Post on 22-Jun-2022
© Victoire Lenfant, 2020
La lutte anti-contrefaçon de l’industrie du luxe, à l’ère du numérique et des nouvelles technologies
Mémoire
Victoire Lenfant
Maitrise en droit – avec mémoire
Maitrise en droit (LL.M)
Sous la direction de :
Charlaine Bouchard, Université Laval
Julie Groffe-Charrier, Université Paris-Saclay
Québec, Canada
ii
Résumé
Notre mémoire de maîtrise porte sur la lutte anti-contrefaçon de l’industrie du
luxe, appréhendée dans un contexte numérique où le fléau de la contrefaçon atteint son
paroxysme. Toutefois, ce travail ne traite pas de la contrefaçon de manière générale mais
s’attache plus particulièrement au phénomène de la contrefaçon en ligne de produits issus
de l’industrie du luxe. Au regard de la délimitation de ce projet de recherche, il ne s’agira
pas de faire une analyse en droit comparé mais de s’attacher au droit français, de rigueur
face à une industrie du luxe majoritairement française. Malgré les nombreux éléments
d’extranéité dus à certains acteurs internationaux impliqués dans la lutte, aussi bien les
intermédiaires en ligne, les services douaniers que les offices de propriété intellectuelle
étrangers, ce sujet se limitera territorialement à la France. Les objectifs de recherche sont de
comprendre pourquoi les marques de luxe ne réussissent pas à contrer ce phénomène.
Celui-ci, bien loin de décliner, au contraire s’intensifie. Quelles sont les causes, difficultés
et quelles peuvent être les solutions pour lutter plus efficacement contre la contrefaçon en
ligne ?
iii
Abstract Our master's dissertation deals with the fight against counterfeiting in the luxury
industry, apprehended in a digital context where the scourge of counterfeiting is reaching
its peak. However, this work does not deal with counterfeiting in general but focuses more
specifically on the phenomenon of online counterfeiting products from the luxury industry.
With regard to the scope of this research project, it will not be a matter of making a
comparative law analysis but of focusing on French law, which is the law required in the
face of a predominantly French luxury goods industry. In spite of the numerous foreign
elements due to certain international actors involved in the fight, such as online
intermediaries, customs services and foreign intellectual property offices, this subject will
be territorially limited to France. The research objectives are to understand why luxury
brands fail to counter this phenomenon. This phenomenon, far from declining, is on the
contrary intensifying. What are the causes, difficulties and what solutions can be found to
fight more effectively against online counterfeiting?
iv
Table des matières
Résumé .................................................................................................................................. ii
Abstract ................................................................................................................................ iii
Table des matières ............................................................................................................... iv
Avertissement ...................................................................................................................... vi
Remerciements .................................................................................................................. viii
Introduction .......................................................................................................................... 1
Chapitre 1 : Les obstacles à l’offensive des marques de luxe contre le fléau de la contrefaçon à l’ère du numérique ..................................................................................... 17
I. Les limites de l’action en contrefaçon sur Internet ................................................ 17
A. Les difficultés de matérialisation du produit contrefait ......................................... 18
B. L’identification d’un adversaire invisible .............................................................. 21
II. Le régime de responsabilité allégé des plateformes de commerce électronique 25
A. L’absence de mesures techniques de protection en droit des marques .................. 26
B. Une responsabilité limitée au rôle actif de la plateforme ....................................... 29
III. Les préoccupations supplémentaires liées à l’essor de la seconde main sur Internet ............................................................................................................................ 36
A. Le risque accru d’atteinte à l’image de marque par l’immixtion des produits contrefaits sur le marché secondaire ............................................................................. 36
B. Le défi de l’authenticité des produits de luxe de seconde main ............................. 40
Chapitre 2 : Les nouvelles techniques de lutte anti-contrefaçon au bénéfice des marques de luxe .................................................................................................................. 45
I. Le renforcement en amont de la stratégie de protection des marques de luxe ... 45
A. L’adaptation de la protection par la propriété intellectuelle aux enjeux actuels .... 46
B. La révision d’un système de distribution sélective obsolète .................................. 51
II. L’amélioration de la collaboration entre les acteurs impliqués dans le circuit de la contrefaçon .................................................................................................................. 57
A. L’importance d’une coopération accrue des acteurs en ligne dans la surveillance des contenus .................................................................................................................. 57
B. Le concours indispensable des services douaniers à l’action des marques de luxe à titre préventif ................................................................................................................. 62
v
III. Le soutien des nouvelles technologies dans la lutte contre la contrefaçon des marques de luxe .............................................................................................................. 66
A. Des outils techniques adaptés à la veille sur Internet pour les marques de luxe : faciliter la détection en amont des produits contrefaits ................................................ 67
B. Des solutions d’identification des produits de luxe au service des marques : offrir des garanties d’authenticité supplémentaires aux consommateurs ............................... 70
C. La technologie Blockchain au service de l’industrie du luxe dans la lutte contre la contrefaçon : assurer l’authenticité des produits de luxe au moyen de la traçabilité .... 75
Conclusion ........................................................................................................................... 80
Bibliographie ...................................................................................................................... 83
vi
Avertissement
En considération de la crise sanitaire et des conséquences engendrées par cette
dernière, je me permets de porter à votre connaissance les principales difficultés que j’ai
rencontrées. Outre le retour précipité en France, le caractère inédit de la situation a impacté
sensiblement mes conditions de travail et m’a contrainte à adopter une autre stratégie de
recherche. Je n’ai pas eu accès à l’intégralité des ressources envisagées pour le corpus.
Privée du recours aux ouvrages consultés en France et au Canada en début de chaque
semestre, je n’ai pas été en mesure d’y accéder à nouveau et de les citer de manière
suffisamment précise. Ceux-ci m’ont néanmoins permis de me faire une idée concrète de
l’intérêt de mon sujet et des points clés pouvant y être abordés. Enfin, je n’ai pas pu
m’appuyer, au moment de la rédaction, sur le manuel relatif à la méthode de citation
canadienne requise pour la bibliographie.
Aussi, ce travail intègre principalement des ressources électroniques que je me suis efforcée
d’approfondir pour offrir le plus large panel possible de sources relatives à ce sujet. Fort
heureusement, du fait de son actualité et de son évolution constante due à l’impact des
nouvelles technologies, celui-ci se prêtait plutôt bien à ce cadre de recherches en ligne.
Fruit de plusieurs mois d’investissement, ce mémoire n’est sans doute pas aussi abouti que
je l’aurais souhaité mais j’ose espérer qu’il apportera sa pierre à l’édifice. Ma motivation
n’a, quant à elle, jamais été entamée.
vii
À mes grands-parents, Martine et Jean-Marie.
viii
Remerciements
Je tiens, avant tout, à remercier mes directeurs de recherche, Mesdames les
Professeurs Charlaine Bouchard et Julie Groffe pour avoir accepté de diriger mon
mémoire et m’avoir guidé durant la réalisation de cette étude. Leurs précieux conseils,
leurs remarques et leur bienveillance m’ont été d’un grand soutien.
Je souhaite également remercier Madame le Professeur Sophie Verville pour ses
commentaires opportuns et son point de vue nouveau lors de l’atelier de présentation, qui
m’a permis d’envisager d’autres approches pour ce mémoire.
Je tiens tout particulièrement à témoigner ma gratitude envers Madame le Professeur
Alexandra Bensamoun, directrice du Master 2 Propriété intellectuelle fondamentale et
technologies numériques, pour m’avoir donné la chance d’intégrer ce double diplôme et de
vivre cette expérience unique.
Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à ma famille qui m’a soutenu dans les
moments de doutes et encouragé tout au long de mon parcours, en France comme au
Canada.
Enfin, ces remerciements ne seraient pas complets sans mentionner mes camarades de
master ainsi que mes colocataires qui m’ont conseillé, motivé et qui ont contribué à
alimenter ma réflexion pendant la rédaction de mon mémoire. Je leur suis d’autant plus
reconnaissante qu’ils m’ont aidé à affronter les moments difficiles, loin de mes proches,
dans ce contexte si particulier. Si le retour anticipé en France a, certes, un léger goût
amer, il n’en demeure pas moins que je garde en tête les formidables moments passés au
Québec. Je ressors de cette année grandie et pleine d’ambition pour la suite.
1
Introduction
La notion de contrefaçon est en principe caractéristique d’une atteinte portée à un
droit de propriété intellectuelle. De manière générale, cette notion concerne donc à la fois
les droits de propriété littéraire et artistique que les droits de propriété industrielle.
Toutefois, force est de constater que « la contrefaçon épouse de nos jours des visages qui
peuvent varier selon la discipline envisagée »1.
Plus particulièrement en droit de la propriété industrielle, la contrefaçon est analysée eu
égard à un marché spécifique bien connu sous le nom de « marché du faux ». Ce dernier se
destine à la réalisation et la vente de copies de biens de consommation, affectant ainsi
principalement les monopoles intellectuels portant sur les dessins et modèles ou encore les
marques. Au gré des évolutions, les nouvelles technologies ont, ici aussi, réussi à se faire
une place. Dès lors, elles n’épargnent pas le paysage industriel, à la fois porteuses
d’opportunités et de risques.
Pari audacieux pour les entreprises, elles sont sources de modernisation mais facilitent dans
un même temps la promotion et commercialisation des contrefaçons. Qui plus est, elles
revêtent aujourd’hui un aspect si abouti qu’elles engendrent l’obtention de produits
contrefaisants aux caractéristiques inégalées. Favorables à l’amplification du phénomène de
contrefaçon, celui-ci « connaît, là encore, un essor sans précédent »2 comme le souligne le
professeur Tristan Azzi. Véritable fléau pour la société, la contrefaçon a aussi envahi le
monde virtuel car la révolution Internet a permis un développement exponentiel de la
cyber-contrefaçon s’étendant à tous les secteurs d’activité économique dont l’industrie du
luxe3.
Les marques de luxe ont longtemps évité Internet et cette exclusion volontaire semblait
s’expliquer par le fait qu’il leur paraissait difficilement concevable d’opérer un
rapprochement entre leur univers si particulier et le digital, en raison des risques importants
qui y étaient liés. La contrefaçon était la plus grande crainte des marques de luxe, 1 Tristan Azzi, « La loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon » (2008) 11 Recueil Dalloz 700. 2 Ibid. 3 Laurence Dreyfuss-Bechmann, « Paroles d’experts – Lutter contre la Contrefaçon sur Internet » (31 mars 2017) en ligne : IEEPI <https://www.ieepi.org/paroles-dexperts-lutter-contre-contrefacon-internet/>.
2
préoccupées par un potentiel ternissement de leur image de marque, doublé des pertes
économiques susceptibles d’en découler.
Toutefois, consciente de l’impossibilité d’ignorer indéfiniment les opportunités offertes par
Internet et notamment par le commerce électronique, l’industrie du luxe a su faire preuve
d’adaptation. Face à l’évidente « complémentarité entre le digital et le physique »4 , les
marques de luxe ont finalement accéléré le processus afin d’être réellement présentes sur la
toile et la prestigieuse maison française « Louis Vuitton » a été l’une des premières à y
prendre place. Cette immixtion des grandes marques sur Internet a nécessité un
renforcement de leur contrôle, impérativement permanent et soigné afin de préserver la part
de prestige qui leur est associée.
Le luxe adopte donc, à son tour, des stratégies relationnelles et sociales, similaires à celles
des marques de grande consommation, dans le but de se rapprocher au mieux des nouvelles
générations de consommateurs, quitte à s’éloigner quelque peu de ses valeurs et son
« essence originelle »5. Ainsi, la grande marque « Armani » prend place sur le réseau social
« Twitter » pour communiquer avec les internautes autour de divers sujets liés à la mode, à
l’architecture et même au design. La maison de champagne « Moët & Chandon » sollicite
les Instagramers pour mettre en valeur leurs produits et la marque « Marc Jacobs » échange
des parfums et accessoires contre des posts sur les réseaux sociaux6.
Le luxe s’est donc peu a peu dirigé vers le e-commerce, aujourd’hui essentiel pour
l’industrie. Cependant, ce tournant n’est pas sans conséquences et c’est précisément en
raison de la multiplication des techniques de commercialisation, et notamment par le
recours au commerce électronique qui « accroit les risques de la vente classique »7, que les
marques de luxe se retrouvent confrontées à une prolifération de produits contrefaits.
Simultanément, le nouvel outil d’Internet a offert la possibilité de développer différentes
pratiques et usages de signes totalement inédits8.
4 Ibid. 5 Carmen Turki Kervella, Le luxe et les nouvelles technologies, Paris, Maxima, 2016, aux p 77-78. 6 Ibid. 7 Ibid. 8 Elizabeth Tardieu-Guigues, « État des lieux 2012 : internet, marques, intermédiaires, référencement » (2012) 84 RLDI.
3
Traditionnellement, dans le commerce, la reproduction pure et simple de la marque ne se
rencontrait que de façon exceptionnelle. En effet, de manière générale, les contrefacteurs
prenaient soin d'introduire une différence avec la marque, aussi minime soit
elle. Néanmoins, le développement du commerce international, et particulièrement du
commerce en ligne, s'est accompagné d’un véritable essor de la contrefaçon « qui voit
fleurir les hypothèses de reproduction pure et simple de marques, le consommateur ne
recherchant pas tant le produit, que la marque elle-même »9.
Les comportements se transforment et, face au commerce de contrefaçons, la mentalité des
consommateurs change et emprunte, petit à petit, un chemin plus obscur. Leurs choix et
achats constituent bel et bien les vecteurs d’une augmentation de la production et de l’offre
de biens contrefaits. La situation s’est donc inversée et la contrefaçon revêt un nouveau
visage auquel les marques doivent faire face. Ce contexte défavorable induit diverses
problématiques relatives à la contrefaçon mais les difficultés ne sont plus les mêmes. On
peut valablement constater une accumulation des obstacles rendant la lutte contre les
produits contrefaits bien plus complexe et empêchant les marques de lutter efficacement
contre ce fléau permanent.
La propriété intellectuelle n’a pas été conçue pour un environnement immatériel.
A ce titre, le professeur Elizabeth Tardieu-Guigues prend pour exemple le droit des
marques qu’elle introduit comme un droit « territorialisé » et qu’elle confronte à
l’environnement si particulier d’Internet qui n’est autre qu’ « un espace virtuel sans
territoire, dématérialisé »10. D’emblée, ce constat permet de deviner l’envergure du
problème.
L’une des difficultés majeures tient au fait que le numérique complexifie les possibilités de
répression des marques de luxe afin de sanctionner les atteintes à leurs droits. Internet laisse
émerger des limites à l’action en contrefaçon des marques de luxe car la contrefaçon,
désormais immatérielle, est bien plus difficile à appréhender au sein de cet environnement. 9 Sylviane Durrande. « Atteintes à la marque : reproduction et imitation de marque » (2020) Fasc. 7511 JurisClasseur Marques - Dessins et modèles, au point 21. 10 Tardieu-Guigues, supra note 8.
4
Par conséquent, la matérialisation des actes de contrefaçon commis sur Internet est
complexe voire quasi impossible or, avant toute action, il est nécessaire de pouvoir détecter
les produits contrefaits et d’identifier le ou les contrefacteurs. Les titulaires de droits
rencontrent des difficultés pour détecter la contrefaçon à partir de l’image diffusée en ligne,
faute de pouvoir analyser en détail le produit ou encore son étiquetage. De plus, l’image
utilisée est bien souvent l’image originale du produit11 ce qui ne fait qu’exacerber la
tromperie. Face à la multitude des techniques de commercialisation et notamment
l’importance grandissante des réseaux sociaux et de la vente entre particuliers, il n’est pas
aussi évident de détecter les produits contrefaits circulant sur les différents et nombreux
flux de distribution12.
Internet octroie ainsi une plus grande visibilité de l’offre13. Les vendeurs passent par les
messageries d'applications comme « WeChat », ou « TikTok »14 mais l’exemple le plus
évident reste le réseau social « Instagram » qui serait même devenu l’outil de prédilection
des acheteurs et vendeurs d'articles de luxe contrefaits, notamment en raison d'une
fonctionnalité mise à la disposition de ses utilisateurs : les stories15. Il s'agit d'un mode de
publication éphémère où le contenu « disparaît » au terme d'une durée de 24 heures et les
grandes marques seraient particulièrement touchées par cette nouvelle pratique16. De façon
plus générale, les « ventes flash », offres promotionnelles de courte durée, témoignent de
cette difficulté car le temps que la contrefaçon soit détectée, l’offre a déjà disparu.
De plus, les commandes effectuées sur Internet sont, pour la plupart, acheminées par la voie
postale et en très petites quantités17. Le e-commerce conduit à une « fragmentation des
envois », ce qui rend difficile la captation des produits contrefaisants par les services
11 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 12 Ibid. 13 Tardieu-Guigues, supra note 8. 14 Enrique Moreira, « Comment les vendeurs en ligne chinois contournent la loi sur les contrefaçons » (18 janv. 2019) en ligne : Les Echos <https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/comment-les-vendeurs-en-ligne-chinois-contournent-la-loi-sur-les-contrefacons-614433>. 15 Florence Meuris-Guerrero, « La contrefaçon sur internet des produits de luxe et des produits règlementés » (2019) 7-8 Comm. com. électr. 56. 16 Ibid. 17 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.
5
douaniers18, sans oublier qu’il demeure impossible pour les forces de police de contrôler
l’ensemble des colis en provenance de Chine notamment19. Selon un rapport d’enquête de
2019 relatif à « Instagram » et son implication dans le phénomène de la contrefaçon, la
Chine reste le pays identifié comme origine principale des produits contrefaits, représentant
environ 43% de ces activités illégales sur le réseau social. Viennent ensuite des pays
comme la Russie (30%), l’Indonésie (13.5%) et enfin, avec des chiffres bien moins
importants, l’Ukraine, la Turquie et la Malaisie comptant chacun entre 4.65% et 3.86%20.
De surcroit, l’auteur de l’offre contrefaisante sur Internet est également difficile à identifier,
l’adversaire des marques se trouve donc « invisible » sur la toile qui est couverte par un
« anonymat quasi total »21. Lorsque l’auteur de l’offre contrefaisante est hébergé par un site
tiers, il est alors possible d’agir contre l’hébergeur afin d’obtenir l’identification de l’auteur
nécessaire à la mise en œuvre des poursuites. Les titulaires de droits peuvent se référer aux
Conditions Générales d’Utilisation et de Vente prévoyant généralement la possibilité de
signaler les atteintes. Les plateformes doivent ainsi retirer les contenus lorsqu’elles ont
connaissance de leur caractère illicite mais, s’agissant de l’identification de l’auteur de tels
contenus, l’hébergeur est libre de ne pas donner suite à leur demande.
En tout état de cause, les titulaires de droit peuvent toujours recourir à la voie judiciaire
pour obtenir la communication de ces informations auprès de l’hébergeur22 sur le
fondement de l’article 6. II de La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l’économie numérique23 (ci-après : « LCEN »). Sans grande conviction, le professeur
Jérôme Huet dénonce le fait que cet « anonymat se mélange à l'illicite » et ajoute qu’il y a
18 Laurence Duarte, « Comment mieux combattre la contrefaçon » (20 mai 2019) en ligne : Harvard Business Review <https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/05/26022-comment-mieux-combattre-la-contrefacon/>. 19 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie » (20 février 2018) en ligne : Les carnets du luxe <https://www.carnetsduluxe.com/grands-formats/groupes-de-luxe-luttent-contre-contrefacon-detournent-ironie/>. 20 Andrea Stroppa, Davide Gatto, Lev Pasha et Bernardo Parrella. Instagram and counterfeiting in 2019: new features, old problems, Rapport d’enquête, 2019, en ligne : Ghostdata, <https://ghostdata.io/report/Instagram_Counterfeiting_GD.pdf>. 21 Tardieu-Guigues, supra note 8. 22 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 23 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), JORF n°0143 du 22 juin 2004, art. 6. II. ; voir aussi : Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), 8 juin 2000, JO n° L178.
6
là « les ingrédients pour toutes les dérives »24. La loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de
lutte contre la contrefaçon25 a spécifiquement prévu un « droit d’information » pour les
titulaires de droits. Renforcée par une loi du 11 mars 201426, son application ne nécessite
plus que le litige soit tranché sur le fond pour obtenir de tels éléments de preuve, cependant,
la mise en œuvre d’une telle action reste nécessaire au regard de l’article L. 716-4-9 (ancien
article 716-7-1) du Code de la propriété intellectuelle (ci-après : « CPI ») relatif au droit des
marques27. La gestion de cet anonymat reste donc complexe à appréhender et surmonter en
cas d’atteinte aux droits. Cet ensemble de contraintes conduit donc naturellement les
titulaires de droits à se tourner vers les plateformes de e-commerce28.
Cela nous amène à envisager un autre problème tenant, cette fois-ci, au rôle des
intermédiaires et plus spécifiquement à la problématique des market-place
« particulièrement d'actualité et mouvante car la vente en ligne explose et que le système de
distribution sélective est ancien » comme le souligne à juste titre Joël Tozzi, rapporteur
général adjoint de l'Autorité de la concurrence29. Le problème tient au fait que leur
responsabilité est particulièrement limitée et que les intermédiaires, in fine, ne sont pas
impliqués dans la lutte.
L’exemple type, à l’origine des débats et illustrant parfaitement la complexité du commerce
électronique, est probablement l’action anti-contrefaçon du groupe LVMH Moët Hennessy
Louis Vuitton (ci-après : « LVMH ») contre la plateforme « Ebay ». En 2006, LVMH a
accusé cette dernière de faciliter la vente de produits contrefaits, de causer des dommages
en termes de réputation, d’atteindre à l’image des marques du groupe ainsi que
24 Master professionnel Droit du multimédia et de l'informatique, Paris II. Focus « Propriété intellectuelle : Internet et la contrefaçon dans l'industrie du luxe » (2007) 3 Comm. Com. électr. Alerte 47. 25 Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, JORF n°252 du 30 octobre 2007 ; loi de transposition de la Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative au respect des droits de propriété intellectuelle, 29 avril 2004, JO n° L157/45. 26 Loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, JORF n°0060 du 12 mars 2014. 27 CPI, art. L716-4-9. 28 Frédéric Jung et François-Xavier Langlais, « Marques, restez inventives face à la contrefaçon en ligne » (26 février 2019) en ligne : LSA : <https://www.lsa-conso.fr/marques-restez-inventives-face-a-la-contrefacon-en-ligne,311971>. 29 Anne Moreaux, « Le droit comme bouclier des grandes marques » (28 juin 2019) en ligne : Affiches parisiennes <https://www.affiches-parisiennes.com/le-droit-comme-bouclier-des-grandes-marques-9141.html>.
7
d’occasionner des dommages financiers30. Pour atténuer sa responsabilité, le site d'enchères
a invoqué sa qualité d'hébergeur en s’appuyant sur l’article 6.I de la LCEN. Au regard de la
définition donnée de la qualité d’hébergeur et des contours de sa responsabilité, il apparaît
que celui-ci n'est effectivement pas tenu à une obligation générale de surveiller les
informations qu'il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de procéder à des
recherches en la matière31. De ce fait, il ne peut engager sa responsabilité civile s’il n'avait
pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant
apparaître un tel caractère. Qui plus est, sa responsabilité ne peut être engagée s’il s’avère
qu’il a agi immédiatement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible, dès le
moment où il en a eu connaissance sauf si le destinataire du service agit sous son autorité
ou son contrôle32. En l’espèce, la Cour rejette cette qualification d’hébergeur et vient ici
mettre fin aux débats relatifs à la qualification de l'activité du site aux enchères. « Ebay » a
donc été condamné à payer 40 millions de dommages et intérêts au demandeur, une somme
ramenée à 5,7 millions d’euros en 200833.
Bien que, cette solution paraisse favorable aux titulaires de droits, il n’en demeure pas
moins qu’elle repose sur l’appréciation d’une condition de taille : le critère du « rôle actif ».
La chambre commerciale vient utiliser ce critère retenu par la Cour de Justice de l’Union
Européenne (ci-après : « CJUE ») dans sa décision du 23 mars 2010, mettant un point final
à un ensemble d’affaires jointes impliquant la société Google34. Elle reprend également la
motivation développée par la CJUE dans son arrêt L’Oréal c. eBay du 12 juillet 201135. Si
elle représente une petite victoire pour l’industrie du luxe, cette solution rappelle toutefois
le caractère particulièrement limité de la responsabilité des intermédiaires, ainsi réduite à la
démonstration d’un rôle actif dans leur appréhension des cas de contrefaçons par exemple.
30 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 31 Laurence Mauger-Vielpeau, « eBay n’est pas un simple hébergeur ! » (2012) 26 Recueil Dalloz 1684. ; LCEN, art. 6. I. 32 LCEN, art. 6 I. 33 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 34 CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08 à C-238/08, Google France SARL c/ Louis Vuitton Malletier SA et autres. 35 CJUE, 12 juillet 2011, aff. C-324/09, L’Oréal c. eBay.
8
Le professeur Pierre-Yves Gautier signale cette responsabilité « excessivement limitée des
professionnels de l’internet » alors que selon lui, celle ci est « particulièrement sérieuse36 ».
En ce sens, la Cour des comptes dénonce, dans son rapport de février 202037, le régime
actuel qui ne prévoit aucune obligation légale « de veiller à prévenir la diffusion de
contenus illicites, et notamment contrefaisants ». Les intermédiaires n’ont « pas de mesures
proactives à mettre en place pour traquer, surveiller, épier les éventuelles contrefaçons
mises en ligne par les utilisateurs38 ». Leur inertie est une difficulté de plus pour les
marques de luxe dans leur combat contre la contrefaçon.
Enfin, on ne peut ignorer le nouveau risque qui se profile à l’horizon : la progression de la
seconde main. Les Français s’offrent de plus en plus de vêtements et chaussures d’occasion
et le marché est largement tiré par Internet. Après s’être démocratisé dans les années 2000,
l’achat d’occasion de textile et de chaussures est devenu un véritable phénomène de
société. Ainsi, en 2019, 32% des Français ont effectué un achat de seconde main en mode,
contre 16% en 2018 et 41% déclarent vouloir le faire dans les prochains mois, comme le
souligne Frédéric Valette, directeur à l’institut Kantar (leader mondial des études
marketing)39. Cette croissance va inévitablement continuer et d’ici 2021, le marché
secondaire du luxe pourrait même atteindre 31 milliards d'euros40. Ce phénomène
d’ampleur prend des proportions qui étaient inenvisageables auparavant puisqu’il était
d’usage de ne posséder qu’un seul sac de marque de luxe par exemple et de le conserver
tout au long de sa vie. Désormais, la tendance est visiblement inversée, en cause, la volonté
grandissante d’alterner et de choisir selon l’envie. Avec l’essor de la vente en ligne et des
sites de seconde main, nombreux sont donc les consommateurs qui choisissent de revendre 36 Pierre-Yves Gautier, « De l'influence des réseaux sociaux sur l'édiction du droit » (2019) 9 Dalloz IP/IT 492. 37 Cour des comptes, La lutte contre les contrefaçons : Une organisation et des outils pour mieux protéger les consommateurs et les droits de propriété́ industrielle, Communication au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, février 2020, en ligne : <https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-03/20200303-lutte-contre-les-contrefacons_0.pdf >. 38 Marc Rees, « Propriété industrielle : la Cour des comptes veut une obligation de vigilance des hébergeurs » (5 mars 2020) en ligne : Next inpact < https://www.nextinpact.com/news/108756-propriete-industrielle-cour-comptes-veut-obligation-vigilance-hebergeurs.htm>. 39 Cécile Crouzel, « Habillement : la folie des achats d'occasion froisse les enseignes » (23 janvier 2020) en ligne : Le Figaro < https://www.lefigaro.fr/societes/habillement-la-folie-des-achats-d-occasion-froisse-les-enseignes-20200122>. 40 Loÿs de La Soudière, « Le luxe d’occasion face au défi de la traçabilité » (28 mai 2019) en ligne : Stratégies <http://www.strategies.fr/blogs-opinions/idees-tribunes/4029815W/le-luxe-d-occasion-face-au-defi-de-la-tracabilite.html>.
9
leurs produits de luxe pour en acquérir de nouveaux. Le succès fulgurant de « Vinted » en
témoigne. Cette plateforme de revente de vêtements et d’accessoires compte 11 millions
d’adeptes en France, qui représente son premier marché en Europe41. Les marques et les
groupes de luxe n’hésitent donc plus à investir massivement dans la lutte contre la
contrefaçon car l’essor du marché du luxe de seconde main est, lui aussi, « conditionné à la
lutte contre les articles contrefaits »42.
En définitive, leur défi actuel repose sur traçabilité de leurs produits. S’ils sont présumés
être d’occasion, des doutes émergent quant à leur authenticité et celle-ci doit pouvoir être
prouvée. Les acheteurs souhaitent voir leurs achats garantis, cependant, il n’existe que
quelques prestataires spécialisés dans l’expertise de ces articles d’exception. Dans leur
quête de l’authentique, être capable d’identifier le vrai du faux nécessite de passer par un
expert, dont l’examen est particulièrement long et couteux. Aussi, la certification repose
généralement sur une simple authentification papier, qui peut donc être facilement copiée et
falsifiée43. Dès lors, des plateformes se rangent aux côtés du secteur du luxe pour certifier
les produits revendus par ce biais44. Les marques de luxe sont souvent partenaires de ces
sites afin d’apporter les « garanties de réassurance » aux futurs acheteurs45. Somme toute,
ces difficultés tenant à la garantie de l’authenticité conduisent à l’émergence d’un enjeu de
taille pour les marques de luxe : assurer la traçabilité de leurs produits.
Par conséquent, il convient de se demander quels outils sont à disposition des
marques de luxe pour faciliter la matérialisation de l’acte de contrefaçon et ainsi leur
permettre de détecter les produits contrefaits et d’en identifier l’origine. Il s’agit également
de s’interroger sur le moyen adéquat qui serait susceptible d’accroitre l’implication des
intermédiaires dans la lutte contre la contrefaçon, dont la responsabilité est particulièrement
limitée au regard de la législation encadrant le commerce électronique.
41 Crouzel, supra note 39. 42 Emilie Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon » (10 juin 2019) en ligne : Les carnets du luxe <https://www.carnetsduluxe.com/business/22e-journee-mondiale-anti-contrefacon/>. 43 La Soudière (de), supra note 39. 44 Ibid. 45 Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon », supra note 42.
10
En outre, il est pertinent de comprendre en quoi il est nécessaire de revoir la stratégie de
protection des marques de luxe par le droit de la propriété intellectuelle et de la distribution
sélective afin de l’adapter aux difficultés du monde virtuel. Enfin, il est adéquat
d’envisager quelle solution permettrait d’assurer une meilleure traçabilité des produits de
luxe pour garantir leur authenticité face à l’essor de la seconde main.
Notre première hypothèse est qu’a priori, les marques de luxe doivent anticiper davantage,
renforcer leur protection et l’adapter aux nouvelles difficultés. Le principe est d’anticiper sa
protection afin de pouvoir agir le plus efficacement possible. Cela signifie que l’industrie
du luxe doit être dans « l’action » et non dans la « réaction »46. Pour cela il est nécessaire de
mettre en place des mesures anti-contrefaçon avec une meilleure protection du produit,
rendant plus difficile la copie47. Le réflexe de la propriété intellectuelle est essentiel car il
est plus simple de protéger en « amont » qu’en « aval »48. C’est un véritable investissement
et pour parvenir à lutter contre la contrefaçon, les marques de luxe doivent redoubler
d’inventivité et de solutions novatrices. Pour devancer les contrefacteurs elles doivent
procéder à l’enregistrement de leurs actifs en tenant compte des variations susceptibles
d’intervenir et, notamment, s’appuyer sur l’autodérision. Parodier la contrefaçon est un
moyen pour les marques de combattre la contrefaçon et la tourner à leur avantage49. Au
regard de la marque, il est vital de procéder à un dépôt à l’international ou plus
spécifiquement en Chine car le marché asiatique est « le roi de la contrefaçon »50. La
stratégie de protection des marques de luxe doit également être appréhendée au regard du
droit de la distribution. Il est nécessaire de mettre à jour le système de distribution sélective
dont elles bénéficient et qui se trouve être, aujourd’hui, obsolète. Les entreprises de luxe
doivent adapter leurs méthodes classiques de distribution et mettre en place des critères
restrictifs permettant de limiter le nombre de revendeurs. Il convient donc de choisir avec
soin les distributeurs pour que ceux-ci puissent devenir des partenaires de choix, permettant
46 Claire Domergue, « Cyber contrefaçon : un fléau pour l’industrie du luxe » (Interview d’Emmanuelle Hoffman), en ligne : <https://5af95f36-ac2e-4209-957d-c34fd3b80206.filesusr.com/ugd/ffd882_ec6d7f706a3640f8aa25cfabf57a28f1.pdf>. 47 Duarte, supra note 18. 48 Moreaux, supra note 25. 49 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 50 Moreaux, supra note 25.
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une surveillance accrue de la distribution et empêchant les contrefaçons de pénétrer dans
les canaux légitimes51.
La seconde tient au fait que les outils de droit positif ne seraient pas les seuls à venir au
soutien de l’industrie et les marques peuvent également s’appuyer sur la coopération et
collaboration de nombreux acteurs de la répression. Les marques de luxe ne pourront, à
elles seules, assurer une veille efficace et vaincre ce fléau. Dans un souci de réactivité, il est
nécessaire de bénéficier d’un « effort de mutualisation » des différents acteurs52. Les
marques de luxe doivent trouver un terrain d’entente et s’appuyer sur la collaboration des
acteurs en ligne tels que les plateformes, les réseaux sociaux ou moteurs de recherche. De
nombreux accords ont été conclus et les intermédiaires redoublent de vigilance en mettant
dorénavant en place leur propre système de surveillance. Il est également essentiel de
mentionner le rôle prépondérant des douanes pour lesquelles Internet est aussi devenu « une
nouvelle frontière »53. Les services douaniers français ont modifié leurs pratiques et ont
même créent un service « Cyberdouane » afin de recueillir et d’exploiter toute information
utile sur Internet dans le cadre plus général de la lutte contre la cybercriminalité. De même,
les douanes de l’Union européenne ont mis en place une coopération interétatique afin
d’uniformiser leurs pratiques54.
De plus, si la coopération avec d’autres acteurs est primordiale, le recours à d’autres outils
modernes complémentaires apparaît également indispensable. Les nouvelles technologies
viennent au soutien de l’industrie du luxe dans leur lutte contre la contrefaçon. Ainsi, la
veille sur Internet est facilitée par des outils techniques capables de surveiller les moteurs
de recherche, les réseaux sociaux ou encore les sites de vente55. Webdrone, par exemple, est
une plateforme de détection automatique d’information sur la cybercriminalité́ et les
contrefaçons56. L’identification des produits est simplifiée par l’utilisation de marquages
51 Duarte, supra note 18. 52 Meuris-Guerrero, supra note 15. 53 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 54 Ibid. 55 Duarte, supra note 18. 56 Domergue, supra note 46.
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intelligents tels que des procédés d’inscription au laser57, des tags, des hologrammes ou
encore des traceurs58. Enfin, récemment, le groupe de luxe français LVMH s’est vu
décerné un prix pour souligner son implication dans la lutte contre les articles contrefaits. Il
s’intéresse fortement aux nouvelles technologies et notamment au dispositif de Blockchain.
Son objectif est de l’adapter aux « contraintes de traçabilité des objets de luxe », et
particulièrement de la maroquinerie59, nouvel enjeu pour l’industrie. La Blockchain,
donnerait la possibilité d’enregistrer un certificat d’authentification digital infalsifiable.
Ainsi numérisé et protégé, il garantirait l’authenticité du produit tout au long de sa vie, et
ce, même s’il change plusieurs fois de propriétaires60.
Enfin, si ces différents éléments sont autant de moyens de renforcer la protection des
marques de luxe, il appert que la législation encadrant le commerce électronique est
inadaptée aux nouvelles réalités et qu’elles accroit les difficultés pour les marques de luxe
de lutter efficacement contre la contrefaçon en ligne. De ce fait, comme le préconise la
Cour des comptes, le régime de responsabilité des intermédiaires mériterait d’être révisé
faute de quoi le phénomène ne pourra jamais être véritablement maitrisé. Les
intermédiaires n’ont pas de mesures proactives à mettre en place pour traquer et surveiller
les éventuelles contrefaçons mises en ligne par les utilisateurs L’absence de mesures
techniques de protection, est un frein pour la lutte des marques. De plus, les plateformes ne
sont pas suffisamment réactives et leur inefficacité a même conduit à se tourner vers les
fournisseurs d’accès à Internet. En effet, pour la première fois en propriété industrielle par
une ordonnance de référé du 8 janvier 2020, le tribunal judicaire de Paris a admis la
compatibilité des demandes de blocage de l’accès à des sites de ventes de produits
contrefaisants des marques avec l’article 6. I. 8 de la LCEN61. S’appuyant sur cette loi, les
demandeurs n’étaient donc pas tenus d’introduire une action au fond telle qu’imposée par
l'article L. 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle62, relatif au droit des marques. En
57 Perrine Signoret, « Huit nouvelles technologies pour lutter contre la contrefaçon » (28 Avril 2015) en ligne : Le vif <https://trends.levif.be/economie/high-tech/huit-nouvelles-technologies-pour-lutter-contre-la-contrefacon-en-images/diaporama-normal-391855.html>. 58 Duarte, supra note 18. 59 Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon », supra note 42. 60 La Soudière (de), supra note 39. 61 TJ Paris, réf., 8 janv. 2020, n° 19/58624, Richemont c/ Bouygues Telecom et a. 62 Julie Groffe-Charrier, « Atteinte à la marque et demande de blocage fondée sur la LCEN » (2020) Dalloz actualité. ; CPI, art L.716-4-6.
13
ce sens, la Cour des comptes recommande une réforme encore plus ambitieuse, visant à
revoir la directive sur le commerce électronique63. L’idée mise en avant consisterait à
contraindre les hébergeurs à une obligation de vigilance renforcée64, à l’image de ce qui est
prévu en droit d’auteur.
Face à cette insuffisance du droit et à défaut de pouvoir être réactives en ligne, les marques
de luxe doivent anticiper, trouver des solutions et adapter leur protection pour pallier les
obstacles. Pour cela, elles disposent de divers outils de droit positif avec la protection
offerte par le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la distribution65 mais
également de moyens issus de la soft law. Les accords et les efforts combinés des différents
acteurs pouvant être impliqués sont autant de moyens sur lesquels les marques peuvent
s’appuyer. Cependant, l’enjeu est tel qu’il est nécessaire de s’intéresser à toutes les
techniques possibles et envisageables pour lutter contre la contrefaçon. A l’ère du
numérique et des nouvelles technologies, de nouvelles solutions semblent donc venir au
soutien de l’industrie du luxe, leur permettant de renforcer leur protection face à ce fléau et
de pallier les difficultés du droit.
D’un point de vue méthodologique, ce mémoire comporte des incursions en droit
comparé, à l’appui du droit français. En effet, il s’agit de tenir compte de la législation
française en matière de commerce électronique, du droit de la propriété intellectuelle et du
droit de la concurrence mais ce projet prévoit également des incursions en droit canadien
avec la législation en matière de marques de commerce et de droit d’auteur. Il s’agira de se
pencher tout particulièrement sur le droit des marques qui constitue le dénominateur
commun à toute l’industrie du luxe. Cette recherche s’axe dans une logique de
méthodologie herméneutique. En effet, en se basant sur des textes légaux pour déterminer
si des pratiques nouvelles peuvent donner lieu à leur application, une interprétation de ces
derniers est nécessaire au regard d’un contexte où les nouvelles technologies sont de plus
63 Directive sur le commerce électronique, supra note 21. 64 Rees, supra note 38. 65 Annabelle Gauberti, « Pourquoi la distribution sélective a du sens pour une maison de luxe ou de mode premium ? » (22 octobre 2014) en ligne : Village de la justice <https://www.village-justice.com/articles/Pourquoi-distribution-selective,18098.html>.
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en plus présentes. Par ailleurs, nous recenserons les législations et jurisprudences actuelles
afin d’en analyser les lacunes. Au regard de ces différents éléments, cette recherche relève
de l’analyse exégétique traditionnelle. Enfin nous adopterons une certaine pensée critique
au regard des débats autour des nouvelles technologies, la démonstration relèvera ainsi de
la théorie du droit.
De façon plus générale, cette analyse est majoritairement exégétique puisqu’il s’agit de
caractériser le droit face à la contrefaçon, ses outils de lutte et de protection mais également
ses lacunes. Un part importante est pareillement accordée à l’interdisciplinarité puisqu’ il
est nécessaire de mettre en avant des éléments économiques en raison des impacts et
retombées de ce phénomène sur l’industrie du luxe, ainsi que des éléments technologiques
dans le but d’étoffer les nouvelles techniques de lutte.
Ce projet a une pertinence sociale en ce qu’il apporte valeur ajoutée pour la société
et plus spécialement pour l’industrie du luxe, seconde industrie la plus touchée par la
contrefaçon66. Les risques pour l’image de marque ainsi que les retombées économiques
font de ce projet un travail nécessaire au soutien des marques, leur permettant une
appréhension globale des techniques dont elles disposent. De plus, la contrefaçon est
souvent considérée comme une « fraude sans victime » et cela « ne favorise pas une juste
appréhension de son ampleur et de ses multiples effets dommageables » comme le souligne
la Cour des comptes pour qui une telle vision est bien trompeuse67. En effet, au delà des
risques et préjudices pour les titulaires de droits, leur image ou réputation, le consommateur
s’apparente lui aussi à une cible à la portée des contrefacteurs et susceptible de subir les
conséquences dommageables de ces biens contrefaits. Outre leur perte de confiance en la
fiabilité des produits, la tromperie est à même de mettre en danger leur sécurité et leur
santé68. Si l’on évoque régulièrement le cas des médicaments contrefaits, les parfums et
cosmétiques, notamment de luxe, sont en bonne place au sein de cette catégorie de produits
66 Unifadmin., « Edition française de la journée mondiale anti-contrefaçon le 6 juin 2019 ! Dossier de presse » (29 mai 2019) en ligne : UNIFAB <https://www.unifab.com/edition-francaise-de-la-journee-mondiale-anti-contrefacon-le-6-juin-2019/>. 67 Cour des comptes, supra note 37 à la p 8. 68 Aurélie Buisson, « Cadre interne et européen de lutte anti-contrefaçon » (2004) 71 RLDA.
15
potentiellement dangereux. N’étant pas développés ou conçus par la marque, ils échappent
à toute forme de contrôle. L’Union Européenne est particulièrement touchée et compte
parmi ses importations une proportion toujours plus importante de tels produits nocifs69.
Les risques encourus ont inéluctablement participé à la prise de conscience de ce fléau pour
l’industrie70.
De même, l’intérêt de ce sujet tient au fait qu’il est en lien étroit avec l’actualité. La
contrefaçon est un fléau permanent qui a pris une dimension considérable, amplifié par la
révolution Internet et la multiplication des techniques de commercialisation. Les produits
contrefaits foisonnent sur les plateformes de e-commerce mais également sur les réseaux
sociaux, devenus les canaux d’écoulement privilégiés pour les contrefacteurs de produits.
Ainsi, pour exemple, l’entreprise « Ghost Data » estime ainsi que près de 20% des posts sur
Instagram mettraient en scène des contrefaçons. Dans son rapport de 2019, l’étude à permis
l’identification de 56 769 comptes contrefaits actifs sur le réseau social, soit une
augmentation de plus de 171 % par rapport à 2016 (20 892 comptes contrefaits)71. Internet
pose donc de nombreux problèmes et notamment la matérialisation de l’acte de contrefaçon
au regard de la détection du produit contrefait et de l’identification du contrefacteur. Tout
cela accroit les difficultés pour agir en contrefaçon, invitant les victimes à se tourner vers
les intermédiaires, ce qui ne semble pas efficace en l’état actuel du droit. Plus récemment,
de nouveaux enjeux sont apparus avec la démocratisation de l’achat d’occasion, amenant à
son tour son lot d’inquiétudes pour l’industrie72. Les marques peinent à assurer la traçabilité
et à garantir l’authenticité de leurs produits à leurs clients.
Ce projet a également une pertinence scientifique car cette recherche permettrait de
combler certaines lacunes en examinant ce qui n’a pas encore été véritablement étudié et en
mettant en avant des techniques nouvelles aussi bien issues du droit que des outils
technologiques. Depuis peu, ces derniers semblent prendre place au sein de l’industrie du
luxe qui mise sur plusieurs d’entre eux pour pallier les limites du droit face à la « nouvelle
69 Cour des comptes, supra note 37 à la p 14. 70 Buisson, supra note 68. 71 Stroppa, Gatto, Pasha et Parrella, supra note 20. 72 Aurélien Condomines, « Le point sur la distribution sélective » (2020) en ligne : Aramis publications <https://www.aramis-law.com/fr/publications/le-point-sur-la-distribution-selective/>.
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frontière d’internet »73. Les moyens de protection des marques apparaissent presque
obsolètes et inadaptés au vu de leur inefficacité.
L’engagement et l’investissement massif du groupe LVMH en 2019 pour la protection des
marchés pose probablement les prémisses d’un accroissement des recours aux nouvelles
technologies au sein de l’industrie du luxe74. A l’instar du groupe et de son fameux
dispositif de Blockchain (la plateforme Aura)75, c’est l’industrie du luxe dans son ensemble
qui semble disposer d’autres outils pour renforcer sa protection et la rendre la plus efficace.
Les nouvelles technologies viennent au soutien de la lutte anti-contrefaçon et présentent un
ensemble d’outils différents et plus aptes à pallier les problèmes liés à la détection ou même
à l’authentification des produits. L’efficacité de ce système de Blockchain reste à démontrer
mais les solutions techniques semblent constituer un recours complémentaire intéressant au
soutien des marques de luxe.
Après avoir démontré quelles sont les difficultés rencontrées par les marques de
luxe pour lutter de façon efficace contre le phénomène de la contrefaçon et enrayer ce fléau
accru par le commerce électronique (chapitre I), nous étudierons les nouvelles techniques
de protection à disposition des marques en nous interrogeant sur la complémentarité des
outils juridiques et technologiques (chapitre II).
73 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 74 Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon », supra note 42. 75 Nathan David, « Quand LVMH et l’industrie du luxe utilisent la blockchain » (16 mai 2019) en ligne : Cryptonews <https://fr.cryptonews.com/news/quand-lvmh-et-l-industrie-du-luxe-utilisent-la-blockchain-3484.htm>.
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Chapitre 1 : Les obstacles à l’offensive des marques de luxe contre le fléau de la contrefaçon à l’ère du numérique
Les marques de luxe sont confrontées à de nombreux obstacles et, force est de
constater que ceux-ci sont des freins dans leur lutte obstinée contre ce fléau. Avant toute
chose, l’action en contrefaçon classique, outil privilégié en cas d’atteinte aux droits, se
retrouve complexifiée face à l’immatérialité de l’environnement et laisse émerger des
limites et problématiques sérieuses pour les marques (I). Cette difficulté est accentuée par
l’inertie des plateformes de e-commerce qui bénéficient d’un régime souple et
particulièrement allégé alors que celles-ci représentent les intermédiaires privilégiés des
contrefacteurs (II), et sans oublier les préoccupations supplémentaires liées à la progression
de la seconde main. Trouvant à s’affirmer sur Internet, ce nouveau phénomène de société
est porteur de grands risques pour les marques de luxe qui appréhendent les conséquences
de ce nouveau levier pour les faussaires (III).
I. Les limites de l’action en contrefaçon sur Internet
La contrefaçon connaît un accroissement inévitable sur Internet de par la
mondialisation des échanges commerciaux et le développement des nouvelles technologies
rendant son appréhension bien plus difficile dans un tel environnement immatériel76.
Nombreuses sont les entraves à l’offensive des marques de luxe, responsables de
l’inefficacité de leurs recours en cas de contrefaçon en ligne. Le produit comme le
contrefacteurs sont difficilement perceptibles sur la toile. La matérialisation du produit
contrefait (A) et l’identification du véritable contrefacteur (B) sont des enjeux de taille pour
les marques de luxe.
76 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.
18
A. Les difficultés de matérialisation du produit contrefait
Face à la multiplication et diversification des techniques de commercialisation les
produits contrefaits sont mis en circulation sur différents réseaux de distribution. Ces
réseaux sont nombreux et diversifiés, passant de la simple plateforme de commerce
électronique aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, particulièrement sollicités, les
contrefacteurs tirent profit de ces nouvelles opportunités pour écouler leurs biens
contrefaits.
Ainsi pour exemple, le réseaux social « Instagram » serait devenu un l’outil de choix des
acheteurs et vendeurs d’articles de luxe contrefaits77. De par la fonctionnalité innovante
qu’il propose et met à disposition des utilisateurs (les stories), le réseau accroît les
difficultés pour les titulaires de droits. Ce mode de publication éphémère est contraignant
pour la détection des produits contrefaits car les contenus disparaissent au terme d’une très
courte durée78. Cette fonctionnalité se trouve particulièrement incitatrice pour les
contrefacteurs qui y trouvent une opportunité de plus pour proposer leurs articles. Les
grandes marques telles que « Louis Vuitton », « Chanel », « Gucci », « Fendi » et
« Balenciaga » seraient les plus touchées par cette nouvelle pratique79. Une autre technique
est également largement utilisée et n’est autre que le passage par la messagerie de
l’application. Les vendeurs tirent parti des réseaux tels que « WeChat », « TikTok » et
« Instagram » afin de vendre en ligne leurs biens contrefaisants80.
De façon plus générale, en dehors de ces réseaux sociaux, il est d’usage de mentionner les
« ventes flash »81. Ces ventes sont des offres promotionnelles de produits en ligne, dont la
durée est à nouveau limitée, et celles-ci témoignent, une nouvelle fois, des difficultés
77 Meuris-Guerrero, supra note 15. 78 Stroppa, Gatto, Pasha et Parrella, supra note 20. 79 Meuris-Guerrero, supra note 15. 80 Moreira, supra note 14. 81 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.
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auxquelles doivent faire face les marques de luxe. L’offre disparaît avant même que la
contrefaçon ne soit détectée82.
Qui plus est, les titulaires de droits rencontrent des difficultés pour identifier la contrefaçon
à partir de l’image diffusée en ligne83, dépourvus de toute possibilité d’analyser en détail le
produit ou son étiquetage. Il s’agit très souvent de l’image originale du produit qui est
diffusée en ligne alors que le produit vendu est contrefaisant.
Somme toute, le numérique rend la tâche du demandeur bien plus difficile lors d’une action
en contrefaçon de marque. Il existe deux voies ouvertes à une telle action engagée dans le
but de faire protéger ou de défendre une marque contre une attaque ; sur le plan civil, elle
permet d’engager la responsabilité civile du contrefacteur et sur le plan pénal elle constitue
un délit où les titulaires de droits bénéficient de la présomption de l’intention coupable du
défendeur. Ce délit octroie la possibilité d’aboutir à des sanctions pénales s’ajoutant aux
civiles84.
Dans le cadre d’une telle procédure le demandeur doit, toutefois, être en mesure de prouver
les actes de contrefaçon qu’il allègue85. Ces actes étant de simples faits, ils peuvent être
prouvés par tout moyen86. Qui plus est, le Code de la propriété intellectuelle prévoit en son
article L. 716-4-7 (ancien article L. 716-7) un mode de preuve privilégié de la contrefaçon,
en faveur du titulaire de marque : la saisie contrefaçon :
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers87.
82 Ibid. 83 Ibid. 84 Catherine Verneret, « L'action en contrefaçon de marque » (2020) Fasc. 7540 JurisClasseur Marques - Dessins et modèles. 85 Joanna Schmidt-Szalewski, « Marque de fabrique, de commerce ou de service : action en contrefaçon de marque » (2020) RDC, au point 596. 86 CPI, art. L. 521-4, L. 615-5 et L. 716-4-7 al 1. 87 CPI, art. L. 716-4-7 al 2.
20
La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants
Cette saisie permet d'apporter les éléments de preuve suffisants mais permet également de
mettre un terme au préjudice subi. Afin de pouvoir procéder à une telle saisie, il convient de
solliciter une autorisation auprès du président du tribunal de grande instance du lieu où
celle-ci doit être effectuée. En fonction des cas, par la production du certificat de dépôt ou
du certificat d'enregistrement de la marque, le président du tribunal va alors rendre une
ordonnance sur requête88. Par la suite, il revient à nouveau au président d’apprécier si la
procédure en question doit relever d’une simple « saisie-description » ou bien d’une « saisie
réelle » des produits contrefaisants89. La loi n° 2007-1544 du 29 octobre 200790 de lutte
contre la contrefaçon a apporté des modifications et prévoit désormais que le saisissant doit
agir au fond dans un délai maximal de trente et un jours ouvrables, à peine de nullité de
cette saisie91.
Ainsi, cette preuve peut être relativement aisée à obtenir et d’autant plus quand il s’agit
d’un achat directement auprès du contrefacteur, personne physique, puisqu’ il suffit de faire
constater cet achat par une facture ou même par de simple témoignages92. Il en va de même
dans le cadre d’une préconstitution de preuve par l'intermédiaire d'un huissier93.
Cependant, au regard de la contrefaçon en ligne, il appert que ces solutions sont bien moins
envisageables à raison de l’immatérialité du délit. Dans ce contexte, les commandes sont
effectuées par Internet et sont, la plupart du temps, organisées de la même façon ; elles sont
acheminées par voie postale et en très petites quantités afin de contourner toute manœuvre
ou contrôle des services douaniers94. Ce fractionnement des envois brouille les pistes pour
88 Schmidt-Szalewski, supra note 85, au point 599. 89 Ibid. au point 600. 90 Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, supra note 25. 91 CPI, art. L716-4-7 al 4. 92 Schmidt-Szalewski, supra note 85, au point 596. 93 Alain Blanchot, Albert Chavanne et Daniel Hangard. « Contrefaçon », en ligne : Encyclopædia Universalis, <http://www.universalis-edu.com.acces.bibl.ulaval.ca/encyclopedie/contrefacon/ >. 94 Meuris-Guerrero, supra note 15.
21
les titulaires de droits95. La captation des produits est difficile et complique ainsi
l’obtention de la preuve de la contrefaçon, nécessaire pour assurer une répression efficace.
La preuve de la contrefaçon semble être compliquée à présenter par celui qui s’en prétend
victime. Les services douaniers jouent un rôle important a posteriori grâce aux saisies et
mesures d’urgence mais ceux-ci peinent à assurer leur mission. Les stratégies d’envoi des
contrefacteurs en est une cause mais l’internationalisation des échanges ne fait
qu’accentuer ce problème.
En effet, il parait impossible pour les forces de police de contrôler l’ensemble des colis en
provenance de l’étranger et plus particulièrement de Chine, d’où sont originaires environ
60% des contrefaçons arrivant en Europe, ou d’autres pays d’Asie96. Autant de difficultés
font obstacles à la procuration des éléments essentiels d’une action en contrefaçon.
S’ajoute à ces contraintes, le constat de l’imperceptibilité du contrefacteur. Pour le titulaire
de droits, cette action en contrefaçon est également rendue nébuleuse à raison de
l’invisibilité de l’adversaire, aggravant le sentiment d’impuissance des marques de luxe.
B. L’identification d’un adversaire invisible
Il n’est pas toujours possible ou envisageable de remonter à l’origine de l’offre
proposant des produits contrefaits et pour cause, Internet perturbe l’identification du
véritable contrefacteur. Les nouvelles techniques de vente ne permettent pas de s’assurer de
la provenance des produits de façon claire et non équivoque. L’auteur de l’offre
contrefaisante est particulièrement difficile à identifier97 et cette difficulté se trouve bien
évidemment accrue par l’existence des offres éphémères.
Cet anonymat se trouve largement dénoncé et comme le souligne le professeur Jérôme
Huet, celui-ci « se mélange à l'illicite ». Il évoque un défaut intolérable et même anormal en
95 Duarte, supra note 18. 96 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 97 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.
22
matière de commerce électronique car les acheteurs ne sont même pas en mesure de savoir
si le vendeur est un particulier ou un professionnel, étant susceptible de remettre en cause la
confiance qu’il pourrait lui être accordé du fait de sa responsabilité. Le plus surprenant tient
au fait que le site, lui, connaît l’auteur de l’annonce98. Lorsque l’auteur de l’offre
contrefaisante est hébergé par un site tiers, il est donc possible d’agir contre l’hébergeur
afin d’obtenir l’identification de l’auteur, nécessaire à la mise en œuvre des poursuites99.
Si l’hébergeur est libre de coopérer ou non, confrontés au bon vouloir de ce dernier, les
titulaires de droits disposent malgré tout d’une solution prévue par la loi : ils peuvent
recourir à la voie judiciaire pour obtenir la communication de ces informations auprès de
l’hébergeur sur le fondement de l’article 6. II de la LCEN100. En effet, cet article énonce
que :
II.- Les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I détiennent et conservent les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires.
Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d'identification prévues au III.
L'autorité judiciaire peut requérir communication auprès des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I des données mentionnées au premier alinéa.
Les dispositions des articles 226-17,226-21 et 226-22 du code pénal sont applicables au traitement de ces données.
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit les données mentionnées au premier alinéa et détermine la durée et les modalités de leur conservation101.
A l’instar de cette disposition, la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la
contrefaçon102 a prévu un « droit d’information » pour les titulaires de droit. Celui-ci
98 Master professionnel Droit du multimédia et de l'informatique, Paris II, Focus « Propriété intellectuelle - Internet et la contrefaçon dans l'industrie du luxe », supra note 24. 99 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 100 Ibid. 101 LCEN, art. 6. II.
23
permet au juge d’ordonner à la personne poursuivie ou à « tout tiers en possession de
produits contrefaisants ou encore à tout intermédiaire » de produire et fournir des
documents pouvant être utiles au titulaire pour appuyer sa demande. Ainsi, il donne accès à
divers éléments susceptibles même d’être délivrés par des tiers au procès diligenté103.
Il a été jugé à plusieurs reprises que cette disposition s'appliquant à celui qui « fournit des
services utilisés dans des activités de contrefaçon » pouvait bel et bien concerner une
plateforme d'intermédiation en ligne104. Ce fut notamment le cas lors d’une affaire de
2008, opposant eBay contre l’Oréal105. La société L’Oréal a pu obtenir grâce à eBay, tiers
au procès mais intermédiaire dans la diffusion des produits contrefaits, les différents et
multiples pseudonymes employés par la personne physique en cause ainsi que les quantités
et prix pratiqués par cette dernière pour la commercialisation de faux parfums sous des
marques détenues par la société106.
Par la suite, cette loi de 2007 a été renforcée par la loi du 11 mars 2014107. Si une telle
procédure ne pouvait être ordonnée par le juge qu’une fois le litige tranché sur le fond, pour
obtenir des éléments de preuve complémentaires relatifs à la détermination de l’origine et
des réseaux de distribution des produits jugés contrefaisants, l’article L. 716-4-9 du Code
de la propriété intellectuelle (ancien article 716-7-1) relatif au droit des marques prévoit
désormais que ;
Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.
102 Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, supra note 25. 103 Pascale Tréfigny, « Droit des marques : quoi de neuf sous l'angle de l'accès à la preuve de la contrefaçon en France : une avancée ? » (2013) 1 Propr. industr. Dossier 4. 104 Cédric Manara, « Application de la loi de lutte contre la contrefaçon au commerce électronique » (2008) Dalloz actualité. 105 TGI Paris, ord. JME, 25 juin 2008, RG n° 08/06929, eBay c/ L'Oréal, Lancôme. 106 Ibid. 107 Loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, supra note 26.
24
La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime108.
La liste des documents ou informations pouvant être réclamées a été également supprimée
offrant un plus large éventail de possibilités pour les titulaires de droits de propriété
intellectuelle. Ce droit est un avantage et atout indispensable pouvant constituer un
complément intéressant à la saisie-contrefaçon impliquant une procédure plus lourde109. En
effet, elle nécessite une ordonnance sur requête, l’intervention d’un huissier, d’un officier
de police voire même d’un conseil en propriété industrielle. De plus, le coût d’une telle
saisie est assez important, par conséquent, les titulaires trouvent dans ce droit d’information
un « accès facilité à la preuve » grâce à une procédure plus légère et moins couteuse. Tout
cela semble participer à une meilleure protection mais les titulaires de droits restent
toujours obligatoirement confrontés à la mise en œuvre d’une procédure civile110, ce qui ne
cesse de complexifier leur lutte contre la contrefaçon.
En droit canadien, on retrouve un outil procédural similaire faisant appel aux fournisseurs
de services Internet. En effet, l’ordonnance d’injonction de type « Norwich » permet
d’obtenir, par un tiers, la communication d’informations essentielles relatives à l’identité
des fraudeurs111. Comme le souligne la Cour Suprême du Canada dans une affaire Rogers
Communications inc. c. Voltage Pictures112, cet outil est bien souvent un recours nécessaire
en amont afin de se constituer une base solide pour entreprendre par la suite des procédures
judiciaires.
L’intérêt pour ce type d’ordonnance s’est fortement accru ses dernières années où le
contexte numérique rend plus difficile l’obtention de telles informations113. Son utilité,
avant l’introduction de procédures en matières de droits de propriété intellectuelle, a été
démontrée à plusieurs reprises. Au sujet des marques de commerce, l’affaire Moose
108 CPI, art. L716-4-9. 109 Tréfigny, supra note 103. 110 Ibid. 111 Mathieu Piché-Messier, « Développements récents en matière de propriété intellectuelle dans le cadre des ordonnances de types Anton Piller, Mareva, Norwich » (2019) 464 Développements récents en droit de la propriété intellectuelle, à la p 125. 112 Rogers Communications inc. c. Voltage Pictures, [2018] 38 CSC 38, 2 RCS 643, au para 18. 113 Google, [2017] 1 RCS 824.
25
International Inc. c. Moose Knuckles Canada Inc114 en est un exemple ayant permis de
rapporter la preuve de l’implication de certains défendeurs dans la contrefaçon de produits
de la marque115.
Ce type de recours est particulièrement efficace et indispensables en matière de fraude et de
propriété intellectuelle aux vues des difficultés engendrées par le numérique. Les acteurs de
l’Internet se trouvent ainsi sollicités par les titulaires de droits, cependant, force est de
constater que cet arsenal reste insuffisant pour assurer une protection efficace. Ainsi, l’on
constate de multiples tentatives de la part des titulaires de droits pour pousser toujours plus
loin leurs démarches et obtenir gain de cause. La volonté d’intenter une action en
responsabilité directement contre la plateformes est forte et nombreux sont ceux qui
s’obstinent à attaquer l’intermédiaire par ce biais pourtant bien limité.
II. Le régime de responsabilité allégé des plateformes de commerce électronique
La législation encadrant le commerce électronique n’a pas anticipé les risques de
contrefaçon en ligne et constitue, à nouveau, un frein pour la lutte des marques de luxe. La
loi n’est pas adaptée aux nouvelles réalités. En effet, le régime de responsabilité des
plateformes de commerce électronique est un régime particulier et l’on peut valablement
mettre en exergue deux spécificités illustrant son caractère limité. Les marques ne peuvent
s’appuyer sur le soutien des intermédiaires qui ne disposent d’aucune obligation de
moyens. Les plateformes n’ont pas à mettre ne place des mesures techniques de protection
en matière de propriété industrielle pour prévenir les cas de contrefaçon (A). Cette absence
de mesures techniques de protections en droit des marques complexifie leur tâche et est
représentative de la responsabilité fortement limitée des plateformes qui ne sont que très
peu atteignables. Bien que consacrée, leur responsabilité peut être engagée uniquement si
leur rôle actif est démontré (B).
114 Moose International Inc. c. Moose Knuckles Canada Inc., [2015] 3524 QCCS. 115 Piché-Messier, supra note 111 à la p 136.
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A. L’absence de mesures techniques de protection en droit des marques
Les plateformes n’ont aucune obligation de moyens à l’inverse de ce qui est prévu
en matière de droit d’auteur. La directive relative au commerce électronique ne semble
donc pas s’inscrire dans la lutte contre la contrefaçon. Le régime actuel ne prévoit pas
l’obligation légale « de veiller à prévenir la diffusion de contenus illicites, et notamment
contrefaisants »116. Les intermédiaires n’ont ainsi pas de mesures proactives à mettre en
place pour « traquer, surveiller, épier les éventuelles contrefaçons mises en ligne par les
utilisateurs »117.
En principe, la plateforme doit effectuer un certain contrôle relatif à l’annonce ou
l’annonceur. Comme le souligne à nouveau le professeur Jérôme Huet, il s’agit d’empêcher
la parution d'une annonce telle que « vend sac Louis Vuiton fake » par exemple, car celle-ci
est manifestement illicite ou encore d’identifier les récidivistes à l’aide de leurs
coordonnées bancaires118. Cependant, cela ne suppose pas le contrôle du produit proposé, et
de par les différents stratagèmes de tromperies des contrefacteurs, les produits contrefaits
prolifèrent librement, dissimulés sous l’apparence de biens de luxe authentiques.
La loi décharge les opérateurs intermédiaires d’un devoir juridique de surveillance des
contenus qu’ils mettent à disposition du public mais en matière de droits d’auteur on
constate un renforcement des obligations dans le but de filtrer les contenus contrefaisants.
Dès lors que les plateformes mettent à disposition un grand nombre d’œuvres à des fins
commerciales, leurs obligations s’alourdissent. Sont pour cela pris en compte des critères
de taille, de popularité, d’ancienneté et de puissance économique119.
116 Rees, supra note 38. 117 Ibid. 118 Master professionnel Droit du multimédia et de l'informatique, Paris II, Focus « Propriété intellectuelle - Internet et la contrefaçon dans l'industrie du luxe », supra note 24. 119 Rees, supra note 38.
27
L’article 17 de la Directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique
numérique120 est un progrès pour la Propriété Littéraire et Artistique qui doit également
faire face aux sites de partage de contenus. Ces derniers mettent à la disposition du public
des œuvres protégées notamment par le droit d'auteur tout en poursuivant un but lucratif. Le
texte prévoit donc la possibilité de recourir à un contrat entre le site et les titulaires de droits
et, surtout, il met en place une sorte « d'obligation de police ». Cette obligation a pour but
d’ « empêcher ex ante la mise en ligne de matériaux contrefaisants et non plus simplement
à mettre fin ex post à une mise en ligne »121 . Par conséquent, le site doit prouver qu'il a
fourni ses « meilleurs efforts » pour garantir l'indisponibilité des œuvres et autres objets
protégés mais il doit également empêcher qu’ils soient à nouveau téléversés après retrait122.
L’article L. 331-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit et définit ces mesures
techniques de protection au sein de la première partie du Code dédiée à la propriété
littéraire et artistique. Ainsi celles-ci sont présentées comme :
Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur d'une œuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme, d'un programme ou d'une publication de presse sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.
On entend par mesure technique au sens du premier alinéa toute technologie, dispositif, composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue par cet alinéa. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection. (…)123 .
120 Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, du 22 mai 2001. 121 Michel Vivant, « Directive droit d'auteur et droits voisins - une responsabilité ad hoc pour les sites de partage (commentaire de l'article 17 de la directive) » (2019) 10 Comm. Com. électr. Dossier 8. 122 Ibid. 123 CPI, art. L331-5.
28
A l’image de la législation française, au Canada, la Loi sur le droit d’auteur prévoit
également de telles mesures de protection en son article 41124. La mesure s’entend d’« une
technologie, un dispositif ou une composante qui contrôle l’accès à une œuvre, ou qui
restreint les actes qui peuvent être accomplis avec l’œuvre protégée à condition que les
actes en question ressortent des droits exclusifs du droit d’auteur »125.
Sur le terrain des droit d'auteur et droits voisins, ces textes constituent des avantages
considérables assurant aux titulaires un meilleur respect de leurs droits. Dans son rapport de
février 2020, la Cour des Comptes approuve et souligne l’importance d’une telle mesure
qui serait également bénéfique en matière de propriété industrielle et notamment pour les
marques de luxe dans leur lutte contre la contrefaçon. « Les plateformes ont désormais une
obligation de moyens, celle de mettre en place des dispositifs techniques facilitant la
détection des contrefaçons, grâce à l’identification des œuvres au vu des données
transmises par les ayants droit »126.
Ces précisions ont permis d’instaurer une forme d’opposabilité au droit d’auteur à travers
un certain devoir de collaboration des différents protagonistes. Ainsi, des « filtres à
l’upload » ou filtres ayant pour but de détecter la remise en ligne de contenu déjà retiré sont
mis en place. Mais cet article ne concerne bien que les droits d’auteur et les marques se
trouvent ainsi dépourvues d’une aide précieuse pour lutter contre le fléau de la contrefaçon
en ligne. Cette absence de mesures proactives ne font qu’accroitre les obstacles des
marques de luxe livrées à elles-mêmes face à l’ampleur de la contrefaçon. Qui plus est, si
celles-ci envisagent de se retourner contre la plateforme et dans le but d’intenter une action
en responsabilité contre celle-ci, les marques se retrouvent une nouvelle fois confrontées au
frein de la loi, offrant aux plateformes le bénéfice d’une responsabilité tout particulièrement
limitée.
124 Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c. C-42, art. 41 alinéas 41.1(1)b) et c), sub verbo « mesure technique de protection ». 125 Jean-Philippe Mikus, « Personnes visées par un recours en contrefaçon » (2019) Fasc. 9 JurisClasseur droit des affaires - propriété intellectuelle 47. 126 Cour des comptes, supra note 37.
29
B. Une responsabilité limitée au rôle actif de la plateforme
A l’image d’un simple hébergeur, la plateforme stocke les annonces des vendeurs.
Ainsi, l'exploitant de la place de marché en ligne peut aussi être qualifié d'intermédiaire
technique et, plus précisément, de fournisseur d'hébergement. Le régime
de responsabilité spécifique de ce dernier lui est ouvert si son rôle est demeuré passif. C'est
le cas, lorsqu'il se contente de stocker les annonces, de fixer les modalités de son service et
de donner des renseignements d'ordre général, même s'il est rémunéré pour cela. Dans
l'hypothèse d'un rôle passif, le régime de responsabilité spécifique aux intermédiaires
techniques impose aux titulaires de doits de notifier l'hébergement d'un contenu illicite, puis
d'agir si ce dernier n'a pas été retiré promptement127.
Récemment, il ressort explicitement d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance
de Paris le 28 juin 2019128 que l'exploitant d'une place de marché en ligne doit être qualifié
d'hébergeur lorsque « les fonctionnalités de la plateforme ne lui confèrent aucun rôle
actif ». Si l’opérateur a promptement retiré les annonces litigieuses, sa responsabilité ne
peut être engagée pour la vente de produits contrefaisants par des tiers129. En revanche, s'il
assiste le vendeur en optimisant la présentation des annonces ou en faisant leur promotion,
son rôle doit alors être qualifié d'actif. Par conséquent, cela le soumet à
une responsabilité de droit commun si celle-ci peut être engagée pour contrefaçon, publicité
mensongère ou encore parasitisme130. Leur responsabilité en est donc limitée puisqu’il
convient de démontrer leur rôle actif dans la mise en vente des produits de contrefaçon.
L’action anti-contrefaçon la plus emblématique et spectaculaire revient sans doute au
prestigieux groupe LVMH. En 2006, celui-ci a poursuivi la plateforme Ebay, accusée de
faciliter la vente de produits contrefaits, de causer des dommages en termes de réputation,
d’atteindre à l’image des marques de LVMH ainsi que d’occasionner des dommages
127 Christophe Caron, « L'essentiel de l'important arrêt « L'Oréal / eBay » (CJUE, 12 juillet 2011) » (2011) 40 La Semaine Juridique Entreprise et Affaires 509. 128 TGI Paris, 28 juin 2019, Jansport Apparel c/ Cdiscount. 129 Julien Canlorbe, « Contrefaçon de marque : Usage illicite de marque » (2020) 7513 JurisClasseur Marques – Dessins et modèles. 130 Caron, supra note 127.
30
financiers131. Dans un arrêt du 3 mai 2012, Christian Dior e.a c/ Ebay132, la chambre
commerciale de la Cour de cassation vient trancher une controverse relative à la
qualification de l'activité du site aux enchères Ebay. La société Louis Vuitton, titulaire des
marques « Louis Vuitton » avait eu connaissance d’annonces offrant à la vente des produits
utilisant ses marques alors que ceux ci n’étaient pas authentiques et, qui plus est, par
l'entremise de sites de courtage en ligne Ebay133.
En effet, Ebay est une plate-forme de commerce électronique permettant de conclure une
vente au moyen d'enchères. Le législateur qualifie sa mission de « courtage aux enchères »,
s’appuyant sur l’article L. 321-3 du Code de commerce. A l'occasion de ces ventes, des
internautes ont pu vendre des produits contrefaisants et les sociétés du luxe, victimes de ces
pratiques, ont poursuivi Ebay. Considérant qu'il profitait largement de ces ventes de
produits, elles ont donc demandé réparation de leurs préjudices sur le fondement de la
responsabilité de droit commun prévue à l'article 1382 du code civil.
Pour atténuer sa responsabilité, le site d'enchères a invoqué sa qualité d'hébergeur, notion
que l’on retrouve au sein de la LCEN, venant préciser la notion ainsi que le régime de sa
responsabilité au sein de son article 6, I. Son objectif était de bénéficier du régime de
faveur prévu grâce auquel l'hébergeur ne peut voir sa responsabilité engagée s’il ignorait les
faits illicites en question ou encore s’il a agit promptement pour retirer ces données ou les
rendre inaccessibles à partir du moment où il en a eu connaissance. Une unique exception
est prévue dans le cas où le destinataire du service agit sous son autorité ou son contrôle134.
Dans son arrêt de 2012, la Cour de cassation va rejeter cette qualification d’hébergeur. Pour
se faire, elle utilise un critère, retenu par la CJUE dans une décision du 23 mars 2010 (ci-
après : « arrêt Google »135), qui est celui du « rôle actif ». Dans ce fameux arrêt, la Cour
réaffirme expressément les contours de l’exonération de responsabilité qui reste
131 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 132 Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-10.508, n°11-10.507 et n°11-10.505, Christian Dior e.a c/ Ebay. 133 Nicolas Binctin, « La Cour de cassation et la propriété industrielle sur Internet » (2017) 7-8 Comm. com. électr. Etude 13. 134 LCEN, art. 6, I. 135 CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08 à C-238/08, Google France SARL c/ Louis Vuitton Malletier SA et autres.
31
subordonnée à un cas particulier : le prestataire ne doit pas avoir eu la connaissance ou
encore le contrôle des données stockées136.
C’est bel et bien le caractère « actif » de l’activité, qui empêche le prestataire de bénéficier
de l’avantage octroyé par la LCEN et ainsi d’un régime de responsabilité particulier. La
preuve d’un tel caractère est donc déterminante et, pour se faire, la CJUE estime qu’il
convient de s’attacher à analyser concrètement l’activité en question. Ainsi, elle donne
comme critère ou indice, la potentielle participation du moteur de recherche à la rédaction
d’une annonce prônant des produits contrefaisants par exemple137.
Pour ce qui a trait à Ebay, la Cour illustre son rôle actif « par l'optimisation des ventes et les
incitations qu'il effectue ». Sa motivation reprend celle développée par la CJUE dans son
arrêt du 12 juillet 2011138. Cet arrêt particulièrement important permet de fournir des
précisions relatives aux conditions responsabilité des exploitants
de places de marché en ligne dont le plus célèbre acteur est incontestablement la société
Ebay.
Ainsi, ca Cour de cassation reconnaît le rôle actif d’Ebay et disqualifie, cette société en tant
qu’hébergeur :
Mais attendu que l’arrêt relève que les sociétés eBay fournissent à l’ensemble des vendeurs des informations pour leur permettre d’optimiser leurs ventes et les assistent dans la définition et la description des objets mis en vente en leur proposant notamment de créer un espace personnalisé de mise en vente ou de bénéficier “d’assistants vendeurs” ; qu’il relève encore que les sociétés eBay envoient des messages spontanés à l’attention des acheteurs pour les inciter à acquérir et invitent l’enchérisseur qui n’a pu remporter une enchère à se reporter sur d’autres objets similaires sélectionnés par elles ; que de ces constatations et appréciations, la Cour d’appel a pu déduire que les sociétés eBay n’avaient pas exercé une simple activité d’hébergement mais qu’elles avaient, indépendamment de toute option choisie par les vendeurs, joué un rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu’elles stockaient et à les priver du régime exonératoire de responsabilité
136 Elizabeth Tardieu-Guigues, « État des lieux 2012 : internet, marques, intermédiaires, référencement » (2012) 84 RLDI. ; Google France SARL c/ Louis Vuitton Malletier SA et autres, supra note 135 au point 113. 137 Ibid. 138 L’Oréal c. eBay, supra note 35.
32
prévu par l’article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 et l’article 14, § 1, de la directive nº 2000/31 ; que le moyen n’est pas fondé139.
Après avoir écarté le rôle de l’hébergeur stricto sensu, l’analyse de l’activité de l’opérateur
en cause s’effectue eu égard à la responsabilité civile de droit commun140. Grâce à cette
décision, les titulaires des droits savent désormais de quelle manière agir lorsqu'ils sont
confrontés à l'utilisation non autorisée de leurs marques sur ces sites de courtage en ligne,
notamment quand il est question de vendre des exemplaires qui portent atteinte à leurs
droits141.
En définitive et selon maître Laurence Mauger-Vielpeau ; « Le commerce électronique a
été vaincu par l'industrie du luxe »142. Cependant, cette affaire met également en exergue
les limites de la responsabilité de ces intermédiaires dont le rôle actif n’est pas toujours
évident pour les marques. Le professeur Pierre-Yves Gautier dénonce une responsabilité
« excessivement limitée des professionnels de l’internet » alors que celle ci est
particulièrement sérieuse143.
Récemment, c’est l’inefficacité du régime, appréhendé dans son intégralité, qui a pu être à
nouveau observée au regard de la sollicitation des fournisseurs de services Internet à titre
subsidiaire, en raison de l’absence de réaction des hébergeurs. Par une ordonnance de référé
rendue le 8 janvier 2020144 le tribunal judicaire de Paris a considéré que les demandes de
blocage de l’accès à des sites de ventes de produits contrefaisant des marques pouvaient
reposer sur l’article 6.I.8 de la LCEN. Cette ordonnance a cela de surprenant qu’elle laisse
de côté l’obligation d’introduction d’une action au fond, imposée à l'article L. 716-4-6 du
Code de la propriété intellectuelle145.
139 Christian Dior e.a c/ Ebay. supra note 132. 140 Ibid. 141 Caron, supra note 127. 142 Laurence Mauger-Vielpeau, « eBay n’est pas un simple hébergeur ! » (2012) 26 Recueil Dalloz 1684. 143 Pierre-Yves Gautier, « De l'influence des réseaux sociaux sur l'édiction du droit » (2019) 9 Dalloz IP/IT 492. 144 TJ Paris, réf., 8 janv. 2020, n° 19/58624, Richemont c/ Bouygues Telecom et a. 145 Julie Groffe-Charrier, « Atteinte à la marque et demande de blocage fondée sur la LCEN » (2020) Dalloz actualité.
33
Les sites en question, commercialisaient à l’intention d’un public français des contrefaçons
de montres de luxe à des prix dérisoires et défiant toute concurrence. En diffusant de tels
contenus les sites Internet portaient atteinte aux marques et les sociétés, titulaires de celles-
ci, ont notifié les contrefaçons aux hébergeurs, sans résultat. N’ayant pas été en mesure de
contacter les éditeurs des sites en raison, à nouveau, d’un anonymat particulièrement
contraignant, les titulaires de droits ont donc demandé au tribunal d’ordonner aux
principaux fournisseurs d’accès français de bloquer l’accès aux noms de domaine en litige.
Les Fournisseurs d’Accès à Internet (ci-après : « FAI ») invoquent que le texte prévu par la
LCEN n’était pas applicable en l’espèce en raison de l’existence d’une disposition
spécifique en cas d'atteinte au droit sur la marque à l'article L. 716-4-6 du Code de la
propriété intellectuelle selon lequel :
Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon (…)146.
De ce fait, il s’agissait de se poser la question de savoir si l’existence d’un tel article devait
amener à écarter l’application de ce « référé-internet »147 de l'article 6.I.8 de la LCEN. Le
tribunal a estimé que les sociétés en demande avaient parfaitement démontré l’impossibilité
d’agir efficacement et rapidement contre les hébergeurs ou auprès des auteurs ou éditeurs
des sites pour faire cesser le dommage. Le juge a donc plaidé en faveur des sociétés
demanderesses et son analyse soutient l’idée selon laquelle cet article du Code de la
propriété intellectuelle n’était pas une règle spéciale susceptible de déroger à celle prévue
par la LCEN.
A ce sujet, le professeur Julie Groffe-Charrier met en évidence « qu’il s'agit de deux
régimes distincts (…) par leur nature, leurs modalités et leurs objectifs » et que « tous deux
146 CPI, art. L. 716-4-6 (anc. art. L. 716-6) 147 Groffe-Charrier, supra note 145.
34
(sont) susceptibles de s'appliquer en matière d'atteinte aux marques en fonction des
circonstances de chaque espèce »148.
Par conséquent, le juge en a conclu que le législateur n’avait pas voulu écarter les
dispositions de la LCEN au profit d’une telle règle spéciale en matière de marques. Il a
donc procédé à la vérification de l’existence d’un trouble manifestement illicite en prenant
en compte des procès-verbaux de constat d’huissier établissant de manière certaine la
réalité de ce commerce de contrefaçons de montres de luxe, mais également en s’appuyant
sur les appellations des noms de domaine et les prix pratiqués, constitutifs d’indices mettant
en lumière le caractère illicite de commerce.
Enfin, après avoir vérifié que les demandeurs avaient été dans l’impossibilité d’agir
rapidement et efficacement, il a ordonné le blocage de l’accès aux sites, en application du
« principe de subsidiarité, fondé sur des motifs d’efficacité et de proportionnalité »149.
L’ordonnance de référé rendue le 8 janvier 2020 est ainsi conclue ;
Le juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et en premier ressort,
ORDONNE à la société ORANGE, à la société BOUYGUES TELECOM, à la société FREE, et à la société SFR de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et ce pendant une durée de 12 mois, toutes mesures propres à empêcher l'accès, à partir du territoire français, y compris des collectivités d’outre- mer, de la Nouvelle Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises, par leurs abonnés à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace de leur choix, au site internet accessibles via les noms de domaine:
-contrefaconmontre.com
- repliquemontre.fr ;
- repliquemontre.cn150 ;
148 Ibid. 149 Richemont c/ Bouygues Telecom et a., supra note 144 à la p 16. 150 Ibid. à la p 18.
35
Il s’agirait de la toute première décision relative à l’applicabilité de l’article 6. I. 8 de
LCEN à un contentieux de droit des marques. Elle consacre une possibilité offerte aux
titulaires de marques de solliciter des FAI, le blocage des noms de domaines sur décision
préalable de l’autorité judiciaire.151. Toutefois, on ne peut valablement passer sous silence
les opportunités offertes par le Code de la propriété intellectuelle en matière d’atteinte à une
marque. Le fondement prévu, l’article L.716-4-6 en l’espèce, a été envisagé pour ce cas
spécifique ainsi, le professeur Groffe-Charrier considère qu’il reste certainement plus
adapté à ce genre de situation et qu’il devrait même être mis en œuvre de façon prioritaire
en cas de préjudice152.
Au Canada, ce type de recours aux fournisseurs de services Internet (ci-après : « FSI »)
avait déjà été envisagé mais en matière de droit d’auteur. Ainsi les titulaires de droits de
propriété intellectuelle ont acquis un nouvel outil susceptible de les aider à contrer les
atteintes à leurs droits sur Internet. En 2019, dans une décision récente Bell Média Inc. c.
GoldTV.Biz153, la Cour fédérale du Canada a, pour la première fois, rendu une « ordonnance
de blocage ». Cette dernière a obligé les FSI tiers à bloquer l’accès aux sites diffusant des
contenus illégitimes.
Nouvelle victoire pour les titulaires de droits qui voient leur protection accrue grâce à
l’intervention des FSI. Cette solution, certes utilisée au regard du droit d’auteur, est une
solution pertinente pour le droit des marques. Cette procédure se révèle être une arme
complémentaire efficace pour les titulaires de marques face à la contrefaçon en ligne et il
n’est pas étonnant de la retrouver dans un tel contexte en droit français.
Les marques et groupes de luxe ne peuvent plus se permettre une quelconque hésitation et
doivent investir massivement dans la lutte contre la contrefaçon. Si ces considérations
prennent une telle ampleur, elles sont justifiées par la recrudescence des menaces en
151 Etienne Nicolet, « Lutte contre la contrefaçon en ligne : un nouvel outil pour les titulaires de marques » (2020) 4 Propr. industr. Etude 9. 152 Groffe-Charrier, supra note 145. 153 Bell Média Inc. c. GoldTV.Biz, [2019] 1432 CF.
36
matière de contrefaçon. Un nouveau risque particulièrement inquiétant pour les marques de
luxe se dresse à l’horizon : l’essor du marché du luxe de seconde main154.
III. Les préoccupations supplémentaires liées à l’essor de la seconde main sur Internet
L’essor de la seconde main sur Internet est source de nouvelles inquiétudes pour
les marques qui se retrouvent à nouveau menacées. Démocratisé dans les années 2000,
l’achat d’occasion est devenu un véritable phénomène de société. Sa croissance est telle que
les marques ne peuvent ignorer ce marché secondaire. Face aux risques considérables qui
en découlent pour leur image ou encore leur réputation, l’industrie du luxe doit s’intéresser
à ce marché et adopter un rôle actif afin de limiter au mieux le risque d’immixtion des
contrefacteurs et l’implantation des contrefaçons sur ce marché (A). De plus, au regard des
consommateurs, il s’agit d’obtenir l’assurance de l’authenticité du produit qu’ils acquièrent,
après avoir circulé entre les mains de diverses personnes. Garantir l’authenticité devient
l’une des principales préoccupations de l’industrie qui y trouve un nouveau défi, celui de la
traçabilité de leurs produits (B).
A. Le risque accru d’atteinte à l’image de marque par l’immixtion des produits contrefaits sur le marché secondaire
C’est notamment grâce aux sites d’e-commerce entre particuliers que l’achat
d’occasion a su se faire une place de choix dans l’esprit des consommateurs. En témoigne,
le succès des plateformes telles que « Vinted » dont la France constitue le premier marché
en Europe. En effet, ce système de revente de vêtement ou accessoires compte près de 11
millions d’adeptes. Loin de décroitre, cette croissance va continuer comme le déclare
154 Emilie Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon » (10 juin 2019) en ligne : Les carnets du luxe <https://www.carnetsduluxe.com/business/22e-journee-mondiale-anti-contrefacon/>.
37
Frédéric Valette, directeur à l’institut Kantar (référence des études marketing et d’opinion
en France). Qui plus est, en janvier 2020, il précise qu’environ 41% des français déclarent
vouloir effectuer un achat de seconde main dans les prochains mois155.
Selon les statistiques, ce marché ne fait qu’augmenter. Il connait une croissance d’environ
12% par an et représenterait près de 25 milliards d’euros. Ce marché se caractérise par
différents types de clients aux comportements ambivalents. L’on retrouve d’une part les
personnes souhaitant accéder à une marque de luxe. Il s’agit de nouveaux clients, attirés par
l’accessibilité à des biens de prestige auxquels ils ne pouvaient aspirer auparavant. D’autre
part, on retrouve les clients fidèles des marques de luxe souhaitant simplement acquérir des
biens pour pouvoir les revendre et ainsi en racheter d’autres156.
Ce luxe devenu plus accessible est particulièrement attractif et cela n’a pas échappé aux
contrefacteurs, y trouvant un nouveau canal d’écoulement de leurs produits contrefaits.
Cette considération grandissante pour ce marché secondaire trouve à s’expliquer par la
possibilité d’atteindre plus simplement le consommateur, désireux d’acquérir des objets de
grandes valeurs. En effet, on considère que le positionnement élevé de ces produits éveille
également une « part de rêve » élevée chez les consommateurs. Parallèlement, il est associé
à un produit dont les caractéristiques immatérielles ont de la valeur aux yeux des clients et
déterminent nécessairement leurs choix157. Par conséquent, on ne peut passer sous silence
l’importance de ce phénomène, de ce marché secondaire en grande partie responsable de
l’explosion de la contrefaçon.
Pour les marques, il ne s’agit pas de rester passif face à ces atteintes multiples et
grandissantes. Les risques sont trop importants en particulier pour l’industrie du luxe qui
souffre grandement des retombées, les pertes pouvant être considérables. Sous l’angle de
l’évaluation du préjudice, celui-ci est estimé au regard de différents aspects ; outre le
manque à gagner correspondant à la marge perdue sur les ventes de produits contrefaits et
les bénéfices réalisés par le contrefacteur, il s’agit également de prendre en compte les 155 Crouzel, supra note 39. 156 Pierre-Nicolas Schwab, « Marché du seconde main de luxe : statistiques et analyse » (25 mars 2020) en ligne : IntoTheMinds (blog) < https://www.intotheminds.com/blog/marche-seconde-main-luxe-statistiques-analyse/>. 157 Clarisse Le Salver, « Marketing du luxe et droit des marques : dialogue à l'ombre d'une pyramide » (2011) 3 Propr. indust. Alerte 16.
38
pertes subies par la victime. Ces pertes correspondent aux pertes de parts de marché mais
également aux dépenses défensives qui ont pu être mises en œuvre pour endiguer l'impact
de la contrefaçon telles que l’effort publicitaire ayant pu être engagé par la marque ou
encore son effort sur ses prix158.
Outre les pertes financières, la contrefaçon de produits de luxe induit un préjudice évident
en terme d’image de marque. Difficilement quantifiable en matière de contrefaçon, son
atteinte est réprimée sur le terrain de la concurrence déloyale et du parasitisme159. Cette
image liée au caractère « authentique » du produit, joue un rôle d’autant plus important
lorsqu’il s’agit d’analyser un éventuel « avilissement »160 de la marque correspondant à la
perte du caractère distinctif voire exclusif du produit contrefait ou encore la confusion
possible avec de mauvaises copies. Ce préjudice dépend nécessairement de l’impact de
l'image de la marque sur les ventes, de l'ampleur et de l'ancienneté de sa notoriété, mais
également du soin accordé à l'entretien de l'image de marque par la victime. Dans ce cas,
l’évaluation prendra en compte, au minimum, les coûts nécessaires à la reconstruction de
l’image161.
Une controverse est apparue au regard de cette faculté d’agir en contrefaçon dans le but
d’assurer la protection de l’image de marque, si chère à l’industrie du luxe. Pour certains
auteurs, il appert que l’image ou encore la réputation, ne sont que les « fruits et
aboutissements de la politique commerciale de l’entreprise ». De ce fait, les choix et efforts
constatés ne tiendraient pas à la marque elle-même. La protection de sa réputation ne
pourrait donc faire partie de l’objet spécifique du droit des marques162.
A l’inverse, une autre partie de la doctrine relève qu’il s’agit précisément du rôle de la
marque de s’accaparer et de bénéficier des effets d’une telle politique. L’objectif est
d’assurer au consommateur que les produits et services proposés revêtent, une certaine
qualité à laquelle il est habitué. En ce sens, la fonction de garantie d’origine de la marque
158 Mikaël Ouaniche et Arnaud Cluzel, « Spécificités du préjudice de contrefaçon » (2019) 1-02 La Semaine Juridique Entreprise et Affaires 1006. 159 Aurélie Buisson, « Cadre interne et européen de lutte anti-contrefaçon » (2004) 71 RLDA. 160 Ouaniche et Cluzel, supra note 158. 161 Ibid. 162 Canlorbe, supra note 129. ; voir aussi : Nicolas Bouche, « L’objet spécifique du droit de marque » (2000) 6 Recueil Dalloz 103.
39
admet le rattachement à un impératif de protection de l’image ou de la réputation de la
marque. Comme le relève le professeur Jérôme Passa, « c'est par un raccourci que l'on parle
de la « réputation de la marque » : il s'agit en réalité de celle des produits, voire de leur
fabricant, que la marque véhicule en raison de sa fonction de rattachement à une origine ».
Par conséquent, la présentation effectuée par le revendeur de produits ne doit pas affecter le
titulaire de la marque163.
Ce concept d’image de marque fait partie intégrante du droit des marques164 et c’est
notamment ce qu’a relevé la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après :
« CJCE ») dans un arrêt Dior/Evora du 4 novembre 1997. La Cour considère ici que le
revendeur « doit (donc) s’efforcer d’éviter que sa publicité n’affecte la valeur de la marque
en portant préjudice à l’allure et à l’image de prestige des produits en cause ainsi qu’à la
sensation de luxe qui émane de ceux-ci165 ». Le concept semble poussé au plus haut niveau
jusqu’à une notion de sensation procurée. Si les maisons de luxe tiennent à ce point à
défendre leur image et leurs produits c’est que cela leur permet d’obtenir la qualification de
marque notoire ou de renommée leur offrant le bénéfice d’une plus large protection.
L’appréciation d’une atteinte « sérieuse » à la réputation de la marque procède d’une
vérification des tribunaux qui s’assurent que cette dernière bénéficie bien d’une image ou
réputation particulière. Cet ensemble de notions touche spécifiquement l’industrie du luxe.
Le titulaire pourra s’attacher à démontrer que les produits désignés appartiennent à ce
secteur et que celui-ci leur a consacré des dépenses publicitaires importantes pour arriver à
ses fins. Par la suite, les tribunaux procèdent à une appréciation concrète de l’atteinte en
prenant en compte la réalité et les faits avérés. De plus, la publicité du revendeur doit être
conforme aux usages et pratiques du secteur en question166.
Ces notions sont d’autant plus importantes dans le cadre du marché secondaire et de ses
contrefaçons de produits de luxe. On constate un risque accru d’atteinte à l’image de la
163 Canlorbe, supra note 129. 164 Frédéric Dumont, « Propriété intellectuelle : la défense du savoir-faire et de l’image de marque des maisons de luxe » (2004) 71 RLDI. 165 CJCE, 4 nov. 1997, aff. C-337/95, Parfums Christian Dior SA et Parfums Christian Dior BV c/ Evora BV., point 45. 166 Canlorbe, supra note 129.
40
marque car les consommateurs, en quête d’authenticité, s’attache à la garantie d’origine du
produit qu’ils souhaitent acquérir.
De façon générale, peu de consommateurs se trouvent réellement trompés lors de
l’acquisition d’une contrefaçon puisque ceux-ci sont davantage motivés par l’accessibilité à
ce luxe tant convoité que par son authenticité167.
A l’inverse, quand il est question de produits de seconde main, le consommateur est prêt à
investir dans un bien ayant déjà été la possession d’une autre personne auparavant, un bien
qui a vécu entre les mains d’une voire de plusieurs autres individus dans le but de posséder
un produit authentique à moindre coût. Cela laisse supposer que l’authenticité est le critère
de recherche privilégié de ses consommateurs, d’où l’importance du certificat
d’authenticité constituant la garantie du fabriquant pour le consommateur. Son origine, sa
qualité ou encore son savoir-faire pourront en être déduit.
Néanmoins, le certificat d’authenticité délivré par les marques procède d’une simple
authentification papier qui peut être facilement copiée et falsifiée. Sur le marché
secondaire, les faux certificats prolifèrent et induisent en erreur le consommateur pour
lequel le sentiment de tromperie est inévitablement décuplé et met en péril l’industrie. Pris
pour cible par les faussaires, leur comportement change et leur déception rejaillie sur les
marques de manière évidente. L’authenticité caractérise donc le nouveau défi d’ampleur
des marques de luxe.
B. Le défi de l’authenticité des produits de luxe de seconde main
La demande grandissante sur le marché secondaire traduit un passage vers une
recherche d'authenticité où des impératifs de qualité et de respect des traditions gagnent en
importance, mettant en lumière les particularités et exigences des produits de luxe. En quête
167 Danielle Allérès, « La propriété intellectuelle dans l'univers du luxe » (1998) 88-89 Réseaux.
41
d’authentique, le consommateur de seconde main est bien souvent désireux d’obtenir
l’assurance de son authenticité, sa provenance ou encore son cycle de vie.
La fonction essentielle de garantie d’identité d’origine de la marque prend ici tout ce sens et
semble particulièrement importante dans le cadre de ce marché. Cette fonction a été
dégagée par la CJCE dans les arrêts Terrapin168, Hoffman Laroche169et Centrafarm170.
Cependant, elle n’exclue pas pour autant d’autres fonctions comme celles relatives à la
garantie de qualité du produit ou service ainsi que la communication, l’investissement ou
encore la publicité. Ces fonctions ont pu être évoquées par la CJCE dans un arrêt L'Oréal c/
Bellure du 18 juin 2009171.
Après épuisement de son droit, une fois que les produits ont été mis dans le commerce par
le titulaire ou avec son consentement, le titulaire de la marque ne peut en interdire l’usage.
Toujours est-il que celui-ci il dispose d’un droit d’opposition, au regard d’une quelconque
utilisation de la marque qui serait susceptible d’induire en erreur le consommateur quant à
la garantie de l’identité d’origine du produit, en raison d’une modification ou d’une
altération de l’état des produits172. Ce droit a une place intéressante dans le cadre de la lutte
contre les contrefaçons173 et qui plus est, au regard d’un marché secondaire aux contours
incertains et d’une industrie du luxe où l’origine des produits est certainement le gage de
qualité le plus probant.
La véritable difficulté réside alors dans l’identification du vrai et du faux. Les acheteurs ne
possèdent pas tous la sensibilité et les connaissances requises pour distinguer les produits
de luxe des contrefaçons. Analyser les spécificités, détails et indices laissés par les maisons
de luxe, ne peut relever d’une simple appréciation. De plus, il est nécessaire d’être à l’affut
des nouveautés et usages des grandes maisons tels que le collage d’un numéro de série sur
une étiquette au fond du produit, un tampon indiquant la date de production par un système
168 CJCE, 22 juin 1976, aff. C-119/75,Société Terrapin (Overseas) Ltd. c./ Société Terranova Industrie CA Kapferer & Co. 169 CJCE, 23 mai 1978, aff. C-102/77, Hoffmann-La Roche & Co. AG c./ Centrafarm. 170 CJCE, 10 oct. 1978, aff. C-3/78, Centrafarm BV c./ American Home Products Corporation. 171 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure. au para 63. 172 CPI, art. L. 713-4. 173 Sylviane Durrande. « Atteintes à la marque : reproduction et imitation de marque » (2020) Fasc. 7511 JurisClasseur Marques - Dessins et modèles.
42
codé, une gamme de couleur particulière … Le consommateur doit aussi pouvoir détecter
les défauts de fabrications ou les erreurs, mêmes infimes, ayant pu être glissées dans la
contrefaçon. Finalement, pour s’assurer de l’authenticité du produit, le consommateur doit
lui même être un expert en la matière.
Face à l’impossibilité d’effectuer une telle expertise, l’enjeu reste de trouver un moyen
d’obtenir autrement la preuve du caractère authentique pour les clients en proie aux doutes
concernant leur origine. Pour toutes ces raison, les marques de luxe doivent s’intéresser à ce
marché secondaire voire investir dedans dans le but de contrer les actions des potentiels
contrefacteurs. Les acheteurs souhaitent voir leurs achats garantis mais se retrouvent
confrontés à l’obligation de recourir à un expert dont l’analyse est longue et couteuse en
raison du nombre restreint de prestataires spécialisés. Au regard de la croissance du
phénomène de la seconde main, les marques de luxe trouvent un intérêt à s’associer aux
sites offrant de telles garanties aux futurs acheteurs174.
Ainsi, ces sites vont délivrer eux même des certificats d’authenticité. Pour exemple, le site
Authentifier.com analyse, à partir de photos, le savoir-faire des marques de luxe afin
d’assurer la conformité des achats ou dépôts de produits d’occasion. Ce service permet de
sécuriser les vendeurs comme les acheteurs et s’adresse tant aux professionnels qu’aux
particuliers. Son fonctionnement est simple puisqu’il suffit de déposer une photo en ligne
du produit à certifier et le site délivre et envoie une attestation directement au client par
mail ou voie postale. Un moyen rapide et peu couteux d’obtenir la certification du
produit175. Il analyse en profondeur les matières, les techniques d’assemblages ou les
marquages. En cas de contrefaçon, Authentifier.com fournit une attestation de non-
conformité pour se faire rembourser par le service de paiement en ligne, Paypal, si le client
l’a utilisé pour l’achat du produit176. En 2019, le site proposait l’expertise de quarante-huit
174 Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon », supra note 154. 175 Emilie Besse, « Authentifier.com : l’expertise contre la contrefaçon » (26 mai 2019) en ligne : Les carnets du luxe : < https://www.carnetsduluxe.com/business/authentifier-com-lexpertise-contre-la-contrefacon/>. ; « Analyse en ligne d'articles et accessoires de luxe de seconde main » en ligne : Authentifier.com <https://www.authentifier.com>. 176 « Un site pour authentifier les articles de luxe d’occasion ou se faire rembourser » (29 août 2017) en ligne : Capital < https://www.capital.fr/entreprises-marches/un-site-pour-authentifier-les-articles-de-luxe-d-occasion-ou-se-faire-rembourser-1239685>.
43
marques de luxe, parmi lesquelles « Louis Vuitton », « Chanel », « Hermès », « Cartier »,
« Dior », « Lancel » et « Gucci »177.
L’objectif est de réussir à avoir une main mise sur ce nouveau terrain de jeu des
contrefacteurs. Ainsi, nombreuses sont les marques qui choisissent de « garder un œil » sur
l’occasion et de ne pas rester concentrées uniquement sur le « neuf »178.
Le Groupe Richemont, détenteur des maisons comme « Baume », « Vacheron Constantin »
ou encore « Cartier », a récemment choisi de racheter une plateforme anglaise spécialisée
dans la montre de luxe d’occasion : « Watchfinder »179. Avant d’être mises en vente, les
montres passent par un processus rigoureux afin d‘en vérifier l’authenticité. Il s’agit d’une
véritable opportunité pour le groupe de « trouver de nouveaux clients ou de fidéliser les
anciens »180.
Le marché secondaire s’organise petit à petit, mettant à contribution les marques mais aussi
les plateformes. Cependant la preuve de l’authenticité reste complexe à obtenir de par
l’obligation de passer par une tierce personne. Il semble légitime que des doutes persistent
quant à la fiabilité de ce tiers et, de surcroit, quant à l’origine du produit. La contrefaçon
reste le premier frein au développement du marché du luxe d’occasion181 qui présente
pourtant un intérêt considérable pour l’industrie.
Cet ensemble de difficultés et obstacles à l’offensive des marques de luxe impose de
prendre un tournant adéquat pour affronter de manière plus efficace les contrefacteurs.
L’anticipation et l’adaptation paraissent de rigueur et il semble nécessaire, pour l’industrie
du luxe, de privilégier une action en amont face à l’insuffisance des opportunités offertes
par le droit a posteriori. Au fil du temps, de nouvelles techniques de lutte ont émergé et
l’intérêt qu’elles représentent est grandissant eu égard aux enjeux auxquels les marques de
luxe sont actuellement confrontées. A défaut de pouvoir réagir de manière efficace, elles
177 Besse, « Authentifier.com : l’expertise contre la contrefaçon », supra note 175. ; « Analyse en ligne d'articles et accessoires de luxe de seconde main », supra note 175. 178 Loÿs de La Soudière, « Le luxe d’occasion face au défi de la traçabilité » (28 mai 2019) en ligne : Stratégies <http://www.strategies.fr/blogs-opinions/idees-tribunes/4029815W/le-luxe-d-occasion-face-au-defi-de-la-tracabilite.html>. 179 Ibid. 180 Schwab, supra note 156. 181 Besse, « Authentifier.com : l’expertise contre la contrefaçon », supra note 175.
44
doivent tout mettre en œuvre pour s’assurer une protection à la hauteur du phénomène et
tirer profit du large panel de techniques dont elles disposent pour lutter contre la
contrefaçon.
45
Chapitre 2 : Les nouvelles techniques de lutte anti-contrefaçon au bénéfice des marques de luxe
Face à cette multitude d’obstacles freinant les marques de luxe dans leur lutte
contre la contrefaçon, il est indispensable de trouver des solutions adéquates et de
s’appuyer sur les divers recours, susceptibles de venir au soutien de l’industrie du luxe. Il
s’agit de s’intéresser à l’éventail des techniques dont les marques de luxe disposent pour
lutter contre la contrefaçon. Des outils traditionnels aux solutions modernes, il est
nécessaire de tirer profit de tous ces moyens afin de renforcer leur protection. Le fléau
permanent et accru de la contrefaçon ne pourra s’atténuer de si tôt et, force est de constater,
qu’il est indispensable de réagir en faisant preuve de davantage de pro activité et
d’anticipation. Les nouvelles techniques de lutte font nécessairement appel aux marques de
luxe elles-mêmes et nécessitent de passer par un renforcement de la stratégie de protection,
qu’elles s’efforcent de déployer pour garantir la valorisation de leurs actifs de propriété
intellectuelle (I). Mais les marques de luxe ne peuvent envisager de vaincre seules le
combat, elles doivent s’appuyer et se servir de la collaboration offerte par les différents
acteurs impliqués dans la répression (II), tout en ayant recours aux nouvelles technologies,
outils complémentaires davantage adaptés aux enjeux actuels liés au numérique (III).
I. Le renforcement en amont de la stratégie de protection des marques de luxe
Selon maître Emmanuelle Hoffman, avocate spécialisée dans le droit de la mode,
les marques de luxe doivent « être dans l’action et non dans la réaction »182 . A défaut de
pouvoir réagir efficacement et de disposer d’outils de répression efficace, les marques
doivent user des outils classiques dont elles disposent pour prévenir et éviter au mieux les
182 Claire Domergue, « Cyber contrefaçon : un fléau pour l’industrie du luxe » (Interview d’Emmanuelle Hoffman), en ligne : <https://5af95f36-ac2e-4209-957d-c34fd3b80206.filesusr.com/ugd/ffd882_ec6d7f706a3640f8aa25cfabf57a28f1.pdf>.
46
cas de contrefaçon. Les marques doivent être suffisamment préventives, s’assurer une
protection adaptée en amont et optimiser l’utilisation des outils classiques dont elles
disposent. A défaut de pouvoir être réactives en ligne, les marques de luxe doivent adopter
une démarche proactive et anticiper les risques de contrefaçon pouvant intervenir183.
L’ « anticipation » est le maitre mot et permet de limiter au maximum les risques
susceptibles de survenir. Le renforcement de leur stratégie de protection passe
nécessairement par une adaptation de leur protection par la propriété intellectuelle afin
qu’elle s’intègre davantage dans les problématiques et enjeux actuels (A). Le système de
distribution sélective est également un atout non négligeable dont bénéficient les marques
de prestige qui doit être valorisé et révisé afin de pallier son obsolescence face aux
distributeurs, aujourd’hui en grande partie en ligne (B).
A. L’adaptation de la protection par la propriété intellectuelle aux enjeux actuels
Pour les entreprises, l’objectif est de mettre en place des mesures anti-contrefaçon
avec une meilleure protection du produit, rendant plus difficile la copie184. Le réflexe de la
propriété intellectuelle est essentiel car cela revient moins cher de protéger en amont qu'en
aval. « La propriété intellectuelle n'est pas une dépense mais un investissement »185 comme
le souligne à nouveau Emmanuelle Hoffman. La nécessité d'une protection des droits de
propriété intellectuelle a été affirmée et est réapparue comme une modalité essentielle de la
lutte à entreprendre en la matière.
Les marques doivent redoubler d’inventivité et de solutions novatrices dans la protection
des produits de luxe ou des marques elles-mêmes afin de parvenir à contrer le phénomène
de la contrefaçon. Pour se faire, il convient de s’appuyer sur la multitude de possibilités
183 Jung et Langlais, supra note 28. 184 Laurence Duarte, « Comment mieux combattre la contrefaçon » (20 mai 2019) en ligne : Harvard Business Review <https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/05/26022-comment-mieux-combattre-la-contrefacon/>. 185 Moreaux, supra note 29.
47
s’offrant aux titulaires de marques et caractérisées par le large panel de signes éligibles à la
protection.
A priori, n’importe quel signe paraît éligible comme marque ; dénominations, signes
sonores, signes figuratifs ou encore couleurs186. Le choix du signe et surtout sa validité,
reste simplement conditionnés au respect d’exigences telles que la distinctivité, dans le but
de réaliser sa fonction d'indication d'origine du produit ou du service désigné. Ces prérequis
résultent de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, reprenant l’article 3 de
la Directive (UE) 2015/243614187 issue de la réforme du « Paquet-Marques » adoptée en
2015.
Ainsi, en matière de marque, le droit peut porter sur le produit lui-même ou son
conditionnement et doit servir à « distinguer les produits ou services d'une personne
physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales »188 et doit
« permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l'objet de la
protection conférée à son titulaire »189.
Les seules limites auxquelles sont confrontées les marques sont celles de l’article L.711-2
du Code de la propriété intellectuelle, lequel prévoit les cas dans lesquels les signes sont
susceptibles d’être déclarés nuls. Pour les marques de luxe, le point le plus pertinent à
évoquer serait certainement celui prévu au 5ème alinéa, dans le cas où le « signe (serait)
constitué exclusivement par la forme ou une autre caractéristique du produit imposée par la
nature même de ce produit, nécessaire à l'obtention d'un résultat technique ou qui confère à
ce produit une valeur substantielle »190 .
Par conséquent, ces dispositions permettent de protéger à titre de marque un motif
particulier de tissu, une partie de chaussure ou même encore un flacon191. Autant de
186 Georges Bonet, « Synthèse : Marques. Signes protégeables » (2020) Fasc. 7140 JurisClasseur Marques – Dessins et modèles. 187 Directive (UE) 2015/2436 rapprochant les législations des États membres sur les marques, 16 décembre 2015. 188 CPI, art. L. 711-1 al. 1. 189 CPI, art. L. 711-1 al. 2. 190 CPI, art. L. 711-2. 191 Dumont, supra note 164.
48
spécificités, détails et subtilités permettant de caractériser la marque et de se démarquer afin
de pouvoir, in fine, repérer les potentielles contrefaçons.
Au regard des produits de luxe, l’idée est d’anticiper les contrefaçons en tenant compte des
variations susceptibles d’intervenir lors de l’enregistrement dans le but de devancer les
contrefacteurs. Certaines grandes marques de luxe ont bien compris qu’il était judicieux de
tourner la contrefaçon à leur avantage et ainsi prendre les contrefacteurs à leur propre jeu.
Aujourd’hui, les marques de luxe, elles-mêmes, détournent leur logo et parodient la
contrefaçon192. Ces évolutions sont liées « au monde digital, dans lequel il ne peut y avoir
de discours vertical » analyse Benjamin Simmenauer, professeur à l’Institut français de la
mode. Les marques « qui se tournent elles-mêmes en dérision sont celles qui fonctionnent
le mieux aujourd’hui ». Par l’ « autoparodie », le luxe rompt avec les codes classiques afin
de montrer que la mode s’aligne sur la réalité du marché et sa clientèle « jeune et
connectée »193. On retrouve, à nouveau, la mention des réseaux sociaux et surtout
« Instagram » sur lequel certains comptes parodient les marques avec succès.
En octobre 2016, le label « Vêtements » a commercialisé à Séoul une collection capsule
baptisée « Official Fake ». De même, la prestigieuse marque « Dior » vend des sacs sur
lesquels se trouvent apposée une plaque avec la mention « J’adior », parodiant la mention
bien connue de la marque, « J’adore ». Enfin, « Louis Vuitton » collabore même avec la
marque « Supreme » pour la production de sacs, bien que cette dernière ait été attaquée en
2000 pour avoir reproduit le fameux logo sur ses planches de skateboard194.
Si les grandes marques de luxe peuvent se permettre un tel écart et une si grande
autodérision, cela ne signifie pas que la justification offerte par une possible « marque de
dérision » soit de nature à écarter la contrefaçon195. Ainsi, certaines décisions sont placées
192 Domergue, supra note 182. 193 Sophie Abriat, « La mode prend la contrefaçon à revers » (8 septembre 2017) en ligne : Le Monde < https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2017/09/08/la-mode-prend-la-contrefacon-a-revers_5182603_4497319.html>. 194 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 17. 195 Isabelle Camus, « La parodie de marque : un défi mondial pour les marques de luxe » (2015) 56 Propr. intell. 241.
49
sur ce terrain pour légitimer des imitations parodiques de marques196 considérant qu'en
l'absence de risque de confusion sur l'origine des produits désignés par la marque, aucune
contrefaçon n'est constituée.
A la différence de la marque reproduite à l’identique, la marque qui est simplement imitée
ne pourra constituer une contrefaçon qu’à la condition que cet acte induise une confusion
dans l'esprit public197. On opère donc une distinction entre la contrefaçon par reproduction
d’un signe à l’identique et l’imitation qui serait constitutive d’une contrefaçon. L’article L.
713-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une telle interdiction au regard de
l’appréciation du signe et des services désignés, qualifiés comme « identiques » ou
« similaires ». L’acte de contrefaçon est bien établi si la marque est utilisée pour des
produits ou services identiques à ceux qui sont indiqués dans l'enregistrement de la marque
protégée198 mais également lorsque le signe ou les services en cause ne sont que similaires.
Dans ce cas, lorsque les composantes de la marques ne sont pas reproduites à l’identiques,
il est nécessaire de caractériser « un risque de confusion incluant le risque d'association du
signe avec la marque »199 authentique, dans l’esprit des consommateurs. De ce fait, même
si les produits sont similaires, la contrefaçon ne pourra être constituée sans confusion200.
Toutefois, une absence de « risque de confusion » ne peut suffire, à elle seule, à légitimer
l'usage d'un détournement de la marque. De telle manière, un vendeur de chaussures
revêtues de la dénomination « Yves Saint-Lorent's » n'échappe pas à la
contrefaçon pour cette seule raison que, le détournement de la célèbre marque « Yves
Saint-Laurent » est tellement manifeste que « le public ne saurait être induit en erreur sur la
provenance des produits »201.
196 Ibid. 197 Alexandre Le Gars, « La contrefaçon des marques dans le luxe : l'approche du droit commercial (jurisprudence française et européenne) » (2011) 12 Propr. industr. Etude 21. 198 CPI, art. L. 713-2 1). 199 CPI, art. L. 713-2 2). 200 Le Gars, supra note 197. 201 Marie Malaurie-Vignal, « Propriétés intellectuelles et parodie à des fins commerciales dans le secteur de la mode » (2017) 12 Propr. industr. Etude 32. ; Voir en ce sens : CA Paris, 20 mai 1992 : Gaz. Pal. 1994, 2, somm. p 596 : « C'est à tort que celui qui imite illicitement une marque soutient qu'un client d'attention et de culture moyennes ne saurait supposer que les chaussures revêtues de la dénomination "Yves Saint-Lorent's" sont des chaussures provenant de la prestigieuse maison Yves Saint-Laurent ».
50
De la même façon, la Cour d'appel de Paris a sanctionné le déposant de la marque « ça
lèche », imitation de la célèbre marque « Calèche »202 de la société Hermès, pour désigner
des produits de parfumerie, au motif que cette « marque de dérision » n’était pas de nature à
écarter la contrefaçon203. Il a été relevé que cette expression présentait une « quasi identité
visuelle et phonétique »204 avec la fameuse marque d’Hermès : « la déformation légère du
son par la cédille du ç, dans un but de dérision que souligne le sens de l’expression « ça
lèche » appliquée à un parfum, n’exclut pas la similitude presque totale des deux
appellations »205 . L’expression constitue donc bien une contrefaçon.
Au regard de la procédure de dépôt, le choix est particulièrement stratégique et important
pour assurer aux marques de luxe une protection adéquate et renforcée. Les marques
doivent être vigilantes et doivent notamment anticiper les zones géographiques sur
lesquelles elles seront distribuées afin de pouvoir limiter au mieux les risques de
contrefaçon206. Est sous-entendu le cas bien connu de la Chine, où les vendeurs chinois
parviennent à faire preuve d’une grande imagination pour écouler des quantités
impressionnantes de faux biens à l’effigie des marques les plus célèbres207.
La Chine apparaît comme le principal point de départ des marchandises contrefaites208
depuis plusieurs années, représentant environ 66 % des articles saisis. Ainsi, les spécialistes
conseillent fortement aux entreprises souhaitant déposer une marque, de le faire en Chine
car le marché asiatique est le « roi de la contrefaçon ». Qui plus est, la grande majorité des
sites Internet litigieux sont hébergés à l'étranger et en particulier en Chine209.
Plusieurs retours d'expérience, même de jeunes créateurs, ont montré combien le dépôt de
leur marque à l’international pouvait être vital et à quel point il était compliqué de 202 WIPO, Marque n°337473, en ligne : <https://www3.wipo.int/branddb/fr/showData.jsp?ID=MAD.0337473>. 203 CA Paris, 21 nov. 1989, PIBD 1990, n°481, III, à la p 422. ; Voir aussi : CA Paris, Pôle 5, 2e ch., 11 déc. 2015, n° 14/23109, JurisData n° 2015-027964 ; obs. Jocelyne Cayron, « Un an de droit des marques dans le secteur vitivinicole » (2016) 10 Propr. industr. Etude 7, à propos d’ « objets revêtus de logos imitant les marques de la société Pernod Ricard sous forme humoristique ». 204 Claire Etrillard, « La parodie en droit des marques » (2003) 4 Revue Juridique de l’Ouest à la p 453. 205 CA Paris, 21 nov. 1989, supra note 203 à la p 442. 206 Domergue, supra note 182. 207 Moreira, supra note 14. 208 Pierre Massot, « Rôle des douanes en matière de contrefaçon » (2015) 7530 JurisClasseur Marques - Dessins et modèles. 209 Nicolet, supra note 151.
51
poursuivre des contrefacteurs (comme développé en première partie). On relève
l’importance et l’intérêt pour une maison de luxe d’exploiter au mieux la protection de ses
actifs par un titre de propriété industrielle renouvelable et susceptible de perdurer210. Mais
la propriété intellectuelle n’est pas le seul recours des marques de luxe et celles-ci peuvent
également compter sur les avantages offerts par le système de distribution sélective dont
elles bénéficient.
B. La révision d’un système de distribution sélective obsolète
« Il n’y a pas de marque de luxe ou premium sans distribution sélective »211
rappelle maître Annabelle Gauberti. Or, force est de constater que le système de
distribution sélective des marques de luxe est obsolète et peu adapté aux enjeux actuels. Le
choix du circuit de distribution est pourtant important pour l’image de la marque, c’est un
droit dont bénéficient les marques de luxe et qu’elles doivent s’approprier pour davantage
de vigilance.
La distribution sélective est le mode de distribution le mieux adapté aux produits de luxe et
celui auquel les grandes maisons sont le plus attachées pour écouler leurs produits. Il s’agit
de la technique la plus utilisée pour les parfums, les cosmétiques, les accessoires de cuir ou
même le prêt-à-porter212. Les fournisseurs ont, très tôt, eu recours à la distribution sélective
concernant la distribution des produits de luxe ou de produits disposant d’une forte
notoriété.
En ayant recours à ce système, le fabricant ne vend ses produits qu’aux seuls revendeurs
qu’il a sélectionnés à partir de « critères objectifs de caractère qualitatifs sans
210 Dumont, supra note 164. 211 Xavier Derville et Jean-Noël Kapferer, « Distribution : pourquoi les marques de luxe doivent rester sélectives » (20 mars 2018) en ligne : Harvard Business Review <https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/03/19683-marques-de-luxe-doivent-preserver-distribution-selective/>. 212 Annabelle Gauberti, « Pourquoi la distribution sélective a du sens pour une maison de luxe ou de mode premium ? » (22 octobre 2014) en ligne : Village de la justice <https://www.village-justice.com/articles/Pourquoi-distribution-selective,18098.html>.
52
discrimination à l'égard de tous les revendeurs potentiels »213. Par ce biais, il leur est ainsi
possible de réserver la commercialisation de produits à certains distributeurs uniquement et
d’en exclure tous les autres214.
Le but de cette pratique est de permettre d’assurer des conditions de commercialisation en
adéquation avec le prestige des produits issus des maisons de luxe215. Les critères de
sélection des distributeurs visent à assurer une cohérence entre l’ensemble des espaces de
vente et l’image du créateur et de ses produits216. En outre, ces critères doivent être fixés
proportionnellement aux objectifs fixés. Ils sont nécessaires et proportionnés aux objectifs
que poursuit la marque par la mise en place d’un tel réseau217.
Ce système trouve sa légitimité dans les décisions rendues par la Cour de justice de l'Union
européenne (ci-après, la « CJUE »), faisant suite aux débats et discussions ayant pris place
devant les juridictions nationales. L'arrêt Métro I, rendu en 1977 par la CJCE, a été le
premier en la matière, établissant les caractéristiques et contours de l’accord de distribution
sélective218. La licéité de ce dernier s’apprécie eu égard à l'article 101, paragraphe 1 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : « TFUE »)219. Cet article
renvoie aux accords interdits à raison de leur incompatibilité avec le marché intérieur et
susceptibles de « d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence »220 .
Bien que les accords de distribution sélective aient pu faire l’objet de vives dénonciations,
la jurisprudence a pu considérer que ceux-ci n’étaient pas restrictifs de concurrence.
Toutefois, ils doivent nécessairement concerner des produits spécifiques d’une nature
particulière. En effet, dans le cadre de la préservation de l’image de marque et des produits
et de la garantie de la qualité, il a été jugé que les « produits de luxe » ou « présentant une
haute technicité » répondaient à ces critères. Ainsi, les cosmétiques de luxe par exemple ou
213 Alexandre Lacresse, Hélène Leung, Barbara Monti, « Marketplaces et réseaux de distribution sélective : quel encadrement ? » (2019) 81 RLDC. 214 Ibid 215 Gauberti, supra note 212. 216 Duarte, supra note 184. 217 Lacresse, Leung et Monti, supra note 213. 218 CJCE, 25 oct. 1977, aff. 26/76, Metro / Commission. 219 Lacresse, Leung et Monti, supra note 213. 220 TFUE, art. 101 (1).
53
certains articles d’horlogerie d’une grande complexité technique, ont pu être jugés
« dignes » de cette protection221.
Qui plus est, les marques de luxe se sont vues octroyer une protection élargie par la CJCE
et la Cour de cassation. De ce fait, le titulaire d'une grande marque du luxe dispose d’une
certaine primauté lui octroyant la faculté d’interdire la commercialisation de produits
contrefaits dès lors que les produits sont revendus par une personne titulaire d'une licence
d'une marque notoire sans l'accord du titulaire de la marque. Dans ce cadre et même s’il
existe un accord de distribution sélective, celui-ci s’efface au profit des intérêts titulaire de
droits222.
A l’origine de nombreux débats eu égard à la comptabilité de tels accords avec le TFUE, et
particulièrement son article 101, le Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission sur les
restrictions verticales du 20 avril 2010223, entré en vigueur le 1er juin 2010, ainsi que les
lignes directrices sur les restrictions verticales224 (ci-après : « lignes directrices ») viennent
mettre fin à ces oppositions. Ces textes ont fourni un système d’exemption à l’interdiction
de principe des accords relevant de l’article 101 (1) TFUE. Pour se faire, ce système se base
sur l’importance des parts de marché détenues par les sociétés en cause225. Celles-ci ne
doivent pas dépasser 30% et les accords ne peuvent contenir l’une des restrictions
« caractérisées ou exclues » visées par le règlement226.
Désormais, il semble donc exister une sphère de sécurité inébranlable en vertu de laquelle
un système de distribution sélective, qualitatif ou quantitatif, pourra bénéficier d’une
exemption prévue à l’article 101 (3) TFUE, sous réserve du respect des conditions liées aux
parts de marché et restrictions précitées227.
221 Aurélien Condomines, « Le point sur la distribution sélective » (2020) en ligne : Aramis publications <https://www.aramis-law.com/fr/publications/le-point-sur-la-distribution-selective/>. 222 Le Gars, supra note 197. 223 Règlement (UE) 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, 20 avril 2010, JOUE L/102, à la p 1. 224 Lignes directrices sur les restrictions verticales, 19 mai 2010, JOUE C/130, à la p 1. 225 Lacresse, Leung et Monti, supra note 213. 226 Règlement (UE) 330/2010, supra note 223, art. 4 et art. 5 ; Lignes directrices sur les restrictions verticales, supra note 224 au para 176. 227 Lacresse, Leung et Monti, supra note 213.
54
Il apparaît donc essentiel de bien sélectionner les revendeurs, de choisir avec soin les
fournisseurs et distributeurs, plus à même de surveiller la distribution et livraison des
produits, dans le but d’ « empêcher la contrefaçon de pénétrer dans les canaux
légitimes »228. Face à la multiplication des réseaux de distribution et techniques de
commercialisation, ce sont aujourd’hui les plateformes d’e-commerce généralistes qui
évoquent leur volonté d’ « ajouter le luxe à leur catalogue pour accroitre leur leadership sur
ce marché »229.
Ainsi, cette protection s’étend également à Internet où la prohibition de la contrefaçon est
un enjeu majeur face aux nombreux procédés détournés des contrefacteurs. L'annonceur est
responsable de contrefaçon lorsqu'il fait naitre un risque de confusion entre l'usage de
marque contrefaite et la marque protégée230.
Dans un arrêt du 13 juillet 2010, Société Google France, la Cour de cassation condamne un
annonceur prônant un produit contrefait et énonce que :
Le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d'un mot-clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que le signe incriminé, tel qu'il apparaît à l'utilisateur du moteur de recherche, constitue à tout le moins une imitation de cette marque, et ce pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement 231.
L’évolution du droit de la concurrence est aussi favorable aux marques de luxe en ce sens
qu’il leur confère une plus grande flexibilité en particulier pour ce qui a trait à la définition
et l’application des critères de sélection des revendeurs232. En vertu des lignes directrices
228 Duarte, supra note 184. 229 Derville et Kapferer, supra note 211. 230 Voir en ce sens : CJUE, 1re ch., 25 mars 2010, aff. C-278/08, Die BergSpechte. 231 Cass. com., 13 juill. 2010, n° 06-15.136, Société Google France. 232 Gauberti, supra note 212.
55
(au point 54), le fournisseur jouit de la possibilité « d'exiger de ses distributeurs qu'ils
disposent d'un ou de plusieurs points de vente physiques comme condition pour pouvoir
devenir membre de son système de distribution »233.
Cette disposition est le fruit d'une bataille menée par plusieurs marques de luxe, soucieuses
de leur image face aux sites Internet. Elles exigeaient donc l’existence préalable d’un tel
point de vente physique, considéré comme indispensable234.
Toutefois, un autre débat important est né concernant la vente de produits sous distribution
sélective sur Internet. En effet, cet avantage octroyé reste cependant encadré par le droit de
la concurrence car les distributeurs agréés doivent pouvoir vendre les produits sur
Internet235. En effet, l’interdiction faite par le fabricant à ses distributeurs de vendre ses
produits sur Internet bien que ceux-ci soient membres du réseau de distribution sélective,
est contraire aux règles posées aux articles 101 du TUE et L.420-1 du Code de commerce
selon l’Autorité française de la concurrence. Cette position est également soutenue par la
Commission européenne.
Dans ses lignes directrices de 2010, la Commission admet que le fabriquant puisse imposer
aux distributeurs que les sites Internet respectent certaines normes de qualité, à l’image de
ce qui pourrait être fait dans les magasins et points de vente physiques, ainsi que certaines
règles relatives à la promotion des produits. Cependant, cette question n’est pas
explicitement traitée au regard de la vente sur Internet. Dans le nouveau règlement, des
doutes subsistes quant à l’existence de cette « interdiction d’interdire »236 à des
distributeurs agréés de vendre en ligne. Une question préjudicielle a même été posée à la
CJUE par la Cour d’appel de Paris en octobre 2009 à ce sujet. Sa réponse est toujours en
suspens et pourrait remettre en cause une telle approche237.
233 Lignes directrices sur les restrictions verticales, supra note 224 au point 54. 234 Le Salver, supra note 157. 235 Condomines, supra note 221. 236 Ibid. 237 Ibid.
56
Dans un Avis rendu en 2012, sur le fonctionnement concurrentiel du commerce
électronique238, l’Autorité française de la concurrence refusait toujours d'arrêter une
position définitive sur le recours aux plateformes tierces239. Pour autant, elle s’appuyait sur
le contenu des lignes directrices et sur l’idée selon laquelle « le fournisseur peut exiger que
ses distributeurs ne recourent à des plateformes tierces pour distribuer les produits
contractuels que dans le respect des normes et conditions qu'il a convenues avec eux pour
l'utilisation d'Internet par les distributeurs »240 .
En revanche, les conditions imposées à la vente en ligne doivent rester en concordance avec
les objectifs et résultats de la vente « hors ligne ». L’existence d’une différence ne peut être
justifiée que par la nature différente de ces deux modes de distribution. De plus, l'Autorité
de la concurrence fournit des précisions relatives à l’interdiction de recourir
aux marketplaces. Si une plateforme est susceptible de restreindre la concurrence sur les
marchés concernés, celle-ci doit être proportionnée à l'objectif poursuivi241, qu'il s'agisse du
« respect de l'image de marque ou de la prévention de la vente de produits contrefaits ou
vendus hors-réseau »242 .
Pour qu’Internet soit moins un « objet d’angoisse » qu’une « source d’opportunités » pour
les marques de luxe, il semble indispensable de structurer contractuellement cette
distribution en ligne de leurs produits avec des distributeurs disposant des moyens adéquats
et qui sont clairement identifiés sur un site portail géré directement par le producteur à la
tête du réseau243.
Face aux diverses incertitudes et difficultés de mises en œuvres pour les marques de luxe
d’agir efficacement contre la contrefaçon notamment au regard de la place prépondérante
d’Internet, les marques doivent également s’appuyer sur la collaboration d’autres acteurs
pour se constituer un arsenal suffisant d’armes contre la contrefaçon.
238 Autorité de la concurrence, Fonctionnement concurrentiel du commerce électronique, Avis nº 12-A-20, 18 sept. 2012. 239 Lacresse, Leung et Monti, supra note 213. 240 Autorité de la concurrence, supra note 238 au point 355. 241 Lacresse, Leung et Monti, supra note 213. 242 Autorité de la concurrence, supra note 238. 243 Christophe Roquilly, « Luxe, droit et Internet » (2004) 71 RLDI.
57
II. L’amélioration de la collaboration entre les acteurs impliqués dans le circuit de la contrefaçon
Cette lutte contre la contrefaçon ne pourra être gagnée sans le soutien d’autres
acteurs externes, également impliqués dans le circuit de la contrefaçon où chaque étape
cruciale doit être envisagée. Ce circuit implique une vigilance accrue et des efforts
mutualisés de tous les acteurs de la répression. Leur soutien est nécessaire et leur rôle
fondamental pour l’industrie du luxe. Les marques de luxe doivent donc renforcer leurs
accords et insister sur la coopération des acteurs en ligne afin d’optimiser la surveillance
des contenus proposés (A) mais également de la collaboration des services douaniers,
constitutifs d’une aide physique complémentaire et indispensable (B).
A. L’importance d’une coopération accrue des acteurs en ligne dans la surveillance des contenus
Face à l’insuffisance des solutions issues du droit, les marques de luxe doivent
travailler en étroite collaboration avec les acteurs d’Internet comme le souligne maître
Annabelle Gauberti : « lawyers and internet companies must work together, in order to
implement the wide spectrum of legal and non-legal solutions offered to fashion and luxury
brands to fight against brand dilution, counterfeiting and reputational risks online »244.
244 Annabelle Gauberti, « Is intellectual property in fashion & luxury a relevant topic? You bet! » (9 mars 2015) en ligne : Crefovi <https://crefovi.com/media-coverage/is-intellectual-property-in-fashion-luxury-a-relevant-topic/>. ; « les avocats et les sociétés Internet doivent travailler ensemble, afin de mettre en œuvre le large éventail de solutions juridiques et non juridiques offertes aux marques de mode et de luxe pour lutter contre la dilution des marques, la contrefaçon et les risques de réputation en ligne ».
58
Il est nécessaire de trouver des solutions afin d’organiser une veille en temps réel efficace,
dans le but d’accroitre la réactivité des grandes marques. Cela laisse émerger l’importance
d’une association de tous les acteurs de la répression, tant publics que privés245.
La coopération et participation active de tous les acteurs est donc essentielle, la « bataille
contre les contrefacteurs » ne pouvant certainement pas être gagnée par l’entreprise seule246
souligne Laurence Duarte, spécialiste de la stratégie des marques de luxe.
En effet, les inspections des contenus sont très couteux et particulièrement lentes ce qui
empêche de détecter aisément les contrefaçons. L’authentification et la protection renforcée
des marques passe forcément par un partenariat avec d’autres marques, mais aussi avec des
sociétés de services de paiement, des réseaux sociaux ou des sites d’enchères247.
Les plateformes de vente en ligne font preuve de plus en plus de vigilance et se trouvent
être également impliquées dans la lutte anti-contrefaçon. La plupart d’entre elles
intensifient leurs efforts et mettent à disposition des outils de surveillance de contenus tels
que le filtrage par mots clés ou encore la veille, réalisée par des équipes dédiées et par les
utilisateurs eux-mêmes. De plus, certaines plateformes ont adopté le fameux système du
tiers de confiance. Ainsi, celles-ci ne paient le vendeur que lorsque l’acheteur ne conteste
pas l’authenticité du produit vendu248.
Les marques tentent de travailler en étroite collaboration avec les plateformes, proposant
leur propre système de surveillance. Pour exemple, le site « Alibaba » a ouvert en 2017 une
plateforme de protection de la propriété intellectuelle où les marques peuvent y déposer des
plaintes et recevoir des réponses rapides dans un délai de vingt-quatre heures. Elle a ainsi
déclaré avoir saisi près d'un demi-milliard de dollars de produits contrefaits en 2018 par
l'intermédiaire de l' « Alliance anti-contrefaçon » d’ « Alibaba »249.
245 Florence Meuris-Guerrero, « La contrefaçon sur internet des produits de luxe et des produits règlementés » (2019) 7-8 Comm. com. électr. 56. 246 Duarte, supra note 184. 247 Ibid. 248 Laurence Dreyfuss-Bechmann, « Paroles d’experts – Lutter contre la Contrefaçon sur Internet » (31 mars 2017) en ligne : IEEPI <https://www.ieepi.org/paroles-dexperts-lutter-contre-contrefacon-internet/>. 249 Andrea Stroppa, Davide Gatto, Lev Pasha et Bernardo Parrella. Instagram and counterfeiting in 2019: new features, old problems, Rapport d’enquête, 2019, en ligne : Ghostdata,
59
« Amazon » a aussi lancé son « Projet Zéro » qui « permettra aux marques de retirer les
listes de contrefaçon de leurs produits »250. « PriceMinister », quant à lui, s’engage à ce que
le site présente des produits non contrefaisants. Pour se faire, il a mis en place une cellule
contre la contrefaçon contrôlant les annonces suspectes à l’aide de mots-clés251. Il en va de
même pour Ebay qui, à la suite de sa mise en cause, a développé un « arsenal de lutte
contre la contrefaçon reposant sur des moyens technologiques innovants et sur la
collaboration étroite avec les marques et les forces de l’ordre »252. La société propose donc
la suppression des annonces suspectes, opère une vérification renforcée de l’identité des
vendeurs, potentiellement contrefacteurs, limite le volume de vente sur des objets suspects
et supprime les comptes des vendeurs de contrefaçons253.
On retrouve également le réseau social « Instagram », qui affirme utiliser des systèmes
sophistiqués de détection et de blocage des spams pour lutter contre la contrefaçon254. De
plus, récemment, celui-ci a déclaré qu’il comptait sur le développement de nouvelles
techniques d’achat qui permettraient aux internautes de passer commande directement
auprès des influenceurs. Cette amélioration de l’offre légale a pour ambition de diminuer, à
terme, le nombre d’actes de contrefaçon255.
Des accords avec les moteurs de recherche ont également pu être trouvés dans le but de
lutter contre la contrefaçon. Ainsi, le groupe LVMH a signé en 2014 un accord avec
« Google », engageant la firme à lutter contre la contrefaçon et, notamment, la
commercialisation de mots-clés contenant les marques de LVMH. Est particulièrement
<https://ghostdata.io/report/Instagram_Counterfeiting_GD.pdf>. ; Voir en ce sens Ben Wodecki, « Half a billion in counterfeit goods seized by Alibaba alliance operations » (2019), Intellectual Property Magazine. 250 Ibid. ; Voir aussi Chaim Gartenberg, « Amazon’s Project Zero will let brands remove counterfeit listings of their products » (28 février 2019) en ligne : The Verge <https://www.theverge.com/2019/2/28/18244603/amazon-project-zero-counterfeit-listing-remove-products>. 251 Master professionnel Droit du multimédia et de l'informatique, Paris II, Focus « Propriété intellectuelle - Internet et la contrefaçon dans l'industrie du luxe », supra note 24. 252 Binctin, supra note 133. 253 Ibid. 254 Enrique Moreira, « Comment les vendeurs en ligne chinois contournent la loi sur les contrefaçons » (18 janv. 2019) en ligne : Les Echos <https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/comment-les-vendeurs-en-ligne-chinois-contournent-la-loi-sur-les-contrefacons-614433>. 255 Meuris-Guerrero, supra note 245.
60
concernée la célèbre marque « Louis Vuitton » souffrant tout particulièrement de cette
pratique256.
Malgré les efforts constatés, un grand nombre de praticiens recommande de responsabiliser
davantage les hébergeurs dans le but de pallier le fléau de la cyber-contrefaçon257 en
renforçant la vigilance des intermédiaires.
En ce sens, la Cour des comptes préconise une réforme visant à revoir la directive sur le
commerce électronique en s’inspirant fortement de la Directive sur le droit d’auteur. Pour
faire évoluer ce statut, deux possibilités seraient envisageables : la soft law ou le droit « dur
». La première solution s’appuie sur des chartes et des accords entre les acteurs mais celle-
ci n’apparait suffisamment efficace car ils « ne freinent pas la contrefaçon». Qui plus est,
les délais de retrait des produits sont « jugés lents et peu homogènes entre les plateformes
», sans oublier que l’interprétation de la notion de « retrait dans les meilleurs délais » est
très variable. Ainsi, ces obligations semblent « trop imprécises, voire inexistantes, sur
certains points cruciaux, par exemple l’identification des vendeurs ou le traçage des
flux »258.
De surcroit, la piste législative apparaît privilégiée et s’inspire de l’article 17 de la directive
sur le droit d’auteur précité. Ainsi, la Cour des comptes évoque la nécessité de réviser la
Directive sur le commerce électronique et de doter les hébergeurs d’une obligation de
vigilance renforcée. « Les plateformes conserveraient leur régime de responsabilité limitée
caractérisé par une absence d’obligation de surveillance générale en amont pour éliminer
les contenus illicites (pas d’obligation de résultat) » indique la Cour, mais seulement « sous
réserve de faire leurs meilleurs efforts pour mettre en œuvre un certain nombre de mesures
de vigilance pour lutter contre les contenus illicites en général, et la contrefaçon en
particulier (une obligation de moyens) »259.
256 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 257 Domergue, supra note 182. 258 Cour des comptes, La lutte contre les contrefaçons : Une organisation et des outils pour mieux protéger les consommateurs et les droits de propriété́ industrielle, Communication au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, février 2020, en ligne : <https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-03/20200303-lutte-contre-les-contrefacons_0.pdf >. à la p 60. 259 Ibid. à la p 63.
61
Pour se faire, plusieurs moyens sont envisagés par la Cour tels que :
Vérifier l’identité des vendeurs et communiquer cette information aux consommateurs ; Faire les meilleurs efforts pour effectuer un traçage des flux permettant d’identifier les étapes de la chaîne de distribution, communicable aux ayants droit concernés ; Mettre en place une procédure de notification des contenus contrefaisant, avec un délai de retrait homogène et rapide (« notice and take down »), et visant également à empêcher que des contenus déjà signalés soient remis en ligne (« stay down ») via la mise en place d’outils techniques adaptés ; Informer le consommateur que l’annonce du bien qu’il a acheté a été retirée après la vente au motif qu’elle concernait une contrefaçon ; Communiquer aux consommateurs et aux ayants droit les mesures de vigilance mises en œuvre par la plateforme concernée, afin de permettre en toute transparence une évaluation du niveau de confiance dans les transactions sur le site concerné, et également aux ayants droit de travailler avec les plateformes à l’amélioration de l’efficacité des mesures 260.
A ce titre, la Cour des comptes recommande de prodiguer des « outils techniques de
reconnaissance déjà employés par certaines grandes plateformes numériques, dans le cadre
d’une coopération avec les ayants droit »261. Elle se réfère ici à des systèmes de
reconnaissance par empreinte et de filtrage.
Ces pistes prennent place dans le cadre de la réforme du « Digital Services Act ». La
Commission européenne a lancé, le 2 juin 2020, une consultation à ce sujet ayant pour
objectif la mise en place d’une régulation des plateformes numériques. Il s’agirait de mettre
à jour le cadre juridique actuel des services numériques. Pour la Cour des comptes,
l’ensemble de ces obligations pourrait être confié à une autorité de régulation, l’Autorité de
régulation des communications audiovisuelles et numériques (ARCOM), reprenant les
missions et compétences de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection
des droits sur Internet (Hadopi)262.
260 Ibid. 261 Ibid. 262 Marc Rees, « Propriété industrielle : la Cour des comptes veut une obligation de vigilance des hébergeurs » (5 mars 2020) en ligne : Next inpact < https://www.nextinpact.com/news/108756-propriete-industrielle-cour-comptes-veut-obligation-vigilance-hebergeurs.htm>.
62
En conclusion, la Cour estime « indispensable de réviser (la) directive (de 2000) afin de
renforcer les obligations juridiques des plateformes et de les inciter à des diligences
renforcées dans la lutte contre les contrefaçons »263.
Le soutien des intermédiaires en ligne apparaît donc indispensable mais il en est de même
de la coopération avec les acteurs physiques. Les services douaniers sont tout aussi
importants dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon et viennent en aide à l’industrie du
luxe dans un contexte où « la coopération est le mot d’ordre de la politique à mener face à
une épreuve comme celle de la contrefaçon264 ».
B. Le concours indispensable des services douaniers à l’action des marques de luxe à titre préventif
Les droits de propriété intellectuelle les plus touchés par les marchandises de
contrefaçon saisies sont en général les droits des marques (communautaires et
nationales)265. Les douanes de l’Union européenne ont uniformisé leurs pratiques en
mettant en place une coopération interétatique dans le but de lutter contre la contrefaçon.
Mais l’amplification et internationalisation du phénomène de contrefaçon a incité les Etats
à réagir et créer un cadre davantage international pour mieux combattre ce trafic266.
Dans le but d’assurer le respect de leurs droits de propriété intellectuelle, les titulaires
peuvent s’appuyer sur un ensemble de moyens nationaux et internationaux prévus,
notamment, par un texte important : l’Accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce (dit « ADPIC »)267. Les règles contenues sont des
« standards minimum » établissant un certain cadre de référence pour les Etats membres
263 Cour des comptes, supra note 258 à la p 64. 264 Buisson, supra note 159. 265 Massot, supra note 208. 266 Ibid. 267 OMC, Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC), 15 avril 1994.
63
concernant les procédures d’intervention des autorités douanières et les mesures pouvant
être mises en œuvre268.
Ainsi, selon l’article 51 dudit Accord, les titulaires de droits de marque bénéficient de la
possibilité de présenter aux autorités administratives ou judiciaires compétentes une
demande écrite afin de faire suspendre la mise en circulation des marchandises, s’ils ont des
motifs valables de soupçonner que celles-ci sont contrefaites et portent donc atteinte à leurs
droits269. L’article présente une conception large de la notion de « marchandises de marque
contrefaites », couvrant ainsi la reproduction à l’identique mais aussi l’imitation des
marques, sous réserve que cela soit « suffisamment évident »270. Cela permet de faciliter le
travail des autorités douanières et offre un avantage indéniable aux titulaires de droits.
Cette action, à titre préventif, prévoit une démarche simple, gratuite, valable un an et qui est
renouvelable sur demande. Pendant un délai de dix jours, la douane retient tout produit
suspect271 et cela permet aux titulaires de droits de confirmer la potentielle contrefaçon272.
Qui plus est, les marques de luxe peuvent recourir aux droits prévus au sein de l’article 57
de l’Accord sur les ADPIC. En effet, celui-ci établit un droit d’inspection et d’information
dans le but de garantir l’efficacité de l’article 51 précité. De ce fait, les titulaires de droit
ont la possibilité de faire inspecter toutes marchandises retenues par les autorités douanières
pour établir le bien fondé de leurs allégations. Ce droit est doublé du précieux droit à
l’information constitutif d’un moyen efficace d’identification des différents acteurs
participant au commerce de contrefaçons273. Pour permettre une action efficiente contre les
réseaux de contrefaçon, le droit français autorise la communication d’information avant
toute décision au fond relative à l’existence de l’acte de contrefaçon274.
Pour accroitre à nouveau l’implication des douanes dans la lutte contre la contrefaçon, il est
aussi possible de compter sur la coopération de services douaniers étrangers par le biais de
268 Massot, supra note 208. 269 Accord sur les ADPIC, art. 51. 270 Massot, supra note 208. 271 Accord sur les ADPIC, art. 55. 272 Dreyfuss-Bechmann, supra note 248. 273 Massot, supra note 208. 274 Ibid.
64
plusieurs accords avec, notamment, le groupe de luxe LVMH. En effet, en 2014, un
protocole d’accord a été signé entre le groupe et l’Algérie par exemple, pour lutter contre la
contrefaçon et la vente illicite de ses produits dans ce pays, où sont saisis environ deux à
trois millions d’articles contrefaits tous les ans275.
Un accord similaire peut être caractérisé avec la Direction de surveillance du marché du
Vietnam en date du 7 mai 2019. Ce protocole d’accord de coopération sur la lutte contre la
contrefaçon et la violation des droits de propriété intellectuelle a pour but de promouvoir la
coopération entre les parties et à « éliminer la contrefaçon et faire respecter les droits de
propriété intellectuelle » de sociétés représentées par LVMH en activité au Vietnam. Le
groupe entend fournir tous les éléments et informations nécessaires sur les marchandises
afin de distinguer le vrai du faux. Il souhaite également envoyer des experts pour aider à
authentifier les produits concernés276. En échange, le Vietnam prévoit de fournir à LVMH
les coordonnées des commerçants pouvant être à l’origine des contrefaçons ainsi que des
informations relatives aux types de produits, quantité et lieu des saisies, ainsi que le
résultats des sanctions imposées277.
En définitive, les services douaniers offrent une coopération intéressante pour les marques
de luxe qui ne doivent pas laisser de côté cet avantage. L’action, prévue par l’Accord, est
particulièrement pratique pour les marques mais reste pourtant peu utilisée. Ainsi, en 2019,
on ne dénombrait que 1 500 demandes d’intervention par an278. Cette faible demande
pourrait s’expliquer par l’inefficacité de la démarche au regard des contraintes et obstacles
dus à l’accentuation du commerce électronique. Les envois fractionnés et en très petites
quantités ne font qu’accroitre les difficultés pour les services douaniers.
Internet constitue aussi une « nouvelle frontière » pour les douanes qui ont dû adapter et
modifier leurs pratiques279. Ainsi, en 2009, a été crée un service douanier spécialisé :
275 « LVMH lutte contre la contrefaçon en Algérie » (2 avril 2014) Le Figaro, en ligne : <https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/04/02/97002-20140402FILWWW00247-lvmh-lutte-contre-la-contrefacon-en-algerie.php>. 276 « La Direction de surveillance du marché et LVMH scellent leur coopération » (7 mai 2019) en ligne : Le courrier du Vietnam <https://www.lecourrier.vn/la-direction-de-surveillance-du-marche-et-lvmh-scellent-leur-cooperation/605230.html>. 277 Ibid. 278 Moreaux, supra note 29. 279 Dreyfuss-Bechmann, supra note 248.
65
« Cyberdouane »280. Celui-ci permet de recueillir et d’exploiter les informations utiles sur
Internet dans le cadre du combat contre la contrefaçon281.
Les services douaniers jouent un rôle important et leur coopération est essentielle pour les
marques de luxe. La prévention est certainement la clé de la lutte anti-contrefaçon. Il est
nécessaire d’agir en amont pour bloquer la propagation du phénomène et l’arrivée sur le
territoire français de produits contrefaits. Si les mesures proactives sont nécessaires, il n’en
demeure pas moins que les marques doivent faire leur maximum pour dissuader les
contrefacteurs. L’industrie du luxe gagnerait à médiatiser les saisies effectuées par la suite,
susceptibles d’impacter plus largement les contrefacteurs et leur volonté toujours plus
grande de contourner la loi.
Au Canada, le renforcement des mesures de lutte contre la contrefaçon a été engagé
notamment grâce à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM)282 du 30 novembre
2018. Exigeant certaines modifications législatives, les autorités frontalières sont désormais
autorisées à prendre des mesures pour retenir les marchandises soupçonnées de
contrefaçon, transitant par le Canada. En effet, malgré l’adoption de mesures anti
contrefaçon dans la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits283, entrée en vigueur
en 2015, le Canada figurait toujours, en 2018, dans la liste de surveillance prioritaire des
Etats-Unis selon le « Rapport spécial 301 » du représentant au Commerce des Etats-Unis,
sur la compétence et l'efficacité de la protection des Droits de Propriété Intellectuelle dans
87 pays. La raison de cette mention tient au fait que le Canada servirait de point de
transbordement de marchandises contrefaites.
Sur ce même point, en France, la Direction générale du Trésor prône la nécessité
d’améliorer substantiellement les régimes aux frontières dans certains pays tels que l’Inde,
l’Equateur, la Thaïlande et à nouveau le Canada284. Certains considèrent même que ce
280 Domergue, supra note 182. 281 Dreyfuss-Bechmann, supra note 248. 282 Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), 30 novembre 2018 ; Voir en ce sens : Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), LC 2020, ch. 1. 283 Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, LC, 2014, c. 32. 284 Ministère de l’économie et des finances. « Propriété Intellectuelle et lutte anti-contrefaçon », Revue Propriété Intellectuelle et lutte anti-contrefaçon, Revue réalisée par la Direction générale du Trésor, Publication des services économiques, n°48, octobre 2019, à la p 24.
66
dernier est le point d’entrée privilégié de marchandises contrefaites en provenance
d’Asie285 et qu’il ne prend pas les mesures nécessaires pour empêcher ces produits d’entrer
ensuite aux États-Unis.
Ces nouveaux droits sont encore d’autres outils pratiques pour les titulaires de marques de
commerce. Si la douane est d’une aide précieuse pour les marques de luxe, celles-ci
peuvent également compter sur de nouveaux outils technologiques qui semblent être en
mesure de répondre à leur demande et aux enjeux actuels de la contrefaçon. Bien
qu’indispensable, le droit trouve ses limites et gagnerait à s’appuyer sur la complémentarité
offerte par les outils technologiques.
III. Le soutien des nouvelles technologies dans la lutte contre la contrefaçon des marques de luxe
« Après avoir été en symbiose avec l’art, le luxe entre en osmose avec la
technologie »286, par conséquent, il est nécessaire de s’intéresser aux nouvelles technologies
et leur utilité dans un contexte de lutte contre la contrefaçon. Leur recours offrirait aux
marques de luxe des solutions complémentaires, davantage adaptées à l’ère du numériques
et susceptibles de constituer des remèdes efficaces pour pallier les limites du droit positif.
Elles doivent prendre en compte ces solutions et se les approprier pour optimiser leur
défense et renforcer leur protection. Face aux divers procédés utilisés par les contrefacteurs
pour rester invisible, les nouvelles technologies proposent des solutions pour améliorer la
veille sur Internet. Ainsi, on retrouve parmi ces différents outils des techniques permettant
de détecter plus facilement les contrefaçons circulant sur la toile (A). De plus, a posteriori,
la question de l’authenticité du produit acquis est un sujet à prendre en compte pour les
marques de luxe qui risquent de voir leur image impactée en cas de tromperies subies par
285 Gouvernement du Canada, L'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) - Chapitre sur la propriété intellectuelle (dernière modification le 20 janvier 2020) en ligne : Gouvernement du Canada : <https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cusma-aceum/ip-pi.aspx?lang=fra>. 286 Carmen Turki Kervella, Le luxe et les nouvelles technologies, Paris, Maxima, 2016. à la p 11.
67
les consommateurs, demandant à s’assurer de l’authenticité de leurs achats. Face à la
multiplication des faux certificats de garantie, d’autres procédés permettent d’identifier les
produits de luxe afin de distinguer le « vrai » du « faux » et d’en assurer l’authenticité (B).
Dans cette quête de l’authentique, accrue par le nouvel enjeu de la seconde main, s’insère
inévitablement la technologie Blockchain susceptible, à terme, de permettre une meilleure
authentification grâce à la traçabilité des produits de luxe287 et un enregistrement
infalsifiable de leur certificat d’authenticité (C).
A. Des outils techniques adaptés à la veille sur Internet pour les marques de luxe : faciliter la détection en amont des produits contrefaits
La veille est devenue particulièrement difficile pour les marques de luxe, qui ne
peuvent assurer une surveillance permanente de la toile à la recherche de produits portant
atteinte à leurs droits. Ainsi, il est nécessaire de renforcer cette veille sur Internet pour
rester à l’affut de toute activité douteuse tant au regard des moteurs de recherche, des
réseaux sociaux, des sites d’enchères ou encore des petites annonces. Le recours aux
nouvelles technologies apparait donc indispensable.
Il est possible de mentionner trois technologies particulièrement adaptées à une telle
difficulté et ayant recours à l’Intelligence Artificielle : les outils WebDrone, LtuTech ou
encore LogoGrab.
Webdrone est une plateforme permettant de détecter automatiquement des informations
relatives à la cybercriminalité et les contrefaçons288. Elle repère les activités de ventes de
contrefaçons, copies, ventes parallèles. Considéré comme un vrai « dénicheur de
contrefaçons de luxe sur la toile »289, cet outil informatique s’appuie sur le Big Data,
287 Gregory Raymond, « Comment la blockchain lutte contre la contrefaçon dans le luxe » (3 février 2020) en ligne : Capital <https://www.capital.fr/entreprises-marches/comment-la-blockchain-lutte-contre-la-contrefacon-dans-le-luxe-1361250>. 288 Domergue, supra note 182. 289 Lorena Amandi, « Webdrone ou l’intelligence artificielle pour lutter contre la contrefaçon » (3 juillet 2018) en ligne : Les carnets du luxe <https://www.carnetsduluxe.com/a-la-une/webdrone-intelligence-artificielle-lutter-contre-contrefacon/ >. ; Voir aussi : Webdrone, « luxe et grandes marques » en ligne :
68
l’Intelligence Artificielle ainsi que sur l’expertise humaine pour découvrir les sites Internet
proposant à la vente des produits contrefaisants. En pratique, Webdrone scrute l’ensemble
de la toile à la recherche des fraudeurs. L’outil détecte les citations de marques, qu’elles
soient exactes ou simplement équivalentes, et les citations de produits sur l’ensemble des
types de publications : groupes, forums, réseaux sociaux, plateformes marchandes, petites
annonces, blogs, sites Internet290.
Une fois cette détection informatique réalisée, des experts prennent le relai et mènent un
travail d’enquête dans le but de remonter aux sources291. Tout ce travail permet aux
titulaires de droits de retrouver les vendeurs de ces produits contrefaits et ainsi de
surmonter l’obstacle de l’invisibilité de leur adversaire sur Internet.
Webdrone applique des règles particulières en fonction sur secteur d’investigation et se
trouve être particulièrement active sur le secteur du luxe. L’outil dispose d’un « pré-
paramétrage pour les secteurs des parfums, montres, accessoires de mode, sacs, et
lunettes »292. Ces paramétrages destinés aux « edrones » sont enrichis en fonction des
demandes des clients, son non exhaustifs et susceptibles d’évolution.
De sont côté, LtuTech développe les technologies de recherche visuelle telles que « la
reconnaissance d'images, la correspondance d'images, la recherche de couleurs et la
recherche de similitudes basée sur la forme et la texture »293. La startup construit des outils
de vision artificielle sur mesure permettant à ses clients de faciliter la gestion des bases de
données d'images et d’assurer, entre autre, la protection des marques. Qui plus est, ses
algorithmes sont d’une telle rapidité et efficacité, qu’ils lui permettent de traiter les requêtes
en une seconde seulement. Elle a donc développé une plateforme permettant aux marques
Webdrone <https://www.webdrone.fr/portfolio/luxe-et-grandes-marques/>. ; Marc Lomazzi, « Webdrone vient en soutien aux marques pour faire face à la contrefaçon, avec l’aide de la technologie » (21 octobre 2018) en ligne : Le Parisien < https://www.leparisien.fr/economie/leur-drone-virtuel-traque-les-contrefacons-21-10-2018-7924179.php>. 290 Webdrone, « luxe et grandes marques » en ligne : Webdrone <https://www.webdrone.fr/portfolio/luxe-et-grandes-marques/>. 291 Amandi, supra note 289. 292 Webdrone, supra note 290. 293 « Reconnaissance d’images: LTU lève 4,5 millions d’euros pour lutter contre la contrefaçon en ligne » (4 mai 2020) en ligne : franchweb < https://www.frenchweb.fr/reconnaissance-dimages-ltu-leve-45-millions-deuros-pour-lutter-contre-la-contrefacon-en-ligne/399609>. ; voir aussi LTU « Robust and Scalable Visual Search Technologies for Desktop and Mobile » en ligne : ltutech <https://www.ltutech.com>.
69
de contrôler la présence en ligne de leurs produits et de lutter contre la contrefaçon, en
fournissant une sorte de « carte identité » aux produits. De manière concrète, la solution
génère une signature unique basée sur les caractéristiques visuelles d’une image ou d’un
objet, permettant d’optimiser le temps d’identification des produits. LTU est considérée
comme « la technologie de reconnaissance d’images la plus aboutie et la plus compétitive
au niveau Européen »294.
Un autre outil intéressant est LogoGrab. Spécialisé dans la reconnaissance visuelle des
logos et des marques, il permet d'avoir une meilleure idée des marques les plus ciblées par
les contrefacteurs, notamment sur « Instagram ». Le logiciel est capable de détecter de
manière autonome les éléments et les caractéristiques présents dans les images et les vidéos
et dispose d’une méthode brevetée le rendant même évolutif. Ainsi, il est capable de
reconnaître les nouvelles marques et les nouveaux logos en quelques minutes et il s'adapte
aux données du client afin d'offrir le plus haut niveau de précision possible. Cette approche
permet le traitement de grands volumes d'images de médias sociaux. Aujourd'hui, ces
analyses des contenus visuels en ligne sont beaucoup plus précises et efficaces que les
études traditionnelles basées sur le texte et offre la production d’une analyse précise du
contenu publié par les contrefacteurs, tout en détectant les marques visées par exemple.
Pour illustrer l’efficacité de la technologie, 15 560 images et 134 vidéos ont été traités et
l’analyse révèle que les principales marques mentionnées dans ces postes de contrefacteurs
sont « Louis Vuitton » (21 %), « Chanel » (19 %) et « Gucci » (14 %)295.
En somme, une grande partie de marques de luxe dont les produits se retrouvent à nouveau
au cœur du réseau et les opportunités offertes par l’Intelligence Artificielle semblent
indispensables pour les marques afin de pouvoir réagir et anticiper leur protection. Si les
marques y trouvent un intérêt, il en va de même pour leurs consommateurs pour qui
l’utilisation des nouvelles technologies offre des solutions d’identification des produits de
luxe, leur offrant l’assurance de l’authenticité.
294 Ibid. 295 Stroppa, Gatto, Pasha et Parrella, supra note 249.
70
B. Des solutions d’identification des produits de luxe au service des marques : offrir des garanties d’authenticité supplémentaires aux consommateurs
A posteriori, il est particulièrement difficile de s’assurer de l’authenticité du
produit acheté en ligne. Cette difficulté a été largement accrue par l’essor de la seconde
main, offrant à des prix très attractifs des biens supposés être « de luxe ». Cependant, les
clients n’ont aucune preuve que leur bien provient de cette industrie de prestige et les
mauvaises surprises sont devenues courantes. Leur conviction quant à l’origine de leur
achat, induit inévitablement la forte déception lorsque ceux-ci s’aperçoivent de la présence
de défauts ou malfaçons.
On peut également évoquer que le préjudice subi par le consommateur renvoie à un
dommage futur comme un gain manqué. Pour exemple, il est d’usage d’acquérir des biens
pour les revendre par la suite. Si l’individu est convaincu d’avoir acheté des biens de luxe
authentiques et qu’il se retrouve plus tard dépossédés de tels biens au motif qu’ils sont
contrefaits, le préjudice moral et matériel semble évident.
Le risque pour l’image de marque est important, il est donc primordial que les
consommateurs puissent se rendre compte de leur erreur et distinguer le « vrai » produit de
luxe, du « faux ». De ce fait, de nombreuses grandes marques telles que « Prada »,
« Balenciaga », « Burberry », « Fendi », « Gucci », « Dior », « Chanel », « Céline »,
« Hermès » ou encore « Louis Vuitton », ont été séduites par le système fourni par la start-
up Entrupy par exemple296. Celle-ci a eu l’occasion de présenter sa solution lors du Congrès
« Viva Technologies » de Paris en juin 2016, à l’invitation du groupe LVMH. Son objectif
apparaît clairement favorable à la lutte contre la contrefaçon en matière de produits de luxe
se développant à très grande échelle.
D’un point de vue pratique, ce système simple permet au client de prendre en photo l’image
de l’objet qu’il a acheté en ligne pour l’envoyer à l’entreprise qui procèdera à son
authentification. Entrupy a développé une « caméra de microscope portative semblable à 296 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie » (20 février 2018) en ligne : Les carnets du luxe <https://www.carnetsduluxe.com/grands-formats/groupes-de-luxe-luttent-contre-contrefacon-detournent-ironie/>.
71
une lampe de poche ». La caméra agrandit les détails, permettant ainsi de découvrir des
éléments invisibles à l’œil nu comme le grain du cuir, les dépassements de peinture ou
encore les détails du logo. Par la suite, celle-ci va la comparer à des millions d’images
authentiques déposées dans sa base de données297. Dès lors, l’authenticité de l’objet pourra
être garantie avec une fiabilité de plus de 96%298. Cet outil est intéressant pour les marques
de luxe, d’autant plus que la technique améliore sa précision d’une année sur l’autre.
Seulement un an après son lancement, la technologie présentait une amélioration de plus de
98% pour l’analyse de marques de luxe299.
Une multitude d’autres nouvelles technologies permettent de lutter contre la contrefaçon et
se trouvent être directement apposée sur le produit de luxe afin de s’assurer de sa
provenance. L’utilisation et le recours aux objets connectés, traceurs chimiques,
hologrammes, tags, lasers ou autres, sont autant de moyens permettant aux consommateurs
de s’assurer de l’authenticité du produit et, à terme, de renforcer la protection des grandes
marques.
Certaines entreprises ont déjà recours à l’Internet des objets et les objets connectés. Ainsi
grâce à l’apposition d’un « QR code » sur le produit, par exemple, le consommateur muni
d’un smartphone peut en vérifier rapidement l’authenticité. C’est ce que l’entreprise
française Pernod Ricard a décidé d’utiliser pour ses Vins & Spiritueux en Chine. Disposant
d’un portefeuille unique de marques de renommée dont la dimension est internationale, ce
leader du secteur a décidé de réagir en assurant l’authenticité de ses bouteilles à ses clients
à l’aide d’un tel « QR code »300. Le traceur chimique offre également la possibilité de
contrôler l’authenticité en intégrant une substance chimique dans le produit ou son
emballage.
297 Entrupy, « The World's First and Only on-demand authentication solution for luxury handbags » en ligne : entrupy < https://www.entrupy.com>. ; 298 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 296. 299 Louise Million, « La start-up Entrupy met au point un outil pour repérer les contrefaçons » (5 septembre 2017) en ligne : Siècle Digital <https://siecledigital.fr/2017/09/05/la-start-entrupy-met-au-point-un-outil-pour-reperer-les-contrefacons/>. 300 Duarte, supra note 184.
72
On retrouve également les solutions offertes par Olnica, spécialiste français de solutions de
lutte contre la contrefaçon pour la protection des marques grâce à l’utilisation de
« fluorophores spécifiques » ou de « détecteurs connectés ». Cette entreprise a développé
un « traceur moléculaire en poudre à base de terres rares » qu’elle applique sur les bijoux
par exemple, même de manière invisible et cela permettra d'identifier les produits301.
Autant de systèmes d’authentification visibles ou non, allant du simple système de contrôle
à des traceurs à codes uniques pouvant être utilisés légalement par les marques pour
poursuivre les auteurs de contrefaçons302.
Les hologrammes sont aussi d’autres outils prisés qui « ne servent pas qu'à être jolis » et
qui « peuvent aussi se révéler être une arme redoutable contre les faux »303. Inventés dans
les années 1980, ils utilisent aujourd’hui des procédés permettant de graver des
« microstructures optiques, avec des jets d'encre, des impressions thermiques et parfois des
gravures laser »304. Les codes générés sont ainsi aléatoires et uniques. La grande marque de
parka « Canada Goose » est bien connue pour son utilisation d’étiquettes holographiques
particulièrement difficiles à reproduire. Cette technique rend la tâche bien plus complexe
aux faussaires qui tentent de contrefaire leurs produits305.
D’autres biens originaux sont équipés d’une identité visuelle et sécurisée grâce à un recours
au laser. Davantage utilisé comme un scanner, il réalise une « empreinte digitale »
impossible à reproduire à l’identique. Comme la surface d’un produit ne peut être parfaite,
elle se trouve nécessairement marquée par de multiples et infimes imperfections. Ces
défauts minimes permettent de distinguer les produits authentiques. Ainsi, en enregistrant
dans une base de données une telle empreinte, il est utile de s’en servir comme référence
pour détecter les potentielles contrefaçons306. Bien qu’il semble présenter une solution
intéressante et peu couteuse pour les marques de luxe, ce système reste peu utilisé.
301 Stanislas du Guerny, « Olnica crée un stylo à encre antifraude avec traceur moléculaire » (22 octobre 2019) en ligne : Les Echos <https://www.lesechos.fr/pme-regions/innovateurs/olnica-cree-un-stylo-a-encre-antifraude-avec-traceur-moleculaire-1141843>. 302 Olnica, « Qu'est-ce qui rend OLNICA unique? » en ligne : olnica <https://olnica.fr/qui-sommes-nous>. 303 Perrine Signoret, « Huit nouvelles technologies pour lutter contre la contrefaçon » (28 Avril 2015) en ligne : Le vif <https://trends.levif.be/economie/high-tech/huit-nouvelles-technologies-pour-lutter-contre-la-contrefacon-en-images/diaporama-normal-391855.html>. 304 Ibid. 305 Duarte, supra note 294. 306 Signoret, supra note 303.
73
L’entreprise « Tesa » tente d’encourager l’utilisation de ses solutions de marquages
intelligents en mettant en avant leur double avantage : ils permettent de protéger les
vêtements et accessoires de luxe des contrefaçons et facilitent l’interaction digitale entre la
marque et ses clients307. Cette « connexion digitale » est un atout offrant aux marques la
possibilité de se démarquer tout en s’assurant une protection renforcée.
On retrouve également la technique de « poudre invisible » mise au point par « Kodak » :
le Traceless System, permettant de discerner le vrai du faux et d’identifier les contrefaçons.
Utilisée sur des produits pharmaceutiques, des cosmétiques, des vins et spiritueux,
vêtements et accessoires, ou encore des documents, cette poudre incolore est intégrée au
support. Elle forme un motif aléatoire, enregistré dans une base de donnée et ce motif peut
être reconnu grâce à un lecteur spécifique de la marque elle-même308. Le chef de produit de
ces solutions de protection souligne l’intérêt et la rapidité d’un tel outil pour les marques et
l’enjeu lié à l’authentification des produits ; « Brand Owners and Brand Protection
Managers are looking for solutions to their authentication challenges but don’t have the
time and patience for solutions that require changes to label artwork and production
processes »309.
Enfin, l’utilisation d’un tag, apposé sur le produit, est également possible. La solution
Cypheme permet de donner un identifiant unique et impossible à dupliquer. Start-up
innovante franco-chinoise, « Cypheme » propose une technologie facile à fabriquer et qui
permet aux consommateurs de vérifier l’authenticité des produits d’un simple cliché pris
avec leur smartphone. Le tag peut être mis sur des accessoires ou vêtement et plus
précisément sur une étiquette, sur la boite d’emballage ou encore à l’intérieur du produit
lui-même. Par l’implémentation de cette étiquette, l’emballage sera ainsi constitué d’une
307 Tesa Scribos, « L’intelligence digitale au service d’une solution anti-contrefaçon fiable » en ligne : tesa-scribos <https://www.tesa-scribos.com/fr/avantages/mettez-fin-aux-contrefacons>. 308 Signoret, supra note 303. 309 « Les propriétaires de marques et les responsables de la protection des marques cherchent des solutions à leurs problèmes d'authentification, mais n'ont pas le temps et la patience nécessaires pour trouver des solutions qui exigent de modifier les illustrations des étiquettes et les processus de production. » ; Voir Nicholas Rangel, « KODAK’s portfolio of TRACELESS Brand Protection products has expanded to include Thermal Transfer Ribbon with KODAK TRACELESS Anywhere System » (10 février 2016) en ligne : kodak.com <https://www.kodak.com/FR/fr/corp/press_center/kodak_s_portfolio_of_traceless_brand_protection_products_has_expanded_to_include_thermal_transfer_ribbon_with_kodak_traceless_anywhere_system/default.htm>.
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« microstructure unique comparable à une empreinte digitale »310. Ainsi, une simple photo
permet de reconnaître cet identifiant avec certitude. Via les applications de la marque en
question, de Cypheme et via la connexion aux réseaux sociaux311 et particulièrement le
réseau chinois « WeChat », est alors effectuée une comparaison avec les références déjà
présentes dans la base de données de Cypheme. L’acheteur potentiel reçoit alors une
confirmation immédiate ou non de l’authenticité du produit. « Nous avons pris le parti du
consommateur. Notre technologie lui offre une garantie d’immédiateté que d’autres
protections, comme les hologrammes, ne peuvent pas apporter » explique le fondateur 312.
Ces moyens constituent pour les marques des solutions précieuses pour lutter contre le
fléau de la contrefaçon. De plus, certaines sont d’autant plus intéressantes qu’elles offrent
d’autres possibilités comme indiquer les caractéristiques des produits mais aussi favoriser
l’interaction avec les clients permettant ainsi de les fidéliser.
Si l’Intelligence Artificielle apparaît particulièrement utile pour l’industrie du luxe pour
lutter contre la contrefaçon, cette innovation admet une double utilité puisqu’elle permet
également aujourd’hui de réaliser des vêtements313. En effet, la marque de luxe « Romain
Brifault » a présenté son travail dans le cadre du Salon du « Made in France » en novembre
2019 et son concept est innovant puisqu’il permet de réaliser des pièces sur mesure grâce à
l’Intelligence Artificielle. La particularité de ce système est que les mesures peuvent être
collectées à distance et il est d’autant plus intéressant qu’il admet la possibilité d’intégrer
les particularités physiques des clients avant même la conception de leurs vêtements. Ce
projet est baptisé « 3S : sur-mesure, sans essayage, sans différence »314. La combinaison de
ces moyens : personnalisation et Intelligence Artificielle permettent d’obtenir un produit
personnalisé, singulier, original et authentique. Cette solution s’inscrit, in fine, dans la liste
des techniques anti-contrefaçons au soutien de l’industrie.
310 Ibid. 311 INPI, « Cypheme : à l’assaut de la contrefaçon » en ligne inpi.fr : <https://www.inpi.fr/fr/innovation-la-galerie/inspirations/cypheme-l-assaut-de-la-contrefacon> ; voir aussi Gilles Bonnabeau, « Cypheme, la solution anti-contrefaçon pour les marques » (26 avril 2018) en ligne : frenchweb < https://www.frenchweb.fr/fw-radar-cypheme-la-solution-anti-contrefacon-pour-les-marques/322821>. 312 Ibid. 313 Romain Brifault, « L’intelligence artificielle au service du luxe » (21 nov. 2019) en ligne : Les carnets du luxe <https://www.carnetsduluxe.com/business/romain-brifault-lintelligence-artificielle-au-service-du-luxe/?fbclid=IwAR1ixNT2ZS8SjTOFzkadsdh1bKIgyXzvZ8KqZrOhqkqY5F-QIs6BAB_Pu10>. 314 Ibid.
75
Grâce à ses outils, les consommateurs n’associeront pas les défauts, la mauvaise qualité ou
simplement leur déception à la marque elle-même qui conserve ainsi sa véritable image. En
découle un double avantage pour les marques et pour leurs clients. Mais un outil encore
plus intéressant semble se positionner aux côtés des marques de luxe, permettant de
renforcer la garantie de l’authenticité de leurs produits de luxe par l’assurance de leur
traçabilité : la Blockchain.
C. La technologie Blockchain au service de l’industrie du luxe dans la lutte contre la contrefaçon : assurer l’authenticité des produits de luxe au moyen de la traçabilité
L’essor de la seconde main laisse émerger un nouveau défi étroitement lié à la
traçabilité des produits de luxe. La question de leur authenticité devient cruciale et est
porteuse de grandes inquiétudes pour l’industrie315.
Dans le secteur du luxe, la certification des objets est complexe et repose généralement sur
une simple authentification papier facilement falsifiable. La Blockchain permettrait de
remédier à ce problème et révolutionner cette démarche en permettant de transformer la
ressource papier en un document numérique316. En découle un certificat d’authenticité
numérique caractéristique d’un fichier informatique unique qui serait impossible à copier317
et permettrait ainsi de garantir l’authenticité du produit. A l’aide de ce document, une
connexion peut être établie entre les biens physiques, leurs propriétaires et les marques318.
D’après la définition donnée par Blockchain France : « La blockchain est une technologie
de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans
organe central de contrôle »319.
315 Iris M. Barsan, « Blockchain et propriété intellectuelle » (2020) 4 Comm. com. électr. Etude 7. 316 La Soudière (de), supra note 178. 317 Raymond, supra note 287. 318 Duarte, supra note 294. 319 « Qu’est-ce que la blockchain ? » en ligne Blockchain France <https://blockchainfrance.net>.
76
Selon le professeur Marie Malaurie-Vignal et maître Stéphanie Legrand, il est nécessaire
d’accorder une attention particulière aux nouvelles technologies et surtout la Blockchain
« dont la simplicité d'utilisation, le faible coût et le caractère infalsifiable annoncés
apparaissent de nature à conforter les droits des maisons de couture »320.
Au regard de la preuve, « la Blockchain connaît un engouement réel, notamment dans le
domaine de la mode, car cette technologie pourrait faciliter la preuve de l’antériorité des
droits, permettrait de prouver les droits sur leurs créations et assurerait la traçabilité des
transactions et la réalisation de "smart contrats" »321, indique le laboratoire D@NTE de
droit des Affaires et des Nouvelles technologies, dans un document de présentation du
colloque « Blockchain, propriété intellectuelle et mode » du 17 mai 2018.
En pratique la démarche serait donc facile et instructive pour les clients qui seraient alors
en capacité d’obtenir l’intégralité de l’historique du produit en entrant simplement un
numéro unique dans la Blockchain322. De ce fait, si le produit est présent et certifié, il est
nécessairement « vrai ». Cela permettrait donc de distinguer le vrai produit de luxe du faux
et de simplifier la caractérisation de l’article contrefait.
Qui est plus est, cette authenticité serait garantie tout au long de la vie du produit même si
ce dernier change de propriétaire par exemple. Il s’agit, ici, de faire référence au marché de
l’occasion, en pleine expansion. L’enjeu de la traçabilité intéresse tous les produits dont on
veut s’assurer de l’origine ou du cycle de vie323. Il a pour objectif de garantir l’authenticité
des marchandises, de protéger la provenance des actifs de grande valeur mais également de
réduire les risques de vol, trafic ou fraude324. Pour en bénéficier, le nouveau propriétaire est
incité à revendiquer le certificat325.
320 Marie Malaurie-Vignal et Stéphanie Legrand, « Les enjeux de la protection des créations de mode », (2019) 10 Propr. industr. Etude 20. 321 Colloque « Blockchain, propriété intellectuelle et mode », Laboratoire D@NTE le 17 mai 2018, Paris, Journal Spécial des Sociétés, n° 53, 2018. 322 La Soudière (de), supra note 178. 323 Barsan, supra note 315. 324 Stéphanie Legrand, « Enjeux de la Blockchain du point de vue du praticien » (2019) 2 Dalloz IP/IT 85-91. 325 Gregory Raymond, « Comment la blockchain lutte contre la contrefaçon dans le luxe » (3 février 2020) en ligne : Capital <https://www.capital.fr/entreprises-marches/comment-la-blockchain-lutte-contre-la-contrefacon-dans-le-luxe-1361250>.
77
Le nouvel acquéreur d’un objet de luxe souhaite vérifier son achat et grâce à la technologie,
ce dernier peut obtenir la « carte d’identité » complète du produit en question, une sorte de
« passeport numérique garantissant l’authenticité du bien »326. Il retrouve ainsi l’ensemble
des informations relatives au cycle de production du produit et lui permet de contrôler
l’origine de production327, le lieu, les matériaux utilisés pour sa conception, les conditions
d’élaboration ou encore le mode de transport328. Ce certificat est également « évolutif »329
car il est possible d’enregistrer les éventuelles modifications, révisions ou entretiens ayant
été effectuées330.
Cette solution, offerte à la marque, constitue un moyen de préserver la confiance de ses
clients. La Blockchain leur permettrait de déceler les « faux produits » et serait également à
même de contrôler de manière plus efficiente « le réseau de distribution des produits
authentique et lutter contre le marché gris »331. Qui plus est, la contrefaçon peut être
prouvée par tout moyen comme l'énoncent les articles L. 521-4, L. 615-5 et L. 716-7 du
Code de la propriété intellectuelle. Ainsi, rien ne semble remettre en cause l’admissibilité
d’une preuve octroyée par la technologie. L’idée pour le demandeur à l’action est de se
ménager une telle preuve en ancrant sur la Blockchain les étapes de la vie du produit, qu’il
s’agisse de sa conception, sa fabrication, son transport, sa distribution ou encore sa
commercialisation332.
Grâce à cela, le demandeur à une action en contrefaçon sera en mesure de justifier d’une
atteinte portée à ses droits de propriété intellectuelle, sans oublier que le fait juridique
écarte le principe selon lequel il n’est pas possible de se constituer une preuve à soi-même.
Pour une grande partie de la doctrine, cet outil constituera sans doute une aide
supplémentaire et utile aux titulaires de droits dans le cadre d’un procès en contrefaçon333.
326 Colloque « Blockchain, propriété intellectuelle et mode », supra note 321. 327 Legrand, « Enjeux de la Blockchain du point de vue du praticien », supra note 324. 328 Ibid. 329 Raymond, supra note 325. 330 La Soudière (de), supra note 178. 331 Legrand, « Enjeux de la Blockchain du point de vue du praticien », supra note 324. 332 Sophie Canas, « Blockchain et preuve : le point de vue du magistrat » (2019) 02 Dalloz IP/IT 81. 333 Marie Malaurie-Vignal, « Enjeux et défis de la blockchain dans ses relations avec la propriété intellectuelle », (2018) 10 Dalloz IP/IT 531.
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Par conséquent, la technologie apparaît comme une véritable solution au soutien des
grandes marques et des entreprises de mode pour lutter contre ce fléau, en particulier dans
le domaine des accessoires334. Les marques gagneraient donc à inscrire leurs produits de
prestige dans cette « chaine de blocs » aux multiples avantages. Par application du principe
d’exclusion, un produit de luxe qui ne figurerait pas sur la Blockchain est un produit qui n’a
pas été enregistré et qui ne peut donc pas être vrai335.
L’intérêt pour la Blockchain découle certainement de son utilisation antérieure par
l’industrie du diamant, dans le cadre d’une affaire dite « Affaire des diamants de sang ». En
effet, on y retrouve Everledger, un système qui recense près d’un million de diamants et qui
a été utilisé pour permettre d’en assurer la traçabilité. La plateforme Tracr partage un
registre dans lequel sont regroupées des informations sur la provenance, le carat, la clarté,
la couleur et toutes autres données permettant d’identifier un diamant via une
immatriculation unique336.
Cette application concrète a permis à la technologie Blockchain de faire ces preuves et cela
semblerait emporter la conviction de plusieurs autres grands détaillants de bijoux en
diamants souhaitant se joindre à ce projet337. Cette « idée de registre » semble aussi
intéresser d’autres secteurs de par son caractère « inaltérable et incorruptible ». L’avantage
est attrayant et pourrait pallier les obstacles à la répression des atteintes338.
L’industrie du luxe semble porter un intérêt grandissant pour la technologie. Ainsi, l’on
peut mentionner l’émergence de « Blockchains spécialisées » dans le luxe, spécialement
conçues pour cette industrie. On retrouve deux projets d’ampleur : Arianee et Aura.
Arianee est un projet français mené par des connaisseurs en la matière ayant travaillé pour
des grandes marques telles que « Omega », « Tiffany & Co. » ou encore « Vestiaire
Collective ». Le président directeur général, Pierre-Nicolas Hurstel souligne son intérêt et
334 Legrand, « Enjeux de la Blockchain du point de vue du praticien », supra note 324. 335 Barsan, supra note 315. 336 « La traçabilité des diamants rendue possible grâce à la blockchain » (24 mai 2018) en ligne : Cryptos <https://www.cryptos.net/article/index/la-tracabilite-des-diamants-rendue-possible-grace-a-la-blockchain/617>. 337 Ibid. 338 Yaël Cohen-Hadria, « Blockchain : révolution ou évolution ? » (2016) Dalloz IP/IT 537.
79
ajoute que celle-ci « permet ainsi aux marques de créer un contact numérique avec les
différents propriétaires d'un produit tout au long de sa vie »339. La solution est également
intéressante au regard de la confidentialité des données dont elle fait preuve puisque la
discrétion est en général appréciée des clients dans ce secteur comme l’évoque à nouveau le
président. Arianee présente donc l’avantage de préserver l’anonymat des propriétaires. La
marque pourra suivre les produits et communiquer avec les différents propriétaires mais
sans toutefois disposer de leur identité340. On retrouve ici la notion d’ « anonymat » que
l’on a pu relever eu regard aux plateformes de commerce électronique, cependant dans ce
cas elle semble bien moins problématique car se trouve complétée par le bénéfice de la
traçabilité.
Actuellement, cinq grandes maisons d’horlogerie font partie du groupe comme « Vacheron
Constantin », « Audemars Piguet » ou encore « Breitling ». Ce protocole présente une
gouvernance particulière car celui-ci fonctionne comme une organisation internationale,
permettant à chacune d’influencer l’évolution du protocole341.
Si Arianee est un projet à fort potentiel, il n’est pas le seul à se développer. Ainsi, une
solution similaire a été présentée en juin 2019 par le géant du luxe LVMH : la Blockchain
Aura. Dans un premier temps, il prévoit de la déployer pour le maroquinier « Louis
Vuitton » ainsi que les parfums de la célèbre marque « Dior ». Lors de sa conception,
chaque produit serait donc enregistré, de manière non reproductible et les informations
seraient davantage sécurisées342.
339 Raymond, supra note 325. 340 Ibid. 341 Ibid. 342 Nathan David, « Quand LVMH et l’industrie du luxe utilisent la blockchain » (16 mai 2019) en ligne : Cryptonews <https://fr.cryptonews.com/news/quand-lvmh-et-l-industrie-du-luxe-utilisent-la-blockchain-3484.htm>.
80
Conclusion
Les entreprises de l’industrie du luxe doivent procéder à une réorganisation aussi
bien interne pour se protéger, qu’externe afin de tirer profit de la collaborer avec les
organismes compétents et les consommateurs.
Face à l’insuffisance du droit et à défaut de pouvoir être réactives en ligne, les marques de
luxe doivent anticiper, trouver des solutions et adapter leur protection pour pallier les
obstacles. Différentes solutions s’offrent à elles, passant aussi bien par des outils de droit
positif avec la protection offerte par le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la
distribution, que par des outils de soft law par le biais d’accords ou d’efforts de
coopérations des acteurs en cause, sans oublier le recours aux nouvelles technologies.
« Les nouvelles technologies ne sont plus un accessoire du luxe. Elles sont
fondamentales et incontournables343 » souligne Carmen Turki-Kervella, spécialiste de la
stratégie de marque particulièrement dans le domaine du luxe. L’enjeu est tel qu’il est
impératif de s’intéresser à toutes les techniques possibles et envisageables pour lutter contre
la contrefaçon. A l’ère du numérique et des nouvelles technologies, de nouvelles solutions
semblent donc venir au soutien de l’industrie du luxe, leur permettant de renforcer leur
protection face à ce fléau et de parer les difficultés du droit.
Néanmoins, si la Blockchain présente de nombreux avantages, elle admet aussi certaines
limites telle que l’impossibilité d’identifier seule une copie344. Il ne peut donc s’agir d’une
« preuve parfaite »345 pour autant. Par conséquent, si le contrefacteur tente d’enregistrer une
copie d’un produit de luxe sur la Blockchain, cette dernière le traitera simplement comme
un produit différent, lui attribuant donc un autre « numéro alphanumérique »346, semblable
aux autres. De ce fait, il serait intéressant pour les marques de luxe de combiner la
343 Carmen Turki Kervella, Le luxe et les nouvelles technologies, Paris, Maxima, 2016, à la p 125. 344 Barsan, supra note 315. 345 Marie Malaurie-Vignal, « Enjeux et défis de la blockchain dans ses relations avec la propriété intellectuelle», supra note 333. ; voir aussi : Canas, supra note 332. 346 Rosa Maria Ballardini et Olli Pitkänen, « Balancing Exclusive Rights and Access to Technologies : Blockchain and Intellectual Property, Rights » (2019) 1 Dalloz IP/IT 11.
81
technologie Blockchain et les solutions d’Intelligence Artificielle afin de corriger ces
limites et bénéficier de leurs avantages réciproques.
Toujours est-il qu’il persiste une difficulté que les nouvelles technologies ou autres
solutions ne peuvent transcender, à savoir le comportement des consommateurs face aux
produits contrefaits. Selon l’experte Laurence Duarte, la contrefaçon est un problème qui ne
va pas disparaître tant que la demande restera forte. Elle en appelle à « un effort commun
encore plus grand de la part de tous pour protéger le légitime du faux »347.
La sensibilisation du grand public paraît alors indispensable et fait écho à la grande
campagne de sensibilisation mise en place en 1995 par le Comité Colbert, qui rassemble les
maisons françaises de luxe et des institutions culturelles, conjointement avec la Douane
française et sous l’égide du Comité National Anti Contrefaçon (CNAC). Cette organisation
mène plusieurs campagnes auprès de la clientèle, afin de la sensibiliser aux problèmes
rencontrés par les marques représentées. Le Comité a donc largement informé sur le sujet
de la contrefaçon grâce à des actions d’informations, de publications et de lobbying348 et,
selon les sondages, une telle campagne serait susceptible d’avoir un réel impact sur les
consommateurs349.
En ce sens, la Cour des comptes, dans son rapport de février 2020, insiste sur la nécessité
d’impliquer davantage le consommateur dans la « lutte contre le commerce de contrefaçon
sur Internet ». Elle prend même pour exemple le Canada qui, s’intéressant davantage aux
consommateurs, a développé une procédure dénommée « Chargeback ». En cas de
contrefaçon, celle-ci permettrait d’obtenir le remboursement de la somme déboursée pour
l’achat des produits contrefait sur Internet, en pénalisant dans un même temps la banque du
vendeur. L’avantage de ce système est qu’il ne requiert aucune implication de la part du site
Internet ou de la plateforme de e-commerce. Le centre anti-fraude du Canada, une unité de
police responsable de la fraude aux consommateurs, est en charge de sa mise en œuvre, en
coopération avec les banques canadiennes, les Services de Paiement Électronique et les
347 Duarte, supra note 294. 348 Allérès, supra note 161 à la p 148. 349 Comité Colbert, La lutte anti contrefaçon dans l’industrie du luxe, Comité Colbert, 2012, en ligne : <https://www.comitecolbert.com/assets/files/paragraphes/fichiers/19/Lutte%20CC%20contrefaçon_dp_2012.pdf >. à la p 13.
82
détenteurs de droits. Le dispositif repose sur un mécanisme contractuel liant les banques
aux services de paiement et interdisant ainsi toute transaction financière liée à des activités
frauduleuses350.
En pratique, le consommateur procède à un signalement en cas d’achat de contrefaçon sur
Internet, le centre anti-fraude recueille ces informations et sollicite le détenteur de droits
dans le but de valider le caractère contrefaisant du produit acheté. Après avoir apporté la
preuve de la destruction du produit en cause, le consommateur peut solliciter sa banque
grâce à une attestation de la fraude délivrée par le centre. Ce dispositif semble porter ses
fruits et à ce sujet la Cour des comptes admet que celui-ci « implique et participe à
l’éducation du consommateur sur le commerce de contrefaçon »351.
Pour conclure, tant que le droit n’apparaitra pas plus favorable à la lutte contre la
contrefaçon des marques de luxe, il leur sera nécessaire de redoubler d’efforts. Si celles-ci
doivent réagir, anticiper et s’appuyer sur les nouvelles technologies, les consommateurs
jouent eux aussi un rôle important car finalement, « le succès des contrefaçons est le
corollaire, ou la rançon du succès du luxe »352.
350 Cour des comptes, supra note 258 à la p 83. 351 Ibid, à la p 84. 352 Allérès, supra note 161 à la p 150.
83
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Jurisprudence :
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Mémoire :
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