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7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
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KernosNumro 3 (1990)
Varia
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Franois Jouan
Lorale, thrapeutique de langoisse
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Rfrence lectroniqueFranois Jouan, Lorale, thrapeutique de langoisse , Kernos[En ligne], 3 | 1990, mis en ligne le 19 avril 2011.URL : http://kernos.revues.org/966
DOI : en cours d'attribution
diteur : Centre International dEtude de la religion grecque antiquehttp://kernos.revues.orghttp://www.revues.org
Document accessible en ligne sur : http://kernos.revues.org/966Ce document est le fac-simil de l'dition papier.Tous droits rservs
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L ORACLE, THR P UTIQU L ANGOISSE
L angoisse es t souvent considre comme un de s
traits
dominants de
notre
civilisation : angoisse
devant
le s
risques permanents
de
destruction de
nos socits
et mme
de
toute
vie
sur n ot re p la n te ,
angoisse devant la
monte de certains flaux, anciens
o u n ou ve au x,
cancer
ou sida. Notre vie quotidienne
est
marque
par
u n e i ns tab il it
qu i
atteint
tous
le s domaines:
volution
r apide des techniques,
fragilit
croissante de s
liens
affectifs,
incertitude
des
carrires,
explosion de
la
violence,
et
mme variation des prix
et
des monnaies. La ncessit de
s ada pte r sa ns
cesse
des situations
nouvelles (je
pense par
exemple
l informatique
cre
chez
le s moi ns
solides,
ou les moins
agiles,
un
effet de
dsarroi
qu i
peut
conduire
au
stress
passager,
ou
la
dpression mentale. Cette
monte de l angoisse a
naturellement suscit
des
remdes. Dans le s
socits
chrtiennes
de
nagure,
un
recours tait
souvent
offert par la religion
: confession, direction de conscience,
prire. ce t opium du peuple
on t
succd des types d opium srement
plus nocifs
qu e sont l es v al iu m, thalium et autres
benzodiazpines,
ces
tranquillisants dont la
France
es t le
pe u
enviable champion,
avec
un e consommation de
plus
de cinquante millions de botes pa r
an
E t je
ne
parle pas
de s drogues p ro pr em en t d it es
ou
de
l alcool...
Ce s
anxiolytiques, comme
leur nom l indique, moussent l anxit, mais
e n e ff a an t chez l homme
le
besoin de
comprendre
le
prsent et
de se
reprsenter l avenir . Les anxieux
du futur,
eux, trouvent profusion des
porteurs
d espoir,
no n patents mais no n dsintresss, astrologues,
voyantes sous le signe
du
soleil ou
de la lune,
gourous
de toute
provenance
ou
sectes
exotiques. Les plus rflchis, comprenant
qu e la
c au se d e l angoisse s e t ro uv e
s ur to u t e n
eux-mmes, vont consulter ces
mdecins de
l m e q ui
se
sont
vous
la
connaissance
et
la thrapie de
la psych sous des
enseignes
diverses
:
psychothrapie,
psychiatrie,
psychologie clinique, psychosociologie, psychologie de l enfant,
et j en
oublie
srement.
Il ne f au t p o ur t an t pa s
exagrer
sur
ce point
l or iginalit de
notre
poque, car
l angoisse
es t
u ne donne
immdiate
de
la
condition
humaine, et
en
aucun t em ps , a uc un e civilisation n en a t prserve.
L image de l a s r n it grecque n a
gure
survcu au oyage du eune
nacharsis
la
posie
d Andr Chnier et
l art no-classique. Il
suffit, pour faire
prompte justice
de
m ir ag e, d e l ir e l es auteurs
grecs,
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F JOU N
d Homre
la
tragdie
de Pl at on a u
roman . Pens on s
au x
angoisses
d Ac hille ou
d Hector
dans
l pope d Ajax
ou
d dipe
d Andromaque
ou d Hcube dans la tragdie. En fait les conditions de vie dans les c its
grecques de s ges
archaque
et classique renfermaient
bien
des
prils
q ue nos r gl es
du droit
d es g en s
on t
limins sinon
totalement hlas
au moins e n g ra nd e partie. Ainsi p ou r u ne
nation
moderne un e dfaite
dans une g uerr e est certes un vnement
grave
cause
de
grands
dommages moraux
et
matriels
mais
en
principe elle
ne
m et pas
en
da nger la
vie
des habitants. L histoire grecque
au
contraire nous
montre
de no mbr eux cas o
la
dfaite se
traduit
par
l anantissement
de
tout
un p eu pl e :
massacre
de la population mle transfert des femmes en
esclavage et
dans
le
li t des vainqueurs
dispersion des
enfants
pillage
intgral
des
biens ville incendie e t r as e jusqu au sol. On conoit donc
la panique d es f em me s de T hb es
dans
le
drame
d Eschyle lorsque les
terribles
chefs
de l arm e argienne
se prparent
donner
simultanment
l assaut au x sept portes de
la
ville.
Le s
g ue rr es o nt
toujours
t f r qu en te s e n Grce.
Au
Ve s icle Athnes a forg sa
grandeur
dans
la priode qu i
va
du
grand
pr il des
guerres mdiques
l impitoyable guerre du
Ploponnse.
Mais mme
durant ces
cinquante g l ~ r i u s s et bien p lu s a pr s 430 e lle a l ai ss un e forte
proportion
de
se s
soldats-citoyens
sur
les
champs
de
bataille
de Grc e
d Asie
Mineure
d gypte ou de Sicile voire au fond de
la Mditerrane
ou du Pont-Euxin.
Autant
de
sujets
d anxit quotidienne pour l es n on
combattants dont les
chos se
retrouvent dans
la tragdie et mme chez
Aristophane.
D autres motifs
d angoisse
collective n e manquaient pas :
pidmies famines
et
en particulier l ge archaque
les
tensions
s oci al es
l intrieur des
cits. Le s
prises
de pouvoir alternes des
factions oligarchiques dmocratiques ou
t yr an ni qu es n al la ie nt p as
sans
massacres ou
au moins sans confiscations et
bannissements.
Or
en ces temps rien de moi ns enviabl e q ue
la
condition d un b an ni qui
d an s u ne ville
trangre
n tait qu un apatride priv de
toute
protection
lgale:
le s
plaintes
d un
Thognis
au
VIe sicle celles
plus littraires
de la Mde d Euripide
tmoignent
de c et te
prcarit
de vie
laquelle
l a l g is la ti on n e commencera gure remdier
avant
l e IVe sicle.
l instabilit
politique s ajoute dans la Grce
archaq ue u ne
crise
morale
et religieuse
marque
pa r un e apprciation profondment
pessimiste
de
la c on di ti on de l h om me menac tout
m om en t d tr e atteint
par la
s ou il lu re o u
de su cco mb er
la jalousie
des die ux.
Il
s y joint ch ez l es
esprits
les plus rflchis un e a sp ir at io n m al s at is fa it e discerner
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derrire
le
spectacle chaotique
du
monde
la
manifestation
d une
volont
surnaturelle
d ordre
et
de justice.
Mais mme dans le s
priodes les moins
agites
de
l histoire
grecque il
subsistait
ces
caus es ternelles d anx it q ue
secrte
pa r
elle
mme la
vie
humaine et qu i naissent
du
corps
et
de l esprit
de la
proche
famille
du mtier d u p et it
groupe social. Nous
verrons du
reste pa r le s
questions
qu ils
posaient leurs
dieux que
le s
Anciens
taient
beaucoup
moins
torturs
pa r des
doutes
m taphysiques que par des
soucis
plus
i m m d ia ts c on ce rn an t leur
sant leur
russite et le sort de leurs
proches. Et c est de cela que
je
me propose de vous parler. Mais vous me
permettrez auparavant un bref retour
en
arrire q ui e xp li qu e
ma
prsence
ici
soir.
C est symbolique m ent travers u n mythe - celui
d u C en ta ur e-
mdecin Chiron -
qu e
se
sont
amorces les relations
entre
le s
membres
du
Centre de Recherches Mythologiques de
Paris
X
et
des mdecins de
la
Socit d tudes
Psychothrapiques
de langue franaise.
Petit
p et it e st
n
entre
nous
un
projet de rflexion commune qu i
s est
matrial is en
aot
d er ni er d a ns
l e Pr em ie r C on gr s
International
de
Mythologie
et
de Psychothrapie
sur
le thme
ngoisse et Divination
Des
sances
de
travail
ont
runi
un e bonne centaine de participants
Paris
puis
Delphes sous le patronage
d Apollon
avant un
voyage
t ra ve rs la
Grce
de s
sanctuaires
oraculaires et
prophtiques. Et nous
nous sommes
trs
vite aperus
-
no n
sans
une surpr ise qu e
je
qualifierais
de divine
q u au t er me
de formations
en
apparence
fort dissemblables
nous
tions
en
mesure le s un s et
les
autres
de
nous passer d interprtes ca r nous
parlions une langue
largement commune.
Nous
avons
en
effet
d c ou ve rt b ea uc ou p
de
points de contact
entre les deux types
de
cons ul ta ti on - l e
mo t au m oi ns n ou s tait
commun - celle
du
fidle
antique
auprs
du
dieu
et
celle
du pati ent
moderne auprs
du
mdecin de
so n esprit. E t
c est sans doute dans
ce dernier
mot
qu e
rside
l explication. Le niveau
ingal a tt ei n t p a r
le s sciences mdicales pour
le diagnostic et le traitement aurait pu conduire
no s
confrres
considrer
avec mpris
la thr a pe utique
de
la rponse
divine
lance du
trpied
de
la Pythie
et
r eue avec un e foi aveugle par
le
fidle antique.
Mais sitt qu e d an s u ne
affection
la psych intervient
avec
le so - et
la mdecine
prend
de
plus
en
plus
en
c ompt e ce double
facteur
-
on
retombe sur
la
constance de rgles
qu i
n ont
pa s
plus
vari
qu e
l a n at ur e
de
l e sp ri t h um a in .
Je me
limiterai
ici quelques exemples puiss
p r ci s me nt d an s
le s
rflexions de nos amis
psy.
Ainsi
un
psychotrapeute a soulign ce qu il a appel
la
fonction apostolique
du
mdecin :
te l le
fidle
du
pass
l a p at ie nt
moderne pose comme un e
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F
JOU N
exigence ncessaire
sa
guenson
l omniscience
de celui
qu i le
soigne. Plusieurs o nt r ap pe l l i mp or ta nce
de l hy pn ose
dans
le
traitement d es a ng oi ss es
particulirement
dans
certaines
coles
trangres
le
rle
thrapeutique
de
la
suggestion
et de l esprance
:
en
annonant
ce qu i
va lui arriver
en l occurrence
la
gurison on facilite
celle-ci. D au tr es n o nt p as hsit recourir au terme d e m ag ie propos
de certaines
mthodes
de psychiatrie,
ou
encore de diverses
branches
des
mdecines douces, si
la mode dans tous les milieux. Une
psychologue
s est
demand je
la
cite) comment ce qu on
appelait
l Esprit
-
ou
le
Dieu
-
dsormais rebaptis
Inconscient
peut-il
agir, avec
un e
facilit
dconcertante sur d es a ff ec ti on s t a n t physiques
qu e
psychiques rebelles tout autre moyen thrapeutique Un autre
encore, partant d u p os tu lat que
la
divination es t l antiscience, n en a pa s
moins
relev
plusieurs traits communs entre la divination oraculaire et
la
psychiatrie notamment
celui d utiliser
la rvlation du
p as s p ou r
effacer les inquitudes relatives
au
prsent
et au
futur.
Mais
je ne
veux pa s
refaire
devant vous notre Congrs seulement
indiquer la
voie
sur l aq ue ll e n ou s n ou s so mm es e ng ag s en commun
avec
la
conscience de n tre encore q u a u d b ut
du
chemin. N ou s n ou s
sommes donc donn r endez- vous Paris puis en Turquie dans
la
deuxime
quinzaine d aot
1990, aut o ur d u
thme du
Hros.
Pour en
revenir
au x
oracles,
je
veux simplement
ra ppe le r l intr t
qu e
peuvent tirer nos tudes de confrontations avec des disciplines
modernes qui semblent
dans
le
principe
l eu r tr e t ou t
f ait trangr es.
En
effet,
la lumire
de s
acquis
scientifiques
et de la
pratique
quotidienne de nos
amis
mdecins, nous avons
t
conduits
envisager
un peu
au tr em ent la n atu re et la
fonction des consultations oraculaires
dans l Antiquit.
C est donc un e brve
promenade
travers quelques
sanctuaires
prophtiques
gr ec s q ue je vous invite. Nous vi te rons l es
discussions rudites
-
toutes captivantes qu elles soient
-
qu i
nourrissent par ailleurs nos
dbats
actuels,
et nous
concentrerons
notre
regard su r le consultant priv, q ui v ie nt c he rc he r
la
rponse divine
un e an go is se p erso nn el le.
Nous e xc lu ero ns donc
le s consultations
d une
cit ou
d une
collectivit mme si u ne p es te
ou
un e
famine
sont
na ture lle ment g nra te urs
d angoisse). Nous carterons
aussi
le cas
des
sanctuaires de dieux gurisseurs
comme Asclpios, qu i
donnerait
l arg emen t mati re
un e
autre
confrence...
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La consultation d un
oracle
tait
en
Grce le moyen
ultime mais
non le plus courant, de tenter de pntrer les intentions des dieux
su r
le
genre humain.
En
effet,
le s Grecs considraient qu e
le s
dieux
invisibles au x y eu x d es m or te ls , ta ie nt s an s cesse prsents
au
monde.
Il s se manifestaient par de s signes qu il
fallait
dchiffrer si l on
voulait accomplir leurs volonts
et viter
leur
redoutable
ressentiment.
De tels signes pouvaient
se
manifester tout
instant
de la vie
quoti di enne :
un ternuement un e
crampe,
un
faux-pas, un e
rencontre
imprvue, ou encore
un e
parole
entendue
pa r hasard
et
qui
rpondait
la
quest ion qu on se posai t. Un t el typ e de signe, le kldon e n tr ai t d u reste
dans
l e mo de p ro ph t iq ue de
certains sanctuaires
: le
consultant
sortait
du temple en
se
bouchant
l es oreil les
et
la
premire parole entendue
ensuite
a va it v al eu r d oracle. Toute
manifestation
cleste
anormale
tait
impute la d iv in it : coup de
tonnerre
dans
un
ciel serein signe
de Zeus
bien
sr), toile filante, clipse. Dans le sacrifice aussi, tout tait
prsage
tmoignant
des dispositions du
dieu
: rejet par exemple,
lorsque le taureau rpugnait r el ev er le muf le au bon moment, quand la
c h vr e a sp er g e d eau ne frissonnait pas quand les poulets ou le s
poissons refusaient le
grain.
On
devait tenir
compte d e la forme
des
viscres,
et
surtout du foie, de la qualit de la combustion
et
de la
direction de la fume. Les prtres taient l pour expliciter la volont du
dieu. Je passe
su r
le vol des oiseaux, trs pratiqu avec un code fort
prcis l interprtation des rves par le s on iropoloi
habiles
distinguer le s vrais
songes,
venus de s
dieux, de
leurs
erzatz
sans
valeur
prophtique. Toute
ville,
mme
tout village avait se s exgtes,
amateurs ou professionnel s, qui se prtendaient
capables
d interprter
ces d iv er s s ig ne s.
De plus la Grce archaque tait parcourue par des devins
itinrants les i trom nteis
la
fois prophtes
et
mdecins.
C taient
de
vritables hommes de Dieu, q ui allaient de ville en ville,
conseillant
le s cits et le s familles, interprtant les sig nes prescrivant de s
purifications et
rglementant
les cultes,
faisant
au
sens
propre la pluie
et
le beau temps
et
accomplissant l occasion des miracles.
l ge classique,
pour
ceux
qu i
ne
pouvaient consulter
l oracle sur
le vif, des chresmologues
produisaient en
quelque
s or te d es
oracles
en
conserve, s ou s forme de r ec ueils de
prophties
attribues
un
grand
sanctuaire comme Delphes, ou
d illustres
inspirs d un pa ss plus ou
moins lgendaire comme les devins hroques A mp hi arao s o u Mopsos,
les potes
Orphe
o u Mus e, le s ag e s cy th e A ba ris . Ces o ra cl es du
pass
restaient
encore imprgns de la puissance mag iq ue v en ue
du
dieu et ,
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OU N
comme nos ora cle s de
Nostradamus
ils
continuaient
s a pplique r da ns
la suite
des temps.
Mais
tout
cela
restait
de petits moyens pour de petites inquitudes ce
qu e l un d entre
nous
appelait
de
l a sp ir in e p ou r
l angoisse. Rien ne
valait
dans
les cas
graves le
contact
direct avec
la divinit
dans
le s
lieux mmes o elle
avait
tabli
sa
demeure. Des oracles, il y en
avait
pa r dizaines
travers la
Grce, des
plus grands t enus pa r le s
Olympiens
au plus
modestes, de
rputation
locale, fiefs de
quelque dmon ou
hros
du pays sans parler
des bouches des E nf er s
qu i
s ouvraient
en
divers
endroits. Ils abondaie nt en
particulier dans
d es r g io ns
comme
la
Botie
ou la Thessalie o
fleurissaient
les cultes chtho niens . En
effet,
mme si
l a p lu pa rt des grands
oracles
au x
te mps historique s
sont
au x
mains
de s dieux olympiens Zeus Apollon,
Herms
Posidon
l origine c tait des d es ses
chthoniennes
des Mres divines qu i
avaient t
le s pr em i re s
prophtesses
: Gaia
ou
G Delphes, Dion
Dodone,
D m t er e n
plusieurs
points du
Ploponnse.
No us b orn eron s
notre r apide tourne quatre de ces
ha uts lieux:
Delphes,
le
Trophonion
de Lbade, Dodone
et
l oracle
de s
morts
d phyra.
Il
faut
dire d abord qu e nous ne connaissons que
trs
imparfaitement dans
la
plupart
de s cas, le
rituel
de la consultation
o raculaire. M m e
D el ph es ,
malgr
tant
d e tm oign ag es
littraires
et
pigraphiques bien de s
dtails
nous chappent
car
le s pratiques
al lai ent t ell ement
de soi po ur l es Anciens q u i ls se
contentent
le plus
souvent
de simples allusions.
D autre
part le s o ra cl es c on nu s
le
recueil
classique de
Parke et
Wormell
en
r ecense six
cent quinze pour
Delphes) concernent
surtout de s
cits ou de
grands
personnages venus
consulter sur
d es p ro bl m es
graves
d ordre religieux politique
ou
militaire ce
qu i
fausse notre vision. Plutarque
au Il e
sicle,
peut
bien
tmoigner quelque
m pris pour
les consultations
de son
temps
o, dit-il
en
substance
le s
Grecs
n interrogent le dieu qu e
su r
de s sujets
mesquins et
domestiques alors qu autrefois celui-ci n avait
traiter
que des
grands i ntrt s
de la Grce. so n habitude le bon Plutarque
idalise
par
trop
le
pass
et
il
parat
bien qu toute
poque
le s
consultations sur de s
sujets privs constituaient
la
principale activit
du
sanctuaire.
Mais elles ne
mritaient p as d tre r ap po rt e s par le s
auteurs o u g raves dans le marbre. Ce
n est
que fortuitement quand
un
grand de
ce m on de pr ou ve
quelque
malheur
domestique,
qu e
l on
peut
connatre
la
question,
et
parfois
la
rponse
du
dieu.
La c on su lt at io n d u n de s oracles majeurs tait
chose
grave
ncessitant
des dmarches
a u t re m e n t
plus
laborieuses e t
impressionnantes qu e
celles
mmes qu i prcdent l entre
du
patient
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dans
le
c ab in et d u n
des
grands
patrons
de
la
mdecine
actuelle.
La
r a li sa ti on r c la ma it d u
temps des f atigues physiques
de s
formalits
compliques
de s
d p en se s i mp or ta nt es . P re no ns le ca s de Delphes.
D abord le s
dates
de consultation
taient
rares un e fois
par
mois
semble-t-il l poque classique.
Il
fallait viser juste
si
l on venait
de loi n. Or dans sa gorge
rocheuse suspendue
au flanc d u P ar n as se
Delphes
tait loigne d es r g io ns
le s
plus peuples de
la
Grce. L e
voyage par terre travers la montagne n ta it p as e xe mp t d e d an ge rs .
Aussi
venait-on s ur to u t p a r
mer mais
-
tombant de
Char ybde en Scylla
- on
devait
dbarquer Kyrrha
dont
les h ab it an ts ta ie nt r p ut s p ou r
leur
habitude
de
ranonner
les plerins. Aprs la monte
ardue
jusqu au
site il fallait prendre
son
tour en
se
faisant
inscrire
auprs du
clerg u n t ou r fix
s ui va nt u n r it ue l
extrmement minutieux
qu i
tenait
compte de s priorits promantie) et d e l o ri gi ne g og rap hi qu e d es
consultants. galit su r ce plan i nt er ve na it u n t ir ag e au sort par la
fve d o pe rc ep ti on d u ne t axe .
Un e
autre
taxe le planos,
tait
dmande
po ur l a consultation proprement dite. Il
fallait
aussi sacrifier
un e
chvre Apollon
un e
autre sans doute Athna
Pronaa.
On ne
pouvait se rattraper s ur la viande un e
partie
tant dpose sur
la
table
sacre
dans
le temple
un e autre
prleve
par
le
prtre et
le
sacrificateur po ur le cou telas s ui va nt l a f or mu le . L e f idl e soumis
au silence religieux l euphmia tait encore tenu de s purifications et
des ablutions
l eau
de Castalie.
Ce
n es t q u a u te rm e
d e ces com plex es
prparatifs
qu e
le
consultant
p re na it s a place dans la procession de s
plerins
du jour : avec eux il
gravissait la voie
sacre franchissait
la
rampe
d accs p ntrait da ns
le prodomos pour entrer dans le sa nctuaire propre me nt
dit.
L il
l on geait l au tel de Posidon
et
le foyer
d Hestia
t ra ve rs u n
fouillis
d offrandes pendant a ux p ou tr es du plafond accroches au x murs
poses su r le sol
statues vases
votifs armes etc. Au fond du sanctuaire
il parvenait enfin l adyton
o
la Pythie sur son trpied
allait
rvler
la sentence d Apollon. C tait vraiment le sa int de s saint s avec de s
reli qu es v nrab les
la pierre de l omphalos, le no mb ril du monde
surmont
de deux
aigles d or le laurier et la statue d Apollon le
tombeau de
Dionysos.
On imagine l motion
et
le
respect
qu i
remplissaient
le co ns u lt ant en fin arri v au
terme d un
t el p r ip le
initiatique l espoir
aussi
au
moment de voir son angoisse prise
en
compte et dissipe p ar l a parole du dieu. Ce
n es t p as
ici l e lieu de traiter
le s
multiples points encore en discussion
parmi les spcialistes sur
le s
dispositions matrielles de l adyton
et
la pl ac e d es
consultants
su r
le
dlire ou l a bse nc e de d li re de la Pythie su r fameuse
fissure
du sol
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
9/19
18
F OU N
dsonuais
oblitre
par
le veto des gologues.
On
ne sait mme
pas
si l es
questions
taient poses
par crit
o u o ra le me nt . I l semb le, en tou t cas,
contrairement des traditions t en ace s, que l es
rponses
de la
Pythie
taient
rendues en tenues
clairs. Parfo is mme, la bonne poque, elles
taient formules en vers, mais non
pas
sans doute dans les cas
ordinaires
que
nous envisageons. Certaines
rponses
par ou ou o
pouvaient
tre donnes par un simple
tirage
au sort de la Pythie - car
c tait
le
dieu qui
conduisait
sa
main -
et
il es t q uestio n d es so rts
qui
bondissaient
hors
du trpied c est--dire de la vasque surmontant le
trpied
et
dans laquelle s asseyait la
Pythie).
D autres
procds
sont
encore voqus, et il y
en
avait
srement
pour t ous les prix et pour les
consultants les p lu s mod es tes.
En tout cas, son angoisse exorcise
et
muni de sa rp on se, le p lerin
n avait plus qu rentrer
chez
lui et
excuter
dans l a
srnit
l ordre
du
dieu mme si, comme no us le v erro ns, cet or dr e p ou va itlu i sembler
absurde), certain q u Apo llon v oy ait p lu s clair
et plus
loin
que lui
dans
l avenir.
la limite de la
plaine
de Bo ti e
et
des premiers
contreforts
du
Parnasse,
su r
la route
d Athnes
Del phes, l ancienne
Lbade
maintenant
Liv ad ia -
tait
le sige de l oracle de Trophonios. Ce devin
semble avoir
t
l orig in e u ne s imple p iclse d un Zeus Chthonien, un
Zeus nourricier. La
pit populaire
en avait
fait
un
dmiurge des
temps
mythiques,
le
constructeur,
ent re autres , du premier
temple
en
dur d Apollon Delphes, un archi tecte
inspir,
mais
aussi un
peu
escroc - cela
arrive Nanmoins, i l
tait
devenu bien p lus
tard
une
d iv in it p ro ph tiqu e, q ui
entretenait
des liens privilgis avec Apollon.
L on d Euripide
nous
montre le roi d A thn es, Xouthos, en mal de
descendance, qui consulte au passage l oracle de Trophonios avant celui
de Delph es ,
et
on voit
souvent
Apollon
lui adresser
des clients. Il y
avait L b ad e un ensemble religieux trs important, avec d es temples
et chapelles non seulement Trophonios et s es e nf an ts , mais en co re
Zeus-Roi, Hra-Aurige, Apollon, Cronos,
Dmter-Europe.
De
cela, comme de
la
grotte
oraculaire, i l ne
reste
plus rien.
L oracle
proprement dit tait situ au-dessus de
la
ville, dans le ravin s au vage o
coulait le torrent Hercyna. L
s ouvrait
un
antre.
Au fond
dvalait
avec
fracas
un courant d eau
qu i
produisait
un v io lent app el d air . Ici enco re,
le consultant subissait une
longue
prparation.
Reclus
dans un
local
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
10/19
l enseigne
du
Bo n
Gnie
et
de
la
B on ne C ha nc e
il
poursuivait
instruction
et purifications, celles-ci exclusivement l eau glace de
la
Hercyna. I l d evait sacrifier
chacune
de s
divinits
qu e je viens
d numrer
et
ddier des offrandes aux d eu x s ou rc es de M n mo sy n
et
de
Lth
- la Mmoire
et
l Oubli.
Tout
cela accompli, au
premier
jour faste, il se
rendait
l an tr e e n
vtements blancs, accompagn des prtres mais il descendait seul dans
u ne p re mi r e cavit, en s aidant d un e p et it e chelle. Ce
faisant il ne
devait p as lcher le s prsents des gteaux de miel) d es ti n s a ux
s erpents s acrs qui se prcipitaient sur lui. De l il se glis sait, les pieds
devant dans une
troite faille du
rocher pour
parvenir l dyton
proprement dit. Que se passait-il alors
?
Pausanias le consciencieux
au te ur du Priple de la rce qui nous
di t
avoir men
un e
enqute
personnelle
sur
place
et
avoir tt de l oracle, dclare seulement qu on
apprenait l avenir, soit par
des visions
soit par
de s paroles
ent endues . Au sicle prcdent, Plutarque nous liv re le rcit beaucoup
plus
dramatique et
circonstanci d une cons ult ati on
attribue
un
disciple
de S oc ra te
Timarque de Chrone.
tendu
sur le sol du
souterrain
noy de t nbres, dans un tat intermdiaire entre
la
veille et
le sommeil, Timarque a l i mpression de recevoi r un coup violent sur la
tte accompagn d un bruit
assourdissant et son
me q ui tt e son corps
par les fentes de son crne pour se dployer, dit-il, comme un voile.
Il
atteint alors un e priode d euphori e o i l contemple avec ravissement le
spectacle color de
la
vote cleste, berc
par
la
musique
de
l harmonie
des sphres. Puis le dcor change, pour une vision qu on a
pu
qualifier
de da ntes qu e : un gouffre r ond , p le in de tnbres a gi t es comme d es
vagues. De l dit-il, s levaient
un e
infinit de hurlements
et
de
gmissements d animaux; le
vagissement
d innombrables nouveaux
ns, les plaintes mles d hommes et de femmes, t outes sortes de
bruits
et
u n t um ul te confus qui montait du fond de l abme. ce spect acle
succde un e voix a no ny me q ui
demande:
Tout
et la
voix se lance
alors
d an s u ne
longue description de l Univers et de ses
ressorts
o n ou s
ne
la
suivrons pas. Je relve seulement q ue c et te voix lu i annonce que
dans deux mois il saura vraiment tout ... et que deux moi s plus tard il
mourait. Timarque serait rest deux jours
et
demi
au
fond de l antre
au
point qu e ses amis le considraient comme perdu. P ar
la
suite le
thaumaturge
Apollonios de Tyane fera beaucoup mieux
en
restant
sept
jours
entiers
sous terre et, qu i plus est
en
ressortant Aulis, q uelq ue
soixante kilomtres de l, brandissant
un
exemplaire de s uvres de
Pythagore, le
meilleur
des philosophes selon Trophonios qui le
lu i
avait
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
11/19
20
F JOU N
remis.
M ai s n ou s
n e s om me s
pa s
forcs
de prendre p ou r article de
foi
le
rcit
de Philostrate
...
Aprs la rvlation divine Timarque avait de nouveau
ressenti
un e
violente douleur
l a t t e
et
perdu connaissance. Il
se
r e tr ouve ra tendu
sur le sol de
l antre
et il
dut
sortir
comme
le s
autres consultants
dont
nous parle Pausanias par se s propres moyens
et
le s
pieds
le s
premiers.
Repris
alors
en m ai ns par le s
prtres le rescap tait assis sur
le
sige
de Mnmosyn
et
interrog sur
ce
qu il av ait ap pris avant d tre rendu
se s proches. Ceux-ci le
ramenaient la
m a ison d initia tion
encore
pntr
d effroi
et
i nc onsc ie nt de l ui -m m e
et
de
so n
entourage.
Petit
petit il retrouvait se s m oy en s e t en particulier nous di t Pausanias
la
facult de rire. Mais comme n ou s l e v er ro ns
sur ce point la
russite
n tait pas
garantie.
En
tout
cas i l e xi st ai t
u ne exp ress io n
proverbiale
Il a
consult l or ac le d e
Trophonios
avec le mme sens q ue l or sq ue
nous
disons : Il
p or te l e diable en
terre.
S ur le s
sujets
de
consultation on sait peu de choses malgr
l obligation faite
a ux c onsulta nts de rdiger
leur
compte
rendu
sur un e
tablette. Le s
deux
exemples
cits ne nous
obligent
pas
c ro ir e q u o n
demandait
Trophonios des rvlations d u n o rd re
lev.
En tout
cas
il
pouvait
jouer le rle
plus tard dvolu
saint Antoine
de
Padoue
ca r
le
gnral
messnien Aristodme a va it r et ro uv dans l antre
de
Trophonios
le
bouclier qu il avait perdu
e t qui
de
ce
moment a ll ai t tr e
dot
de
proprits
magiques
...
L or ac le d e
Lbade
nous
l avons
vu possdait certains
caractres
in fernau x. M ais en pire phyra q ue lq ue s d iz ai ne s d e k il om t re s
au sud
de
Dodone s ouvrait
un e
vritable bouche
de s Enfers
par
o
l on pouvait entrer en contact
avec
l es m or ts . phyra
est au
centre d un
bassin marcageux
au ciel
souvent
couvert
travers par de s
cours d eau
qu i
s appelaient
le
Cocyte
et
l Achron
-
noms
d e f le uv es
de s
Enfers
un e
rgion
qui
n est
pas
s an s r ap po rt avec
le fameux
passage
de
l dysse racontant l vocation
de
l me
de
Tirsias par Ulysse suivie
de
la
descente du hro s aux Enfers. Entrer en
communication
avec
l me
de s
morts qui
librs
de s liens du corps avaient acquis la
connaissance de l avenir tait une ex prience encore p lu s r is qu e
e t
effrayante qu e
la
plonge dans
l antre
de T rophonios.
Arriv
par mer
le
plerin
r e m onta it le nte m e nt l Achron dans
u ne b ar qu e
q u i vo qu ait
l esquif de Charon. phyra la disposition
de s lieux progressivement
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
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rendus
au jour par
les archologues, t moigne de
leur
caractre
infernal:
cellules closes, pais
murs
polygonaux de pierre noire, sans
ouverture sur
l extrieur, couloirs
troits
barrs de portes
et
de chicanes,
profonde salle souterraine vote, circuit
s en s u ni qu e
qui interdisait
tout
contact
du
consultant
avec les
suivants
la sortie
de l oracle. Les
fouilles on t
aussi
confirm
sur
de nombreux points ce que les Anciens
nous ont d it des preuves imposes
au
consultant.
Longuement enferm
dans une chambre
obscure
pour pratiquer une
incubation
prparatoire, il
se nourrissait de mets rputs comme chthoniens,
viande
de porc, pain
de seigle, fruits de m er , m ai s aussi faverolles et gesses (on a retrouv
des restes de ces graines) , lgumes dont
la
consommation importante
produit vertiges
et
hallucinations la cy mose
et
le
l thirisme
de
la
mdecin e mod erne). Ce rgime a cc ompagnait l instruction par le s
prtres. A pr s c et te
longue
dokim si
arrivait le
moment fatidique
:
un e ultime purification par l eau,
puis
le consultant avanait, guid par
les prtres.
Il jetait
un galet
par-dessus so n paule,
symbole de
la
souil lure rejete loin de lui, et l humble ta s de cailloux encore visible en
place se rvle ainsi tout charg de sens. P r s d u corridor tait un e fosse
o il sacrifiai t
un
mouton, puis
il
circulait
travers
un couloir,
dont
les
dtours,
coups de
r ef en ds a ux pa is se s
portes,
symbolisaient
le trajet
des enfers. Il
pntrait
enfin dans la salle principale, sous
laquelle
se
trouvait
la
crypte
infernale o
il
devait
descendre
p ou r t ro uv er la
rvlation
qu il tait venu chercher. Mais il semble que celle-ci lu i tait
donne
au
milieu
d un appareil
grandiose
et
terrifiant.
Car
les fouilles
on t mi s au j ou r, d an s l pa is se ur des murs
normes,
des couloirs de
circulation e t s ur to ut les restes de t ou te u ne m ac hi ne ri e de roues, de
cabestans
et
de poulies, dont on
estime
qu elle d ev ai t s er vi r faire
monter
et
descendre des reprsentations de figures infernales. Ce n est
d u r es te
pa s
le seul exemple
antique
o les fouilles modernes
on t montr
les supercheries des prtres se m l an t a u sacr. Nanmoins, jusqu sa
destruction
accidentelle en 167 de
notre
re,
ce t
oracle
des
morts a
i ns pi r u ne pit continue, comme en
tmoignent les
offrandes votives
dcouvertes par c entaine s da ns
la
terre d es r em bl ai s
d u s an ct ua ir e.
C e st ve rs cette mme
poque (en 167
il
a
la
quarantaine)
qu e
Lucien,
l esprit
fort,
tourne
en
r id icule les
mmeries
de s
prtres
de
l Achroussia
-
qu il transporte,
pour
l es b es oi ns
de
sa cause, en
Msopotamie - mais c est,
par
chance pour nous, un tmoin
parfaitement inform
du
rituel dont il se moque.
Extrait
de
la
salle oraculaire, le
consultant,
soulag
mais
sans doute
groggy , passait encore
trois
jours en
quarantaine
pour se purifier
de
la s ou il lu re i n vi ta bl e d ue au contact
des
morts, et il
quittait
le
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
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22
F JOU N
sanctuaire pa r un e
porte
situe
l extrmit
oppose
l entre. I l devait
g ar de r u n
silence
total jusqu
ce q u i l
ai t franchi
l e c ou rs de l Ac hron
et
se
t ai re e ns ui te pour
le
reste
de sa vie
sur
qu il
avait vu dans
le
royaume d Hads.
Est-ce
pour
cela qu e
n ou s ign oron s
pe u prs tout de s
questions
poses
l oracle
de s
mor t s ?
un e
exception prs,
celle d une
trs
ancienne consultation,
de
la
fin
du
VIle
sicle
qu e nous
conte Hrodote.
Elle concerne
le
tyran de Cori nt he Pri andre.
Celui-ci
q ui f ig ur ai t
pourtant parmi
le s
sept sages
de
la
Grce tait
un assez triste
sire.
Il
a va it no ta mm ent tu s a
femme Mlissa
en
la
frappant
coups de
pied
dans
le ventre
alors
qu elle
tait
enceinte. De
plus,
lors de se s
funrailles, il
avait
omis de
brler,
selon
la coutume,
ses
habits et
ses
bijoux avec le corps. U n p eu plus t ar d, i l apprit qu un de s es a mi s q ui lu i
avait
confi
sa
fortune
en
dpt
a va it p r i
en
mer.
L honnte
Priandre
voulut s approprier
trsor plutt
que de le
transmettre au x hritiers),
m ai s c ta it
Mlissa
qu i l avait
cach
en un lieu
connu d elle seule. Il
envoya donc
d es mi ss ai re s
ph yr a i nt er ro ge r l m e
de
sa
femme.
Celle-ci
leur
apparut
bien
mais
elle
refusa
de
leur rpondre,
car
disait
elle elle
tait
nu e
et avait
froid. Aussi
Priandre organisa-t-il un e
grande
fte
fminine
l Hraeon de
Corinthe, en
conviant ces
dames
avec
leurs p lu s b ea ux h ab it s e t tous leurs
bijoux.
Aprs
quoi
il
les f it
entirement dshabiller par
ses
gardes et brla vtements et
bijoux
dans
un e fosse
l intention
de Mlissa. Son
m e ainsi
a pa is e c onse ntit
rvler
Priandre
le
lieu
de la cachette.
Dans
ce cas, vous me
dispenserez, je pense,
de
m apitoyer su r les ang oiss es
morales
du
tyran
de Corinthe
et
de m extasier
sur
le r le
thrapeutique
de l oracle propos
d une histoire fort
pe u
morale.
Reste notre
dernier
sanctuaire,
l oracle
de
Zeus Dodone.
Il
remontait,
comme celui de D elphes
la
plus
haute antiquit,
et ,
comme
lui il
tait
cit
par
Homre. Le
dieu es t
un
Zeus chthonien ador sous
le
no m
de
Zeus aos et
d on t les
p ar d re s s on t
Dion
aa et parfois
Thmis, la desse qui selon Eschyle,
avait
s uc c d G sur le trne
prophtique de Delphes. Homre mentionne
l es p r di ct io ns
par
l interprtation de s
frmissements
du
feuillage
du c h ne s ac r , mais il
y
eut
au cours des
ges
plusieurs
autres
procds fonds sur
le
cr i
de s
colombes s ac r es o u le s vibrations de chaudrons
de
bronze disposs en
cercle
autour
du
chne et frapps par un
fouet
m ta llique a git pa r le
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
14/19
v en t. M ai s
le mode de
consultation
de loin le
plus intressant
pour
nous
es t
celui dont
tmoignent
des lamelles d e p lo mb
inscrites, retrouves en
grand
nombre
sur
le
site
depuis 1929. Il Y en a
plus
de
cent cinquante,
mais
leur
publication complte
es t
e nc or e ve ni r. O n p eu t n a nm oin s
en voir un e quarantaine d an s une vitr in e du
muse
de Jannina. Le
caractre
vocateur
de ces minc es
rubans
de plomb dont p lu si eu rs o nt
t rutiliss, la faon des palimpsestes), vient de ce que le consultant
crivait la question de sa propre main, dans l alphabet de sa ville et avec
ses propres talents ou ses propres dficiences) orthographiques.
La
lame
tait
ensuite plie en deux
et
munie su r l a p ar ti e visible d un s ig ne d e
reconnaissance nom, simples
initiales,
dessin).
La plupart de s
questions sont
r d ig e s de faon
appeler une
simple rponse
pa r
u
ou
pa r
o On p en se donc que les lamelles taient places d an s une
jarre,
d o l a p r tr es se le s extrayait d un e m ai n, tandis qu e de
l autre
elle
tirait un
sort, un e fve b lanche o u n oire, q ui
reprsentait la
rponse
du
dieu. Mais d autres q ue st io ns e xi ge ai en t
un e
rponse plus
circonstancie, qui supposait u n a ut re mode de rvlation, cr it o u oral.
Le g r an d i n t r t
pour
nous de la collectio n d e Dod on e
est
qu la
diffrence de s o racles recen ss Delph es ,
plus
de quatre-vingt dix pour
cent d es q ue st io ns sont relatives d es p ro bl m es p ri v s et nous font
pntrer
au cur des proccupations
quotidiennes
de s consultants.
Ceux-ci s on t e n
majorit
des pirotes, voisins du temple, m ai s a us si des
plerins
venus
de
tout
le monde grec, et
en
particulier de s
Ploponnsiens, L ac on ie ns o u
Corinthiens,
et
des Grecs de
Grande
Grce. Plutarque, nous l avons dit,
dplorait
que de son temps on ne
post plus
l oracle de De lphe s que des questions de ce
type:
dois-je
me
marier
? e nt re pr en dr e u n voya ge ? choisir
un
m t ie r o u
en
changer ?
accorder un prt?
acheter
un esclave? comment accrotre me s
revenus?
Or ce
sont
prcisment
le s
questions
les plus f rquentes su r
ces
tablettes.
C est dire qu elles
manent
de
simples
p arti cu li ers, s ou vent mme de
c on di ti on m od es te . Q ue lq ue s- un es se
bornent
de s
questions
de
caractre trs gnral:
pa r
exemp le, q uels d ieux implorer
pour
assurer
le bonheur et la
prosprit
du
consultant
et des
siens? D autres,
pe u
n ombreus es , co ncern ent
de s
affaires de
sant.
M ai s b ea uc ou p
sont
relatives
au
mariage
ou
la
famille
: doi s- je
me
marier
?
ou
me
remarier ? A ura i- je des
enfants
de ma femme ? Russirai-je
en
administrant la fortune
de
m a f ut ur e femme?
Dois-je donner
ma
fille
un e
telle en
mariage
un t e l ? Plus
grave:
l enfant qu e
ma femme
attend
e st -i l d e
m oi ?
Ou encore : vaut-il
la
peine de faire encore des
enfants ma femme,
vu
le mauvais
naturel
des prcdents ? -
cette
d ern ire q ues ti o n
nave
su r
un e
t ab le tt e d u
VIe sicle,
e n a lp ha be t
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
15/19
24
F
JOU N
corinthien
et en
criture
boustrophdon. U n d ra me
se
cache peut-tre
sous la
s im pl e q ue st io n d u n
p r e :
mo n
fils est-il sain et s auf ? La
maj orit d es questions tourne
autour
des activits professionnelles, des
voyages
et
de
la
conservation des biens. Quel mtier choisir,
et
celui-ci
est p ar fo is p rc is : serai-je leveur ? ferai-je du commerce ?
deviendrai-je
pcheur comme mo n
p r e ?
construirai-je une choppe?
U n c er ta in
Archpon demande au x dieux Naens de Dodone, Zeus,
Dion et Thmis comment,
aprs s t re
lanc d ans la construction d un
navire sur l ordre d Apollon, il va
pouvoir maintenant
payer ses
dettes
Un berger
sollicite
du
dieu
le moyen de
protger
son
troupeau
contre
les
loups. Un quidam, su r le point
d acheter
un p et it t an g
prs
du
sanctuaire de Dmter voudrait avoir l avis de Zeus avant de signer.
Plusieurs questions t ou rn en t a ut ou r de voyages d affaires : dois-je
l entreprendre? ou le diffrer? dois-je
aller
m t abl ir d an s tel le ville ou
t el le r g io n ? Un
certain
n om br e c on ce rn en t des biens
perdus
et
prsums
vols. Q uelq ue s d em an de s
mritent
d tre cites
textuellement
dans
toute
leur
pittoresque navet : Agis demande
propos des couvertures
et
des oreillers, s il
les
a lui-mme perdus ou si
quelqu un
de
l extrieur
les a vols. Dion
demande
si
la ralit
confirme son soupon que c est Bostrycha,
la
fille de Dorcas, qu i lu i a
vol
l argent
qu il a perdu aux f t es d A cti um de cette
anne.
Simplement : Dorkilos a-t-il vol le
vtement
Eurydamos
veut
savoir
o il retrouvera son
vase
perdu. Un
autre
interroge le
dieu
avec
la
m in ut ie d un juge d instruction : Serait-ce Archonidas qui a vol le
serviteur d Aristocls, ou Archbios le fils d Archonidas, ou Sosandros
l ancien esclave d A r chonidas
ou
de sa
femme?
Dion
Chrysostome
voquait de
mme u n m a tr e qu i
venait
interroger
l oracle de Delphes
pour retrouver
un
esclave fugitif. Parfois, le
bu t
de la consultation n est
pas
cit: Quel dieu dois-je p rier p ou r
obtenir
e que j ai d an s l esprit
Plus
naf -
ou plus
souponneux - un autre refuse de prciser son
souhait
en expliquant : Moi,
je
le connais , et srement le dieu
qu e
j i nt er ro ge l e c on na t aussi.
Dans
un
t r s p et it
nombre de cas,
nous
avons
la rponse du
dieu.
Parfois il e nc ou ra ge d es entreprises
n ou vell es . A in si
l orfvre
T imod amos q ui
lu i
d emand e comment
accrotre
s es r ev en us le dieu
rpond: qu il cde son atelier
en
location
et
qu il fasse du commerce
d import-export en r sidant da ns
la
ville. Mais celui qu i demande si,
en
allant
Alyza,
il
amliorera ses affaires, la rponse es t : Reste ici
et persvre. De mme
pour
u n a ut re qui se proposait de
franchir la
mer
et de s e rend re Adria, le refus
es t
simple
et
catgorique: Non.
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
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C es c as
sont
trop
rares
pour qu on puisse en
tirer
des conclusions
sur
le
sens
de l a ct io n des d ivi ni t s de Dodone.
Il n en va pa s
de mme
D el ph es , o le s r ponse s
sont
beaucoup plus nombreuses.
Sans
doute,
beaucoup sont
d une valeur historique
plus que
douteuse
:
Joseph
Fontenrose, qu i s est
efforc d cheniller
et
de
classer
le
contenu du
rpertoire
de
Parke et
Wormell, qu il
rduit
dj de six
cent
quinze
cinq cent t rent e-cinq n um r os , n e retient qu une faible proportion de
rponses
historiques.
Mais
ce
qui nous i nt r es se , c e st l esprit
gnral,
ce qu on
pourrait
appeler
l inspiration delphique.
Un
de
se s
premiers
aspects es t qu e le s prdictions
s appuient
largement su r la
rvlation
du
pass. Aristote
d is ai t d u
sage pimnide : Il ne
devinait
pa s
le s choses
fut ures, mais
le s faits
pas ss rest s
inconnus. Apollon
procde de mme : il dpiste les fautes caches gnratrices de malheur
et e n a tt n ue
de fait la force maligne : n est-ce p as a in si que procdent
nos
psychiatres?
De
toute m anir e, la
vu e
prophtique
de
l avenir ne
profite gure ceux qu i p os s de nt ce don :
ni
Cassandre, ni Amphiaraos
n o nt ch ap p au x
malheurs
qu ils
avaient
prdits s an s tr e crus. Les
consultants
grecs
demandaient
moins savoir
l avenir
qu c onnatre ,
grce
au
dieu, le moyen de
tirer
le meilleur parti d u n d es ti n dj fix.
On
pourrait
d ir e q ue l o ra cle avait une efficacit
thrapeutique d autant
plus
grande
qu elle
s adressait
un e
angoisse
plus
limite
et
plus
spcifique. Souvent,
du
reste, les fidles
venaient surtout demander au
dieu
un e
confirmation de
leurs
propres souhaits.
Quand
Xnophon es t
tent de s engager
parmi
le s mercenaires de Cyrus le J eu ne , i l se garde
de
s enqurir
auprs du dieu
s il d oi t
ou non partir, m ai s d em an de
quel
dieu adresser
sacrifices
et
prir es pour
raliser dans
le s meilleures
conditions le voyage qu il envisage
et
obtenir succs
et
salut. E t le
dieu
s empresse de le satisfaire.
ct
d une thrapeutique
de l angoisse, l oracle
dispense a us si u ne
thrapeutique
de
la vanit.
Ainsi,
il ne manque pas une
occasion de
rabaisser le s d iv er se s for me s de supriorit
h um ai ne . I l
proclame,
pa r
exemple, qu il p r f re le s humbles
dons de
modestes
paysans
au x
splendides
offrandes
d un
Crsus ou d un Gygs
sans
refuser, il es t
vrai, ces dernires ; il
soutient
que t el p au vr e h r e
es t
plus
heureux
que
les grands de ce monde
et
que S ocrate, qu i
prtend
ne
rien
savoir, est
plus
savant
que t ous les doctes de son temps. Le jeune Cicron,
ayant
demand
l or ac le comment
atteindre
la
plus
grande
gloire possible,
7/25/2019 LOracle, Thrapeutique de lAngoisse
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F JOU N
s e voi t
rpondre
de prendre pour guide sa propre
nature et non
l opinion
de la foule.
Les oracles d Apollon tmoignent parfois d un s en s remarquable de
l a j us ti ce qu i s attache
l esprit
plus
qu la
forme :
a in si q ua nd
il
absout
et
rconforte
un jeune
homme
qu i
avait
tu
involontairement
un
compagnon de voyage en cherchant le df endr e contre
d es b ri gand s
t an di s q u un autre
qu i
s tait
content de se
sauver es t
chass
par la
Pythie
a ccus d j de non-assistance
personne en
danger.
Un
certain
D io g ne q ui
n est san s
doute pa s le philosophe)
tait
venu
consulter
la
Pythie dsespr
de
voir
so n fils
souffrir d un e p as si on
amoureuse violente
et
indigne,
e t r es te r insensible
aux admonestations
colreuses de so n
pre. La P yt hi e l ui
conseille de
mettre
fin un e
hargne
qui ne
peut
avoir que des
rsultats
contraires ses souhaits.
Alors so n fils
atteindra rapidement
l oubli des philtres
et revenu
la
sobrit,
i l m e tt r a
fi n s on c om po rt em en t hont eux , ce
qu i
se produisit,
pour le bien de
l un
et de l autre. Tout psychologue
avis
donnerait
aujourd hui
de semblables conseils.
Ces rp on ses q ue
j ai
cites
sont
claires
et sans
quivoque,
et c est
trs
souvent
le cas.
Pourtant une
tradition
b ie n ta bl ie
depuis
l antiquit
veut
que les prophties de Loxias, l e dieu oblique, fussent
en gnral tortueuses et
susceptibles
d un
double sens.
On
cite toujour s
ce
p ro po s l o ra cl e
ambigu rendu Crsus : S il
franchit
le fleuve
Halys i l c au se ra la perte
d un
grand empire.
Bi en que c ette
manire
de f ai re ne soit pa s
la
p lu s f r qu en te , v ous m e permettrez pour
terminer
d voquer
deux
oracles delphiques
moins connus, sous forme de deux
rponses dconcertantes dont le s en s h eu re ux n es t
apparu
q u a ve c le
temps.
L une concerne un a ccident de l o ra cl e de T ro ph on io s. la
suite du
traitement
dont nous
avons
parl
un
riche
habitant
de
Mtaponte n avait pas
recouvr
la
facult
de rire. La
Py thie lu i
rpondit:
La
Mre te
la
ren dra dans s a
maison. Honore-la bien
Il
rentre
che z l ui , v oi t
sa
m r e, l h ono re :
sans
succs. Il s e c ro it bern
par
le dieu. Mais de passage Dlos, il
va
visiter le sanctuaire de Lto.
Alors
qu il s attend
a dm ir er d an s
l e L t on
un e
n ob le effigie de
la
mre d Apollon, il dcouvre
un e a nt iq ue e t
informe
statue
de bois,
un
vieux
xo non
et il clate de rire.
Comprenant
qu il tait guri
il
consacr e de riches off randes la d e ss e. Le se cond e xe mp le ,
je
le cite
p lu s p ou r son
aspect romanesque
que
pour sa valeur
historique, si mince
qu e Parke
et
Wormell ne
l ont
mme
pas
retenu. I l co nce rne le
fondateur mythique de Crotone, l Hraclide Myscellos. L a n ai ss an ce de
Crotone, vers la fin du VIlle sicle, fu t extrmement
laborieuse:
il
existait dj
dans la
rgion un e cit florissante,
Sybaris et la
ncessit
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de fonder
un e autre
ville
n tait pa s
vidente.
Il fal lu t p lu si eu rs
oracles,
mme des
menaces du dieu et l intervention miraculeuse de l ombre
d Hracls pour dcider
l es A ch e ns
faire partir le
malheureux
Myscellos,
d autant
moins enthousiaste que l oracle de Delphes
lu i
avait
ordonn de n t abl ir l a ville q u l end ro it o, sous
un
ciel serein -
1t
i pt
recevrait des gouttes de pluie sur le visage.
Il erra
donc
longuement
avec
se s
compagnons
travers la terre
d Italie.
Un jour
que, dsespr, i l faisait
la
sieste, la t te appuye su r le s
jambes
de
sa
matresse ses plaintes furent si pitoyables que l a j eu ne femme se
mit
pleurer chaudes
larmes.
Sentant des grosses
gouttes
tomber su r son
visage, i l comprit qu il avait
a tt ei nt s a
destination
et
su r le champ
fonda Crotone.
Il ne savait pas que
le
destin avait tabli qu un
jour
Crotone dtruirait
Sybaris
et
se substituerait elle comme capitale de
cette rgion. Ajoutons qu on
perfectionna
encore l oracle
en affirmant
que
la
courtisane elle-mme s appelait Aithria d o le double sens de
t AiSpta L ingniosit grecque, on le
sait
n a pas de limites ...
Nous voici
au
terme de notre
bref et
slectif voyage
en
Grce,
terre
des oracles.
Comment
conclure? Devant
la
place que
t en ai t l a
prdiction
oraculaire
dans
la vie religieuse des Grecs, nous
prouvons
quelque
embarras
voire
un certain
scepticisme. Depuis
Fontenelle
au
moins, on
a t ro p l on gt emp s
eu
tendance exp li qu er l e rle des
oracles par la
crdulit populaire le savoir-faire voire l i mp os tu re d es
prtres
le
caractre
vague et ambigu des prdictions. Mais de telles explications se
heurtent
l vidence des faits. La Pythie ne s exprimait pas
par
des cris
inarticuls que les
p r tr es a ur ai en t t ra du it s a u
mieux des
intrts
du
s anctu aire. Cett e s imple femme de Delphes livrait le p lu s s ou ven t des
oracles clairs
et
sans quivoque. On peut l a r ig ue ur a dm et tr e que le
brassage de plerins venus de
toutes
les parties
du
monde grec
a it r en du
le clerg apte rpondre certaines questions
du
type: o trouver
quoi?
un e femme, de l or, des
terres
vierges dfricher? Ou encore qu une
intuition
de l me humaine comparable
celle de
no s modernes
pythonisses ai t
dict
la
Pythie des conseils psychologiquement
justes.
Mais
cela
ne
vaudrait
qu e
pour
u ne m in or it de cas. Delphes
Dodone ou
ailleurs
le plerin
venu consulter
devait suivre
scrupuleusement
l ordre
divin obtenu si
grand-peine.
Or le succs
persistant
de ces oracles suggre que le
dieu tait tomb juste dans
beaucoup p lu s de s c in qu an te p ou r
cent
des ca s que
lu i
attribuerait le
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28
F. JOUAN
calcul
d es p ro babi li ts.
Il
y a
eu
toute poque de
l antiquit
de s
s ce pt iq ue s, b ie n
sr,
mais
nous n avons pas
connaissance
de
protestation de
fidles
qu e la r ponse divine aurait
mens
l abme
sauf
peut-tre dipe, mais c est une
autre
histoire .
On
dira encore que
de nos
jours
certaines
voyantes
en vogue ont une clientle de simples
particuliers,
voire, parat-il, de grands notables, qu i sont convaincus de
leur
infaillibilit.
Je
pense,
pour ma
part, que les Gr ecs,
gens ralistes et
t r s p er su ad s
de la puissance
du
destin,
prsentaient
au dieu
de s
demandes prudentes, sollicitant un e confirmation ou une mise en garde
au
su jet d un
projet,
un e sorte d arbitrage qu i
le s
soulageait d une
angoisse
devant
un dilemme.
Enfin et
surtout, ils venaient recueillir le
tmoignage que le
dieu s intressait
eux
et
leur
destine personnelle.
C est cela
qu i
explique la prennit de s s it es o racu lai res
travers
l antiquit,
malgr
la
concurrence
c ro is sa nt e d es c ul te s trangers, des
mystres, de
l astrologie
ou de la sorcellerie, malgr le ddain
de s
philosophes et le s attaques violentes de s chrtiens: l espoir de trouver
dans la parole
divine
un
rconfort devant l angoisse
d u f ut ur .
Franois
JOUAN
Rue des Carmlites, 19
F - 14300
C EN