Migrations et développement: l'enjeu environnemental et l'avenir des politiques migratoires
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ED 396 : Ecole doctorale Economie,
organisations, socit
UMR 7220 - Institut des Sciences sociales du Politique
Michal DELEPINE
Le stade de Colombes et l'enjeu d'un grand stade en
France : des origines 1972
Thse prsente et soutenue publiquement le 3 dcembre 2015
en vue de l'obtention du doctorat d'histoire de l'Universit Paris Ouest Nanterre La Dfense sous la direction de M. le professeur Francis DEMIER.
Jury :
Prsident : M. Guy BURGEL Universit Paris Nanterre Ouest La Dfense
Rapporteur: M. Paul DIETSCHY Universit de Franche-Comt
Rapporteur: M. Jean-Pierre WILLIOT Universit Franois Rabelais Tours
Examinateur: Francis DEMIER Universit Paris Ouest Nanterre La Dfense
Examinateur: Mme Florence BOURILLON Universit Paris Est Crteil Val-de-Marne
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Remerciements
Je souhaite tout d'abord remercier M. Francis Dmier pour son ouverture d'esprit et son
enthousiasme concernant un sujet qui pouvait surprendre. Ses conseils aviss et ses encouragements
m'ont aid aller au bout de cette aventure.
Les analyses et remarques de plusieurs chercheurs, rencontrs lors de colloques et
sminaires m'ont galement t trs utiles. Je pense particulirement Rob Lewis, Xavier Breuil et
Mme Bquet-Delavalle, ditrice, qui m'ont indniablement aid poursuivre ce travail. Je remercie
galement le personnel des diffrentes bibliothques et centres d'archives pour leur comptence. Je
me dois de citer Mme Catherine Gonin qui, par amour du club, a prserv les archives un temps
menaces du Racing Club de France et a pu m'ouvrir les portes du RCF, la rue Ebl ou La
Boulie.
Que mes anciens professeurs d'histoire dans le secondaire, et notamment Mme Dansette,
soient galement salus ainsi que les diffrents personnels de direction des collges Paul Eluard de
Garges-Ls-Gonesse ou Albert Camus de Bois-Colombes, qui ont toujours su amnager des emplois
du temps permettant de raliser ce doctorat.
Je dsire enfin remercier mes proches pour leur soutien prcieux durant ces annes de
recherche. J'ai une pense particulire pour ceux qui ont patiemment relu ces pages et d'autres
communications (Philippe, Pierre et Emilie).
Ce travail n'aurait pas t possible sans Aude et mon petit Amaury qui ont support, dans
tous les sens du terme, de longs mois de travail et qui vivent avec le stade de Colombes comme
ligne d'horizon
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Introduction
A l'heure dite, je dbarque dans la coulisse du stade olympique de Colombes, tout fier de
mon passeport pour la gloire. Je file vers le vestiaire 39, juste au-dessous de la tribune d'honneur. J'y
ai mes habitudes comme mes petits copains en ciel et blanc. () A l'extrieur de l'enceinte, la foule
arrive sans excitation. On a pris le train Saint-Lazare, on est descendu la gare de Colombes-
Centre ou Colombes-Stade pour faciliter la venue des spectateurs transforms en joyeux pitons.
() A l'appel de l'arbitre, les joueurs sont prcds de l'quipe des ramasseurs de balles. Nous
empruntons le clbre tunnel de Colombes qui va du vestiaire la pelouse. Quelques petites
marches vers la scne de toutes les sensations1.
Ces souvenirs d'un simple ramasseur de balles, devenu par la suite journaliste sportif de
renom, voquent merveille le stade olympique de Colombes2. Du long voyage au fameux
rectangle vert, Max Urbini nous fait merveilleusement ressentir cet air de Colombes3 si diffrent
des autres. Quatre-vingt-dix ans aprs l'olympiade de 1924, une atmosphre particulire se dgage
toujours de ces vieux gradins mme s'il s'avre aujourd'hui difficile d'imaginer qu'ils ont t le
symbole sportif d'une nation4, une rfrence internationale et le lieu sacr d'une gnration5.
Colombes, Je vais Colombes J'ai jou Colombes J'tais Colombes le jour o la France a
battu6. sont autant d'expressions des annes de gloire (1924-1972), symboles d'un stade qui
incarne sa ville et la fait rayonner internationalement.
1 SINET, V, La Coupe du Monde oublie : Coupe du Monde 1938, Saint-Cyr sur Loire, Alan Sutton, 2002, p 153. Cette
description n'est pas sans rappeler celle de M. Pastoureau qui dcrit les rencontres de football comme des liturgies
collectives et qui se focalise notamment sur les couleurs, le vert tant celle du jeu depuis le Moyen-ge.
PASTOUREAU, M, Les couleurs du stade, In: Vingtime Sicle. Revue d'histoire. N26, avril-juin 1990, p 11. 2 Lauteur de la citation, Max Urbini a t rdacteur en chef du journal France-Football et journaliste L'Equipe. 3 Titre d'un documentaire diffus sur France 2 le 21 fvrier 2008. Voir bibliographie. 4 Voir notamment SPAMPINATO, S, Stades du monde, Antwerp, Tectum, 2004, p 58. L'ancien pavillon de pesage et les
quarts de virage constituent de nos jours les dernires traces historiques mme si une vue satellite du site permet
d'observer l'ancien trac. Colombes s'inscrit dans le cercle trs restreint des stades qui ont accueilli les deux preuves
internationales les plus prestigieuses : les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde de football. Il est donc l'gal de
Wembley, Berlin, Rome... 5 L'extrait suivant retranscrit ce sentiment : Colombes... Dans le monde sportif, ce nom voque avant tout le stade
olympique. Colombes, c'est la finale de la Coupe de France, France-Angleterre de football ou de rugby ou tout autre
match international impatiemment attendu. C'est le dferlement d'une foule compacte et presse, des gares du stade ou
de Colombes, des bus, des autocars, des voitures de plus en plus nombreuses. Tout cela, quelques fois l'an. C'est la
faade : imposante et objet d'une renomme mondiale (...). L'Equipe, 14 janvier 1953. Rappelons galement qu'une
tribune du stade du Centenaire de Montevideo porte le nom de Colombes pour clbrer la victoire uruguayenne en
1924. Colombes est donc plus qu'un lieu attribut , un espace qui reprsente la ville. Ici, les deux semblent se
confondre. MERLE, S, Le stade Geoffroy Guichard de Saint-tienne, un "monument" du sport local ? , Gocarrefour
[En ligne], vol. 79/3 | 2004, mis en ligne le 12 mars 2008, consult le 11 octobre 2014. URL :
http://geocarrefour.revues.org/723, p 221. 6 Magazine du Racing Club de France, Numro spcial de Septembre 1972, Article Le 26 fvrier 1972 lors de France-
Angleterre, a-t-on assist au dernier match international de rugby Colombes? .
http://geocarrefour.revues.org/723
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Colombes, l'historiographie et les sources exploitables.
L'historien du sport a longtemps subi un ddain des universitaires face au phnomne
sportif7 et une distance culturelle pour un objet considr comme vulgaire8. Une culture
sportive nationale limite, un rejet des lites, une omniprsence de la filire STAPS voire certaines
perceptions politiques ont en effet longtemps marginalis une histoire du sport qui s'est rellement
dveloppe dans les annes 1980-1990 grce des pres fondateurs9 . Dsormais
institutionnalise10, elle connat un intrt croissant autour d'une pluralit d'objets d'tudes (histoires
globales, olympisme, activit, clubs, personnalits). Culture populaire11 , fait social total12,
le sport est souvent peru comme l'un des meilleurs miroirs de nos socits13.
Colombes s'inscrit dans cette logique car l'histoire des stades s'crit depuis un sicle en
miroir de l'histoire des socits modernes14 : il peut ainsi tre un tmoin intressant et original de la
socit de son temps. L'objet stade reste nanmoins sous-tudi. Il est un parent pauvre d'une
discipline elle-mme longtemps marginalise : Si le stade a aliment un certain nombre de travaux
en sciences sociales, la recherche en histoire reste encore en retrait de l'analyse d'un espace pourtant
extrmement sensible aux volutions des socits qui l'ont bti et investi15 . Comme souvent dans
l'histoire du sport, la bibliographie se divise entre les fabuleuses histoires de16 et les travaux
7 THOMAS, R, Histoire du Sport, Paris, PUF, Collection Que sais-je ? , 1991, p 122. Le terme de ddain est galement
utilis par A. Wahl propos de la perception du football dans certains milieux universitaires. WAHL, Alfred, Le
football, un nouveau territoire de l'historien , In. Vingtime sicle, Revue d'Histoire. N26, avril-juin 1990, p 128. 8 HUBSHER, R, DURRY, J, JEU, B, L'histoire en mouvements : Le sport dans la socit franaise (XIXme sicle-XXme
sicle), Paris, Armand Colin, 1992, p 8. Albrecht Sonntag voque une rticence des sciences sociales et un
mpris ressenti par les premiers chercheurs dans le domaine du football. SONNTAG, Albrecht, Une passion
partage, des identits ambigus Enjeux europens du football contemporain, Politique europenne, 2008/3 n 26, p.
191-209. DOI : 10.3917/poeu.026.0191, p 192. 9 Pierre Arnaud, Alfred Wahl, JL Gay-Lescot, R. Hubsher, G. Vigarello.... Pour l'historiographie, voir notamment :
TETART, Ph, (Dir), Histoire du sport en France, de la Libration nos jours, Vuibert, Paris, 2007, 523p. Th. Terret
insiste par exemple sur l'origine sociale des chercheurs pour expliquer ce long dsintrt. TERRET, Thierry, Histoire du
sport, Paris, PUF, Collection Que sais-je, 2009, 128p. Les perceptions marxistes d'un sport, vu comme l'incarnation
d'une socit capitaliste et comptitive, ont sans doute eu des rpercussions sur l'intrt port cette thmatique. 10 Il existe des laboratoires de recherches comme le CRIS Lyon, des sminaires rguliers comme celui de P. Dietschy
et P. Clastres Sport, cultures et socits Sciences-Po Paris, des revues spcialises comme Sciences Sociales et
Sports , une Socit Franaise d'Histoire du Sport ... 11 Il est donc oppos dans cette logique aux cultures savantes. A titre d'exemple, Philippe Chassaigne prsente les
rencontres Ecosse-Angleterre comme un moment d'affirmation du sentiment national cossais face au rival anglais.
BLED, JP (Dir), Religion et culture dans les socits et les Etats europens de 1800 1914, Paris, CNED, SEDES,
Novembre 2001, 288p. 12 THOMAS, R, Histoire du Sport, op. cit., p 3. 13 TERRET, Thierry, Histoire du sport, op. cit., p 119-120. Pierre Milza a la mme approche : L'histoire du sport en tant
que phnomne de masse au XXme sicle est une cl pour la comprhension du monde dans lequel nous vivons. Elle
offre des clairages sur la socit, sur la vie politique intrieure et extrieure, sur les phnomnes culturels . TETART,
Ph, (Dir), Histoire du sport en France, de la Libration nos jours, op. cit., p XV. Voir galement LEJEUNE,
Dominique, Histoire du sport XIXme-XXme sicles, Paris, Editions Christian, 2001, 219p. 14 LEMOINE, Bertrand, Les stades en gloire, Dcouvertes Gallimard, Paris, 1998, p 13. 15 SOREZ, Julien, Du terrain la buvette : diffusion du football et contrle social en rgion parisienne durant l'entre-
deux-guerres , Le Mouvement Social, 2012/1 n 238, p. 65-80. DOI : 10.3917/lms.238.0065, p 65. 16 C'est notamment le constat de Th. Terret. TERRET, Th, Histoire des sports, op. cit., p 9. Ph. Ttard rappelle que ces
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universitaires. Rarement dnue d'intrt, la premire catgorie constitue une porte d'entre utile
alors que la seconde reste construire : en France, les historiens du sport ont le plus souvent
privilgi l'tude des processus de cration et de transformations des pratiques sportives mais ont
plus rarement mis l'accent sur la dynamique de leur diffusion spatiale17. Si les stades constituent
rarement le cur des manuels d'histoire du sport18, plusieurs publications ont tent de les faire sortir
de l'ombre.
Aimez-vous les stades d'Alain Ehrenberg, publi en 1980, est l'habituelle rfrence des
bibliographies parce que son auteur apprhende le stade contemporain comme un objet d'tude
part entire19. Il faut ensuite attendre les rflexions d'lisabeth L-Germain sur Gerland et la
politique sportive lyonnaise, celles de Stphane Merle pour l'exemple stphanois, de Daphn Bolz
dans la problmatique du totalitarisme, de Robert Lewis voire de Julien Sorez pour que les stades et
les quipements sportifs deviennent des axes majeurs de recherches20. L'Education Physique et
Sportive, dans la logique d'une pratique de masse, d'une analyse technique ou logistique s'est
galement penche sur la question tout comme l'architecture ou le patrimoine mme si Cet lan
sportif qui engendre une architecture approprie ces divers exercices est encore peu tudi21. Il
n'existe pas, notre connaissance, de monographie sur un stade. Colombes, pour sa part, est presque
nglig. En dehors du travail fondateur du Muse d'Art et d'Histoire de Colombes22 ou de la
synthse coordonne par Thierry Terret sur les Jeux de 192423, la bibliographie est absente.
ouvrages se dveloppent au rythme du calendrier sportif ou des ftes de fin d'anne . TETART, Ph, (Dir), Histoire du
sport en France, de la Libration nos jours, op. cit., p 394. 17 ARNAUD, P, TERRET, Th, (dir), Le sport et ses espaces, 19me et 20me sicles, Editions du CTHS, 1998, p 7. 18 Thierry Terret leur consacre une page et demie dans son Que sais-je? TERRET, Thierry, Histoire du sport, op. cit.
Notons galement l'existence d'un chapitre consacr aux espaces du sport dans l'ouvrage dirig par Ph. Ttart :
VILLARET, S, TETART, P, Chapitre XI : Espaces et temps du sport (1870-1936) : de l'exception la banalisation,
TETART, Ph (Dir), Histoire du sport en France: du second empire au rgime de Vichy, op. cit. 19 EHRENBERG, Alain (textes runis par), Aimez-vous les stades ? : Les origines des politiques sportives en France 1870-
1930, Paris, Revue Recherches, n43, avril 1980, 280p. pp.25-54. 20 En 2011, le retard est toujours important selon J. Sorez : Alors que le football reprsentait au dbut des annes 1990
un nouveau territoire de l'historien , force est de constater que les travaux consacrs l'histoire du sport ont
accumul un certain retard dans l'tude des espaces des pratiques sportives . SOREZ, Julien, Le football et la fabrique
des territoires Une approche spatiale des pratiques culturelles, Vingtime Sicle. Revue d'histoire, 2011/3 n 111, p.
59-72. DOI : 10.3917/vin.111.0059, p 59. Voir galement BOLZ, Daphn, Les arnes totalitaires : Hitler, Mussolini et
les jeux du stade, Paris, CNRS Editions, 2008, 341p; LEWIS, Robert W, The society of the stadium : urban modernity,
sports spectatorship and mass politics in France 1893-1972. Thse non publie. MERLE, S, Politiques et amnagements
sportifs en rgion stphanoise, Paris, L'Harmattan, Collection Espaces et Temps du sport, 409p. LE-GERMAIN, E, Le
stade de Gerland, enjeux d'une politique sportive municipale sportive (1913-1926), Mmoire de DEA, Universit
Claude Bernard, Lyon, 1993. La politique sportive au temps d'douard Herriot : 1905-1957. Thse soutenue en 2001,
sous la direction de Pierre Arnaud. 21 LOUPIAC, C, MENGIN, C (sous la dir de G. MONNIER), L'architecture moderne en France, Tome II : 1889-1940, Paris,
Picard, 1997, p 77. Voir galement : LE BAS, Antoine, Architectures du sport, 1870-1940, Val-de-Marne, Hauts-de-
Seine, Cahier de l'inventaire, Paris, ditions Connivences, 1991, 127p. 22 PIZZORNI-ITIE, Florence (sous la dir), Les yeux du stade : Colombes, temple du sport franais, Muse d'art et
d'histoire de Colombes, ditions de l'albaron, Thonon-les-Bains, 1993, 150p. 23 TERRET, Thierry (dir), Les paris des Jeux Olympiques de 1924, 4 volumes, Biarritz, Atlantica, 2008, 1312p. Ces
quatre livres ont pour objectif, comme le rappelle Thierry Terret dans l'introduction, de comprendre les diffrents enjeux
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Engager une recherche sur cet quipement sportif impose toutefois de grer la question des
sources, vritable constante d'une histoire habitue se construire travers une multitude de
supports24. Bien que situ Colombes, le stade n'est pas la proprit de la ville : les archives
municipales ou celles du Muse d'Art et d'Histoire de la ville ne disposent donc pas d'un corpus
suffisant pour notre travail. Il faut en ralit se tourner du ct du Racing Club de France voire du
Comit National des Sports, ses anciens copropritaires, pour aborder la question. Les archives du
club ont t miraculeusement conserves au golf de La Boulie25 et nous permettent d'apprhender le
stade au prisme du Racing (PV des bureaux et comit, magazine du Racing...). Les sources du
CNOSF (neuf livres du 14 avril 1921 au 7 janvier 1926) et celles des Archives de Paris (cartons VR
152 VR 159), nous aident cerner les origines olympiques de cette construction. La presse
sportive constitue le liant indispensable pour l'analyse de l'exploitation de Colombes et ses liens
avec la question du grand stade26. D'autres sources secondaires27 compltent un corpus qui semble
englober la ralit du monde sportif, associant un club (le Racing), des institutions (le CNOSF), des
acteurs publics (Ville de Paris, Ville de Colombes) et des observateurs aviss que sont les
journalistes sportifs. Cette diversit semble ncessaire pour rajuster les pices du puzzle28 et
apprhender un objet historique complexe.
Le stade et le grand stade : bauches de dfinitions
Parce que la premire difficult qui se prsente dans l'tude du phnomne sportif
concerne la dlimitation mme de l'objet tudier29, nous devons poser des jalons prcis. Par
habitude ou tradition bibliographique30, la rfrence l'antiquit impose tout d'abord de rappeler
(politiques, sportifs, socio-conomiques et socio-culturels) de la VIIIme olympiade. Ces chapitres nous ont t
grandement utiles pour cerner les mcanismes d'attribution de l'olympiade et du choix de Colombes. 24 L'extension du questionnement de l'histoire du sport rend futile et tout simplement irralisable toute prsentation
exhaustive des sources mobilisables. Du timbre commmoratif aux mdailles, des affiches vnementielles aux
retransmissions tlvises, des manuels techniques aux romans populaires, des journaux de tranches la grande
presse : la liste ne saurait tre exhaustive . TERRET, Th, Histoire des sports, op. cit., p 113. 25 Menaces lors de la reprise de l'immeuble de la rue Ebl par le groupe Lagardre, elles sont conserves dans le fief du
club, au golf de la Boulie. Elles incarnent parfaitement ce got de l'archive abord par Arlette Farge : t comme
hiver, elle est glace ; les doigts s'engourdissent tandis qu'ils s'encrent de poussire froide au contact de son papier
parchemin ou chiffon. Elle est peu lisible des yeux mal exercs mme si elle est parfois habille d'une criture
minutieuse et rgulire . FARGE, Arlette, Le got de l'archive, Paris, Seuil, 1997 (1re Ed 1989), p 7. 26 Nous avons essentiellement tudi L'Auto et L'quipe, quotidiens ponctuellement complts par Match, Trs Sport,
Miroir-Sprint, Le Sport Universel Illustr, La vie au grand Air, Tous les Sports et Sporting... 27 Institut Franais d'Architecture, photographies et cartes postales (Gallica, Fonds Armand Noyers, Collection Prestine
Vlox...), archives tlvises de l'INA... 28 Expression employe par Olivier Chovaux. CHOVAUX, Olivier, Origines et enracinement du football-association
dans le Pas-de-Calais (fin XIXe sicle-1914) : des jeux aux sports ? , Revue du Nord, 2004/2 n355, p341-365, p 342. 29 THOMAS, R, Histoire du Sport, op. cit., p 4. 30 Les ouvrages consacrs l'tude d'un ou de plusieurs stades commencent habituellement leurs propos par un retour
l'antiquit, comme l'exemple d'Aymeric Magne l'atteste : Si l'archtype de l'amphithtre romain se retrouve quelque
peu dans les stades d'aujourd'hui, il n'en va pas de mme de la gestion de son quipement polyvalent . MAGNE,
Aymeric, L'volution des stades : vers la 6me gnration , dans CHAIX, P (Dir), Les grands stades : au cur des
enjeux conomiques et sociaux entre collectivits publiques et clubs professionnels, Paris, L'Harmattan, 2011, p 41. Le
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qu'un stade est une distance qui, selon la lgende et les bases fixes Olympie, correspond environ
200m (600 fois le pied d'Hracls) : le site antique est un lieu fondateur parce qu'il apparat
comme le premier amnagement sportif dont toute construction contemporaine semble l'hritire31.
Il en est de mme pour le Colise qui, par sa forme et son organisation intrieure, sert quant lui de
modle de nombreux architectes contemporains32.
L'mergence du phnomne sportif aux XIXme et XXme sicles a toutefois modifi les
reprsentations antiques et L'Auto, en 1924, apporte une dfinition nouvelle : Nous avons
considr comme stade, toute installation sportive qui dispose de terrains de sports, de tribunes, de
lavabos, et qui est clture. Nous avons class comme terrain de sport tout installation clture,
dfinitive, mais non pourvue de tribune 33. Cette premire approche est intressante parce qu'elle
spare dj l'espace du spectacle, dot de tribunes, du simple terrain permettant la pratique
sportive34. La dfinition de Robert Lewis, aussi simple que prcise, nous convient parfaitement :
Un terrain ciel ouvert disposant au moins d'une tribune pour accueillir les spectateurs 35. Celle
du Dictionnaire culturel du sport complte notre approche en voquant la notion de pratique
sportive : un stade est une construction prioritairement destine la pratique d'un ou plusieurs
sports, notamment le football, le rugby, l'athltisme, le cricket ou la natation36 .
L'apport des autres disciplines est galement intressant mme si celles-ci complexifient
parfois notre objet d'tude en multipliant les terminologies. Colombes s'insre ainsi dans la
dfinition de Franois Vigneau37 en tant un espace du sport par destination (construit pour le
sous-titre de la premire partie de sa communication est d'ailleurs: Les stades antiques : des modles... . 31 C'est notamment l'opinion de Stphane Merle. MERLE, S, Politiques et amnagements sportifs en rgion stphanoise,
op. cit. Bertrand Lemoine a une conviction identique : Equipement moderne par excellence, dans un monde o le
sport est devenu une valeur universelle, le stade contemporain est l'hritier de l'arne antique. A partir de la rfrence
mythique d'Olympie, o fut invente l'ide mme de sport, l'histoire des stades s'crit depuis un sicle en miroir de
l'histoire des socits modernes. . LEMOINE, Bertrand, Les stades en gloire, Paris, Dcouvertes Gallimard, 1998, p 13. 32 La dfinition d'un amphithtre antique rejoint celle du stade contemporain : Un amphithtre comporte trois
parties : - les gradins, o prennent place les spectateurs ; - l'arne, o voluent les combattants ; - les coulisses,
mnages sous l'arne et sous les gradins . Dans FREDOUILLE, JC, Dictionnaire de la civilisation romaine, Paris,
Larousse, 1996, 190p. Article amphithtre . Pour Bertrand Lemoine, le Colise est une rfrence pour tout
concepteur de stades : L'ampleur de cet difice, sa distribution savante avec ses galeries et ses jeux d'escaliers, sa
parfaite organisation, o s'insre en sous-sol un ddale de galeries et de coulisses, en font encore aujourd'hui non
seulement un tmoin clef de l'architecture romaine mais aussi un modle toujours d'actualit . LEMOINE, Bertrand, Les
stades en gloire, op. cit., p 15. 33 L'Auto, 21/03/1924. 34 Les vlodromes appartiennent galement la premire catgorie parce qu'ils ont longtemps accueilli les disciplines
athltiques, avant et aprs l'mergence des premiers stades athltiques. 35 LEWIS, Robert, The society of the stadium : urban modernity, sports spectatorship and mass politics in France, 1893-
1975, op. cit., p 9. Il tire cette dfinition de IMBERT, J, Les stades, leur architecture , Larchitecture daujourdhui,
1934, page 20. E. L-Germain apporte galement des prcisions : Le rassemblement dans un mme lieu des
spectateurs et des athltes conduit l'mergence d'une vritable architecture sportive, prvue non pas pour des publics
restreints comme c'est le cas dans les olympiades de l'antiquit, mais destins l'usage des foules . ARNAUD, P,
TERRET, Th, op. cit., p 306. 36 ATTALI, M, SAINT-MARTIN, J (Dir), Dictionnaire culturel du sport, A. Colin, 2010, p 224. 37 Pour plus de prcision, voir : VIGNEAU, F, Les espaces du sport, collection Que sais-je?, P.U.F n3410, 1998, 127p.
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droulement des pratiques sportives), multisports (athltisme, football, rugby) et un espace de
pratique sportive pour des spectacles sportifs attirant des spectateurs car quip de gradins.
Stphane Merle prfre la notion d'amnagement sportif celle d'quipement jug trop restrictive
car elle suggre un ouvrage identifi, un lieu de pratique amnag excluant les espaces publics et
naturels requalifis par de nombreuses pratiques38. Avec J. Sorez, il emploie galement le terme de
territoire sportif pour tout construit collectif marqu par des reprsentations, des sentiments
d'appartenance, bref, selon une dimension la fois matrielle et idelle39 . Pour JP Callde,
l'quipement sportif s'insre galement dans un rseau40. Sur le terrain de la sociologie, le stade
apparat comme le lieu du spectacle, dans la logique des ftes populaires de Ph. Gaboriau,
porteur d'une dimension quasi mystique et sacralise41. Il est mme parfois dfini comme le thtre
de la domination o existent des pratiques particulires et une logique de territorialit42.
Stade, quipement sportif, espace du sport, amnagement ou territoire sportif tmoignent
d'une richesse smantique lie la diversit des approches historiques, gographiques ou
sociologiques. Autant de dfinitions qui peuvent nanmoins complexifier un lieu que l'on peut
apprhender de faon plus directe. A partir de 1907, Colombes est un complexe sportif omnisports
disposant d'une piste et d'une pelouse permettant la pratique de l'athltisme, du rugby et du football.
Il est ce titre li des disciplines ayant un dplacement linaire (athltisme) ou surfaciques (
l'intrieur d'un rectangle, le football et le rugby)43. L'ensemble est ceintur de gradins permettant de
38 MERLE, S, Politiques et amnagements sportifs en rgion stphanoise, op. cit., p 15. 39 Ibid., p 15. Colombes semble galement tre un territoire sportif puisqu'il est intrinsquement li l'histoire du
Racing Club de France mme si son identit semble multiple puisqu'il est galement un stade national. SOREZ, Julien,
Le football et la fabrique des territoires Une approche spatiale des pratiques culturelles, op. cit. 40 L'quipement doit ainsi tre abord dans la logique du rseau, du maillage : Aujourd'hui, il est d'usage
d'apprhender l'quipement sportif les quipements, espaces et amnagements sportifs en termes de rseaux. On
utilise alors les notions de maillage, de trame, d'armature, mais aussi de hirarchisation, au besoin en distinguant
desserte de proximit (pour l'EPS et le sport scolaire, par exemple) ou de grand rayon (pour le sport spectacle), de
spcialisation ou de polyvalence des installations sportives, ou encore en mettant l'accent sur l'articulation entre sites
relatifs des constructions (gymnase, piscine, patinoire) et sites naturels amnags (rivire, fleuve, parc)
susceptibles d'accueillir diffrents (sports) . CALLEDE Jean-Paul, Rseaux d'quipements sportifs, innovation
culturelle et fonctionnalit urbaine , Histoire, conomie & socit, 2007/2 26e anne, p. 75-85. DOI :
10.3917/hes.072.0075. Citation page 75. 41 Les spectacles sportifs sont alors d' Etranges crmonies se droulant dans de singuliers lieux de culte appels
(ordinairement) stades et diffuses l'aide de petits autels portatifs appels tlvision ou radio, les rituels sportifs
mettent en scne, sur un terrain dlimit, les meilleurs gaux, l'lite des hommes pralablement slectionns...
GABORIAU, Philippe, Les spectacles sportifs : grandeurs et dcadence, Paris, L'Harmattan, 2003, p 106. Notons
galement que le vocabulaire religieux est souvent employ en matire de stade, on parle parfois de temple du sport, de
cathdrale sportive... 42 Sur le stade comme espace de domination de classe : BEAULIEU, M, PERELMAN, M, Le stade : histoire d'un
espace , In revue Quel corps n7, pp 31 40, mars 1977; PERELMAN, Marc, Le stade barbare, la fureur du spectacle
sportif, Mille et une nuits, Paris, 1998, 75p. Voir : BROMBERGER, Christian (dir.), avec la collaboration d'Alain Hayot et
de Jean-Marc Mariottini, Le Match de football. Ethnologie d'une passion partisane Marseille, Naples et Turin, Paris,
Maison des sciences de l'homme, 1994, 406 p. 43 F. Vigneau rflchit galement aux dplacements des athltes dans la dfinition des espaces sportifs, ceux-ci tant
linaires ou surfaciques (cercle, rectangle...), ce qui gnre des formes particulires d'espaces du sport. VIGNEAU,
Franois, Le sens du sport : conqute de l'espace, qute du plaisir , Annales de gographie, 2008/4 n 662, p. 3-
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tout temps l'accueil d'un public pour un spectacle sportif. Site de plusieurs hectares, il comprend
galement une multitude de terrains annexes qui ont, selon les priodes, permis d'accueillir des
milliers de sportifs et des disciplines varies44. Le stade des JO de 1924 est enfin porteur d'une autre
problmatique car il semble tre la principale construction sportive des annes 1924 1972, un
grand stade franais qui monopolise les principaux vnements sportifs et qui incarne de ce fait une
certaine image de la nation45. Nous entrons ici dans le cur d'un questionnement qui ne doit pas
tomber dans le pige du concept46.
Chronologie et problmatique : analyser Colombes au prisme du grand stade.
A rebours de certaines problmatiques qui utilisent un fait sportif comme une porte d'entre
la comprhension d'un phnomne social ou culturel plus global, nous souhaitons tudier
Colombes pour ce qu'il est : un stade. Nous voulons ainsi aborder l'enceinte olympique par le biais
de son utilisation (exploitation, affluence...) et comme une simple construction (architecture,
gestion, proprit...). Cette volont est nanmoins confronte au danger monographique qui ferait
de notre sujet une description au jour le jour de la vie du stade, pige habituel de l'histoire des
sports, drive d'une histoire bataille47 qui semble semble vitable par le simple statut du stade.
L'article de Pascal Leroy publi en 1998 dans L'quipe Magazine48 a guid notre travail
parce qu'il insre Colombes dans la perspective du grand stade, dans cette longue qute du XXme
sicle sportif franais : Avant sa ralisation en 1997, le projet d'un grand stade en France a
constitu pendant plus de 60 ans un projet rcurrent et un sujet de polmiques, notamment quant
son opportunit49. De sa construction son remplacement par le Parc des Princes, Colombes a en
effet constamment entretenu une relation trouble avec cette notion, se confondant ou s'opposant
ce rve franais qui constitue le fil rouge de notre recherche. Nous tenterons ici de dterminer si
Colombes est bien le grand stade franais en tudiant de pair l'histoire du site et cette recherche
nationale, en confrontant la ralit de l'enceinte au mythe d'un stade de 100 000 places, des origines
de la question 1972. Il s'agira galement de comprendre s'il s'agit d'une spcificit franaise.
19. DOI : 10.3917/ag.662.0003. Si l'on suit son raisonnement, Colombes accueille des sports terrestres (se droulant sur
gazon ou sur piste en cendre puis en tartan), de plein air, impliquant pour certains une conqute de l'espace (football,
rugby...) ou une progression dans cet espace (sport de ligne comme l'athltisme). 44 Mais aussi le hockey-sur-gazon, le tennis, le basket, le hand ball... 45 Plusieurs enceintes semblent rpondre ces critres : les stades olympiques (Berlin, Rome, Los Angeles, Tokyo,
Amsterdam, Londres...), les grands stades du football (Hampden Park, Wembley, Chamartin...) ou de rugby
(Twickenham, Lansdowne Road, Cardiff...). Certains pays sont marqus par un vritable partage des tches : longtemps,
l'Angleterre dispose de trois grands stades pour le rugby (Twickenham), le football (Wembley) et l'athltisme (le White
City), l'Ecosse se partage entre Hampden Park et Murrayfield 46 Ce danger vise fonder un concept de dpart qui serait ensuite obligatoirement dmontr par le travail de l'historien.
TETART, Ph, (Dir), Histoire du sport en France, de la Libration nos jours, op. cit. 47 TERRET, Th, Histoire des sports, op. cit., p 251. 48 LEROY, Pascal, Le roman feuilleton du Grand Stade, LEquipe Magazine 824, 24 janvier 1998. 49 Voir LEMOINE, Bertrand, Les stades en gloire, op. cit., p 7.
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Le dcoupage chronologique est d'ailleurs guid par ces deux questions car les premires
heures de Colombes concident avec l'apparition de la problmatique du grand stade. Le choix
d'interrompre notre travail en 1972 est par contre impos par l'histoire mme d'Yves-du-Manoir car,
si le dbat sur un stade monumental se poursuit jusqu' la ralisation du Stade de France, le Parc des
Princes met fin l'influence nationale du vieux stade olympique au dbut des annes 1970.
Prsentation de la structure du mmoire.
tudier le stade de Colombes comme l'enjeu d'un grand stade en France au XXme sicle
ncessite une organisation chronologico-thmatique en quatre parties. Il s'agit dans un premier
temps de revenir sur la prhistoire du site et, plus globalement, sur la question des stades, de la fin
du XIXme sicle l'obtention de l'olympiade de 1924. Les limites bibliographiques et
historiographiques prcdemment voques nous obligent en effet dresser un rapide inventaire
afin de situer Colombes dans un contexte particulier de constructions, de comprendre la place
initiale qu'il occupe dans le sport franais et dans l'histoire du Racing, jusqu'au premier
questionnement sur un grand stade national.
Dans un second temps, nous reviendrons, sur les mcanismes aboutissant la construction
du premier stade olympique franais et ce passage du concept idalis la ralit colombienne.
Nous aborderons ainsi les rles des diffrents acteurs du dossier et les principales polmiques
(emplacement, financement, architecture) en nous focalisant sur Colombes et le Racing Club de
France, souvent sous-estims dans les diffrentes tudes. Nous tenterons d'expliquer pourquoi
Colombes est devenu le premier stade olympique franais.
Nous consacrerons notre troisime partie l'exploitation et la gestion du site, cette re de
Colombes d'une cinquantaine d'annes (1924-1972) car il est important de ne pas occulter
l'vnement sportif, les manifestations accueillies et leurs affluences. Nous essaierons galement de
comprendre le rle et la fonction d'une telle construction et son impact sur la vie du Racing qui a d
en assumer la gestion tout au long de cette priode. Nous pourrons ainsi dterminer le statut mme
du stade olympique.
Mais parce que la vie du stade ne s'arrte pas ce simple inventaire, nous tcherons de
comprendre dans un quatrime temps la concurrence des autres constructions nationales, l'image
dgrade d'un stade que l'on aime dtester et la menace perptuelle de ce fameux mythe des 100 000
places, concept franais jamais ralis mais qui a toujours pes sur l'histoire de Colombes et d'un
Racing qui a ponctuellement envisag de moderniser son bien. Nous tcherons donc de comprendre
cette perptuelle remise en cause de la plus grande installation sportive nationale.
La problmatique et le plan propos nous permettent semble-t-il d'viter le danger
monographique tout en respectant l'histoire et la chronologie propres au lieu. L'tude de ce stade
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contribue ainsi une nouvelle approche de l'histoire du sport, de la pratique et du spectacle sportif,
dans ce ras du sol historien50.
50 SOREZ, J, Le football et la fabrique des territoires Une approche spatiale des pratiques culturelles, op. cit., p 59.
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Premire partie :
Aux origines du stade de Colombes et de la question du
grand stade (de la fin du 19me sicle 1921).
L'histoire du stade de Colombes ne dbute pas avec les grands travaux qui ont permis la
tenue des Jeux Olympiques de 1924. Occulter ce qui est une premire vie de cet espace sportif serait
donc une erreur majeure car la priode qui court de la fin du XIXme sicle au dbut des annes
1920 est riche d'lments fondateurs pour l'histoire des stades. Nous souhaitons ici replacer
Colombes dans un contexte de construction51, analyser ses relations avec le Racing Club de France
tout en observant l'mergence de la problmatique du grand stade.
Chapitre 1 : La renaissance des stades au tournant du XXme
sicle.
A. Un renouveau international.
Le renouveau international est li un double phnomne, comme le souligne avec
beaucoup de justesse Aymeric Magne : Avec le renouveau des jeux olympiques en 1896, et le
dveloppement du football, le stade vocation sportive se dveloppe au dbut du XXme sicle,
son architecture volue et s'adapte de plus en plus aux contraintes du sport moderne 52. Nous
consacrerons donc l'essentiel de cette prsentation cette double renaissance.
- Les stades du football britannique : un modle en Europe ?
Il est d'usage de considrer la Grande-Bretagne comme le berceau du sport contemporain car
le monde britannique est l'origine de la plupart des activits sportives. Certains historiens ont ainsi
tabli un lien entre la recherche de rationalisation ne de la rvolution industrielle et l'mergence de
sports rglements, structurs par des comptitions et des institutions indpendantes53. Le
51 Franoise Rollan rappelle ainsi, avec l'exemple du tennis, que l'analyse des quipements sportifs doit toujours tre
resitue dans le contexte de l'histoire du sport et de son dveloppement. ROLLAN, F, Les rseaux d'quipements
sportifs dans les stations balnaires : l'exemple du tennis , In Situ [En ligne], 4 | 2004, mis en ligne le 01 mars 2004,
consult le 27 septembre 2013. URL : http://insitu.revues.org/1846 ; DOI : 10.4000/insitu.1846. 52 MAGNE, Aymeric, L'volution des stades : vers la 6me gnration , In CHAIX, P (Dir), Les grands stades : au
cur des enjeux conomiques et sociaux entre collectivits publiques et clubs professionnels, Paris, L'Harmattan, 2011,
p 45. 53 Dpassant les interprtations diffrentes du phnomne, les historiens du sport sont d'accord pour considrer que
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dveloppement du phnomne sportif, notamment dans les public-schools54, s'accompagne assez
logiquement d'une multiplication des terrains car, comme l'a parfaitement rappel Stphane Merle,
la codification des sports impose des dimensions normes pour la pratique55. Le rle d'un calendrier
sportif ritualis et d'une institutionnalisation plus globale du sport est un autre facteur clef : Avec
le dveloppement du sport de masse et sa professionnalisation, le besoin pour des espaces
spcifiques augmente56.
Ds l'poque victorienne, les premiers clubs anglais de football se dotent ainsi de modestes
stades mme s'ils peinent souvent se stabiliser57. Jusqu'au dbut du XXme sicle, ces ralisations
restent sommaires : il n'existe en gnral qu'une simple tribune en bois, dmontable, dite Main
Stand, entoure de talus partiellement amnags (terre battue ou graviers, barrires en bois). Les
succs sportifs financent bien souvent les agrandissements (ex : Bolton en 1904, Liverpool en
1906...). Ce caractre rudimentaire n'empche pas toutefois d'accueillir des foules considrables :
121 000 personnes se massent par exemple dans le stade de Crystal Palace pour la finale de la Cup
191358! Avant 1914, prs de douze stades britanniques peuvent dj accueillir plus de 50 000
personnes : Glasgow et Londres sont les centres du football59. Ces capacits importantes sont lies
c'est en Angleterre, partir de la 2nde moiti du 19me sicle, dans un contexte de mutations conomiques et sociales, que
les jeux sportifs se codifient. AUGUSTIN, Jean-Pierre, Sport, gographie et amnagement, Armand Colin, Fac
gographie, 2005, Paris, p 19. La gographie du football britannique est souvent celle des grands centres industriels
alors que sa chronologie rvle l'volution de la discipline : cration de la Football Association et l'tablissement des
quatorze premires lois du jeu en 1863, naissance du Sheffield FC en 1857, apparition de la Cup en 1872,
professionnalisation en 1885 en Angleterre, naissance de la Football League en 1888... DIETSCHY, P, Histoire du
football, Paris, Perrin, 2010, 619p. 54 Les public schools et les universits anglaises participent de la transformation du regard sur la ville par la cration
d'espaces intraurbains destins aux pratiques sportives . MACHEMEHL, Charly, ROBENE, Luc, L'olympisme et la ville.
De la candidature l'hritage , Staps, 2014/3 n 105, p. 9-21. DOI : 10.3917/sta.105.0009. Citation page 9. 55 Un changement d'ordre gographique nous parat presque plus important et se situe plus grande chelle : c'est la
normalisation des lieux de pratique, associe une standardisation du temps sportif. Des normes et des valeurs crent
des rgles de jeu donc des espaces spcifiques rgulariss, influenant la pratique (). Il reste que les sports modernes
engendrent un systme spatio-temporel ferm. La ritualisation des pratiques sportives comme leur organisation
matrielle provoque une spcialisation des lieux, une forme d'individualisation avec clture des terrains puisque le sport
est bien souvent pratiqu l'cart d'une vie quotidienne rythme par le travail . MERLE, S, Politiques et amnagements
sportifs en rgion stphanoise, Paris, L'Harmattan, Collection Espaces et Temps du sport, p 13-14 56 TERRET, Thierry, Histoire du sport, Paris, PUF, Collection Que sais-je, 2009, p 60. Les beaux livres consacrs aux
stades contemporains ont galement fait leur cette vision : The history of the modern stadium dates back to the
codification of sport in the second half of the 19th century . SHEARD, Rod, The stadium : architecture for the new
global culture, Periplus Editions, Singapore, p 103. 57 Reading change sept fois de stades avant de s'installer plus durablement en 1896, Sunderland effectue pour sa part six
dmnagements successifs avant 1898. A l'inverse, le club de Chelsea joue Stamford Bridge depuis 1905. Plusieurs
quipes comme Sheffield Wednesday, Derby County, Preston North End, Burnsley ou Plymouth Argyle ont galement
utilis des terrains de cricket, de rugby ou d'athltisme pour leurs premires rencontres. 58 Voir l'Annexe n1 A. 59 80 000 places pour Stamford Bridge (Londres) en 1905, 60 000 places pour Anfield Road et 55 000 places pour
Goodison Park Liverpool, 80 000 Old Trafford (Manchester) et 65 000 au St James Park de Newcastle, 50 000
places pour Hillsborough (Sheffield Wednesday) et Roker Park (Sunderland), 50 000 places White Hart Lane
(Tottenham, Londres) en 1911, 60 000 places au Villa Park d'Aston Villa en 1913... Donnes d'aprs HAY, Ian, WELLS,
Cassandra, Football grounds from the air, London, Myriad, 2006, 128p ; INGLIS, Simon, Engineering Archie :
Archibald Leitch, football ground designer, English Heritage, 2005, London, 207p ; HEATLEY, M, MASON, C, Football
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aux ambitions des clubs et de leurs patrons qui souhaitent accueillir des foules considrables afin
d'accrotre leurs revenus : Au tout dbut du 20me sicle, le football tait en train de devenir un
sport si populaire que les plus grands clubs n'avaient qu'un seul objectif en tte : remplir les stades
avec un maximum de spectateurs ayant pay leurs place60. Le football permet donc aux pays
anglo-saxons d'avoir une indniable avance en matire de stades61.
Leur prcarit est nanmoins l'origine de nombreuses catastrophes. L'emploi de certains
matriaux (le bois), l'aspect sommaire des talus et des rgles encore imprcises en matire de
scurit sont l'origine de plusieurs dsastres comme celui d'Ibrox Park Glasgow en 190262. Une
seconde gnration de stades, autour de l'architecte Archibald Leitch notamment, prend alors en
compte la gestion de la foule (vomitoires, rambardes...) et emploie de nouveaux matriaux : La
mission de Leitch Blackburn () tait ainsi de transformer un terrain victorien tir avec ses
tribunes en bois, ses virages en cendre et ses barrires en bois, et de le remplacer par une arne
robuste du vingtime sicle, ferme, en briques, en bton et en acier 63. L'architecte cossais
devient alors une rfrence et, d'une certaine manire, le crateur du stade l'anglaise avec une
Main Stand en dur, des tribunes indpendantes et un pavillon d'angle64. Ce modle est reproduit
presque l'identique sur l'ensemble du territoire britannique, Leitch travaillant pour 46 clubs entre
1899 et 193965 : De fait, ds les toutes premires annes du sicle et jusqu' sa dernire dcennie,
le paysage du football britannique fut profondment marqu par le style de Leitch. Le style de
Leitch tait LE style. L'un des lments les plus importants de l'hritage dArchibald Leitch
grounds fact book, 2004, Ian Allan Publishing, 188p. Avec trois stades gigantesques, Glasgow est la capitale des annes
1890 selon Simon Inglis. INGLIS, Simon, Engineering Archie : Archibald Leitch, football ground designer, op. cit.
Hampden Park peut accueillir plus de 65 000 spectateurs en 1903, Ibrox Park 63 000 en 1910 alors que le voisin du
Celtic dispose de 57 000 places ds 1892... 60 HEATLEY, M, MASON, C, Football grounds fact book, op. cit., p 66-67. 61 Ces stades sont avant tout lis au football car ceux du rugby anglais ont connu un dveloppement plus tardif et d'une
moindre envergure : Ds le dbut du sicle, mais surtout dans l'entre-deux guerres, les clubs locaux se renforcent, le
nombre de pratiquants et de dirigeants se multiplie et les installations couvrent le territoire avec leurs terrains, vestiaires,
tribunes, club-houses et bars . AUGUSTIN, Jean-Pierre, Sport, gographie et amnagement, op. cit., p 53. En 1909, le
stade de Twickenham ralis par la fdration anglaise possde par exemple deux tribunes d'une capacit totale
d'environ 10 000 places (voir DUBOISSET, F, VIARD, F, Lieux et stades mythiques, ditions De Archive, Paris, 2005,
191p). 62 Il met fin l're des constructions en bois supportes par des colonnes en acier. INGLIS, Simon, Engineering Archie :
Archibald Leitch, football ground designer, op. cit. Rappelons galement les 80 blesss lis d'Hillsborough (Sheffield)
en 1914, le mort de Burnsley en 1924... 63 Ibid., p 91. 64 Leitch utilise assez rapidement le bton arm pour plusieurs structures : les stades de Valley Parade Bradford en
1908, Anfield en 1906, Leeds Road en 1910, Roker Park en 1913, Ewood Park en 1913... Le pavillon d'angle accueille
souvent loges, bureaux et vestiaires comme en tmoigne encore l'intemporel Craven Cottage de Fulham Londres. Voir
l'Annexe 1B. 65 Manchester United, Chelsea, Liverpool, Arsenal, Everton, Glasgow Rangers, Aston Villa, Newcastle ainsi que sur les
stades nationaux d'Hampden Park et Twickenham pour le rugby Il faudra attendre la catastrophe d'Hillsborough en
1989 (96 morts) et le Taylor Report pour mettre fin ce modle (places debout, barrires de sparation).
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concerne les normes de construction basiques qu'il a employes66. L'apport architectural de cette
seconde gnration est nanmoins remis en cause : En dpit de son statut de patrie du football,
l'Angleterre n'avait pas dvelopp d'architecture spcifique pour ses installations sportives67.
Malgr une forme de modernit (ex : bton arm), plusieurs spcialistes comme Roy Sheard
soulignent ainsi une certaine pauvret.
Comme le rappelle Jean-Pierre Augustin, ces deux gnrations de stades s'insrent
galement dans les banlieues industrielles de la Grande Bretagne : Ce sont les pays anglo-saxons
qui placent les stades en marge du terrain idologique. Les britanniques ont, les premiers,
abandonn les centres-villes pour installer les stades dans les banlieues o ils prennent place dans le
paysage industriel et s'intgrent aux ralits quotidiennes68. Colombes ne sera donc pas un cas
part. Le lien avec le quartier se retrouve mme dans la toponymie de ces enceintes69. L'initiative
prive des riches patrons de clubs semble prvaloir comme le dmontrent les exemples de Chelsea70
et Manchester, Old Trafford tant aujourd'hui dfini comme un tmoin architectural de l're des
loisirs de masse et le symbole d'une ambition sportive71.
Ralis dans l'optique de l'Exposition de l'Empire Britannique de 1923, Wembley a
longtemps port le nom d'Empire Stadium et semble ponctuer un dbat anglais sur la question d'un
stade national car de nombreux clubs ou patrons sportifs ont tent, tour de rle, de btir une
infrastructure de grande envergure : Il tait vident depuis longtemps que l'Angleterre avait grand
besoin d'un terrain de football sur lequel puissent tre jous les matchs internationaux ainsi que les
finales de la FA Cup72. Le projet apparat aprs la Premire Guerre mondiale, dans la logique de la
prparation de l'Exposition. Il est l'uvre des architectes John Simpson et M. Ayton et de l'ingnieur
Owen Williams, et fascine dj la presse franaise : Le nouveau terrain n'aura son quivalent en
Grande-Bretagne que dans celui de Hampden Park de Glasgow73. Achev en 1923, il peut
accueillir environ 125 000 spectateurs, dans une construction elliptique d'un seul niveau de gradins
66 INGLIS, Simon, Engineering Archie : Archibald Leitch, football ground designer, op. cit., p 192. 67 SAN PIETRO, Silvio, 1990 : stadi in Italia, Edizioni Larchivolto, Milano, 1990, p 17. 68 AUGUSTIN, J-P, Sport, gographie et amnagement, op. cit., p 213. 69 Certains voquent la rue (ex : Loftus Road pour les Queens Park Rangers, Maine Road pour Manchester City, Anfield
Road pour Liverpool, Elland Road pour Leeds United), les stations de mtro ou le quartier environnant. 70 A Chelsea, le riche promoteur foncier Gus Mears a achet des terrains et construit un stade destin concurrencer le
Crystal Palace pour les finales de Cup. Le refus du club de Fulham de s'y installer a entran la cration du club de
Chelsea qui semble tre le rare exemple d'un club n la suite de la construction d'un stade. 71 L'ambition du prsident est la mesure de la ralisation de l'enceinte. () Affirmer le caractre sensationnel du
projet, le choix de l'architecte se porte sur celui qui btit les plus grands et les plus beaux stades du Royaume-Uni,
l'cossais Archibald Leitch . BOLI, Claude, Manchester United, l'invention dun club, Paris, Editions de la Martinire,
2004, p 9 et p 131-132. D'une capacit de 80 000 places, Old Trafford est une construction plus moderne que les autres :
ascenseur lectrique, salon de th pour les officiels et pour les journalistes, un bar, un gymnase pour les joueurs, une
salle de massage, une salle de billard... 72 HEATLEY, M, MASON, C, Football grounds fact book, op. cit., p 41. 73 L'Auto, 11 janvier 1922.
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(100 000 debout et 25 000 assis) qui n'est pas la norme anglaise74. Lors de la premire finale de Cup
en avril 1923, la foule est si nombreuse que la catastrophe est vite de justesse.
Certains spcialistes nuancent toutefois sa nouveaut architecturale : Le stade de
Wembley tait un btiment sans beaucoup d'intrt au niveau de son architecture Le reste du
stade tait essentiellement utilitaire, avec des terrasses en bton soutenues par un cadre d'acier et
enferm par un mr externe de bton, ponctu par des arches et des escaliers75. Wembley reste
nanmoins une rfrence dans une France en manque de stades et qui voit galement les
constructions olympiques se multiplier.
- L'effet Jeux Olympiques sur la construction des stades.
Les Jeux Olympiques, rnovs par Pierre de Coubertin et le CIO, ont en effet tabli un
calendrier fixe pour des preuves sportives internationales, ritualisation qui influence la ralisation
de stades : la diffusion de l'idal olympique dans le monde a constitu un lment dterminant en
soi pour le dveloppement des installations sportives dans l're moderne76. En outre, La
renaissance de la construction extensive de stades au 19me et au 20me sicle donne corps l'ide
olympique77.
> D'Athnes (1896) Londres (1908) : un bilan mitig pour les stades olympiques.
L'olympiade athnienne de 1896 constitue la fois le retour des Jeux dans leur patrie
d'origine mais impose galement la ralisation d'un stade puisqu'une une construction de 60 000
places, en U , l'image d'Olympie, est ralise : A l'poque o l'on clbre les jeux d'Athnes,
en 1896, la grande majorit des difices publics et des constructions rsidentielles se prsentent
sous un style classique. La plupart des architectes qui les avaient levs venaient d'Allemagne78.
Cette forme ne permet toutefois pas l'accueil des nouveaux sports athltiques et limite les
performances selon les journalistes franais79.
74 Angelo Spampinato insiste ainsi sur l'originalit de sa forme qui s'carte, par la continuit de ses gradins et l'existence
d'une piste d'athltisme, du modle anglais (quatre tribunes indpendantes et un stade rectangulaire). SPAMPINATO,
Angelo, Stades du monde, op. cit. Wembley n'a en outre pas de club rsident. Ses deux tours jumelles blanches de 38m
semblent d'inspiration indienne, un lien avec le dme du Lutyens' Viceroys house de New Delhi tant souvent tabli.
Seules les tribunes nord et sud sont couvertes. 75 BARCLAY, Patrick, POWELL, Kenneth, Wembley stadium: Venue of legends, London, Prestel, p 35. 76 SCHMIDT, Th, Les stades au service du sport : les stades olympiques de 1896 1936, La Revue olympique, Rubrique
Sport et Technique, 1986, p 397. Pour JP Augustin, C'est l'olympisme qui a le plus fortement contribu la cration et
la valorisation des grands sites sportifs . AUGUSTIN, Jean-Pierre, Sport, gographie et amnagement, op. cit., p 211.
Sur la ritualisation des JO : Les Jeux Olympiques se droulaient tous les quatre ans, l'exception des interruptions
lies aux guerres, ce qui a produit des changements notables et des avances dans les designs des stades . GERAINT, J,
SHEARD, R, VICKERY, Stadia : a design and development guide, Architectural Press, London, 4me Edition, 2007 (1re
Edition 1994), p 6. 77 VOLKWIN, Marg, Stadien und arenen ; Stadia and Arenas, Hatje Cantz, Germany, 2006, p 14. 78 SCHMIDT, Th, Les stades au service du sport : les stades olympiques de 1896 1936, op. cit., p 398. Voir l'Annexe 2. 79 La presse franaise est d'ailleurs trs critique : le stade se prte assez mal la pratique de nombre de sports
modernes. La piste de courses pied 408 mtres de tour, mais ses lignes droites possdant 192m33 centimtres de
longueur, on voit l'espace restreint qui demeure pour les virages. Les temps des preuves pdestres furent bien infrieurs
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Si la forme est donc un trait d'union avec le pass antique, les modalits de la construction
inaugurent toutefois les difficults des olympiades modernes en termes de financement et de
contraintes temporelles80. Athnes dmontre malgr tout qu'une olympiade peut accueillir plusieurs
dizaines de milliers de spectateurs dans un espace grandiose pour assister un spectacle de
dimension internationale : jamais les sports, quels qu'ils soient, n'avaient t prsents avec autant
de faste et dans un pareil cadre, et jamais, pendant douze jours, une foule si grande ne s'tait
passionne pour ces exercices physiques81.
Paris (1900) et Saint-Louis (1904) ne vont pas confirmer cette donne malgr la volont
olympique d'opter pour des grandes villes susceptibles de donner un certain prestige la
comptition : Le choix de Paris en 1900 conforte le rle de la ville-capitale au sens administratif,
dmographique, conomique et culturel. Saint-Louis qui accueille les Jeux suivants, profite comme
Paris de l'organisation d'une exposition internationale, alors qu'elle est la quatrime ville des tats-
Unis par sa population. La concentration urbaine est un gage de russite pour cette jeune
comptition internationale qui faillit d'ailleurs se tenir dans la deuxime ville des tats-Unis,
Chicago82 .
A plus d'un titre, Paris 1900 reste une olympiade particulire, tant au niveau de l'organisation
que des infrastructures et sa place est encore controverse dans la chronologie
olympique : D'olympisme il ne fut gure question avec ces tranges jeux dissous dans les fastes
d'une Exposition Universelle extrmement ambitieuse83. Pour Andr Drevon, l'olympiade est
mme nglige : Les Jeux de 1900 sont trs mal connus, injustement oublis les ouvrages sur
l'olympisme ne leur consacrant que quelques pages, la plupart du temps trs critiques, comme s'ils
ne comptaient pas vraiment dans la mmoire du sport84 .
Les installations soulignent un certain recul par rapport Athnes car Paris n'a fait que
rnover un modeste vlodrome (La Cipale) et installer quelques gradins provisoires sur le site de la
Croix Catelan85. Ces choix posent d'ailleurs une question de dnomination et il nous semble
ceux que les vainqueurs accomplissent gnralement dans leur pays. Il faut en accuser la difficult des tournants o
l'homme, lanc toute vitesse, devait rduire presque de moiti son allure pour virer sans tre rejet entirement vers
l'extrieur. () On aurait pu remdier cet tat de chose en relevant lgrement les virages. C'est une amlioration
apporter l'avenir? Dans le Stade, le spectacle des sauts et de la lutte est comme perdu pour la majorit des spectateurs.
Certes, les 50 000 personnes qui se pressaient sur les gradins voyaient admirablement les courses mais un concours dans
un coin de l'arne passait inaperu pour au moins quarante mille assistants. Sports Universels Illustrs, 27 Mai 1906. 80 Les difficults grecques de la fin du 19me sicle posent en effet la question du financement de l'preuve et de son
stade qui sera finalement confi un riche homme d'affaire, M. Averoff 81 SCHMIDT, Th, Les stades au service du sport : les stades olympiques de 1896 1936, op. cit., p 398. 82 MACHEMEHL, Charly, ROBENE, Luc, L'olympisme et la ville. De la candidature l'hritage , op. cit., p 10. 83 POINTU, Raymond, Paris Olympique, Paris, Editions du Panama, 2005, p 10. 84 DREVON, Andr, Les Jeux olympiques oublis. Paris 1900, Paris, CNRS ditions, 2000, p 11. 85 Nous constatons l'existence d'un lien historique entre les Jeux Olympiques et le Racing Club de France, qui occupe
par concession cet espace du Bois de Boulogne...
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inopportun de qualifier la Cipale de stade olympique dans la mesure o le site n'a pas accueilli la
crmonie d'ouverture ni les preuves d'athltisme86. La vision d'A. Drevon d'un stade moderne
est sans doute un peu idalise car la construction n'est pas monumentale : elle laissera malgr tout
une indniable trace dans le cyclisme sur piste87. Les affluences ralises au vlodrome municipal,
bien que suprieures celles de la Croix Catelan, sont la fois modestes, par rapport Athnes, et
importantes pour le sport franais de l'poque, avec une pointe 6 000 personnes pour l'ultime
rencontre de rugby contre l'Allemagne88.
La tenue des preuves d'athltisme dans le fief du Racing Club de France, la Croix
Catelan, est un autre signe de la faiblesse des infrastructures sportives. Ce site historique des
sportsmen parisiens n'est alors clairement pas adapt au spectacle sportif, comme le souligne
d'ailleurs le Rapport Officiel89. Il contribue par sa modestie (deux petites tribunes de 600 places
chacune), ses dfauts (arbres gnant la visibilit, loignement, manque de transport) l'insuccs
d'une preuve perdue dans le programme de l'Exposition Universelle et l'organisation
dfectueuse90. Le site est en effet le tmoin d'un autre ge, celui d'un sport franais encore engonc
86 Andr Drevon dfinit pour sa part le vlodrome de la Cipale comme un stade olympique. DREVON, Andr, Les Jeux
olympiques oublis. Paris 1900, op. cit., p 16. La Cipale a toutefois subi une rnovation importante, finance selon M.
Drevon par l'tat et la ville de Paris. La description de la presse est ici intressante : Un tas de terre norme qui n'est
autre, on le reconnat en approchant, que le dos d'un des virages de la nouvelle piste laquelle apparat bientt, rellement
belle, superbe, imposante, ne craignons pas d'employer cette expression. Le ciment en est presque totalement pos. Une
partie du virage de droite, du premier virage, reste seule nu. Affaire de 10 jours nous a-t-on dit. Nous le croyons
volontiers. Il faut songer en effet qu'il n'y a pas moins de 5000m de ciment arm poss en un mois. Et puisque nous
citons des chiffres, ajoutons que cent terrassiers ont travaill chaque jour pendant quatre mois et demi aux travaux du
vlodrome . La Vie au Grand Air, 13 mai 1900. Les travaux sont achevs la fin du mois de juin 1900 pour le
traditionnel Grand Prix Cycliste de Paris. Le vlodrome municipal a donc fait peau neuve, la piste a t modifie et de
nouveaux gradins ont t raliss mais nous ne pouvons affirmer avec certitude que la totalit du stade a t remanie. 87 Contrairement donc Athnes o l'on avait construit une copie de stade antique avec gradins de marbre (qui
pouvaient accueillir 60 000 spectateurs), arne troite et inadapte la plupart des sports, Paris s'tait dot d'un stade
moderne, rest longtemps un haut lieu du cyclisme sur piste, et qui est toujours en fonction aujourd'hui, un sicle plus
tard (baptis stade vlodrome Jacques Anquetil, en hommage au grand coureur cycliste) . DREVON, Andr, Les Jeux
olympiques oublis. Paris 1900, op. cit., p 34. 88 Si pour Frantz Reichel, elle est couronne de succs (propos tenus dans Le Sport Universel Illustr, 27 octobre
1900), la presse a soulign de gros problmes d'organisation : L'organisation tait dtestable; mal annonce ou pas du
tout, la rencontre n'avait attir qu'un public trs clairsem. Le match a commenc avec une heure de retard, et aucun
renseignement n'tait fourni au spectateurs pour les tenir au courant et l'intresser aux pripties du match . Le Sport
Universel Illustr, 29 septembre 1900. 89 Amnag pour la commodit de ses membres, frquents seulement pendant la belle saison, il garderait, mme si on
l'y autorisait, d'laguer ses beaux ombrages. Malheureusement, les arbres magnifiques qui dcorent sa pelouse forment
et l de larges rideaux impntrables dont la disposition a oblig de disperser les emplacements spciaux des
diffrents concours, en mme temps qu'elle empche une vue d'ensemble sur la piste. () Dans ces conditions,
l'organisation, malgr des prodiges d'ingniosit, en dpit de plusieurs changements et d'un groupement relatif des
concours, quelque obligeance qu'y mirent les reprsentants du Racing Club, demeura dfectueuse. Rapport Officiel des
Jeux de 1900, citation page 62-63. 90 La presse se veut svre sur l'organisation (Ex : La Vie Au Grand Air, 12 aot 1900) et sur le choix de la Croix
Catelan : A ce point de vue, tout a t fait pour donner dans la plus large mesure possible satisfaction aux justes
exigences du public qui paie, mais malgr cela, il n'en est pas moins rest manifeste que ce fut une faute que d'avoir
choisi la piste du Racing-Club. Je crois que ce sont de secondaires considrations, secondaires au point d'en tre
mesquines, qui ont empch de prendre la pelouse du Parc des Princes comme terrain de lutte pour les rencontres
internationales de championnats du monde. Le Sport Universel Illustr, 21 juillet 1900.
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dans un entre soi, rserv une lite et qui peine devenir un spectacle sportif comme le souligne
S. Merle : Les imprcisions spatio-temporelles y sont nombreuses : les sites sont parpills et peu
adapts une pratique rglemente recevant du public, puisque sans amnagements ou presque,
reprenant les espaces privs des dbuts du sport moderne91. Pour P. Dietschy, le terme de stade est
presque inappropri : il le qualifie de parc dont la pelouse est transforme en piste grce des
couloirs tracs la chaux92. Selon, E. L-Germain, la Croix-Catelan n'est que le reflet d'une
olympiade qui n'est pas conue comme un spectacle sportif93.
Aprs Saint-Louis (1904), qui ne fait gure mieux94, une forme de frustration se fait sentir
chez Coubertin qui propose une autre solution : (...) Aprs les expriences dcevantes des jeux de
Paris en 1900 et de ceux de Saint-Louis en 1904, Coubertin souligna l'importance d'avoir un stade
appropri la clbration de la future olympiade95. On voque ainsi l'ide de fixer les Jeux en
Suisse, terre d'accueil du comit, sur le site de Dorigny. Monod et Laverrire tabliront mme les
plans d'une Olympie sur la rive droite du lac Lman qui remportent la mdaille d'or, au concours
d'architecture, des Jeux Stockholm, en 191296. Ce projet n'aboutira pas, Londres obtenant les
Jeux de 1908.
Au dbut du sicle, malgr un riche patrimoine de stades, la capitale anglaise fait nanmoins
le choix de raliser une infrastructure nouvelle. L'enceinte comprend 60 000 places (deux tribunes
couvertes) avec une piste d'athltisme et une piste cycliste97. La presse franaise semble plutt
bienveillante l'gard d'une installation que le pays ne possde pas : Je crois qu'il est impossible,
au point de vue industriel, de faire mieux que l'immense btisse en fer et ciment que les Anglais ont
91 MERLE, S, Politiques et amnagements sportifs en rgion stphanoise, op. cit., p 30. On peut galement faire de la
piste de la Croix Catelan et du Bois de Boulogne en gnral le cur de ce premier ge sportif plutt litiste alors que le
Bois de Vincennes incarne selon M. Drevon une volont de mettre en valeur un sport populaire. 92 CLASTRES, P, DIETSCHY, P, LAGET, S, La France et l'olympisme, Paris, 2004, p 73. 93 En outre, les espaces sportifs sont souvent inadapts au srieux des concours : les preuves de natation se droulent
dans la Seine, celles du lancer de disque sont fausses par la chute des engins dans les arbres Les terrains sont hors
normes et le public est parfois oblig de se dplacer pour suivre l'ensemble de l'preuve . LE-GERMAIN, E; TETART, Ph,
Chapitre X : Naissance et dveloppement du spectacle sportif (1880-1939), In TETART, Ph (Dir), Histoire du sport en
France: du second empire au rgime de Vichy, Paris, Vuibert, 2007, p 242. 94 Ils ont notamment associ les concours athltiques une Exposition qui clbrait ici le centenaire du rattachement de
la Louisiane aux Etats-Unis. Les Jeux taient galement disperss dans le temps et comprenaient en outre une sorte
d'olympiade anthropologique rserve des peuplades de nombreux territoires. Sur le sujet, voir notamment :
DELSAHUT Fabrice, Chapitre 39. Exposition universelle et jeux anthropologiques Saint Louis (1904) , in Pascal
Blanchard et al., Zoos humains et exhibitions coloniales, La Dcouverte Poche/Sciences humaines et sociales , 2011
p. 450-461. L'observation des photographies de l'olympiade amricaine et la lecture des deux documents qui font office
de rapports officiels laissent apparatre un stade disposant d'une petite tribune latrale d'environ 3000 places pour une
capacit totale avoisinant 10 000 places. La modestie de l'installation s'explique sans doute par les tergiversations dans
le choix du site, l'olympiade devant initialement se tenir Chicago (les journaux franais parlaient encore d'un stade de
50 000 places au bord du lac Michigan en 1902). 95 BOLZ, Daphn, Olympic heritage An International Legacy: The invention of the modern Olympic Stadium from
Coubertin to 1948, In Survivals and legacies : sport, heritage and identity, p 235. 96 CHAPPELET, J-L, De l'Institut olympique l'acadmie internationale , Revue Olympique n38, Avril-Mai 2001. 97 Le stade a t financ par le Comit Olympique Britannique et par le comit organisateur de lExposition franco-
britannique. Voir Annexe 2B.
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leve, tout l-bas, dans l'Ouest de leur cit, sur le bord de l'Exposition Franco-britannique. Le Parc
des Princes, bien que d'aspect et de dimension respectables, aurait l'air gn si l'on pouvait le
transporter ct de ce stade98 .
Les historiens sont partags son sujet : Simon Inglis voque un stade construit la hte qui
n'est pas une uvre architecturale majeure99 alors que Th. Schmidt en fait une rfrence qui
s'loigne du modle antique en raison de son armature mtallique qui doit tre compare au Crystal
Palace de l'Exposition de 1851100. Le White City semble toutefois tre un rel tournant dans
l'aventure olympique, une rupture nette aprs les checs de 1900 et 1904, car il fait rentrer les jeux
dans l're du sport spectacle : Les stades devinrent rapidement un lment indispensable aux jeux
olympiques, et aprs 1908 jourent le rle de scne de thtre pour le sport spectacle. Pour les
jeux de 1908, les organisateurs anglais construisirent un stade capable d'accueillir 70 000 personnes
Sheperd's Bush, la priphrie de Londres. Ses dimensions taient hors-norme, pour l'poque ;
seul le Hampden Park Glasgow, susceptible d'accueillir 125 000 personnes, lui tenait la drage
haute101. Son exploitation sera nanmoins problmatique, le White City devenant une sorte de
vaste coquille vide102.
> De la rfrence de Stockholm (1912) aux Jeux d'Anvers (1920).
Moins imposant avec ses 25 000 places103, Stockholm possde toutefois une qualit
architecturale reconnue par tous, mlant rfrences mdivales, romantisme du XIXme sicle104 et
98 La Vie Au Grand Air, 8 Mars 1908. La presse est plus nuance sur l'organisation : Voici pourquoi les jeux
comprenant de multiples preuves et le temps leur consacrer tant plutt limit, on a d bourrer les programmes, ce
qui oblige le spectateur bnvole fixer en mme temps l'il gauche sur des cyclistes qui tournent, l'il droit sur des
pedestrians qui en font autant, et maudire le ciel qui ne lui a pas donn d'autres yeux pour admirer en mme temps les
dames gymnastes danoises, les nageurs... . La Vie Au Grand Air, 25 Juillet 1908. 99 Pour S. Inglis, s'il n'est pas un chef d'uvre architectural . INGLIS, Simon, Engineering Archie: Archibald Leitch,
football ground designer, op. cit., p 115. 100 Ce stade constitue en effet le premier ouvrage d'architecture tre rig selon les principes modernes, et faire
abstraction la fois de toute rfrence historique des fins dcoratives et toute insistance sur tel ou tel lment
d'architecture considr sous l'angle du symbolisme . Schmidt, Th, Les stades au service du sport : les stades
olympiques de 1896 1936, op. cit., p 399. C'tait une construction fonctionnelle, capable d'accueillir 80 000
spectateurs, qui avait une charpente en acier et demeurait le premier stade moderne ddi l'Olympisme . GERAINT, J,
SHEARD, R, Vickery, Stadia : a design and development guide, Architectural Press, London, 4me Edition, 2007 (1re
Edition 1994), p 7. 101 LEWIS, Robert, The society of the stadium : urban modernity, sports spectatorship and mass politics in France,
1893-1975, A dissertation submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of Doctor of Philosophy
(History), University of Wisconsin-Madison, 2007, p 27. 102 Il semble que la concurrence de Wembley et de Twickenham ait pes sur un stade olympique qui a eu du mal
trouver sa voie, tant souvent cantonn l'accueil de manifestations secondaires (championnat d'athltisme
d'Angleterre, courses de lvriers...). Il n'a ainsi pas t li une quipe de football-association, l'quipe nationale et n'a
pas accueilli la finale de la Cup. 103 Avec l'ajout d'une tribune haute provisoire dans un virage. Voir l'Annexe 3. 104 Les deux tours du virage Nord voquent une forteresse alors que les arcades rappellent certains clotres. Son
architecture est typique du tournant du sicle, et, avec sa tour, elle est clairement influence par le romantisme et le
Moyen-Age . BOLZ, Daphn, Les arnes totalitaires : Hitler, Mussolini et les jeux du stade, op. cit., p 204.
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architecture nordique105. Le stade allie tradition et modernit puisque la brique ne fait que recouvrir
le bton arm. Il possde en outre les quipements requis pour l'olympiade106 : son accueil est trs
positif dans la presse franaise107. Stockholm est parfois qualifi de prcurseur qui influence les
ralisations italiennes de la dcennie suivante : Le stade de Stockholm de 1912 possdait une tour
qui fit rfrence tout au long de l'entre-deux-guerres. Elle inspira notamment le stade de
Bologne108.
Le stade de Berlin des jeux annuls de 1916109 (30 60 000 places selon les estimations) est
une construction originale : ralise par Otto March (1845-1913), elle possde une piscine dans la
continuit de l'une de ses tribunes latrales. Elle joue ainsi la carte de la polyvalence car elle est
galement dote d'une piste d'athltisme. Pour V. Marg110, l'enceinte est typique de la priode
impriale prussienne par sa rfrence l'antiquit mme si elle est compose de matriaux
modernes (acier, bton...). Occult par l'olympiade de 1936, ce stade dmontre nanmoins la
capacit de la ville raliser une enceinte de plusieurs milliers de places et poursuit l'uvre
architecturale des deux cits olympiques prcdentes.
Il faut ensuite attendre l'anne 1920 pour que les Jeux Olympiques soient nouveau
organiss111. La Belgique souffre nanmoins de la proximit du conflit mondial : les travaux de
l'entreprise Humpreys and Co ont lieu dans un contexte financier tendu. Acheve en avril 1920,
105 L'architecte, Torben Grut (1871-1945) a ralis une enceinte proche des chteaux de la dynastie des Wasas du XVIme
sicle (Gripsholn, Vadstena, Kalmar) dans un style typique des pays nordiques et de certaines constructions civiles
comme les htels de ville de Stockholm et Copenhague : Les particularits nationales sudoises spcifiques la
conception sudoise en matire de construction au cours de la seconde moiti du 19me sicle renourent ainsi avec le
courant ax sur le traditionalisme et avec le Jugendstil qui lui succda . SCHMIDT, Thomas, Les stades au service du
sport : les stades olympiques de 1896 1936, op. cit., p 199. 106 Le stade est une application moderne des constructions et de l'architecture mdivale faite de briques, comme les
anciennes murailles, forteresses, monastres et glises : il possde notamment une piste d'athltisme, des salles
internes... Rapport Officiel des Jeux Olympique de Stockholm 1912, p 178. 107 Athnes avait construit un stade de marbre, Paris n'avait rien construit du tout, Londres et Saint-Louis avaient
difi des stades de bois, btisses provisoires. Les sudois s'offrirent un beau monument dfinitif qui fait encore
l'merveillement de tous les techniciens sportifs. En briques violaces du pays, l'ensemble a quelques ressemblances
avec la silhouette d'un chteau fort, couronn de beffrois crnels, du sommet desquels des trompettes chamarres
annoncrent l'ouverture des Jeux aux 27 000 personnes masses dans le stade plein craquer . La Vie Au Grand Air,
15/12/1921. 108 BOLZ, Daphn, Les arnes totalitaires: Hitler, Mussolini et les jeux du stade, op. cit., p 220. 109 Les jeux de 1916 auraient d se drouler Berlin mais l'embrasement de l'Europe l't 1914 a eu raison de
l'olympiade allemande. Le stade tait toutefois achev avant le dclenchement du conflit. Il peut donc tre associ
cette chronologie olympique. Voir l'Annexe 4A. 110 VOLKWIN, Marg, Stadien und arenen ; Stadia and Arenas, op. cit. 111 La Belgique a reu l'olympiade au congrs de Paris du CIO de juillet 1914. Pendant le conflit, malgr le
positionnement lyonnais, le CIO n'a pas envisag de changer de site : Certes, lorsque l'envahisseur aura t rejet au-
del des frontires par les armes victorieuses, l'uvre accomplir sera immense ; il nous faudra rebtir nos glises, nos
coles, nos maisons et nos fermes, faire renatre le commerce et l'industrie, ramener la vie dans les usines et les
charbonnages. Trouvera-t-on dans ce pays si prouv des ressources suffisantes pour prparer dignement une
Olympiade? J'ai tout lieu le croire, car parmi tant de choses que cette guerre a rvles, il en est une que nul ne peut
nier : c'est l'utilit des sports. La pratique de ceux-ci, en mme temps qu'elle fortifie et assouplit les corps, enseigne aux
jeunes gens l'esprit de discipline et le mpris du danger . Lettre de Baillet-Latour Coubertin du 23 mai 1915, cite
dans le Rapport Officiel des Jeux olympiques d'Anvers page 10.
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l'enceinte de 20 30 000 places est modeste et n'apporte rien de vritablement marquant.
L'ouvrage est issu de la combinaison de diffrentes techniques de construction associant tant les
procds de construction utiliss par le Gnie Civil que les techniques particulires l'emploi du
bois comme matriau112. Plusieurs journaux franais ne sont gure logieux113.
Ce rapide panorama des constructions olympiques nous permet de constater l'indniable
influence de cette preuve dans la construction de stades mme si ceux-ci manquent d'uniformit,
chaque infrastructure tant le reflet de son pays et de son poque selon Th. Schmidt : les
conditions politiques et sociales, de mme que le caractre tatique du pays constructeur, se
refltent sans quivoque travers le message que transmet l'architecture de tel ou tel difice. Les
effets contradictoires des vnements lis la politique, au sport et l'architecture, s'expriment de
faon manifeste dans l'aspect extrieur sous lequel se prsentent les diffrents stades sportifs114.
Entre 1896 et 1904, l'avenir de la comptition est loin d'tre assur et celle-ci est parfois prisonnire
d'expositions ou de concours extra-sportifs qui influent sans doute sur les constructions ralises.
Mais, partir de Londres, et malgr leurs diffrences, les stades olympiques ont fix quelques
bases : une capacit suprieure 20 000 places, alliant modernit (matriaux employs) et
rfrences architecturales locales ou antiques, respect des normes techniques (piste) et d'unit de
lieux des principales preuves. Quand Paris obtient l'olympiade en Juin 1921, il existe donc une
certaine norme et la France est confronte un enjeu majeur : faire au moins aussi bien que ses
prdcesseurs. Le renouveau international des stades dpasse toutefois ce simple cadre olympique.
- Un dveloppement international htrogne115.
> L'Europe des stades au dbut des annes 1920.
L'histoire des stades europens de l'entre-deux-guerres se concentre bien souvent sur les
ralisations des rgimes totalitaires alors que plusieurs infrastructures existent avant mme
112 SCHMIDT, Thomas, Les stades au service du sport : les stades olympiques de 1896 1936, op. cit., p 400. Voir
Annexe 4B. La tribune principale accueille les officiels et les personnalits (loge royale). 113 Quel dommage que la VIIme olympiade ait t confie la ville d'Anvers, car l'on peut dire, sans exagration,
qu'aucun bnfice moral n'en a t retir. () on se demande pourquoi cette anne 1920 aura vu organiser la VIIme
olympiade dans une ville o la complte indiffrence rgna du premier au dernier jour. () Le public anversois a boud
devant le prix des places et les athltes s'employrent la plupart du temps devant des banquettes vides . La Vie Au
Grand Air, 20 septembre 1920. Voir aussi La Vie Au Grand Air, 15 novembre 1920. 114 L'analyse de Th. Schmidt doit toutefois tre nuance car il inclut ici des olympiades marques par la dimension
politique des rgimes totalitaires (1936). SCHMIDT, Thomas, Les stades au service du sport: les stades olympiques de
1896 1936, op. cit., p 397. Pour Daphn Bolz, ces constructions ont nanmoins une forme d'unit : Aucun stade
olympique n'est similaire un autre, ils ont pourtant tous quelques chose en commun . BOLZ, Daphn, Olympic
heritage an international legacy : the invention of the modern Olympic stadium from Coubertin to 1948 , In HILL, J,
MOORE, J, WOOD, J, Sport, History and heritage. Studies in public representation, 2012, London-New-York, Boydel and
Brewer, p. 244. 115 Nous ne saurions ici faire, fautes de recherches compltes sur la question, un inventaire prcis et dtaill des grandes
constructions ralises. Nous devons toutefois prsenter sommairement les autres stades qui voient le jour avant
l'obtention de l'olympiade parisienne afin de cerner les grandes tendances.
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l'tablissement de ces dictatures. Pour l'exemple italien, Daphn Bolz prsente ainsi le Stadio
Nazionale de Rome en 1911 comme le premier stade adapt au spectacle sportif116 alors que
diverses constructions voient le jour Gnes ou Turin, sous l'influence du secteur priv : Ici,
jusqu' la fin des annes 1920, les crations de stades furent prives (le San Siro de Milan fut difi
en 1926 l'initiative de l'industriel Pirelli) puis soumises aux ambitions - architecturales entre autre
- du fascisme117. Cette vague de construction intresse dj la presse franaise : Le Sport Universel
Illustr glorifie par exemple le stade turinois lors des concours hippiques de 1911118.
En Allemagne, la rnovation des Jeux Olympiques en 1896 a gnr pour certains un rel
enthousiasme119 mme si le vritable essor arrive aprs-guerre, quand nombre de terrains militaires
laisss libres sont parfois exploits pour la pratique sportive. Des villes comme Hambourg (1910),
Mnchengladbach (1919) ou encore Cologne (1923) possdent dj des infrastructures sportives de
qualit.
En Espagne, le dveloppement des stades est la consquence directe de l'organisation du
football (naissance du championnat en 1902). Si les premiers terrains apparaissent dans les annes
1910, Dans la dcennie suivante, les terrains spcialiss ferms par une enceinte se multiplient
dans la perspective d'un sport spectacle120. Barcelone (Les Corts en 1922121, l'Estadi de Sarria en
1923), Valence (Mestalla en 1923) ou Madrid (Chamartin est inaugur en mai 1924) et les autres
grandes villes du pays commencent alors btir des installations solides et durables. Les autres
puissances europennes, qu'il s'agisse des Pays-Bas, de la Belgique, du Portugal s'veillent
galement122.
Les stades suisses, tudis par Nicolas Huber, prsentent d'indniables similitudes avec les
constructions franaises : En cette fin de 19me sicle, les premires confrontations se droulaient
116 BOLZ, Daphn, Les arnes totalitaires : Hitler, Mussolini et les jeux du stade, op. cit., p 139. 117 BROMBERGER, Christian, Le match de football, ethnologie d'une passion partisane Marseille, Naples et Turin,
Paris, Editions de la Maison des sciences de l'homme, p 181. L'enceinte turinoise avait une forme elliptique et des
gradins uniformes d'un seul niveau d'une quinzaine de ranges spares par un espace vide, faisant en quelque sorte
office de porte olympique. 118 Les preuves se passaient dans le Stadium, magnifique construction en ciment arm, qui s'lve sur la vaste
esplanade de l'ancien champ de Mars. Ce Stadium couvre une superficie d'environ 100 000 mtres carrs : c'est le plus
grand de tous ceux construits jusqu' prsent. 50 000 personnes peuvent aisment voluer dans l'arne ; dans ses
tribunes et sur les gradins, il y a 40 000 places assises. Le Sport Universel Illustr, 25 juin 1911. 119 Pour V. Marg, la question d'un parc athltique apparat cette priode dans la ville de Francfort. Volkwin, Marg,
Stadien und arenen ; Stadia and Arenas, op. cit. 120 AUGUSTIN, J-P, Sport, gographie et amnagement, op. cit., p 47. 121 P. Dietschy voque une capacit de 20 000 places quand d'autres sources en indiquent 60 000. DIETSCHY, Paul,
Histoire du football, Paris, Perrin, 2010, 619 p. 122 Aux Pays-Bas, le Philipps Stadium date de 1913 et porte le nom de l'entreprise lectrique et de son club ouvrier alors
que le Het Kaastel de Rotterdam est exploit partir de 1916. En Belgique, le stade majeur est l'enceinte bruxelloise
mile Versestadion aprs le premier conflit mondial. Au Portugal, les principales villes du pays se dotent galement
progressivement de petits stades (Ex : Lisbonne et l'Estadio de Campo Grande en 1912). Les capitales des pays
nordiques font de mme : le Parken de Copenhague date de 1912, le Gamla Ullevi de Stockholm est utilis ds 1916...
Voir notamment : SPAMPINATO, Angelo, Stades du monde, op. cit.
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sur des espaces gnralement dpourvus de toute infrastructure btie et ne rpondaient en aucun cas
la dfinition d'un stade moderne123. Comme pour les autres pays europens, la mise en place d'un
calendrier travers la cration d'un championnat (1897 au niveau rgional) gnre une
multiplication des constructions, notamment aprs le premier conflit mondial. P