Plasmocytome ovarien bilatéral : une observation

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Imagerie de la Femme (2011) 21, 111—114

CAS CLINIQUE

Plasmocytome ovarien bilatéral : une observation

Bilateral ovarian plasmocytoma: A case report

Naourez Gouiaaa,∗, Sameh Ellouzea, Hatem Bellaajb,Doulira Louati c, Hanen Abidd, Hela Mnifa, IbtissemBahri a, Saloua Maknia, Mohamed Guermazic, MoezElloumib, Tahya Boudawaraa

a Laboratoire d’anatomie et de cytologie pathologique, CHU Habib Bourguiba,3029 Sfax, Tunisieb Service d’hématologie, CHU Hédi Chaker, Sfax, Tunisiec Service de gynécologie obstétrique, CHU Hédi Chaker, Sfax, Tunisied Service de radiologie, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie

Disponible sur Internet le 30 août 2011

MOTS CLÉSPlasmocytome ;Ovaires ;Radiothérapie

Résumé Le plasmocytome est une tumeur maligne qui dérive des plasmocytes ; sa localisa-tion ovarienne est exceptionnelle ; nous rapportons un cas de plasmocytome ovarien bilatéraldiagnostiqué en postopératoire ; il n’y avait pas de gammapathie monoclonale, ni lyse osseuseet la biopsie ostéomédullaire était normale. La patiente avait recu une radiothérapie postopé-ratoire ; elle est sans rechute avec un recul de six mois.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSPlasmocytoma;Ovary;Radiotherapy

Summary Plasmocytoma is a malignant proliferation of plasmocytes; the ovary is an unusualsite for plasmocytoma. We report a case of bilateral ovary plasmocytoma without systemicdisease, diagnosed after surgical excision; there was no evidence of biochemical abnormalities,including monoclonal gammapathy and no evidence of bone or bone marrow involvement; thepatient was also treated by radiotherapy and is disease-free 6 months after treatment.© 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

Les plasmocytomes sont des tumeurs localisées qui dérivent des cellules plasmocytaires ; ilssiègent habituellement au niveau de l’os ; la forme extramédullaire est rare représentantmoins de 5 % des plasmocytomes. Plus de 90 % des plasmocytomes extramédullaires siègentau niveau de la tête et du cou et particulièrement au niveau des voies aériennes supé-rieures ; la localisation ovarienne est très rare. Nous rapportons un cas de plasmocytome

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : naourezgouiaa@yahoo.fr (N. Gouiaa).

1776-9817/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.femme.2011.07.002

1 N. Gouiaa et al.

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igure 1. Échographie pelvienne : volumineuse masse latérouté-ine, hypoéchogène, d’aspect multinodulaire.

varien bilatéral dans le but d’étudier les aspects épidémio-

ogiques et anatomoclinique de cette entité exceptionnellet de discuter son pronostic.

bservation

ne jeune femme âgée de 36 ans, sans antécédent patho-ogique particulier, se plaignait depuis un mois d’algieselviennes avec distension abdominale d’aggravation pro-ressive et métrorragies. L’échographie abdominale abjectivé deux volumineuses masses latéroutérines, hypo-chogènes, d’échostructure hétérogène et d’aspect mul-inodulaire, faisant 30 cm de grand axe environ (Fig. 1) ;es masses n’étaient pas connectées au corps utérin et il’y avait ni remaniements nécrotiques, kystiques ni ascite.e bilan biologique était normal outre une augmentationodérée du CA125 à 332 U/mL. Le diagnostic préopératoire

voqué était celui d’une tumeur bilatérale de la granulosa.a laparotomie exploratrice objectivait deux ovaires tumo-aux et un utérus d’aspect normal ; le péritoine et l’épiploontaient sans nodule ; les deux ovaires mesuraient 30 et 35 cme grand axe respectivement avec une capsule intacte etne tranche de section lobulée (Fig. 2). L’examen extempo-ané était en faveur d’une tumeur maligne à cellules rondest une hystérectomie a été réalisée. À l’examen histologique

igure 2. Photographie macroscopique : ovaire volumineux àranche de section lobulée.

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igure 3. Photographie microscopique (coloration standard’hématoxyline-éosine, agrandissement × 200) : prolifération deellules tumorales à chromatine mottée, présence de noyauxizarres, absence de stroma ovarien résiduel.

igure 4. Immunomarquage positif pour CD138 (agrandissement200).

éfinitif, la prolifération tumorale maligne était faite deappe de cellules rondes de taille moyenne, plasmocy-oïdes à noyau rond, excentré, atypique, parfois lobulé ouultiple, présentant des figures de mitose (Fig. 3) ; ces

ellules étaient monoclonales et exprimaient fortement leD138 (Fig. 4) et la chaîne légère Lambda (Fig. 5). Les exa-ens immuno-protidiques sanguins et urinaires réalisés enostopératoire n’ont pas montré de gammapathie monoclo-ale ; les explorations médullaires (myélogramme et biopsiestéomédullaire) n’ont pas révélé d’infiltration plasmocy-aire ; il en a été de même pour l’immunophénotypage et’étude cytogénétique des cellules médullaires ; les explo-ations radiologiques du squelette n’ont pas trouvé de lysesseuse. Le diagnostic retenu était donc un plasmocytomextraosseux ovarien. Une radiothérapie pelvienne localiséetait indiquée avec surveillance rigoureuse clinique et bio-ogique ; le recul actuel est de six mois.

iscussion

a prolifération plasmocytaire extraosseuse est rare, pou-ant siéger au niveau de différents organes comme lésionrimitive ou secondaire dans le cadre d’un myélome

Plasmocytome ovarien bilatéral : une observation

Figure 5. Immunomarquage positif pour la chaîne légère Lambdad’immunoglobuline (agrandissement × 200).

multiple qui consiste en une prolifération multifocale deplasmocytes anormaux engagés dans la production de pro-téine monoclonale [1]. Le diagnostic de plasmocytomeextraosseux repose sur les quatre critères suivants [2] :• tumeur solitaire extraosseuse ;• confirmation histologique ;• biopsie ostéomédullaire normale (moins de 5 % de plas-

mocytes) ;• faible concentration de paraproteine monoclonale.

L’électrophorèse des protides et les explorations radiolo-giques sont donc nécessaires pour différencier entre lésionsolitaire et myélome multiple.

Le plasmocytome extraosseux touche habituellement lesvoies aériennes supérieures suivies par les organes lym-phoïdes, le foie, le rein et le système nerveux central ;l’atteinte ovarienne est exceptionnelle [1] ; Voegt et al.ont rapporté le premier cas de plasmocytome ovarien en1938, et depuis, de rares cas ont été publiés sous formed’observation unique ou de petites séries [3] ; l’ovairegauche était le plus touché [2] ; l’atteinte ovarienne bilaté-

rale a été rapportée ; Velders et al. ont rapporté un cas deplasmocytome extramédullaire localisé au niveau des deuxovaires et au niveau du péritoine [4]. La symptomatologieclinique est peu parlante et non spécifique à type d’algiepelvienne ou de sensation de pesanteur [5].

L’échographie pratiquée dans la plupart des cas publiésmontre une tumeur déjà volumineuse au moment du diag-nostic, hypoéchogène avec un aspect multinodulaire ; lesremaniements kystiques et nécrotiques, ainsi que l’ascitesont habituellement absents ; cet aspect échographiqueest plutôt évocateur d’une tumeur bénigne bilatérale del’ovaire, en particulier, la tumeur de la granulosa et lestumeurs du groupe fibrothécal. L’imagerie par résonancemagnétique est la plus performante ; les lésions sont typi-quement en hyposignal T1 et en hypersignal T2 avec prisede contraste après injection de gadolinium [6]. Dans notreobservation, seule une échographie pelvienne était réaliséeet la patiente a été opérée avec le diagnostic préopératoirede tumeur de granulosa.

Sur le plan macroscopique, les ovaires sont augmen-tés de taille habituellement supérieure à 12 cm, à tranchede section lisse avec parfois des foyers de remanie-ment hémorragique [2] ; à l’histologie, le stroma ovarienest remplacé par une prolifération en nappe, de cel-lules de taille moyenne, ovoïdes, peu cohésives, à noyau

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périphérique muni d’une chromatine mottée ; des imagesde multinucléation et de monstruosité nucléaire peuvents’observer ; les mitoses sont habituellement rares et lanécrose est absente [1,3,4] ; des dépôts nodulaires amy-loïdes congophiles peuvent être observés [7]. L’étude ultrastructurale pratiquée dans de rares cas publiés, avaitmontré des cellules tumorales à cytoplasme abondantavec dilatation du réticulum endoplasmique [2]. Le profilimmuno-histochimique est caractérisé par un immunomar-quage positif pour CD138 confirmant la nature plasmocytairedes cellules tumorales ; leur monoclonalité est prouvée parla positivité pour une chaîne lourde et une chaîne légère(Kappa ou Lambda) d’immunoglobuline [7]. Le diagnosticdifférentiel clinique se pose en particulier avec la tumeur degranulosa, habituellement volumineuse au moment du diag-nostic et pouvant être bilatérale. Sur le plan histologique,le diagnostic différentiel se pose avec les autres tumeurs àcellules rondes pouvant toucher l’ovaire, à type de pseu-dotumeur inflammatoire, de lymphome non-Hodgkinien etde sarcome granulocytique : la pseudotumeur inflammatoiredans sa variante riche en plasmocytes est caractérisée pardes cellules fusiformes et par de nombreux plasmocytesmêlés à d’autres cellules inflammatoires à types de lympho-cytes et d’histiocytes ; le lymphome est caractérisé par lapositivité des marqueurs lymphoïdes (CD45, CD3 ou CD20) ;l’immunomarquage pour CD15 et CD68 caractérise le sar-come granulocytique [8].

Le traitement de choix est l’exérèse chirurgicalecomplète. La radiothérapie complémentaire est indiquéepour les tumeurs de très grande taille ne permettant pas unechirurgie complète [2,3]. Un traitement adjuvant à base dechimiothérapie utilisée en cas de myélome multiple, peutêtre administré à titre prophylactique afin de prolonger larémission de la maladie. La patiente porteuse de plasmocy-tome ovarien bilatéral, rapporté par Velders et al. a recuune chimiothérapie post opératoire suivie par autogreffe demoelle osseuse [4]. Du fait de la rareté des plasmocytomesovariens, le pronostic n’est pas bien connu ; cependant, ense référant à l’ensemble des plasmocytomes extramédul-laires touchant d’autres organes, le pronostic paraît plusfavorable que celui du myélome multiple ; la survie moyenne

des patients varie de quatre à dix ans. La récidive localeet la progression vers le myélome multiple peuvent surve-nir justifiant un suivie prolongé et rigoureux des patients[1,2,5,7].

En conclusion, le plasmocytome extramédullaire estrare, particulièrement au niveau ovarien. Nous rapportonsun cas d’atteinte ovarienne bilatérale avec une tumeurhabituellement large au moment du diagnostic, touchantsurtout l’ovaire gauche sans stigmate de dissémination.L’aspect morphologique et le complément d’étude immuno-histochimique sont nécessaires pour le diagnostic. L’exérèsechirurgicale complète est le traitement de choix ; cepen-dant, la progression vers un myélome multiple est possible.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

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N. Gouiaa et al.

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