Post on 13-Sep-2018
Prise en charge des AVC ischémiques graves
Dr. Laurent DerexUnité NeurovasculaireHôpital Neurologique
Hospices Civils de Lyon
Pronostic des infarctus cérébraux graves
• Thrombose basilaire– 40% de mortalité, 30% de
patients autonomes (m-RS = 0-2)
• Thrombose carotidienne– 10-30% de mortalité
• Infarctus sylviens « malins »– 78% de mortalité si
traitement médical seul versus 29% en cas de craniectomie décompressive
Il existe deux types de variables explicatives du pronostic
1 - Caractéristiques liées à l’AVC– Gravité clinique (score neurologique NIHSS)– Taille de la lésion ischémique (IRM de diffusion)– Absence de zone pénombrale– Occlusion artérielle– Etiologie (AC/FA)
2 - Caractéristiques liées au patient– Age– Autonomie avant l’AVC (score de Rankin modifié)– Isolement social– Morbidités associées (ATCD d’AVC, diabète, démence…)
Sans oublier le traitement
Apport pronostique du score NIHSS
• Score de quantification du déficit neurologique– 15 items – Score de 0 (examen clinique normal) à 42
• Reproductible (intra- et inter-observateurs)
• Excellente corrélation avec le volume de l’infarctus cérébral
• Score ≥ 15 à l’admission: probabilité faible d’avoir un excellent pronostic à 3 mois
• Un AVC grave est un AVC dont le score NIHSS est ≥ 17 ou dont le score de Glasgow (GCS) est < 9
Critères d’admission en réanimation en cas d’AVC - SRLF
• Tenir compte des indicateurs neurologiques du pronostic et de l’état antérieur
• Souhaits du patient ou de sa personne de confiance
• Prendre en compte le motif de la détresse vitale
Bollaert et al., Réanimation 2010
Dans le cadre de l’urgence
• « L’incertitude du diagnostic et du pronostic neurologique à la phase aiguë peut justifier une réanimation dite « d’attente » dans l’intérêt du patient »
• Initier sans délai la lutte contre les facteurs d’agression cérébrale aiguë
Bollaert et al., Réanimation 2010
Pour les patients déjà hospitalisés pour un AVC
• « L’éventualité d’une réanimation en cas d’aggravation pour les AVC avec signes de gravité potentielle doit faire l’objet d’une anticipation de décision concertée entre réanimateurs et neurologues »
• Conduite à tenir selon les différents motifs d’aggravation éventuelle motivée et inscrite dans le dossier médical
Bollaert et al., Réanimation 2010
Décisions de limitation et d’arrêt des thérapeutiques des AVC en réanimation
• Evolution défavorable après une réanimation d’attente (risque estimé d’un handicap sévère que le patient n’aurait pas souhaité)
• Evaluation concertée du pronostic neurologique (neurologues, réanimateurs) et de la qualité de vie future
• Information du patient (code de communication) et/ou de ses proches sur le risque de séquelles lourdes et les possibilités d’adaptation en cas de handicap très sévère
• Réévaluation régulière des décisions de LAT selon l’évolution du patient (révocabilité)
Bollaert et al., Réanimation 2010
Place du don d’organes chez les patients en coma grave à la suite d’un AVC
• En l’absence de toutes ressources thérapeutiques et lorsque l’évolution vers une mort encéphalique est probable, il est possible d’admettre un patient en réanimation dans l’optique exclusive d’un prélèvement d’organes
• Informer les proches de la gravité du pronostic et de l’absence de ressources thérapeutiques avant la recherche auprès d’eux d’une opposition du patient au don d’organes
• La recherche d’opposition du patient au don d’organes doit se faire avec la participation de la coordination hospitalière aux prélèvements d’organes
Bollaert et al., Réanimation 2010
Occlusion basilaire – Registre BASICSEvolution clinique selon le délai avant traitement
Vergouwen M D I et al. Stroke 2012;43:3003-3006
Mishra N K et al. Stroke 2010;41:2612-2617
Thrombolysis Is Associated With Consistent Functiona l ImprovementAcross Baseline Stroke Severity
Comparaison ajustée, non randomisée
La résistance du thrombus cérébral à la lyse IV
• Etudes angiographiques
• Taux de recanalisationmodestes en cas d’occlusion d’un gros tronc– Artère carotide interne
• 20 à 25%– Artère sylvienne
• 50 à 60%– Tronc basilaire : 50 %
Thrombolyse intra-artérielle
Etude PROACT II
– Seule étude randomisée de TIA
– Occlusion sylvienne (M 1 – M 2)
– Pro-urokinase IA + héparine (n =121) versus héparine (n = 59)
– Fenêtre thérapeutique : 6 heures
JAMA, 1999, 282 : 2003-2011
PROACT II
• Recanalisation : 66 % pro-UK versus 18 %contrôle (p < 0,001)
• A 3 mois, 40 % de patients autonomes dans le groupe thrombolyse intra-artérielle versus 25 % dans le groupe contrôle(p = 0,04)
• 10 % d ’hémorragie cérébrale dans le groupe pro-UK
• Lenteur de l’approche intra-artérielle– Délai médian avant thrombolyse intra-artérielle = 5 heures 18 minutes
Traitement intra-artérielEtude MR CLEAN
• Occlusion intracrânienne proximale du territoire carotidien < 6 heures
• 500 patients, 16 centres néerlandais• Etude randomisée traitement intra-artériel versus
traitement habituel• IV tPA chez 89% des patients avant randomisation• 233 patients traités par voie IA (retrievable stents
chez 82% de ces patients)
Berkhemer et al., NEJM 2015
Traitement intra-artérielEtude MR CLEAN
• NIHSS médian = 17• Age moyen = 65 ans
– 25% des patients > 75 ans
• Score ASPECTS médian = 9• Occlusion ACI = 26%• Occlusion M1 = 66%• Délai médian symptômes -
ponction artérielle = 4h 20• AG = 38%• TICI 2b ou 3 = 59%
Berkhemer et al., NEJM 2015 Effet favorable sur le handicapm-RS = 0-2; 32,6% vs 19,1%
Traitement endovasculaireEtude ESCAPE
• Occlusion intracrânienne proximale du territoire carotidien < 12 heures
• Exclusion des patients avec lésions ischémiques étendues (ASPECTS < 6) ou mauvaise collatéralité (remplissage <50% circulation artérielle piale ACM en angioTDM)
• 316 patients, 22 centres • Etude internationale randomisée traitement intra-artériel versus
traitement habituel• IV tPA chez 73% des patients du groupe IA• 165 patients traités par voie IA (retrievable stents chez 86% de
ces patients; 77% Solitaire)
Goyal et al., NEJM 2015
Etude ESCAPE
• Arrêt prématuré pour efficacité
– m-RS = 0-2: 53% vs 29%, p<0,001– Mortalité: 10% vs 19%, p=0,04
• NIHSS médian = 16• Age médian = 71 ans• Score ASPECTS médian = 9• Occlusion ACI = 28%• Occlusion M1-M2 = 68%• Délai médian scanner - ponction
artérielle = 51 min• Délai médian symptômes –
reperfusion = 4 heures• AG = 9%• TICI 2b ou 3 = 72%
Goyal et al., NEJM 2015
Traitement endovasculaireEtude EXTEND-IA
• Occlusion carotidienne ou sylvienne < 4 h 30• Patients sélectionnés sur le scanner de perfusion
(logiciel RAPID)– Présence de « tissu cérébral à risque » d’évolution vers
la nécrose (Tmax > 6 s) et zone de nécrose < 70 ml (rCBF < 30% de celui du tissu normal)
• 70 patients• Etude randomisée tPA IV + traitement
endovasculaire par stent Solitaire versus tPA IV seul• Traitement endovasculaire débuté dans les 6 heures
Campbell et al., NEJM 2015
Etude EXTEND-IA
• Arrêt prématuré pour efficacité
– m-RS = 0-2: 71% vs 40%, p=0,01
• NIHSS médian = 17• Age médian = 69 ans• Occlusion ACI = 31%• Occlusion M1-M2 = 68%• Délai médian symptômes –
ponction artérielle = 3 h 30• Amélioration du taux de
reperfusion• Réduction de l’augmentation
de volume de l’infarctus à J1Campbell et al., NEJM 2015
Thrombectomie mécanique: quelle imagerie?Des critères de sélection variables selon les études
• MR CLEAN– Pas d’estimation de la « zone
pénombrale »
• EXTEND-IA et SWIFT-PRIME– Estimation de la « zone
pénombrale » et du cœur ischémique
• ESCAPE– ASPECTS ≥ 6 + circulation
collatérale (50% territoire sylvien)
• REVASCAT– ASPECTS > 6 (TDM),
> 5 (IRM)
Seules les études SWIFT-PRIME et REVASCAT ont exclu les patients de plus de 80 ans
L’âge élevé (> 80 ans) ne doit pas être considéré comme une contre-indication à la thrombectomie
Influence du délai avant reperfusion angiographique « Time is brain »
• 240 patients IMS III avec occlusion proximale
• 76% de reperfusion angiographique (TICI 2-3)
• Délai de reperfusion moyen : 5 h 25 minutes
• La probabilité d’obtenir une bonne évolution diminue de 12% par demi-heure supplémentaire avant reperfusion
Khatri et al., Lancet Neurol 2010
Equité d’accès au traitement endovasculaireDonnées de modélisation géo-spatiale (USA)
Adeoye et al., Stroke 2014
Accès dans les 60 minutes: 56% par voie terrestre versus 85% par voie aérienne
Accès à la thrombectomieen France
0
Quimper Lorient
Perpignan
CarcassonneBéziers Toulon
Nice
Marseille
Aix
Avignon
Grenoble
Annecy
Valence
Bayonne
Dax
TarbesMontpellier
Narbonne
St EtiennePérigueuxBordeauxClermont F
Limoges
La Roche sur Yon
La RochelleChambéry
Vienne
Pau
Besançon
Lons le Saunier
Bourg
LyonVillefranche
ColmarMulhouse
Vesoul
Orléans
BourgesChâteauroux
ToursNantes
Angers Le Mans
Poitiers
Agen
Libourne
ToulouseAuch
Cahors
MontaubanAlbi Nîmes
Avranches
St BrieucSt MaloBrest
VannesChartres
Reims
Belfort
Rodez
Thionville
NancyEpinal
Cherbourg
Saint Lô
Dijon
Dreux
Charleville
Troyes
Evreux
Le Havre
Freyming
TourcoingCalais
Boulogne
MaubeugeBéthune
Caen
Rennes
Rouen
Amiens
BeauvaisCompiègneSoissons
LilleRoubaix
St Quentin
Creil
ValenciennesLens
30% des AVC sont pris en charge en UNV(disparités régionales)
135 UNV (UNV de proximité ou de référence)
Environ 40 unités de NRI (CHU généralement)
Eloignement centres NRI – UNV proximité = 83+/- 53 kmTemps de transfert estimé < 1 heure = 65% ?(communication A. Krainik, SFNV 2015)
Orientation vers UNV de proximité ou vers UNV de référence en cas de suspicion d’AVC grave?
• UNV de proximité
– Délai d’acheminement moindre– tPA IV
• UNV de référence
– Imagerie avancée (artériographie)
– tPA IV et thrombectomie mécanique (NRI)
– Neurochirurgie– Anesthésie– Neuro-réanimation
« Triage » pré-hospitalier par le régulateur du centre 15 : premier contact médical dans 50% des cas d’AVC
Quel est le retard acceptable dans l’administration du tPA IV pour bénéficier d’une thrombectomie plus précoce? Quels sont les volumes de patients? Quels sont les coûts?
Analyse géographique: temps de transport additionnel selon la localisation des UNV
Association score NIHSS et occlusion artériographique
• 226 patients consécutifs
• Artériographie cérébraledans les 6 heures (ACI) ou dans les 12 heures (VB)
• Score NIHSS ≥ 12– VPP occlusion proximale
(ACI, M1, M2, TB) 91%
Fischer et al., Stroke 2005
Facteurs cliniques prédictifs d’une occlusion proximale
• Items NIHSS– Niveau de conscience– Paralysie du regard– Déficit moteur du
membre inférieur– Négligence visuo-
spatiale, extinction
Fischer et al., Stroke 2005
Association score NIHSS et occlusion artérielle
• 2 152 patients < 24 heures
• ARM ou angioscanner
• Association score NIHSS et occlusion
• Score NIHSS ≥ 9– VPP occlusion proximale
= 80%– VPN = 68% donc 32%
des patients avec NIHSS <9 ont une occlusion proximale
Heldner et al., Stroke 2013
Katz et al. Stroke. 2015;46:1508-1512
Développée à partir de l’échelle du NIHSS et des données des études NINDS (n = 624) et IMS III (n = 303)
Réponses dichotomiques, pas de subjectivité
Katz et al. Stroke. 2015;46:1508-1512
Score CPSSS ≥ 2
Identification NIHSS ≥ 15- Sensibilité = 89%- Spécificité = 73%
Identification occlusion des gros troncs- Sensibilité = 83%- Spécificité = 40%
Thrombectomie mécaniqueUn moins bon pronostic
en cas d’anesthésie générale?
• Pour l’AG– Amélioration de la sécurité de la procédure, pas de mouvements de
la tête du patient (risque d’hémorragie intracrânienne), protection des voies aériennes
– Réduction du délai ponction artérielle - reperfusion angiographique (pas d’agitation)
• Contre l’AG– Retard à la ponction artérielle– Perturbations hémodynamiques (hypotension, tachycardie) lors de
l’induction– Effets sur l’autorégulation cérébrale des agents anesthésiques– Ne permet pas la surveillance de l’état clinique neurologique
Thrombectomie mécaniqueUn moins bon pronostic
en cas d’anesthésie générale?
• Pas de données issues d’études prospectives randomisées AG versus sédation consciente (Etudes COMET, AnStroke)
• Taux d’AG– MR CLEAN et EXTEND-IA : 1/3 des patients– REVASCAT et ESCAPE < 10%
• Pas d’AG ne veut pas dire pas d’anesthésiste en salle– L’instabilité de la situation clinique, l’agitation du patient peuvent conduire à
transformer une sédation consciente en anesthésie générale– La douleur lors de l’extraction du thrombus doit être prise en charge
Hendén et al. , Stroke 2015
m-RS score > 2
Etude rétrospective,108 patients traités par voie endovasculaire sous AG pour infarctus cérébral
Autres facteurs prédictifs indépendants: - score NIHSS- Absence de recanalisation
Brinjikji et al. AJNR 2015;36:525-529
9 études, 1 956 patients
Association AG – mauvaise évolution mais facteurs de confusion (sévérité clinique, site d’occlusion)► une étude randomisée contrôlée est nécessaire
Préférer la sédation consciente en l’état actuel des connaissances
m-RS score ≤ 2
Les trois impératifs de la revascularisation cérébrale
• Rapidité– «La probabilité d’obtenir une bonne évolution diminue de 3 à 4%
par quart d’heure supplémentaire avant début de la thrombolyse IV et de 12% par demi-heure supplémentaire avant recanalisation par voie endovasculaire »
• Equité– Analyse géographique et sociologique de l’accès aux soins
• Sécurité– Formation des médecins, volume suffisant de procédures garant de
sécurité et d’efficacité de la thrombectomie
• La démonstration de l’efficacité de la thrombectomie pose le plus grand défi organisationnel depuis l’implémentation de la thrombolyse et le développement des UNV