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N o 150 - février 2011 - ISSN 1246-077X

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Une histoire du syndicalisme des instituteurs

et institutrices du département de la Seine

dans une période marquée par des pratiques

syndicales de masse.

À l’heure du démantèlement de l’éducation, de la

« crise » de l’enseignement et des luttes enseignantes,

ce livre vient opportunément lever le voile sur une

pratique syndicale de masse entre 1944 et 1967.

Le Syndicat national des instituteurs et institutrices (SNI)

a regroupé, dans les années qui ont suivi la seconde

guerre mondiale, la grande majorité du personnel

enseignant. Nous découvrons ici l’histoire méconnue

de cette organisation qui a développé une vivante

et innovante articulation entre pédagogie et politique,

enseignement et émancipation. En retraçant l’histoire

de ce syndicat dans ce qui est alors le département

de la Seine, son inscription dans les luttes sociales,

dans les larges mouvements de grèves qui agitèrent

ces années de reconstruction, c’est aussi à une

réflexion sur les rapports entre l’éducation et l’histoire

politique du pays que nous invite l’auteur.

prix : 21 €

La page de l’Institutde Recherches de la FSU

Connaître l’Institut, le travail de ses chantiers, ses publications :Un nouveau site : www.institut.fsu.fr

À EXPÉDIER ÀInstitut de recherches de la FSU – 104, rue Romain Rolland 93260 LES LILAS

Tél. : 01 41 63 87 60 – E-mail : [email protected] : 429 699 804 000 10 – CODE APE 732 Z

Commande accompagnée du chèque de règlement (+ 2 € de frais de port)

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L ’année 2011 s’ouvre avec la « révolution du jasmin » en Tunisie. La FSU,solidaire avec le mouvement social et syndical tunisien, s’associe à sesespoirs pour que s’écrive une nouvelle page de l’histoire de ce pays.

En France, l’année 2011 s’annonce chargée...Malgré la contestation sociale sur les retraites, le gouvernement n’entend pasréduire son train de « réformes ». Ses arguments économiques cachent mal sonchoix de société où il n’est pas question de lutter contre les inégalités et lesinjustices sociales. Il organise ainsi le démantèlement des services publics et dela Fonction publique en réduisant leur capacité d’agir sur tout le territoire, encherchant à déstabiliser l’opinion sur leur bien fondé et en rendant responsablesdes dysfonctionnements les individus eux-mêmes.Mais 2011 sera aussi une année d’action essentielle pour imposer d’autresalternatives !Et la FSU est bien déterminée, dans l’unité la plus large, à s’engager et agir avec

tous les personnels pour obtenir une autre loi de la justice (Loppsi2), en finir avec la précarité dans la Fonctionpublique, exiger une autre politique éducative notamment avec la journée de grève dans l’Éducation le10 février prochain, exiger une revalorisation des salaires, défendre et améliorer les Services Publics avecla campagne « le Service public, on l’aime, on le défend »…

Revue de la Fédération SyndicaleUnitaire104, rue RomainRolland93260 Les LilasTél. : 01 41 63 27 30Fax : 01 41 63 15 48Internet : www.fsu.fr Mél :[email protected]@fsu.frN°CP : 0710-S07429N° ISSN : 1246-077 XDirecteurde la publication :Bernadette GroisonRédaction :Marianne Baby,Monique Daune,Emmanuel Guichardaz,Élizabeth Labaye,Jacques Mucchielli,Isabelle Sargeni-Chetaud. Conception :agence Naja

Publicité :Com d’habitudepublicitéClotilde Poitevin25, rue Fernand-Delmas19100 BriveTél. : 05 55 24 14 03E-Mail :[email protected]

SCRELEC p. 2CASDEN p. 32

Compogravure : CAGImpression : SIEPCredit photocouverture :CADIEU/NAJA

Prix au numéro :0,40 €

Abonnement : 5,25 €

Si vous changezd’adresse, veuillezcommuniquervos nouvellescoordonnéesà votre syndicat.

socialesUn parfum de jasmin 4

Dépendance :lancement de la réforme 9

publiquesPrécarité : faire pression 10

éducativesPISA, le grand écart 12

Grève le 10 février 15

c’est demainOù va la recherche ? 24

culturelleVersailles,château des sciences 30

édito

Déterminés

sommaire

Rencontre : Baru, présidentd’Angoulême BD 2011Désigné grand prixd’Angoulême 2010, ledessinateur et scénaris-te Baru est le présidentdu jury de la 38e éditiondu festival internationalde la bande dessinée.Son œuvre, qui explorela vie ouvrière, tientune place à part dansl’univers de la BD.

DOSSIER

Justice : réformerpour l’indépendanceLa justice est-elle réelle-ment indépendante? Lesréformes voulues par Ni-colas Sarkozy visaient àrenforcer la mainmise del’exécutif. Cependant, laFrance est régulièrementcondamnée pour des in-fractions aux droits del’homme.

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Bernadette Groison

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> TUNISIEFSM : la FSUprésenteà Dakar

Le Forum social mondial (FSM)s’installe à Dakar le 6 février.En Afrique donc, oùs’exacerbent les contradictionsde la mobilisation, un continentoù des dynamiques dedéveloppement se heurtentaux politiques libéralesconduites par les institutionsfinancières internationales.L’accent sera mis sur lesdiasporas et les migrations entant que question structurellede la mondialisation. La criseécologique sera aussiprésente.Le rendez-vous de Dakar s’estconstruit au traversde multiples initiatives quiconvergeront avant, pendantet en conclusion du Forum :caravanes, forum des femmesà Kaolack, journées migrationset diasporas, assemblées deconvergence pour les actions,les forums associés.Le FSM est également unespace de construction desmobilisations internationales,comme Rio +20, lesmobilisations pour le G8-G20.Un rendez-vous important.

En Tunisie, l’Histoire s’accélère.Après la révolution de jasmin dont leslogan : « Liberté, travail, dignité »résumait les revendications portéespar le mouvement social, la situa-tion n’est pas encore réglée. C’estl’espoir d’une transformation démo-cratique de ce pays avec plus dejustice, d’égalité, de solidarité quis’exprime mais aussi l’inquiétude devoir cette révolution confisquée parles caciques du gouvernement BenAli dont plusieurs ministres sontencore dans le gouvernement tran-sitoire. Depuis plusieurs années, larépression à l’encontre des militantssyndicaux de la région de Gafsa-Redeyeff, était emblématique despratiques de Ben Ali et de son entou-rage, dont le système privait les habi-tants de la richesse du pays, s’ac-compagnant de corruption, dechômage et parfois de torture etrépression sanglante. Les acteursdu mouvement social exigent unecommission d’enquête sur les meurtres demilitants et le jugement des coupables, ainsique la tenue d’élections législatives et pré-sidentielles. Dans cette période complexepleine d’espoir et d’incertitude, chaque jourqui passe montre la détermination du peupletunisien à obtenir un fonctionnement démo-cratique. Les prochains jours seront décisifspour que la Révolution de Jasmin permetted’écrire une nouvelle page d’Histoire pour laTunisie et son peuple.Depuis, il n’est pas de jour où des mou-vements dans des pays voisins ne viennent

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interroger sur une extension possible decette aspiration démocratique. Après unevague de suicides par immolation, à l’ins-tar du dramatique cas tunisien, les mani-festations se sont développées, notam-ment en Algérie et en Égypte où elles ontété brutalement réprimées par l’armée.Les situations sont très diverses, mais, demême que personne n’avait anticipé larapidité de la chute de Ben Ali, il est diffi-cile de dire jusqu’où ira ce printemps (pré-coce) des peuples.

MARIANNE BABY

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Un parfum de jasmin

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IsabellePouzols

Contrôleurprincipal

Pour les pensionnés des moispairs...Isabelle Pouzols travaille au Centre Régional despensions de Paris et d’Ile-de-France. Ce service dela Direction Régionale des finances publiques gèreles dossiers des fonctionnaires d’État qui résident àParis et dans les départements limitrophes... etdont le mois de naissance est pair.« Un fonctionnaire a plusieurs interlocuteurs suc-cessifs pour la gestion de sa pension », expliqueIsabelle. « Il y a par exemple le service de liquidationdes pensions de la Baule pour les enseignants, puisle dossier passe au Service des Retraites de l’État àNantes, qui établit le titre de pension de l’intéressé,en calcule le montant et nous le transmet pour effec-tuer le paiement ». Mais ce dispositif est en voie

d’être réformé au profit de l’interlocuteur unique etde l’instauration du compte individuel de retraite. Defait, la RGPP fait là aussi des ravages : « la moitié descentres vont disparaître en France. Heureusement,et grâce à la forte implantation syndicale, on aconservé nos services à Paris ». Il faut dire qu’Isabelleest aussi responsable du tout nouveau syndicat desfinances de la FSU, le SNUFIP-FSU. Entrée en 1984,comme agent de recouvrement, à la Direction Géné-rale de la comptabilité publique, elle n’a cependantjamais encaissé d’argent. « En fait je me suis toujoursoccupée de régler des dépenses : celles des minis-tères, et maintenant le versement des pensions.Pourtant, le service dans lequel j’ai débuté s’appelleencore... la paierie générale du Trésor ! ».

Emmanuel Guichardaz

DR

Chômage, précarité, difficultés d’insertion, d’accès au logement… Les jeunes sont souvent définis comme une générationsacrifiée. Mieux qualifiés, ils vivent en général plus mal que la génération précédente. Pourtant, leur irruption remarquéedans les mouvements sociaux, leurs capacités de réactions individuelles ou plus collectives ouvrent des perspectivespour l’avenir, leur avenir.Mais qui sont-ils vraiment une fois sortis de formation ? Comment peuvent-ils s’engager dans leurs milieux professionnelset dans les organisations syndicales ? Quelle place le syndicalisme leur fait-il ?C’est autour de ces questions que s’organisera le colloque « Jeunes salariés et syndicalisme » organisé le mercredi 9 févrierà Paris par la FSU et la CGT avec la participation de chercheurs et sociologues (Sophie Béroud, Nathalie Moncel,Jean-Daniel Levy, Michel Vakaloulis) et en présence de Bernadette Groison et Bernard Thibault.Il s’agit, après les colloques de Caen sur la formation professionnelle et de Toulouse sur la petite enfance, de poursuivrela confrontation d’analyses et de revendications entre militants syndicaux et, au-delà, d’interroger notre syndicalisme,ses formes d’organisation, ses pratiques afin de l’ouvrir bien davantage aux jeunes dans toute leur diversité.

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sociales

Colloque CGT-FSU : jeunes salariés et syndicalisme

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> SOCIAL

La crise économique et sociale est loind’être terminée et ses conséquences auniveau mondial restent fortes. Dans denombreux pays européens, les gouver-nements imposent des plans d’austéritéavec baisse des salaires, réduction dunombre de fonctionnaires, réduction desdépenses publiques… qui accentuent lesdifficultés des salariés. Pendant ce temps,la spéculation se poursuit, sans limites.Partout, des mobilisations se poursuiventpour exiger une autre répartition desrichesses produites et plus de justicesociale.En France, malgré la profonde contestationsociale sur les retraites, le gouvernementn’entend pas réduire son train de« réformes » qui modifie en profondeurl’organisation de l’État et installe une

société de plus enplus inégalitaire. Ilpoursuit le déman-tèlement des ser-vices publics et dela Fonction publiqueen réduisant leurcapacité d’agir surtout le territoire eten menaçant le sta-tut des personnels.La négociation de laconvention Unedics’ouvre avec desorientations trèsagressives duMedef et des repré-sentants de l’UMP.Seule une mobilisa-tion large des syn-

dicats et des organisations de chômeurspourra peser efficacement.Après les initiatives nationales de janviercontre la Loppsi, sur la précarité, sur lesServices Publics, l’éducation, la FSU estdéterminée à poursuivre l’action, dansl’unité la plus large, au niveau interprofes-sionnel comme au niveau de la Fonctionpublique, sur les retraites, l’emploi et lessalaires, les non-titulaires, la protectionsociale... C’est le sens de la pétition unitaire« salaires »* lancée le 24 janvier. Pour laFSU, il est toujours indispensable d’ampli-fier la dynamique unitaire notamment dansle cadre interprofessionnel en finalisantune nouvelle plateforme unitaire.

CLARA CHALIGNY

*http://salairesfonctionpublique.fr

Emploi des jeunes :l’éducation

hors jeu ?Environ un jeune actif sur

quatre est au chômage, unesituation qui ne cesse de

s’aggraver et qui a fortementpesé dans le conflit retraites.

Le ministre du TravailXavier Bertrand a démarré la

consultation d’acteurssociaux sur l’emploi desjeunes, acteurs sociaux

limités d’emblée au MEDEFet aux organisations

syndicales du secteur privé.Rien sur la responsabilité de

l’État et du secteur public surcette question, rien sur lesincidences de la formationinitiale. Situation d’autant

plus préoccupante que lesprincipales pistes envisagéespar le ministre sont une fois

de plus l’alternance (enparticulier l’augmentation del’apprentissage) ou le contrat

de professionnalisation.

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Sous le signe de l’austérité©

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> BUDGETS

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véritable solution de maîtrise de la detteserait de permettre une reprise rapide dela croissance dans les pays touchés…contradictoire avec l’austérité générali-sée. Il faudrait aussi taxer la spécula-tion, et mettre en œuvre une fiscalitéeuropéenne contre le Dumping social etfiscal de certains états.On en est loin ! Le 24 janvier, lesministres des Finances de la zone eurose sont réunis pour essayer d’avancersur une augmentation des ressources deleur Fonds de secours pour porter sacapacité de prêt effective à 440 mil-liards.Pendant ce temps, en France, la rigueuret le déficit seront encore au centre del’année fiscale qui s’ouvre avec, dansl’agenda de travail du gouvernement, laconcrétisation de la réforme de la fisca-lité du patrimoine. L’UMP vient d’ailleursde publier un rapport recommandant unequasi-suppression de l’impôt de solidaritésur la fortune !

ISABELLE SARGENI-CHETAUD

Deux ans après une crise financière dontles conséquences sont dures pour lespopulations et les États, l’avidité des spé-culateurs en tout genre perdure, jouantsur les dettes publiques. Certes, les gou-vernements européens ont mis en placeun fonds de secours mais les marchéspoursuivent leurs attaques, faisant peserle doute sur l’euro. C’est seulement ennovembre 2011 que les ministres desFinances européens ont admis que lesdettes de ses États membres faisaientcourir un risque de crise généralisée. Àla mi-janvier, le Portugal et l’Espagne ontfinalement pu emprunter auprès des mar-chés financiers de quoi financer leur dettepublique mais à un taux (6,7 % !) quirisque de les remettre en difficulté.Dans ces conditions, quelles perspectivespour sortir les pays les plus en difficulté,et plus largement l’Europe, du marasmeactuel ? Les économistes planchent etéchangent, les gouvernements aussi, dif-férentes hypothèses s’échafaudent.Un simple rééchelonnement de la dettereportant le remboursement en faisantporter de lourds intérêts pourrait aggra-ver encore la situation en l’absence dereprise économique. Faire financer ladette publique par les banques centralesimposerait de revenir sur les traités euro-péens (une bonne chose !) mais lescontraintes de remboursement, mêmemoins lourdes, pèseraient encore sur lesbudgets publics. L’abandon partiel decréances, légitime puisque l’augmentationrapide de la dette est liée explicitementà la spéculation, risque une nouvelle fra-gilisation des banques. Autre solution :poursuivre la mutualisation des dettesde la zone euro en amplifiant la « Facilitéeuropéenne de stabilité financière(FESF) » créée en juin 2010 actuellementplafonné à 250 milliards d’euros. Pour les« économistes atterrés » notamment, la

Les sénateurs ont refusé la proposition de loi qui complétait la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie en rejetant son articleprincipal : « Toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologiquegrave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle jugeinsupportable, peut demander à bénéficier (...) d’une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mortrapide et sans douleur. »L’Association pour le droit à mourir dans la dignité a regretté que « le pouvoir exécutif, premier ministre en tête,prive les Français d’un véritable débat parlementaire, ouvert, respectueux » sur la légalisation de l’aide active à mourir.

Euthanasie

Des bébés,encoredes bébés !Avec 828 000 bébés, l’année2010 bat des records denatalité dans notre pays !Il faut remonter aux années1980 et 81 pour retrouver lemême nombre de naissancesen France métropolitaine,années exceptionnellesdepuis la fin du baby-boom.Le bilan démographique del’INSEE montre que la haussede la fécondité tient autantaux premières naissancesqu’au choix d’agrandirle foyer au-delà de deuxenfants. Les femmes onten moyenne 2,01 enfants etl’âge moyen à l’accouchementatteint 30 ans. Le nombre denaissances par mère ayantplus de 35 ans passede 10 à 17 % en 20 ans.En comparaison, en Europe,en 2009, les femmes onteu en moyenne 1,6 enfantet la fécondité diminueen Allemagne, en Autricheou en Espagne.

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L’Europe en crise

À la mi-janvier, le Portugal a finalementpu emprunter auprès des marchés financiers.

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> RAPPORT ZUS

Alors que la politique de la Ville com-mence à produire des effets positifs enmatière d’éducation et de sécurité, ledernier rapport (décembre 2010) del’Observatoire national des Zonesurbaines sensibles (Onzus) tire le signald’alarme sur le niveau élevé du chô-mage, particulièrement celui des jeunes,et de la pauvreté dans les 751 quar-tiers retenus par les pouvoirs publicscomme cibles prioritaires de la politiquede la Ville.Le chômage y touche en effet 43 % desjeunes actifs et 37 % des jeunes actives :100 000 jeunes sur une population activepotentielle de 250 000.Le taux de chômage a grimpé à 18,6 %en 2009, contre 16,9 % en 2008, pré-cise le rapport, dépassant le taux de17,2 % au moment de la mise en placede la loi d’orientation et de programma-tion pour la ville et la rénovation urbaine.

Facteur aggravant et conséquence dela crise, alors que les taux de réussite aubrevet et au bac sont en augmentation,les jeunes diplômés de ces quartierssont eux aussi fortement touchés par lechômage.Alors que le taux d’emploi des femmescontinue d’augmenter de manière géné-rale, une femme habitant en ZUS et néeà l’étranger de parents étrangers a quatrefois plus de chances d’être inactive.Conséquence des dégradations de laprécarité de ces dernières années, de lacrise et particulièrement de ses inci-dences sur le chômage, les quartierssensibles concentrent deux fois plus d’al-locataires des minima sociaux, deux foisplus de personnes vivant sous le seuil depauvreté et trois fois plus de bénéficiairesde la Couverture Maladie Universelle quedans le reste du territoire.

ISABELLE SARGENI-CHETAUD

Pauvreté et chômage

sociales

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Lire, écrire,travailler

« L’illettrisme est une desdifficultés les plus limitantes

dans la vieprofessionnelle » : le rapport

du Conseil d’orientationpour l’emploi, paru en

novembre dernier, part duconstat que les situations

d’illettrisme, trèsfréquentes, constituentsouvent un obstacle au

maintien dans l’emploi, àl’accès aux responsabilités

et à la sécurisation desparcours professionnels,

alors qu’illettrisme n’est passynonyme d’absence de

compétences. Avec un tauxd’illettrisme de 11 %, les

hommes sont plus touchésque les femmes (8 %). Ces

situations sont loin de neconcerner que les migrants

et leurs enfants puisque74 % des personnes en

situation d’illettrismeutilisaient exclusivement le

Français à la maison à l’âgede 5 ans. Le rapport conclutpar 15 propositions pour les

adultes en emploi oudemandeurs

d’emploi, ainsi que lesjeunes en insertion

professionnelle.

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MediatorLe Mediator n’est que la partie émergée de l’iceberg. D’autres médicamentsont dû être retirés du marché dans les années passées en raison d’effets indésirablessupérieurs aux bénéfices apportés aux patients. Et on permet aux médecins

de continuer à prescrire des médicaments à SMR (Service Médical Rendu) insuffisant alors que les déremboursements partiels semultiplient, pénalisant les patients ! Pour la FSU, l’évaluation des médicaments par une autorité véritablement indépendante doitêtre renforcée avant leur mise sur le marché, et l’intérêt thérapeutique des nouveaux médicaments doit être démontré parrapport au médicamentde référence. Les agences du médicament doivent être indépendantes des firmes pharmaceutiques que ce soit financièrement ouen terme d’expertises. Se pose dans cette logique la question de la création d’un pôle public du médicament. Il est indispensablede développer la recherche publique, mais il faut aussi interroger les pratiques de la médecine libérale, du manque de formationcontinue des médecins, du rôle des prescriptions. Les laboratoires – Servier n’est pas le seul – financent les déplacements dansles congrès médicaux, des essais cliniques, subventionnent certaines recherches… sans aucune transparence. L’absence d’unepolitique ambitieuse de prévention y est aussi pour quelque chose. Les crises sanitaires qui se développent montrent que c’estbien l’ensemble du système de santé qu’il faut revoir en s’attaquant à ceux qui le marchandisent et en développantdes politiques publiques innovantes, respectueuses de la santé de tous. C’est aussi une question de démocratie.

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9Pour no 150 – février 2011

Santé, sécurité au travail : ça avance !Le conseil supérieur de la FPE s’est prononcé le 24 janvier, en faveur du nouveau projet de décret sur l’organisation de l’hygièneet la sécurité dans la Fonction publique. À la suite de l’accord sur la santé et la sécurité au travail dans la FP, le vote de la loi et aprèsde nombreuses réunions entre les organisations syndicales et la fonction Publique, les personnels de la fonction publique d’État vontpouvoir comme les salariés du privé, traiter des conditions de travail dans les nouveaux CHSCT . Cette étape cruciale sera suivie de larédaction d’une circulaire d’application. Beaucoup reste à faire, notamment en raison de l’état critique de la médecine de prévention,pour que la Fonction publique acquière à tous les niveaux cette culture de la prévention, mais la dynamique est en marche.

> DÉPENDANCE

Il s’articulera autour de quatre groupes detravail « société et vieillissement »,« enjeux démographiques et financiers »,« accueil et accompagnement des per-sonnes âgées », « stratégie pour la cou-verture de la dépendance des personnesâgées ». Le choix gouvernemental de netraiter que de la perte d’autonomie despersonnes âgées est une décision déjàcontestée à juste titre, notamment par lesassociations de personnes handicapées.Des concertations régionales auront lieusous l’égide des préfets de région etdes directeurs d’ARS. Le Conseil écono-mique, social et environnemental, le HautConseil pour l’Avenir de l’assurance mala-die et le Haut Conseil de la Famille sontégalement saisis. Un comité interminis-tériel, présidé par le Premier ministre, estchargé de « préparer le débat national surla dépendance des personnes âgées,d’en assurer le suivi et d’en tirer lesconclusions ». Les organisations syndi-cales sont actuellement reçues par Rose-lyne Bachelot.Les données sont connues. L’augmen-tation des personnes âgées dépendantesliée au vieillissement de la populationexige une réflexion sur les financements,les structures d’accueil, les besoins enaide humaine qualifiée… Le gouverne-ment, sur la base du rapport Rosso-Debord, a un avis : faire supporter unepart grandissante du coût de la dépen-dance par les personnes elles-mêmesou leur famille. L’une des propositionsest de rendre obligatoire une assuranceà 50 ans, une nouvelle manne pour lesassureurs ! D’autres pistes sont à l’étude

comme le recours sur succession (aulieu de revenir sur les exonérationsaccordées préalablement !) ou concentrerl’APA sur la dépendance la plus lourde.Les départements qui financent aujour-d’hui 70 % de l’APA alors que l’État s’étaitengagé sur 50 %, sont asphyxiés et doi-vent pratiquer des coupes sombres dansles budgets sociaux. Pour Claudy Lebre-ton, président de l’ADF (Association desdépartements de France), il faut « undébat républicain sur la question de l’au-tonomie, un vrai enjeu social qui doitrepose sur la solidarité et non sur unelogique assurantielle ».La FSU doit se mobiliser autour de cetenjeu. Dans la continuité du combat surles retraites, il s’agit de décider quellepart de richesses la société entendconsacrer à une protection sociale soli-daire, face aux logiques de privatisationde la sécurité sociale. Il faut aussi pro-poser des pistes de réflexion pour unemise en œuvre cohérente de politiquespubliques qui facilitent la vie des per-sonnes âgées et leur épanouissement.

ÉLIZABETH LABAYE

Le gouvernementlance sa réforme

sociales

Médecine du travail

Le Conseil constitutionnel,tout en validant la réforme

des retraites, avait censuréles articles liés à la

médecine du travail. EricWoerth avait alors déclaré

que « compte tenu ducaractère indispensable de la

réforme de la médecine dutravail pour la santé des

salariés, les articlescensurés feront l’objet d’uneproposition de loi spécifiquedans les meilleurs délais » !

Quelques sénateurs zélés ontdonc déposé un projet de loi

reprenant ces articles quiremettent en cause

l’indépendance des médecinsdu travail. La FSU demande

le retrait de ce projet etsoutient les initiatives en ce

sens, tout en refusant unstatu quo très dégradé et en

mettant en avant laprévention primaire et le

développement d’équipespluridisciplinaires autour du

médecin du travail.

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Le gouvernement a lancé le cadrage de la préparation de sa réforme dela prise en charge de la dépendance.

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publiques

Équipement : fin de l’ingénierie publiqueDisparues les Directions Départementales de l’Équipement, disparu le ministère de l’équipement... Les personnels eux sonttoujours là mais dépendants des nouvelles Directions départementales des Territoires et de la Mer (interministérielles)et du nouveau ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.Les DDE, ce n’était pas que l’entretien des routes, c’était aussi des prestations d’ingénierie publique (études et réalisationde projets) pour le compte des communes et surtout des petites communes qui ne peuvent disposer de services d’études.Après le transfert des routes aux Conseils Généraux, c’était le domaine qui avait été mis en avant pour l’avenir des DDE.Cela concernait plusieurs milliers d’ingénieurs, techniciens et dessinateurs qui se sont engagés dans cette voie,en suivant des formations, en prenant des postes dans ce domaine…Sur décision de Bruxelles et dans le cadre de la RGPP, cette voie est abandonnée car faussant la concurrence avec les bureauxd’études privés… ce qui laisse la place aux grands groupes de BTP et aux prestations commerciales ! Le 31 décembre 2011,toute activité d’ingénierie publique devra donc avoir cessé. Des services entiers seraient ainsi supprimés, laissantles personnels en plein désarroi et écœurement : une nouvelle attaque des missions et compétences du Service Publicqui se répercutera dans les autres domaines : expertise, instruction de dossiers et contrôle, un vrai gâchis social et humain.

> PRÉCARITÉ

Dès le 10 janvier 2010, la FSU s’étaitdéclarée « prête à discuter sans délai d’unplan de résorption de la précarité ».Cette situation concerne en effet près d’unmillion de personnels dans l’ensemble de lafonction publique (14 % à l’État, 21 % dansla territoriale et 14 % de dans l’hospitalière).Malgré les plans successifs de titularisationet de résorption de la précarité, de 1998à 2008, ce sont plus de 200 000 non titu-laires qui sont venus chaque annéerejoindre les rangs des personnels pré-caires. Et les conditions de travail de cesderniers n’ont cessé de se dégrader :contrats de plus en plus courts, charge deservice plus lourde, rémunération au mini-mum souvent amputée par les temps par-

tiels. Des conséquences lourdes pour lespersonnels mais aussi pour les services.Il y a donc urgence à obtenir un plan de titu-larisation, ouvert à tous les non titulaires enposte ou au chômage. Le CDI (Contrat àDurée Indéterminée) ne répond pas à cetteexigence. Il y a aussi urgence à réduiredrastiquement le recrutement de nouveauxcontractuels, et à mener une politique d’in-sertion des contrats aidés, sur des métiersexistants ou à créer.Ces revendications ont été portées lorsdes journées de mobilisation des précairesde la fonction publique des 9 décembre et20 janvier dernier, menées par la FSU, laCGT et Solidaires fonction publique.Il aura cependant fallu pas moins de 5réunions préparatoires et une premièreséance de négociation avortée pour voir legouvernement amorcer certains reculs, lecontraindre à « affirmer son attachement »au statut de la Fonction publique, et àouvrir plus largement le dispositif de titu-larisation envisagé, son objectif étantd’aboutir à un projet de loi pour l’automneprochain.

EMMANUEL GUICHARDAZ

Contratsaidésen baisse

En 2010, ce sont 400 000contrats aidés qui ont étéutilisés dans le secteur nonmarchand. On se souvientdes problèmes aigus denon-renouvellement d’AVSdès la mi-octobre parépuisement du budget2010. La priorité avaitalors été donnée auxauxiliaires de vie scolaireet aux chantiers d’insertionpour aller au boutde l’année.Pour 2011, Xavier Bertrandannonce que deux milliardsd’euros sont disponiblescorrespondant à 340 000contrats aidés dansle secteur non marchandet 50 000 dans le secteurmarchand. Une baisse plusque préoccupante quandon sait que les effetsde la crise sur l’emploisont toujours prégnantset les besoins pour assurerla scolarisation d’élèveshandicapés dansles établissementsscolaires toujourscroissants !

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JAL’annonce, il y maintenant un an, de la « titularisation progressive descontractuels » a débouché suite aux actions syndicales sur un cycle denégociations avec le ministère de la fonction publique. Après lesrécents propos de responsables UMP sur le statut de la Fonctionpublique, il y a lieu de rester sur ses gardes !

Faire pressionsur les négociations

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publiques

Attaque frontale contre la Fonction publique !Afin de réaliser des économies budgétaires et de mettre fin à des principes statutaires qu’il juge désuets, le député UMPMancel a déposé une proposition de loi visant à réduire le périmètre de la fonction publique en réservant le statut aux seuls « agents exerçant une fonction régalienne ».Or, ce sont ces principes statutaires qui ont permis de construire une fonction publique intègre et efficace, capable de mettreen œuvre un service public neutre et impartial. Parce que ces qualités restent des exigences de notre société, la FSU quidéveloppe actuellement sa campagne « fiers du service public », proposera aux autres organisations syndicales de s’opposerensemble à ce projet de détruire les fondements de la société française et cette nouvelle attaque contre les personnels.

> SALAIRES

On sait depuis longtemps que le « Présidentdu pouvoir d’achat » est en fait celui d’unebaisse généralisée du niveau de vie de lamajorité des salariés et retraités, et c’estparticulièrement vrai pour les agents publics.Le gouvernement gèle le point d’indicepour trois ans, alors que la baisse de pou-voir d’achat du point d’indice Fonctionpublique est de 9,2 % depuis janvier 2000 !Les fonctionnaires subissent également lahausse programmée des retenues pourpension, (rappelons que la loi de réformedes retraites organise le relèvement dutaux de retenue pour pension de 0,27point par an du 1er janvier 2011 au 1er jan-vier 2020) entraînant la baisse des traite-ments nets. S’y ajoute la hausse descotisations mutualistes liée aux désenga-gements de la sécurité sociale et aux nou-velles taxes imposées aux mutuelles.En même temps, en lien avec une gestiontoujours plus individuelle des carrières, et

une appréciation très subjective voire arbi-traire du « mérite », la part de l indemnitaireest en augmentation, et accroît les inéga-lités entre agents, particulièrement au détri-ment des femmes.La FSU est cosignataire d’un appel inter-syndical contre l’austérité dans la fonctionpublique, qui est proposé à la signature despersonnels, pour « en finir avec l’artificielleopposition emplois/salaires ».Les organisations syndicales de la Fonctionpublique exigent du gouvernement : desaugmentations salariales, notamment parl’augmentation de la valeur du point, assu-rant le rattrapage des pertes accumuléesdepuis 2000 et la progression du pouvoird’achat ; une meilleure reconnaissance desqualifications ; une amplitude réelle descarrières.De véritables négociations sur ce dossierdoivent s’ouvrir d’urgence.

ÉLIZABETH LABAYE

Trois années de gelÉlections

profession-nelles

Conséquences des accordsde Bercy et de la loi sur le

dialogue social dans lafonction publique, le

20 octobre 2011, la plupartdes agents de la FPE et de la

FPH seront appelés àrenouveler leurs instancesconsultatives. Ce sont des

milliers de CommissionsConsultatives Paritaires,

Commissions AdministrativesParitaires locales etnationales et pour la

première fois les ComitésTechniques qui sont

concernés. Tous les agentspublics, ou presque, seront

appelés à désigner leursreprésentants à une partie

de ces instances, qu’ilssoient titulaires, stagiaires en

activité, non titulaires dedroit public ou de droit privé.

Autre nouveauté, imposéepar le ministère de

l’Éducation Nationale, tousles personnels de ce

ministère voteront par voieélectronique.

Le gouvernement gèle le point d’indice de la Fonction publique pourtrois ans.

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éducatives Le point sur…

PISA1 est une évaluation internatio-nale triennale placée sous l’égide del’OCDE qui mesure et compare depuis2000 les compétences des élèvesde 15 ans dans trois domaines (voirencadré). À chaque évaluation undomaine (dit majeur) est traité alter-nativement de manière plus appro-fondie que les deux autres. En 2009comme en 2000, la majeure était la

relève d’une vision réductrice desobjectifs de formation des élèves.

Une école française championnedes inégalités

Avec 496 en compréhension del’écrit, 497 en culture mathématiqueet 498 en culture scientifique, lesrésultats 2009 de la France sont rela-tivement stables au sein d’un pelotonde pays situés autour de la moyennede l’OCDE (500 points). La baisse de9 et 14 points dans les premiersdomaines entre 2000 et 2009 n’estpas plus significative que la légèreprogression dans le troisièmedomaine entre 2006 et 2009 (+ 3points).Le grand enseignement de PISA pourla France, c’est surtout l’écart qui secreuse entre les très bons élèves etles très faibles. En compréhensionde l’écrit, la part des élèves les plusperformants a augmenté en neuf ans(passant de 8.5 à 9.6 %) alors qu’ellea diminué en moyenne dans les paysde l’OCDE (de 9 à 8,2 %) Dans lemême temps, la part des élèves àfaibles compétences (en dessous duniveau 2) a augmenté de manièreimportante en France (de 15,2 à19,8 %), ce qui tire ses résultats glo-baux vers le bas.PISA a donc surtout révélé que l’im-pact du milieu social, économique etculturel des parents reste plus déter-minant qu’ailleurs sur la réussite desélèves et que le système éducatiffrançais ne parvient pas à corrigerles inégalités.

Un outil pour pesersur les politiques éducatives

En théorie, l’évaluation PISA n’est pasprescriptive mais elle entraîne unmécanisme de « peer pressure »,c’est-à-dire une pression exercée parles pairs sur les pays jugés « défi-cients » pour les inciter à copier ce quisemble marcher dans ceux en tête dupalmarès.C’est ainsi que X. Darcos s’est inspirédu suivi personnalisé des élèves dans

compréhension de l’écrit, ce qui per-met à l’OCDE d’afficher une compa-raison dans le temps.En 2009, l’étude a été menée dans65 pays dont les 33 pays de l’OCDE,soit 8 pays de plus qu’en 2006.Au-delà des tests, PISA comprendaussi des questionnaires aux élèves,parents, chefs d’établissement et desenquêtes sur le niveau socioprofes-sionnel des familles et les activitésextrascolaires des jeunes.En France, 4 300 élèves nés en 1993ont participé à l’évaluation : ils étaientessentiellement scolarisés en secondegénérale et technologique (51,4 %),en troisième (31,9 %) et en secondeprofessionnelle (9,2 %).PISA ne mesure pas le degré de maî-trise des programmes d’enseigne-ment, qui sont différents d’un pays àl’autre, mais les capacités des élèvesà mobiliser leurs connaissances et àles appliquer dans des situationsvariées, parfois éloignées de cellesqu’ils rencontrent dans le cadre sco-laire. Ainsi une partie importante de cequi est enseigné en France n’est pasprise en compte par l’évaluation.Bon nombre de critiques soulignent ladifficulté à comparer des systèmeséducatifs différents et donc à exploi-ter les résultats à des tests dont lesitems résultent d’un compromis auniveau international.Plus globalement, l’évaluation PISA

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4 300 élèves nés en 1993 ont participé à l’évaluation PISA 2009. Les résultats sont relativementstables pour la France mais l’écart se creuse entre les bons élèves et les très faibles.

Compréhension de l’écrit : capacitéà comprendre, à interpréter et àréagir à des documents divers (textesplus ou moins longs, images, cartes,graphiques, tableaux…).Trois compétences mesurées : accéderà l’information et la localiser ; intégreret interpréter ; réfléchir et évaluer.Culture mathématique : capacité àmettre en œuvre des acquis mathé-matiques pour résoudre des exercicesliés à la vie quotidienne.

Quatre sous-domaines (quantité ;espace et formes ; variations et rela-tions ; incertitudes).Culture scientifique : capacité à utili-ser des connaissances dans descontextes de vie quotidienne.Trois compétences mesurées : iden-tifier des questions d’ordre scienti-fique ; expliquer des phénomènes demanière scientifique ; utiliser des faitsscientifiques.

Les résultats de la France sont relativementstables autour de la moyenne.

Les trois domaines évalués par PISA

PISA, le grand écart

13Pour no 150 – février 2011

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Le grand enseignement de PISApour la France, c’est surtout l’écart

qui se creuse entre les très bonsélèves et les très faibles.

les pays scandinaves, reconnus pourleurs résultats globaux supérieurs etdes inégalités scolaires moins éle-vées, pour asseoir sa réforme del’école primaire et introduire une aideindividualisée de 2 heures, mais enadaptant le modèle scandinave auxtraditions françaises : une aide auxélèves relevant plus de la remédia-tion, sur un nombre d’heures trèslimité, pour les seuls élèves en diffi-cultés avec tous les effets de stig-matisation que l’on connaît !Les résultats de l’évaluation (scorechiffré ou place occupée dans le clas-sement des pays) servent, la plupartdu temps, à légitimer des réformes encours ou programmées. En France,Luc Chatel entend poursuivre sa poli-tique de suppressions de postes, lapersonnalisation des enseignements,l’autonomie renforcée des établisse-ments et le recentrage sur le soclecommun. Et au lieu de mettre enplace une politique volontariste deréduction des inégalités scolaires, ils’enferre dans le démantèlement del’éducation prioritaire initié en 2006avec une carte limitée aux seuls RARabsorbés dans un programme(E)CLAIR qu’il pare de toutes les ver-tus.

MONIQUE DAUNE

1. « Programme for International StudentAssessment » ou « Programme interna-tional pour le suivi des acquis des élèves ».

1. Quelle est la pertinencede l’évaluation PISA en tantqu’outil statistique mesu-rant les acquis des élèvesde 15 ans ? Quelles en sontles limites ?Comme outil scientifique,PISA est une source impor-tante pour les chercheurset pourrait l’être pour lespolitiques. Il nous renseignetout d’abord sur les acquisdes élèves dans desdomaines spécifiques quisont aujourd’hui incontour-nables à l’école. Cela neveut pas dire que lesmesures des littératies dansdifférents domaines que pro-pose l’enquête reflètent latotalité ce qui doit êtreacquis à l’école, ni que leconcept de compétencescentral dans PISA ne puissepas être questionné. Deplus, PISA nous offre unemesure de certains desacquis qui doivent être lerésultat de la scolarisationmais il ne s’agit que d’unevue partielle. Par exemple,l’étude de l’IEA Civics Édu-cation sur les attitudes

civiques des élèves est toutaussi complémentaire, carl’école est un lieu de socia-lisation, une école du vivreensemble, ce qu’il ne fautpas oublier quand onregarde ces palmarès. PISAnous offre un indicateurparmi d’autres de ce queproduit l’école.

2. Quel(s) enseignement(s)majeur(s) tirez-vous desrésultats 2009 pour laFrance ?La France reste dans lamoyenne des pays del’OCDE, même si elle abaissé en mathématiques.Mais l’indicateur sur lesélèves en difficulté se dété-riore. Cette enquête montreaussi le poids de l’originesociale dans les inégalitésscolaires, alors que nousétions dans la moyenne en2000. En dix ans, il y a euun creusement des inégali-tés scolaires d’originesociale. Autre élément surlequel on a jusqu’ici moinsinsisté en France, notrepositionnement est moins

Nathalie Mons,maître de conférences

en sociologie,université Paris-Est

Marne-La-Vallée-LATTS

bon sur les inégalités sco-laires d’origine « nationale »,avec des écarts importantsentre autochtones et élèvesissus de la première et laseconde génération.

3. En quoi les résultats dePISA, souvent présentéssous forme de palmarès,peuvent-ils influencer lespolitiques nationales ?La publication de l’enquêtenotamment dans les médiaspousse à la comparaisondes politiques éducativesentre les pays. Mais bienplus qu’une utilisation réel-lement scientifique, PISA estsouvent instrumentalisé parles acteurs politiques poursoutenir des projets deréforme qui ne sont pas tou-jours en lien avec les ensei-gnements de l’enquête.

3 questions àNathalie Mons« Un indicateur parmi d’autres »

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Les 730 000 écoliers de CM2 ont de nouveau passé les évaluations nationales au cours du mois de janvier malgréla vive contestation qu’elles soulèvent depuis leur mise en place. Après avoir obtenu la non-publication des résultats écolepar école pour éviter toute mise en concurrence des écoles, le SNUipp continue de demander une remise à platdu dispositif pour que les évaluations soient un véritable outil d’aide aux élèves. Malgré quelques modifications apportéessuite aux discussions ouvertes par le ministère qui reconnaissait ainsi le bien fondé des critiques, rien n’est vraiment réglé.Le calendrier qui aboutit à évaluer des élèves en cours d’année sur un programme qu’ils ne peuvent avoir achevé,continue de poser la question de la finalité même du dispositif : ni diagnostic, ni véritable bilan. Les modalités decorrection sur le mode binaire (juste/faux) ne permettent pas la prise en compte des réussites partielles, pourtant le lot dela majorité des élèves. L’introduction de codages intermédiaires pour un tiers des exercices reste insuffisante, la remontéedes résultats n’en tiendra même pas compte. Ce dont les enseignants ont besoin pour aider les élèves à progresser, ce sontdes évaluations qui permettent de mesurer la nature des difficultés de chacun. S’il s’agit uniquement d’évaluer le système,un échantillon suffirait, comme pour PISA. Le SNUipp appelle les enseignants à distribuer une lettre aux parents et àsigner des motions de conseil d’école qui seront remises aux Inspections académiques lors d’une semaine d’action pourl’évaluation. Il organise un colloque national sur ce thème à Lyon le 7 avril prochain.

éducatives> LYCÉE

Évaluations : encore insuffisant !

Le premier bilan de la réforme de laSeconde générale et technologiqueconfirme tous les dangers pressentis(baisse des horaires disciplinaires, accom-pagnement personnalisé des élèves fourre-tout, enseignements d’exploration qui nefont pas toujours sens, répartition localedes heures dévolues aux dédoublementsqui met en concurrence les disciplines etinstalle une inégalité de traitement desélèves...).L’extension de la réforme en Première àla rentrée prochaine aura des consé-quences tout aussi délétères : le regrou-pement possible des élèves des troisséries générales dans les disciplines dutronc commun et pour l’accompagnementpersonnalisé vise à économiser desemplois sur le dos desélèves en gonflant partoutles effectifs des « regroupe-ments » à 35 élèves. Laréforme des séries techno-logiques STI et STL entreégalement en vigueur mal-gré les avis négatifs du CSEsur les structures, horaireset contenus de programmes.Pour mieux imposer saréforme, le ministère s’étaitefforcé l’an dernier de l’affi-cher à moyens constants enseconde. Mais il ne peut plusle faire aujourd’hui tant la hau-teur des suppressions depostes ne permet plus aux

Une réforme délétèreMoins decandidats,moinsd’admis...Le nombre de candidatsprésents aux concoursenseignants a fortementchuté à la session 2011,presque de moitiépar rapport à l’annéeprécédente... Ainsi, pour les professeursd’Écoles, il est passé de 35à 18 000. Et le pourcentaged’admissibles atteint des tauxhistoriques, de l’ordrede 80 % au CAPEPS parexemple. Malgré tout,dans certaines disciplines(Lettres classiques, éducationmusicale), il est inférieur aunombre de postes ouverts,ce qui annonce déjà moinsde recrutés que prévu.Certes, les conditionsd’entrée dans le métierd’enseignant, l’absencede véritable formationprofessionnelle, mais aussides conditions de travailet de rémunération quise dégradent, le discoursnégatif sur l’École… rendentces professions moinsattractives. Mais lasuccession sur l’année 2010de deux sessions derecrutement a sans doutejoué aussi. ©

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recteurs de ne sacrifier « que » les col-lèges. Les finalités de cette réforme écla-tent donc au grand jour : faire de sérieuseséconomies avec des effectifs de classetrès lourds, des options supprimées et uneffacement de la spécificité de la voie tech-nologique dont les élèves de milieux défa-vorisés seront les premiers pénalisés.Il est urgent de se mobiliser pour obtenirune remise à plat de la classe de Secondeet la non-application de la réforme de laPremière générale et de la Première tech-nologique à la rentrée 2011 et l’ouverturede discussions pour une tout réforme.C’est le sens de la pétition intersyndicaleunitaire qui vient d’être lancée et desactions en perspective.

MONIQUE DAUNE

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éducatives

> ACTION

Aucun appétit pour les ÉCLAIRSans aucune concertation, le ministère a annoncé l’extension du programme Clair à tous les collèges RAR et aux écolesprimaires de leurs bassins, négligeant une fois encore de prendre appui sur l’expérience, l’engagement et les attentes despersonnels travaillant en éducation prioritaire. La FSU demande l’abandon de ce programme qui poursuit le démantèlementde l’éducation prioritaire et institue des déréglementations pour les élèves comme pour les personnels. Elle mènera desactions en ce sens pour obtenir une véritable relance de l’éducation prioritaire.

Il n’est de jour, ou presque, sans annonceconcernant l’école. Jamais peut-être lesquestions éducatives n’auront été sur ledevant de la scène. Évaluations en pri-maire, rythmes scolaires, apprentissagesde langues vivantes étrangères dès 3 ans,programmes Clairs, formation des ensei-gnants... pour ne citer que les plus récentspropos du ministre, ont fait la une desmédias. Écrans de fumée savammentorchestrés par le ministère à l’heure oùs’organisait la première riposte à un budgetdramatiquement et historiquement excep-tionnel ?Le 22 janvier, à l’appel du collectif « Notreécole, notre avenir », il s’agissait en effetde dire non à un budget asphyxiant l’écoleet d’exiger d’autres choix en matière depolitique éducative.À défaut d’une mobilisation d’ampleur, l’ori-ginalité et le dynamisme ont marqué lestrès nombreuses initiatives : rallye desécoles dans la Nièvre, cortège carnava-lesque funèbre à Nice, freezing à Pau,lâcher de ballons noirs à Strasbourg, nom-

breuses classes à cielouvert... Cette journée de mobilisationn’était qu’une première étape.Le gouvernement doit cesserde faire croire qu’il est pos-sible de faire mieux avecmoins. Nul n’ignore que sapol it ique éducative estconduite par celle de la réduc-tion des dépenses publiques.Or, c’est une autre politique,avec d’autres moyens, uneautre dynamique à tous lesniveaux du système éducatif,qu’il faut mettre en œuvre.L’ampleur des suppressionsde postes, 16 000 postes àla rentrée prochaine, alorsque 62 000 élèves supplé-mentaires sont attendus, etles transformations radicales

qui instaurent une école de plus en plusségrégative, ne permettront pas de rele-ver le défi de la réussite de tous lesélèves.Pour la FSU, l’ampleur des attaques néces-site des réponses fortes. C’est pourquoi ellea proposé à ses partenaires syndicaux unejournée de grève nationale avant lesvacances de février. Considérant que lahauteur des dégradations du service publicd’éducation ne peut rester sans réactiondes personnels, elle a décidé de prendretoutes ses responsabilités et d’appeler lesenseignants et l’ensemble des personnelsde l’éducation à faire grève le 10 février.Dans l’urgence, l’École ne peut attendre !Soyons nombreux dans l’action !La FSU a aussi proposé au collectif des 25une nouvelle étape unitaire de mobilisa-tion. Parents, enseignants, lycéens, étu-diants, mouvements pédagogiques... semobiliseront donc encore ensemble lesamedi 29 mars pour exiger d’autres choixéducatifs !

MARIANNE BABY

« Écolesdu socle »

Le concept « d’écoles dusocle commun » envahit le

discours public (HCE,Grosperrin, Reiss) et desexpérimentations (Lot et

Morbihan) qui visent àfusionner école et collègedans une même entité oùprofesseurs des écoles et

professeurs de collègeseraient interchangeables.

Les députés UMP Grosperrinet Reiss ont récemment

annoncé qu’ils déposeraientune proposition de loi dans

ce sens. Le concept s’appuiesur le socle commun instituépar la loi Fillon de 2005 pourreprendre le projet « d’écolefondamentale » refusé par lamajorité des enseignants du

second degré en 1989lorsque le ministre Jospin del’époque tentait de l’installer

par la création d’un corpsspécifique de professeurs de

collège polyvalents. Toutdécrochage du collège du

second degré seraitdramatique pour les élèves

comme pour les personnels.

Grève le 10 février©

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Lors de ses vœux au monde de la culture et de la connaissance, boycottés par la FSU et lesprincipales organisations syndicales, le Président a annoncé sa volonté de revoir la réformede la formation initiale des enseignants. Pour la FSU, cette annonce sonne comme undésaveu cinglant de sa propre politique et devrait ouvrir la porte à de nouvelles discussions.Si le gouvernement reconnaît ainsi ce que la FSU et ses syndicats ont largement dénoncé,nul doute que sa conception de l’apprentissage du métier d’enseignant risque bien de ne pasavoir beaucoup changé, de même que sa logique budgétaire ! Or, c’est une tout autreréforme dont les futurs enseignants et l’École ont besoin, et qu’il faudra défendre dans lessemaines à venir !

éducatives> PRÉ-RAPPORT

Formation : 100 fois sur le métier...remettez votre ouvrage !

Le comité de pilotage (COPIL) de la Confé-rence Nationale sur les rythmes scolaires aremis le 25 janvier son rapport de synthèseprésenté comme « le reflet fidèle de toutesles contributions et de toutes les opinionsexprimées, de ce que pensent les Françaisde l’organisation actuelle et des améliora-tions qui pourraient être apportées ».Le travail de compilations est importantmais tout est mis à plat comme si tous lesavis se valaient. Les rapporteurs n’ont pashésité pour autant à avancer des pistesque la FSU conteste, comme l’annualisa-tion des services des personnels parexemple. Le COPIL doit maintenant pro-céder à des consultations complémen-taires avant de remettre en mai son rap-port d’orientation au ministre quiprésentera les orientations retenues avantla fin de l’année scolaire. La vigilance s’im-

pose donc pour que le COPIL ne préconisepas des pistes convenues, déjà dans lestiroirs du ministère.La FSU continuera à porter ses proposi-tions sur les rythmes scolaires. L’objectifpremier doit être la réussite de tous lesélèves dans une école de qualité pour tous.Au-delà des fausses évidences ou des com-paraisons internationales, toujours par-tielles, des questions lourdes vont devoirêtre traitées sérieusement : la dimensionqualitative du temps scolaire (pas « moins »mais « mieux » d’école), la culture à trans-mettre à tous et les programmes qu’il nesuffit pas d’alléger ; le calendrier scolaireet les enjeux autour des vacances notam-ment d’été ; la nécessité d’améliorer lesconditions d’études et de vie des élèves etles conditions de travail des personnels.

CLARA CHALIGNY

Vigilancesur les rythmes

Les politiquesd’éducationprioritaireDans le dossier de la revuen° 149, consacré à l’éducationprioritaire, le petit texte« Europe » de la page 20 étaitlargement inspiré de l’ouvragecollectif à partir duquelJean-Yves Rochex aégalement tenu ses propos.Il s’agit de l’ouvrage intitulé« Les politiques d’éducationprioritaire en Europe,Conceptions, mises en œuvre,débats » réalisé par MarcDemeuse, Daniel Frandji, DavidGreger et Jean-Yves Rochex(dir.), Lyon, Publications del’INRP, décembre 2008.Que les auteurs veuillent bienexcuser l’oubli de cetteréférence au montage.

Suspensiondes allocationsfamilialesLe décret d’application de la loiqui organise la suspension desallocations familiales en casd’absentéisme scolaire a étépublié le 23 janvier.Alors que l’absentéismescolaire est un phénomènecomplexe qui prend ses racinesdans un ensemble de difficultésd’ordre scolaire, social, médicalou familial et qui appelle desréponses multiformes, cettemesure ne vise à régler leproblème que sous l’anglerépressif en présentant lesparents des élèves absentéistescomme des parents défaillants.Les sanctionner financièrementrevient à ignorer leur désarroiet à pénaliser les familles quiont justement le plus de mal às’en sortir.La FSU dénonce cette mesureinjuste. Ses propositions pourredonner du sens à l’écolesupposent de rompreavec la politique actuellede suppressions massives depostes et de donner les moyensaux personnels de travailler ausein d’équipes pluriprofession-nelles complètes.

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La justice est-elle réellementindépendante ? Les réformes vouluespar Nicolas Sarkozy visaient à renforcerla mainmise de l’exécutif. Cependant, laFrance est régulièrement condamnéepour des infractions aux droits del’homme.

Dossier réalisé parMarianne Baby, Monique Daune,Emmanuel Guichardaz, Élizabeth Labaye,Isabelle Sargeni-Chetaud.

DOSSIER

Justice : réformer

Au nom de la modernisation de la justice et de l’ac-croissement des droits de la défense, en jan-vier 2009, Nicolas Sarkozy annonçait la suppressiondu juge d’instruction, surfant sur le discrédit portépar l’affaire Outreau sur ces « petits juges » pourtantà la pointe de la révélation des affaires politico-financières. Le Président déclarait vouloir confier l’en-semble des enquêtes pénales aux procureurs, sanss’inquiéter que ces magistrats soient soumis hié-rarchiquement à l’exécutif, et s’assurait, en réalité,d’un contrôle sur le pouvoir judiciaire.Deux ans après, plus encore que les fortes oppo-sitions du monde judiciaire, au-delà des affairesWoerth-Bettencourt, Clearstream ou Karachi quidémontrent l’importance d’une indépendance de lajustice, c’est l’arrêt de la plus haute juridiction fran-çaise, la Cour de cassation, le 15 décembre dernier,

pour l’indépendance

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pour l’indépendance

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Poursuivie dans une affaire de traficde stupéfiants une avocate, FranceMoulin, a été placée en garde à vue.La garde à vue est l imitée à48 heures, l’avocate aurait donc dûvoir le juge d’instruction dans ce délai.Or, elle ne l’a vu qu’au bout de cinqjours. Dans le délai imparti, elle a seu-lement été présentée au procureuradjoint. Elle a donc saisi la Cour euro-péenne des droits de l’homme pour nepas avoir été reçu, dans les délaisimpartis par un « magistrat habilitépar la loi à exercer des fonctions judi-ciaires ».L’affaire était donc délicate pour laCour européenne : donner raison àla plaignante, c’était reconnaître qu’unprocureur n’est pas un tout à fait unmagistrat. Et donc remettre en cause

tout le système français où la dis-tinction entre le siège qui assure lespoursuites en confiant l’affaire à desjuges d’instruction, et le parquet où lesmagistrats sont nommés par leministre de la justice, n’est pas nette.Comme le rappelle l’avocat DidierSeban : « Un magistrat doit avoir indé-pendance et impartialité pour prendresereinement des décisions sur laliberté des gens. Or, en France, lesmagistrats du parquet sont nomméspar le ministre de la justice, ils nesont donc pas indépendants ».Ce manque d’indépendance, dénoncédepuis des décennies par les avocatset les démocrates, a donc étéreconnu le 23 novembre 2010 parla Cour européenne des droits del’homme qui, répondant à France

qui va marquer un tournant histo-rique. Adoptant les conclusions de laCour européenne des droits del’homme, elle estime que le parquetfrançais, ni indépendant du pouvoirpolitique, ni extérieur au procèspénal, ne peut être considéré commeune « autorité judiciaire ». Seuls, lesmagistrats du siège qui instruisent laprocédure, ne sont pas nommés parl’exécutif, sont considérés commede véritables juges. Cette décisionstoppe l’évolution du système judi-ciaire français, qui, depuis unedizaine d’années, allait dans le sensde pouvoirs toujours plus grands auparquet. Inverser la tendance sup-pose que les procureurs soient,comme les magistrats de siège,nommés après avis du Conseil supé-rieur de la magistrature et non par leministère. C’est au travers des déci-sions que le gouvernement devraprendre sur la question de la garde àvue avant le mois de juillet quedevrait s’opérer le premier acte d’unevéritable réforme de la machine judi-ciaire... Si la Chancellerie a tout faitjusque-là pour éviter le débat, il estaujourd’hui incontournable.Sur la question des moyens, un rap-port du Conseil de l’Europe, endécembre 2008, pointait déjà laFrance du doigt, elle dépense deuxfois moins d’argent par habitant pourla justice que l’Allemagne et un tiersde moins que l’Italie. Le gouverne-ment ne pouvait faire moins qu’aug-menter le budget (+ 4,5 %)… mais laréalité est très disparate suivant lesdomaines et marquée par la miseen œuvre de la loi pénitentiaire,Rachida Dati s’est illustrée par laréforme de la carte judiciaire, menéede manière autoritaire et aboutissantà la fermeture de juridictions : 819aujourd’hui contre 1 206 trois ansplus tôt, posant le problème dumaillage du territoire et de l’éloigne-ment du service public pour nombred’usagers.Moyens insuffisants, effectifs enbaisse, réformes mal ficelées, indé-pendance des magistrats, respectdes droits des citoyens, accès à lajustice... C’est l’ensemble du mondejudiciaire qui est aujourd’hui dans latourmente... expliquant les mobilisa-tions qui se succèdent depuis desmois.

Un parquet dépendant

Pour no 150 – février 2011

Les magistrats du parquet, nommés par le ministre, ne sont pasvraiment indépendants. Une réforme s’impose.

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19Pour no 150 – février 2011

DOSSIER

2011 : l’annéeoù un justiciable peutpoursuivre un magistrat

C’est justement la procédure quirelève normalement du siège. Lesjuges d’instruction, juges desenfants, juges d’application despeines, juges d’instance, présidentset vice-présidents des tribunauxd’instance, présidents deschambres de Cour d’appel et de laCour de cassation sont en effet ceuxqui ont la charge de « rendre la jus-tice ». Ils sont indépendants despouvoirs politiques, gouvernementet Parlement, et cette indépendanceest garantie par le Conseil supé-rieur de la magistrature, notammentparce qu’ils sont inamovibles. Onles appelle magistrats du siège,parce que dans un tribunal, ils ren-dent la justice en position assise !À l’inverse, le parquet, qui incarne leministère public, exerce sa missionen position debout. Cette missionest d’exercer l’action publique pourles infractions causant un trouble àl’ordre public. En France, ils sontchargés de l’action pénale et sont àl’initiative des poursuites que seul lesiège peut instruire. Ils sont égale-ment chargés de l’exécution despeines. Les magistrats du parquetsont nommés par le Garde dessceaux.

Qui n’a entendu parler de « magis-trats du siège » ou de « parquet » ?Cette distinction normalementsimple est embrouillée en Franceen raison du manque d’indépen-dance de la justice. En fait, siège etparquet ont deux fonctions bien dif-férentes, mais qui s’entremêlentpour deux raisons essentielles :d’une part les magistrats font partiedu même corps de fonctionnaires etpeuvent passer du siège au parquetet vice-versa, d’autre part les pro-cureurs, magistrats du parquet,interviennent de plus en plus dans laprocédure judiciaire.

Le 23 janvier 2011, est entré envigueur la réforme constitutionnelledu 23 juillet 2008, qui marqueral’histoire de la justice. Elle prévoit eneffet que le Conseil supérieur de lamagistrature peut être saisi par n’im-porte quel justiciable qui aurait à seplaindre d’un juge. Le justiciable,n’importe quel citoyen entraîné dansune procédure le concernant, peutdonc, pour la première fois porterdevant une instance de justice uneplainte quant au comportement d’unmagistrat. Ce dernier est suscep-tible de recevoir une qualificationdisciplinaire.

t du pouvoir

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Moulin, a jugé la posi-tion des magistrats duparquet non conforme àl’article 5 § 3 de laConvention européennedes droits de l’hommesignée par la France. LaCour juge que cesmagistrats ne présen-tent pas les garantiesd’indépendance exigéespour être qualifié, ausens de cet article, « dejuge (...) ou autre magis-trat ».Un véritable camoufletpour le gouvernementfrançais, surtout aumoment où Nicolas Sar-kozy entend mener uneréforme de la justicesupprimant le juge d’ins-truction et plaçant le par-quet au centre du sys-tème judiciaire. Lasuppression du juged’instruction, c’est enquelque sorte la sup-pression de juges indé-pendants qui ont l’au-dace de poursuivre éluset hauts fonctionnairesdans des affairescomme Clearstream, lesfrégates l ivrées auPakistan ou récemment

encore Bettencourt.Camouflet renouvelé, le 15 décembre2010, par la Cour de cassation qui aposé brutalement le problème de l’in-dépendance. D’une part, elle areconnu le bien fondé de la position dela Cour européenne, reprenant à soncompte l’idée que le parquet n’estpas une autorité judiciaire, puisqu’ellen’est pas indépendante. D’autre part,au vu du droit français, elle a égale-ment reconnu que le parquet étaithabilité à prolonger une garde à vue.Cette décision de la Cour de cassationrend désormais impossible le rôleactuel du parquet et impose uneréforme du système français sans lesplus brefs délais. Les magistrats duparquet ont eux-mêmes officiellementdemandé au garde des Sceaux, débutjanvier, une réforme effaçant « l’imaged’un parquet dépendant du pouvoirpolitique ». La balle est donc désormaisdans le camp du gouvernement. ©

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Siège et parquet :distinction et confusions

20 Pour no 150 – février 2011

Police, justice : desdifficiles

La police judiciaire a pour missionde mettre les auteurs d’infractionsde gravité diverses (les vols sont lesinfractions les plus courantes) à ladisposition de la justice et de menerl’enquête à la demande et sous lecontrôle des magistrats du parquet.Les officiers de police judiciaire de lagendarmerie ou de la police sontautorisés à poursuivre et arrêter lesauteurs d’infractions, sous l’autoritédes magistrats. Pour les besoins del’enquête, ils peuvent mettre la per-sonne en garde à vue sous le contrôldu parquet. C’est dire si Police et laJustice sont amenées à travaillerensemble !Néanmoins, perdurent des antago-nismes chroniques qui se réveillentrégulièrement, comme l’illustre unrécent fait divers. Sept policiers deSeine-Saint-Denis ont été condamnésà des peines de six mois à un an deprison ferme pour « dénonciationcalomnieuse » et « faux en écriture »après avoir faussement accusé un

automobiliste d’avoir renversé l’und’eux lors d’une course-poursuite,alors que ce dernier avait été per-cuté par une voiture de police.Ce jugement, pour lequel le parquet afait appel, a provoqué la colère depoliciers qui ont, première en France,manifesté en uniforme avec leur armede service, et le ministre de l’Inté-rieur, Brice Hortefeux, a pris parti,dénonçant une peine « disproportion-née ».Le ministre de la Justice MichelMercier a du, pour sa part, défendrele travail des magistrats estimant« qu’à Bobigny, la justice a fonc-tionné ». Il a fallu l’intervention du pre-mier ministre François Fillon pourramener l’ordre : « je ne puis admettreque magistrats et policiers donnent lesentiment de se dresser les unscontre les autres. Le respect dû à lajustice est un des fondements de l’É-tat, la justice ayant elle-même ledevoir d’assurer la cohérence de lachaîne pénale tout entière ».

Protégerles mineursUne justice spécifique pour les mineursa été créée par l’ordonnance du2 février 1945.Les juridictions pour mineurs doiventprivilégier les mesures « de protection,d’assistance, de surveillance etd’éducation », et ne recourir à laprison que « lorsque les circonstanceset la personnalité du délinquant »paraissent l’exiger.La « Protection judiciaire de lajeunesse », est un service public qui apour mission de prendre en charge etd’éduquer les mineurs délinquants ouen danger que lui confient les jugesdes enfants et le tribunal pour enfants.L’objectif est de favoriser leurintégration et leur insertion scolaire,sociale et professionnelle en donnantla priorité aux mesures éducatives :intervention et suivi dans le cadre dumilieu familial, placement eninstitution, hébergement en foyer ouen famille d’accueil. Mais dessanctions éducatives peuvent êtredécidées pour les mineurs âgés de10 ans au moins, et des peines –pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement– pour les plus de 13 ans.La PJJ compte environ 8 500 agentsqui accompagnent les jeunes dans leurparcours d’insertion dans le cadred’équipes pluriprofessionnelles(directeur, éducateurs, psychologues,assistants de service social…).Depuis quelques années, les politiquessécuritaires conduisent à l’abandonprogressif de l’ambition éducativeportée par l’ordonnance de 45 et setraduisent par de multiples dispositifscoercitifs et d’enfermement qui nevisent qu’à mettre à l’écart lesadolescents concernés, au détrimentd’un accompagnement éducatif inscritdans la durée. La PJJ voit ses actions,ses effectifs en personnels et sesimplantations remises en cause. Sonactivité est recentrée sur la mise enœuvre des mesures pénales par lacirculaire d’orientation du 6 mai 2010.Dans le cadre de la RGPP, la carteadministrative de la PJJ estcomplètement modifiée, avec lacréation de 22 directionsdépartementales renforcées (danschaque région) et la suppression oufusion des directions restantes, ce quidégrade considérablement lesconditions de suivi des jeunesconcernés.

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DOSSIER

Du côté de la police nationale, ontente de justifier la colère des poli-ciers : « Dans un tribunal qui necondamne quasiment jamais lesdélinquants multirécidivistes à de laprison ferme, la sévérité de la sanc-tion visant ces fonctionnaires certesfautifs, mais dont la carrière n’avaitjusqu’alors connu aucun accroc,sonne comme un véritable affront ».L’accusation de « laxisme » desjuges a amené Christophe Régnard,président de l’USM, principal syndi-cat de magistrats à rappeler : « Lespoliciers font un travail très difficile,mais, en stigmatisant les magistrats,ils se trompent de combat. Les sta-tistiques européennes montrent queles tribunaux français prononcentautant de peines de prisonqu’ailleurs ». Les magistrats sontpar ailleurs décidés à porter devantla justice toute prochaine « atteinteà corps constitué ». L’USM réclamela tenue d’une table ronde avec lespoliciers.

Pour no 150 – février 2011

relationsLa réforme de la carte judiciaires’est achevée le 31 décembre 2010avec la fermeture de 17 tribunaux degrande instance (TGI). Une réformequi n’est pas sans conséquencessur le plan financier dans le contexteglobal de rigueur budgétaire quenous connaissons.Certes le budget de la justice appa-raît au premier abord comme undes seuls budgets en augmenta-t ion dans le Projet de loi definances (+ 4,5 %). La réalité sui-vant les domaines est bien plusdisparate, particulièrement mar-quée par la mise en œuvre de la loipénitentiaire.Suite au Grand Emprunt, vingt-troisétablissements pénitentiaires de 700places sont créés, sous forme departenariat public-privé, absorbantune part importante du budget (envi-ron 1,2 milliard pour un budget totalau ministère de la Justice de 3 mil-liards environ)... sans que pourautant les recrutements nécessairessuivent au niveau de l’administrationpénitentiaire. De 2007 à 2011, lenombre de personnes incarcérées aaugmenté de 10,3 % et celui des

personnes suivies en milieu ouvertde 37,5 %,Avec des emplois en baisse alorsque les besoins augmentent, le bud-get de la Protection judiciaire de lajeunesse continue d’être une variabled’ajustement. En ce qui concerneles services d’insertion-probation,les recrutements couvrent à peineles départs à la retraite, malgré unegrande augmentation des suivis depeine. Ceci sans compter les trans-ferts de charge entre le ministère del’Intérieur et le ministère de la Justice(surveillance de la place Vendôme,transferts de prisonniers...).La France compte donc aujourd’hui819 juridictions contre 1 206 troisans plus tôt (voir carte). Une situationpréoccupante pour le maillage terri-torial, l’Association des Petites Villesde France (APVF) déplorantqu’« après les hôpitaux, les effectifsde police et de gendarmerie, laréforme soit trop souvent synonymede disparition de services publics ».Le premier risque est l’éloignementpour les justiciables et usagers. Cesont aussi 1 400 agents (400 magis-trats et 1 000 fonctionnaires) qui

sont affectés par cebouleversement.Une situation pré-occupante du pointde vue budgétaire :outre l’accompa-gnement social despersonnels concer-nés (4,5 millionsd’euros sont prévuspour des aides à lamutation ou aurec lassement ) ,entre l’adaptationdes locaux exis-tants et la construc-tion ou la locationde bâtiments neufs,le volet immobilierest de 427 millionsd’euros.Contrairement auxannonces gouver-nementales, cen’est certes pasune améliorationpour la justice etles justiciables quise profile.D

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Réformes et budgeten trompe-l’œil

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Quand l’Europe condamne

Le système judiciaire français estremis en cause par la juridiction euro-péenne, notamment en raison de pro-cureurs jugés trop proches du pou-voir, du problème de la garde à vue,des conditions de détention inhu-maines....Et depuis plusieurs années,la France est régulièrement rappeléeà l’ordre par l’Europe sur différentssujets.Déjà la France figure « parmi les plusmauvais élèves de la classe euro-péenne pour le nombre de ses magis-trats rapporté à sa population et pourle nombre des personnels de greffepar magistrat » (selon le rapport de laCommission européenne pour l’effi-cacité de la justice - qui classe laFrance 39e sur 45 pour le nombre defonctionnaires de justice !).

Au-delà, den o m b r e u xmagistrats esti-ment que l’or-ganisation judi-ciaire françaiseest inadaptéeaux règles euro-péennes etexpose laFrance à descondamnations.Elle s’est entout cas retrou-vée au bancdes accusés auParlement euro-péen, en raison

de sa politique à l’égard des Roms. LaCE a ainsi demandé à la France demieux « garantir » les droits descitoyens européens qu’elle expulse, enrappelant que les Roms ne devaientpas devenir des «boucs émissaires». la Cour européenne des droits del’Homme (CEDH) avait estimé que leparquet français ne remplissait pas«l’exigence d’indépendance à l’égardde l’exécutif », entraînant la révisionde la réforme de la procédure pénale.En 2009 Michèle Alliot-Marie avaitprojeté la suppression du juge d’ins-truction.....ce qui ne résolvait pas leproblème du manque d’indépendancedu parquet ! Le comité des ministresdu conseil de l’Europe a adopté unerecommandation aux États membressur l’indépendance, l’efficacité et les

responsabilités des juges, qui actua-lise le précédent texte de 1994. Ilrappelle que l’indépendance externedes juges ne constitue pas une pré-rogative ou un privilège accordé dansleur intérêt personnel mais dans celuide l’État de droit et de toute per-sonne demandant et attendant unejustice impartiale. L’indépendancedes juges devrait être considéréecomme une garantie de la liberté, durespect des droits de l’homme et del’application impartiale du droit. L’im-partialité et l’indépendance des jugessont essentielles pour garantir l’éga-lité des parties devant les tribunaux.Le principe de l ’ indépendance(interne) de la justice suppose l’indé-pendance de chaque juge dans l’exer-cice de ses fonctions judiciaires.« Les juges devraient prendre leursdécisions en toute indépendance etimpartialité, et pouvoir agir sans res-trictions, influences indues, pressions,menaces ou interventions, directes ouindirectes, de la part d’une quel-conque autorité, y compris les auto-rités judiciaires elles-mêmes. L’orga-nisation hiérarchique des juridictionsne devrait pas porter atteinte à l’in-dépendance individuelle ». Et chaqueÉtat, selon ce texte « devrait alloueraux tribunaux les ressources, les ins-tallations et les équipements adé-quats pour leur permettre de fonc-tionner dans le respect des exigencesénoncées à l’article 6 de la Conven-tion européenne ».

Régulièrement, le système judiciaire français est remis en cause par la juridiction européenne,procureurs trop proches du pouvoir, garde à vue sans respect des droits, conditions dedétention inhumaines…

Pour no 150 – février 2011

Garde à vue : mise en cause par le Conseil constitutionnelLa réforme de la garde à vue avait été mise en chantier dans le cadre de la refonte de la procédure pénale en 2009.Cependant, suite à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, c’est un tournant historique que le droit françaisdevra opérer. Actuellement, la personne gardée à vue ne se voit pas notifier son droit de garder le silence, ne bénéficie pasréellement de l’assistance d’un avocat lequel ne peut être présent tout au plus que pour un entretien de 30 minutes, n’assistepas aux interrogatoires et n’a pas accès au dossier. Le Conseil a considéré que ces conditions méconnaissent la dignité de lapersonne. Il stipule que « la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteursd’infraction et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée commeéquilibrée. » Les articles du code pénal incriminés devront être modifiés avant le 1er juillet 2011. Examinée depuis le 18 janvierà l’Assemblée nationale, la réforme devrait renforcer la présence d’un avocat. En augmentation constantes (800 000 en 2009),les gardes à vue resteront sous l’autorité du procureur, et non d’un juge des libertés et des droits comme l’avait prévu l’anciennegarde des sceaux Mme Alliot Marie.

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DOSSIER

Didier Seban : « Notre justicedevient dangereuse »Le monde judiciaire est dans latourmente depuis quelques années...Quel regard portez-vous sur lesréformes menées jusqu’à présent ?La justice française est profondémenten crise, elle est quasiment au dernierrang, en terme de financement par l’É-tat, des grands pays développés etnotamment des pays européens.Aujourd’hui, la justice, dans tous lesdomaines, n’est plus en état d’êtrerendue dans des conditions respec-tueuses des droits des citoyens. Maisce qui est au cœur de l’actualitéaujourd’hui, c’est la réforme du droitpénal. La France a été en effetcondamnée récemment, sur le régimede la garde à vue, et sur le rôle duparquet, considéré comme une auto-rité judiciaire non indépendante. Celatouche aux respects des libertés. EnFrance, on a assisté ces dernièresannées à une augmentation considé-rable des gardes à vue, qui concer-nent chaque année près de 900 000personnes. Les reproches portent surl’absence d’avocat pendant la duréede la garde à vue, la possibilité d’ac-céder au dossier, le droit au silencequi n’est pas notifié. La cour euro-péenne des droits de l’homme, la courde cassation et le conseil constitu-tionnel ont jugé que ce régime n’étaitpas conforme au droit européen et àla constitution.

Ces décisions vont-elles à l’encontredes politiques menées jusqu’à présent ?La culture française a fait de l’aveu la« reine des preuves », obtenu dansdes conditions parfois indignes quandon voit l’état de nos commissariats, audétriment de la recherche d’autrespreuves pour passer devant le juge.Certains policiers mènent d’ailleursun combat d’arrière-garde à ce sujet.

À l’occasion de chaque fait divers,le gouvernement promet un projetde loi. Le droit français n’est plusadapté ?C’est une tendance générale, quiconsiste à réagir à chaque événe-ment. C’est la 13e ou 14e loi pénale en10 ans ! Or, on sait qu’il y a, depuis unsiècle, à peu près 1 000 meurtres

Didier Seban, Avocat

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Il faut séparer les fonctions de pro-cureur de la République qui n’est pasindépendant car sous l’autorité duGarde des Sceaux, de celles demagistrat du siège, dont on doit ren-forcer les pouvoirs pour tout ce qui atrait aux libertés, à l’enquête. Il esturgent de faire une réforme qui per-mette de retrouver l’égalité des armesentre ceux qui poursuivent et ceuxqui se défendent.

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« la politiquepénale nepeut êtreune politiquede l’émotion »

par an, et ce nombre tombé à 700dans la dernière période. Rapporté àla population qui a fortement aug-menté, cela correspond à une dimi-nution importante, même si pour lesfamilles, les proches, c’est toujoursressenti comme quelque chose dedramatique et d’inadmissible. La poli-tique pénale ne peut être une poli-tique de l’émotion. Il faut à la foischercher à sanctionner les auteursde faits délictueux, mais aussi lesréinsérer. Le problème de suivi desdélinquants sexuels, ou des récidi-vistes est d’abord un problème demoyens : manque de personnels pourles services d’insertion et de proba-tion, de psychologues, de médecinsdans les prisons. Changer la loi enpermanence, c’est la rendre illisiblepour les citoyens, et empêcher lecontrôle démocratique.

comme dans l’affaire Bettencourt, cequi interdit aux avocats d’avoir accèsau dossier, aux parties de savoir cequ’on leur reproche. C’est évidem-ment contraire à une justice équitable.Il est quand même troublant de voir unpays comme la France régulièrementcondamné par la cour européennedes droits de l’homme...

Une réforme de la justice est doncnécessaire ?Oui, au vu des condamnations qu’asubies la France. On ne peut s’en tenirà la réforme de la seule garde à vue.

Les avocats ont-ils les moyensd’exercer correctement leurs missionsaujourd’hui ?Nous avons une justice qui fonctionnemal, qui ne peut rendre les jugementsdans les délais, qui ne peut pas res-pecter la procédure contradictoirecar on saisit de moins en moins jejuge d’instruction, une justice qui nepermet pas aux droits de la défensede s’exercer. C’est une justice quidevient dangereuse, avec de plus enplus de décisions prises avec un jugeunique, sans instruction préalable

Pour no 150 – février 201124

Le point sur…c’est demain

d’une dizaine de « pôles d’excel-lence », financement des seuls labo-ratoires labellisés et mise en avantde la « gouvernance resserrée », de« l’efficience ».Clairement, ce qui est visé en prioritéest la recherche de retombées immé-diates par un soutien plus fort de larecherche publique à l’activité écono-mique et aux entreprises. Le créditimpôt-recherche est d’ailleurs venuconforter ce dispositif, en incitant lesentreprises qui reçoivent ces crédits àsous-traiter leur activité de rechercheet développement dans les labora-toires publics. « C’est un véritablemécanisme pervers, souligne Jean-Luc Mazet, du SNCS, car cela rend leslaboratoires dépendants de ces finan-cements, tout en fragilisant les dépar-tements R&D des entreprises ».

La politique des « Ex »

À l'instar du projet-phare du plateau deSaclay, c’est partout « l’excellence »qui est de mise, par une politique d’at-tribution de labels aux acronymes évo-cateurs: IDEX (Initiatives d’excellence),assemblages de LABEX (Laboratoiresd’excellence), dotés d’EQUIPEX (équi-pements d’excellence).Les Régions ne sont pas en reste :intervenant dans le cofinancementdes projets, elles valorisent les pôlesde compétitivité, rassemblant des éta-blissements, des organismes, maisaussi des industriels et des banques…Le renforcement de partenariatspublics/privés (PPP) figure d’ailleursparmi les critères d’éligibilité.Cette restructuration a pour effet d’iso-ler les disciplines « porteuses » desautres, les sciences humaines faisant,encore une fois, figure de parentpauvre dans l’attribution des finance-ments. Mais elle conduit aussi à pri-vilégier la mise en concurrence deslaboratoires de recherche, des uni-versités et des écoles, au détrimentdes coopérations nécessaires. Or,« Il est illusoire d’isoler les champsdisciplinaires les uns par rapport auxautres : ils se nourrissent mutuelle-

sait « d’accroître le nombre de projetsde recherche », financés après miseen concurrence et évaluation par lespairs. Dans la pratique, cette validationse fait par un collège de « personna-lités », non élues.La Stratégie Nationale de laRecherche et de l’Innovation (SNRI)lancée en 2008 est venue compléterce dispositif en définissant des prio-rités nationales, autour de 3 axesprioritaires de recherche pour lapériode 2009-2012: santé, bien-être,alimentation et biotechnologies ; envi-ronnement et écotechnologies ; infor-mation, communication et nanotech-nologies.Enfin le Grand emprunt national, des-tiné à lever les fonds pour « oublier leproblème financier », apporte latouche finale à ce système, en opérantun grand ménage dans les structures:restructurations géographiques autour

La première étape de ce plan a été lelancement en 2006 du Pacte pour laRecherche suivi de la création de

l’Agence Nationale pour la Recherche(ANR) en 2007. Officiellement, il s’agis-

Depuis le lancement du « Pacte pour la Recherche », le gouvernement opère une vasterestructuration du système de recherche publique, lourde de conséquences pour l’avenir.

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1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2007

La recherche de retombées immédiates nuità la recherche fondamentale.

Où va la recherche?

En 2008, les entreprises et les adminis-trations situées sur le territoire français ontdépensé plus de 40 milliards d’euros pourdes activités de Recherche et Développe-ment (R&D). La DIRD – dépense intérieurede R&D ne représente aujourd'hui que2,08 % de l’activité économique française(c’est le ratio DIRD/PIB).

Les entreprises réalisent 63,5 % de cesdépenses et les administrations 36,5 %,mais les pouvoirs publics apportent 45,5 %des financements.

Source : Rapport de l’observatoire dessciences et des techniques – Édition 2010.Données MESR - DGSIP.

Évolution du ratio DIRD/PIB (%)

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25Pour no 150 – février 2011

Quel regard portez-vous surl’évolution de la recherchepublique en France?C’est un véritable désastre !On a accumulé réformes surréformes qui ont désarticulél’organisation même de la re-cherche publique. Les éta-blissements publics, quiavaient une certaine autono-mie pour mener une re-cherche à long terme etdésintéressée, avec des re-tombées a posteriori, sont labête noire du gouvernement.Le Président de la Républiquea voulu instituer la « culture duprojet », ce qui, en matière derecherche, est complètementstupide: si on cherche, c’estprécisément parce qu’on nesait pas, et comme on ne saitpas, on ne peut pas prévoirce que l’on va trouver. Sans li-berté de chercher, on peutcertes faire des progrèstechnologiques, mais ce n’estpas de la recherche. Toute

l’organisation proposée né-glige les fondements mêmede la recherche scientifique.

Le Comité National de la Re-cherche Scientifique, dontvous avez été membre de2000 à 2008 est lui aussimis en cause...Le Comité National est com-posé pour moitié demembres du CNRS et pourl’autre de personnes exté-rieures, c’est donc une sortede « parlement de la science »et à ce titre, peut et doit jouerle rôle d’expertise scientifique.Mais on a cherché à lui sub-stituer une agende d’évalua-tion soi-disant indépendante,qui n’a qu’un regard très su-perficiel et ne peut assurervéritablement le suivi de l’ac-tivité de recherche.

Que faudrait-il changer ?Il faut redonner d’une façongénérale à la communauté

Christophe Blondel,Directeur de recherches au

CNRS, est membre, jusqu’aumois de mars prochain,

du Conseil de l’Agence pourl’Évaluation de la Recherche

et de l’Enseignement Supérieur(AERES).

scientifique la liberté de me-ner sa barque, et notammentaux organismes publics com-me le CNRS, les moyens defaire de la recherche avecune certaine autonomie. L’or-ganisme existe toujours,mais il est étranglé par sonbudget et n’a plus de margede manœuvre. Il faut lui re-donner, ainsi qu’aux autresétablissements publics, lesmoyens d’assurer leur mis-sion de recherche publiquefondamentale.

3 questions àChristophe Blondel :« Sans liberté de chercher,on ne peut faire de la recherche »

ment », affirme Marc Neveu, respon-sable de ces questions au SNESup.« La France ne dépose peut-être pasassez de brevets, mais en termes deproduction et de publications, il n’y apas à rougir, comme en témoigne lenombre de médailles “Fields” récol-tées ».Certes, le budget de l’enseignementsupérieur et de la recherche est enaugmentation, mais cette dernière esten trompe-l'œil : en dessous de l’infla-tion réelle pour un grand nombre d’éta-blissements, elle masque des inégalitésimportantes dans la répartition, privi-légie une nouvelle fois les écoles d’in-génieurs et ne dit rien sur les massessalariales, renvoyant aux établisse-ments la responsabilité de la gestiondes personnels, au risque d’accroîtrele recours aux agents précaires.Maintenir les aspects transversaux,renforcer le lien avec la formationsont pourtant les garants d’unerecherche et d’un enseignement dequalité. Cela n’exclut évidemment niles partenariats, ni le pilotage national,mais ce dernier doit fixer de grandesorientations et permettre aux équipesde retrouver leur autonomie, deprendre des risques sur des projets àlong terme et de développer descoopérations volontaires. L’exactcontraire des orientations aujourd’huimises en œuvre.

EMMANUEL GUICHARDAZ

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L’excellence est de mise.Ici, au centre européende biologie et de génomiquestructurales à Illkirch en Alsace.

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L’organigramme 2011 des lieux cultu-rels français change de main.La Réunion des Musées Nationaux perdson administrateur général Alain Grenon.Après six ans passés à moderniser l’ins-titution, le polytechnicien a été nomméen décembre dernier directeur duMuséum national d’histoire naturelledont l’un de ses fleurons, le musée de

l’homme, prépare sa rénovation pourrouvrir en 2012. Fin 2010, l’anciennedirectrice du Centre National de la Ciné-matographie (CNC), la chiraquienneVéronique Cayla, a intégré Arte. Ellesuccédera en mars à Jérôme Clémentà la tête d’Arte France. La tâche estgrande la chaîne franco-allemande n’af-fichant qu’une audience de 2,2 %.Côté théâtre national, Macha Makaïevprend les rennes de la Criée à Mar-seille sur fond de polémique. Nomméepar le gouvernement, la metteur enscène et plasticienne native de Mar-seille l’a emporté contre tous les can-didats, y compris celui soutenu parJean-Claude Gaudin. Bien que l’établis-sement soit propriété de l’État, la nomi-nation doit recevoir l’aval du maire.Polémique aussi à Lyon pour la suc-cession de Guy Darmet qui avaitannoncé, dès 2007, son intention dequitter les directions de la Biennale dela Danse et de la Maison de la Danse.Un appel à candidature européen a per-mis de sélectionner cinq candidats quiont planché pendant huit mois sur leurprojet, c’est dans la précipitation que ladirectrice du Théâtre national deChaillot, Dominique Hervieu, a été nom-mée directement. Si les statuts desdeux institutions n’imposent pas derecourir à un appel d’offres, la procé-dure manque pour le moins de fair-play.

Traces au Palaisde Tokyo

L’art peut avoir descorrespondances fortesavec un lieu, l’expositionTraces d’Amos Gitaï enest exemplaire. Lecinéaste a investi lessous-sols du Palais deTokyo laissés en frichesdepuis 1995 et oùétaient entreposés lesbiens spoliés des Juifspendant la SecondeGuerre mondiale. C’estcette période quel’artiste fait revivre avecles images de quelques-uns de ses films, lessons. Son œuvre,centrée sur la mémoireet l’histoire, trouve iciun écho émouvant,terrible, et pose laquestion de latransmission à l’heureoù les derniers témoinsdirects de la Shoah ontpresque disparu.Du 5 février au10 avril

Voix de FemmesLe festival Voix defemmes, organisé par leCentre dedéveloppement culturelde Saint-Martin-de-Crau(13) depuis 2001, offresa scène auxchanteuses etmusiciennes, nouveauxtalents ou reconnus, quiabordent tous lesgenres. Au-delà desconcerts, le festival estl’occasion derencontres et d’une nuitde la femme au cinéma.Du 12 au 26 mars

Le muséede la danseEn 1993, le CCN de

Rennes et de Bretagnesont devenus muséesde la danse. Dirigédepuis 2009 par lechorégraphe BorisCharmatz, le musée deRennes mêle toutes lesformes d’expérimenta-tion de cet art. Du 1er

au 26 février, ilorganise sa premièreexpositionmonographique :Jérôme Bel en3 secondes30 secondes 3 minutes30 minutes 3 heuresJérôme Bel a signé en2010 avec AnneTeresa DeKeersmaeker troisAbschied, à partir duChant de la Terre deGustav Malher, dans laversion de Schönberg.Le chorégraphe a reçuun Bessie Award pourles représentations deThe show must go on àNew York en 2005. Eten 2008 Jérôme Bel etPichet Klunchun ont étérécompensés par lePrix Routes PrincesseMargriet pour laDiversité Culturelle(Fondation Européennede la Culture) pour lespectacle PichetKlunchun & myself(2005).

A Poitiers, letravail est filméFilmer le travail est lefruit d’un partenariatentre l’Université dePoitiers, l’EspaceMendès France (EMF)et l’AssociationRégionale pourl’Amélioration desConditions de travail(ARACT). Trois objectifs: cinématographique,scientifique et citoyen.Le seconde édition dufestival donnera lieu àdes projections et àdes débats à Poitiersautour de la thématiquedu travail, sous lahoulette du sociologueJean-Paul Gehin.

culturelles

Les nouveauxvisages de la culture

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Macha Makaïev.

Quand les sourisdansent etautres festivals

À Lyon, toutes lesmusiques investirontdans la gaieté lequartier de la CroixRousse, Maison desassociations, cinéma,cafés… pour la nouvelleédition du festivalQuand les sourisdansent (12 au20 février). En Vendée,la Poire sur Vieaccueille du 18 au20 février les artistesdu festival Acoustique :Gérard de Palmas,Thomas Fersen et unconcert autour de laguitare celtique.

Les Amériquesà AvignonLa 33e édition dufestival de danse LesHivernales d’Avignonporte un regard surl’histoire, à travers deschorégraphes qui créenten va-et-vient entrel’Amérique du Nord etleur passé en Amériquedu Sud. Expression dupoids de tous lesbouleversement s duXXe siècle dans lacréation artistiquecontemporaine.Du 24 févrierau 5 mars.

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Musique 2011, tout un programmeEn ce début d’année 2011, les agendas des salles de spectacles, de théâtres et d’opérasaffichent leur programme. C’est l’occasion de laisser opérer la magie du spectacle vivant.

puis au Casino de Paris, les TêtesRaides au Bataclan, Johnny Clegg auBataclan…

Et à l’opéra

Dernier volet de la tétralogie de Wagner,le Crépuscule des dieux sera donné àl’Opéra du Rhin de Strasbourg du 25 fé-vrier au 12 mars puis à Mulhouse du 25au 27 mars. Roberto Alagna fait sarentrée avec Francesca da Rimini deRiccardo Zandonia, opéra que présen-te pour la première fois l’Opéra de Pa-ris, du 31 janvier au 21 février. C’est làaussi qu’on entendra une création deBruno Mantavoni, Akhmatova, évoca-tion de la poétesse russe Anna Akh-matova. Le jeune compositeur signelui-même la mise en scène de son opé-ra. À Lille, c’est une création de Mi-chaël Levinas qui sera donnée. Sur untexte de Valère Novarina inspiré de Kaf-ka, La Métamorphose sera mise enscène par Stanislas Nordey, du 7 au15 mars. Le ténor Rolando Villazoncrée la surpriseen se lançant dans sapremière mise en scène d’un Wertherdont il incarnera le rôle-titre, du 24 jan-vier au 7 février, à l’Opéra de Lyon. Enjuin, à Marseille, Le Cid réunira Rober-to Alagna et sa Chimène Béatrice Uria-Monzon.La musique baroque est à l’honneur dece début d’année avec trois joyaux : Giu-lio Cesare de Haendel à l’Opéra Gar-nier, Orlando Furioso de Vivaldi auThéâtre des Champs-Elysées et la re-prise d’Atys de Lully à l’Opéra Comique,

jouée par William Christie et sa formationdes Arts florissants et mise en scène parJean-Marie Villégier. Cette productionse déplacera au théâtre de Caen puis àl’opéra de Bordeaux en juin.

VÉRONIQUE GIRAUD

Du 12 mars au 16 avril, la Seine-Saint-Denis fait son festival Banlieues Bleues.

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Au Midem 2011, les annonces de proposition ont fait face au désarroi des professionnelsde l’industrie du disque. Le ministre Frédéric Mitterrand a confirmé sa foi en la créa-tion d’une « taxe Google » tandis que le commissaire européen Michel Barnier annon-çait l’ouverture d’une consultation publique sur lacirculation numérique et le projet d’une loi euro-péenne sur la gestion collective, axée sur le prin-cipe de « guichets uniques « qui devrait être pro-posée au Parlement cette année. Lesreprésentants anglo-saxons du secteur se sonteux prononcés pour que l’industrie musicale seréinvente autour de plus petites structures et desréseaux sociaux.

Une industrie au son du numérique

Dans une dizaine de salles du Val-de-Marne, du 21 janvier au 12 février, lachanson est à l’honneur. Marilyn Cris-pell, Geri Allen, Chico Freeman, BernardLubat, Steve Colman, CarmenLinaressont quelques-uns des artistes qui com-posent l’affiche du festival « Sons d’hi-ver ». Le Rock prend la route pourSaint-Malo du 11 au 20 février : lesCaliforniens Cold War Kidsy présen-tent leur nouvel album»Mine Is Yours»,le prodige folk canadien Timber Timbreest là, José González vient avec sonnouveau groupe Junip, Isobel Camp-bell vient accompagnée du ténébreuxMark Lanegan tandis que les jeunesChicagoans de Disappears jouent avecSteve Shelley (de Sonic Youth) à la bat-terie, enfin Dean Wareham revisite le ca-talogue mythique de Galaxie 500... EnSeine-Saint-Denis, le programme dufestival Banlieues Bleues devrait com-bler les amoureux du jazz : avec AlainJean-Marie, Patrice Caratini, EsperanzaSpalding, Anthony Coleman, VijayIyer…, les soirées du 12 mars au16 avril promettent bien du plaisir.Côté chanson, les têtes d’affiche separtagent les grandes salles pari-siennes jusqu’au printemps : VéroniqueSamson puis Bernard Lavilliers à l’Olym-pia, CharlElie Couture à La Boule Noire ©

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Nouvelle baissedu marchéEn 2010, le marché de la musique agénéré 554,4 millions d’euros, soit unebaisse de 5,9 % par rapport à 2009. Unebaisse qui se poursuit depuis huit ans. Lechiffre d’affaires des CD et des DVD chutede 8,9 %, à 466,3 millions d’euros. Lesintempéries en fin d’année, où seconcentre une forte partie de l’activité,n’ont pas arrangé les affaires des dis-quaires, explique le Syndicat national del’édition phonographique (Snep).Les ventes numériques augmentent de14,1 %, mais ce marché ne représenteque 16 % du chiffre d’affaires. À noter uneexplosion des abonnements à un servicede musique en ligne (+60,5%). Un résul-tat dû au succès de l’offre lancée mi-aoûtpar l’opérateur Orange et le site de strea-ming Deezer. Ainsi, sur les 600 000 abon-nés à des services de musique en lignecomptabilisés à la fin de l’année, 500 000étaient des clients d’Orange/Deezer. Etpour le marché du disque, une fortehausse des abonnements est attenduepour 2011, a souligné le président duSnep, Denis Ladegaillerie.

Pour no 150 – février 201128

Le 6 mai 1682 se produit un événe-ment considérable pour la France :Louis XIV, sa cour et le Parlementquittent Paris pour leur nouvelle rési-dence, le Château de Versailles. C’estpeu de dire que la nouvelle résidenceroyale déborde de magnificences :Versailles doit être le plus beau châ-teau du monde puisqu’y réside le plusgrand prince du monde. L’or et l’im-mensité du parc, le luxe et la mise enforme d’un protocole inédit vont confir-mer cette glorification royale, cou-pant ainsi un peu plus le souverainde son peuple.C’est peu de dire également que Ver-sailles va se révéler, pour les troissouverains qui y résideront, un gouffrefinancier. Il y a pourtant revers à la

l’hydraulique, la géodésie, la bota-nique. Installé à plusieurs lieues deParis où se trouvaient les grandesécoles et académies (Pont et Chaus-sées, Génie maritime, Génie militaire,Mines), les rois furent sollicités à Ver-sailles par nombre de savants venusmontrer leurs découvertes, délocali-sant ainsi l’actualité des arts et dessciences du XVIIe au XVIIIe siècle.C’est à Versailles que l’astronomeJean-Dominique Cassini convainquitLouis XIV de redessiner la carte duroyaume de France. Exécutée entre1864 et 1789, c’est elle qui servira àla création des départements. L’amé-nagement d’un immense jardin pota-ger et fruitier au château donna lieu àdes innovations en matière d’agricul-ture qui aboutiront à la culture de nou-velles variétés par des croisements,enrichissant ainsi la cuisine royale.Avec ses serres, Versailles fut égale-ment un temple de la conservationet de l’évolution des espèces. Lesécuries royales ont mené la sciencedu cheval à des sommets et la créa-tion d’une ménagerie fit avancer àgrands pas la zoologie tout autantque l’anatomie animale. C’est de cettescience versaillaise que sont nées lesécoles vétérinaires de Lyon et d’Alfort.

Électricité et ananas

Louis XV, passionné des nouvellestechniques, offrit à l’abbé Nollet de serendre célèbre en faisant expérimen-ter à la cour des décharges élec-triques à des personnes se tenantpar la main, à une époque où le spec-tacle des étincelles, des lueurs et dessecousses électriques était en vogue.C’est sous son règne qu’un plantd’ananas, qui lui avait été offert, adonné en 1733 le premier fruit enFrance. Pour ce grand amateur decafé, 800 pieds de caféiers ont étéplantés au Trianon.À l’occasion du Traité de Versailles quireconnaît l’indépendance des États-Unis le 19 septembre 1783, l’ascen-sion de l’aérostat de Montgolfier au-dessus du château, sous le regardémerveillé des personnalités invitées,assied la gloire d’un pays novateurconduit par Louis XVI.Les maladies royales mènent ellesaussi aux progrès de la médecine,

L’image d’or et de magnificence qui marque Versailles estompele lieu d’art et de sciences que fut également la résidenceroyale. Une exposition inédite se tient au château jusqu’au27 février.

Lorsque Louis XIV s’installa dans son châteauen 1682, il exprima sa volonté de faire édi-fier un opéra dans une aile extérieure. Ilconfia aux architectes Mansart et Viragani latâche d’en concevoir l’implantation. Les tra-

vaux, qui ne commencèrent en 1685, furentinterrompus en raison des guerres et des dif-ficultés financières. Des années plus tard,Louis XV se résolut à la dépense et confiaplans et travaux à Ange Jacques Gabriel.L’opéra fut inauguré en 1770, le jour dumariage du dauphin avec Marie-Antoinette,mais il n’eut guère l’occasion de servir, etplus aucun opéra n’y fut donné jusqu’au5 décembre 2010, jour de sa réouverture.Les grands travaux de 1957 redonnèrent lefaste de ses agencements décoratifs, tech-niques et scéniques, mais uniquement pourdes représentations théâtrales.L’édifice, fermé fin 2007 pour être mis auxnormes de sécurité, a été ouvert au publicet aux spectacles pour la saison 2010-2011. Sa programmation s’ouvre sur lesrépertoires de la musique savante clas-sique et baroque, comme sur le théâtre etla danse. Les 4 et 5 février, on y donne Lecouronnement de Poppée de Monteverdi.En mars, Purcell avec King Arthur puisDidon et Enée. On y entendra Nathalie Des-say le 27 mars et Bérénice de Racine seradonné début avril.

Un opéra à Versailles, deux siècles après

Le point sur…culturelles

Versailles, château des scien

médaille. Car le Roi soleil entend queson rayonnement touche à tous lesarts. Pour cela aussi, il mettra lesmoyens. C’est ce que retrace uneexposition peu commune « Scienceset curiosités à la cour de Versailles ».

Un lieu d’expérimentation

La construction même du château deVersailles et de ses jardins, dans sadimension et ses trésors d’ingénio-sité voués à dépasser ce qui existaitailleurs, a constitué un gigantesquelaboratoire d’expérimentations. Lesaléas du chantier titanesque firentavancer les connaissances dans desdomaines aussi variés que la topo-graphie, la résistance des matériaux,

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L’opéra royal

Versailles, château des scien

29Pour no 150 – février 2011

de la chirurgie et de l’hygiène. Làaussi, des techniques furent expéri-mentées, des conseils prodigués,volontiers suivis par les courtisans.L’académie des sciences, initiée parColbert qui fit se réunir un petit groupede savants deux fois par semainependant trente ans de manière infor-melle, reçut de Louis XIV en 1699son premier règlement. Cette acadé-mie royale, composée de soixante-dix membres et installée au Louvre,contribua au XVIIIe siècle au mouve-ment scientifique par ses publicationset joua un rôle de conseil auprès dupouvoir politique.Louis XIV, protecteur des sciences,et ses deux successeurs passion-nés des sciences et techniques deleur temps, laissent derrière eux unhéritage passionnant, spectaculairede beauté et d’intelligence. Ceschefs-d’œuvre de l ’art et dessciences, conçus avec une magnifi-cence digne des plus grands rois,ont été oubliés. Ils ressurgissentavec l’exposition « Sciences et curio-sité à la Cour de Versailles » qui lesreplace en situation.

PAULINE RIVAUD

Louis XVI donnant ses instructionsau capitaine de vaisseau La Pérouse.

© RMN (CHÂTEAU DE VERSAILLES) GÉRARD BLOT

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L’art contemporain susciterarement la polémique autantqu’à Versailles. Pourtant Jean-Jacques Aillagon, le patronde l’illustre lieu, persiste àinviter au château desartistes alors que de nom-breux visiteurs trouvent qu’ilsn’ont rien à y faire. Certains yvoient même une provoca-tion.Les hostilités ont débuté en2008 avec Jeff Koons, le roidu kitsch. L’artiste américain,qui a fait son fond de com-merce des effets de spec-tacle voire de scandale, n’asans doute pas été choquépar les réactions scandali-sées qui ont accueilli sonhomard géant suspendu auplafond du salon de mars ouencore son lapin trônantdans le salon de l’abondance.Pour le jeune plasticien fran-çais Xavier Veilhan, l’invita-tion à Versailles en 2009 adû apporter une belle noto-riété avec ses deux millionsde visiteurs. On se souvient

des chevaux tirant un car-rosse en tôle d’acier à l’en-trée du château et de la sériedes architectes devant lesbassins, à l’arrière de la rési-dence royale. Ces œuvres,coûteuses, ont pour la plu-part été réalisées spéciale-ment pour l’exposition.L’an dernier, le choix d’unauteur de manga a eudavantage de quoi sur-prendre. La personnalité dujaponais Takashi Murakamin’était pas préparée àla pétition de 10 000personnes réprouvantnon son œuvre, mais saplace à Versailles. Cetteannée, Jean-JacquesAillagon invite le françaisBernar Venet à investirle parc du château, des-siné par Le Nôtre. Moinsconnu du grand public,l’artiste a déjà derrièrelui un parfum de désap-probation suscitée parses sculptures monu-mentales d’arcs d’acier

qui ornent de nombreuxlieux publics en France. Unenouvelle polémique s’an-nonce déjà pour sep-tembre 2011… Nouvellepolémique ou nouveaucoup de pub ? Car ces mul-tiples querelles font coulerbeaucoup d’encre et à tra-vers elles le château deVersailles devient le nou-veau trempl in de l ’artcontemporain en France,version Aillagon.

Polémique au château

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des outils qui m’ont permis defaire des études. Elle m’a aussiposé beaucoup de problèmes.En tant que fils d’immigré, jeme souviens de la honte queje ressentais. J’étais un bonélève, peu discipliné, mais avecd’excellents résultats. Et, detoute la bande de copains,j’avais les meilleurs résultats.Je fais partie de la petite frangede ma génération et de macondition à avoir fait des étudessupérieures.Pour moi, l’école a un rôleessentiel. Je suis un enfant del’école publique et laïque. Elleest au cœur de notre société.

Né dans une famille ouvrièreet communiste du bassin mi-nier de Lorraine, considérez-vous que vous faites une BDengagée ?Non. J’ai beaucoup de respectpour les gens qui s’engagentmoralement, physiquement,tous ceux qui luttent contre unedictature. Je ne suis pas dansce registre. Par contre, ce queje propose, ce que j’exprimec’est un point de vue. Je nepeux pas dire que j’ai uneapproche militante, c’est encoreautre chose. Ce qui m’intéresse

c’est la manière dont marche lemonde. De là où je suis j’ex-prime un point de vue. Et la BDm’autorise à cela. L’acte de lec-ture c’est une expérience dumonde.

Vos personnages ne sont pasdes super héros, ils ont lesdeux pieds dans le monde ou-vrier. Le cadre très réaliste duquartier et les dialogues sansfard construisent un décalageavec le monde d’aujourd’hui…Oui, c’est paradoxal. Je suis unraconteur d’histoires. La voixoff, dans certaines de mes BD,est là pour montrer que je neme situe pas au-dessus, je suisde ça, moi Baru. Ma famille,mes copains. Lorsque je veuxtraduire l’émotion de mes per-sonnages, je les transforme, jeles déforme. Et, en contrepoint,le cadre très réaliste de mesplanches est là pour ramener lelecteur dans le réel. Je veuxgénérer plus de vérité que dansun simple récit.

Grand Prix 2010 du festivalinternational d’Angoulême etcette année président, c’est laconsécration ?Oui. Le festival d’Angoulême estun événement. Il a une fonc-tion. Il ramène la BD à l’actualité,fait que la presse en parle. Au fildes éditions, il permet un repé-rage et une distinction des dif-férents ouvrages.

PROPOS RECUEILLIS

PAR VÉRONIQUE GIRAUD

Désigné grand prix d’Angoulême 2010, le dessinateur et scénariste Baru est le président dujury de la 38e édition du festival international de la bande dessinée. Son œuvre, qui explorela vie ouvrière, tient une place à part dans l’univers de la BD.

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Vous avez acquis une noto-riété depuis 1984 avec «Qué-quette Blues» qui explorel’adolescence d’une bande decopains dans une cité ouvriè-re. Pourquoi situer vos his-toires dans les années soixan-te ?Toutes mes histoires ne sesituent pas dans cette période.« Les Années Spoutnik » sesitue dans les années cinquanteet d’autres albums se situentdans le monde contemporain.Avant tout, j’ai voulu dessinerpour mettre le dessin au rangde l’art. Et pour mettre lesmiens en avant. Avec « Qué-quette Blues », il s’agit d’un por-trait de groupe. À ce momentdans la BD, personne ne parlaitdu monde ouvrier. On ne savaitpas d’où venaient les person-nages de BD, ils véhiculaientseulement une pensée bour-geoise dominante. Je me suisopposé à ça. Mes personnagessont déterminés parce qu’ilssont. C’est un projet délibéré.Une des questions centrales dema BD, c’est la question de l’im-migration, c’est cette questionqui me touche.Aujourd’hui, on a tendance àdire que l’immigration italienneest le paragon de l’immigrationréussie. Né de père italien, jesais que le prix à payer a étéfort. La question que je mepose est : pourquoi les Africainsne sont pas intégrés. Je m’op-pose à cette idée que leur cul-ture en serait le frein. La seulechose qui a changé, c’est ladisparition du travail. Toute maBD est construite là-dessus.Une de mes histoires débuteavec un haut-fourneau qu’onabat. Je ne suis pas nostal-gique. Ce qui m’intéresse c’estde mettre en parallèle le mondeouvrier avec ce qui se passeaujourd’hui dans la société. Lesmanifestations d’entraide, desolidarité.

Et l’école ?Dans ma vie, l’école a eu unegrande importance. J’y ai acquis

« L’acte de lecture,une expérience du

monde »

BARU

Baru, HervéBaruléa, est né en

1947 dans unefamille ouvrière,

d’une mèrebretonne et d’un

père italien.Il débute en

1982 dans Piloteet publie, deux

ans plus tard, lesQuéquette Blues.En 1985, paraît

La Piscine deMicheville puis les

deuxième ettroisième

volumes desQuéquette Blues.

Suivrontnotamment Cours

camarade,L’Autoroute du

Soleil, Les AnnéesSpoutnik et

L’Enragé.