextrême-orientales, estactuellement

l’exhausteur de goût le plus

utilisé : platscuisinés, potages

déshydratés,sauces…

céphalées, nausées,vomissements, étourdissementset fourmillement ont aussi éténotés. De nombreuses études, deplus en plus sophistiquées, ontessayé d’établir une relationentre ces manifestations et laconsommation de E621. Mais iln’y a, à ce jour, pas de résultatssignificatifs. Dans le passé, des troublesneurologiques ont égalementété rapportés pour le rongeurnouveau-né, ce qui avait conduità ne pas autoriser le glutamatedans les aliments destinés auxenfants de moins de trois mois.Mais ces manifestations n’ontpas été retrouvées pour l’es-pèce humaine. Enfin, le rôle duglutamate reste controversédans l’urticaire chroniqueet l’asthme. Les symptômesconstatés sont mineurs et nonconstants.

ANTIOXYDANTS ANTI-OXYGÈNES

QUESTIONSSUR LE BHA

BHA : Butylhydroxya-nisole (E320)

À la fin des années 80, des tra-vaux effectués par plusieurséquipes de chercheurs ontmontré le caractère cancéri-

Un peu de tenue ! Les marins celtes faisaient chaufferdes algues dans du lait pour fabriquerune sorte de flan. Aujourd’hui, les carraghénanes (E407), extraits de ces algues, sont utilisés commetexturants dans les dessertslaitiers, dans les sauces et dans certains produits de charcuterie.

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gène du BHA au niveau d’unepartie de l’estomac des ron-geurs (rat, souris, hamster).Mais cette partie-là n’existe paschez l’homme. Nous avons eneffet un estomac en une seulepartie, alors que celui des ron-geurs en comprend deux. Chezles espèces n’ayant pas de pre-mier estomac, il n’est pasobservé de cancer stomacalni d’ailleurs de cancer del’œsophage, dont la struc-ture est pourtant proche decelle du premier estomacdes rongeurs. Le BHA n’en apas moins été classé sur laliste 2B (cancérigène possiblepour l’homme) par le Centreinternational de recherche surle cancer.

BHT : Butylhydroxyto-luène (E321)

Depuis la fin des années 50,le BHT a été l’objet de nom-breuses études expérimentalesréalisées avec des doses trèsélevées. Certaines montraientdes effets limités à quelquesespèces animales. D’autreseffets n’ont pas été confirméspar les travaux les plus récents.Le BHT a été classé dans legroupe 3, c’est-à-dire “inclas-sable quant à sa cancérogéni-

Les polysorbates(E4232à E436)

Ces molécules ne présententpas d’effet toxique majeur. Enexpérimentation animale et àdoses élevées, l’apparition dediarrhées a été décrite.

ÉPAISSISSANTS

PAS POUR LESPRÉMATURÉS

La farine de caroube(E410)

Cette farine était employéesous forme de poudre que lesmères additionnaient elles-mêmes dans le biberon pourépaissir les laits infantiles.Désormais, certains laits pré-épaissis utilisent la caroube,mais ils sont classés dans lacatégorie “aliments diététiquesà fin médicale spéciale” et ven-dus uniquement en pharmacie.Le Pr. Christophe Dupont, chefdu service néonatologie de l’hô-pital Saint-Vincent-de-Paul, àParis, nous a indiqué que lesrares cas d’allergie à lacaroube étaient, selon lui, peusignificatifs chez l’enfant né àterme. « Chez le prématuré, enrevanche, nous avons vu uncertain nombre de réactionsd’intolérance franche, et jedéconseille cet additif pour lesprématurés », précise-t-il.

Gomme de guar (E412)Des cas d’asthmes profes-

sionnels sont rapportés, maispas de cas d’allergie alimentaire.

Nombre d’additifssont d’originenaturelle ; ilsproviennentd’extraits devégétaux, deminéraux, voired’animaux. Certains sontnaturellementprésents dans desfruits (commel’acide benzoïqueou l’acide ascor-

bique) et nous en consommonsdonc sans lesavoir. Mais natu-rels ou de synthè-se, tous les addi-tifs sont évaluésde la mêmemanière. « Laréglementation nefait pas de distinc-tion », rappelle-t-on au syndicatnational des pro-

ducteurs d’addi-tifs et d’ingré-dients alimen-taires (Synpa).« De plus, natu-rels ou de synthè-se, les additifssont purifiés, et la molécule finaleest la même, queson origine soitsynthétique ounaturelle », précise-t-on.

ADDITIFS NATURELS OU DE SYNTHÈSE ?

Antioxydantpour fritesLe BHA (E320), leBHT (E321), et lesgallates (E310),sont autorisésdans les huiles etmatières grassesde friture.

ALIMENTATION

cité pour l’homme”, par leCentre international derecherche sur le cancer. Lecomité international d’évalua-tion a par ailleurs conclu en1996 que dans les conditionsactuelles d’emploi, le BHT uti-lisé comme additif alimentairen’entraîne pas de risque can-cérigène chez l’homme.

Gallate de propyle,d’octule et de dodé-

cyle (E310 à 312)Il n’y a pas de réactions“adverses” de type intoléranceou allergie documentées dansla littérature médicale, mais lesgallate pourraient favoriser despoussées d’urticaire.

GÉLIFIANTS

DES ALGUESDOUTEUSES Les carraghénanes (E407)

À doses très élevées, cesproduits d’origine naturelleextraits d’algues peuvent

entraîner des accéléra-tions du transit intes-tinal et des sellesmolles. Les carrag-hénanes ne sontpas mutagènes etils n’altèrent pas

l’ADN. Mais des effets cancéri-gènes ont été signalés, et ilspourraient être dus à une actiondes carraghénanes favorisant ledéveloppement de tumeursinduites expérimentalement pard’autres substances. Par ailleurs, une fois dégradéesen molécules plus petites, lescarraghénanes ont, expérimen-talement et à dose élevée, unpouvoir irritant au niveau du côlon. Leurs produits dedégradation méritent d’être sur-veillés.

ÉMULSIFIANTS

RIEN ÀDÉCLARER

La lécithine (E 322)Elle est à base de soja ou

d’œuf. Mais elle n’est allergé-nique que dans de rares cas, laplupart des patients allergiquesà l’œuf ou au soja ne réagissantpas aux lécithines.

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Pas question de sepasser des additifs,mais il n’est pas souhaitable d’enconsommer plus que nécessaire.

Si l’on en croit le Syndicat natio-nal des producteurs d’additifset d’ingrédients alimentaires(Synpa), il existe en France unedemande des industriels et de lagrande distribution pour réduirel’utilisation des additifs. On entrouve la trace sur les barquettesLU qui se vantent d’être “sanscolorant, ni conservateur” (voirphoto). La tendance est sansdoute aussi portée par l’engoue-ment pour les aliments biolo-giques dans lesquels un nombrelimité d’additifs est autorisé.

TENIR COMPTE DU RAPPORTBÉNÉFICE/RISQUEPourrait-on se passer totalementd’additifs ? Il n’est pas sûr quecela soit souhaitable. On peut s’enrendre compte à travers l’exempledes nitrites (voir page 44), dontles dangers sont connus, mais quiont aussi permis de faire du botu-lisme une maladie rare en France.Il y a donc bien un rapport béné-fice/risque à prendre en consi-dération avant de vouloir fairetable rase des additifs. Unelectrice diabétique nous a parailleurs écrit pour signaler sonintérêt pour des produits avecédulcorants, étant obligée de sur-veiller sa consommation desucre. Autre aspect à ne pasnégliger : si l’on supprime unadditif, ne va-t-on pas le rempla-cer par quelque chose de moinssurveillé ? Car même s’il est per-mis d’avoir des suspicions, lesadditifs font l’objet d’une évalua-tion avant d’être autorisés.Difficile enfin de ne pas rappelerque l’utilisation des additifs n’est

MIEUX VAUT EN MANGER MOINS

velles données, en 2000, ontconduit à proposer une dose jour-nalière admissible plus faible. Ilfaut revoir en conséquence lesquantités autorisées dans les ali-ments, mais cela passe par l’adop-tion d’une nouvelle directive.

DES EFFETS CROISÉS ENCORE NON ÉVALUÉSLa surveillance régulière de laconsommation et de l’emploi desadditifs, prévue par les directives,est tout aussi essentielle. C’est letravail en cours au sein del’Observatoire des consomma-tions alimentaires qui évalue demanière systématique la quan-tité réelle (et non pas théorique)absorbée. La protection des consommateursrepose aussi sur l’évaluation desadditifs. Celle-ci est a priorimenée de manière sérieuse. Iln’empêche que les études de toxi-cité sont faites sur des animauxou des bactéries et qu’elles nepeuvent pas être prédictives à100 % des effets sur l’homme. Il reste enfin deux points sur les-quels les experts eux-mêmes sedisent préoccupés. Le premier estcelui des produits “néoformés”.Dans l’estomac du consomma-

teur, l’environnement est diffé-rent de celui du rat de laboratoire.« Les scientifiques se sont ainsiaperçu que les cyclamates, qui nesont pas toxiques en eux-mêmes,forment dans la flore intestinaledes sous-produits qui, eux, peu-vent l’être, relate Gérard Pascal,expert en toxicologie. Problème,cette formation est très variabled’un individu à l’autre et d’unesemaine à l’autre chez un mêmeindividu. Pour prévenir d’éven-tuels effets toxiques, la DJA a étérévisée. » Le deuxième point concerne lesinteractions éventuelles entreadditifs. Lors des études toxico-logiques, chaque additif est testé.Rigoureusement, mais en solo.Que se passe-t-il lorsqu’il estingéré avec tous ses petits cama-rades, comme c’est le cas dans laréalité ? Existe-t-il des synergies,des effets croisés ? Peut-on lesévaluer ? « Ce serait bien, con-cède Gérard Pascal. Malheureu-sement, il n’y a pas de méthode àproposer. Nous avons essayé demesurer les effets conjugués del’alcool, des tanins et des sulfites[conservateurs] présents dans levin. L’expérience a été abomina-blement longue, les tests menéssur des milliers de rats… pourréaliser que c’était trop complexeà analyser. Aujourd’hui, il n’existepas de modèle approprié pourévaluer ces mélanges. »

LU n’utilise ni conservateur nicolorant dans sa Barquette, et le fait savoir depuisl’été 2003. En petit dans la liste des ingrédients, ontrouve toutefois des pectineset de l’acide citrique.

pas nouvelle ; comme celle dessulfites dans le vin.Une moindre utilisation des addi-tifs peut néanmoins paraître sou-haitable. On peut en effet vouloirdire “non” à une alimentation deplus en plus sophistiquée quinous conduit à ne plus savoir ceque nous avalons. Tous ces addi-tifs sont-ils vraiment indispen-sables ? Ne vaut-il pas mieuxessayer de s’habituer à mangermoins sucré que de recourir auxédulcorants intenses ? Les sodasdoivent-ils obligatoirement êtreorange ou jaune vif ?

UNE RÉGLEMENTATION QUIDOIT ÊTRE RÉACTUALISÉEAu-delà, on peut vouloir fairepreuve de prudence. Car l’emploides additifs est encadré. Mais ilpeut y avoir des écarts entre lapratique et les textes. Lecontrôle des industriels est donctout aussi important que la régle-mentation. Ainsi, dans son récentavis sur la tartrazine, l’Agencefrançaise de sécurité sanitaire desaliments (Afssa) a notammentdemandé que l’on vérifie dans lespréparations actuelles le respectde teneur maximale en certainsconstituants.Pour que la réglementation soitvraiment protectrice pour lesconsommateurs, il faut aussiveiller à son actualisation. On avu que pour le cyclamate, de nou-