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Cas clinique d’anesthésie obstétricale
« Service après vente »
Marine AliagaSAR Pr Martin
Staff lundi 25 février 2013
Madame BM, 27 ans, G2P1, pas d’ATCD particulier
Mise en travail spontanée à 40 SA - 2ème AVB
Pose d’un cathéter d’analgésie péridurale dans l’espace L3/L4
Accouchement voie basse sans anomalie
Patiente très bien soulagée par la péridurale
Histoire de la maladie
Histoire de la maladie
Le lendemain vous êtes appelé(e) par une sage-femme aux « accouchées »:
Madame BM est « clouée au lit » avec des céphalées violentes, augmentées en position assise ou debout, elle présente une photophobie et des nausées.
La patiente est apyrétique et le bilan sanguin est normal
(pas d’hyperleucocytose, CRP normale).
Quel diagnostic suspectez-vous?
Céphalées secondaires à une brèche méningée
• Méningite (hyperthermie) PL
• Thrombophlébite cérébrale & Eclampsie IRM…
• Pneumencéphalie (2ndaire injection intrathécale d’air): céphalée précoce en 24h, intense, non posturale, associée à une mydriase unilatérale Imagerie cérébrale
Guérison en 48h, apport d’O2 nasal
• Hématomes (sous-dural, extradural, intracérébral) TDM
• Encéphalopathie (ex: PRES syndrome (posterior reversible
leukoencephalopathy syndrome), …)
Diagnostics différentiels
Le LCR s’écoule en fonction du diamètre de la brèche et de la pression hydrostatique (d’où le caractère postural des céphalées et des éventuels signes d’accompagnement)
(qui assure une fonction d’amortisseur hydraulique de l’encéphale dans la boîte crânienne)
- Passage en orthostatisme: déplacement crânio-caudal de l’encéphale non amorti par colonne liquidienne l’encéphale vient s’écraser sur base du crâne (aspérités (arête du rocher, sinus caverneux) responsables de souffrances localisées)
- Mise en tension des structures vasculo-fibreuses méningées convexité, activation des « stretch-sensitive receptors » méningés au niveau des nerfs trijumeau (céphalées frontales), XI et vague (céphalées occipitales) et 3 premières racines cervicales (céphalées nuccales et douleurs cervico-scapulaires)
Physiopathologie de la CsBM
Loi Monroe & Kellie (volume des 3 compartiments (névraxe, vasculaire & LCR) constant): si volume LCR ↘: volume vasculaire ↗ (vasodilatation cérébrale réflexe veineuse – aspect de pachyméningite)
NB: gêne au retour veineux pourrait expliquer une partie de la symptomatologie associée (altérations circulation veineuse ophtalmique…)
Traction sur les vaisseaux méningés de la convexité peut être responsable de ruptures vasculaires (surtout veineuses) hématome intracrânien, sous-dural ou extradural exceptionnellement
Physiopathologie de la CsBM
Physiopathologiede la CsBM
Hypotension du LCR 2ndaire à une BM: 1898 (début rachianesthésie)
« Syndrome post-ponction lombaire » Greene 1926
« Hypotension spontanée du LCR » Schatelbrandt 1938
confirmation clinique sera apportée par l’IRM
Toute brèche méningée fuite de LCR
MAIS toutes les BM n’entraînent pas de syndrome post-ponction!!
Nombreux facteurs influencent leur incidence:
Sexe (F > H) & âge patient (jeune > âgé)
Type aiguille: diamètre important / biseau tranchant
Incidence & Evolution des brèches méningées
Toutes les localisations sont possibles!
Classiquement: bilatérale, sévère, constrictive, occipitale, occipito-frontale ou diffuse, avec des irradiations dans la nuque, dans le dos et parfois aux épaules
Posturale (ou positionnelle)
Calmée par le décubitus dorsal
Déclenchée ou exacerbée lors du passage en orthostatisme (assis ou debout)
Apyrétique
Délai d’apparition/d’aggravation céphalée lors du changement de position variable (immédiat avec céphalée explosive / lentement progressive sur plusieurs minutes
ou heures, atteignant son paroxysme ds qq cas en fin de journée)
Photophobie associée
NB: L’absence de caractère postural doit faire discuter autre étiologie (même si on ne peut pas éliminer celui de céphalée par hypotension du LCR)
Céphalées 2ndaires à une brèche méningée
Sauf le I et le IX, tous les nerfs crâniens
Peuvent être concernés par
l’hypotension du LCR!
(signalée spontanément par 5% des patients seulement – détectée dans 25 à 75% des patients après une PL)
Hypoacousie uni- ou bilat, hyperacousie, distorsion des sons, acouphènes
Variété des tableaux cliniques (atteinte oreille interne): association parfois à un syndrome vertigineux (exceptionnellement isolé et postural)
Signes associés
Les + fréquents: nausées, vomissements, signes auditifs ou visuels
ALTERATION AUDITION:
Atteinte du VI (n. abducens) rare (1/400 à 1/8000) est la + fréquente après celle de l’audition: paralysie du VI (bilat dans 25% cas): diplopie horizontale avec strabisme
délai parfois long entre BM et 1ers signes (délai médian: 6j)
lenteur de récupération signifie lésion type neuropraxie ou axonotmésis
blood-patch rarement efficace (lésion nerveuse constituée)
Atteinte III (n. oculomoteur commun) et du IV (n.pathétique)
Flou visuel, phosphènes, BAV, nystagmus, altération champ visuel
disparition en même temps que céphalée
Signes associés
ALTERATION VISION & nerfs oculomoteurs:
Dilatation des veines péridurales, mécanisme de compression à l’origine des racines
Cervicalgie brutale spontanée, douleur thoracique, brachialgie ou douleur dans le territoire ulnaire, pseudo-angineuse (pouvant évoquer une ischémie myocardique)
Déficit moteur progressif dans un contexte de céphalée chronique
Signes associés
ATTEINTES RADICULAIRES:
Signes associés
HEMATOMES:
Hypotension chronique du LCR peut se compliquer d’un hématomeintracrânien, exceptionnellement bilatéral, surtout sous-dural (parfois intracérébral ou extradural)
Modification symptomatologie céphalée
Nausées/Vomissements (physiopathologie non claire)
Fistules de LCR (à la peau ou méningocèle)
Cas exceptionnels: troubles de la conscience, ataxie, syndrome parkinsonien, démence
L’absence de céphalée complique le diagnostic!
AUTRES SIGNES & COMPLICATIONS:
Aucun effet protecteur démontré dans les céphalées sévères (décubitus prolongé vs lever précoce): méta-analyse groupe Cochrane 2010
Risque thrombo-embolique…
Pas de lien physiopathologique démontré entre inflation hydrique et augmentation production LCR: méta-analyse groupe Cochrane 2010
Traitements inefficaces
Décubitus strict
Hyperhydratation
Traitements inefficaces
Traitements médicamenteux
: antalgique de base, ↘ céphalée (pas de guérison)
- peu conseillés car effets 2ndaires (nausées, vomissements) ↗ malaise & peuvent compliquer le diagnostic
- effet vasodilatateur peut ↗ céphalée
↘ céphalée (pas de guérison) préférer les anti-Cox2 (durée
d’action courte, n’interfèrent pas si réalisation blood-patch)
Traitements inefficaces
Traitements médicamenteux
controversé
- action vasoconstrictrice cérébrale
- en pratique: 50% récidive céphalée dans les 24h après arrêt ttt
- 1 étude contrôlée: pas d’intérêt caféine, quelque soit la posologie
- effets 2ndaires fréquents: insomnie, HTA, tachycardie (accidents convulsifs rapportés avec doses de 500mg/24h)
ttt accessoire hypotension du LCR: ↘ céphalée
(base xanthique comme la caféine): pourrait avoir
un effet bénéfique sur intensité céphalées
pas d’indication
Mesure prophylactique: ↘ incidence CsBM et blood-patch
1 étude Anaesthesia 2008: 3mg morphine dans 10mL sérum physio à la levée de l’analgésie péridurale et encore 3mg à H24 (maintien KT APD)
Apfel. Prevention of postdural puncture headache after accidental dural puncture: a quantitative systematic
review. Br J Anaesth. 2010
Branche post du 2ème nerf cervical (innervation sensitive face post crâne)
3 publications: guérison céphalées plus rapide
Possiblement envisageable en 1ère intention ou dans l’attente d’un blood-patch
1 publication Cochrane 2011: 2 cas CsBM rebelles au ttt: 400mg x3/j pendant 2 jours amélioration dans les 24h, pas de blood-patch (NB: CI allaitement)
Traitements probablement efficaces
Morphine péridurale
Bloc du nerf grand occipital (d’Arnold)
GABAPENTINE (Neurontin®)
Traitements probablement efficaces
Cosyntropine (Synacthène®) Corticostéroïdes & apparentés
1 étude contrôlée sur 18 parturientes: pas d’effet notable Synacthène® retard (injection d’1 mg IM)
1 étude contrôlée sur 90 parturientes: 45 patientes reçoivent 1mg Synacthène immédiat® vs 45 patients 1mL de SSI: ↘ incidence CsBM (15/45 vs 31/45, p=0.01), ↘ nb blood-patch (5/45 vs 13/45, p=0.035)
Hakim SM. Cosyntropin for prophylaxis against postdural puncture headache after accidental dural puncture. Anesthesiology 2010
Efficace en quelques heures, potentiel traitement d’attente avant proposer un blood-patch
NB: attention aux CI et effets 2ndaires possibles (hyperglycémie)
Gormley 1960, seul traitement causal de la fuite de LCR
Céphalées secondaires à une hypotension du LCR traumatique ou spontanée.
Efficace aussi pour autres manifestations de la BM: troubles audition, troubles visuels, douleurs cervicales, vertiges
Etude contrôlée:
Blood-patch vs traitement « conservateur » (repos au lit et hydratation):
↘ significative nombre de patients douloureux, et dans les cas où pas de résolution du syndrome: ↘ significative intensité et durée
Van Kooten. Epidural blood patch in post dural puncture headache: a randomised, observer-blind, controlled clinicaltrial. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2008
Le Blood-patch
Absence d’indication: Céphalée peu intense (EVA<3/10) et non invalidante: non justifié en 1ère intention (éliminer en 1er un diagnostic différentiel: thrombose des veines corticales, méningite, hématome intra-crânien, éclampsie)
Celles de l’abord péridural
Celles de l’injection de sang autologue
Troubles de l’hémostase
Sepsis au point de ponction
Infection systémique = CI temporaire
Le Blood-patch
↗ P° péridurale lombaire (> 80cmH2O pour 20mL sang
autologue): déplacement céphalique LCR normalisation volume et pression du LCR intracrânien et ventriculaire (effet persistant dans le temps)
coagulation sang formation caillot obturant la brèche méningée et cicatrisation.
Résorption rapide de ce caillot.
Le Blood-patch
Délai optimal de réalisation du blood-patch: difficile à préciser car la tendance naturelle d’une brèche méningée est de cicatriser!
réalisé après une brèche sans attendre apparition céphalée, par KT péridural
(rarement pratiqué, < 15% anesthésistes français)
2 groupes 32 parturientes (étude contrôlée): pas de ↘ incidence CsBM mais ↘ significative intensité et durée
Scavone. Efficacy of a prophylactic epidural blood-patch in preventing post dural puncture headache
in parturients after inadvertent dural puncture. Anesthesiology 2004
Le Blood-patch
Délai optimal de réalisation du blood-patch: difficile à préciser car la tendance naturelle d’une brèche méningée est de cicatriser!
devant une CsBM, un délai de 48h semble raisonnable (si réalisé < 48h après brèche: risque important d’échec)
Peu d’études fiables (rétrospectif, NB: blood-patchs les + précoces motivés par céphalées les + intenses, 2ndaires aiguilles Tuhoy (+ taille brèche importante + céphalée sévère + demande pressante ET + taille BM importante + elle est difficile à boucher)
« il n’est jamais trop tard » mais guérison non garantie
Le Blood-patch
Bloc opératoire, mêmes conditions qu’une anesthésie péridurale (même niveau, voire un niveau en dessous de la brèche)
Volume à injecter: 20 mL habituellement (7.5 à 20mL) (risque complications si trop important: arachnoïdite, radiculopathie)
Résultats: décubitus dorsal strict 2h améliore efficacité du blood-patch
taux succès variant entre 65 et 90% (taux succès plus important dans études avec brèches liées à des aiguilles plus fines (aiguilles à PL vs Tuhoy)
Conséquences: complications rares et bénignes: dorsalgies et paresthésies au cours injection, bradycardie modérée lors injection, hyperthermie modérée transitoire classique, lombalgies transitoires fréquentes
Exceptionnellement: tableau évocateur méningite aseptique transitoire et un d’hématome sous-dural aigu
Le Blood-patch
Le Blood-patch
Injection péridurale lente dans le même espace intervertébral de 20mL de sang autologue prélevé sur veine
périphérique dans des conditions stériles
Patients VIH ou atteints d’hémopathie maligne
NON car efficacité modeste & brève (injection unique ou perfusion continue), récidives fréquentes et complications sévères rapportées
alternative pertinente (efficacité des DEXTRANS rapportée en cas d’échec de divers ttt conservateurs, mais aussi d’échec du blood-patch)
résultats semblant satisfaisants, pas d’étude contrôlée
Alternatives à l’injection de sang autologue
Il faut toujours prévenir le patient du risque d’échec et de la nécessité parfois de répéter le blood-patch
En cas de récidive, un 2ème voire un 3ème blood-patch conduit habituellement à la guérison
Rarement, les blood-patchs répétés sont inefficaces
Diagnostic différentiel?
Aide de l’imagerie (IRM, cisternographie, myélographie isotopique) pour confirmer le diagnostic, rechercher le niveau de la brèche et, en cas de certitude, envisager une fermeture chirurgicale
Que faire face à un échec de blood-patch?
Conférence d’actualisation SFAR 2012 (Paul J Zetlaoui, SAR Kremlin Bicêtre)
Protocoles d’anesthésie obstétricale (Arnette, 2ème édition 2011)
Références