Célibataire, maman et débordée (French...

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ContenusCélibataire,mamanetdébordéeCopyrightRésuméDédicace12345678910111213141516-MATT17-MELISSA18ÉPILOGUERemerciementsUnderniermotDésirsArdentsSentinelleUnnouveaudépartSuperConnardetmoi

©Copyright2016ClémenceLucas©Illustrations:WilliamSalvatore

TousdroitsréservésRelectureetcorrections:TeamC&C

À trente ans, Mélissa, vit seule avec ses jumeaux depuis que son mari l'a quittée avec pour seulavertissementunpost-It laissé sur laportedu frigo.Depuis, saviene tourneplusqu'autourde sesenfants,sonboulotqu’ellen’aimepasetdesesamisPierreetEmy.Jusqu’aujouroùellerencontreMattetoùsaviechangedutoutautout.Quandl'amourfrapperaànouveauàsaporte,saura-t-ellerouvrirlesyeux…etsoncœur?

Àtoutescellesquiontconnuunepeinedecœur,L’amourpeutarrivern’importequand,

Ilsuffitjusted’ycroire

1

—Mamaaaaaaaan!Ohnon…Seigneur!Pasdéjà!J’ouvrepéniblementlespaupièresetdécouvre,horrifiée,l’heuresurmatabledechevet:6h02.

Pourquoichaquejourdelasemaine,ilfautquejeréveillemesenfantsetquejeleurrépètecentfoisquenousallonsêtreen retardetque ledimanche–monseul jourde répit– ilssont incapablesdedormir.Faitesdesgosses,qu’ilsdisaient!Sijechopeceluiquiainventécetteexpression,jevousjureque je lui colle à garder les jumeaux pendant toute une semaine et on verra si après il s’amuseraencoreàlarépéter.

—Ma-maaaaaaaan!—Oui,c’estbon,j’aientendu.J’arrive!J’attrape un élastique, me fais une rapide queue-de-cheval puis je quitte à regret mon cher lit

chaudetdouillet.JetraverselecouloirquimèneàlachambredeÉléaetEnzoetouvrelaporte.Mesdeux têtes blondes se sont encore mis dans le même lit et m’attendent en tenant fermement leurdoudoucontreleurpoitrine.

—Jeveuxunbibi!annoncemafilled’unevoixdécidée.—Bonjouràtoiaussi,monchat.—Bonjourmaman,répètesonfrèreavecunsourire.Jelesembrasseàtourderôlepuisleurmetleurschaussonsetnousnousrendonsdansleséjour.

Lesjumeauxs’installentsurlecanapéetallumentlatélé–ettoutjusteréveillée,jemetapedéjàPeppaPig!–pendantquejeleurprépareleurbiberondelait.Mamèremerépètesanscessequ’àtroisans,ilseraitgrandtempsquejeleurfasseprendreunvraipetitdéjeuneretdansunsens,ellen’apeut-êtrepastortmaiscommejelesélèvetouteseuledepuisqueleurgéniteur–puisqu’ilnepeutprétendreaunomdepère–s’estfaitlamalleavantmêmeleurnaissance,jefaisunpeucommejeveux.Etsi,pouravoirlatranquillité,celadoitpasserparunbibidechocolatlematin,ehbiensoit!

Je leur donne leur lait chocolaté et m’installe confortablement sur le canapé à leur côté,emmitoufléedansunplaid,unlivreàlamain.Pendantl’heurequisuit,j’essaiedefaireabstractiondelavoixstridentedePeppaainsiquedesbruitsdevoitureques’amuseàreproduireEnzoenfaisantletourdelasalleàmangerpresqueallongéparterre.Heureusementquejen’aipascédéàleurcapriceetadoptéunchien,sinonlepyjamademonfilsserviraitdeserpillèreàl’heurequ’ilest!

10h00.Montéléphoneémetlesignald’unSMSetjesourisenvoyantlenomdemameilleureamie.

Emy:Jevaisauparcfaireunebaladeenpoussette.Tumerejoinsdansunedemi-

heure!

Etvoilà!C’esttoutmameilleureamie.Elleneproposepasdel’accompagner,elleordonnemavenuemaisenmêmetemps,poursadéfense,ellen’apaslechoix.DepuisqueNicestparticommeunvoleurenlaissantjusteunpost-Itsurlefrigodisantseulement«2c’esttrop!Jepeuxpas»,j’éviteunmaximum de sortir. Mes journées se résument au célèbre : boulot / dodo, sans oublier bienévidemmentlesactivitésextra-scolairesdesjumeaux.DansepourÉléa,lesmercredisetsamedisainsiquejudopourEnzolesmardisetjeudis.Jenesaispasencorecommentjevaism’organiserquand,en

plusdetoutça,ilfaudraajouterlesdevoirs.Jeregardel’heuresurlapenduledel’entréeetremarquequ’ilmerestemoinsdevingtminutes

pourêtreaurendez-vousimposéparEmy.—Lesenfants!Venezvitevoushabiller,onvarejoindretataEmyauparc!—ElleyvaavecEliott?demandemafille.—Oui,biensûr,monbébé.Pourquoiirait-elleaffronterlefroidetlescrisdesenfants,sicen’estpourypromenersonfilsde

18mois?Mafillesautedejoieetmontelesescaliersencourantafind’êtrelapremièredanssachambre.

Enzo,lui,sembleaussiraviquemoiàl’idéedebraverlaneigequicommenceàtomber.—Jesaisquetupréfèreraisresterici,monchat,maisunefoisàl’airedejeux,jesuissûrequetu

vast’amuser.Ilmeregardedesesgrandsyeuxbleus–quimerappellentterriblementsonpère–puishausseles

épaulesenm’adressantunlégersourire.Ouf!Unecriseévitée.

Je ne sais par quelmiracle, nous arrivons seulement avec cinqminutes de retard.Emyvient ànotrerencontreetembrasselespetitssurlajouependantqu’ilssedisputentdéjàpoursavoirlequeldesdeuxpousseralapoussetteenpremier.

—Lesenfants!lesgrondé-jegentiment.—Laisse-les,Mel,c’estrigolodelesvoirautantapprécierdepromenerEliott.—Oui,jusqu’àcequ’ilssemettentàsebattre.—Àcemoment-là,oninterviendra!Mameilleureamiepassesonbrasautourdumienetnousnousmettonsàmarcher.Éléaaréussià

fairepliersonfrèreetilsnesedisputentplus–pourlemoment.—Alors…,commenceEmyavantdemelancerunregard.—Crachelemorceau!Jemedoutaisbienquetuavaisquelquechoseàmedemander.—Cen’est pas très sympa, ce que tu insinues là…et puis d’abord, je n’ai pas un service à te

demandermaisplutôtunefaveur.—Unefaveur?répété-jeenlâchantsonbrasetcroisantlesmienssousmapoitrine.Ladernièrefoisqu’ellem’ademandée«unefaveur»jemesuisretrouvéecavalièreduplusgros

lourddetouslestempsàundînerdebienfaisance.—JesaistrèsbienquetupensesàPatrick,maisjeteprometsqueMattn’estpasdutoutcomme

ça.—Matt?Ilsortd’oùcelui-là?NemedisquetuasencorepasséunepetiteannoncesurMeeticcar

jejuredevantDieu…—Faisattentionàcequetuvasdire,lesenfantsentendenttout,meréprimande-t-elleavecunair

mutin.—Donc…situn’asrienmissurunsitequelconque…Jelaissemaphraseensuspensafindeluilaisserletempsdeformulercequ’elleaàmedire,car

soyonshonnêtes,justedeuxminutes,ilesthorsdequestionquejeservedebouche-trouàuntypeque

jeneconnaisnid’Eve,nid’Adametiln’estpasnonplusquestionquejefréquenteunhommepourlemoment. J’ai déjàdumal à avoir du tempspourmoi entremonboulot etmes enfants et lesmecsn’apportentquedesennuis!

—MattestlecousindePierre.IlvientpasserlesfêtesavecnousmaisilarriveunesemaineavantNoël.Ilvienttoutjustede…

—Donc,lacoupé-jepassablementénervée.Tut’esditpuisquemoiaussi,jemesuisfaitjeter,jem’entendraisbienaveclui.

Ellesoufflebruyammentetpasseunemècherebelledesescheveuxderrièresonoreille.—Cen’estpastoutàfaitexact.Jemesuisditquevousvousentendriezbiencarvousêtestousles

deuxdesbourreauxdetravailetquetesenfantsontlemêmeâgequesafille.—Etenplus,ilaunegosse!Tucroisquej’enaipasmaclaqued’entendrelesmienssebattreà

longueurdejournée?Bon,OK,c’estmesenfantsetjelesaimeplusquetoutaumonde,alorsjelessupportemaisdevoirmecoltineruneautregaminequirisquedenepasforcéments’entendreaveclesdeux, donc il va y en avoir unmis de côté et je te parie dix billets que c’est encore Enzo qui vas’ennuyer.

—C’estbon?T’asfinitatirade?Pierreétaitsûrquetuallaisréagircommeçaetm’aditdenepastedemandertonaide.J’aipariédestrucsquejenepeuxpasdireenprésencedesenfantsettunevoudraispasmefaireperdreunpari,hein,Mel?

Jelèvelesyeuxauciel.Commesij’enavaisquelquechoseàfoutrequ’elleaitpromisunepiped’enferàsonmecoujene

saisqueldéguisementridiculepourassouvirsesfantasmes!—Tusaistrèsbienquetuadoresprendredesparisquetuessûredeperdre.—C’estvraiquejeneprendspasdegrosrisquesmaiss’il-te-plaît,viensdîneraveclesenfants

demainsoir.Si lespetitsnes’entendentpasetque tu trouvesMattcomplètementnul,alors jene tedemanderaipasdeveniraurepasdeNoëletlaSaint-Sylvestre.

Jelui lanceunregardnoirmaisjesaisquej’aiperdud’avance.Jenesorsquasimentjamaisdechezmoi et les vacances arrivent à grands pas. J’ai réussi à négocier avec Jack, mon patron, deprendre lesquinze joursdevacancesscolairespour lapremière foisdepuisque j’ai lesenfants. Jedevraispeut-êtresongeràprofiterunpeuet jesuissûreque les jumeauxadoreraientallermangerchezleurtataettontonpréférés.

—OK,tuasgagné,maisjetepréviensquesic’estungrosnazecommePatrick,jevaistefairepasserlapiresoiréedetavie!

Mameilleure amiem’offre un sourire digne du Joker deBatman et jeme demande dans quelguêpierjeviensdemettrelespieds.

Etsi,finalement,jemefaisaisporterpâlepourcerepas?

2

Sileprochainclientmebalanceencoreenpleinefigurequ’il trouveinadmissiblelesnouvellesconditionsgénéralesdelasociétéd’assurances,jeluifaisboufferlefeuillet!

Jedétestemonboulot…Biensûrquandjesuisentréedanscetétablissement,jeletrouvaisgénialmaispluslesannéespassent,plusjemedisqu’iln’estpasfaitpourmoi.J’aivouluécoutermamèrequim’aditquejenepouvaispasfairefleuriste–commejeledésirais–carc’estunmétierincertainavecdeshorairespourris…c’estvraiqueterminerà19heures,c’estfantastique!

—Excusez-moi,Madame,jechercheMmeGarnier?medemandeunevoixmasculine.Sansblague!C’esttropcompliquédeliremonnomsurlaporte?!—C’estmoi,réponds-jed’unevoixlégèrementsarcastiquesansleverlatêtedemonordinateur.—JesuisMonsieurPetit,nousavonsrendez-vousà11heures.—Jevousdemandeuninstant,jeterminecequejesuisentraindefaire.L’homme souffle bruyamment,marquant au passage sonmécontentement et je prends quelques

secondespour–enfin–leregarder.L’habit–enl’occurrencesonnom–nefaitpaslemoinepuisquel’hommedoit frôler lemètrequatre-vingt-dix. Ilporteun jeanbrutetunechemiseblanchequi faitressortirsesmuscles,sescheveuxbrunssontcoupéscourts,coiffésavecunepointedegel…

Maisqu’est-cequimeprendàledétaillercommeça?Jereplongelenezdanslemailquej’étaisentraind’adresseràmonboss,essayantd’occulterla

vaguedechaleurquiasubmergémoncorpsdepuisquej’aiposémesyeuxsurmonprochainclient.DepuisqueNicm’aquittée,jen’aipluscherchéàavoirderelationsavecunautrehommeetdepuismon connard d’ex, aucun autremec n’avait réussi àm’émoustiller autant que vient de le faire ceMonsieurPetit.Ilfautabsolumentquejemereprennecarentremonboulotetlesjumeaux,jen’aipasletempsdepenseràautrechose.OK,lesvacancesarriventbientôtmaisjevaisdevoirmecoltinerlecousindumaridemameilleureamieetjepensequ’ilseraitvraimentmalvenudem’enticherd’undemesclients.

Unraclementdegorgemesortdemarêverieetjeredresselatête.—Jenevoudraispasêtredésagréable,maisvousavezdéjàdixminutesderetardet jen’aipas

toutelajournée,moi!C’estvraiquemoi,jen’aipasunevieendehorsdemonboulot!Putain!Jeretiretoutdesuitece

que je viensdedire : ce typeestpeut-êtrebâti commeunDieumais ilm’énervedéjàauplushautpoint!

J’arboremonplusbeausouriredefaçadeetl’inviteàentrerdansmonbureau.—Veuillezm’excuser,MonsieurPetit,jedevaisrépondreàcemaildetouteurgence,dis-jeenlui

serrantlamain.Ilm’adresseunregardexcédéets’installesurlefauteuilenfacedemoi.— Je ne comprends pas pourquoi votre gars à l’accueilm’a obligé à prendre un rendez-vous

pourfairecetyped’opération.Montempsestprécieuxetjenesupportepasqu’onmefasseattendre.Nonmaispourquiilseprend,celui-là?—Fabricen’apasleshabilitationsnécessairespourfairelesmodificationsd’uncontrat.—J’auraistrèsbienpufaireuncourrier!— Pour des raisons de conformité et de devoir de conseil, notre établissement préconise un

rendez-vousavecvotreconseilleretc’estpourcelaquenoussommestouslesdeuxdanscebureau.—C’estbon,épargnez-moivosphrasespréconçuesetmodifiez-moicesatanécontrat,qu’onen

finisse!proteste-t-ilenpassantunemaindanssescheveux.Jecomptementalementjusqu’àdixafindenepasdiredesparolesquejeregretteraiplustardet

expirelentementavantdeluiposerlesquestionsd’usage.— Très bien, Monsieur Petit, pouvez-vous me donner la raison pour laquelle vous souhaitez

changerdebénéficiaire?—Non.OK,calme-toi,Mel,cetypeestuncon…tunefaisquetontravail.Respire.—D’accord…danscecas…—Jesouhaitemettremafille,Lily,surtousmescontrats.—Entendu,jevaisl’ajouteràtousvoscontrats,donnez-moijustequelquesminutesetletoursera

joué.—Putain!C’estincroyablecommevouspouvezêtrelente!Vouslefaitesexprèsouquoi?Çane

doitpasêtresicompliquéd’entrerlesinformationsdansvotrebasededonnées,non?Vousvoulezquejelefassepourvous?Jesuiscertainquejepourraisallerplusviteetcommeçajepourraismebarrerd’ici.

—Nevous inquiétezpas, je fais toutmonpossiblepour écourtervotre attente.Croyez-moi, jesuisautantenchantéequevousparnotreentrevue.

—Etçaveutdirequoi,ça?—Vousn’avezpasenvied’êtreicietjen’aipasnonplusenviederecevoiruntypetelquevous!

lâché-je,excédéeparlafaçondontilsecomporte.—Jevousdemandepardon?!—Jecroisquevousm’aveztrèsbiencomprise.—Jevaisfaireunmotàvotredirectionpourleurdiretoutlebienquejepensedevous!—Jevousenprie,surtoutnevousprivezpas!Demoncôté, jenemanqueraipasdesouligner

votremanquedecourtoisie,MonsieurPetit.Cettefois,jesensquej’auraismieuxfaitdemetaire.Cetabrutisemblehorsdeluietmelanceun

regardnoiravantdeseleverdesonfauteuild’unbond.—Envoyez-moi lesdocuments à signer, jene resteraipasuneminute faceàune incompétente

pareille!—C’estça,cassez-vous!Etvoussavezcequ’ellevousditl’incompétente?Pourtouteréponseilm’adresseundoigtd’honneuretclaqueviolemmentlaportedemonbureau.Quelcon!Maisqu’est-cequ’ilsonttousaujourd’hui?

Mon dernier rendez-vous de la matinée, m’a complètement mis sur les nerfs et le reste de lajournées’estpassécommeçaavaitcommencé:merdique!

Jen’aspirequ’àunechose:récupérerlesenfantsàlagarderiedel’école,rentrerchezmoietmedétendre avec un verre de vin et un bon livre pendant que les jumeaux regarderont la télé.Malheureusement,untextodemameilleureamiemeramèneàlaréalité,jedoisencoresupporterledînerdecesoiravantderetrouverlaquiétudedemamaison.

Je quittemon travail un peu après 18 heures et arrive la dernière au périscolaire. L’assistantematernellemeregardecommesij’étaisleMessieetappellelesenfants.Mesdeuxpetitestêtesblondes

sortentdeleurclasseentrombeetsejettentdansmesbras.Soudain,lepoidsdelajournées’effacelorsquejelesserrecontremoncorps.Noussaluonslagardienneetnousdirigeonsjusqu’àlavoiturependantqu’Éléameracontedéjàtoutcequ’elleafaitpendantlajournée.Enzo,commed’habitude,secontentedereprendresasœurquandellesetrompesurlerepasdelacantinemaisàpartça,ilneditriendeplus.

Monfilsm’inquiète.S’ilatoujourseuuncaractèrebienplusréservéquesasœur,jetrouvequecesderniers temps, il se renfermebeaucoup sur lui.Peut-être qu’il accuse lemanqued’une figurepaternelle?Oubiena-t-ildesennuisavecuncamaradedeclasse?Ilfaudraitquejepasseunpeuplusdetempsseuleavecluiafindecreuserdavantage.

NousarrivonschezEmyetPierre,lesenfantssedétachentetsortentencourantfrapperàlaportedemesamis.Jelesrejoinsetaumêmemomentmameilleureamieouvrelaporte.

—Ah,vousêtes là ! Je suis contentedevoirque tune t’espasdéfilée, s’exclame-t-elle enmeprenantdanssesbras.Mattestdéjàlà,j’aihâtequetulerencontres,jesuissûrequ’ilvateplaire.

Jelèvelesyeuxaucieltoutenmedégageantdesonétreinte.—J’avouequesij’étaispasséeparchezmoiavantdevenir,j’auraissûrementannulé.J’aieuun

clientexécrableenfindematinée,ilm’acrevépourlerestedelajournée.—Mapauvre!Jenecomprendspascesgensquisecroienttoutpermis!—Àquiledis-tu!Emyenlèveleursmanteauxauxjumeauxpuiss’accroupitenfaced’eux.—J’aiunesurprisepourvous.Eliottestdanssachambreetunenouvellecopinevousyattend.Je

suiscertainequevousallezbienvousentendre!—Onpeutyaller,maman?demandeÉléa.—Biensûr,maisavant,allezdirebonjouràtonton.Lesenfantss’exécutentpendantquenousrangeonslesblousonsdansleplacarddel’entréepuis

nousnousdirigeonsdans le salon,oùPierre et soncousinnous attendent.Au fur et àmesurequenousavançonsdanslecouloir,j’entendsdeséclatsdeconversationetsoudainmonsangsefige.

—Jet’assure,Pierrot,jen’aijamaisrencontréunehystériquepareille!—Quiesthystérique?demandeEmy.J’entredanslapièce.Pierreestassissurunfauteuiltandisquesoncousin,dosàmoi,installésur

lecanapé.—Tuvasrire,machérie.Mattétaitentraindemeracontersonrendez-vousdecematinavecsa

conseillèreenassurance.Putaindemerde!Non!Cen’estpaspossible!Mesjambess’immobilisent,commesiellesn’étaientplusenmesuredefaireunpasdevantl’autre

etPierreremarqueenfinmaprésence.—Tiens,salutMel.Peut-êtrequetuconnaislafemmequiareçuMattcematin?LefameuxMattsetourneafindemeregarderetsesyeuxs’agrandissentdestupeur.—Merde!murmure-t-ilenmedévisageant.—Ohoui!Jelaconnaisettoiaussi,dis-jeenreprenantmesesprits.—Ahoui?Jesuiscertainalorsquec’estAngela,j’aijamaispul’encaissercelle-là.—Non,cen’estpaselle.Tulaconnaismieuxqueçapuisqu’ils’agitdelamarrainedetonfils.Mesamisn’arrêtentpasdenousfixeràtourderôle,lesyeuxécarquillés.—C’esttoi,leclientinsupportable?demandeEmyensetournantverslecousindesonmari.—Ehbien,jevoisquelesnouvellesvontvite,dit-ilenattrapantsonverresurlatablebasse.— Je pourrais en dire autant, rétorqué-je en arrivant à leur hauteur – mes jambes s’étant

miraculeusementremisesenmarche.—Ehbien…Ilsembleraitquejen’aipasbesoindevousprésenter,ditPierre,gêné.

—Effectivement, répondMatt.MadameGarnier,me salue-t-il, tel un connard arrogant enmefaisantunsignedetête.

—MonsieurPetit,réponds-jesarcastique.—Bon,bon,bon…Etsivousrepartiezsurdesbonnesbases?intervientEmy.Jesuissûreque

toutçan’estqu’unmalentendu.Jehausselesépaulesetattrapeunverrevidesurlatablepuism’empressedeleremplir.—Faitescommechezvous!—C’estceque je fais,oui.Enmême temps,c’estunpeumadeuxièmemaisonpuisque je suis

invitéeplusieursfoisparmois,contrairementàunecertainepersonnequisquattelamaisondePierreetEmypourlapremièrefoisendixansquejelesconnais.

Mattme lance un regard noir et je lui offremon plus beau sourire d’hypocrite en buvant unegorgéedevin.

SiEmyvoulaitquejesoisunerouedesecourspoursortirunpeulecousindesonmari,ellevaêtredéçuecaraprèscerepas,jenelereverraiplus!

Cetypemesortparlesyeux!

3

Etdirequej’auraispuannulercedîneretêtresousmacouettebienauchaudavecunbonlivreplutôtquesupportercetespèced’arrogant!

Cela fait plus de deux heures que je suis arrivée chez Emy et nous entamons à peine le platprincipal.Mon amie amis les petits plats dans les grands, espérant que jem’entende bien avec lecousindesoncherettendremaisc’esttoutlecontraireetnousn’arrêtonspasdenousenvoyerdespiques.Selonl’expression,ilparaîtque«quiaimebien,châtiebien»maislà,vraimentl’adageneseprêtepasàlasituation.Jeleconnaisàpeineetpourtantjeledéteste.Ilmefaitpenseraumeccanondulycéequiseprendpourleroidumonde,ilatoutvu,toutentenduetsaittoutmieuxquetoutlemonde.Vousvoyez legenre?Ehbien,c’estMatthieuPetitaliasMattpour les intimes.Çanem’étonnepasqu’il vienne de se faire larguer par sa nana ! Il faudrait donner unemédaille à cette femme pourl’avoirsupportéetluiavoirdonnéunenfant!

—Lerôtiestdélicieux,Emy,dis-jeenprenantunebouchée.—Merci,répond-elleensouriant.Toutàcoup,ungrandbruitsourdprovientdelachambreoùsontentraindejouerlesenfantset

unhurlementstridentse faitentendre.Niune,nideux, jequitte la tableencourantenentendant lespleursdemonfilsquejereconnaitraisentremille.J’arrivedanslapièceetÉléameditqu’ilavouluattraperunjouetenmontantsurlelitmaisqu’ilaperdul’équilibreetqu’ilesttombé.JeprendsEnzodansmesbrasetregardes’iln’apasunebossequelquepartmaisjenevoisrien.J’essuieseslarmesetleserrefortcontremoncorpsenleberçantpourlecalmer,commejelefaistoujours.Mattarrivedanslapièceetsemblesoulagédeconstaterquesafillen’arienetcontretouteattente,ils’adresseàmoid’unevoixdouce.

—Iln’arien?Tuasbesoindequelquechose?Tu?Depuisquandonsetutoie?Je fais nonde la tête alorsMatt retournedans le salon. Jememets à fredonnerune chanson à

l’oreilledemonfilspuisjeluidemandesiçava.—J’aimalaubras,merépond-il.—Malcomment?Commesitupouvaispluslebouger?Oujusteunpeu?—Unpeu.—Alorsonn’aurapasbesoindelecouper,dis-jeenluisouriant.Ilfaitdenondelatêtepuisexplosederirequandjefaissemblantd’avoirunescieetdeluicouper

lebras.Siladouleurétaitinsupportable,ilauraitcontinuéàpleureretn’auraitpasrigolé.Lechocadûluifairemalmaisriendebienméchant.Jeluiprometsqu’ilauraledroitàuneplusgrossepartdegâteaupuis jedemandeauxenfantsdevenirdans le salonavec lesgrandspour regarder la téléetlaisserEliottdormircarcepetitbonhommen’arrêtepasdesefrotterlesyeux.

Lorsquenousarrivonsausalon,jevoisqueMattn’arrêtepasdemeregarderetjesuisincapablededéfinirlalueurquejelisdanssesyeux.Peut-êtrequemaintenantqu’ilm’avueavecmesenfants,ilseditque jene suispeut-êtrepas lemonstrequ’ilpensait ?Etpuis,qu’est-cequeçapeutbienmefaire?Jemefichedelamanièredontilmevoit!

JelaisselesenfantschoisirleurprogrammeetleurmetslefilmLesMinionsavantderejoindrelatableetdereprendreledîner.

—Tuveuxquejetefasseréchauffertonplat?medemandemonamie.—Non, ça ira,merci. Tu sais, depuis que j’ai les jumeaux, j’ai l’habitude de ne plusmanger

chaud,dis-jeenriant.—J’aiconnuçaaussi,quandLilyétaitpetite,intervientMatt.D’ailleurs,avecSarah,onavaitpris

l’habitudededînerqu’unefoisqu’elleétaitendormiepouréviterça.C’est la première fois que je l’entends parler de son ex, et tout à coup je le vois, moi aussi,

différemment.IlsembleanéantiausouvenirdeSarahetmêmePierreetEmysemblentattristés.—Entouscas,mêmesi tuesunepiètreconseillère, jetrouvequetuesunetrèsbonnemaman,

continue-t-ilenmeregardant.—Euh…jenesaispastropsijedoisteremercier…enfin,pourlapartiemaman,ouimaisence

quiconcernemonboulot,jedoisdirequetuasétédrôlementdésagréable.—Oui,jelereconnais.—Vraiment?demandé-je,surprise.—Oui,maispourmadéfense,jesuisassezsurlesnerfsdepuisquelquesmois.Quelquesmois?Ça faitdesmoisqu’il s’est fait jeter et il est toujours énervé?Jen’étaispas

commeçaaprèsledépartdeNic,si?

Finalement, lerestede lasoirées’estbiendérouléetmêmesiaupremierabord,Matta toutduparfaitcrétin,j’airemarquéquec’étaitunpapapouleetlatristessequil’atouchélorsqu’ilaévoquésonexnel’aplusquittédetoutlerepas.J’avouequeçam’afaitdelapeinepourlui.Jenesaispassicette Sarah prend de temps en temps leur fillemais je n’en ai pas l’impression. LorsqueNicm’aquittée–carilnevoulaitpasdesjumeaux–jel’aiplusoumoinsexcuséenmedisantquec’étaitunhommeetquelafibrepaternellen’étaitpasdonnéeàtous.Maislorsqu’ils’agitd’unemère,j’aidumalàconcevoirqu’onpuissequittersesenfants.Mesjumeauxsonttoutemavieetmêmesi jesuissouventcrevéeàcaused’eux,jamaisjenepourraisvivresansmesenfants.Lejouroùjesuisdevenuemaman,j’aicompriscequ’estréellementaimer.

Je tourne la têteet regardemesdeux têtesblondesprofondémentendormiessur lecanapéet jen’aipaslecœuràlesréveiller.Alors,jesorsunepremièrefoispourmettrelemoteurdelavoitureenmarcheetfairechaufferl’habitacleafinquelespetitsneprennentpasfroid,puisjerécupèreleursmanteauxetdécidedelesporterchacunleurtourjusqu’auvéhicule.

—Tuveuxuncoupdemain?demandeEmypendantquejemetsmonmanteau.Mattnousrejointdanslecouloir,attrapeunblousonencuiretregardemameilleureamie.—LaisseEm,jevaisl’aider.Detoutefaçon,jecomptaissortirfumerunecigarette.—Tuesamour,répond-elleenluifaisantunebisesurlajoue.—Tun’espasobligé.J’ail’habitude…—Jesais,maisçamefaitplaisird’aider.Étonnée,jeleregardesedirigerdanslesalonetprendreEnzodanssesbras.Monfilsouvreles

yeuxpuis les refermeaussitôt toutenseblottissantcontreMatt. Jenesaispaspourquoi,maiscettescènemefaitl’effetd’uncoupdepoignarddanslapoitrine.

Etsi,malgrétoutl’amourquejeluiporte,jeneluisuffisaispas?J’essaiedechasser rapidementcettepenséeet les rejoins. Jemets lavestepar-dessusEnzoafin

qu’ilaitassezchaudpuisjeprendsÉléadansmesbraspendantqu’Emyposesavestesurmafille.Jesaluemesamisetlesremerciepourcettesoiréepuisnoussortonsmettrelesenfantsdanslavoiture.

Unefoislesportièresrefermées,unsilences’installeentreMattetmoi.—Ehbien…mercidem’avoiraidée.Jevaisyaller.—Jet’enprie,répond-ilensondantmonregard.Jefaisletourduvéhiculeetm’apprêteàouvrirlaportequandMattm’interpelle.—Désolépourcematin.J’espèrequ’onsereverrapendantmonséjour,ici.Faisattentionsurla

route!Etsansmelaisserletempsdeluirépondre,ilmetourneledosetsedirigeverslamaisondemes

amis.Ilavaitditqu’ilcomptaitfumeretc’estpourcetteraisonqu’ilm’aaidéemaisvisiblementilachangéd’avispuisqu’il esten trainde refermer laportederrière luialorsque jen’ai toujourspasbougé.

4

Mesjournéespassentàlavitessedelalumièreetdansunpetitjour,jeseraienvacancespourdeuxsemainesbienméritées.

Cematin,lesenfantssesontlevésplusfacilementquelesautresjoursetsedisputentdepuisunebonnevingtainedeminutes.

—Ma-maaaaaaan!Éléaacachémondoudou!—Éléa!Nem’obligepasàinterveniretrendssondoudouàtonfrèreavantquejenemefâche!

crié-jedepuislasalledebains.—Mais,maman!C’estluiquiacommencé,geint-elle.—Jemefichedesavoirquiacommencé!—Bon,d’accord,l’entends-jecapituler.Jepensequel’approchedesfêtesdeNoëljouesurleurnervositéetsurlamienne.Lapériodede

Noël est celleque j’aime leplus aumondedepuisque je suis enfant etdepuisque je suisdevenuemère,voirlesjumeauxs’émerveillerendécouvrantleurscadeaux,croireencoreàlamagieduPèreNoëlestindéfinissable.Pourtant,l’absencedeNicpèsesurmesépaulesencoreplusàcemoment-là.Siseulementilnes’étaitpascomportécommeunlâcheaveceux.Qu’ilnem’aimeplus,passeencoremaisqu’iln’éprouveaucunregretenabandonnantsesenfants,enloupantleurévolution,m’emplitdepeinepoureux.

Un coup d’œil à ma montre m’apprend que je suis en retard pour déposer les enfants à lagarderie.Jedécidedefairel’impassesurmonbrushingetattachemescheveuxenunchignonlâche.Jem’habille en quatrième vitesse puis descends les escaliers en courant,manquant in extremis demarchersurunLégogisantausol.Sespetitsjouetssonttoujoursabandonnésn’importeoùdanslamaison et lorsqu’on marche dessus, une douleur fulgurante se diffuse dans notre pied, créantinstantanémentdeslarmesdanslesyeux.

SaletédeLégo!Lorsquej’arrivedanslesalon,jedécouvrelamaisonsensdessusdessous.Maiscommentfont-ilspourtoujourssemerlapagailleensipeudetemps?Étantdéjà tropà labourrepourranger, jedécideque je le feraienrentrant–rectification : les

jumeauxs’enchargerontànotreretour!—Allez,lesloulous,prenezvosmanteaux,ilesttard,dis-jeenleurtendantleursvestes.Moins de troisminutes plus tard, nous sommes tous attachés dans la voiture, lemoteur est en

routeetlorsquejepasselamarchearrière,Éléasemetàcrier:—J’aioubliématétine!Bonsang!Onnevajamaisyarriver,aujourd’hui!Niune,nideux,jemedétache,fonceàlamaisonetretournelesalonàlarecherchedelatétine

oubliéequiétaitcachéedansunpetitlitpourbébé,sousunecouverturepuisregagnelavoiture.Lesenfantssontencoreentraindesedisputer,aussij’inspireprofondémentavantdeprendrelaroutepuislajournéepeutenfincommencer.

Aprèsavoirdéposélesjumeaux,jerestecoincéependantunedemi-heuredanslesembouteillagesetarriveauboulot,complètementsurlesnerfs.Toutjustelaportefranchie,Fabricem’interpellepourmedirequelebossveutmevoiravantmonpremierrendez-vous.

Adieumadosequotidiennedecaféinequidevaitmerequinquerpourêtred’attaquepouraffrontercettedernièrejournée!

Jeposemonmanteausur ledossierdemachaiseetmediriged’unpasraidevers lebureaudeJack. Jeprendsuneprofonde inspirationet frappeà laporte.Savoix raisonneà travers lavitreetm’ordonned’entrer.

—Bonjour,patron.Ilparaîtquevousvouliezmevoir,dis-jed’unevoixsûre.—Oui,Mélissa.Asseyez-vous,jevousprie.Sontoncérémonieuxnemeditrienquivailleetilfouillesurlapilededossiersensuspenssans

mêmemeprêterunregardetensortunelettre.—Jevoulaisvousparlerdel’incidentquis’estpassélasemainedernièreavecMonsieurPetit.Quoi?Mattaenvoyéuncourrierderéclamation!J’ycroispas!Luiquis’estexcusélorsqu’il

m’araccompagnéeàmavoitureaquandmêmeécritàladirection?Quelcon!—Àcepropos…,commencé-je.—MonsieurPetitm’afaitparvenircecourrierafindemesignifierqu’ils’étaitmontréodieux

enversvous,malgrévotrepatienceetvotreprofessionnalisme.—Vousêtessérieux?demandé-je,ahurieparlasituation.— Euh… oui, Mélissa. Je tenais à vous féliciter pour votre comportement et vous dire qu’à

compterdemaintenant,jem’occuperaipersonnellementdesaffairesdeMonsieurPetit.Ben ça alors !Moi qui ai cru un instant queMatt s’était comporté comme un connard, je suis

stupéfaiteparlatournuredesévénements.—Ce ne sera pas nécessaire, Jack. Je peux parfaitement m’en occuper. J’ai fait tout ce qu’il

m’avaitdemandéetilnevientquetrèsrarementàl’agencealorsjepensequeçavalefaire.—Vousêtessûre?Vousêtesundenosmeilleursatoutsetjenevoudraispasquevousayezune

relationconflictuelleavecunclient.—Çaira,jevousremercie,boss!—Trèsbien,maisàlamoindreincartade,venezmevoiretjemechargeraipersonnellementde

lui!Jeregardemonpatron,incrédule.Sijenelesavaispasmariédepuisvingtans,jepourraispenser

qu’ilmedragueétantdonnélalueurétrangedanssesyeuxmaislafatigueaccumuléecesdernièressemainesdoitmejouerdestours,çanepeutêtrequeça.

Jeregagnemonpostedetravail,souslesregardsinsistantsdeFabricequisedemandesiças’estbienpasséavecnotrepatronet jehausse lesépaulesavecunsourireenguisederéponse.J’allumemonordinateurettoutjustelerideaudelaporteprincipalelevé,montéléphonesemetàsonner.

Allez,plusquehuitheures,Mel,etlesvacancesserontlà!

5

C’est fou commedes semainespeuventpasser extrêmementvite et qu’une seule journéepuisses’éterniseràcepoint.J’ail’impressionquetouslesclientsquipassentmaporteonttouteslesmisèresduMonde sur leurs épaules et dès l’instant où ils s’assoient sur la chaise en face demoi, ilsmeracontent leurmalheur.Cen’estpasque jesois insensible, loinde làmême–enfinpasvraiment–maisest-cequej’ailatêted’unepsychologue?Chaqueentretiens’éterniseetjeprendsduretardàlafindechacun.

Uncoupd’œilàmamontrem’indiquejeneseraijamaisàl’heurepourrécupérerlesenfantsaupériscolaireetentredeuxclients, j’envoieunSOSàmameilleureamie.Celle-cis’empressedemerépondre en me disant de ne pas m’inquiéter, qu’elle s’occupe des jumeaux. Je soupire desoulagementpuis sorsdemonbureauafind’aller accueillirmonprochain client lorsque je tombenez-à-nezavecunlivreur,unénormebouquetderosesrougesàlamain.

—MmeGarnier?demande-t-ilenm’apercevant.—Euh…oui,c’estmoi.—Alors,ceciestpourvous !Bonne finde journée,Madame,dit-il enmettant lebouquetdans

mesbras.Les clients attendant leur tour me lancent des regards appréciateurs, d’autres curieux et je

m’empressed’allerdanslasallederepostrouverunvasepourposerlesfleurs.Jehumeleurodeuretcherche une carte pour savoir quim’offre ce présentmais aucunmot n’est glissé à l’intérieur. Jefroncelessourcilsmaisleparfumenivrantdesrosesmedonnelesourire,alorsjepréfèrenepasmeposerdequestionsetretournedansmonbureau.

Emym’envoie unmessage pourm’inviter à dîner ce soir. Je décide de passer d’abord par lamaisonmechangeretrangerunpeuledésordrequ’ontlaissélesenfantscematin.Lorsquej’arrivedansmon lotissement, je remarque une voiture que je n’ai jamais vue auparavant garée devant lamaison. Je tourne la tête et découvre un homme, debout dans l’allée, en train de vérifier s’il y aquelqu’unàl’intérieur.Unfrissonmeparcourtl’échineetjemegarederrièrelevéhicule.Jeprendsuneprofonde inspirationet reportemonattention sur l’homme.Bienqu’il soitdedosetvêtud’ungrosmanteau,jereconnaisimmédiatementcesépaulescarréesetmonsangseglace.

Dites-moiquejerêve!Jenesaispasquoifaire.Jesuistirailléeentrel’enviedesortirdemavoitureetallerluidemander

descomptesetcelledepartirmeréfugierchezmameilleureamiepourpleurer toutmonsaoul.Jepensaisavoir fait ledeuildemarelationavecNic,mais levoir ici,presquequatreansaprèsnotreséparationranime ladouleurcommes’ilétaitparti laveille. Jemerevoisen traindedécouvrirceputaindepost It sur le frigo, la douleur incommensurable qui s’est emparéedemoi, la fin demagrossesse toute seule, épauléeparmesparents etmesamismais sans l’hommeque j’aimais etquim’avaitmisedanscettesituation.Etvoilàquemaintenant,ilsepointechezmoi!Ils’attendàquoiau

juste?Quejeluisautedanslesbras?Etsijen’avaispasétéàlabourre,jeseraislàavecmesgaminsetjeleurauraisditquoi?Lesenfants,voicileconnardquiapermisquevousveniezaumonde!Nonmaisquelculotiladerevenircommesiderienn’était!

Calme-toiMel,tuesentraindefaireunecrisedepanique.Respire.Jebaisse la tête surmonvolantetme répèteenbouclecemantrapuisune foisque jemesens

assezcalme,jemeredresseetaperçoisNicquimeregarde.Allez,magrande,quandfautyaller,fautyaller!J’éteins le contact de la voiture, attrape mon sac et sors. Chaque pas que je fais me donne

l’impressiond’êtrefaitedeplombetc’estlecœurtambourinantdansmapoitrinequejem’arrêteàquelques centimètres de lui.MonDieu ! Il est toujours aussi beau.Grand,musclé, blond, les yeuxbleus,ilatoujoursreprésentél’hommeidéaletlerevoiraprèstantdetempsmeretournel’estomac.J’ail’impressiond’êtrelamêmegaminequ’àl’époqueoùjel’airencontrépourlapremièrefois.JesortaisdelafacettropabsorbéeàenvoyeruntextoàEmy,jeluisuisrentréededans.Lorsquemesyeuxsesontposéssurlui,j’enaieulesoufflecoupé.Jenecroyaispasaucoupdefoudreavantcetinstantcarimmédiatementj’aicomprisqueçaexistaitvraiment.

—Mel!s’exclame-t-ilenmedévisageant.Jesuissicontentdeterevoir.—Jenepeuxpasendireautant,Nicolas.Ilsepasseunemainnerveusesurlanuqueetm’offreunsourire.Celui-làmêmedontj’étaisfolle

maisquimedonneenviedevomiràcetinstantprécis.—Jemedoutaisqueturéagiraiscommeça.J’aibesoindeteparler,dit-ilenregardantautourde

nous.Oùsontlesenfants?—Où.Sont.Les.Enfants?craché-je,furieuse.Tutefousdemoi?Qu’est-cequeçapeuttefoutre

oùilssont,putain?Tun’asaucundroitsureux,ceuxsontMESenfants,tuentends!Faceàmacolère,illèvelesbrasensignederedditionetavanced’unpas.—Jenetejugeaispas,Mel.Jem’attendaisàvousvoirtouslestrois…—Etjeleurauraisditquoi,s’ilsavaientétélà?Lesenfants,ditesbonjouràpapa?Sérieusement,

Nic!Tunepensestoujoursqu’àtapetitepersonne!—J’aichangé,Mel.Situmelaissaisl’occasiondeteparler…—Visiblement,nontun’aspaschangésinontunetecomporteraispasenconnardégoïsteenétant

devant mamaison ! Je n’ai pas envie de tes explications à deux balles. Tu es sorti de ma vie aumomentoùj’enavaisleplusbesoin.Mesenfantsetmoiallonstrèsbienmaintenant…

Jem’arrêtelorsquejesensmavoixtrembleretdeslarmesemplirmesyeux.Jemedétested’êtreencorefurieusecontreluiaprèstoutescesannéesetjeledétestedemefaireressentirça.Jeplongelamaindansmonsac,attrapemescléspuissansluijeterunregard,jemontelesmarchesduperronetouvrelaported’entrée.

—Jevaismechangeretjeveuxquetunesoispluslàquandjerepartirai.Et,sansattendreuneréponsedesapart,jeluiclaquelaporteaunez.J’yresteuninstantadossée,

lecœurmartelantmapoitrine, lesmainsmoites, lesbrasballants…jeme laisse finalementglisserjusqu’àfinirlesfessesausol,leslarmesinondantmesjoues.Pourquoiest-ilrevenu?Etpourquoijeréagisainsiensaprésence?

J’attendscequimesembleêtreuneéternitéavantd’entendre lemoteurde savoituredémarrer.Unefoisquejesuiscertainequ’ilestparti, jemelèveetfileprendreunedouche.Unevingtainedeminutes plus tard, je regarde mon salon, toujours en désordre, et hausse les épaules. Après cettejournéedemerdeetlavisiteimpromptuedemonex,jen’aipluslaforcederangeretaprèstout,jem’étaisditenpartantcematinquec’étaitauxjumeauxdevirerleurbazar.Jeprendsmonmanteauetsorsdelamaisond’unpasdécidé.Aumomentoùjerefermelaporte,j’aperçoisunpost-Itdessus.

Pincez-moi,jerêve!Je l’attrape et le regarde comme s’il pouvait prendre feu d’un instant à l’autre. Il a laissé son

numérodetéléphoneetseulementun:Appelle-moi.Je froisse le bout de papier avec l’envie de le jeter à l’autre bout du jardin, pourtant je me

surprendsàlemettredansmapocheetfileversmavoiture.Unquartd’heureplustard,jefrappeàlaportedemameilleureamieetc’estMattquim’accueille.—Mélissa,toutvabien?medemande-t-il,visiblementinquiet.Je hoche simplement la tête et entre dans lamaison.Aussitôt, le rire des enfants dans une des

chambresmeprendauxtripesetsansquejem’enrendecompte,jemeremetsàpleurer.—Emyyyyy!hurleMattderrièremoi.Mameilleureamiearriveencourantets’arrêteenm’apercevant.—Qu’est-cequetuluiasdit?s’emporte-t-elle.—Rien,jetelejure,elles’estmiseàpleurerdèsqu’elleafranchilaporte.Jesuisincapabledeconfirmercequ’ilvientdedire,deviolentssanglotsmesecouentsansqueje

puisselesenempêcher.Emymeprenddanssesbrasetmemènejusqu’àsachambrepourquenoussoyons toutes les deux. Ellem’aide àm’asseoir sur le lit et attend patiemment quemes larmes setarissentpourmequestionner.

—Tuveuxbienmedirecequit’arrive?demande-t-elled’unevoixdouce.Ladernièrefoisquetuétaisdanscetétat,c’estquandl’autreabrutis’estbarré.

—Il…fautcroire…quec’estleseul…quiarriveàme…mettredanscetétat,dis-jeentredeuxsanglots.

—Quoi?crie-t-elledesurprise.Qu’est-cequetuveuxdireparlà,mapuce?—Nic…estrevenu…ilétaitdevantlamaisoncesoir,quandjesuisarrivée.—Non!Qu’est-cequ’iladit?Tuluiasparlé?Seigneur!Heureusementquelesenfantsétaient

ici!Emy n’arrête pas de parler pendant que j’essaie de me calmer avant que les jumeaux ne

remarquentquejesuisarrivée.Ilesthorsdequestionqu’ilsmedécouvrentdanscetétatlamentableàcausedeleurgéniteur.

—Mel?Tum’écoutes?—Pasvraiment,non.Désolée.Jesuisperdue.Ets’ilvenaitpourmeprendrelesjumeaux,Emy?

Jenelesupporteraispas!m’écroulé-je,transiedepeuràl’idéed’êtreséparéedemesenfants.—Ilveutpeut-êtresimplement lesconnaître?ditcalmementmonamieenmeprenantdansses

bras.—Sicen’estqueça…alors,ilfaudrabienquejefasseuneffort.C’estleurpère,mêmes’ilne

mérite pas cette appellation.Mais on ne peut pas faire n’importe quoi avec les jumeaux, ils sontencorepetitsetEnzoestsifragileencemoment!

— Je sais, ma puce. On trouvera une solution. On te soutiendra avec Pierre, comme on l’atoujoursfait.

Deux coups discrets nous font sursauter et la porte s’ouvre surMatt. Il nous regarde d’un airattristéetseraclelagorge.

—Ledînerestprêtetlesenfantsontvutaveste,Mélissa.

—Prends-toideuxminutespourterefaireunebeauté,jem’occuped’euxenattendant,ditEmy.Jeresteplusieursminutesdanslachambredemonamie,complètementabattue.Jesavaisbienque

ce jour arriverait à un moment ou à un autre, mais je ne pensais pas qu’il viendrait si vite. Jel’imaginais se pointer vers leur adolescence, pas à l’aube de leurs quatre ans. Comment vont-ilsprendrelanouvelle?Commentvais-jeréussiràencaissersonretour?

Jeledéteste!Jeledéteste!Jeledéteste!

6

Unefoiscalmée,jeretournedanslesalon.Lesenfantssontassisautourdelatablebasse,entraindemanger des nuggets et des frites, tandis quemes amis sont installés dans la salle àmanger. Jem’arrêteprèsdespetitsetlesembrassesurlesommetdelatêtependantqu’ilsmesaluentd’unbrefsignedelamain,tropoccupésàdévorerleurrepas.

—Bonappétit,lesloulous,dis-jed’unevoixfaussementenjouée.—Ci,maman,répondent-ils,labouchepleine.Jeleurébouriffelescheveuxpuisvaisprendreplaceàtable.—Emynousaexpliqué,commencePierre.—Onenparlerauneprochainefois, jevoudraismangerunpeuetsionattaquelesujetNic, je

pensequej’enseraiincapable.—Pasdesouci,mabelle,merépond-ilavecdouceur.Emysertlerepasetjemeforceàcouperunboutdeviandepuisdelemangerpendantquemes

amis essaient de faire la conversation en évitant soigneusement de parlermon ex. Ils questionnentbeaucoup Matt mais je ne prête pas vraiment attention à leur discussion jusqu’à ce que celui-cis’adresseàmoi.

—Tonpatrona-t-ilreçumoncourrier?Jehausse lessourcils, la fourchettesuspenduedevantmes lèvresenessayantdecomprendrede

quoiilmeparleexactement,puisj’aiuneillumination.—Oui,tun’auraispasdû,réponds-jeenluiadressantunsourire.— Jeme suis comporté commeun enfoiré, lamoindre des choses était de réparerma bourde

auprèsdetadirection.—Merci.—Jet’enprie.Mattcroqueàpleinesdentsdanssonpainsansmequitterdesyeuxetunesensationindescriptible

s’emparedemoi.Ce type est vraiment étrange.Audépart, ilm’a semblé être le pire des salopards et depuis que

nousavonsdînétousensembleendébutdesemaine,jeletrouvedeplusenplusgentil.C’estétonnantcommeonpeutsetrompersurunepersonneaupremierabord.

Nouscontinuonsnotrerepasennousregardantdiscrètement.J’ail’impressionqu’ilessaiedelireenmoi,celameperturbeetenmêmetemps,m’exciteaussi.C’estlapremièrefoisenquatreansquejeressenscetroubleetjenesuispascertainequecesoitunebonnechose.Jecontinuedeleregarderalors qu’il est en train de parler à Lily, qui nous a rejoint une fois son assiette vide. Je ne peuxm’empêcherdelecompareràNic.Commelui,ilesttrèsgrandmaissimonexestblond,Mattalescheveuxbrunfoncé–presquenoir–,desyeuxbleusquirappellentlacouleurdel’océan,unteintmat,une carrure plutôt imposante – un peu comme un bûcheron Canadien. À cette pensée, je gloussesilencieusementetEmymejetteuncoupd’œilinterrogateur.Jehausselesépaulespuisattrapemonverredevinquejeboisd’unetraiteafindemasquermontrouble.Commentpouvais-jeêtreautrente-sixièmedessous,ilyamoinsd’uneheureetavoirlespenséesquidéraillentàlavueducousindumecdemameilleureamie?Ilparaîtquenous, lesfemmes,sommescompliquéeset jedoisavouerquepour lecoup, je suisbiend’accord. Je suis incapabledecomprendre lamoindredemes réactions.Pourtant,jenedoispasavoirmesrèglesdanslesjoursàvenir,jenepeuxmêmepasmettreçasurlecoupdeshormones!

Lerepas terminé,nousaidonsEmyàdébarrasserpuisMatts’éclipsedans le jardinpour fumerunecigarette.Jeleregardeassissurleperron,latêtelevéeverslesétoilesetj’aimeraispouvoirliredanssespensées.Ilsemblesoudainsitriste.Apparemment,jenesuispaslaseuleàavoirdumalaveclesouvenirdemonex.

—Iln’apaslaviefaciledepuisquelquestemps,meditPierreenposantunemainsurmonépaule.—Ilsemblerait,dis-jeenfaisantfaceàmonami.Vousvousentendezbien,touslesdeux,jeme

demandaiscommentçasefaitqu’iln’étaitjamaisvenuicidepuisletempsquejevousconnais.—IlvivaitdanslesuddelaFrance.IlnevenaitquetrèsrarementàParis,répond-illégèrement

évasif.—Pourquoitoutsembletabouquandils’agitdeMatt?nepuis-jem’empêcherdedemander.—C’estunpeupareil avec le sujet de ton ex ?demande l’intéresséque jen’avaispas entendu

rentrer.—Désolée,m’excusé-je,rougecommeunetomate.—Ouais,c’estpasgrave,tunem’avaispasvurevenir.—Cen’estpasuneexcuse…j’aiététropcurieuse.—Enmêmetemps,lacuriositéesttypiquementféminine,menargue-t-ilenm’adressantunclin

d’œil.Ilpasseàmescôtés,me frôle légèrementpuis récupèresonverredevinsur lecomptoirde la

cuisineetenboitunegorgéeennemequittantpasdesyeux.C’estmoiouilfaitchaudtoutàcoup?Pileaubonmoment,mesenfantsdéboulentcommedes fousdans lacuisineet se jettentcontre

mesjambes.—OnpeutdormiriciavecLily,maman?demandent-ilsd’unemêmevoix.—Uneprochainefois,lesloulous.Onn’apasprévud’habitsderechangeetjenesuispassûre

quetataEmyaitlapossibilitédevousfairedormircesoir,réponds-jeenm’accroupissantdevanteux.—Maissi,ellepeut!ditÉléa.Ondorttoujoursdanslachambrevide.—Ellen’estpasvideencemoment,trésor.Lilyetsonpapa,l’occupent.Ma fille commence à taper du pied en signe d’énervement et je lui attrape le menton pour la

forceràmeregarderdanslesyeux.—Nefaispasdecaprice,cen’estpasbeau.Etsituacceptesderentreràlamaisonavecmaman

sansrâler,onpourraitpeut-êtreproposeraupapadeLilyqu’elleviennedormiràlamaisonceweek-end,d’accord?

Éléa fronce les sourcils et croise ses petits bras sous sa poitrine, comme moi quand je suisénervéepuisellesetourneetvadroitversMatt.

—Lilypeutdormircheznous,cesoir?—Éléa,l’avertis-jed’unairsévère.J’aiditquoi?—Lilypeutveniràlamaison,demain?Mattluisourittendrementetcommemoi,ils’accroupitpourêtreàsahauteur.— D’accord, mais à condition que tu m’invites à dîner avec vous, lui répond-il avec un air

malicieux.

Ilvientvraimentdes’imposeràmangeravecnous,là?—OK!crie-t-elleentapantdanssesmains.Ma-maaaaaaan!Lilydortàlamaisondemainetson

papamangeavecnous!Cen’est pas du tout ce qui était prévu et une certaine appréhensionmegagne à l’idéede faire

venirMattchezmoi.Jenesaisvraimentpascequiestentraindesepasserentrenousetjemesenscommeunebichepriseaupiègefaceauxpharesd’unevoiture.

—J’ail’impressionquetuluiplais,murmureEmyenpassantprèsdemoi.—Em!dis-jeentremesdents.—Jedisça…jedisrien,répond-elle,visiblementamuséeparlasituation.Entremonpatronquimedraguaitplusoumoinscematinauboulot,monexquiréapparaitdans

maviedujouraulendemainetmaintenantMattquis’invitechezmoi…Jemesenscomplètementàcôtédemespompes.

Pourquoilavieestsicompliquée?!

7

—Ma-maaaaaaaan!Jeveuxmonbibi!Maispourquoitousmesjoursdereposcommencentdecettefaçon?J’ouvre péniblement les paupières mais n’ose regarder le réveil sur ma table de nuit. Tel un

zombie,jemedirigedanslachambredesenfants,lesdécouvredanslelitd’Enzo,lesembrassetouràtouretdescendsleurpréparerleurlait.Aussitôtenbas,j’allumelatéléetsaluePeppaPigpuisjevaisdanslacuisine.

Oui, oui, j’ai vraiment dit bonjour à leur dessin animé préféré puisqu’il fait presque partie denotrefamilletellementilsleregardent!

J’allumemamachineàcafétoutenfaisantleurbiberonpuisunefoisquetoutestprêtjelesdonneauxjumeauxquisontdéjàobnubilésparlesaventuresducochonrose.J’attrapematassedecaféetregarde par la fenêtre. Les nuages sont bas cematin et je suis presque sûre qu’avant la fin de lajournée,ilvasemettreàneiger.Soudain,jeprendsconsciencequeNoëlestdansquinzejoursetjedécidequ’ilestgrandtempsquelaféériedecettepériodedel’annéeentredanslamaison.

JesorstousmesustensilesdecuisineetcommenceàpréparerunepâtesabléetoutenfredonnantdeschantsdeNoël.Puis,lorsquej’aiaccomplimatâche,j’appellelesenfants.

—Quiveutaidermamanàfairedessablés?—Moiiiiii!crient-ilsàl’unisson.Ils me rejoignent en courant, un immense sourire aux lèvres et nous nousmettons au travail.

J’attrapeleurspetitstabliers,leurpasseautourducouetlesattacheàlataillepuischacunchoisisesemporte-pièces. Éléa opte pour des sapins, Enzo pour des bonhommes etmoi, j’utiliserai tous lesautres.

Lamatinéepasseainsiàviveallureentrenosrires,leschants,lesbataillesdefarineetjemesensbeaucouppluslégèremêmesilacuisineressembleàunvéritablechantier.Àmidi,nousdécidonsdemangerdeshot-dogsmaison,installéssurlecanapédevantundessinanimé.Cettefois,pasquestiondesupporteruneénièmefoisPeppa,j’optepourleurfairedécouvrirZootopie.Jenesaispasàquelmomentnousnoussommestouslestroisendormissurlecanapémaislasonnettedelaported’entréemeréveillealorsqu’ilfaitdéjànuit.Jeregardemamontreetconstatequ’ilestplusde17heuresetqu’àpartdespetitssablés,rienn’estprêtpourcesoir.

Jeréveillelesenfantsetleurdemandederangerleursjouetséparpilléssurlesoldusalonetvaisouvrirànosinvitéssansregarderaupréalableparlejudas.

Graveerreur!J’ouvrelaporteetmeretrouvenez-à-nezàmonex.Mêmesijenesuispasassezcouverteetqu’il

commenceàneiger–j’avaisraisonsurcepoint–jesorssurleperronetrefermelaportederrièremoi.

—Qu’est-cequetufichesici,Nic?—Tunem’aspasrappelé!Jeleregardedelatêteauxpiedsenprenantletempsderéfléchiràcequejevaisluidirelorsque

j’entendsunevoituresegarerdansl’allée.JeredresselatêteetdécouvreMattetLilyderrièremonabrutid’ex.Envoyantlascènedevantlui,Mattfroncelessourcilsetsepencheverssafillepuiscelle-ci arrive en courant et passe devant nous en criant un bonjour presque hystérique et entre dans lamaison.

—C’est…elle?demandeNic,visiblementprisaudépourvu.

—Non,c’estsacopineLily.Soudain Matt arrive à notre hauteur et avant que je puisse faire les présentations, celui-ci se

penchesurmoietm’embrassefurtivementleslèvres.—Salut chérie, je suis en retard, dit-il enpassant unbras autourdema taille.Bonjour, je suis

Matthieu,lecompagnondeMélissaetvousêtes?demande-t-ilentendantsamainlibreàNic.Celui-ci,hébété,nousregardeàtourderôlepuissaisitlamaindeMatt.—NicolasBeaugrand,répond-ilenluilançantunregardnoir.—Jevois…ehbien,jevousinviteraisbienàentrermaisnousavonsdeschosesdeprévuesdonc

jevaisàlaplacevoussouhaiterunebonnesoirée,luidit-ilenletoisantd’unairdédaigneux.Je regarde la scène se dérouler devant moi comme si je n’étais plus dansmon propre corps.

D’abord,Matt secomporteenvéritablegoujatavecmoipuis il s’excuse.Ensuite, j’ai l’impressionqu’ilmedraguelégèrementavantdedevenirmélancoliquepuislevoilàquis’invitechezmoietqu’ilfaitsemblantd’êtremonpetitamipourrendrejalouxmonex!

—Jerepasseraiuneautrefois,ditNic,complètementagacé.—Çaseraitbien,etsivouspouvieznouspréveniravantçaseraitencoremieuxpourquenous

puissionspréparerlesjumeaux.—Ceuxsontmesenfants!s’emporteNic,soudain.—Ouais,c’estpastropl’impressionquej’aieuvuquevousrépondezauxabonnésabsentsdepuis

qu’ils sontnésetmêmeavant, si jenem’abuse, lui rétorqueMatten raffermissant saprisesurmahanche.

—Écoute-moibien,petitcon…Etlà,toutàcoup,alorsqueNiccommenceàdevenirincontrôlable,jesorsdematorpeur.—Non!crié-jeenm’avançantverslui.Mattaraison!Alors, tuvast’enalleret jet’appellerai

quandjeseraiprête.Pourlemoment,ilesthorsdequestionquejeteprésenteauxjumeauxcommeça,parceque tu l’asdécidé.Tuasperducedroit ennousabandonnantdu jourau lendemainalorslaisse-moidutemps,OK?

Ilmeregardecommesijevenaisdelegifleretreculed’unpas.—Situnem’aspasdonnédenouvellesd’icideuxjours,jereviendrai,Mel.Tunem’empêcheras

pasderencontrermesenfants.Et sansme laisser le tempsde rétorquer quoi que ce soit, il tourne les talons et rentre dans sa

voiture.JenequittepasleperrontantquesaClion’estpassortiedulotissementetcen’estqu’àcemoment-làquejemerendscomptequej’avaisretenutoutcetempsmarespiration.

—Çavaaller,Mel?medemandeMatt.Mel.C’est la première fois qu’ilm’appelle parmon surnom et dans sa bouche, celui-ci sonne

commeunedoucenotedemusique.—Merci,dis-jeenguisederéponse.—Pourquoi?répond-ilenhaussantunsourcil.—Pourtoutcequetuviensdefaire:passerpourmonpetitami,prendremadéfenseetcelledes

enfants.C’étaitvraimentsympa.—Ehbien,iln’yapasdequoi,jen’aimêmepashésitéuneseconde.Jeluisouristendrementetl’embrassesurlajoueavantd’ouvrirlaportedelamaison.—Aufait,dit-ild’unairrieur.Trèsjolietenue!Jebaisselesyeuxetdécouvre,horrifiée,quejesuistoujoursenpyjamaavecdeslicornespartout

dessus.Soudain, toute la tension accumuléependant cet échange étrange avecmonex s’évapore etj’éclatederirefaceàlasituation.

Nouspénétronsàl’intérieurdelamaisonetjeproposeuncaféàMattpuisjemonterapidementàl’étageme changer.Même s’il ne s’agit pas d’un rendez-vous à proprement parler, je prends une

doucherapideetresteplusieursminutesdevantmapenderieenmedemandantcequejevaispouvoirmemettre.Jen’arrêtepasdepenserauxlèvresdeMatteffleurantlesmiennesetjeressenscommedesmilliersdebattementsd’ailesdepapillonsaucreuxdemonestomac.J’optepourunleggingimitationjeanetunpullgrischiné,attachemescheveuxenunchignonlâchepuismetsrapidementunetouchedemascarasurmescilsetdeglosssurmeslèvres.Unequinzainedeminutesplustard,jesuisenbasdesescaliersetdécouvreMatt,allongésurlesoldusalonentraindejouerauxvoituresavecEnzopendantquelesfillesjouentàlapoupéesurlecanapé.Jeresteunmomentsansbougeràlesregarderet les larmesmemontent aux yeux quand je vois la joie demon petit garçon. Il semble tellementheureuxdepartagersejouetsavecunhomme…Immédiatement,levisagedeNics’imposeàmoietmêmesijenesuispasheureusequ’ilreviennedansmavie,jemedois,pourEnzo,deluiaccorderunechanceafinquemesenfantsconnaissentleurpère.

—Ah,tueslà,ditMattenm’apercevant.Ilchuchoteàl’oreilledemonfils,puisselèveetmerejoint.—Tuestrèsbellemêmesij’aimaisbeaucoupleslicornes,dit-ilendétaillantmatenue.—Jepeuxretournermemettreenpyjama,situytienstant,réponds-je,joueuse.—Mmm…peut-êtreuneautrefois.Jemesensrougirjusqu’àlapointedemescheveuxetluiproposedem’accompagneràlacuisine.

Il s’installe sur un tabouret autour de l’îlot central pendant que j’ouvre le frigo à la recherche durepasdecesoir.

—Jesuisdésolée,jen’aiencorerienpréparé.Jenesavaispasàquelleheuretuallaisveniretjeme suis endormie avec les enfants devant la télé. C’est Nic qui nous a réveillés peu avant que tun’arrives.

—Cen’estpasgrave,tun’aspasàt’excuser.Tuveuxuncoupdemain?—Certainementpas,tuesmoninvité.Iln’estpasquestionquetutemettesauxfourneaux!—Ohtusais…c’estjustemonmétieralors,j’ail’habitude.—Non?!Tuesvraimentcuisinier?—Ehbienoui,onenaparléhiersoirpendantlerepasmaisj’imaginequetun’avaispaslatêteà

écouter.—Ohmerde!Noneffectivement, j’aieu la têteailleurspendant tout ledîneretmaintenant j’ai

unepressionmonstrueusesurlesépaulessijefoirelerepas.—Maisnon,arrête!Jesuiscertainquetunelelouperaspasetjeseraiàtescôtéspourrattraper

lecoupaucasoù,medit-ilavecunclind’œilespiègle.Jeluidonneuncoupdetorchonetnouséclatonsderirependantquejemetriturelesméningesà

larecherched’unplatque1)jeneloupejamais,que2)lesenfantsaimerontetque3)jenepassepaspourunemèreindignenesachantcuisinerquedespâtesaubeurre.

Jedécidedepréparerunrôtideporcavecdespoireauxetdescarottesetjeferaiégalementunepurée de pomme de terremaison au cas où Lily n’aimerait pas les légumes. Enfin, avec un pèrecuisinier,çam’étonneraitmaisautantjouerlasécurité.

Pendantl’heurequisuit,Mattregardemesmoindresfaitsetgestesetdetempsàautre,ilvientmedonneruncoupdemainoum’expliquecequejedoisfairepournerienlouper.Petitàpetit, jemedétendsauprèsdeluietappréciedeplusenplussacompagnie.Àaucunmomentilnemeparledesonex et je n’ose aborder le sujet.Après tout, je n’ai pas non plus envie de parler deNic alors je le

comprends. Il me parle de son boulot, de Lily qui égaye sa vie et de sa passion pour les sportsextrêmes.

—Maisc’estsuperdangereux!m’exclamé-jelorsqu’ilmeparled’unsautenparachute.—Pas quand tu es aidé par unprofessionnel. J’aime l’adrénaline et j’ai besoin de ça pourme

sentirvivantmaisjenelefaisjamaisdefaçoninconsidérée.—Jemedoute,maiss’ilt’arriveraitquelquechose?—Ilnem’arriverarien,répond-ilavecunairsombre.—Papaaaaaa!Tupeuxvenirnousaider?demandeLilydepuislesalon.—Ledevoirm’appelle!Tuvast’ensortir,letempsquej’aillelà-bas?mequestionne-t-il,taquin.Jeluilanceunregardfaussementoutréetiléclatederireenquittantlacuisine.J’essaiealorsde

calmerlesbattementserratiquesdemoncœurquines’étaitplusmanifestécommeceladepuisNic.Jesuisencoretouteétourdieetperduedansmespenséesquandilsemetderrièremoiethumeleparfumdemonplat.

Àmoinsquecesoitmonparfumqu’ilrespiredecettemanière…Quandilseretrouvesiprèsdemoi,tousmessenssontenalerte.

Jemeretourneafind’annonceràtoutlemondequelerepasseraprêtdansunedizainedeminutes.Enluifaisantface,nousnenousretrouvonsplusqu’àquelquescentimètresl’undel’autre.Latensiondans la pièce est à sonmaximum,mon cœur bat de plus en plus vite etma respiration s’accélèrelorsquesesyeuxs’attardentsurmabouche.Sansréfléchiràcequejesuisentraindefaire,jepassema langue nerveusement surmes lèvres et ses pupilles se dilatent. Dansma tête, tous les signauxannonçantqu’ilvam’embrassers’allumentmaisjenebougepasd’unpouce.J’enmeursd’envieetj’ail’impressionqueluiaussi.

Soudain,jesensquelquechosemetaperlajambegaucheetMattetmoi,nousécartonsàregret.—J’aifaim!Onmangebientôt?demandeEnzo.—Oui,moncœur,çavaêtreprêt.DisàtasœuretLilydevenirselaverlesmainsetaprès,allez

vousinstalleràtable,d’accord?Ilhoche la tête, attrape le reposepiedcaché sous l’îlot et se lave lesmainsenpremierpuisva

chercherlesfillesdanslesalon.J’ouvre les portes du placard et sors les assiettes,Matt me les prend des mains – un courant

électriquemeparcourtlecorpslorsquenosdoigtssetouchent–puisilvamettrelatablependantquejesorslescouvertsetquejemeremetsdemesémotionsalorsqu’ilnes’estrienpassé.

8

Nous passons une agréable soirée.Les enfants ont toutmangé et sontmaintenant allongés et àmoitiéendormissurlecanapéentrainderegarderundessinanimépendantquenousdébarrassonslatable.

Je suis en train de ranger les assiettes dans le lave-vaisselle quandMattme frôle en posant labouteilledevinsurl’îlotcentral.

—C’était trèsbon,Mel.Jepourrais teprendrecommecommissi jamais tuvoulaischangerdemétier.

J’éclatederireenhochantlatêteetluiréponds:—Mercimaisjenepensepasquejepourraistravaillerdansunrestaurant.—Ahoui,etpourquoiça?—Tu plaisantes ? Tu te rends compte la pression que tu subis à chaque service ?OK, je n’y

connaispasgrand-chosemaisjesuisunegrandefandesémissionsculinairestellesqueTopChefouCauchemarsencuisine.

—C’estvraiqu’entravaillantdanslesassurances,tun’aspaspression.Entrelesréclamationsdesclients,lesobjectifsàréaliser,c’estunevéritablesinécure.

—C’estpasfauxmaissijedevaischangerdemétier,çaseraituniquementpourdevenirfleuriste.Mince!Pourquoiest-cequeje luidisça?Jen’enai jamaisparléàpersonneàpartNicetma

mèremaistouslesdeuxavaientbalayémonidéed’unreversdelamain.—Alorspourquoitunelefaispas?demande-t-il,toutàfaitsérieux.—Ehbien…parcequejevaisavoirtrenteans?—C’estunequestion?— Non… mais tu me vois changer de métier alors que je suis toute seule pour élever mes

jumeaux?Etsijemeplante?Jevaisfairecommentaprès?—Déjà,jenevoispaspourquoitun’yarriveraispas…—Peut-êtreparcequ’ilyadesfleuristesàtouslescoinsderue,lecoupé-je.—Pourquoies-tusipessimiste?Jehausselesépaules.—Sérieusement,Mel.Mêmesitun’yarrivespasavecl’expériencequetuasderrièretoidansles

assurances,jesuissûrqueturetrouveraisviteuneplace.Etpuis,est-cequetuaspenséàterenseignersidanstaboîte,iln’yavaitpasunmoyendetemettreenindisponibilité,letempsd’essayerdemontertonentreprise?

—Biensûrquej’yaipensémaisjen’aijamaisosémerenseigner.—Maispourquoi?Enfin,çanemeregardepasmaisonn’aqu’unevie,Mélissa…Onsedoitde

lavivreàfondsionneveutpasavoirderegret.Jeresteavecuneassiettedanslesmainsunlongmomentsansbougeretsansluirépondre.Jene

saispaspourquoimaisilyaquelquechosedanssavoix,danssafaçondes’emportersurlavie,surson discours un peu plus tôt sur l’adrénaline qui me pousse à me poser des questions sur monexistence.DepuislejouroùNicm’aquittée,jesuisrestéesagementdansmabulledeconfortalorsquej’avaisenviedetenterdenouvellesexpériences.

—Jesuisdésolé,jen’auraispasdûmemêlertoutça,dit-ilenrompantlesilence.—Non,tun’aspasàt’excuser.Tuviensdemefaireprendreconsciencequetuasraisonmaisje

suistellementfroussardequejen’osepasmelancer.

Ilattrapel’assiettequejen’aitoujourspaslâchée,laposesurleplandetravailetposesamainsurmajoueenplantantsonregarddanslemien.

—Fermelesyeux,mechuchote-t-ildoucement.—Matt…,murmuré-jefaiblementtoutenm’exécutanttoutdemême.Moncœurs’affoleetmarespirations’accélère.Est-cequ’ilvaenfinm’embrasser?— Voilà, c’est bien. Maintenant, fais le vide dans ta tête et imagine-toi dans une vingtaine

d’années,quandlesenfantsaurontquittélamaisonpourfaireleursétudesoupourtravailler…est-cequetutevoistoujoursdanstoncostumedeconseillèreenassuranceoudansunepetiteboutiqueentraindetaillerdesfleurspourenfaireunmagnifiquebouquet?

Savoixestgrave,sensuelle,tendreetjemelaissebercerparceson.Jem’imaginederrièremonbureau en train de vendre un contrat d’assurance auto puis dans une boutique qui me ressemble,l’odeurdesfleursfraichementcoupéesquiembaumentlemagasinet immédiatement, jecomprendsoùilveutenvenir.Jen’aimepasmonmétieretjenem’imaginepasdansvingtanstoujoursl’exercer.

J’ouvrelesyeux,plongemonregarddanslesienetilmesourit.— Tu vois ? Il faut que tu suives tes rêves, maintenant, avant qu’il ne soit trop tard pour les

réaliseretquetutedisesquetuespasséeàcôtédetavie,Mel.—Tuessûrquetuesseulementcuisinier?demandé-jepourdétendrel’atmosphère.Iléclatederireetenlèvesamaindemonvisage.Aussitôt,jeregretted’avoircassécemomentcar

soncontactetsachaleurmemanquentdéjà.—Ilesttard…jepensequ’ilesttempsquejerentre.TuessûrequeLilypeutrester?Jesaisque

tuasproposéqu’elledormelàpourleurfaireplaisirmaistun’espasobligée.—Etdemainmatinquandlesjumeauxseréveillerontetnelatrouverontpasdansleurchambre,

ilsmeferontunecrise?Net’inquiètepas,ellepeutdormirici,çamefaitplaisiret…tupeuxresterencoreunpeusituveux?Onpourraitprendreuncaféouregarderunfilm?

SérieusementMélissa?Ondiraitquetulesupplies,tuespathétique!—Jepensequ’ilnevautmieuxpas.Aïe!—Euh…OK,dis-jeenmemettantàfrotterunetâcheimaginairesurleplandetravail.—Neteméprendspas,Mel.Tuesunefemmegénialemaisc’estencoreunpeucompliquédans

matêteencemomentetjeneveuxpast’envoyerdesignauxcontradictoires.—Rassure-toi,Matt,jenem’imagineriendutout.Ilmeregardeenfronçantlessourcils.Jevoisbienqu’ilpensequ’ilvientdemevexeretc’estun

peuvraimaisjenedoispasleluimontrer.Aussi,jeluilancemonsupersouriredefaçadequimarcheà tous les coups sauf que cette fois, il y est complètement insensible et que son expression serenfrognedavantage.

—Nefaispasça!s’exclame-t-ild’untonbourru.—Quoidonc?demandé-jed’unairingénu.—Ça!dit-ilenfaisantdescerclesdesonindexautourdemeslèvres.Cesourirequetuprends

auprèsdetesclientspourmasquertontrouble.Jeterappellequej’yaidéjàeudroitetjenesuispasdupe.

—Jenevoisabsolumentpasdequoituparles!Ilsepasseunemainnerveusedanslescheveuxengrognantdefrustrationpuisalorsquejepense

qu’ilvasortirdelapièce,ilfaitunpasenavantmecoinçantcontreleplandetravailetsoudainseslèvresseposentsurmeslèvres.Cebaisern’arienàvoiravecceluiqu’ilm’adonnéenarrivantàlamaisonpourfairecroireàNicqu’ilétaitmonmec.Celui-ciestplusfougueux,presquedouloureuxtellementilymetdepassionetjeluirendsaveclamêmeintensité.

Soudain,ils’écartedemoi,complètementhorsd’haleine,sesyeuxlégèrementvoilésparledésiretposesamainsursanuquecommes’ilétaitdéjàentrainderegrettercequ’ilvenaitdefaire.Sansdire unmot, il sort précipitamment de la cuisine, va dans le salon embrasser sa fille et quittemamaison,melaissanttotalementbouleversée.

Moiquipensaisqu’oncommençaitàbiens’entendreetqu’ilyavaitunecertainealchimieentrenous,jenecomprendspassaréaction.D’accord,ilvienttoutjustedesefairelargueretn’asûrementpas envie de se lancer dans une nouvelle relationmais de là à agir demanière si extrême, je necomprendspas.

9

Le lendemain, les enfants se sont réveillés de bonne heure. Ils ont joué tous les trois dans lachambre des jumeaux puis je leur ai organisé un atelier pâte à sel pendant que je leur faisais descrêpes.IlssesontcomportésenvéritablespetitsangesetLilyestuneenfanttrèsagréablequis’entendaussibienavecÉléaqu’avecEnzo.Celam’enchanteparticulièrementcargénéralement,monfilsseretrouvemisdecôtéquandsasœursetrouveunepetitecopineavecquijoueràlapoupée.

En find’après-midi,quand la sonnettede lamaison retentit, alorsque jem’attendsàdécouvrirMattderrièrelaportepourrécupérersafille,jemeretrouvefaceàPierre.

—Salut,Mel!JevienschercherLily,s’exclame-t-il.—SalutPierre…Mattn’estpasavectoi?— Non, il était occupé au téléphone avec son second et comme son appel s’éternisait il m’a

demandédevenirrécupérerLily.—D’accord, dis-je enmasquant tant bien quemalma déception.Ne reste pas sur le pas de la

porte,entre,jevaisallerlachercher.Monamipénètredanslamaisonetlesjumeauxarriventencourantdèsqu’ilsl’aperçoivent.—Ducalme,lesmonstres!Vousallezmefairetombertellementvousêtesforts!Lesenfantséclatentderirependantque jem’empressederécupérer leshabitsdeLilyetque je

l’aideàmettresonmanteau.—Tuaspasséunebonnejournée,mapuce?—Oui,Mélissa.C’étaitchouette!merépond-elleavecenthousiasme.— Alors, tu peux revenir quand tu veux, ça fera plaisir à Éléa et Enzo et à moi aussi. On

redemanderaàtonpapa,d’accord?Ellehochefrénétiquementlatêteetsansquejem’yattende,ellesejettedansmesbrasetmeserre

de toutes ses forces. Je ne peux m’empêcher de penser que sa maman doit lui manquer en cettepériodedefêtesetmoncœurseserreenlavoyantréagirainsi.Jeluirendssoncâlinavectendressepuisresserresaqueue-de-chevalavantdemeremettredebout.

—PrêteàrejoindrePierre?demandé-jeavecunsourire.Elleacquiesceetfoncedanslesalonoùmonamis’estinstalléaveclesjumeauxennousattendant.

Lorsqu’elle arrive à sa hauteur, il l’accueille avec un immense sourire puis se lève, embrasse lesjumeauxetmeremerciecommesic’étaitsaproprefillequejevenaisdegarder.Jelesraccompagnejusqu’àl’entréeetalorsquejem’apprêteàallerjusqu’àlavoituredePierre,celui-cimeregardeavecun air bizarre etme dit de ne pas sortir afin de ne pas attraper froid. Le ton qu’il emploie sonnecomme un signal d’alerte et lorsque je referme derrière eux, jeme précipite à la cuisine afin deregarderparlafenêtre.

EnapercevantMattdanslavoiture,j’ail’impressionquemoncœurquibattaitencorefollementhiersoirexploseenmorceaux.

Ilregrettetellementlasoiréed’hierqu’iln’amêmepasvouluvenirrécupérerlui-mêmesafilleetm’affronter?

Jesuisprofondémentdéçueparsoncomportementetsurtoutparlemien.Pendantprèsdequatreans,jen’aivécuquepourmesenfantssansvraimentregarderleshommes.J’aibiensûreuquelquesrendez-vous mais dès que les mecs entendaient le mot « jumeaux » étrangement, je n’étais plusrecontactée.Etlà,pourunefoisquejelaissaismoncœurseréveiller,quejem’autorisaisàressentirquelquechosedespécialpourquelqu’un,ilvientluiaussidemeprouverquejenepeuxplusavoir

confiance en la gent masculine ! On ne m’y reprendra plus ! Il est hors de question que jerecommenceàmemorfondrepourungars!

Une fois les enfants couchés, je m’installe sur le canapé avec un livre mais je n’arrive pas àavancerdansmonhistoirecar je relis sanscesse lemêmepassage, tropabsorbéeparmesproprespensées.

Maintenantquej’aibiencomprisqu’ilnesepasseraitrienavecMatt,moncerveautourneàpleinrégime au sujet deNic. Je ne sais pas si c’est une bonne idée de le laisser entrer dans la vie desjumeauxetenmêmetemps,jesaisquejen’aipasvraimentlechoix.Leconnaissant,ilestcapabledefaire lepieddegruedevant lamaison tantque jen’auraipasaccédéàsademandeoupireencore,saisirunjugepouravoirunvraidroitdevisiteimposé.Àcetteidéemonsangseglace.Ilestgrandtempsd’affrontermesanciensdémonsetdelecontacter.

J’attrapemonsmartphoneetdécidedeluienvoyerunmessageplutôtquedeluiparler.

Moi:Lesenfantssontcouchés.Situveux,tupeuxpassercesoirpourqu’ondiscute

delasituation.Maisjeteprévienstoutdesuite,tunelesverraspasaujourd’hui.

Jenem’attendspasàuneréponseimmédiateetresteuninstantsurpriseendécouvrantsaréponsequiarrivequelquessecondesplustard.

Nic:J’arrive!

Àl’instantoù jecomprendsquec’estbien réeletqu’ilpeutêtre làd’uneminuteà l’autre,mesmainssemettentà trembleretmoncœurs’accélère.Rienàvoiravec l’excitationquej’ai ressentiehier avant que Matt m’embrasse, cette fois, je suis morte de trouille à l’idée d’avoir enfin uneexplicationavecmonex.

Lorsqu’ilm’aquittéeenmelaissantsimplementunpost-It,nousn’avonspluseuaucuncontactsicen’estparlebiaisdenosavocatsafinderéglerledivorce.C’estvrai!Jenevousavaismêmepasdit que nous nous étions mariés seulement six mois après notre rencontre. Je pensais vraiment àl’époquequeNicétaitl’hommedemaviemalgrémesvingt-deuxansetquatreansplustardaprèsunand’essaipouravoirunbébé,jenem’attendaispasàcequ’ilmelarguecommeunevieillechaussetteparceque jen’allaispasavoirunenfantmaisdeux !Vouscomprenezpeut-êtremieuxpourquoi jesuistellementfurieuseetanxieuseàl’idéed’avoiraujourd’hui,uneconversationaveclui.

Trenteminutesplustard,alorsquejen’aitoujourspasbougéd’unpouce,jereçoisunnouveauSMS.

Nic:Jesuisdevant.

Ça alors ! Il a vraiment compris que je ne voulais pas qu’il voie les enfants ce soir car il n’amêmepassonnéàlaportepournepaslesréveiller.

Jemelèveducanapé,lesjambestremblantesetvaisluiouvrir.—Salut,Mel,dit-ilenm’offrantunsourire.—Bonsoir,Nic,entrejet’enprie.

Jem’écartepourlelaisserpénétrerdanslamaisonetl’observependantqu’ilregardetoutautourdelui.

—Çan’apasbeaucoupchangé.Tuparles !Lorsqu’il s’estbarrécommeunvoleur, j’ai refait entièrement toutes lespeintureset

j’aivirépresquetouslesmeublesquimerappelaientsonexistence.Je referme la porte et je le guide jusqu’au salon où nous nous installons sur le canapé.

Immédiatement,j’aiunflash-backdel’époqueoùnousvivionsensemble,assisl’unàcôtédel’autre,entrainderegarderunfilmetunetristessequejenepensaisplusressentirpourluis’emparedemoi.

—Jesuiscontentquetum’aiesappelé,commence-t-ilenchuchotant.—Jen’avaispasvraimentlechoix,non?—Tuastoujoursétéaussidirecteetc’estcequej’adoraischeztoi,Mel.—Necommencepas,Nic.Tun’espasvenujusqu’icipourparlerdemoioudenous,maispour

lesenfants.—Toutestlié,Mel.Toi.Moi.Nous.Lesenfants.Noussommesunefamille.—Turigoles,là,j’espère!— Bien sûr que non. J’ai compris que j’avais commis une erreur il y a quatre ans en vous

abandonnanttouslestrois.J’aimeraismeracheter.J’ail’impressiondemanquerd’airetaulieudeluirépondre,jemelèved’unbonetfiledansla

cuisine afin deprendreunverre devin.Finalement, enouvrant le frigo, je décided’embarquer labouteilleavecmoicarjepensequejevaisenavoirbesoinpourtenirlecoup.Jereviensausalonetremarquequecetabrutifaitcommes’ilétait toujourschezlui. Ilaôtéseschaussuresetaposésespiedssurlatablebasse!

Jemeréinstalleàsescôtés,mesersunverreetluienproposeunsilencieusementmaisilrefused’unsignedetête.

Tantmieux!J’enauraispluspourmoi!—Jemedoutequeçanedoitpasêtrefacilepourtoi,surtoutquetuasquelqu’unencemoment

maisj’oseespérerqu’aveccetypecen’estpassérieuxetquenouspourronsessayerderecollerlesmorceaux.

AusouvenirdeMattm’embrassantetjouantlerôleduparfaitpetitami,jefaisunegrimaceetboismonverreculsecpuism’enressersunautre.Nicmeregardeintensément,attendantàcequej’ouvrelabouchemaisjesuisincapabled’émettreunsonpourlemomentalors,ilreprendsonmonologue.

—Quand tum’asannoncéquenousallionsavoirdes jumeaux, j’aiétéprisdepanique.J’avaisdéjàdumalàm’imagineravecunbébésurlesbras,maisdeux?C’était incommensurable!J’étaisdésemparéetplustuavançaisdanstagrossesse,plusmonangoissegrandissait.Alors,j’aifaitcequejepensaisêtrelemieuxpournousetjesuisparti.

—Enme quittant avec un post-It !m’énervé-je, excédée par sa façon de voir les choses.Nosquatreansderelationn’avaientaucunevaleuràtesyeuxetplutôtquedemefairepartdetescraintesafinquej’essaiedet’apaiser,tuaspréféréprendrelapoudred’escampette!Onétaitmariés!Onétaitcensés se soutenir l’un l’autre, s’aimer jusqu’à ce que lamort nous sépare et pas à tout foutre enl’air!Jecroyaisennous!Tuimaginesdansquelétatj’aiétéendécouvranttonputaindemotsurlefrigo?Monmondeentiers’estécroulé,Nic!J’aiperdumonmeilleurami,monmari,monconfidentetlepèredemesenfantscommeça,enrentrantduboulot!Cequetum’asfait…cequetunousasfaitestimpardonnable!

—Jecomprendscequeturessens,maisj’aichangé.—Écoute,sijet’aiautoriséàvenircesoir,c’estuniquementpourlebiendesenfants!Moi,j’ai

faitledeuildenotrehistoiremaiseux?Ilsontbesoind’unefigurepaternelle,surtoutEnzoquin’apersonnepours’identifier.Tucroisquec’estfacilepourdeuxgaminsdebientôtquatreansdevivre

sans papa ? Tu crois qu’ils étaient dans quel état l’année dernière pour leur première année dematernelle et qu’on leur a demandé de faire un cadeau pour la fête des pères alors qu’ils ne sontélevésqueparleurmère?

Sansm’enrendrecompte,j’aihurléetj’entendsdespetitspasàl’étage.Merde!Jemelèveetmonteencourantl’escalieravantquel’undesjumeauxnedescendeetseretrouvent

nez-à-nezavecleurgéniteur.—Maman?demandeÉléa.—Désolée,monbébé,jet’airéveillée?Ellehochelatêteetjelaprendsdansmesbras.—Mamanparleavecunamietelles’estemballée.Jevaisfairemoinsdebruit,jetelepromets.Jelaportejusqu’àsachambreetlareposedanssonlit.Jel’embrassetendrement,luifaisuncâlin

puis je remets en place la couverture d’Enzo et lorsque je referme la porte, ma fille s’est déjàrendormie.

Jem’adosseàlaporteetprendsquelquessecondesavantderedescendreenessayantdemecalmerenprenantde longues inspirations.Lorsque j’arriveenbas,Nicesten trainderegarder lesphotosposéessurlacheminée.Ilyacellesdesjumeauxprisesparlephotographedelamaternité,suruneautrelesenfantssontentraindejoueràlabalançoiredanslejardinenriantauxéclatsouencoreuneautredenoustroispriselejourdumariaged’EmyetPierre.Nicm’entendarriveretseretourne,lesyeuxremplisdelarmes.

— Ils sont magnifiques, Mélissa. C’est fou comme Éléa te ressemble alors qu’Enzo est monportraitcrachéaumêmeâge.Écoute,jesaisquetoutcequejeviensdetediren’estpasévidentpourtoimaisjeveuxfairepartiedeleurvie,j’aimanquétropd’étapesimportantesetjeveuxêtrelàpoureux, désormais.Peut-être quequand tu auras compris que je neveuxquevotrebonheur à tous lestrois, tu voudras bien me redonner une chance. Je n’attends pas une réponse aujourd’hui, maisréfléchis-y,s’ilteplaît.

Il est hors de question que je songe à un quelconque avenir avec luimais je ne lui dis rien. Ilsemblesisincèreetjeveuxtellementlebonheurdesenfantsquejepeuxpeut-êtrel’autoriseràentrerprogressivementdansleurviemaisdanslamienne,plutôtmourir!

Ilavanceversmoietcontretouteattente,meprenddanssesbras.— Ils ont vraiment l’air heureux et je te remercie d’avoir pris soin d’eux quand je n’étais pas

capabledelefaire.Ilm’embrassesurlefrontpuissereculeetplongesonregarddanslemien.—J’aimeraisvraimentapprendreàlesconnaître,Mel.Donne-moiunechance.—Laisse-moiunpeudetempspourdigérertoutçaetensuitejeterecontacteraipourorganiser

unerencontre,d’accord?—Toutcequetuveux.Il remetseschaussures, récupèresavestequ’ilavait laissésurunedeschaisespuis ilmesalue

d’ungestedelamainetquittelamaison.Je m’affale sur le canapé et écoute la voiture démarrer et sortir de l’allée, puis je prends la

bouteilledevinetaulieudemeservirunverre,jeboisdirectementaugoulot.Sicequis’estpasséavecMattm’avaitchambouléehier,cesoir,jesuistotalementdésespérée.

Et s’il avait changé ?Non,Mélissa ! Ce type s’est comporté comme un enfoiré avec toi, il neméritepasquetuluilaissesunesecondechance,parcontre,tesenfantsontledroitdeconnaîtreleurpèreetriendeplus!Ilfautquetusoisforte!

10

Lelendemain,jemeréveilleaveclebourdonnementd’unessaimd’abeillesdanslesoreillesetmatêtemefaitunmaldechien.J’ouvrelesyeuxetdécouvrelecadavredemabouteilledevintrônantsurlatablebasse.Jemeredresse,m’assoisetremarqueseulementàcetinstantquelesjumeauxsontassisparterreentrainderegarderlatélé.

—‘jourmaman,ditÉléad’unevoixtropaigüe.Je ne sais pas à quel moment j’ai sombré cette nuit mais toujours est-il que j’étais tellement

pompettequejen’airienentendu.—Bonjour,mesbébés.Vousvoulezunbibi?Ilshochentsimplementlatêteensigned’assentimentalorsquej’essaietantbienquemaldemettre

unpieddevantl’autre.Généralement,jeneboisquetrèsrarementetvouscomprenezpourquoiétantdonnéquej’arrivetoutjusteàtenirdebout.

J’arrivedanslacuisineetregardel’heuresurlapenduleaccrochéeaumur:8h52.Wouah!Incroyablequ’ilsm’aientlaisséedormirtoutcetemps!Jepréparelelaitdesenfantsetallumelamachineàcafé.Siseulementjepouvaisenprendreparintraveineusepourmesentirmoinsmalenpoint!Jerapportelesbiberonsauxenfantsquim’ontpiquéemaplacesurlecanapépuisretournedansla

cuisine.Jeprendsmonmugetregardeparlafenêtre.LavisitedeNicm’acomplètementchambouléeet j’ai rêvéde lui toute lanuit.Mon subconscientmemontrantunevieque jen’aipasvécue :Nicprésentlejourdelanaissancedesjumeaux,deleurspremierspas,lejourdeleurbaptême…toutcequ’unefamilleauraitdûpartagersilepèren’avaitpasfuisesresponsabilitéscommeunlâche.

Jesoupiredelassitudeetmeremémorenotrediscussiondelaveille.Sepeut-ilqu’ilaitréellementchangé?J’aimerais tant que les enfants grandissent en connaissant leur pèremais j’ai terriblement peur

qu’ilnes’agissepourluiqued’unelubiepassagèreetqu’ilreprennelapoudred’escampettequandilseserarenducomptequ’éleverdeuxenfantsn’estpasfaciletouslesjours.

—Çava,maman?JebaisselatêteetdécouvreEnzo,quejen’avaispasentenduarriver.Décidemment!Jeneremarquerienaujourd’hui!—Çava,monchat, lui réponds-je avecun sourire.Tuveuxqu’onaille sepréparerpouraller

faireuntourauparc?—Ouiiiii,crie-t-iljoyeusement.Hou-là!Passifort!Matêten’estpasencoreremisepourcetypedebruitstrident!—OK,vascherchertasœurpendantquemamanlavesatasseetaprèsonfile!Niune,nideux,monfilspartencourantdanslacuisineetlescrisdejoied’Éléamecassentles

tympansmêmesijenesuispasdansmêmelapiècequ’eux.Jeneboiraiplusjamais!Jerécupèremonsmartphonedanslesalonetenvoieunmessageàmameilleureamieafindelui

proposerdenousaccompagner.Jerejoinsensuitelesenfantsàl’étageavantd’avoirsaréponse.

Uneheureplustard,nousarrivonsàl’airedejeuxoùEmydoitnousrejoindre.Jesuisheureusequ’elleaitréponduprésentecarj’aibesoindemeconfieràelleausujetdeNic.Lesjumeauxpartentencourantverslesbalançoiresetjelessurveilleducoindel’œil.

— Bonjour, Mélissa ! crie Lily en passant devant moi à toute allure pour aller retrouver lesenfants.

Jetournelatêteetdécouvre,horrifiée,qu’Emyvientd’arriveraccompagnéedeMatt.Maisqu’est-cequ’ilficheici,lui?Je n’avais pas du tout prévu ça.Depuis qu’il est parti précipitamment de lamaison il y a deux

jours et qu’il n’a même pas pris la peine de sortir de la voiture pour récupérer sa fille, je n’aivraimentpasenviedelevoir.

—Coucou,mapuce,ditEmyenmefaisantunebisesurlajoue.—Salut,Mélissa,ditMattavecunlégersourire.—Salut,réponds-jed’unevoixblanche.Mameilleureamiemedévisagequelquessecondespuiss’assoitàcôtédemoipendantqueMatt

regardesafilleescaladerlacageàécureuil.—Tuasunepetitemine.Toutvabien?—Mmm…—Mel!Jeteconnaisparcœur,qu’est-cequinevapas?—Pourquoiilestvenuavectoi?demandé-jeendésignantMattdumenton.—Çatedérange?—Oui!Non!Pasvraiment…j’avaisbesoindeteparleretjenesuispascertained’avoirenvie

qu’ilentendenotreconversation.—Net’inquiètepas,ilm’aditqu’ilm’accompagnaitpournepasquej’aieàsurveillersafilleen

plusd’Eliott.Jenepensepasqu’ilvasepréoccuperdenoshistoiresdefilles.Je regardeMattquiestàplusieursmètresdenous.Visiblement,monamiea raison : iln’apas

l’airdes’intéresserànous.—Tunem’aspasditcomments’étaitpasséevotresoirée?—Pardon?—Ohallez!Mattn’arienvoulumedireetnormalement,toietmoi,onpartagetout.—Iln’yarienàraconter,Emy,cen’étaitpasàproposdeluiquejevoulaisteparler.—Merde!Qu’est-cequ’afaitNic,cettefois?—Ehbien…jeluiaiproposédepasseràlamaisonpourdiscuterhiersoir.—Quoi?crie-t-elle,surprise.—Baissed’unton,Emy,rouspété-je.—Quoi?chuchote-t-elle,cettefois.J’explosederire.C’esttoutmameilleureamie!Elleestincapabledenepasréagirexcessivement

et lorsque je lui demandede faire attention, elle répète lamêmequestion comme si je n’avais pasentendulapremièrefois.Jepensequetouteslespersonnesprésentesdansleparcl’ontentendue.

—Tuasbiencompris.—Ilestvenu?—Oui,Emy.C’estpourçaquejesuisdanscetétat.

—Mais…qu’est-cequ’ilt’adit?Jeluirépètealorstoutenotreconversation.Emyalesyeuxécarquillés.Ellesembleaussichoquée

quemoi.—Iln’estpassérieux!s’emporte-t-elle.Ilcroitvraimentquetuvaslereprendre?—Ill’espère,entouscas.—Mélissa!Jet’interdis,neserait-cequ’uneseconde,del’envisager!Jesaisquetusouhaitesle

bonheurdesjumeaux,maisletiennerimepasavecNic.—Sic’étaitsifacile…Emy.Jesuiscomplètementdéboussolée.—Ça, jeveuxbien lecroireetcesalauds’endoute. Ilvaen jouer,Mel,s’exclame-t-elled’une

voixénervée.—Tuassansdouteraison.Maispourlesenfants?Qu’est-cequejefais?Jenesuispasencore

prêteàlesluilaisser.—Ilvafalloirquetuorganisesunesortieenterrainneutre,genreici,auparc.Pasàlamaison,

sinonilcroiradéjàquetoutestdanslapoche.—Tuviendrasavecmoi?—Moi,jeserailà.Etmerde!JetournelatêteetmerendscomptequeMattestjusteànoscôtésetqu’iln’apasperduunmotde

notreconversation.—Qu’est-cequetuferaisavecelle?demandeEmy.Nicneteconnaîtmêmepas!Çarisqueraitde

lemettreenrogne.— Ilme connaît, répond-il en cherchantmon regard. Je l’ai rencontré quand je suis allé dîner

chezMélissaetc’estpourcetteraisonquejedoisêtrelà.—Jenecomprendsrien,soupiremonamie.—Jenesuispassûrequecesoitunebonneidée,dis-jesansleregarder.—Tuluiasditlavérité?medemande-t-ilenserapprochant.—Non…—Quellevérité?JesuisincapablederépondreàmameilleureamieetdécideenfinderegarderMatt.Aprèstout,

c’estentièrementsafautesijesuisdanscettesituation,iln’aqu’àsedébrouiller.—Ehbien…disonsquej’ailaissésous-entendreàsonconnardd’exquej’étaissonmec.—Quoi?Maisc’estuneidéegéniale!s’exclameEmy.—Jetrouveaussi,rétorqueMatt,fierdelui.Faceàleurréaction,jelèvelesyeuxauciel.—Matt a raison ! SiNic pense que vous êtes ensemble, vous devez le voir tous les deux.Au

moins,ilnetenterapasdetedraguer!Mattfroncelessourcils.Ilsemblesoudainénervécommes’ilétaitjalouxqueNicmedrague.Maisàquoiiljoue,bonsang?—Tucompteslevoirquand?demande-t-ild’untonbourru.—Jenesaispasencore.—Ehbien…quandtulesauras,tun’asqu’àmeprévenirpartextoetjeserailà.—Jen’aimêmepastonnuméro.—Donne-moiletien.—Mais…—Mélissa,dit-ild’unevoixgrave.Sansréfléchir,jeluidictemonnuméroetquelquessecondesplustardjereçoisunmessage.

Inconnu/Matt:Maintenant,tul’as!

Lesenfantsarriventencourantets’arrêtentànotrehauteur.Pileaubonmoment!Ilscommencentànousraconterqu’ilsontvuunechenille–Merveilleux!–etquemaintenantils

ontsoifetfaim.Super!J’aitoujoursdumalàsaisirleurenchainementd’idées…Lerapportentrelachenilleet

leurbrusquefringale?Personnellement, jen’envoisaucun.Àmoinsque…lavued’unasticot leuraurait-elleouvertl’appétit?Mesenfants…veulent…mangerunechenille?Quellehorreur!

—Bon,jecroisqu’ilesttempsdefiler,dis-jeenregardantlesadultes,écœurée.Cetteconversationm’aépuiséeetjen’aiplusqu’uneenvie:rentrerchezmoietmereposer.—Vousvenezàlamaison?demandeEmy.—Ohouiiiiii!crientlesquatrepetitsdiables.Face à leur engouement et les regards queme lancent Emy etMatt, je sens que la bataille est

perdued’avance.Jepousseunprofondsoupiretacceptelapropositiondemonamie.—Maman ?Onpeutmonter dans la voiture de tataEmy ? demandeÉléa.Onveut rester avec

Lily!—Non,mapuce.Iln’yapasassezdeplacepourtoutlemonde.—Lilypeutmonteravecnous,alors?—Ehbien…sisonpapaestd’accord,ouiellepeut,dis-jeenregardantMatt.—OK,onmonteavecvous.—On?m’exclamé-je,surprise.Euh…jeveuxdire,çanemedérangepasmaistuesvenuavec

EmyetellevaseretrouvertouteseuleavecEliott.—C’estpascommesij’avaispasl’habitude,ditmameilleureamie,visiblementraviedemevoir

pataugerenprésencedeMatt.Jeluilanceunregardnoiretcelle-cim’offresonplusbeausourireenretour.—Allez,on fait commeça !Onse retrouvechezmoi !dit-elle joyeusementencommençantà

partirendirectiondesavoiture.Lesenfantscrientet sautentde joie.Moi?Jesuisencoreune foisperturbéepar laprésencede

Matt. Cemec s’amuse à souffler le chaud et le froid en permanence. Je ne devrais rien ressentirpourtantmoncœur–cetraître–s’amuseàfairedestriplessautspérilleuxàl’idéedefaireletrajetenvoitureaveclui.

Nousmarchonslentementjusqu’àmonvéhiculealorsquelesgaminsnousontdistancé–maisenrestantquandmêmeàportéedevue–etMattenprofitepourserapprocherdemoi.

Respire,Mélissa.Onnes’emballepas…—Ausujetdel’autrefois…,commence-t-il.—Pasbesoindet’expliquer,lecoupé-je.Ilposesamainsurmonbras,m’obligeantàm’arrêteretàleregarder.—Cen’estpascequetucrois.Ilsemblesurlepointd’ajouterautrechosemaisEnzol’enempêcheennousinterpellant.—Mamaaaaan!J’aivuunefamilledefourmis!—Génial,monbébé!luiréponds-jed’unevoixexagérémentenjouée.Commesij’enavaisquelquechoseàfaire!Maisc’estcequis’appelleêtresauvéeparlegong!

11

Letrajets’estdéroulésouslesdiscussionsanimésdesenfantspoursavoirquelétait lemeilleurdessinaniméaumonde.Ainsi,Mattn’apasessayédecontinuernotreconversationet j’ensuisà lafoissoulagéeetunpeudéçue.Qu’est-cequ’ilavouludirepar«cen’estpascequetucrois»?Jesuisbienconscientequejeluiplais,jeleressensmaisiln’estsûrementpasprêtàavoirunerelationpourl’instant.Etpuisd’abord,est-cequemoij’enaienvie?

—Tuasoubliédetourner,mefait-ilremarquerenmesortantdemespensées.—Quoi?—Lamaisond’EmyetPierreétaitdansl’autrerue,dit-ild’unairrieur.Jeregardelesmaisonsautourdenousetmerendscomptequ’ilaraison.Tropabsorbéeparmes

réflexions, jen’aipasfaitattentionaucheminque jedevaisprendre.Jemetsmonclignotantsur lagauche, vérifie qu’il n’y a pas de voiture et fais demi-tour.Quelques instants plus tard, nous nousgaronsdevantlamaisondemesamis.Toutjustelemoteurarrêté,lesenfantssedétachentetsortentdelavoiture,nouslaissantseuls.

—J’aimeraisquenousterminionsnotreconversation,medit-ilenmeregardant.—Jetel’aidit,Matt.Cen’estpaslapeine.Jem’apprêteàouvrirmaportièremaisilm’enempêcheenattrapantmamaindroite.—Qu’est-cequetu…Ses lèvres m’empêchent de terminer ma phrase. Il passe sa main derrière ma nuque et,

raffermissantnotreétreinte,ilmeplaqueunpeupluscontresoncorps.Jesaisquejedevraisrésister,quejedevraismedétacherdesaboucheetsortirduvéhiculemaisjen’aiaucunerésistancefaceàsalanguequidemande lapermissiondemegoûterdavantage.Pirequeçamême, jegémisquandelles’enroule à la mienne dans une danse sensuelle. Son goût légèrement mentholé et son odeurm’enivrentetquandjesuissurlepointdecomplètementlâcherprise, ilsedétachedemoietancresonregardaumien.

—Onparleraplustard.Puis,sansmelaisserletempsdedirequoiquecesoit,ilsortdelavoitureetentredanslamaison

d’Emyavantmêmequej’airéussiàouvrirmaportière.C’étaitquoi,ça?

Le repas s’est déroulé sous le rire des enfants alors que je n’ai pas décroché unmot, encorechambouléeparlebaiserdetoutàl’heure.Qu’est-cequej’enaimarred’êtreperdueenpermanenceces derniers temps ! Finalement, les vacances neme réussissent pas !Aumoins, quand je suis auboulot,mêmesijedoissupporterdesclientsplutôtpénibles,jen’ailetempsdepenseràriend’autreetilnem’arriveriend’extraordinaire.Pasd’exquiresurgitdupassé,pasdeMatthieuPetitquientredansmavieetmedonneenviedel’embrasserenpermanence,pasd’Emyquimelancedesregardslourdsdesous-entendus.Quandjesuisauboulot,jefaiscequej’aiàfairepuisrécupèremesenfantsetmapetiteroutinecontinue.Là,jesuishorsdemazonedeconfortetmêmesimereposermefaitdubien,latournuredesévénementsmeprendlittéralementaudépourvu.

Emy etmoimontons les enfants à l’étage pour qu’ils fassent une sieste et une fois qu’ils sontcouchés,monamiem’entraînedanssachambre.

—Jepeuxsavoircequ’ilsepasseentreMattettoi?—Riendutout,mens-jeeffrontément.Après tout,cen’estpasvraimentunmensongepuisque jenesaispasmoi-mêmecequisepasse

réellement.—Mel!Vousvousplaisez,çacrèvelesyeux!Etaveccequiluiestarrivérécemmentetcequi

t’arrive,jepensequeçaseraitvraimentbienpourvousdeuxqu’ilsepassequelquechoseentrevous.—Emy, dis-je, blasée. Pourquoi veux-tu toujoursme caser avec le premier célibataire que tu

trouves?—Parceque je neveuxque tonbonheur et puis…si tu temettais avecMatt, on serait dans la

mêmefamille!s’exclame-t-elle,joyeuse.—Tuesunvéritableboulet!—Maisc’estpourçaquetum’aimes!Allez,viens!Onretourneenbasavantqu’ilcomprenne

qu’onparledelui.J’obtempèreetnousredescendons.Mattestdanslesalonentrainderegarderlatélé.Quandilnousvoitarriver,ilselèveetvaparler

àEmy.Jen’entendspascequ’ilssedisentmaisquandmameilleureamiemeregardeavecdesétoilesdanslesyeux,jecomprendsqueçadoitavoirunrapportavecmoi.Quelquesinstantsplustard,Matts’avanceversmoipuism’attrapelamainetm’entraînedehorsaveclui.

—Qu’est-cequetufais?Lesenfants…—Ilssontcouchésets’ilsseréveillent,Emys’enoccupe,mecoupe-t-il.Il sort ses clés de voiture de sa poche et me fait signe de monter à bord de son véhicule.

Immédiatement,moncœurs’emballe,lestressm’envahitmaisjelesuissansbroncher.Pendanttoutletrajetquinousmènejenesaisoù,ilneditrienmaismelancesanscessedescoups

d’œil.Jen’enpeuxplusdecesilencealorsjepréfèrelerompre.—Tufaissouventça?—Quoidonc?dit-ilsansquitterlaroutedesyeux,cettefois.—Kidnapperdesfemmes?Iléclatederireetcesonfaitnaîtredesmilliersd’ailesdepapillonsdansmonestomac.—Tun’aspasétéenlevée,tum’assuividetonpleingré.—Mouais…tunem’aspasvraimentlaissélechoix.—Maistueslà,dit-ild’unevoixgrave.Seigneur!Cettevoixm’ensorcelle!Nousnousarrêtonsquelquesminutesplustard,dansundenosquartierspréférésàEmyetmoi.

Matts’estgarédevantunrestaurantavecunécriteauVendudessuset ilmedemandedesortirdelavoiture.Ilmefaitsignedelesuivrepuisilouvrelaporte.

—Tuasachetéunrestaurant?demandé-je,surprise.—Oui.J’avaisbesoinderepartiràzéroetdechangerdevie.— Elle a dû sacrément te faire souffrir pour que tu veuilles refaire ta vie à des centaines de

kilomètres.—Elleestmorte,Mélissa,lâche-t-ilsanspréambule.Quoi?Merde!J’aidumalcomprendre?Je reste les bras ballants, incapable de prononcer un mot. Voilà pourquoi il s’est enfuit de la

maisonladernièrefois,aprèsnotrebaiser.Ildoitsûrementavoirl’impressiondelatrahir.—MonDieu,Matt.Jenesavaispas…jesuissincèrementdésolée,réussis-jeàdireenposantma

mainsursonbras.

—Tunepouvaispassavoir,dit-ilsansmeregarder.—Emyauraitpumeprévenir!—J’avaisdemandéàPierreetelledeneriendireàpersonne.—Maispourquoi?J’auraisagidifféremmentlorsdenotrepremierdînertousensemble!—Justement!Notrejouteverbalem’afaitdubien.Pourlapremièrefoisdepuissixmois,jeme

suis senti vivant. Je n’étais plus un veuf, j’étais à nouveau un homme. Si tu avais su, tum’auraisregardécommetoutlemondelefaitd’habitudeetc’estd’ailleurscequetufaisencemoment,dit-ilavecuneoncedecolèredanslavoix.

Merde!Est-cequejeleregardevraimentdifféremment?—Tunepeuxpasm’envouloirderessentirdelapeinepourtoi,dis-jed’unevoixfaible.—Nonmaisquetusoistristepourmoinechangerienàcequis’estpassé,Mélissa.Mafemmeest

mortemaisjesuistoujourslemêmehommequetuasconnuilyamoinsd’unesemaine.Ils’assoitsurundestabouretsdevantlebaretjel’imite.Etdirequejel’avaismaljugélapremièrefois!S’ils’estcomportéenparfaitabrutiquandnous

noussommesrencontrésc’estuniquementcarilétaitbouleverséparledécèsdesonépouse.Quellepersonnecenséen’auraitpasétédanslemêmeétatquelui?Etmoiquiluiavaisdemandélesraisonspour lesquelles il voulait changer de bénéficiaire sur ses contrats d’assurance…quelle idiote ! Sij’avaisconnusasituation,jen’auraisjamaisposécettequestion…

—Jesuisvraimentnavrée,Matt.Jenepeuximaginercequetuviensdetraverser.Ilsepasseunemainsurlanuquesansosermeregarderetinstantanémentmoncœursebrise.— Non, tu ne comprends pas… Quand Sarah a appris qu’elle avait un cancer, nous ne nous

entendionsdéjàplusetj’avaiscontactéunavocatpourdemanderledivorce.Jel’aimaistoujoursmaisnosviesprenaientunchemindifférent.Samaladieatoutchangé.Jemesuissenticommeunconnardégoïsteetj’aidécidédelasoutenir.Nousnousétionsconnusaulycéeetnousnoussommesmariésàl’âgede24ans.Jeluidevaisbiença!

—Tuasagicommeillefallait,Matt.—Ahoui ?Tucrois ça? J’ai l’impressiondenepasmériter toutes lesmarquesde sympathie

depuissamort.C’est donc ça ? Il croit qu’il neméritepasque lesgens compatissentpour lui car il voulait la

quitter.Maisilnel’apasfait!Ill’aépauléejusqu’àlafin,ils’occupedésormaistoutseuld’unepetitefilledequatreans.Jeleconnaisàpeineetpourtantjesuistristepourluietàlafois,jesuisfièredelui.

—Situl’avaisquittéealorsqu’ellesebattaitcontrelamaladie,tuauraisétéunparfaitconnard!Maiscen’estpascequetuasfait,Matt.

Unelarmeroulelelongdesajoueetill’essuierageusementdureversdelamain.Émue,jemepencheversluietluipresseaffectueusementlebras.

—Alorspourquoijemedétesteautant?—Matt,soufflé-jeenentremêlantmesdoigtsauxsiens.—Jesuistristecarelleatoujoursfaitpartiedemavie.Elleétaitlamèredemonenfantetmême

sijen’éprouvaisplusvraimentdel’amourpourelle,jecontinuaisàl’aimer,d’unecertainefaçon.Etj’ail’impressionquejesuisunputaind’hypocrite!Jen’aipasledroitd’êtretristealorsquej’allaislaquitter!

—Nesoispassidurenverstoi.C’estentièrementnormalqueturessentestoutça.—Ettucroisaussiquec’estnormalcequejeressensquandtuesavecmoi?Çafaitseulementsix

mois qu’elle nous a quitté et pourtant, dès que je te vois, mon cœur s’emballe. J’avais envie det’embrasserdèsl’instantoùtut’escomportéecommeunepestedanstonbureauetàpartirdumomentoù nous avons commencé à passer du temps ensemble, de te voir être unemère si courageuse et

aimante,j’enaieuencoreplusenvie.Çafaitdemoiuntypenormal,peut-être?—Peut-êtrepaspourlapartieconcernantlemomentoùj’aiétéunepeste,dis-jeavecunsourire

pourdétendrel’atmosphère.Il éclate de rire et tout à coup, la pression se relâche sur ses épaules et sur lesmiennes par la

mêmeoccasion.—Tumeplaisbeaucoup,Mel,etjecroisquetum’aimesbienaussi.Maisjenesaispassic’est

unebonneidéecequisepasseentrenousmêmesij’enmeursd’envie.—Laissonsletempsfaireleschoses,Matt.Nousnesommespasobligésdedéciderquoiquece

soitaujourd’hui.Aucasoùtunel’auraispasremarqué,mavieestaussiunbeaubordelsurtoutdepuisqueNicarefaitsonapparitionaprèstoutescesannéesd’absence.

—Danscecas…qu’est-cequetuproposes?Bonnequestion…Ilnepeutpasêtreunsimpleplanculcar,avectoutcequ’ilvientdem’annoncer,jetombeencore

plussoussoncharmeet je risquedemebrûler lesailes.Avecnospassés respectifs, jenesuispascertainequenousarrivionsàavoirunevraie relation…Peut-êtrequ’il faut juste se laisseralleretvoircequiseproduiraensuite?

—Ehbien…pourcommencer,tuasledroitdem’embrasserquandtuenasenvie.—Commeça?demande-t-ilensepenchanteteffleurantmeslèvres.J’acquiesceenhochantlatête.—Etj’ailedroitaussid’enfaireautantquandj’enaienvie,dis-jeenl’embrassantfurtivementà

montour.Maisjamaisdevantlesenfants.Depuisleurpère,ilsnem’ontjamaisvuembrasserunautrehommeetiln’estpasquestionqu’ilsnousvoientalorsqu’onnesaitpasoùonva.

—Jecomprendsetjesuisd’accord.Lilyavraimenteubeaucoupdemalàgérerladisparitiondesamèremaisdepuisquenoussommeslà,ellesemblebienpluslégèreetc’estgrâceàvoustous.Elleaussienavaitmarredetouscesregardscompatissants.

Jel’embrasseencoreunefois–c’estquejecommenceàyprendregoût,moi–etluisouris.—Alorsonfaitcommeça:noussortonsofficiellementnonofficiellementensemble!—Euh…c’estpasvraimenttrèsclairtontruc,dit-ilenriant.—Tuvoisbiencequejeveuxdire,réponds-jeenluifaisantunclind’œil.Bonetsitumefaisais

visitermaintenant?

12

Deux joursplus tard,Matt doit venir dîner à lamaison.Nousnous sommesvus en compagnied’Emy,Pierreetlesenfantsetdèsquenousnoustrouvionsseulsquelquesinstants,nousenprofitionspour nous embrasser. C’est dingue ! J’ai l’impression de revivre l’époque où j’étais au lycée !J’adorecemomentoùnouséchangeonsunregardcompliceetquenousnousjetonsl’unsurl’autreetsursautonsdèsquenousentendonsquelqu’unnousrejoindre.Jepensequ’Emysedoutedequelquechose mais ma meilleure amie s’abstient pour le moment de tout commentaire, même si elle nemanquepasdemelancerdesregardslourdsdesous-entendus.Tellequejelaconnais,ellenevapascomprendrepourquoinoussouhaitonsêtreofficiellementnonofficiellementensembleetjen’aipasenviedepolémiquer.Celanousconvient,àMattetmoi,pourlemoment…point.Etmêmesijouerauchatetàlasourisestamusant,nousavonsdécidédepasserunvraimomentensemble.Iln’est,biensûr,pasquestiondesexe–mêmes’ilestévidentquej’enmeursd’envie–carnousn’ensommespasencorelàmaisnousaimerionspasserunpeudetempstouslesdeux.Ainsi,cesoir,unefoisquelesenfantsserontcouchés,nouspourronsregarderunfilm,nousembrasseretsûrementnoustripoterunpeu.

Benvoilà!C’estbiencequejedisais…j’aiquinzeans!Jesuisdans lacuisineen traindepréparerunarbredeNoëlenpâte feuilletéepour l’apéritif–

merci les tutos que j’ai trouvé sur Facebook plus tôt dans la journée – pendant que les enfantsattendent impatiemment l’arrivéedeLily. Je suis tellement contentequ’ils s’entendentbien tous lestroisalorsqued’habitude,Enzoseretrouvemisàl’écart.

Lasonnettedelaported’entréeretentitetmesdeuxtêtesblondesseruentsurlaportepourouvrirlepremier.

—Lilyyyyyy!crient-ilsàl’unisson.Ilsignorentsonpère,attrapentlamaindeleurcopineetl’entraînentdanslesalon.Jeregardela

scène, amusée, et lorsqueMattme rejoint dans la cuisine, une douce chaleurm’envahit. Il jette uncoupd’œil vers le salon et tel un félin, il s’approchedemoi et capturemes lèvresdansunbaiserlangoureux.

—Mmm…j’aieuenviedeça toute la journée,dit-ilens’écartantafinque lesenfantsnenoussurprennentpas.

—Tuveuxboirequelquechose?demandé-jeenluioffrantunsourire.—Ilestencoreunpeutôtpourcommencerl’apéro…alorsjeprendraisbienuncafé.—Bonneidée!m’exclamé-je.Jemetsenroutelamachineàespressoetsansquejemerendecompte,Matts’estrapprochéde

moietm’effleurelebasdesreins.—Çasentdrôlementbon,Mel.Qu’est-cequetunousaspréparé?demande-t-ilenhumantl’odeur

quiémanedufour.—Riend’extraordinaireàcôtédetestalentsdecuisinierprofessionnel,réponds-je.—Premièrement, tunepeuxpasdireçaavantdemainsoirquandtuaurasgoûtéleplatquej’ai

préparépourleréveillondeNoëletdeuxièmement,aprèslerepasquetunousasconcoctéladernièrefois,jet’interdisdedouterdetestalentsdecuisinière.

Faceàsoncompliment,jerougiscommeuneécolière.Bonsang!Fautvraimentquej’apprenneàcontrôlermesémotions.—N’essaierais-tupasdeflattermonégo?demandé-jed’untonbadin,afindemasquerletrouble

qu’iléveillesystématiquementenmoi.— Ça serait le cas si nous n’étions pas non officiellement ensemble, répond-il de la même

manière.Ilsepencheversmoietseslèvreseffleurentmapeaujusteendessousdemonoreille,cequime

vautunronronnementincontrôléquilefaitglousser.—J’aimebeaucoupceson,dit-ilenplongeantsonregarddanslemien.Seigneur!Tempsmort…JesuistombéesouslecharmedeMatthieuPetitalorsquenousnefaisionsquenousremballer,on

nepeutpasdirequenotrerelationaitcommencédelameilleurefaçonquisoit.Jepensequesurcepoint,vousserezd’accordavecmoi,jemetrompe?Etpuis,monexestarrivé,Matts’estouvertàpropos de sa femme et maintenant il me regarde avec des yeux brûlants de désir qui me fontfrissonnerdelatêteauxpieds!

Commentsommes-nouspassésdemeilleursennemisà…ça?Toujoursest-ilquejen’aipaslaréponseàcettequestionetqu’enfait,jem’encontrefous.J’adore

cettenouvellefaçonqu’ilademedévorerdesyeuxetsinosenfantsn’étaientpasdanslapiècejusteàcôté,jen’hésiteraispasàluisauterdessus.

—Mel?Toutvabien?demande-t-il,perplexe.Mattmesortdemespenséesetjereprendsmesespritsenhochantlatêteetluioffreunsourire.—Impec,réponds-jeexagérémentenjouée.Ilfroncelégèrementlessourcilsmaisiln’apasletempsderétorquercarLilyl’appelledepuisle

salon.Ilmefaitunclind’œilpuisilrejointsafille.Jésus. Marie. Joseph. Reprends-toi, Mélissa. On dirait que tu vas t’évanouir d’un instant à

l’autre!JenesuispasnerveuseàproprementparlerparcequejemeretrouveavecMattchezmoietquece

n’estpaslapremièrefoisquenousallonsdînertouslescinq.Jemesensagitéecarjecroisvraimentque je suis en train de tomber amoureuse de lui et çame terrifie. Il est veuf depuis seulement sixmois!Jenedevraispasavoirenviequ’ilveuilles’installeravecmoi,fonderquelquechosealorsquecen’estpascequejeluiaiproposé.Maismoncœurs’emballedèsqu’ilestlà,mesjambestremblent,mesmainsdeviennentmoitesetcesfoutuspapillonss’éclatentàbattredesailesdansmonestomac.Jen’ai ressenti cela qu’une seule fois et voyez où ça m’a mené ! Divorcée et mère célibataire dejumeaux.Pourtant,mêmeNicn’ajamaisautantéveillémonêtre.J’ail’impressionquenonseulementMatt a volé mon cœur mais aussi mon âme. Il faut vraiment que je fasse attention à moi car ladescenteseravraimentrudesinousdeux,çanemarchaitpas.Vousavezledroitdepenserquejesuistrouillarde, jedirais plutôt que je suispragmatique.C’est vrai, quoi !Mes enfants sont en traindes’attacheràsafilleetsinousnousséparons–oui,jesais,nousnesommespasvraimentensemble–j’aipeurqu’ilsenpâtissentcarjenesaispassiLilyreviendrajoueraveceux.

Stop!Çasuffit!Tunevaspascommenceràbroyerdunoircarunabrutit’abrisélecœurparlepassé!Toutsepassebien…pasbesoindetirerdesplanssurlacomète.Unjouraprèsl’autre!

Quelquesminutesplustard,Mattmerejointdanslacuisineetmesdoutess’estompentquandilmesourit:ilfrôlemajoueduboutdesdoigtsetproposedem’aideraveclerepas.Jeluiexpliquequejen’aiplusqu’àfairecuirelechaponetquej’aidéjàpréparél’accompagnement.

—Jevoisque tuesbienorganisée,disdonc.Tues sûreque tuneveux toujourspas travaillerpourmoi?

—Certaine,réponds-jeenrougissant.—Tuasprévuquoipourmettreàl’intérieurduchapon?—Parcequ’ilfautmettredestrucsdedans?Mattéclatederire.Ilrigoletellementfortqu’ilsetientleventreetdeslarmesperlentauxcoinsde

sesyeux.—Jenevoispascequ’ilyadedrôle.—Tu…veux…dire…àparttonairhorrifié?parvient-ilàdireentredeuxrires.Ilouvrelefrigo,ensortdelacrèmefraichepuisilfouilledanslesplacardsàlarecherchedeje

nesaisquoi.Quelquesinstantsplustard,iltrouveduthymetduromarin.— Je vais temontrer commentma grand-mèrem’a appris à le préparer carmême si j’ai fait

l’écolehôtelière,iln’yariendemeilleuraumondequelechapondemamie!Mattposetouslesingrédientssurleplandetravailpuisilsemetderrièremoi.Ilmurmureàmon

oreille ce que je dois faire. Sa promiscuitémeperturbemais je ne veuxqu’il bougepour rien aumonde.J’ail’impressionquenoussommesdansunebulleetcetinstantesttoutsimplementmagique!

—Etmaintenantquetafarceestprêtetuvaslaprendredanstamainetlaplongeràl’intérieurdelavolaille.

Oubliez la bullemagique ! Je vais devoirmettremamain dans le cul d’un coq castré !Quellehorreur!

J’éclate d’un rire nerveux et même si cette étape ne m’enchante pas guère, lorsque Matt serapprocheencorepluscontremoncorpsetquejesenssachaleur,j’oublietout!

Oui…jecroisbienquec’estcommeçaqu’oncomprendqu’ontombeamoureuse…

13

LesfêtesdeNoëlsontpasséesàuneallurefolle.Jen’arrivetoujourspasàcroirequ’ilneresteplusquecinqjoursavantquejeneretourneauboulot!

Leréveillonduvingt-quatredécembres’estdéroulésouslesriresdesenfantsetdesdiscussionsàbâtonsrompusavecmesamis.Mattn’apasarrêtédemelancerdesregardscoquinsdèsqu’EmyetPierreavaientledostournéetcommeàchaquefoisquenoussommesavecmesamis,nousavonsfaittoutnotrepossiblepourêtreensemblequelquessecondesletempsd’échangerunbaiservolé.

Le vingt-cinq, j’ai passé la journée chez mes parents. Ma sœur, Cécilia, et mon frère, Sacha,étaientégalementde lapartieainsique leursconjointsetenfants.J’aipassésoussilence lefaitqueNicessayaitd’entrerdanslaviedesjumeaux–etqu’ilvoulaitquejeluidonneunesecondechance–carjeconnaissaisd’avancelaréactiondemafamille.Sijeleurenavaisparlé:ilsseseraientrelayésenpermanencepourquejenerestepasseuleafindepouvoirrefaireleportraitàNics’ilseprésentaitchezmoi.Monpèreseraitlepremieràseportervolontaired’ailleurs,lorsqueNicestparticommeunvoleur,j’aieuénormémentdemalàretenirpapad’allerletrouver.Ainsi,j’aipréférégardercesujetpourmoi.

Aujourd’hui,jedoisretrouverMattauparcafinquelesenfantssedéfoulent.Celafaitdeuxjoursquenousnenoussommespasvusetlesjumeauxsontimpatientsderetrouverleurpetitecopinedejeux.J’avouequejesuisaussiimpatientequ’euxderevoirlepapadeleuramie.Durantcesdernièresquarante-huit heures,Matt a eu un emploi du temps surchargé : rendez-vous avec une décoratriced’intérieur, avec des maçons pour abattre des murs et refaire le carrelage de son restaurant, il aégalement faitpasserdesentretiensd’embaucheàdes serveursetdescuisiniers. Jemedemandesipoursavoirsiuncuistotestbon,illeurfaitfairedesplatsetlesgoûteensuitetelunjurydeTopChef.Sic’estlecas,jemeseraisbienportéevolontairepourl’aideràsatâche!

Un coup d’œil à la pendule de la cuisine m’indique qu’il est temps grand temps de partir. Jeprendsmadoudounedansl’entréeetappellelesenfantsenbasdel’escalier.

—Éléa!Enzo!C’estl’heured’yaller!J’entends leurspetitspas rapidesà l’étageetenquelques secondes, ilsdévalent lesescaliersen

courant.—OnvavoirLily!crieÉléaensautantdejoie.J’aideEnzoàmettresonblousontoutensouriantàmafille,puiselleenfilesonmanteauàson

tourenmeracontanttoutcequ’ellecomptefairequandelleseraauparc.Noussommesprêtsàpartirmaislorsquej’ouvrelaported’entrée,jemerendscomptequejen’aipasmesclésdevoiture.Jelescherchesurlebuffet–endroitoùjelesrangehabituellement–maisjefaischoublanc.Jelescherchependant quelques minutes sous les cris stridents des enfants qui n’en peuvent plus de ne pas êtreencoreauparc.

C’estvraiqu’avectoutleraffutqu’ilsfont,c’estterriblementfaciledeseconcentrer!Jevousaidéjàditcombienj’aimaismesenfants?Je sors triomphalement les clés qui s’étaient planquées dans mon manteau et les enfants

m’applaudissentcommesijevenaisderéaliserunexploit.—Allez,lesmonstres!Àlavoiture!Lesjumeauxcourentjusqu’auvéhiculequej’ouvredepuisleperronetlorsquejelesrejoins,ils

sonttouslesdeuxattachés.Miracle!

Quinzeminutesplustard,jemegaresurleparkingetjesuisheureused’êtrearrivéeàdestination.Le trajet a beau être court, les enfants sont tellement excités quema tête va exploser. Ils n’ont pasarrêté de parler, se chamailler et sans oublier de chanter à tue-tête toutes les comptines qu’ils ontapprisàl’école.C’estavecl’airdeVivelevent,quejesorsdelavoiture.

Nous avançonsdans leparc endirectionde l’airede jeu et lorsquenous arrivons, je fredonnetoujours lachanson,accompagnéeparmesenfants.LorsquenousvoyonsMattetLilydevantnous,ÉléaetEnzosemettentàcouriràtoutevitesse.

—Etbonneannéegrand-mère!Mattexplosederirequandj’arriveàsahauteuretjemerendscomptequ’ilm’aentenduechanter.—Salut!dit-ilenm’embrassantlégèrementàlacommissuredeslèvres.Tum’asl’airdebonne

humeur.—J’adorelesfêtesdeNoël,réponds-jeexagérémentenjouéeavantderireàmontour.Tuparles!

Ilsn’ontpasarrêtédechanterpendanttoutletrajetetmaintenantcettechansonneveutpassortirdematête!

—Commejepréféreraisavoircelle-ciplutôtqueLareinedesneiges!Libérééééééeeeeee!Délivréééééééeeeeeee!Jenementiraiplusjamais….—Non ! Tu n’as pas osé ? m’exclamé-je.Maintenant, je vais avoir cette fichue Elsa toute la

journéedanslatête.—Oups,désolé,répond-il.Quelenfoiré!Ausourireespièglequ’ilmelance,jevoisbienqu’iln’estpasdésolédutout.Perduuuuueeeeedansl’hiiiiverrrrr.—Argh!Jetedéteste!Mattéclatederirepuisilpasseunbrasautourdemesépaulesetm’entraîneavecluiendirection

delacageàécureuil.Nousnousinstallonssurunbancetilmeracontecommentsesontdérouléssesrendez-vous.J’apprendsainsiquemonpetit-aminonofficiel faiteffectivementpasserdes testsauxcuisiniers.

J’enétaissûre!—Etsinon…tuaseudesnouvellesdetonex?On passait un si bon moment que dès l’instant où il fait allusion à Nic, mon moral chute

instantanément.—Non…jen’aitoujourspasréussiàtrouverlecouragedel’appeleretjemedemandecombien

detempsilvaencoreattendreavantdeserepointeràlamaisonsansyavoirétéinvité.—Etsituluiproposaisdelevoirdemain?—Demain?m’exclamé-je,mortedetrouille.— Je n’ai rien prévumais j’ai encore plusieurs rendez-vous dans deux jours. Ensuite c’est le

réveillondelaSaint-Sylvestre.Matt me laisse quelques minutes pour réfléchir et même si je déteste l’idée de voir Nic si

rapidement, je saisqu’ila raison. Jeneveuxpasêtreseulepour l’affronteret jen’aipasnonplusenviedegâcherleréveillondujourdel’an.Aumoins,seloncommentvasepasser,j’auraisquelquesjourspourm’enremettreetprofiterdecettesoiréeavecmesamis.

—OK,tuasraison.Jeluienverraiunmessageplustard.—Pasquestionquetutedéfilesmaintenantquetuasditoui.Envoie-luiuntexto,toutdesuite!Jesouffledemécontentement,néanmoinsjem’exécuteetattrapemonportable.

Moi:Tueslibredemainaprès-midi?Onpourraitserejoindreauparcpourqueje

teprésentelesenfants.

Jem’apprêteàrangermonsmartphonedanslapochedemavestemaiscelui-civibredéjà.

Nic:Avecplaisir!Àquelleheure,bébé?

Bébé?Iln’estpassérieux?—Qu’est-cequ’ildit?demandeMattfaceàmessourcilsfroncés.Jemetsmontéléphonedevantsesyeuxetilgrogneendécouvrantlemessagedemonex.—Sansblague?Ilcroitvraimentqu’ilaencoreunechanceaprèstoutcequ’ilt’afait?—Apparemment,oui…Je regardeMatt etm’aperçois que sonpouls s’est accéléré et que sapommed’Adam tressaille

lorsqu’ildéglutit. Il serreetdesserre sespoingscommes’il étaitprêt àmeneruncombatet jemedemandesoudainsic’estunebonneidéequ’ilm’accompagnedemain.

Mon smartphone vibre une nouvelle fois et cette fois, Nic ne m’a envoyé que des pointsd’interrogations.Jeluirépondsqu’onserejoindraàquinzeheures,jen’attendspasqu’ilrépondeetrangemon téléphone.Matt regarde lesenfantss’amuserdansunecabaneenboismais jevoisbienqu’ilestperdudanssespensées.

—Tusaisquetun’asrienàcraindre?demandé-jed’unevoixdouce.—Jesaispuisqu’onn’estpasvraimentensemble…Aïe!Même s’il a raison, sa remarqueme fait l’effet d’un uppercut en pleinemâchoire. Il doit s’en

rendrecompteettoutàcoup,ilsetourneversmoietcaressetendrementmajoue.—Jesuisdésolé,c’étaitpassympacommeremarque.Écoute,jesaisqu’onnesaitpasoùonva

maisjen’aimepasl’idéequ’ilveuilletereconquérir…Jesaisaussiquesijamaistuterendscomptequec’estcequetuveux,jeneteretiendraipasmais…jeveuxquetusachesquejen’aipasenviequetoietmoi,çasetermine,Mel.

Etlà…moncœursemetàbattrelachamadeetjemesenssoudaintellementlégère.—Jepeuxt’assurerquejeneveuxmeremettreavecNicpourrienaumondeet…—Et?—Jen’aiabsolumentpasenviequenousdeux,çaprennefin.Sansquejem’yattende,Mattsepenchesurmoietm’embrassetendrement.Jeluirendssonbaiser

sansprêterattentionaufaitquenoussommesdansunlieupublicjusqu’àcequej’entendeleriredesenfants.Nousnousécartonsvivementl’undel’autreettournonslatête.

—Ilssontamoureux!Ilssontamoureux!crientnostroischenapansennousmontrantdudoigt.—Jecroisqu’onvientdesefairegriller,ditMattd’unairgêné.Étrangement, jem’enmoque. Après la conversation que nous venons d’avoir, je suis certaine

qu’entreMattetmoi,çacommenceàêtresérieuxetj’adoreça!

14

Lelendemain, jesuisunebouledenerfs.Jen’aipasréussiàm’endormiravant troisheuresdumatin,tropanxieuseàl’idéedeprésenterNicauxjumeaux.Quand,àsixheuresetdemi,lesenfantsm’ontappeléeenréclamantleursbibis,j’avaisl’impressiondenepasavoirfermél’œildelanuit.

J’aipassélamatinéedanslebrouillard,àrevivredansmatêtemesannéespasséesauxcôtésdemonexetlorsqueMattetLilyarriventàlamaisonpourdéjeuner,jesuisépuisée.

—Mamaaaaaaan!Ilssontlà!crientlesjumeauxd’unemêmevoixquandilsentendentlescoupsfrappésàlaporte.

Jesorsde lacuisineetvais leurouvrir.LorsqueMattvoitma tête, ilchuchotequelquechoseàl’oreilledesafilleetcelle-cipartencourantrejoindrelesjumeauxdansleurchambre.Mattrefermelaportederrièreluipuisilmeprenddanssesbrasetm’embrassedélicatement.

—Çava?murmure-t-ilcontremabouche.—J’aiconnumieux,réponds-jeenm’écartantdesonétreinte.Jen’aipasvul’heurequ’ilétait,je

vaisvitepréparerlerepas.—Jevaism’enoccuper,Mel.Etsituallaisprendreunebonnedouchechaudeouunbainpourte

détendre?Jem’apprêteàprotestermaisilm’enempêcheenposantunindexsurmeslèvres.—Tuasl’aircomplètementcrevéeetsurlesnerfs.Çateferadubien,jepeuxgérerlestroispetits

diables.Ilponctuesaphraseparunclind’œiletj’obtempère.Jeleremercieenl’embrassantpuisjemonte

lesescalierspendantqu’ilprendpossessiondemacuisine.Jemesensgênéedelelaissers’occuperdemesenfantsmaisenmonforintérieur,jeluisuisprofondémentreconnaissante.

J’entredanslasalledebainsetlaisselabaignoireseremplirpendantquejechoisislesvêtementsquejemettraispourcetteentrevue.J’optepourunetenuedécontractéeenattrapantunjeanetunpullgris chiné puis jemets en route une playlist pré enregistrée dansmon smartphone et plonge dansl’eau. J’essaie de chasser les idées noires qui ne m’ont pas quittées depuis cette nuit… j’espèresincèrementquejenecommetspaslaplusgrosseerreurdemavieenautorisantNicàentrerdanslaviedes jumeaux. Ilnousadéjàabandonnéune foismaisc’étaitbienavant leurnaissanceet ilsontdonc appris à vivre sans père. S’il gâche tout encore une fois, je ne suis pas sûre qu’ils s’enremettrontsansséquellesémotionnelles…

Toutvabiensepasser…Toutvabiensepasser…

Deux heures plus tard, nous sommes dans la voiture et malgré le bain ainsi que les parolesrassurantes deMatt, je me sens comme une bombe à retardement. J’ai dit aux jumeaux que nousallionsauparcetquej’avaisquelqu’und’importantàleurprésenter.Commeilssontencorepetits,ilsn’ontpasarrêtédemeposerdesquestionsmaisjen’aiétécapablederépondreàaucuned’entreelles.

Mattsegaredansleparkingetj’ail’impressionquemoncœurvasortirdemacagethoracique

tellementilbatfort.Toutvabiensepasser…Toutvabiensepasser…Celafaitplusdedeuxheuresquejemerépètecemantramaisilnem’apaisepaspourautant.Matt demande aux enfants de se détacher et ils s’exécutent de bonne grâce alors que je suis

toujoursincapabledebouger.—Onpeutfairedemi-tour,situveux…,murmure-t-ilenm’ôtantmaceintureàmaplace.Jehochesimplementlatêtedanslanégativeetilm’embrassefurtivementleslèvres.—Alors,allons-y.Ensortantduvéhicule,Mattmerejointetprendmamaindans lasienne.Mesdoigtsserrent les

siensavecforceetj’ail’impressiondem’accrocheràluicommeàunebouéedesauvetage.J’avancel’âmeenpeineetrepèreimmédiatementNic,assissurlemêmebancoùnousétionsilyamoinsdevingt-quatreheures,Mattetmoi.Jeprendsuneprofondeinspirationetsuisduregardlesenfantsquinenousontpasattenduetsontdéjàentraindecourirpartoutsousl’œilattentifdeleurpère.

LorsqueNics’aperçoitque jesuisvenueavecMatt, je levois froncer lessourcilsetpincer leslèvres.

—SalutNic!TutesouviensdeMatt,dis-jeenm’arrêtantàsahauteur.MonexregardeMattdelatêteauxpiedsavecdégoûtetn’acceptepaslamainqu’illuitend.Matt

nes’enoffusquepas.Ilsecontentedelefusillerégalementduregardpuismetsonbrasautourdemataille.

—T’étaisobligéedeveniraveclui?demandemonexd’untonbourru.—Iln’étaitpasquestionquejelalaissevenirtouteseule,répondMattàmaplace.—Jenevaispaslamanger,nifairedumalauxgosses!—J’ycomptebienetj’yveillerai,rétorque-t-ilenresserrantsesdoigtssurmahanche.Latensionentreeuxestàsonmaximumetcommeàchaquefoisquejesensqueleschosesvont

déraper,lesenfantschoisissentcemomentpours’intéresserànous.—Mamaaaaaaan!J’aiencorevuunechenille!s’exclameEnzo.—Tuveuxlavoir?renchéritmafille.Maisqu’est-cequ’ilsontàlafinaveccesfoutusinsectesrépugnants?Jen’aipasletempsdeprolongercettepenséequeNicleurrépond:—Moijeseraistrèsheureuxdevoirça!Quoi?—T’esqui,toi?demandeÉléa,curieuse.— Eh bien…, commencé-je pendant qu’ils se rapprochent de nous, accompagnés de Lily. Les

enfants…vousvousrappelezdel’amidemamanquenousdevionsrencontreraujourd’hui?Lesgaminshochentlatêtependantquejecherchemesmots.—Ehbien…cetamiestenréalité…—Uncousinéloignéquemamann’avaitpasrevudepuislongtemps,mecoupeMatt.Maisqu’est-cequ’ilfait?Pourquoinemelaisse-t-ilpasfairecommej’aienvieavecmesenfants?JefusilleMattduregardmaiscelui-ciagit leplussimplementdumonde. Il faitsigneàLilyde

s’approcherdeluietluiproposed’alleracheterdessucreriespendantqu’ilsnouslaissentunpeudetempsseulspourfaireconnaissance.

JemetourneversNicafindevoirsaréactionetvisiblementilestsoulagéparlafaçondontMattl’aprésentéauxenfants.Jenesaispaspourquoi,maisjesensquecetaprès-midiavecmonexetmonsoi-disantpetitamiestunetrès…trèsmauvaiseidée.

15

Si ça continue, je vais en prendre un pour taper sur l’autre ! Je ne sais pas lequel des deuxm’horripileleplus!

Nicsecomportecommes’ilavaittoujoursfaitpartiedelaviedesenfantsetmêmesijedevraisêtreheureusepour les jumeaux, je trouvequemonexen fait trop ! Il croitquoi, au juste ?Qu’enagissantcommes’illesconnaissaitdepuistoujours,j’oublieraiqu’ilnousalâchementabandonnésoumieuxencore,que lesenfants lui sauteraientdans lesbraset luiclameraient leuramouréternelendécouvrantqu’ilestleurpère?

EtMatt?Ilestenpermanencesurlequi-vive,àm’empêcherdeprononcerlemot«papa»enmecoupantsystématiquementlaparole.Iln’arrêtepasdemeprendredanssesbrascommes’ilvoulaitmarquer son territoire et même si je comprends qu’il puisse avoir peur, sa réaction estdisproportionnée!

Sérieusement,cesdeux-làmetapentsurlesystèmeetilestgrandtempsd’arrêtercettecomédie!Nicestentrainderaconterunehistoireauxenfantsquil’écoutentd’uneoreilleattentivependant

queMattluitourneautour,surveillantsesmoindresfaitsetgestes.—Ilcommenceàsefairetard,l’interromps-jedanssonrécit.Nousallonsyalleravantqu’ilne

fassenuit.—Çapeutattendrelafindemonhistoire,proteste-t-ild’untonbourru.—Ehbiennon,cartuvois,sionattendtropjesuiscertainequel’undesjumeauxvaattraperfroid

etjen’aipasenviequ’ilspassentlafindeleursvacancesmalades!— Allez, Mel ! Ne fais pas ta rabat-joie, c’est pas cinq minutes de plus qui vont faire la

différence!Maisqu’est-cequ’ilm’énerve!Ilyconnaîtquoiauxenfants,lui?Ceuxsontlesmiensetjesais

parfaitementcommentçavafinirsiontardetrop!—Écoute-moibien,Nic…—Lesenfants!Ditesau-revoiraucousindevotremère,ons’enva!mecoupeMatt.Etallez!Luiaussienrajouteunecouche!Commesijenepouvaispasmedébrouillerseule!Lily,ÉléaetEnzoécoutentimmédiatementMatt.IlsembrassentNicpuislesaluentd’ungestedela

mainetsemettentàcourirdansl’allée.—N’allez pas trop loin ! Je veux vous voir, dis-je d’une voix ferme.Matt ?Tu veux bien les

suivres’ilteplaît?J’aimeraisparleràNicquelquesinstants.Monpetitamifroncelessourcilsmaisacquiesceets’éloignerapidement.Niclessuitdesyeuxun

instantpuismelanceunregardnoir.—Tuauraispufaireuneffort!râle-t-il.—Crois-moi,jeviensd’enfaireunsurhumainaujourd’hui.—Commesic’étaitsidurqueçademevoiravecmesenfants!Çanetegênepasqu’unparfait

inconnuresteaveceuxenpermanence,continue-t-ilenmontrantMattd’unsignedumenton.Cettefois,c’enesttrop!—Premièrement,cesontMESenfants!Deuxièmement,Mattn’estpasuninconnu,c’esttoiquien

est un pour eux. Et troisièmement, je suis leurmère et les élève comme je l’entends donc, si j’aidécidé qu’il est l’heure de partir, c’est comme ça et pas autrement ! Tu n’as pas ton mot à dire,compris?

—J’aiétéprivéd’euxpendanttroplongtemps…

—Non ! hurlé-je, excédée. Tu n’as été privé de rien du tout ! Tu t’esmis tout seul dans cettesituation !C’est ta faute et entièrement la tienne !Alorsmaintenant, onva rentrer chacundenotrecôté…

—Jeveuxlesrevoir!Jesaisquej’aiagistupidement.Jelecomprendsencoreplusenayantpasséunmoment avec eux… ils sont géniaux et je sais que c’est grâce à toi,Mel.Tout s’est bien passéaujourd’hui,non?

Agacée,jelèvelesyeuxauciel.Ilaraison:ças’estbienpasséaveclespetitsmêmesijesuissurlepointd’exploser.Nerveusement,c’estpaslajoie!

—Jet’envoieunmessagepourqu’onconvienned’unautrejour,OK?—Jepourraislesprendrequelquesheurestoutseul?Etpuisquoiencore?Mêmepasenrêve!—Unjourpeut-être,maispasdansl’immédiat.J’aibesoindem’habitueràlasituation.Jem’attendsàcequeNicprotesteunefoisdeplusmaiscontretouteattente,ilhochesimplement

latête.Un coup de klaxon nous interrompt et je me rends compte qu’il s’agit de Matt qui m’attend

impatiemmentaveclesenfants.Nics’approchedemoipour…quoi?M’embrasser?Meprendredanssesbras?Je reculed’unpaset serremesbrasautourdema taillecommesi j’érigeaisunrempartprotecteuretluioffreunpâlesourire.

—Àlaprochaine,murmuré-jeduboutdeslèvres.Au fur et à mesure que je m’éloigne demon ex, je sens mon cœur reprendre des battements

normauxetj’ail’impressionqu’unénormepoidss’ôtedemesépaulesmaislorsquejevoisleregardénervédeMatt,macolèrecontreluines’estpasencoredissipée.

Les enfants se sont endormis en moins d’une minute et même si le trajet est court, j’ail’impression qu’il dure une éternité tellement le silence dans l’habitacle est pesant. Lorsque Mattcoupelemoteur,jem’empressedemedétacherafind’allerouvrirlaported’entréepuisrevienspourprendrelesjumeaux.

Commelapremièrefoisoùj’airencontréMatt,celui-ciprendEnzodanssesbraspendantquejem’occuped’Éléa.Mattestplus rapidequemoipourdéposermonfilssur lecanapéetalorsque jepense qu’il ne va pas rester, je le vois repartir vivement à la voiture pour prendre sa fille et laramenerégalementàl’intérieur.

Lesenfantssontmaintenantréveillésmais ilssont toujoursbienfatigués.Je leurpasseunplaidpourqu’ilss’yblottissenttouslestroisdessousetleurmetsundessinanimé.

VivePeppaPig!JefaissigneàMattdemesuivreàlacuisineetallumelamachineàcafé.Nousrestonssilencieux

quelquesinstantsetlorsquejetendssatasseàMatt,ilm’adresseunregardinterloqué.—Quoi?aboyé-je.Ilhaussesimplementlesépaulesetboisunegorgéedesoncafé.Cettesimpleréactiontypiquement

masculinem’énerveencoreplus.—Jepeuxsavoircequit’apris?—Pa…Pardon?s’étonne-t-il.

—Ne fais pas l’innocent ! Tum’as clairement empêchée de présenterNic comme le père desjumeaux.

—Biensûr!Cetyperevientdujouraulendemaindanstavie,tunesaispass’ilnevapasrepartircommeilestvenu!Jepensaisquec’étaitlameilleurechoseàfaire.

— Tu pensais ?! Je suis leur mère,Matt, c’est à moi et à moi seule que reviens ce genre dedécision,tunecroispas?

—Dansl’absolu,oui,mais…—Maisquoi?Iln’yapasdemais!Tun’avaispasàt’enmêler!Jesuisunegrandefille!Çafait

quatreansquejesuisseuleavecmesenfants,jen’aipasbesoinqu’uninconnumedonnedesleçons!—Parcequemaintenantjesuisuninconnu?s’emporte-t-il.T’essérieuse,là?C’esttoutcequeje

suis pour toi ?Après tout ce qui s’est passé entre nous en une dizaine de jours, je suis un putaind’inconnuàtesyeux!

Merde ! Tout à l’heureNic a dit queMatt était un inconnu et je l’ai défendu…alors pourquoiviens-jedeleluibalancerenpleinefigure?Jesuisuneimbécile!

—C’estpascequejeveuxdire,temporisé-jeenm’apercevantquejel’aiblessé.Commetuviensdelesouligner,çanefaitpaslongtempsqu’onseconnaîtet…

—Etjesuisqu’unpauvrecon.C’estça?Aprèstout,c’estainsiquetum’asjugélapremièrefoisque l’ons’estvus. J’imagineque lapremière impressionest toujours labonne,dit-ilen lâchantunrireamer.

—Matt…Cen’estpasdutoutcequej’aidit.—C’estpas lapeine !Lamanièredont tu tecomportes, là, toutdesuite,parled’elle-même.Je

vaisallerrécupérerLilyetrentrer.C’estcequ’ilyademieuxàfaire.Iltournelestalonsetpartverslesalonmaisjel’enempêcheenl’attrapantparlebras.—Matt…—C’estbon,Mélissa!dit-ilensedégageant.Tusaisquoi?Jecroisquej’étaisentraindetomber

amoureuxdetoi!Jepensaisquetouslesdeux,çamarchaitplutôtbienmais…Sij’aiagicommejel’ai fait aujourd’hui, c’est pour vous protéger toi et les jumeaux mais cet espèce d’enfoiré t’atellementfaitdemalquetuesincapabledevoirquandlesgenstiennentàtoietqu’ilssontlàpourtesoutenir. Il t’a rendu inapte à avoir de vraies relations car tu es incapable de faire confiance etpourtant…tuétaisprêteàdirelavéritéàtesenfantsalorsquetun’esmêmepassûreàcentpourcentqueNicsoitfiable!

J’arrivepasàycroire…Iltombaitamoureuxdemoi!Ilsecouelatêteetmelanceunregardnoiralorsquejesuisincapabledeprononcerunmot.— J’espère pour les jumeaux que Nic ne s’enfuira pas une nouvelle fois, quant à moi, je

comprendspourquoiilt’aplaquée!Sesparolesetletonqu’ilemploiesontd’unetelleviolencequejedoislutterpournepaspleurer.Ilmetourneledos,foncedanslesalonoùilrécupèresafillepuisilrepassedevantmoisansun

regardetsortdelamaisonenclaquantlaportederrièrelui.Jenepeuxretenirmeslarmesunesecondedeplus.J’aiblesséMattenletraitantd’inconnumais

lesmotsqu’ilaeuenréactionontétéaussiaiguiséesquedeslamesderasoirs.Jen’enrevienspasqu’ilaitétéaussiodieux.Jedevraisledétestermaispourlemoment,leseulsentimentquej’éprouveestunchagrinincommensurable.

Commentlasituationa-t-ellepudérailleràcepoint?

16

MATT

ÀlamortdeSarah,jem'étaispromisuneseulechose:neplusjamaisretomberamoureux!L’amourçacraint!Audébuttoutestroseettoutàcoup,sanscomprendrenipourquoi,nicommentonsedéchire.Et

cequis’estpasséilyatoutjusteunmoisavecMélissanefaitquemeconforterdanscetteidée.Depuisquenousavonsrompu–enfin,sitantestqu'onpuissedirequenousnoussommesséparés

alorsquenousn'étionspasvraimentensemble–jemesuisplongédansletravail.Enmoinsdetempsqu'iln’enfautpourledire,jesuistombésouslecharmedeMélissaetenunclaquementdedoigts,tout a dégénéré. Je voulais les protéger, elle et ses enfants, devenir son roc mais elle m’a traitécommesijen’étais…rien...unsimpleinconnu.Lorsqu'elleaprononcécemot,uneprofondecolères’estemparéedemoietjel’aitraitéecommeunemerdeenétantparfaitementinjuste!

LesoirdelaSaint-Sylvestre,Mélissan’estpasvenueaurepascommeprévuetlafemmedemoncousinm’afaitpasserlepireréveillondemavie.Eneffet,Emyn’apastrèsappréciélamanièredontj’ai traité sameilleureamieet jenepeux luienvouloir. Je savaisquecette filleavaitducaractèremaisjenepensaispasqu’elleconnaissaitautantd’insultes.J’aiencaissésansbronchercarjesavaisquejeméritaistoutcequ'ellemereprochait.Biensûrquej'aiagicommeunconnardetqueMelissaneméritait pas çamais j’étais tellement blesséque je voulais qu’elle souffre autant quemoi.C'estparfaitement ridicule, je sais, mais pendant de nombreuses années, ma femme et moi avonsfonctionnécommeçaetj’aireproduitlemêmeschémaavecMélissaetputain!Sivoussaviezcommejem’enveux!

Alorspourquoinevas-tupasluiparleretessayerd’arrangerleschoses?Tout simplement parce que j’ai trop peur qu’elleme renvoie dansmes vingt-deux.À sa place,

c’estcequejeferais.Alors, plutôt que d’affronterMélissa, je n’ai rien trouvé demieux que deme plonger dans la

rénovationdemonrestaurant.Entrelaformationdemonéquipe,laréalisationdenouveauxplats,lacréationdelacarte,jen’aipaseuuneminuteàmoi.Etlorsquejen’étaispasauboulot,jem’occupaisdeLily.Mafilleestfabuleuse.Depuislamortdesamère,ellenecessedemesurprendre.Mêmesiaudébut,cen’étaitpasfacile–etjesaisquegrandirsansmamanseratoujoursdélicat–Lilyneseplaintjamais.Ellevadansunenouvelleécoleoùelleneconnaissaitpersonneetsacapacitéd’acclimatationest impressionnante. Ma petite fille sourit toujours, me raconte ses journées et me parle de sesnouveauxcopains.Grâceàelle,jenem’ennuiepasetmespenséesnesontpasobnubiléesparMélissa.PourLily,jefaistoutcequejepeuxpourêtrelemeilleurdespapasetnepassombrer.

—Dispapa?Quandest-cequ’onvarevoirÉléaetEnzo?Etpandanstagueule!Cetteenfantalechicpourmettrelespiedsdansleplat!L’airderien,jedéposesonpetitdéjeunersurlatabledevantelleetluisourittendrement.— Je ne sais pas, ma puce. Ils ont repris l’école eux aussi et Mélissa travaille, ça va être

compliquédelesvoir.—Mais…ilsmemanquent,proteste-t-elleenfaisantlamoue.Nesachantquoidirepourluiredonnerlesourire,jel’embrassesurlefrontetm’assoisenface

d’elle.Nouscommençonsàmangeret jevoisbienqueLilyfait toutsonpossiblepourmasquersadéceptionetçamefendlecœur.Mélissamemanqueautantquesesenfantsàmafille–etàmoiaussi

–etjedétestecettesituation.Àlamortdesamère,jem’étaisaussijurédenejamaisfairedelapeineàmonenfant,etencoreunefois,j’aifailliàmespromesses.

Je pousse un profond soupir de lassitude et envisage de prendre mon téléphone pour appelerMélissamaispourluidirequoi?Salutc’estMatt,tusais,celuiquis’estcomportécommeunepauvretache…jemedemandaissituvoulaisbienmepardonneretqu’onserevoie?Assurément,cen’estpaslameilleurechoseàfaireetellerisqueraitdemeraccrocheraunez!

Jedécidealorsd’appelerEmy,nonpaspourluidemanderdesconseilsmaispourqu’onaillesepromenerauparc.

—Salut,crâned’œuf!Qu’est-cequetuveux?J’avais oublié ! Depuis le réveillon du jour de l’an, la femme demon cousin a décidé deme

donnerdessurnomsridiculesàchaquefoisqu’ellemeparle.C’estsamanièreàelledememontrerqu’ellesoutienttoujourssonamieetquejenesuistoujourspaspardonné.

—Salut,Em.Jemedemandaissi tuseraispartantepourfaireuntourauparc?LilyestunpeumorosecematinetjesaisquesiellevoitEliott,çairabeaucoupmieux.

—Situveuxmonavis,têted’abruti,tafilleiraitmieuxsiellevoyaitsesamisplutôtqu’unbébé.—Ellevoitsescopainstouslesjoursàl’école…—Ce n’est pas de ceux-là dont je parle,me coupe-t-elle. Je suis certaine que les jumeaux lui

manquent!C’estça,Emy,remuelecouteaudanslaplaie!Çanefaitpasassezmalcommeça!—Donc,tuveuxbien?demandé-jeenfaisantabstractiondesadernièreremarque.—Écoute,jevaispasserprendretafilleettoi,tun’asqu’àtetrouveruneoccupation.Jedoisdéjà

rejoindreMélissaetjedoutequ’elleappréciequejemepointeavectoi!—Jepeuxteladéposer,situveux?—Jesaistrèsbienàquoitujoues,bougred’âne,etiln’estpasquestionquejefassetomberma

meilleureamiedansuneembuscade,pourquetulavoies!Situveuxvraimentavoirunechancedet’excuser,jeteconseilledet’yprendreautrement!

—Tuesvraimentdurecommefille,Emy.Noussommesdelamêmefamille,tupourraisfaireuneffort…

—C’estjustementparcequetueslecousindemonmari,quejenet’aipasencoreraccrochéaunez.

—Donc,jedevraism’estimerheureux?—Parfaitement!Je lève les yeux au ciel en imaginant clairement sa mine réjouie en me faisant tourner en

bourrique.Néanmoins,jesaisqu’ellearaisonetquejedoistoutmettreenœuvrepourreconquérirMélissa.Cen’estpasenluitendantunguet-apensquejevaisyarriveretilvafalloirquejesortelesgrandsmoyens!

17

MÉLISSA

Unmoisque jenesuisplusavecMattetautantqu’ilmemanque,atrocement.C’est foucommeunepersonnepeutentrerdansvotreviepourenressortiraussiviteetpourtantvousavezl’impressionquevotrecœurnes’enremettrajamais.SiNicm’avaitbrisélecœur,jepeuxdirequecettefoisMattl’apiétiné.Ilm’afaitcroirequejepouvaisencoretomberamoureuseetj’étaisprêteàluioffrirmoncœurmaissesparolesm’ontcomplètementanéantie.Etlepiredanstoutça,c’estqu’ilavaitraisonausujetdeNic.

Nous avions convenu de nous revoir le premier de l’an et jeme suis rendue au parc avec lesenfants. Nous avons attendu dans le froid pendant plus de deux heures et finalement, quand noussommes rentrés à la maison, j’ai trouvé un nouveau post-It sur la porte d’entrée. Cet espèce deconnardn’estmêmepascapabled’assumersesactesetilm’ajusteécrit:«J’avaisraison,deuxc’esttrop.Jen’yarriveraipas.Prendsbiensoind’eux.»

Sérieusement?S’ilavaitétédevantmoi, je luiauraisarraché lesyeuxà lapetitecuillèreet luiaurais fait bouffer ! Comment peut-il agir si égoïstement ? Et dire que j’étais sur le point de leprésenter aux enfants comme étant leur père alors qu’il n’estmêmepas capable d’apprendre à lesconnaître,nimêmedelesassumerneserait-cequelquesheures.Mattm’aaidéànepasfairelapireerreurdemavieetjel’airemerciéenlecomparantàuninconnu!

Jesuisvraimentnulle!Cematin, je rejoinsEmyauparc afindeprofiter de cette belle journée– et que les enfants se

défoulent.Commeàchaquefois,noussommeslégèrementenretardetlorsquenousarrivonsàleurhauteur, je remarque une petite fille aux cheveux bruns bouclés et immédiatement, je cherche sonpère. Malheureusement, Matt n’est pas là mais mes enfants repèrent instantanément leur amie ethurlentdejoie.

—Lilyyyyyyyy!Ilsfoncentverselleet luisautentdanslesbraspuis, ilssemettentàjouercommes’ilss’étaient

quittéslaveille.—Salut!meditEmypendantqu’ellesurveilleEliottquimangeunboudoirdanssapoussette.—Salut!Tuesvenuetouteseule,dis-jeenmontrantLilydumenton.—J’aipenséquetun’aimeraispasqueMattsejoigneànous.—Je…jenesaispas,avoué-jeenluijetantuncoupd’œil.—Jenesaispassic’estunebonneidéedetedireça:ilvoulaitvenirmaisjel’enaiempêché.Tu

luimanques,Mel.Simplement,aprèscequ’ilt’aditjenesuispassûrequ’iltemérite.—Tucroisquecen’estpasplutôtàmoid’enjuger?Ellehochelatêteets’apprêteàmedireautrechoselorsqueleshurlementsd’unepetitefillenous

fontsursauter.Jemelèved’unbond,medirigeverslescrisencourantetdécouvreLily,entraindepleureretdesetenirlajambe.

—MonDieu,mapuce!Ques’est-ilpassé?demandé-jeenlaserrantdansmesbras.—Elleavouluessayerdevoler,ditalorsEnzo.Jeluiavaisditqu’onpouvaitpas.J’examinelepieddeLilyquiatriplédevolumeetquicommencedéjààdevenirbleu.Jenepense

pasquecesoitcassémaiscommejenesuispasmédecinetquecen’estpasmafille,jedécidequ’ilfautl’emmenerauxurgencespourlafaireexaminer.

—Allez, viens par-là, petit cœur.Accroche tesmains autour demon cou.Les enfants, suivez-moi!

NousrejoignonsEmyquisemetàpaniquerquandellevoitlachevilledeLilyetlesgrimacesdedouleurquidéformentsestraits.

—Merde!Sonpèrevametuer!ditmonamieencaressantlatêtedelafillette.—Appelle-leetdis-luidenousretrouveràl’hôpital.—Àl’hôpital?Tucroisquec’estcassé?—J’ensaisrien,doncdansledoute,jepréfèreprendretouteslesprécautions.—Ilvametuer…—Tuveuxbienarrêter?Ilneteferariendutout.Çaauraitpuarriveràundesmiens,c’estles

aléasdelavie!—Ouais,benn’empêchequejesuissûrequejevaispasserunmauvaisquartd’heurevucequeje

luifaissubirdepuisunmois.—Commentça?demandé-jetoutenmarchantendirectiondemavoiture.—Ehbien…,commence-t-elleenrougissant.Ilsepourraitquejel’insulteàchaquefoisquejele

voisoul’aiautéléphone.—Emy,pesté-je.Tuesvraimentincorrigible!Ellem’adresseunclind’œilpuism’ouvrelaportièrearrière.JedéposeLilydanslesiègedemon

filsetdemandeàEnzodemonteravecsatata.Celui-ciacceptesansrechigneretfaitunbisousurlajouedeLilyavantdemonterdanslevéhiculedemonamie.

Pendanttoutletrajet,LilyacontinuédesangloterdoucementetÉléan’apasarrêtédeluitenirlamainenluirépétantinlassablement«çavaaller,Lily».

Nous arrivons à l’hôpital et prenonsplace surdes sièges en fer rigide. Jen’ai jamais comprispourquoilesfauteuilsdessallesd’attentedeshôpitauxétaientsiinconfortables.

EmyaprévenuMattquidevraitarriverd’uneminuteà l’autreetavantderaccrocher ilavouluparleràsafille.Immédiatement,j’aiimaginéNicprendredesnouvellesdesesenfantsetunrireamers’estemparédemoi.Cetenfoiréauraitétéincapabledecegenred’attentionvis-à-visdesjumeauxetLilyadelachanced’avoirunpapacommeMatthieu.

Au bout d’une demi-heure, Matt arrive enfin. Lorsqu’elle aperçoit son papa, Lily se remet àpleureralorsqu’elles’étaitcalméequelquesinstantsplustôt.Sonpères’empressedelaprendredemesbrasafindelaserrercontreluiets’assoitsurundesfauteuils,unpeuplusloin.Jesaisquejedevrais pas observer la scène comme je le fais,mais je ne peuxm’en empêcher.Matt est si douxquandilestavecsafilleetj’aidumalàmedirequec’estlemêmehommequim’amanquéderespectladernièrefoisquejel’aivu.Illuichuchotequelquechoseàl’oreilleetlapetitefillesemetàrire.

Seigneur!Pourquoimoncœurs’emballedecettemanière?Uneinfirmières’approchedenousetindiqueàMattdelasuivre.Ilsoulèvesafillesansaucune

difficultéetlorsqu’ilpassedevantmoi,medit:—Mercidel’avoiramenée.Tupeuxyaller,maintenant…—J’aimeraisresterpourvoircommentelleva.Ilmeregardebizarrementpuisacquiesced’unsignedetête.Jerestelàpendantlesdeuxheuresles

pluslonguesdemavie.Emyaattenduquelquetempsavecmoimaisnoussommesvitesvenuesàlaconclusionqu’ilvalaitmieuxqu’elleemmènenosenfantsloind’icicarnousétionsencercléspardesmalades n’arrêtant pas de tousser, semoucher, éternuer et il était hors de question de courir pluslongtempslerisquequenospetitsmonstrestombentmaladesàleurtour.

Mattarriveenfinetmelanceunsourirefatiguélorsqu’ils’assoitàmescôtés.—Commentva-t-elle?—Ellevientdepasserune radio, apparemment rienn’est cassé.Lemédecinest en trainde lui

faireunstrappingetm’ademandédel’attendrelà.—Ouf…jesuissoulagéequecenesoitpasgrave.—Moiaussi,dit-ild’unairhagard.Soudain,jemedisquec’estpeut-êtrelapremièrefoisqueMattretournedansunhôpitaldepuisle

décèsdesafemmeetquec’estsûrementpourcetteraison,qu’ilestautantaffecté.—Çava?luidemandé-jedoucementenposantmamainsursonbras.Sesyeuxfixentmesdoigtsquelquesinstantsetilmerépondenchuchotant.—Jesuiscontentquetusoisresté.—Jen’allaispastelaissertoutseul,réponds-jeenluiadressantunsouriretimide.—Jeneméritaispasqueturestesaprèslafaçondontons’estquittés.J’appréciebeaucoup,Mel.Jem’apprêteà lui répondremais je suis interrompueparune infirmièrequi raccompagneLily

dansunfauteuilroulant.ElledonnelesindicationsàMattquil’écouteattentivementpuisnoussortonsdel’hôpital.Mattportesafilledanslesbrasetjelesraccompagneàleurvoiture.

—Çatedéranged’attrapermesclésdanslapochedemaveste?—Biensûrquenon.Pourtant,si,çamedérange.Êtresiprêtdelui,sentirsachaleur,sonodeurravivedessouvenirsen

moietletouchermedonneenviedeleprendredansmesbrasetl’embrasser.Jesuispathétique,n’est-cepas?

J’attrape lesclés,déverrouille laporteet l’ouvrepuisMattdéposesa filledanssonsiège. Il setourneversmoietmesmainssemettentàtrembler,moncœuràs’emballeretcessaletésdepapillonsrefont leur apparition. J’essaie demasquermon trouble et pour cela, jemetsmesmains dans lespoches.

—Bon,ehbien…merci,dit-il,sonregards’ancrantdanslemien.—Iln’yapasdequoi.Ilavanced’unpasetjecroisqu’ilvam’embrassermaisaulieudeça,ildéposeunbaisersurma

joueetouvresaportière.—Prendssoindetoi,Mel.—Toiaussi,parvins-jeàrépondred’unevoixfaible.Ilentredanssonvéhicule,allumelecontactetdémarre.Jeleregardes’éloigneretresteplantéelà

pendantplusieursminuteslorsquej’entendsunevoixquimesortdemespensées.—Çava,monpetit?medemandeunvieuxmonsieur.—Euh…oui,toutvabien,luiréponds-je.Ilpartendirectionde l’hôpitalet je retourneàmavoitureafind’allerchezmameilleureamie

récupérermesenfants.Quand j’ai revu Nic après quatre ans d’absence, je n’ai rien ressenti alors que revoir Matt,

seulementunmoisaprèsnotreséparationm’acomplètementchamboulée.Jerouleenmeremémorantnotrepremièrerencontre,puisnotrepremierbaiserettoutcetempsqu’onapassétouslesdeuxetjecomprendsenfinquejeveuxqu’ilreviennedansmavie.

J’espèreseulementqueluiaussienaenvie…

18

—Mamaaaaaaaaan!Jeveuxunbibi!Jevousaidéjàditquelesjourssesuiventetseressemblent?Commed’habitude,jemelèvetelun

zombie, prépare les biberons de mes enfants, allume la télé et salue Peppa Pig, puis je vais mepréparerpourallerauboulot.

Uneheureplus tard, jedépose les jumeauxaupériscolaireetperdspresqueuneheuredans lesembouteillagesetc’estcommeçachaquematin…Mavieestrégléeteldupapieràmusiqueetc’estdémoralisant!

J’arriveauboulotetsalueFabricequi,aujourd’hui,porteseslunettesdevuequiluidonnentunpetitcôtéClarkKent.Moncollègueetamimesouritpuisilmeproposedemeprépareruncafé.

Dieusoitloué!J’adorecethomme!Jem’abreuvedemadosedecaféineencompulsantmonagendaetgrimaceenm’apercevantque

j’aidesrendez-vous toutes lesheures.Onpourraitcroireque lemomentoù j’ai leplusderendez-vousestàlafindel’année,aumomentoùlescontratsarriventàleurtermemaisdepuislanouvelleloiHamonetlapossibilitéderésiliern’importequelcontratauboutdedeuxmois,monagendanedésemplitpas.Etquiditnouvelleannée,ditnouveauxobjectifsetrienquedevoirmontableauexcelsurceuxàtenirmedonnelanausée.Franchement,cejobn’estpasfaitpourmoi!

Fabricepasselatêteparlaporteetmesortdemespensées.—Çava?demande-t-ilenentrant.—Mmm…,réponds-jeenlevantlenezdemonordinateur.—Jet’aiapportéunautrecafé,dit-ilenposantunenouvelletassesurmonbureau.Jevousaidéjàditcombienj’aimaiscethomme?—Tuesunamour!m’exclamé-je.—J’avaissurtoutbesoindemefairepardonner,répond-ilenfaisantunemouecontrite.—Qu’est-cequetuasfait?—Disonsque…cen’estpasvraimentmafaute…—Fab?—Jet’aicaléundernierrendez-vousenfindejournée.—Fabrice!m’exclamé-je,horsdemoi.Tusais trèsbienquejem’étaisgardécecréneaulibre

pourfairemessuspensetpartiràl’heurerécupérermesenfants.— Je sais et je suis désolé, Mélissa, mais c’était un prospect et il n’était disponible qu’à ce

moment-làettuétaislaseulequin’avaitpasderendez-vous.—Tun’avaisqu’àluidirenon.—Maisjenepouvaispas…—Regarde,réponds-jeenluimontrantmesjambesavecmonindex.—Quoi?—Çamefaitunebellejambe.Iléclatederire.—Trèsmaistoujoursest-ilquetuasundernierrendez-vousàdix-septheures.—Jetedéteste.—Tunelepensespasvraiment,répond-ilenmefaisantsonregarddechienbattu.—Grrrr!Sorsdecebureauavantquejet’envoiemonagrafeusedanslatête!—Tuveuxunautrecafé?demande-t-ilenselevant.

—Dégage!Ilquittemonbureauenriantsouscapemaisjeleconnais,jesaisqu’iladorequandjememontre

sousmonvisagedepeste.C’estunpetitjeuquenousavonstouslesdeuxdepuisqu’iltravailleicietgrâceàlui,mesjournéesmeparaissentmoinsmoroses.

Commeà l’accoutumée, les clientsont étéparticulièrementgrincheuxet c’est avecundébutdemigrainequej’attendsmondernierrendez-vousqui,biensûr,estenretarddedixminutes.Jedécidederangermesdossiersencourslorsqu’unraclementdegorgeattiremonattention.

—Veuillezpardonnermonretard,MadameGarnier,j’aiétéretenuparlesembouteillages.Cettevoix!JemeretournepourmeretrouverfaceàMatt,unbouquetdefleursàlamain.—Matt!m’exclamé-jependantqu’ilentredansmonbureau.Mais…Fabricem’aditquej’avais

rendez-vousavecunnon-client,dis-je,perplexe.—Disonsqu’ilm’aaidéàgarderlesecret…Tiens,c’estpourtoi,dit-ilenmetendantlebouquet.—Merci,ilnefallaitpas,dis-jeenl’examinant.C’est la première fois qu’onm’offre un bouquet avec autant de fleurs différentes. Soudain, je

m’aperçoisqu’ellesonttoutesunesignificationparticulière.L’anémone:lapersévérance.Lecaméliarouge : tu es la plus belle. La jonquille : tumemanques trop. Lamarguerite : je n’aime que toi.L’œillet rouge : jemettrai toutemon énergie pour te rendre heureuse.Le lilasmauve :mon cœurt’appartient.Lemagnolia:laforcedemonamour.Etpourfinir,laroserouge:sermentd’amour.

Leslarmesauxyeux,jeredresselatêteetancremonregardàceluideMatt.— Je ne suis pas très doué pour exprimer clairement mes sentiments. Alors j’ai pensé que…

puisquetuauraisaiméêtrefleuriste,tudevaisconnaîtrelasignificationdetoutescesfleurs.N’osantprononcerunmot,jehochesimplementlatêtedansl’affirmative.—J’aieudesparolestotalementdéplacéesetjem’enexcuse,Mel.Jen’auraisjamaisdûtetraiter

commeça…Je…—Jecomprends,lecoupé-je.Jet’aiblessémoiaussicejour-làet…tuavaisraisonausujetde

Nic.Heureusementquetum’asempêchédedireauxenfantsquec’étaitleurpèrecarcetespècedeconn’estjamaisrevenu!

—Jesuisdésolédel’apprendre,j’auraispréférémetromperàsonsujet.—Moiaussi.— Je ne savais pas commentm’y prendre pour te contacter. Je trouvais qu’un texto était trop

impersonnel… j’aurais pu aussi t’appeler mais j’avais peur que tu me raccroches au nez et puis,quand je t’ai revue à l’hôpital, jeme suis dit que tumemanquais trop et que je devais prendre letaureauparlescornes.Jecroisqued’unecertainemanière,j’étaisterrifiéàl’idéedetenirautantàtoietqu’ilaitfallusipeudetemps…jenevoulaispasm’avouerlavérité,Mel…

Mon cœur fait un triple saut périlleux dans ma poitrine et des dizaines de milliers d’ailes depapillonss’éveillentdansmonestomaclorsqu’ilavanced’unpasversmoi.

—Jet’aime,Mélissa,souffle-t-il,ému.Unelarmedejoieroulelelongdemajoueetill’essuiedoucementavecsonpouce.—Jet’aimeaussi,Matthieu,réponds-je,bouleversée.

Ilm’enlève le bouquet desmains, le pose surmon bureau puisme prend dans ses bras et seslèvres se pressent tendrement contre les miennes. Maintenant que nous nous sommes avoué nossentiments, ce baiser n’a rien à voir avec ceux que nous avons échangés jusqu’alors. Il est emplid’unekyrielled’émotionsetjemeperdsdanstoutescessensations,oubliantl’espaced’uninstantquenoussommessurmonlieudetravail.

Letéléphonenousramèneàlaréalitéetnousnousdétachons,àboutdesouffle.Jeremarquequel’appelprovientdel’accueiletdécroche.

—JemesuisarrangéavecJack,tupeuxyaller,Mel,ditFabriceavecunaircoquin.—Jeterevaudraisça,réponds-jeensouriant.—J’ycomptebien!dit-ilenraccrochant.JemetourneversMattquimesourittendrement.Visiblement,ils’estaussiarrangépourqueje

puissepartirplustôt.—Tuasencoredessurprisesdanscegenre?— Eh bien… Emy est allée chercher les enfants à l’école et elle les garde à dormir… Je ne

voudraispasêtreprésomptueux,maisj’espéraisqu’onpuissepasserlasoiréerienquetoietmoi.—Cen’estpasprésomptueuxetjesuisraviequetuaiespenséàtoutça.Je lui souris exagérément, lui saute dans les bras et l’embrasse fougueusement en gémissant

contreseslèvres.Cethommeestincroyableetjel’aime!

ÉPILOGUE

MATT

Lavienousréserveparfoisbiendessurprises.Àlamortdemafemme,jemesentaiscomplètementperdu.Jepensaisquemavieserésumaità

m’occuperdemafilleetquejenepourraisplusjamaisaimer.C’étaitavantdedéciderqu’ilfallaitquejechangedevieetquej’emménageàParis.Ici,j’aipufairetablerasedupasséetprendreunnouveaudépart.MoncousinPierreetsafemmeEmym’ontaccueillichezeuxlesbrasouvertsetm’ontaidéàmereconstruiremaispasseulement…Grâceàeux,j’aifaitlarencontredeMélissaetmaviequiétaitennoiretblancdepuissixmoisestdevenuehauteencouleur.Mélissaestunpeucommeunarcenciel,sajoiedevivreestcommunicative,sonsourireenchanteuretdèsqu’elleentredansunepièce,celle-cis’illumineparsasimpleprésence.Vousl’aurezsûrementcompris,jesuisfoud’elle.Pourtant,cen’étaitpasgagnéentrenous.Ilfautdirequ’àcetteépoque,jebroyaisdunoiretjen’étaispastrèsaimable–c’estlemoinsquel’onpuissedire…J’aiétéd’unetellevulgaritécejour-là!Cependant,n’étantpasunepersonnehabitueràselaissermarchersurlespieds,Melnes’estpasdémontéeetsonrépondantm’afaitunbienfou.

Touslesgensquiconnaissaientmonhistoireagissaientaveccondescendance,n’osantdireunmotplushautquel’autrealorsqu’elle…elleaétémaboufféed’oxygène.

Aujourd’hui, c’est la veille deNoël. Cela faitmaintenant un an que nous sommes ensemble etaprèsavoirpasséuneexcellentesoiréeencompagniedemoncousinetsafemme,nousavonslaissénosenfantsdormirlà-basetvenonsd’arrivercheznous,deuxruesplusloin.Unefoisquenousavonsdécidédenousmettreofficiellementencouple,nousavonsvouluavoirunpetitniddouilletrienqu’ànousafinderecommenceràzéro.Melaainsivendusamaisonetc’esttoutnaturellementquenousavonschoisidenousinstallernonloindechezEmyetPierre.

Lavieàquatren’estpasfaciletouslesjours,mêmesinosenfantss’entendentbien,ilyaquandmêmede nombreuses disputes et il faut que tous les trois comprennent que nous les aimons de lamêmemanière.D’ailleurs, ce soir, j’ai prévu deux surprises pour la femme dema vie et si pourl’une,jepensequ’elleseraravie,pourladeuxième,jenesaistoujourspascommentellevaréagiretj’avouequej’angoisseunpeu…bonOK,beaucoupmêmesiEmymeditquesameilleureamievasauterauplafond.

—Tuesbiensilencieux,moncœur,ditMelenselovantcontremondos.—Jemedemandecomments’estpassélasoiréeaurestaurant.Mêmesimespenséesétaienttournéesverselle,jenemenspasréellement.J’ailaissélesrennes

durestaurantpourlapremièrefoisàRaphaël,monsecondetjenepeuxm’empêcherdem’inquiéter.J’aimisdansLePetitBonheurtoutesmestripesetleréveillondeNoëlestunsoirimportantmaisunefoisquej’aiditàRaphcequejeréservaisàMelpourlasoirée,ilm’aassuréqu’ilpourraitgérertoutseul.

—JesuiscertainequeRaphet labrigaden’ontpasmislefeuauxcuisines,sinonlespompierst’auraientdéjàappelé,rétorque-t-elle,amusée.

—Trèsdrôle,réponds-jeenmeretournant.Elleancresonregardaumienenpassantsa languesurses lèvreset instantanément,moncorps

s’embrase.C’estdinguel’effetqu’elleproduitsurmoncorps!

Oubliant tout ce que j’avais prévu, je capture sa bouche dans un baiser fougueux. Elle gémitlorsquejepassemesmainssoussesfessespourlasouleverdusoletelleenroulesesjambesautourde ma taille. Sans jamais cesser de l’embrasser, je traverse le couloir et ouvre la porte de notrechambre puis je nous laisse tomber sur le lit. Mélissa éclate de rire mais mes lèvres s’abattentfiévreusementsurlessiennespendantquemesmainscommencentàladéshabiller.Unefoisqu’elleestcomplètementnue,jemeredresseetl’admirequelquesinstants.Seslèvressontgonflées,sesyeuxvoiléspar le désir, ses cheveux étalés sur l’oreiller, sa respiration saccadée, ses joues rougiesparl’excitation et une chose que j’adore chez elle : elle n’a pas honte de son corps comme certainesfemmes:ellem’offresanuditételuncadeau.

Putain!Elleestmagnifique.Jemedéshabilleàlahâteetrevientsurlelittelunprédateur.Jedéposeunemyriadedebaiserssur

sapeauavantderetrouverseslèvresetquenoscorpsfusionnentpournefairequ’un.Jem’étonneàchaque fois de la puissance des sensations quim’assaille à chaque fois que nous faisons l’amour.C’estcommesimoncœursetransformaitenfeud’artifice!

Enlacésdanslesbrasl’undel’autre–Mélissa,latêteposéesurmonépaule–nousretrouvonspeuàpeuunerespirationnormale.Duboutdesdoigts,ellecaressedistraitementmontorsependantquemesdoigtsseperdentdanslasoiedesescheveux.

—Wouah!C’était…—Fantastique,terminé-jepourelle.—Ohoui,dit-elleengloussant.Jedoisêtreunemauvaisemèrecarjemedisquec’estvraiment

bienquandlesenfantssontcheztoncousin.—Mmm…Jepenseplutôtquetuesnymphomane,monange.Ellemedonneunetapesurleventreetfaitminedesevexerenessayantdes’écartermaisjel’en

empêche.—Jenevaispasm’enplaindre,murmuré-jeàsonoreille.—T’esvraimentuncrétin!—C’estpourçaquetum’aimes.—Jet’aime,maispaspourcesraisons.—Pourlesquelles,alors?—Allons!Commesitonégon’étaitpasdéjàassezgrandpourquejetefassedescompliments!D’unmouvementdubassin,jelafaisroulersurlelitetmeretrouveau-dessusd’elle.Sonsourire

arrogantsefigeetrapidement,jevoisledésirprendrepossessiondesesyeux.—Monégovatrèsbien.Merci.Sa respiration s’accélère et elle commence à bouger sous mon corps. Alors, je lui fais un

immensesourireetmerecaleàsescôtés.—Allumeur!—Nympho!Nousnouslançonsunregard,fronçanttouslesdeuxsourcils,faisantmined’êtrefâchéspuisnous

éclatonsderire.C’esttoujourscommeçaentrenous.Biensûr,enunan,toutn’estpastoutbeau,tout

rose tous les jours.Nousavonseuquelquesdisputesmais j’oseespérerquenotrecoupleestassezfortpourrésisterauxtempêtesquenoustraverserons.Jemerappellequej’avaisprévuquelquechosedespécialavantdeperdrelatêteetluifairel’amour.Jel’embrassesurlefrontetmelève.

—Oùvas-tu?—Chercheràboire.Tuveuxquelquechoseàgrignoter?—Jeveuxbienunpetitsablé.Ildoitenrester…—DanslaboîtespécialeNoël,rangéedanslacuisine,terminé-jeàsaplace.—C’estparfoisflippantquetuterminesmesphrases,commeça.—Ah!Enfintulereconnais!Tucomprendsdésormaiscequejevisquandc’esttoiquilefais!Jeluiadresseunclind’œiletsorsdelachambre.Avantd’allerdanslacuisine,jevaischercher

mesdeuxsurprisesquej’aicachéesdansmonbureaupuisunefoisquej’aitoutcequ’ilmefaut,jeretourneauprèsdeMel.

—Duchampagne?s’étonne-t-elle.Jeneprendspaslapeinedeluirépondreetluisersunecoupequejeluitends.Ellemeregarde,

suspicieuse,maism’offreunsourireenmeremerciant.—J’aiquelquechoseàtedire…,commence-t-elleenreposantsacoupe.Jeremarquequ’ellesemblemalàl’aiseetcommenceàtriturersesdoigts;aussi, jem’assoisà

sescôtés.—Monange?—Jesaisquenousenavonsvaguementparléetque…entre ton restaurantetmonmagasinde

fleursrécemmentouvert,cen’estpasvraimentlebonmomentmais…Est-cequ’ellevam’annoncercequejecroisqu’ellevamedire?—…c’estarrivé,commeça…sansprévenir…Matt,jesuis…enceinte.Ohputain!Jecroisquejenepourraisêtreplusheureuxqu’encetinstant!—C’estgénial,monamour!m’exclamé-je,foudejoie.—C’estvrai?demande-t-elle,timidement.Tun’espasfâché?Jesaisquec’étaitpasprévu…Je l’interromps en l’embrassant passionnément puism’écarte d’elle et passe unemèche de ses

cheveuxderrièresonoreille.— Jem’enmoque. Je t’aime,Mélissa, tu es l’amour dema vie.Grâce à toi j’ai appris que je

pouvaisaimerànouveau…J’aicomprisque jevoulaisfairepartiede taviedès l’instantoù je t’airencontrée,mêmesiçaamaldémarréentrenous…Tuesmaforce,cellequimedonneenviedemesurpasserchaquejourettuferaisdemoiunhommecombléetheureuxpourlerestedemavie,situacceptaisdedevenirmafemme.

Surcesmots, jemeretourneetprends l’écrinque j’avaisdiscrètementcachésous l’oreillerenm’installantàsescôtés.

Les yeuxdeMel sont emplis de larmes et elle se jette dansmes bras enmedonnant un baiserdigned’unecomédieromantique.

—Oui.Oui.Oui!Jeveuxdevenirtafemme,dit-ellecontremeslèvres.Je souris contre sa bouchemais ce n’était que la première partie… ilme reste encorequelque

choseàluidemander.—J’aiunedernièrerequêteàfaire.—Aprèsune telledéclarationd’amour, je suisprête à acceptern’importequoi, répond-elle en

souriant.—J’aicontactéNic…—Quoi?crie-t-elle,surprise.—Jeluiaidemandéd’abandonnersesdroitsparentauxet…—Pardon?Tuasfaitquoi?

—Tuveuxbienmelaisserparler?Cen’estpastrèsfaciled’êtrecoupétouteslesdeuxsecondes.Ellefroncelessourcilsetcroisesesbrassoussapoitrineetimmédiatement,ellemefaitpenserà

Éléa.Àcettepensée,moncœursegonfled’amouretjesaisquej’airaisondecontinuer.—Jeneveuxpasseulementêtretonmari,Mélissa.Jeveuxaussiêtrelepèredesjumeaux...jeles

aimeautantquemaproprefilleetj’aimeraislesadopter…Enfin,situesd’accord.Nicadéjàsignélespapiers.

Cettefois,mafiancéeéclateensanglotsetjel’entouredemesbraspourlaréconforter.Pourvuquecesoitseulementleshormonesdegrossesse.—Jet’aime…tellement,dit-elleentredeuxsanglots.Jenepensaispasqu’unjour,jetrouverais

unnouveaumarietencoremoinsunpèrepourmesenfantsetpourtant,jet’ai…toi.—Tuesd’accord?—Ouimais…—Demain,quandEmynousappellerapourallerretrouver lesenfantsetouvrir lescadeaux, je

demanderaileuravisauxjumeaux.Jevoulaist’enparlerd’abordmaisjeveuxaussiqu’ilsaientleurmotàdire.

Elle prendmon visage en coupe et m’observe, le regard brillant d’une émotion que je ne luiconnaissaispas.

Seigneur,elleesttellementbelle.Lentement,ellerapprocheseslèvresdesmiennesetsonbaiserestaussilégerquelesailesd’un

papillonpuis elle appuie son front contre lemien.Nous restons ainsi quelques secondes, le tempssemblesuspenduauxbattementsdenoscœurs.Jamaismomentn’auraétésiimportant,simagique.

—Jet’aime,Matt,murmure-t-elled’unevoixdouce.—Jet’aimeaussi,Mel.Àcetinstant,moncœurexploseetjesaisquej’aifaitlebonchoix.

FIN

Remerciements

Commeàchaquefoisque je termineunehistoire, lesremerciementssontcequej’ai leplusdemalàécrire.

Toutd’abord,jevoulaisremerciermabinômette,cellequiapaisemesdoutes,quimecomprendetavecquijepassedesheuresautéléphonechaquesemaine.MaMaddie,mercid’êtrecellequetues!

Ensuite,jevoulaisremercierFabiennepoursonenthousiasmeàchaquefoisquejeluienvoiedenouveauxchapitresetquejedoutesurlatournuredel’histoire.Tuesautopmacopine.

Merciàmonmariquicomprendmaintenantmonbesoind’écrireetquimesoutientdanstousmesnouveauxprojetsetDieusaitcombienj’enai!

Un spécialmerci àmon boss chéri, quimalgré le fait que jem’auto-publie sur cette histoire,n’hésite pas àm’aider quand j’ai un doute pour les corrections (et ce quelle que soit l’heure) ouquandjen’arrivepasàfaireunrésumédignedecenom.

Etpuis…merciàvousmeslecteursdecontinueràliremeshistoiresetdemelaisserdespetitsmessagessurmonsiteoumapageFacebookcarsansvous,rienneserviraitdecontinueràécrire.

Jevousembrasse,Clémence.

Underniermotavantdevouslaisser

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DésirsArdentsTome1

Propose-moi

En quittant sa Provence natale pour s’installer à Paris avec sameilleure amie, Lisa avait pouruniquebutderéussirsesétudesafind'ouvrirsapropreentreprised'événementiel.Septansplustard,sesrêvesprofessionnelsn'onttoujourspasabouti.L'amour?ElleneveutplusypenserdepuisqueJulienluiabrisélecœur,deuxansauparavant.C’étaitsanscomptersurledestinquimetentraversdesarouteJoshua,dontlemagnétismelafascine.Ilvaluifairedécouvrirunmondedevoluptédontelleignoraitl’existence.LepassédeLisarefaitalorssurface,laconfrontantavecsessouvenirs.L’histoiredeLisaetJoshuapourra-t-ellesurmontersesépreuves?Leuramourrésistera-t-il?

DésirsArdentsTome2

Choisis-moi

Lucie,unejeunefemmedevingt-septans,travailledansunbarbranchéetcomposedeschansonspourdesartistes.Ellerêvededevenirchanteusemaissontrac l'empêchede leréaliser.Ellefera larencontre de Salvatore qui lui demandera de composer un album.Cette proposition va changer lecours de sa vie et son amour perdu,Romain, va réapparaître.Entre le beau brun ténébreux et son

premieramour,soncœurbalance. Lapassionoularaison?Lequeldesdeuxsauragagnersoncœur?

DésirsArdentsNouvelle1.1

UnesemaineauxBahamas

Deuxansaprèsleurmariage,LisaetJoshuasontplusamoureuxquejamais.Ilsabandonnent,letemps d'une semaine idyllique, leurs obligations parentales et professionnelles pour profiterpleinementdeleurcouple.UnesemaineenamoureuxauxBahamasavecpourseulsmotsd'ordre:"Plaisiretvolupté"… Joshua, en parfait maniaque du contrôle, a tout organisé depuis Paris pour mener sa doucesoumisedesurpriseensurpriseetauxfrontièresduplaisiretdelatransgression…

DésirsArdentsTome3

Apprivoise-moi

Annaestunefemmeaucaractèrebientrempé,quinemâchepassesmots.Jeuneavocate,elle

écritdesromansérotiquespoursonplaisirdansleplusgrandsecret.ElletombesouslecharmedeNico,trentenairecélibatairehabituédumilieuBDSMetréfractaireàl'amour.Lehic?Ellenesupportepascetypederelationetpréfèrelequitter.Entredésillusionetespoir,Annasejetteàcorpsperdudanssontravailetlefootingpourtenterdel'oublier.MaisNiconel'entendpasdecetteoreilleetferapourtoutpourreconquérirsabelle.Yparviendra-t-il?

Sentinelle

AuxÉditionsReines-Beauxenformatbroché

"Jedétestelarentréedesclasses,etcetteannéeencoreplusquelesprécédentes.Aprèsdix-huitansdemariage,mesparentsontdécidédeseséparer.MamèreaacceptéunnouveaupostedanslesuddelaFrance,etnousvoilàdonc,mongrandfrèreetmoi,aupremierjourdescours,dansunenouvelleville,unnouveaulycéeetsansaucunami.Pourlapremièrefoisdemavie,jesuislanouvelle,cellequepersonneneconnaîtetquivadevoirsetrouveruneplaceaumilieudetouscesadosquiseconnaissentdepuistoujours.Ehbien,mevoilàmalbarrée!"

Unnouveaudépart

AuxÉditionsReines-Beauxenformatnumériqueetbroché

CassandraLacourestunejeunefemmeaulourdpassé.Àvingt-deuxans,elleentredanslavieactiveenfaisantunstagechezDesign&Co,entreprisedirigéed'unemaindemaîtreparNoahBeckham,àquilaviesourit.Chaquenuit,sesvieuxdémonslahantentdanssonsommeilet,chaquematin,elles'efforcedevivreavecunfardeauinsupportable.PourtanttrèsprochedesonfrèreMattéoetdesonamieBarbara,ellen'ajamaisréussiàseconfieretn'accordesaconfianceàpersonne.Néanmoins,soncharismatiquepatronvabouleversersavie,fissurantpeuàpeulacarapacequ'elles'étaitforgéeaufildesannées.Laviel'aabattue,maisCassieadécidédeserelever.Trouvera-t-ellesonsalutdanslesbrasdeNoah,pourra-t-elleprendreunnouveaudépart?

AuxÉditionsBlackMoonRomanceSuperConnardetMoi

Épisode1

IzzyYoung,bientôt22ans,estpleinedecharmemalgrésonirrécupérablemaladresse;etcen’estpassonvoisinShawn,fouamoureuxd’elle,quidiralecontraire!PourtantIzzysecroitmalheureuseenamour.Pourquoi?Parceque,depuistoutepetite,ellerêvedeRick.Rick,leSuperConnardquiatouteslesfillesàsespieds–etdanssonlit.Rick,quinel’ajamaisregardée…Jamais,vraiment?Alorsquelestcejeuduchatetdelasourisquis’estinstalléentreeuxdeux?Etdanscejeudeséduction,quiestqui,aujuste?

Épisode2

Dedésertsentimental,lavieamoureused’Izzyestdevenuecompliquée.Trèscompliquée.Premièrement,elleacouchéavecl’hommedesesrêves,Rick,aliasSuperConnard.Deuxièmement,celan’apaspluàShawn,soninoffensifvoisin,quiafrappéRickenl’apprenant.Etl’aembrassée,elle.Troisièmement,Ricksembleprêtàremettreça!MaisSuperConnardest-ilcapabledes’engagerdansunerelationsérieuse?

EtpourquoiIzzyn’arrive-t-ellepasàoublierlasensationdeslèvresdeShawnsurlessiennes?Quandjevousdisaisquec’étaitcompliqué…

Épisode3SuperConnardetElle

BettyestuneSuperConnasse,etellelerevendique.Legrandamour,trèspeupourelle.Ellepréfèredeloinsortiravecsesamisetenchaînerlesaventuresd’unsoir.Aussi,lorsqueRick,leSuperConnardparexcellence,ladragueletempsd’unenuit,ellemetunpointd’honneuràluirésister–etàprofiterdesverresgratuitsqu’illuioffre.Ilesthorsdequestionqu’ilsoitleseulàs’amuser!Trèsmauvaiseidée.Cartoutlemondelesait:quandunSuperConnardetuneSuperConnassesetournentautour,çafaitdesétincelles…