1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

19
19 POUCHARD, LA SAGA DU TUBE À PANTIN « Souviens-toi que tu es tube et que tube tu redeviendras. » (Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes.) L’origine des Établissements F. Pouchard & C ie se trouve à la croisée de trois chemins : celui du tube, objet technique et industriel au service de l’industrie mécanique ; celui de Pantin, ville à forte empreinte industrielle de la première couronne parisienne ; enfin celui d’un homme, Francis Émile Pouchard, le fondateur, à l’origine d’une dynastie entrepreneuriale. Genèse d’une dynastie entrepreneuriale

Transcript of 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

Page 1: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

19

P O U C H A R D , L A S A G A D U T U B E À PA N T I N

« Souviens-toi que tu es tube et que tube tu redeviendras. » (Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes.)

L’origine des Établissements F. Pouchard & Cie se

trouve à la croisée de trois chemins : celui du tube,

objet technique et industriel au service de l’industrie

mécanique ; celui de Pantin, ville à forte empreinte

industrielle de la première couronne parisienne ;

enfin celui d’un homme, Francis Émile Pouchard, le

fondateur, à l’origine d’une dynastie entrepreneuriale.

Genèse d’une dynastie entrepreneuriale

Page 2: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

2120

Le quartier de la mairie où s’installe la famille Pouchard, à l’identité industrielle affirmée.

La chaudronnerie Niclausse, début du XXe siècle

Saint-Servan au début du

XXe siècle. Un paysage

de campagne aux portes de la ville.

Avant le tubeIl lança sur cette ruche bourdon-nante un regard qui semblait par avance pomper le miel, et dit ce mot suprême :– À nous deux, maintenant !

Honoré de Balzac, Le père Goriot, 1835.

Francis Émile Pouchard, grand-père de l’actuel président des Établissements F. Pouchard, se lance dans l’industrie du tube à Pantin en 1927. Il est alors âgé de 51 ans et sa famille n’a aucune accointance avec les métiers du fer et de l’acier. Durant une première vie, il se forme et acquiert quelque expé-rience en métallurgie, avec des allers et retours entre la Bretagne et la région parisienne où il finit par s’installer défi-nitivement pour vivre une aventure industrielle, celle des Établissements F. Pouchard.

Une famille bretonne immigrée

Francis Émile Pouchard naît le 4 juillet 1876 à Saint-Servan, une commune de 12 300 habitants voisine de Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine. Du côté pater-nel, la famille travaille dans les métiers de bouche : le grand-père, Julien Louis, est boucher, le père, Isidore, est boulanger. Du côté maternel, les Corlouer sont mariniers, sans doute

revenus de la famille sont modestes.Dans les années qui suivent, la famille déménage à plusieurs reprises. Après avoir vécu dans le 19e arron-dissement de Paris, notamment rue

de petite bourgeoisie. Son grand-père, François Corlouer, est marin ; son oncle est capitaine au long cours14.À la fin du XIXe siècle, la famille d’Isi-dore Pouchard s’exile en région pari-sienne, illustrant la forte émigration que connaît la Bretagne aux XIXe et XXe siècles. Elle alimente cet important flux de femmes et d’hommes, pour la plupart pauvres, qui s’établissent dans l’agglomération parisienne, prin-cipale destination des migrants. Une pression démographique due à un taux d’excédent naturel élevé et une

14 Julien Louis Pouchard (an IX- ?) et Isidore Pouchard (1847-1922) sont nés à Bais, à 35 kilomètres au sud-est de Rennes. En 1874, Isidore épouse Mathilde Henriette Corlouer, née en 1849 à Saint-Servan et décédée en 1919. François Corlouer (1820-1895), le père de cette dernière, est né à Port-Louis à l’île Maurice.

de Crimée, elle s’installe de 1908 à 1913 à Pantin, 14 rue du Congo, avant de s’établir dans la ville voisine de Bobigny, rue Victor-Hugo. À la fin de la décennie 1900, Isidore quitte

forte densité de population conduit nombre de Bretons sur les routes ; à ce contexte s’ajoute au début du XXe siècle un rêve d’enrichissement et de libération individuelle.Dans un premier temps, la famille s’installe à Ville-d’Avray, au sud-ouest de Paris, entre Boulogne-Billancourt et Versailles. En 1896, le foyer com-prend six personnes : le père, Isidore Pouchard, son épouse, Mathilde Henriette Corlouer, et leurs quatre enfants – deux filles, Mathilde et Jeanne, de 14 et 9 ans, et deux fils, Francis et Georges. Ils résident 14 rue Grange-Fontenelle, dans le quartier du Monastère, à quelques pas du bourg de Ville-d’Avray, une commune de 1 500 habitants. Le père est boulan-ger, la mère est quant à elle ménagère. Cette activité laisse penser que les

la boulangerie pour entrer dans l’in-dustrie. Il est recruté par l’entreprise Niclausse, « chaudronnerie et fabrique de générateurs inexplosibles », une entreprise de chaudières indus-trielles installée rue des Ardennes dans le 19e arrondissement de Paris. L’établissement emploie 400 ouvriers au début du XXe siècle et se lance dans la construction automobile15. Cette expérience d’Isidore dans l’indus-trie métallurgique est probablement une des premières confrontations de Francis Émile avec ce secteur indus-triel et pourrait être une des raisons l’ayant conduit à se lancer, quelques années plus tard, dans la transforma-tion de tube.Le 21 octobre 1922, Isidore, qui habite à nouveau dans le 19e arrondissement, décède dramatiquement, renversé par une automobile place de la Bastille. Dès le lendemain, la presse, dans des rubriques aux titres parfois agui-cheurs (« Les autos homicides » dans La Liberté, « Les écrasés » dans Le Petit journal ou encore « Le palmarès des écraseurs » dans L’Œuvre) se fait l’écho

15 Niclausse contribue à l’accroissement consi-dérable du nombre de constructeurs auto-mobiles entre 1900 et 1914, qui passent d’une trentaine au début du siècle à 155 à la veille de la Première Guerre mondiale – soit une hausse de 500 % en une quinzaine d’années ! Personnellement, Jules Niclausse (1861-1942) est un influent industriel parisien, impliqué dans diverses structures consulaires, et son entreprise, dépose de nombreux brevets sur les chaudières et l’automobile.

Page 3: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

2524

Coq et poules de la race Noire de Janzé.

Francis Émile Pouchard en

uniforme militaire de la Première Guerre

mondiale.

En 1918, Francis Émile Pouchard

est déclaré « constructeur mécanicien ».

documents, être industriel ou négo-ciant. Bien que son activité ne soit pas connue avec précision, il montre un fort esprit d’entreprise. Il fait paraître plusieurs offres d’emploi dans la presse, dont celles publiées en 1913-1914 dans Le Journal pour trouver une sténo dactylo, une comptable dactylo ou un courtier19. Ces offres d’emploi

19 Le Journal, un des quatre principaux quoti-diens d’avant-guerre, est un journal littéraire et de tendance républicaine.

laissent supposer que les affaires de Francis Pouchard sont très dyna-miques. Durant les mêmes années, il se déclare sur les listes électorales en tant que professeur de sténo.C’est alors que, le 1er août, la France déclare la mobilisation générale. Âgé de 38 ans, il intègre en tant que lieute-nant le service automobile avant d’être affecté à un régiment de réserve.Au lendemain de la guerre il retrouve son domicile de l’avenue Philippe-Auguste. De 1918 à 1927, il y est

industriel puis négociant. En parallèle, en 1921, il ouvre « À la Farfouillette ». Installé 125 boulevard Ménilmontant, ce commerce propose mercerie, bon-neterie et articles de Paris. Cette acti-vité, qu’il vend le 5 avril 1929, tout comme celle de sténographie, pose la question de la participation de son épouse à ces entreprises.

décennie du XXe siècle. On y trouve entre autres un bureau de poste, un télégraphe et une gare17.Francis Émile Pouchard figure dans l’Annuaire officiel d’Ille-et-Vilaine de 1906 à 1909. Il y est, selon les années, un des huit ou neuf quin-cailliers de Janzé. Durant cet épisode breton, le 8 avril 1907, Francis Émile épouse au Pertre Pauline Marie Félicité Fouctière18, fille d’un maître d’hôtel. Par ce mariage, Francis Émile conserve un ancrage breton. D’autant que la famille Pouchard possède quelques propriétés composées de maisons, de fermes et

17 La ligne Châteaubriant-Rennes, qui dessert Janzé, a été ouverte en 1881 et dépend de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, rachetée en 1908 par l’Administration des chemins de fer de l’État.

18 Pauline Marie Félicité Fouctière est née au Pertre en 1884 et décédée en 1959.

surtout de terrains et « pièces de terre » à Bais, au Pertre, à Piré-sur-Seiche, etc. Quoi qu’il en soit, Francis Émile reste à Janzé sans doute jusqu’en 1910 et s’installe à nouveau – et cette fois définitivement – à Paris. En 1911, il

réside rue du Faubourg-du-Temple et déclare être mécanicien. Deux ans plus tard, il est établi au 20 boulevard Philippe-Auguste, dans le 11e arrondis-sement, à quelques encablures de la place de la Nation, et déclare, selon les

JANZÉ AU DÉBUT DU XXE SIÈCLE, UN CENTRE ÉCONOMIQUE ET DE COMMERCEEn 1892, dans Au pays de Rennes, l’historien et folkloriste breton Adolphe Orain (1834-1918) dresse un portrait quelque peu pittoresque de Janzé : « Janzé ne ressemble pas aux autres petites villes de l’Ille-et-Vilaine. Celles-ci sont calmes, tranquilles, tandis que Janzé est d’une activité dévorante. On n’y rêve que com-merce et de tous côtés s’en vont des voitures aux marchés voisins pour en rapporter les beurres, les œufs, la volaille qui sont ensuite expédiés sur Rennes ou Paris. »Et en effet, lorsque Francis Émile s’installe à Janzé, l’activité commerciale y est importante. Comme en témoigne un arrêté municipal de 1909, un marché hebdomadaire s’y tient le mercredi et pas moins d’une vingtaine de foires y sont organisées (la plupart entre avril et octobre) : des marchés aux grains, aux volailles, aux porcs maigres, aux veaux, aux brebis, agneaux et chèvres, aux bœufs, taureaux et vaches grasses, aux petits cochons de lait, aux porcs gras, aux pommes de terre et aux châtaignes, aux graines de chanvre, trèfle, ray-grass, etc., aux légumes et menus plants, aux assiettées de beurre, aux œufs et aux poissons, aux plants de pommiers, à la filasse, aux ruches d’abeilles, aux plants de poiriers, épines, choux, betteraves, etc., aux blocs de beurre, ou encore aux tissus.La poule noire de Janzé, une espèce domestique, est particulièrement réputée. On y fabrique par ailleurs des toiles à voile et des corderies pour la marine.

Page 4: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

2726

Machines et outils employés dans le procédé Deakin et Johnson. Extrait de l’article de Samson Jordan, « Revue de l’industrie du fer. Deuxième partie », dans la Revue de l’exposition universelle de 1867…

Laminage du zinc.

Laminage et perçage par L. Christophe, W. Hawksworth et

G.P. Harding, 1861.

Tubes et révolutions Dans sa première édition, L’Encyclopédie dite de Diderot et d’Alembert propose une définition du tube :TUBE, s.m. (Phys.) tuyau, conduit ou canal, est un cylindre creux en dedans, fait de plomb, de fer, de bois, de verre, ou d’autre matière, qui sert à donner passage à l’air ou à quelque

la paroi extérieure ; aussi les premiers tubes métalliques sont fabriqués à par-tir d’une fine plaque de métal roulée et fixée. Une telle mise en œuvre néces-site un métal malléable et, par ailleurs, les « fixations », agrafées ou soudées, représentent des points de fragilité.De nombreuses recherches sont menées dans le dessein de fabriquer aisément et à bas coût des tubes en acier. Dans un rapport de l’Exposi-tion universelle de Paris de 1867, le métallurgiste Samson Jordan dresse un état des lieux de la « Fabrication des tubes et fers creux ». Après avoir présenté une méthode traditionnelle de forgeage de tubes à la main et

autre fluide. Ce terme s’applique ordi-nairement à ceux dont on se sert en Physique, Astronomie, Anatomie, &c. Dans les autres cas ordinaires, on se sert plus ordinairement du mot tuyau. Voyez TUYAU20.

20 Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres. Mis en ordre et publié par Mr. ***. Tome Sézième [sic]. Te-Venerie, Neufchastel, chez Samuel Faulche & Compagnie, 1765, p. 732.

au marteau, destinés à la fabrica-tion de canons de fusils surtout, il décrit quelques procédés se faisant concurrence.Le plus simple consiste à « enrouler une bande métallique et d’en sou-der les deux bords longitudinaux, soit par rapprochement, soit par recouvrement ».

Suivent, sur deux colonnes, des préci-sions physiques et des entrées com-plémentaires contenant le mot tube.Comme cela est noté, des tubes, sur le temps long, ont été traditionnellement fabriqués dans divers matériaux. On en trouve en bois creux naturellement ou évidé par l’homme, en terre moulée ou encore en métal. Dans ce dernier cas, la difficulté réside à creuser la matière dans la longueur sans endommager

Le procédé de l’Anglais Cornelius Whitehouse, breveté en 1825, reprend le même principe en y apportant des améliorations techniques et technolo-giques. Les tubes sont soudés en pas-sant dans une filière ou un laminoir. En 1861, Louis Christophe, de Paris, William Hawksworth, d’Écosse, et Gustave Palmer Harding, de Londres,

Page 5: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

3130

De nombreuses usines s’installent à Pantin dès 1860.

La fonderie Werts, 61 rue du Centre

(actuelle rue Jules-Auffret), au début

du XXe siècle.

Et Francis Pouchard créa la firme

Métallurgie et district industriel

La banlieue parisienne, à l’extérieur de Paris intra-muros, est, dans la pre-mière moitié du XXe siècle, une zone industrieuse marquée par différents districts. Pantin se trouve dans une zone industrielle bien circonscrite qui va, d’ouest en est, de La Villette à Noisy-le-Sec, et qui au sud est limitée par le plateau de Romainville, butte témoin de l’est parisien. Les deux aménagements structurants de ce dis-trict sont le canal de l’Ourcq et la ligne de la Compagnie des chemins de fer

de l’Est. Celle-ci part de la gare de l’Est et passe – point nodal – par la gare de triage de Noisy-Pantin. Bien que fortement polarisé autour de Pantin et Bobigny, ce district s’étend à l’est jusqu’à Livry-Gargan, le long du canal de l’Ourcq et de la route nationale 3 (actuelle avenue Jean-Lolive à Pantin).L’emprise industrielle, sur Pantin, est ancienne mais moins importante et plus variée que dans le secteur voisin, plus au nord de La Plaine-Saint-Denis. Dans les années 1860, de nombreuses industries sont déjà installées : allumettes, blanchisse-rie de coton filé, brosses, chapeaux de paille, chaux hydraulique, cho-colat, corderie, cristallerie, distillerie, graisse et huile, noir animal, plâtre, produits chimiques, sucre indigène, vermicellerie, verrerie. En 1900, la

liste s’allonge de façon significative : construction de machines à vapeur, wagons, atelier de construction de grosse chaudronnerie, manufactures d’allumettes et de tabacs, blanchisse-rie, fabriques d’asphalte, de bronze, de bidons, de caoutchouc, de cho-colat, confiserie, retorderie de coton, fabrique de cristallerie, ferblanterie, cuirs vernis, distilleries de liqueurs, d’essences, fabrique d’eau de Javel, fonderie de fer et forges, huile-ries, moulins, parfumeries, produits chimiques, savonneries, teintureries, fabriques de vernis, d’épingles à che-veux, scierie mécanique, instruments d’optique, verreries, vinaigreries, car-rosseries, fabriques de bicyclettes et automobiles.Au tournant des XIXe et XXe siècles, une nuée de petites et moyennes entreprises approvisionnent les industries aéronautique et automo-bile, le cycle et motocycle en plein essor. Pour la plupart, ces sociétés transforment le métal : d’un produit brut, elles font des objets, des pièces finies ou semi-finies que les fabri-cants utilisent dans la conception de voitures, d’avions, etc. Parmi ces activités de « transformation métallur-gique », la fabrique de tubes en acier occupe une place centrale. D’une part il s’agit d’une des activités les plus nobles – car plus difficiles – et d’autre part le tube métallique connaît d’in-nombrables applications industrielles.

Page 6: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

5150

En dehors de ces programmes exceptionnels, l’activité de René Dubuisson transite par son agence parisienne située dans le 19e arrondissement. Une cinquantaine d’opéra-tions sont recensées entre 1886 et 1908 dans cette par-tie du nord-est parisien, immeubles de rapport, magasins, ateliers, écuries et appentis. À Pantin, l’opération Calliat réalisée en 1893-1895, et comprenant un atelier et le pavillon adjacent, s’inscrit dans ce contexte géographique et programmatique. Le dessin des façades, les matériaux et le vocabulaire décoratif appliqué ici – médaillons et motifs floraux inspirés de l’architecture Belle Époque – se retrouvent dans le reste de sa production34.

34 Archives de Paris, Demandes de permis de construire parisiens, index par noms d’architectes, 1883-1939, Dubuisson René. Parmi les opérations au style similaire, citons, les immeubles du 7 rue Bolivar et du 12 rue Brémontier.

RENÉ DUBUISSON (1855-1921), ARCHITECTE, DE CHICAGO À PANTIN Le nom de Dubuisson est indisso-ciable du monde des arts. Si René Dubuisson n’est pas apparenté à la prolixe lignée familiale du Nord dont sont issues plusieurs générations d’architectes de renom, de peintre et designer, son parcours se montre tout aussi exemplaire33. Fils d’un négociant en textile devenu rentier, son attache est parisienne et son environnement davantage mondain qu’artistique.Admis à l’École des beaux-Arts en 1878, René Dubuisson intègre l’atelier de l’architecte Jean-Louis Pascal. C’est auprès de ce Grand prix de Rome (1866) ayant suivi des chantiers aussi monumentaux que l’opéra Garnier, la restauration du Louvre ou les aménagements intérieurs et extérieurs de la Bibliothèque nationale dessinée par Labrouste, que Dubuisson se familiarise avec le grand style académique. Une approche architecturale monumentale qu’il met en œuvre à l’occasion des Expositions universelles, d’abord en tant qu’auteur du pavillon de la Compagnie asturienne des mines en 1889, puis en 1893, à Chicago, au titre de sa fonction d’architecte de la section française de l’Exposition. Une mission honorifique pos-siblement obtenue par l’entremise de son frère Ferdinand, alors en responsabilité au ministère du Commerce, et qui valut à René d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1894. Mais son grand œuvre reste sans conteste la construction du pavillon de l’Empire ottoman pour l’Exposition de 1900. Pour ce chantier largement salué par le public et les critiques, René Dubuisson réalise un palais de 47 mètres de hauteur inspiré des monuments turcs les plus emblématiques : grand arc en façade et fenêtres de la tour copiés de la mosquée de Kaït-Bey, coupoles de la mosquée de Mourad IV, etc.

33 La famille Dubuisson, issue du Nord de la France, comprend notamment Alphonse Dubuisson (1839-1920), architecte et professeur de dessin, son fils Émile Dubuisson (1873-1947), architecte et membre de nombreuses sociétés savantes, son petit-fils Jean Dubuisson (1914-2011), éminent architecte du XXe siècle, et, enfin, ses arrières petits-enfants François, Sylvain et Marie-Aurore, architecte, paysagiste, designer.

Page 7: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

53

P O U C H A R D , L A S A G A D U T U B E À PA N T I N

« L’âge d’or sera celui où l’industrie régnera. » (Édouard Lombardot, Le Fils du maître de forge.)

Un âge d’or du tube Pouchard ? 1945 - milieu des années 1980

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les

Établissements F. Pouchard, grâce à la croissance

économique des Trente Glorieuses et à une poli-

tique industrielle dynamique, deviennent un tubiste

de premier plan. L’adaptation au marché et les choix

stratégiques, sous la direction des « héritiers » du fon-

dateur, permettent à la société de surmonter les aléas

et, sans trop de heurts, le choc pétrolier de 1973.

Page 8: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

5554

Une grande diversité de tubes, près d’une cinquantaine, est proposée à la vente.

Forêt de tubes.

L’équipe Pouchard et des ouvriers

posant fièrement devant les hangars

Romney installés sur le nouveau site de la rue du Cheval-Blanc,

vers 1947.

L’essor de l’après-guerre (1945-1958)

Une relance économique

La guerre à peine finie, l’entreprise entre dans une phase de diversifica-tion industrielle, de modernisation de l’outil industriel et de rationalisation de la production.À partir de la Seconde Guerre mon-diale, l’étirage à chaud – fabrication ini-tiale de l’usine de la rue du Centre – est remplacé par de l’étirage à froid, qui devient la spécialité des Éts F. Pouchard. Parallèlement, le négoce de produits tubulaires prend une part importante des activités de l’entreprise.

métaux par les acides ; il est aussi uti-lisé comme dépôt de réservoirs souter-rains de liquides inflammables.En 1947 est créée la Société des entrepôts métallurgiques de Pantin, une société à responsabilité limi-tée dont l’objet est de transformer et commercialiser des raccords de tubes. Francis Paul Pouchard en est nommé gérant. Bien que les por-teurs de parts soient les mêmes dans les deux entreprises, la Société des entrepôts métallurgiques de Pantin est autonome de la Manufacture de tubes. Les deux entreprises coexistent et la première est bénéfique au fonc-tionnement de la seconde, ce dont le dirigeant se réjouit régulièrement lors d’assemblées générales et de conseils d’administration, de 1948 à 1958.

Un inventaire réalisé à la fin de l’an-née 1945 donne une idée des stocks gérés et des tubes commercialisés par les Éts F. Pouchard, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. À côté d’ébauches en acier doux (large-ment employé pour la fabrication de produits profilés), une cinquantaine de tubes sont proposés à la vente35. Il s’agit là toutefois de matières pre-mières. La gamme des produits transformés et commercialisés est sans doute bien plus importante. Cet

35 36 modèles de tubes divers ont un dia-mètre extérieur allant de 5 à 108 mm pour une épaisseur de 3 à 76 mm ; leur poids unitaire va de 1,5 à 83 kilogrammes. Huit modèles de tubes épais, dont le diamètre va de 56 à 90 mm pour une épaisseur de 10 à 127 mm, pèsent de 70 à 252 kilogrammes. Enfin, sept modèles de tubes minces ont un diamètre allant de 2,5 à 24 mm pour une épaisseur de 5 à 26 mm.

De même, la marche des affaires est tout à fait satisfaisante. F. Pouchard l’évoque à plusieurs reprises, comme en 1948 « l’accroissement continu des opérations depuis plusieurs années » ou, de façon assez similaire, le 3 octobre 1951, « la progression constante du chiffre d’affaires d’année en année ». À partir de 1953, l’activité subit un ralentissement et le chiffre d’affaires baisse légèrement, ce qui ne suscite pas trop d’inquiétude car l’en-treprise est toujours bénéficiaire. Cette situation, moins avantageuse que les années précédentes, ne concerne pas uniquement les Éts F. Pouchard. La conjoncture économique fran-çaise connaît un infléchissement et le nombre de « clients douteux » n’est pas négligeable. Ainsi, en 1954, une

inventaire met en évidence la ques-tion des stocks, enjeu majeur dans l’industrie du tube, dont dépendent la réactivité et, par là, la compétitivité de l’entreprise.Ce stock, qui ne dépassait pas les 60 tonnes avant la Seconde Guerre mondiale, avoisine les 600 tonnes au lendemain du conflit : il est donc mul-tiplié par 10 ! De 1948 à 1959, il passe de 18 000 tonnes à 33 400 tonnes. La capacité de stockage est donc cette fois multipliée par 18 en une dizaine d’années, avant de baisser à partir de 1960, pour osciller entre 2 600 et 7 500 tonnes jusqu’aux années 1970. Cela correspond à une réorganisation majeure de l’entreprise à partir de 1958.Cette hausse considérable, avec une multiplication par plus de 5 500 entre 1939 et 1959, a plusieurs raisons. Structurellement, la relance écono-mique de l’après-guerre génère une très forte demande en tubes. De plus, dans un souci de conquête de mar-chés et de développement industriel, la société Pouchard démarre une acti-vité de négoce, conjuguée à l’instal-lation de l’entreprise sur un nouveau site de plusieurs hectares situé rue du Cheval-Blanc, toujours à Pantin. L’étude du nouveau site donne des indications complémentaires sur les activités de l’entreprise. Ainsi, en 1949, on y pra-tique le forgeage des métaux par choc mécanique, l’étirage des métaux sans choc mécanique, le décapage des

liste de créances douteuses est jointe au bilan annuel et la société provi-sionne plus de 2 millions de francs pour d’éventuels impayés.En 1956, malgré un bénéfice net de 28 426 514 F, l’activité baisse légè-rement suite à l’augmentation des charges et des créances douteuses. Par ailleurs, le stock est augmenté pour « répondre plus facilement aux demandes de la clientèle ». En cette même année 1956, la prudence de F. Pouchard apparaît de façon tout à fait limpide :La trésorerie est restée à un niveau suffisant, pour le volume des opé-rations effectuées, mais en raison de l’incertitude de la situation éco-nomique et des prix, et également en raison des aménagements qui

Page 9: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

5756

Page de gauche : La capacité de stockage du nouveau site permet de développer le négoce. En 1998, le stockage de tubes est réaménagé dans le hangar 6.

Le magasin des filières, mandrins et boulets.

Boulets cylindriques rapides.

restent à faire, une grande prudence reste indispensable en ce domaine.Cette prudence – un des marqueurs forts de l’histoire de l’entreprise – n’entame cependant pas le déve-loppement car « la société a pour-suivi l’installation et l’aménagement en matériel des locaux de la rue du Cheval-Blanc ». La direction justifiant que les affaires ont été plus impor-tantes, il est possible financièrement de prolonger cet aménagement en 1957. Les résultats n’ont pour autant pas été meilleurs que l’année précé-dente ; une des raisons invoquées par la direction est que « les charges, main-d’œuvre et frais ont suivi la même progression » que les résultats. En effet, la croissance économique des Trente Glorieuses a des impacts forts. De 1949 à 1958, les salaires

et les prix augmentent. En consé-quence, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin des années 1950, les marges bénéficiaires sont de plus en plus réduites. Aussi les augmentations de capital effectuées sur la période sont au nombre de trois, et toutes antérieures à 1951. Concrètement, les bénéfices sont stables, mais les dividendes baissent à cause des investissements réalisés sur l’usine du Cheval-Blanc. En effet, si le démarrage de cette dernière per-met de développer l’activité, il dimi-nue les dividendes durant quelques années, tout en assurant à l’entreprise une bonne assise financière, tant du point de vue du patrimoine immobi-lier que de l’outil de production. Ainsi, en 1955, l’équipement nécessaire pour le fonctionnement de l’activité

comprend :- le magasin à ébauches, où sont

entreposées les pièces à étirer,- les machines à soyer (des marteaux-

pilons),- le secteur des traitements de sur-

face : décapage à l’acide sulfurique (SO

4 H2), rinçage à l’eau, phosphata-tion, graissage et égouttage,

- trois bancs d’étirage à froid, simples – de 10, 20 et 25 tonnes,

- un banc d’étirage à froid double, de 20 tonnes,

- un banc d’étirage à froid automa-tique de 30 tonnes,

- un banc d’étirage à chaud (four et étireuse),

- des tronçonneuses et des bancs d’épreuve,

- trois dresseuses et le magasin de tubes dressés.

Page 10: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

5958

La production et le négoce facilités par l’immensité des halles.

Le rétreint (ou la soie) désigne l’extrémité

réduite du tube. Il est pris dans le

mors du chariot du banc d’étirage.

La pièce est coupée suivant les dimensions finales. Les machines sont adaptées à la taille

des tubes.

Courrier à en-tête des Éts F. Pouchard & Cie, 27 décembre 1948.

Une paisible vie d’entreprise

Au cours de cette première décen-nie d’après-guerre, le développement industriel de la société Pouchard est intense car marqué par le démarrage de l’étirage à froid, le développement du négoce et enfin l’acquisition du Cheval-Blanc. Inversement, la vie de l’entreprise Pouchard est peu mouve-mentée. À l’exception des augmenta-tions de capital, les modifications sont mineures. L’une d’elles mérite toute-fois une attention particulière, dans la mesure où elle marque durablement l’histoire de l’entreprise : au cours de l’assemblée générale du 12 septembre 1949 – la même qui voit le capital passer de 1 million à 30 millions de francs – il est décidé de donner à l’en-treprise le nom qu’elle avait à sa fon-dation, à savoir les « Établissements F. Pouchard & Cie ».C’est également durant ces années,

D’ambitieuses expansionsLes Éts F. Pouchard ont bénéficié, dans l’immédiat après-guerre, du dynamisme lié à la Reconstruction. À cet élan s’ajoute, avec la signature du traité de Rome en 1957, la créa-tion du Marché commun. En effet, le « développement harmonieux des activités économiques » prôné au sein de la Communauté offre un nouvel essor industriel en lien avec les autres membres fondateurs que sont la République fédérale d’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.

Restructuration et épisode algérien, 1958-1962Le 11 juin 1958, l’assemblée générale des Éts F. Pouchard & Cie décide de la transformation de la société à respon-sabilité limitée en société anonyme. Le même jour, un conseil d’adminis-tration, auquel participent Francis Paul Pouchard, Mme Delvallez et Pierre Noël (1914-1971), organise le fonctionne-ment de la nouvelle société anonyme dont Francis Paul est nommé président. À ce titre lui sont délégués « tous les pouvoirs nécessaires pour assurer la direction générale de la société ». Il

sans qu’il soit possible de donner de date précise, qu’est embauché Jean Delvallez, en tant que directeur admi-nistratif et financier. Il restera au sein de l’entreprise jusqu’à son départ à la retraite. Jean Benoît Jules Delvallez, selon l’état civil, naît le 22 avril 1906 à Douai et décède à son domicile parisien du 17e arrondissement le 3 avril 1978. Sa mère et son père, employé de com-merce, descendent de familles de culti-vateurs du Nord de la France (Uxem et Douai). Les liens avec Francis Pouchard sont entremêlés. Comme ce dernier, J. Delvallez est un ingénieur centralien. Ils ne se sont toutefois pas connus sur les bancs de cette école, car J. Delvallez est diplômé en 1929, l’année où F. Pouchard intègre Centrale. D’autre part, les deux hommes sont beaux-frères, J. Delvallez ayant épousé Pauline Pouchard, la sœur de Francis, à Pantin en 1948. La connexion famille-entre-prise ne s’arrête pas là, dans la mesure

est ainsi responsable des ressources humaines, des achats et des ventes, des traités, transactions et marchés, des effets de commerce, des comptes bancaires et de l’entreprise, des biens meubles et immeubles, des actions judiciaires ; enfin, il dirige les ser-vices administratifs, commerciaux et techniques. Francis Pouchard assure donc les fonctions de directeur géné-ral et son traitement mensuel sera de 1 000 000 F. Les administrateurs sont pour leur part nommés pour six années.Suite à sa transformation en société anonyme, de nombreuses décisions

où Pauline Delvallez, née Pouchard (1911-2010), est administratrice de l’entreprise jusqu’à son décès.

sont prises pour agrandir l’entreprise. À l’automne 1958, le capital est aug-menté sur une proposition de Francis Paul Pouchard lors d’une assemblée générale extraordinaire du 8 octobre36.Le conseil d’administration peut donc organiser librement cette augmentation

36 Le conseil d’administration est autorisé « à augmenter sur ses simples décisions, le capital social, en une ou plusieurs fois, aux époques et dans les proportions qu’il jugera convenables, jusqu’à concurrence d’une somme de Fr. 162 000 000 – ,- et porter ainsi ce capital à Fr. 243 000 000 –,- au maximum, par l’incorporation directe audit capital d’une partie de la “Réserve spéciale” ».

Page 11: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

79

P O U C H A R D , L A S A G A D U T U B E À PA N T I N

« On ne peut rien bâtir sans établir, au préalable, de solides fondements. » (Samuel Ferdinand-Lop, Les nouvelles pensées et maximes.)

Après des premiers temps difficiles – crise écono-

mique des années 1930, Seconde Guerre mon-

diale – les Éts Pouchard vivent l’embellie des Trente

Glorieuses. Dès la fin de la guerre, le site de la rue du

Centre est trop petit et une extension s’avère néces-

saire. Ainsi, Pouchard et la nouvelle unité de produc-

tion se lancent à la conquête du marché du tube,

tel un nouveau Cid, le célèbre chevalier castillan, sur

Babieca son cheval-blanc !

Le Cheval-Blanc, nouveau site, nouvelle échelle

Page 12: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

8786

Récupéré par Pouchard, le bâtiment de bureaux Rauscher est modifié au milieu des années 1960 pour recevoir les services administratifs.

Une composition épurée mais soignée pour ce bâtiment de bureaux réalisé en 1928 par Louis Angelvin, entrepreneur à Paris. Construit pour la Société d’importation de sapin, il sera partagé avec la Société Rauscher (importation de chêne).

Le site du Cheval-Blanc en août 1951. Les premiers ateliers Pouchard (en haut)

intègrent un des anciens bâtiments

de la SCI Delizy. Au premier plan, les hangars Romney

jouxtent les halles de la Société Jeannot

(à gauche).

On aperçoit le remontage des

hangars Romney (au centre), cette fois à l’arrière des

anciennes halles de la Société Jeannot

(1961).

Rien ne se perd : le recyclage architecturalÀ chacune de ses acquisitions foncières, l’entreprise conserve les bâtiments de son prédécesseur de façon pérenne ou provisoire. Répondant avant tout à des préoccupations économiques, ce choix constitue également à partir de 1955 une manière d’adapter en sa faveur la limitation des droits à construire impo-sée par la nouvelle loi d’agrément55.Dès 1949, au moment de l’échange des terrains avec la SCI Delizy, Pouchard maintient la halle métallique existante alors même que s’élèvent autour ses premiers bâtiments. Issue elle-même d’une récupération auprès de la SNCF, elle sera détruite deux ans plus tard. Le temps pour l’entreprise d’obtenir les autorisations administra-tives nécessaires à l’extension de ses ateliers et de stabiliser sa trésorerie. Cette logique du recyclage prend de l’ampleur lors du rachat de bail des ter-rains Jeannot en 1955. Non seulement Pouchard réutilise les 3 600 m2 de halle de l’ancienne société de distribu-tions56, mais il leur accole les hangars

55 Afin de mieux contrôler l’évolution des ins-tallations industrielles en région parisienne et d’en favoriser la décentralisation, le décret du 05/01/1955 soumet à agrément préa-lable du ministère de la Reconstruction toute nouvelle construction ou extension de bâti-ment d’activité supérieure à 500 m2.

56 Les halles Jeannot sont construites en plu-sieurs tranches de 1948 à 1950.

Romney de ses premiers ateliers, qu’il fait remonter par l’entreprise URAC de Boulogne-sur-Mer. L’opération dégage une économie de près de deux mil-lions de francs par rapport à d’autres propositions de reconstruction57. Huit ans plus tard, l’entreprise finit toutefois par se séparer des hangars Romney pour permettre l’édification d’un bâti-ment neuf dans le prolongement des halles Jeannot. Enfin, lorsque Pouchard récupère les terrains Rauscher entre 1959 et 1964, tous les édifices sont maintenus

57 Dossier « Droit au bail Jeannot n° 3 » : Le devis du 2 mai 1955 de l’entreprise URAC comprenait la mise en œuvre d’une semelle en béton pour 320 000 francs. La société de matériel pour l’industrie textile proposait, elle, une de ses anciennes halles démon-tées, de 840 m2, pour 2,4 millions.

jusqu’à ce que leur vétusté oblige à les détruire. Seul est épargné le bâti-ment administratif, partagé depuis sa construction en 1928 par les deux sociétés d’importation de chêne et de sapin. Le tubiste s’en servira pour y aménager des bureaux.Si la question économique semble prépondérante, ces réutilisations sont aussi révélatrices de la vision

strictement utilitaire et fonctionnelle de Pouchard à l’égard de ces bâti-ments. Pas de superflu, ni de geste architectural, mais des bâtiments répondant avant tout aux besoins spécifiques de l’industrie du tube. Une approche perceptible avec plus d’acuité lorsque l’entreprise conduit ses propres opérations de construction.

Page 13: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

105104

PONTS ROULANTS ET PORTIQUES, UN PATRIMOINE TECHNIQUEDepuis les grands ateliers jusqu’aux halles de stockage, pour déplacer les tubes d’une étape de l’étirage à l’autre ou charger et décharger les convois, les ponts roulants et portiques se rencontrent dans tous les espaces et tous les postes d’activité des Établissements Pouchard. En 2019, on en dénombre près d’une vingtaine, répartis sur les deux sites du Cheval-Blanc (environ quinze ponts) et Jules-Auffret (trois ponts). Naturellement, la présence de ces équipements n’est pas une spécificité de notre tubiste. Les engins de levage et de manutention constituent des outillages caractéristiques de l’ère industrielle et notamment de la métallurgie depuis la fin du XIXe siècle. La standardisation des profilés métalliques utilisés pour leur construction et l’apparition des moteurs électriques permettant de les mouvoir, associées à l’augmen-tation du poids des produits réalisés par l’industrie mécanique (chaudière, machine à vapeur, construction navale…) et

à la généralisation d’une division technique du travail, en auront en effet considérablement accru l’emploi. Leur diffusion au cours du XXe siècle est telle que les instruments tendent à se banaliser aux yeux des contemporains. Relégués au statut du simple outil, ils échappent de nos jours à la patrimonialisation du fait industriel. Pourtant, ces engins techniques accompagnent les évolutions de l’architecture industrielle, voire la conditionnent. À l’échelle d’un site, leur étude permet de mieux appréhender les choix constructifs opérés dans tel bâtiment ou telle halle. Leur poids propre, additionné à celui de la charge maximale qu’ils déplacent – mesuré en force décaNewton (daN)66 – entre dans les calculs de résistance de la structure et en oriente, si ce n’est la forme ou le matériau, du moins le dimensionnement. Pour les Établissements Pouchard, la multiplication des ponts roulants dans les ateliers d’étirage, et bien plus encore dans les halles de stockage, a ainsi nécessité la mise en œuvre de systèmes spécifiques : structure secondaire en treillis fixée à l’ossature principale pour les premiers, et larges poteaux en H pour les seconds67. L’un comme l’autre portent les chemins de roulement sur lesquels se déplacent les ponts de part en part des halles. Toutefois, la charge des tubes à déplacer chez Pouchard n’exige pas d’aménager des ponts de force importante. Variant de 3,5 à 5 tonnes, ceux-ci se révèlent même assez modestes comparativement aux équipements de 20 à 150 tonnes rencontrés ailleurs, dans les usines de chaudronneries ou de matériel électrique68. Ce ne sont pas les propriétés techniques

66 Un décaNewton équivaut approximativement à 1,02 kilogramme. Un pont d’une force de 5 000 daN résiste ainsi à des charges légèrement supérieures à 5 tonnes.

67 Cf. chapitre, « Une architecture au service du tube », p (à définir)

68 Chaudronnerie à Arles, pont de 20 tonnes ; Chaudronnerie Babcock et Wilcox à La Courneuve, ponts de 25 et 150 tonnes pour les forges et ateliers de montage ; Usine de matériel électrique, le Transformateur SA, Le Grand-Quevilly, ponts de 10 à 50 tonnes.

Page 14: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

143

P O U C H A R D , L A S A G A D U T U B E À PA N T I N

« Il n’est d’industrie durable que celle qui vend de la bonne qualité. » (Auguste Detoeuf, Propos d’O.L. Barenton, confiseur.)

Hommes, ateliers, citéUne entreprise est un acteur de la vie écono-

mique, mais aussi un marqueur du territoire et de la

société. Les ouvriers et dirigeants des Établissements

F. Pouchard & Cie, présents 90 ans à Pantin, laissent

une empreinte durable sur la ville. Du point de vue

de l’histoire industrielle, le personnel contribue à

la renommée de l’entreprise par des savoir-faire

uniques. Par ailleurs, Francis Paul Pouchard – fils du

fondateur – s’implique personnellement dans la vie

et la politique locales.

Page 15: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

149148

Élingage des tubes après étirage et avant dressage, et mise à longueur. est équipé d’un casque de protection auditive.

Une opération délicate, le dressage des tubes oblongs à la vue, qui révèle le savoir-faire des ouvriers. 2001.

Pool dactylo à la fin des années

cinquante. Yvette Van Cauter

La mécanique, un savoir-faire d’hommesDans les ateliers Pouchard – à « la fab102 », pour reprendre le vocabu-laire des ouvriers – comme dans de nombreuses industries mécaniques et métallurgiques, seuls des hommes sont employés. Aux raisons liées à des habitudes et à l’imaginaire collectif – des femmes ne travaillent pas dans l’industrie lourde où la force physique est requise – se mêlent des causes culturelles, la mixité n’étant pas tou-jours considérée comme opportune.Par contre, nombreuses sont les femmes travaillant dans les bureaux. Si la plupart d’entre elles occupent his-toriquement des postes d’employées, certaines ont des responsabilités. Ainsi, dès les années 1960, le service comptabilité – principalement fémi-nin103 – est dirigé par une femme. Les années 1990 connaissent à cet égard une révolution, avec des femmes

102 À la fabrication.

103 En 1963, M. Lamy responsable de la compta-bilité encadre des femmes : une comptable, deux mécanocomptables, une dactylographe et une employée aux écritures. Au moment de Pouchard 2000, ce service est constitué exclusivement de femmes, dirigées par une chef comptable (Mme Gerber), une adjointe au chef comptable, deux comptables clien-tèle, deux comptables fournisseurs et deux chargées des relances. Ce service était surnommé par certains « le couvent de la compta ». Le service commercial, plus impor-tant – une quinzaine de salariés – était pour sa part constitué pour moitié d’hommes et pour moitié de femmes.

Éts Pouchard, est, à son départ à la retraite en 2006, adjointe à la cheffe comptable.La fabrication de tubes sans soudure est une des opérations les plus déli-cates de la métallurgie lourde. Elle exige une main-d’œuvre spécialisée, ce qui conduit certains à associer le métier d’étireur ou de dresseur au travail de l’artisan plutôt qu’à celui de l’ouvrier. François Haquin, ancien directeur administratif de l’entreprise, explicite le savoir-faire et la connais-sance des ouvriers :Ce sont des procédés qui ne sont pas faciles et qu’ils ont maîtrisés au fur et à mesure, plus par leurs pratiques que par une science écrite dans les livres. Quand j’ai retrouvé mes livres, on ne parlait pas d’étirage, mais on parlait de résistance des matériaux.

embauchées au service qualité qui fréquentent les ateliers, une première dans la vie des Éts Pouchard.En dehors des salariées de l’entre-prise, plusieurs femmes ont été et sont administratrices de la société – souvent dans le prolongement des mandats de leur conjoint décédé ou par des relations familiales104. Plus généralement, les connexions par les

104 Il s’agit là d’une situation courante dans l’his-toire de l’industrie française où les femmes ont souvent eu des responsabilités au décès de leur époux.

La résistance des matériaux, ils ne la connaissaient pas, mais l’étirage et la mise en forme des aciers, ils les

épouses ont sans doute eu un rôle important dans l’histoire de l’entre-prise, ainsi Jean Delvallez, mari de la sœur de Francis Paul Pouchard.Les cas de promotion sociale au sein de l’entreprise sont nombreux. Les évolutions les plus fréquentes sont celles d’ouvriers devenus chefs d’équipe, d’atelier, voire contre-maîtres. Des employés connaissent des promotions similaires ; Mme Joncour, par exemple, entrée en 1963 à l’âge de 17 ans comme employée aux écritures au sein des

connaissaient excessivement bien […] ; j’étais admiratif de ces gens n’ayant aucun bagage profession-nel qui ont fini par avoir une bonne connaissance de l’élaboration des tubes.À Pantin, si le bruit de l’usine est source de problèmes avec le voisi-nage, il concerne toutefois en premier chef les ouvriers travaillant dans les ateliers. Le bruit est très souvent évo-qué par les salariés de l’entreprise. « Ah, il y avait du bruit, ça tombait de partout ». La variété du vocabulaire est d’ailleurs grande pour tenter de l’expliciter. « Ça, ça crie, hein ! Ah, ça, ça crie ! » ou encore, en commentant un film sur l’étirage « Vous n’enten-dez pas beaucoup, mais ça gueule,

Page 16: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

151150

Page de droite : à l’atelier coupe de l’usine du Cheval-

Blanc, en tenue de sécurité. Un chauffage

mobile tempère l’environnement du

poste de travail.

Affiche rue Jules-Auffret. Le bruit

constitue un risque pour la santé. Dans certaines zones de l’usine du Cheval-

Blanc la protection de l’ouïe est obligatoire.

hein ! ». Quelquefois, on approche d’une possible définition de la forge du dieu grec du feu et de la métal-lurgie, Héphaïstos : « On est dans le

bruit – on est un peu dans le bruit qui a diminué, mais qui existait – et dans la rudesse du matériau ». Mme Joncour qui, avant de travailler

pour les Éts Pouchard, a passé une partie de sa jeunesse à côté de l’usine de la rue Jules-Auffret, évoque « un bruit infernal », précisant qu’il ne l’a pourtant pas « traumatisée ». Le registre pour décrire le bruit semble sans limite et évoque la résonance : quand « les tubes se cognent l’un sur l’autre, ce sont des tubes d’orgue qui résonnent. Et quand ça tombe, ça fait beaucoup de bruit ». Et quand les mots manquent, les onomatopées sont un recours de choix : « Ah, oui, c’est dingue, bang ! bang ! bang ! » ou « Vrambandanblambang ! » Cette violente nuisance sonore conduit législateurs et employeurs à veiller à équiper les ouvriers de bou-chons d’oreille. Outre les problèmes de bruit, d’autres mesures sont prises dans un mouvement global de pro-tection des travailleurs. Au début des années 2000, le personnel exposé (outillage, découpe, traitement de surface) dispose de chaussures de sécurité, de lunettes, de masques, de gants, de bottes, etc. et de pro-tections spécifiques anti-bruit. On est ainsi bien loin des ouvriers en simple pantalon et débardeur « marcel » de l’entre-deux-guerres. Les mesures ont pour objet de réduire les impacts des accidents, dont on trouve de rares traces dans les archives relatives aux Éts Pouchard (1928 « un accident du travail », 1934 des ouvriers sont bles-sés, etc.).

Page 17: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

17 1

P O U C H A R D , L A S A G A D U T U B E À PA N T I N

« Peut-être faut-il rappeler que dans toute société le patrimoine se reconnaît au fait que sa perte constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices ? » (J.P. Babelon et A. Chastel, Liana Lévi, La notion de patrimoine.)

Les « Grandes-Serres » les perspectives du projet de reconversionSite paysager, objet patrimonial riche de sa singula-

rité architecturale, lieu de rencontre des mémoires,

que restera-t-il des Établissements Pouchard dans les

« Grandes-Serres » d’Alios ? Le contenu du projet a

fait l’objet d’inflexions depuis ses premières présen-

tations, fruits des réflexions et des discussions entre

les propriétaires et la Ville, en décembre 2018. Plus

ouvert, plus mixte, plus respectueux du patrimoine,

serions-nous face à une opération modèle ?

Page 18: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

173172

Les élèves de l’Académie Jaroussky, à l’occasion d’une représentation donnée dans les halles Pouchard lors des Journées européennes du patrimoine 2019.

L’implantation en oblique des halles

Pouchard a orienté la disposition des futurs bâtiments du campus

tertiaire. Projet Leclercq Associés.

Les plantes endémiques ont

été une source d’inspiration dans

la démarche de végétalisation du

projet des « Grandes-Serres ».

La Guinguette des « Grandes-Serres »,

émanation du restaurant Les Pantinois, une

installation éphémère depuis 2018

préfigurant le type d’offre de restauration

prévu sur le site.

Les « Grandes-Serres », campus tertiaire et programme mixteAprès les atermoiements qu’on lui connaît118, le projet des « Grandes-Serres » conduit par le propriétaire-pro-moteur des terrains Pouchard, Alios Développement, entre dans sa phase pré-opérationnelle à l’automne 2019 pour une livraison prévue en 2022-2023. Le programme imaginé par les agences d’architecture Leclercq Associés et ECDM se présente sous la forme d’un campus tertiaire com-posé d’une partie d’immeubles neufs regroupant 75 000 m2 de bureaux, de surfaces d’ateliers et de commerces,

118 Cf. la partie introductive de l’ouvrage [PAGE].

bureaux. La définition du programme a nécessité plusieurs mois d’ateliers entre la Ville et Alios, parallèlement à l’identification de partenaires compa-tibles avec la philosophie du projet. L’enjeu pour le développeur immo-bilier a consisté à trouver un modèle économique viable pour ce tiers-lieu voulu comme un espace de vie, de mixité et de création, accessible au public et capable d’attirer des recettes. Suivant ces intentions, le projet pré-senté à l’été 2019 comprend ainsi

puis une partie en reconversion pro-posant 11 000 m2 de programmation mixte dans les grandes halles. Le prin-cipe du campus, dont François Leclercq est devenu expert suite aux opérations d’Ivry Confluences et de la Papeterie de la Seine à Nanterre119, traduit l’am-bition d’offrir une complémentarité de fonctions et d’espaces dans un ensemble urbain ouvert et paysager. L’agence In Situ aura spécifiquement la mission de réaliser cette cohésion paysagère entre les diverses compo-santes et d’y introduire le végétal par

119 Conduit depuis 2016, le campus Seine Nanterre situé à l’emplacement de l’an-cienne Papeterie de la Seine comprend des bureaux, des commerces et un parc d’activi-tés. Le campus City Seine, partie du projet Ivry Confluences, a été réalisé entre 2009 et 2018 sur d’anciens terrains industriels. Il comprend des bureaux, équipements, com-merces, événementiel et espaces publics. Dans ces deux opérations, des éléments du site d’origine sont préservés.

des espaces de co-working et de for-mation, des commerces et services, des salles de sport et de restauration. L’ensemble est complété par des espaces d’expositions et des ateliers d’artistes, pérennisant l’expérience entreprise avec le collectif de plasti-ciens Diamètre 15 durant la phase d’urbanisme transitoire. Dernier élément en date, et illustration sup-plémentaire des aspirations artis-tiques et d’inclusion sociale d’Alios, les « Grandes-Serres » accueilleront

le biais, entre autres, de l’agriculture urbaine. L’insertion urbaine du projet, enjeu central pour la Ville de Pantin, se concrétise quant à elle, au-delà de la création d’une passerelle reliant les deux rives du canal, par une ouverture sur rue des futurs pieds d’immeubles et, surtout, par le traitement en espaces publics des grandes halles.

La reconversion des halles, adaptation d’un patrimoine aux enjeux du projetPièces maîtresses du projet, les anciennes halles Pouchard sont ainsi vouées à devenir la zone d’interface entre la ville et le futur campus de

l’Académie musicale de Philippe Jaroussky120. Une future vitrine cultu-relle pour le projet, qui, de surcroît, s’inscrit dans les ambitions métropo-litaines du territoire.Dans le but de mettre en musique ces éléments de programme, tout en veillant à l’intégration des enjeux

120 L’Académie Jaroussky, est une structure d’enseignement et de sensibilisation à la musique classique s’adressant aux publics éloignés traditionnellement de la pratique musicale ainsi qu’aux jeunes talents.

Page 19: 1920Avant lv evuv n2 b2Uf m 1vibri - static.fnac-static.com

175174

Accès aux « Grandes-Serres » depuis la rue Delizy, emplacement

futur de l’Académie musicale Jaroussky.

Projet Moatti & Rivière.

Œuvre du plasticien Victor Cord’homme

installée dans les grandes halles

en 2019.

Pour le projet Pouchard, et suivant le cahier des charges du concours, l’agence n’est tenue d’intervenir que sur une nef et demie de la grande halle, le dernier quart nord-ouest devant être déconstruit. Un choix d’Alios visant à dégager davantage d’espace libre au cœur de la parcelle mais « compensé » par le remontage d’une partie des travées dans le pro-longement occidental de la première nef. C’est là, sous cette greffe patri-moniale située à l’emplacement des terrains de la société Lauren Vidal, que doit être implantée la future Académie Jaroussky. Une installation qui permet également d’ouvrir les « Grandes-Serres » sur la rue Délizy et de réaliser la jonction souhaitée par la Ville entre le pôle Église de Pantin et ce secteur. Du côté opposé, donnant

paysagers et urbains propres aux grandes halles, un concours d’architec-ture portant sur leur reconversion est lancé par Alios. Le jury, dont fait partie la Ville de Pantin, finit par retenir en juin 2019 le projet de l’agence Moatti-Rivière. Le lauréat possède, il est vrai, une solide expérience dans ce type d’interventions complexes sur le bâti patrimonial, depuis la reconversion d’une ancienne halle de chaudron-nerie en salle de spectacle à la très médiatique rénovation de l’hôtel de la Marine, place de la Concorde121.

121 L’agence a en charge depuis 2016 les scé-nographie, muséographie, signalétique et design du mobilier de l’hôtel de la Marine. En 2008, elle a réalisé la reconversion d’une halle de chaudronnerie de la SNCF en salle de spectacle polyvalente à Arles. Plus récem-ment elle a conduit des chantiers sur le châ-teau Borély à Marseille (2013) et le couvent des franciscaines à Deauville (2019).