Littérature Susie Morgenstern sort du jardin d’enfants

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Mardi 24 novembre 2015 | 24 heures

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Star du Salon du livre jeunesse de Montreuil, l’Américaine se raconte pour la première fois «comme une grande» dans «Jacques a dit». Et honore Gershwin dans un livre pour tous

JazzL’Américaine de Nice Susie Morgenstern vénère le Minotaure Gershwin, «mi-homme, mi-piano». Un album pour petits et grands. DR

CritiqueAvec «Autour d’Aloïse», Sébastien Ribaux plonge dans la psyché délirantede la créatrice d’art brut

Pas de biographisme, pas d’expli-cations psychologiques pouraborder Aloïse Corbaz (1886-1964), figure emblématique de l’art brut, sur les planches duThéâtre 2.21 à Lausanne. Sébas-tien Ribaux, lauréat de la boursede compagnonnage pour jeunesmetteurs en scène de la Ville deLausanne et du Canton de Vaudpour 2014-2016, a choisi, pour sonspectacle Autour d’Aloïse, de s’im-merger dans la psyché délirante

de cette créatrice hors norme.L’absence de repères peut désta-biliser le spectateur désireux decomprendre le parcours d’uneLausannoise qui, avant son inter-nement à Cery, en 1918, aura été lagouvernante des filles du chape-lain de Guillaume II, empereurdont elle tombe amoureuse!

Sébastien Ribaux épouse aucontraire l’irrationalité d’Aloïse,ses élans, ses fulgurances et sesémois, dont il donne des interpré-tations scéniques très libres, mo-dulées par des comédiennes (Ju-l iette Flipo, Anne SophieRohr Cettou, Delphine Rudasi-gwa) jouant, chacune à leur façon,l’ingénuité aimable d’une doucefolie. Secondé par trois musiciens,

Le 2.21 s’invite dans les couleurs de la tête d’AloïseMusiqueLe groupe electropop offre un ultime concert gratuit à sa tournée à succès. Lieu tenu secret et billets distribués dans la rue ou au porte-à-porte

A sa décharge, Kadebostany n’apas besoin de trop d’astuces pourécouler les billets de ses concerts.Le groupe romand tient le pelotonde tête au registre d’une electro-pop pimentée de cuivres et autresambiances grandiloquentes, si bien que son dernier disque, PopCollection, a détrôné Rihanna dela première place des charts. EnGrèce, certes, mais quand même.

Le président du Kadebostany joue les petits cachottiersprenant à leur charge les étatsd’âme de l’héroïne (chanteuse àses heures) ou se contentant desouligner les ambiances, le triod’actrices démultiplie les fils fan-tasmatiques que (dé)noue cettefemme sans filtres. Il en résulteune Aloïse qui ne demande aucuncompte à l’histoire mais se perddans une chambre d’échos où ilest possible d’entrevoir les visionscolorées de son art. L’essai joyeuxet rythmé de pénétrer un esprit decréation trop souvent réduit à l’ir-réductible altérité. Boris Senff

Lausanne, Théâtre 2.21Jusqu’au dimanche 29 novembreRens.: 021 311 65 40www.theatre221.ch

Le président et ses camarades se produiront à Lausanne le 11 décembre prochain. Lieu secret, invitations à saisir. LDD

Repéré pour vous

Connaître par le rythmeLongtemps directeur ar-tistique du Sinfonietta deLausanne, Jean-MarcGrob mène aujourd’huiune retraite très active,toujours en lien avec lamusique et la transmis-sion. Le chef d’orchestrea toujours su transmet-tre sa passion avec des mots sim-ples et une gourmandise très com-municative. Il partage aujourd’huisa connaissance intime de la musi-que dans le cadre d’un cours orga-nisé par l’Université populaire deLausanne. Le thème de cette sériede huit séances, qui débute au-jourd’hui, est intitulé Le(s)

rythme(s), le tempo, lapulsion. L’ambition dece cours est de faire res-sentir physiquement lerythme dans la musiquemais aussi la danse,puisqu’une visite estd’ores et déjà prévue àun cours du Rudra,

l’école du Béjart Ballet Lausanne.Matthieu Chenal

Lausanne, Le Sycomore, Espace culturel des TerreauxMa 24 nov, 1er, 8 et 15 déc, 12, 19 et 26 jan (18 h 30-20 h)Rens.: 021 315 524 24www.uplausanne.ch

Sacrée Mireille!Disque Jamais à court d’une bonne idée, Mireille Mathieu sort un mois pile avant la dinde un Petit Papa Noël en duoinédit avec Tino Rossi, qu’elle gardait dans sa manche depuis 1979 (Sony Music). Sachant que la scie de Noël est l’une des chansons les plus vendues du monde, cette version pourrait lui permettre quelques cadeaux. F.B.

Dicker se livreRencontre A l’occasion de la parution de son troisième roman, Le livre des Baltimore, Joël Dicker sera l’invité des Rencontres littéraires de la Fondation Jan Michalski, mercredi 2 décembre (20 h) à Montricher. Réservation indispensable. F.B.

dicker@fondation-janmichalski.ch

Avant l’argument marketing, ilfaut donc voir dans son conceptde «secret gig» une idée plutôt sympathique, en reflet du délireayant accompagné la création decette fausse fanfare nationale de laRépublique du Kadebostany. Le11 décembre, son président et sestroupes monteront sur scène dansun espace secret de la région lau-sannoise – l’adresse ne sera dévoi-lée que le jour même. Mille spec-tateurs devraient pouvoir assisterà ce concert gratuit.

Pour attraper les invitations?C’est tout simple. Ou presque. Cesprochains jours, le président en-verra son ambassade sillonner laSuisse romande au volant d’uneCitroën DS 100% période René

Coty. Le déplacement de l’atte-lage présidentiel pourra être suivisur une carte interactive, via lesite Internet du sponsor de l’évé-nement. Il est aussi possibled’écrire un mot au service proto-colaire du Kadebostany afin quel’ambassadrice pousse le zèle jus-qu’à livrer en personne («au bu-reau, au restaurant ou directe-ment chez toi», promet le commu-niqué) le ticket valable pour deuxinvités. La République est royale.François Barras

Passage de la «billetterie mobile» à Lausanne aujourd’hui et le 28 nov., ainsi que les 1er et 4 décembre.Carte interactive disponible sur:www.redbull.ch/secretgig

Un spectacle à la santé d’Aloïse Corbaz. DR

En deux mots

Culture&Société Culture SociétéGastro Ciné Conso

Sortir Les gens

ExpositionTrès présente à Paris et à New York mais trop rare en Suisse, l’artiste et maman de Thabo fait défiler sa flotte de l’étrange aux cimaises lausannoises

Elle évoque ses chahuts internes ou seséchos plus paisibles, ses envies d’art ouses doutes: Christine Sefolosha parle deson expérience de vie qui se joue entre laRiviera, où elle vit, et l’Afrique de l’apart-heid, où elle a vécu, comme d’une succes-sion d’états. L’enchaînement est sansaucun doute naturel, sa peinture en estaussi un… mais un état insaisissable flot-tant entre le patent et l’imaginaire. Unétat second.

A l’interstice entre l’exubérance vitaleet une langueur presque létale, ses œuvresaccrochées à la Galerie de l’Univers à Lau-sanne ne s’offrent, ni se livrent frontale-ment. Elles ne se défilent pas pour autant,loin de là, mais il faut aller chercher ses carnavals animaliers, ses villes embarquéesà bord de paquebots, ses paysages hu-mains à travers une couche de sensibilités.Un écran. Un filtre. Une protection? «L’hy-perréalisme m’agresse, la réalité froide et dure aussi, abonde-t-elle. Je ne cherche pasla réalité absolue mais une réalité projetée.Quand je peins, j’aime aller pêcher les ima-ges au fond de moi. D’ailleurs, qu’est-ce que la peinture, si ce n’est une représenta-tion de l’intangible, de l’indicible. Quelquechose de l’ordre du mystère.»

Ce mystère, son arcane, l’artiste mon-treusienne le nourrit d’une nécessité inté-rieure bourronnant comme un feu de vie.Elle y arrime ses navires, y orchestre sesbals masqués, y engendre son mondesombre mais soyeux, aliéné mais serein.Un étrange cosmos, un cosmos de l’étrange! Christine Sefolosha ne cherchepas à convaincre, ni à établir, elle bourlin-gue dans ses songes. Aventureuse, rê-veuse, architecte, elle love ses onirismesbondés d’êtres mutants, d’yeux mélanco-liques ou de zones d’ombre anthropo-

Christine Sefolosha amarre ses vertiges à l’Univers

morphes dans une incandescence sanséclat. Les règnes se superposent, les his-toires se métamorphosent en continumais jamais elle n’exclut l’autre: le regar-deur. Est-ce la proue d’un navire chargéde cathédrales ou juste le reflet du bâti?Les nervures à fleur de peau d’un végétalou une fantasmagorie naissante?

«J’aime ces œuvres ouvertes qui per-mettent de se raconter des histoires, ap-puie la galeriste Michelle Ukaj Grossenba-cher. Celles de Christine Sefolosha laissentnos imaginaires s’infiltrer dans les histoi-res qu’elles racontent.» Pour un premier accrochage à l’Univers – l’autodidacte a seshabitudes à Paris et à New York, où elle est

défendue comme une artiste de la Neuve invention ou de l’Outsider Art –, la gale-riste s’est focalisée sur la récurrence des embarcations. «Ces bateaux qui conden-sent si bien son travail autour des racines,des voyages, des déplacements.» Des Tita-nic. Des ponts d’où surgissent des villes. Des vaisseaux fantômes. Des arches gor-gées de bestiaires magiques. Des masses herculéennes. La puissance de l’acier. Desintérieurs pénétrés d’une impossible lu-mière.

Itinéraire à travers la matière que laMontreusienne aime pousser sur des che-mins de traverse avec une belle maîtrise,le voyage dépayse jusqu’au vertige. «J’aipassé beaucoup de temps à bord ou àentendre parler de bateaux. Ils représen-tent tellement de choses, s’emballe-t-elle.C’est à la fois un symbole, un passage, unrythme de vie. On peut mettre toute savie sur un bateau. Pour fuir, pourrêver…» Florence Millioud Henriques

Lausanne, Galerie de l’UniversJusqu’au sa 5 déc, lu au sa (horaires variés)www.galerieunivers.com

Le premier accrochage de la Montreusienne à la galerie de l’Univers embarque à bord de ses voyages comme «En ville» (142 x 214 cm). GALERIE DE L’UNIVERS

Le grand roman de ma petite vieSusie Morgenstern et AlbertineEd. de La Martinière dès le 7 janv.

Susie Morgenstern sort du jardin d’enfants

En dates1945 Naissance à Newark, New Jersey. Elle se délecte des Quatre filles du Dr March, des Aventures de Huckleberry Finn, du Journal d’Anne Frank. «J’ai lu David Copperfield en cachette à l’école, je pleurais tant, mes larmes m’ont trahie et j’ai été collée.»1967 Suit son futur époux à Nice. «Je dois vendre ma contrebasse: je suis trop fauchée pour lui payer l’avion. Je me mets à la guitare.»1977 Premier livre: L’alphabet hébreu.1981 C’est pas juste, Grand Prix du livre pour la jeunesse.1994 Mort de Jacques Morgenstern.

Mr Gershwin, les gratte-ciel de la musiqueSusie Morgenstern et Sébastien MourrainEd. Didier Jeunesse

Jacques a ditSusie MorgensternEd. Bayard, 230 p.

Cécile Lecoultre

Au 31e Salon du livre et de lapresse jeunesse de Mon-treuil, Susie Morgensternprésente Mister Gershwin,les gratte-ciel de la musi-que, un carnet musical mis

en scène par ses soins. Après plus de120 livres pour les enfants, la Niçoise duNew Jersey âgée de 70 ans confie encoreses secrets de femme, au travers de sonpremier récit pour adultes.

Jacques a dit raconte la formidablelove story vécue avec son défunt mari,disparu il y a 20 ans. Ce «roman de deuil»dévoile surtout une grande dame des let-tres. Prompte à camoufler l’émotion d’unrire, elle a beau se surnommer «la plouc

américaine» ou «la patate», cette «nanajuive» en impose par sa force d’âme. «Mon mari voulait que je devienne la Pari-sienne sublime, excellente cuisinière,femme du monde, intellectuelle avertie.Impossible défi! Je me suis tuée à cettebataille démente. Mais l’humour sauve detout.» Et même de l’amour. «Récemment,ma meilleure amie m’a confié que ce récitme faisait passer pour une femme battue.Ça m’a beaucoup troublée, quelle idée!»Car Susie Morgenstern ne bat jamais enbrèche.

Elle qui communique avec la plus mys-térieuse espèce des Homo sapiens, les en-fants, n’en tire pourtant aucune gloire. «Pourquoi moi? explique la Françaised’adoption. Je ne sais pas. Peut-être parceque je suis tout le monde. Toujours cette

histoire d’identité juive, j’imagine… Vous savez, cette semaine, c’est Thanksgiving, notre grande fête américaine. Mes enfantss’en moquent, moi pas. Pourtant, je suis fière de voter en France.» Au-delà, mêmecouverte de louanges, elle ne se trouve aucun point particulier, à part «un fort appétit de l’existence». «Voyez mon grandbest-seller, La sixième, constamment réé-dité. Ça traite de mon aînée qui rentre enclasse, et c’est d’un banal…» Il y a pourtantun petit supplément d’âme, non? «Sans doute. Très souvent, je visite des classes. Après, je reçois toujours des manuscrits des maîtresses. Elles doivent penser que siune cruche comme moi peut publier des bouquins, elles peuvent tenter le coup!» Etde se marrer. Auteure d’une thèse de doc-torat sur «Les fantasmes chez l’écrivain juif

contemporain», elle avance néanmoins une théorie. «Je crois que j’en avais marred’être lue par trois universitaires, j’avais essayé la critique littéraire mais j’étaismeilleure à l’écriture, une passion viscé-rale, je suis née un crayon à la main. Avantmême de savoir écrire l’alphabet, je dessi-nais des boucles qui ressemblaient à des lettres. Gamine, j’étais surnommée Su-sie Shakespeare, ce qui me faisait sanglo-ter. Je trouvais cet Anglais moche à hurler.Notez, depuis que je sais qui il est, je suis flattée.»

La maternité pousse naturellementcette illustratrice à composer des berceu-ses pour ses bambins. «Je crayonne sans cesse. Je tiens mon journal intime tous lesmatins depuis mes 9 ans. Désormais, il y aurgence! Je n’ai plus la vie devant moi, j’ai

la tête pleine d’histoires qui se bousculent,plus celles qui surgissent spontanément!»

Dans le flot d’une conversation qui enappelle à sa famille exilée en Israël, aux files interminables de migrants des actuali-tés télévisées ou à son nouvel amoureux basé à Neuchâtel, la volubile déroule l’écheveau d’une vie multiple. «La Mar-seillaise me fait pleurer depuis toujours. Etpourtant, je suis aussi égoïste qu’une autre. Je souffre avec les réfugiés mais je n’en prends pas chez moi. Au final, cette hypocrisie, cette impuissance me pèse.» Mais la vie reprend toujours le dessus. Pour un peu, la fataliste en deviendrait philosophe. «J’essaie d’attirer les enfants àla lecture, d’ouvrir une porte. Je suis fièrede voir des familles entières se presser dans un salon littéraire autour de livres.»

D’une franchise irrésistible, Susie Mor-genstern admet que pour avoir beaucouppublié, tout n’est pas à sauver. «L’autre jour, un libraire avait rassemblé mes bou-quins. Entre nous, il y en a dont j’ai envie de dire: «Lisez-les debout, ne dépensez pasvos sous pour ça!» Par contre, la musi-cienne tient à Mr Gershwin comme le grandGeorge à son instrument. «Ma grand-mèrehabitait à deux rues de chez lui, à Broo-klyn. Elle jouait ses airs, je les chantais. Gershwin, ce Minotaure mi-homme, mi-piano, c’est moi, sans le talent.»

Le livre court percute par sa fantaisiechevillée aux notes, son ardeur débor-dante. «J’ai revu les films, relu les docu-ments, réécouté les partitions. Fred As-taire et Ginger Rogers m’ont guidée, maislongtemps j’hésitais. Comment parler de Gershwin alors que tout semble avoir été dit? J’ai longtemps cherché un angle avantde tomber sur son piano: il serait le narra-teur de mon histoire.» Il suffisait de cha-touiller le clavier. «C’est la beauté du pro-jet, je vais contribuer à propager la musi-que de Gershwin en France!»

Paris, 30e Salon du livre et de la pressede Montreuil du me 2 au lu 7 décembre www.slpj.fr

Littérature

«Pourquoi moi? Je ne sais pas. Peut-être parce que je suis tout le monde. Toujours cette histoire d’identité juive, j’imagine»Susie Morgenstern Romancière

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Christine SefoloshaArtiste