Conférence Nationale sur le projet de Document de Politique Linguistique du Mali : Dynamique des...

Post on 13-May-2015

1.244 views 0 download

Transcript of Conférence Nationale sur le projet de Document de Politique Linguistique du Mali : Dynamique des...

Conférence Nationale sur le projet de Document de Politique

Linguistique du Mali

Bamako, 6 – 8 décembre 2011

« Dynamique des langues et politique linguistique »

par Dr. Thomas BleckeSociété Internationale de Linguistique, Bamako

1. Dynamique des langues : la réalité linguistique

1.1 Une langue et ses variétés :organisme dynamique et fluide,réseau complexe de communication

deux exemples du Mali :

le peul : réparti à travers tout l’espace sahélien,

cohésion étonnante

le dogon : espace limité, fragmentation dialectale considérable

qu’il est nécessaire de• documenter et décrire avec soin• prendre en compte dans son

évolution structurelle et communicative

• gérer selon sa spécificité

en somme :

chaque langue est un cas unique

1.2 Plurilinguisme : une communication dynamique

coexistence de plusieurs langues dans un même espace, utilisées chacune selon les besoins de communication

� langues vernaculaires : famille, village, région (bozo, duun, ...)

� langues véhiculaires : région, nation, entre nations voisines (peul, songhai, bambara, ...)

� langues globales (français, anglais, ...)

Le Mali a une longue tradition de communication dynamique et diversifiée

• à chaque empire ses langues selon les régions et ses peuples

• soubassement et voix de l’héritage culturel du Mali

Le Mali a une longue tradition culturelle hétérarchique :

convivialité des ethnies, basée sur stratification horizontale complexe et peu hierarchisée

[McIntosh 1998]

symbiose d’une pluralité d’identités culturelles et linguistiques

2. Politique linguistique :

‘de l’état des langues aux langues de l’état’

[Ngalasso 1986]

ou la gestion étatique de la réalité linguistique

Quel choix de langues ?dans la vie publique dans l’éducation

coexistence de plusieurs langueset leur aménagementdans les fonctions étatiques et comme base de l’éducation

hégémonie d’une langue,

étrangère ou autochtone

ou bien

Recours au français comme langue neutre qui unit la nation, menant à« l’Afrique d’expression française » ?

• Il n’y a pas de langue neutre, car une langue est l’expression d’une culture

• au Mali, le français a toujours privilégié les privilégiés, malgré ses mérites

• une politique linguistique pondérée cherchera plutôt à inclure les exclus

rappel de Ronald Barthes(sémiologue frç., 1915-1980) :

« Voler son langage à un homme au nom même du langage,

tous les meurtres légaux commencent par là. »

« Pour bien apprendre le français, il doit être la base de l’enseignement dès la 1ère classe. »

Fausses idées persistantes (1)

En réalité : L’enfant sera perturbédans le développement de sa langue maternelle. Ensuite, il n’apprendra ni le français ni les matières enseignées convenablement.Plus efficace : Enseignement en L1 d’abord, toute autre langue après et sans panique. (... suite)

« L’enfant qui apprend dans une autre langue que la sienne reçoit de l’école deux messages implicites :

• s’il veut progresser intellectuellement, ce n’est pas grâce à sa langue qu’il y parviendra,

• sa langue n’a en soi rien d’intéressant.»[Clinton Robinson, consultant en éducation et développement, UNESCO]

... messages implicites :

« Dans l’éducation basée sur la langue maternelle, on reste limité àcelle-là, sans apprendre une langue globale, comme le français. »

Fausses idées persistantes (2)

En réalité : On finira par mieux apprendre les deux, dans un ordre d’apprentissage par étapes, ce qui s’est prouvé plus efficace. (voir CD)

« Un système d’éducation pluri-lingue est simplement trop cher. »

Fausses idées persistantes (3)

En réalité : le coût-efficacité est avantageux à long terme !

fort investissement initial⇒⇒⇒⇒ réduction des taux de

redoublement et d’abandon ⇒⇒⇒⇒ réduction des coûts généraux à

long terme (voir CD)

Education PlurilingueEducation Plurilingue

Des enfants qui lisent, Des enfants qui lisent, éécrivent, crivent,

et apprennent bienet apprennent bien

—— une percune percéée ?e ?

Soulager les enfants Soulager les enfants

des poids alourdissants, des poids alourdissants,

une mune méétaphore :taphore :

l’apprentissage à l’école,c’est commeun hélicoptère qui décolle

Le pilote explique :

“La poussée verticale ne suffit pas. Nous sommes TROP LOURDS !”

“Que devons-nous faire pour avoir plus de poussée verticale ?”

Que devons-nous faire pour aider nos enfants à mieux apprendre et à réussir ?

Une salle de classe africaine typique?

Enseignement répétitif dans une langue qu’ils ne comprennent pas bien –résultats insuffisants, voire même échecs.

image salle de classe pas bourrée

Le monde demande: Comment devrait être la classe idéale ?

Quelle politique linguistique y contribuera le plus ?

Quelles sont les meilleures ‘armes à instruction massive’ ?

constat au niveau global :

révision des politiques linguistiquesen vue de plus d’efficacité

forte tendance du monolinguisme au plurilinguisme,au lieu de combattre la diversité, rendre plutôt profitable son potentiel

« La tradition jacobine qui constistait à punir l’usage des patois à l’école a évolué. On ne considère plus que parler une autre langue que le français soit un handicap pour l’élève. »

[Michel Rabaud, chef de mission interministérielle sur la maîtrise de la langue française]

‘one size fits all’ ?une seule taille convient à tout –

une idée dont le temps est venu ... et reparti.

Alpha Oumar Konaré souligna que c’était le lien entre politique linguistique et développement national qui donna naissance àl’Académie Africaine des Langues.

au Mali comme ailleurs en Afrique :Ayo Bamgbose (Nigéria), Neville Alexander (Afrique du Sud), ...

D’autres liens généralement admis :

lien entre langue maternelle et

� identité� développement cognitif� apprentissage en général

⇒⇒⇒⇒ enseignement en 1ère langue :

� le plus proche de la maison

� le point de départ naturel

� allégeant : du connu vers l’inconnu

compréhension est la clé du succès

Au lieu de demander pourquoiune politique plurilingue,

la question qu’on se pose aujourd’hui est plutôt : comment la réaliser et optimiser ?

une approche se concrétise :

intro à L2

base à la maisoninstruction en L1maîtrise de l’orallecture & écriture

en L1

maîtrise de l’oral en L2L1 & L2 lues et écritesinstruction continue

en L1 et L2

intro L2

le pont de l’éducation plurilingue

• enseignement en L1 pendant 6-8 ans• transition graduelle vers L2 pas trop tôt (les modèles de sortie précoce se sont montrés peu efficaces)• début de l’acquisition de L2 par l’oral• enseignement continu en L1 et L2

par ex. au Nigéria

• éducation basée sur L1 depuis 1970

• transition graduelle vers L2 dès 6èmeclasse

par ex. en Ethiopie

• d’une politique monolingue amharique au plurilinguisme dans l’éducation pour dépassionner des conflits ethniques

par ex. en Papouasie-Nouvelle-Guinée

• 820 langues, dont 430 dans le système éducatif (en 2003)

... obtenir suffisamment de poussée verticale pour décollerc’est réduire le poids étouffant

Perspectives technologiques :

impacte de l’internet plurilingue• sites soninke, bambara, peul, ...• collections de textes disponibles• dictionnaires : minyanka,

soninke, ...• http://www.sil-mali.orgSMS : alphabétisation via cellulaires au Pakistan, résultats prometteurs

Conclusion générale :Une politique linguistique réaliste ne négligera jamais l’énorme potentiel des diverses identités culturelles, y compris leurs langues. Elle cherchera plutôt à les rendre profitables en vue d’une éducation globale, commençant au niveau des identités ethniques et conduisant à l’identiténationale.

Littérature utiliséeApprendre dans sa langue – une utopie. UNESCO.Bühlmann & Trudell 2008: La langue maternelle, ça compte. UNESCO.Crystal, D. 2010: Cambridge Encyclopedia of Language.Hassana Alidou 2007: Language Policy in Africa : Critical Policy Issues

and Organizational Structures. in: ACALAN, bulletin d’information 002,.33-42

Davison, C. 2011: L’Éducation Multilingue en Afrique: succès et échecs.ppt, SIL.

Dans leur propre langue – éducation pour tous. La Banque Mondiale.L’éducation multilingue. SIL.McIntosh, R. 1998: Peoples of the Inner Niger. Oxford: Blackwell. Mekonnen, B.Y. 2008: Empowering the Disempower-ed, Language

Development at the Grass Root: Ex-perience from Ethiopia. ACALAN bulletin 3:36-38.

Ngalasso, Mwatha Musanji 1986: Etat des langues et langues de l’Etat au Zaire. Politique africaine, 23:6-27.

Ouane & Glanz 2011: Optimiser l’apprentissage. UIL.Thomas, D. 2011: Mother-tongue based MLE. ppt, SIL.