WEBER ET MARX - UFC · 2014-11-19 · WEBER ET MARX: PROTESTANTISME ET CAPITALlSME MlCHAEL Lowy* O...

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DOSSIÊ WEBER ET MARX: PROTESTANTISME ET CAPITALlSME MlCHAEL Lowy* O n a l'habitude, aussi bien en France qu'aux USA, d'opposer Weber et Marx comme deux paradigmes contra- dictoires et incompati- bles dans les sciences sociales. Or, malgré leurs différences indé- niables, ils ont beau- coup un commun: ils partagent une vision du capitalisme moderne comme univers ou «les individus sont dirigés par des abstractions» (Marx), ou des rela- tions impersonnelles et «cho si fiées» (Versa- chlicht) remplacent les relations personnelles de dépendance, et ou l'accumulation du capi- tal devient une fin en soi, largement irra- tionnelle. En outre, ils sont deux les deux d'accord pour définir les classes sociales par des positions de pouvoir sur le marché et par une situation de propriété, pour dire que l'Etat rationnel/ bureaucratique est une condition nécéssaire du capitalisme - et vice-versa - et que le monopole de Ia violence est l'essence du pouvoir étatique .1 Sur beaucoup de questions leurs analyses sont tellement similaires qu'il n'est pas facile de les distinguer: qui a écrit que le capitalisme "préssupose (...) une appropriation de tous les moyens matériels de production (terre, RESUMÉ équimements, ma- chines, outils, etc) par des entreprises profi- tables auto nomes et privées qui en ont Ia libre jouissance"? Qui a défini les "travailleurs libres" comme des personnes qui "sont dans Ia nécéssité éco- nomique de vendre librement leur force de travail sur le marché''? Qui a insisté sur le fait que"c'est une con- joncture contraire à l'essence du capitalis- me, et qui empêche son apparition, que celle ou fait défaut une telle classe de non-possé- dants, se trouvant dans l'obligation de vendre sa capacité de travail"? Qui enfin a decrit Ia loi sur les pauvres promul- guée par Ia reine Elisabeth comme Ia mise en oeuvre par l'Etat de "l'expropriation des petits paysans dépendants par de plus gros fermiers, Ia transformation du terroir en pâturages pour les moutons"? La réponse est, évidemment...Max Weber, dans son Histoire économique. 2 Quels sont les désaccords vraiment profonds qui opposent les deux penseurs? Ce sont fondamentalement des divergences politiques et méthodologiques. Un mot sur prémier point, avant d'aborder plus longuement le deuxiérne: Weber s'engagea du côté du nationalisme (impérial) On a I'habitude, aussi bien en France qu'aux USA, d'opposer Weber et Marx comme deux paradigmes contradictoires et incompatibles dans les sciences sociales. Or, malgré leurs dillérences indéniables, ils ont beaucoup un commun: ils partagent une vision du capitalisme moderne comme un systême ou les relations impersonnelles et -réiüées- remplacent les relations personnelles de dépendance, et ou I'accumulation du capital devient une lin en soi, largement irrationnelle. Leurs interprétations de I'origine du capitalisme sont, par contre, assez différentes: tandis que Marx insiste sur I'importance de Ia violence dans I'accumulation primitive du capital- sans ignorer les liens entreprotestantisme et capitalisme - Weberattribue un rôle decisil à I'affinité éléctive entre I'éthique protestanteet I'esprit du capitalisme. Seulement deuxpassagesde son Elhique protestante, concernant Ia genêse du capitalisme en Amérique du Nord, ont une intention polémique contre le matérialisme historique. It is usual, in France as well as in the United States, to oppose Marx and Weber as two incompatible and contradictory paradigms in the social sciences.lnspite 01 their differences, both sharea vision 01 modern capitalism as a system where impersonal and "reítied" relations replace personal relations 01 dependence and in which capital accumulation becomes largely an irrational end in itsell. Their interpretations 01 the origins 01 capitalism are, none the less, quite different. While Marx insists on the importance 01 violence in the primitive accumulation 01 capital - without ignoring the association between protestantism and capitalism - Weber emphasizes the decisive role 01 the elective affinily between the protestant ethic and the spirit 01 capitalism. In only two passages 01 his Protestant Elhics, dealing with the genesis 01 capitalism in North America, there is a polemic against historical materialism. * Michael Lowy est directeur d'études et membre du Centre Interdisciplinaire des Faits Religieux à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris). ABSTRACT Lowv, MlCHAEL: WEBER ET MARX - PROTESTANTISME ET CAPITALISME. p. 43 a 50 43

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WEBER ET MARX:PROTESTANTISME ET CAPITALlSME

MlCHAEL Lowy*

O n a l'habitude,aussi bien enFrance qu'aux

USA, d'opposer Weberet Marx comme deuxparadigmes contra-dictoires et incompati-bles dans les sciencessociales. Or, malgréleurs différences indé-niables, ils ont beau-coup un commun: ilspartagent une vision ducapitalisme modernecomme univers ou «lesindividus sont dirigéspar des abstractions»(Marx), ou des rela-tions impersonnelles et«cho si fiées» (Versa-chlicht) remplacent lesrelations personnellesde dépendance, et oul'accumulation du capi-tal devient une fin ensoi, largement irra-tionnelle. En outre, ils sont deux les deux d'accordpour définir les classes sociales par des positionsde pouvoir sur le marché et par une situation depropriété, pour dire que l'Etat rationnel/bureaucratique est une condition nécéssaire ducapitalisme - et vice-versa - et que le monopolede Ia violence est l'essence du pouvoir étatique .1

Sur beaucoup de questions leurs analysessont tellement similaires qu'il n'est pas facile deles distinguer: qui a écrit que le capitalisme"préssupose (...) une appropriation de tous lesmoyens matériels de production (terre,

RESUMÉ équimements, ma-chines, outils, etc) pardes entreprises profi-tables auto nomes etprivées qui en ont Ialibre jouissance"? Quia défini les "travailleurslibres" comme despersonnes qui "sontdans Ia nécéssité éco-nomique de vendrelibrement leur force detravail sur le marché''?Qui a insisté sur le faitque"c'est une con-joncture contraire àl'essence du capitalis-me, et qui empêche sonapparition, que celle oufait défaut une telleclasse de non-possé-dants, se trouvant dansl'obligation de vendresa capacité de travail"?Qui enfin a decrit Ia loisur les pauvres promul-

guée par Ia reine Elisabeth comme Ia mise enoeuvre par l'Etat de "l'expropriation des petitspaysans dépendants par de plus gros fermiers, Iatransformation du terroir en pâturages pour lesmoutons"? La réponse est, évidemment...MaxWeber, dans son Histoire économique. 2

Quels sont les désaccords vraiment profondsqui opposent les deux penseurs? Ce sontfondamentalement des divergences politiques etméthodologiques. Un mot sur prémier point, avantd'aborder plus longuement le deuxiérne: Webers'engagea du côté du nationalisme (impérial)

Ona I'habitude, aussi bien en France qu'aux USA, d'opposer Weber et Marxcomme deux paradigmes contradictoires et incompatibles dans les sciencessociales. Or, malgré leurs dillérences indéniables, ils ont beaucoup uncommun: ils partagent une vision du capitalisme moderne comme unsystême ou les relations impersonnelles et -réiüées- remplacent lesrelations personnelles de dépendance, et ou I'accumulation du capital devientune lin en soi, largement irrationnelle.Leurs interprétations de I'origine du capitalisme sont, par contre, assezdifférentes: tandis que Marx insiste sur I'importance de Ia violence dansI'accumulation primitive du capital- sans ignorer les liens entreprotestantismeet capitalisme - Weberattribue un rôle decisil à I'affinité éléctive entre I'éthiqueprotestanteet I'esprit du capitalisme. Seulementdeuxpassagesde son Elhiqueprotestante, concernant Ia genêse du capitalisme en Amérique du Nord, ontune intention polémique contre le matérialisme historique.

It is usual, in France as well as in the United States, to oppose Marx andWeber as two incompatible and contradictory paradigms in the socialsciences.lnspite 01 their differences, both shareavision 01 modern capitalismas a system where impersonal and "reítied" relations replace personalrelations 01 dependence and in which capital accumulation becomes largelyan irrational end in itsell.Their interpretations 01 the origins 01 capitalism are, none the less, quitedifferent. While Marx insists on the importance 01 violence in the primitiveaccumulation 01 capital - without ignoring the association betweenprotestantism and capitalism - Weber emphasizes the decisive role 01 theelective affinily between the protestant ethic and the spirit 01 capitalism. Inonly two passages 01 his Protestant Elhics, dealing with the genesis 01capitalism in North America, there is a polemic against historical materialism.

* Michael Lowy est directeur d'études et membre du CentreInterdisciplinaire des Faits Religieux à l'École des Hautes Études enSciences Sociales (Paris).

ABSTRACT

Lowv,MlCHAEL: WEBER ET MARX - PROTESTANTISME ET CAPITALISME. p. 43 a 50 43

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allemand, incluant les visées allemandes dans IaPrémiére Guerre Mondiale, tandis que Marx, bienentendu, se rangea obstinament du côte dusocialisme international. Ceci explique une largepart de leurs différences théoriques surl'exploitation capitaliste (négligée par Weber), surIa lutte des classes, sur l'Etat et sur Ia Nation.

Les désaccords méthodologiques - qui ontnaturellement aussi une dimension poli tique -concernent le matérialisme historique, et onttrouvé leur point de crystallisation - pour Weber- dans Ia question du rôle du protestantisme dans Iagénese du capitalisme. Quelles sont leurs analysesrespectives à ce sujet?

D'une façon générale Marx rend compte del'origine du capitalisme moderne à travers leconcept d' accumulation primitive du capital - selonLe Capital, c'est l'expropriation violente despaysans par les enclosures et le brutal pillage descolonies américaines - et non l"'épargne" descapitalistes individuels, comme chez Weber - quiexplique Ia formation du capital. On voit aisémentles implications politiques de cette ligned'interprétation historique, qui, soit dit en passant,insiste plutôt sur le rôle de facteurs extra-économiques - l'intervention de Ia violence del'Etat - dans Ia genese du capitalisme industriel.

Cela ne veut pas dire que Ia question durapport entre protestantisme et capitalisme nel'interesse pas. Sans lui attribuer un rôle aussi cen-tral que Weber le fera plus tard, Marx ne réconnaitpas moins un lien entre le phénomêne réligieux etle processus économique. Or, contrairement à ceque l'on pourrait supposer, cette connexion estexaminée d'une multiplicité d'angles, sans qu'onen puisse déduire un seul modele de causalité.

L'approche Ia plus "classique" est bienentendu celle qui ferait de Ia ré forme protestantele riflet de Ia société bourgeoise. Par exemple, dansle passage suivant: "Le monde religieux n'est quereflet du monde réel. Une société ou le produit dutravail prend Ia forme de Ia marchandise ...une tellesociété trouve dans le christianisme avec son cultede l'homme abstrait, et surtout dans ses types

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bourgeois, protestantisme, déisme, etc, lecomplement religieux le plus convenable"."Cependant, mêrne dans ce paragraphe on observeune certaine flexibilité: Ia complementarité n'a pasIa mêrne signification que le reflet. Marx semblehésiter entre deux modalités de relation socio-historique assez différentes.

Parfois Marx suggére un rapport decausalité ou Ia religion serait un facteur actif dansIa formation du capitalisme. Par exemple, pourétayer l'affirmation selon laquelle «Ieprotestantisme est essentiellement une religionbourgeoise», il mentionne le rôle de Ia Réformeen Angleterre dans Ia spoliation des biens d'Egliseet des terres communales: donnant «une nouvelleet terrible impulsion à l'expropriation violente dupeuple au Xv'Iême siêcle» Ia nouvelle religion afavorisé, l'accumulation primitive du capital. Defaçon encore plus explicite il affirme dans un autrepassage: "Le protestantisme joue déjà par Iatransformation qu'il opere de presque tous lesjours fériés en jours ouvrables, un rôle importantdans Ia genêse du capital"."

Plus interessante que Ia validité empiriquede ces analyses his toriographiques es t leursignification méthodologique: Ia réconnaissance deIa religion comme une des causes significatives destransformations économiques conduisant àl'établissement du systême capitaliste moderne.

Que conclure: reflet ou cause? Cettequestion ne semble pas trop préoccuper Marx:l'essentiel à ses yeux c'est de mettre en évidence Iaconnexion intime et efficace entre les deuxphénornênes. Dans ce contexte, il est particu-liérernent interessant de revenir à un passage desGrundrisse (1857-58) qui suggêre un lien intrinsêqueentre l'éthique protestante et le capitalisme: "Leculte de l'or a son ascétisme, ses renoncements etses sacrifices: l'epargne, Ia frugalité, le mepris desjouissances terrestres, temporelles et passagêres;c'est Ia chasse au trésor éternel. Faire de l'argent estainsi en connexion (Zusammenhang) avec lepuritanisme anglais et le protestantismehollandais".' Le paralêlle (mais non l'identité!) avec

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es de Weber est frappant, d'autant plus quene pouvait pas avoir lu ce manuscrit deublié pour Ia prerniêre fois en 1940.

Que! est donc, par contraste avec Marx,roche de Weber dans son chef d'oeuvre

. que protestante et I'esprit du capitalisme? Son- e départ c'est l'éthique du travail, de l'effort. épargne ascétique du capitaliste, qu'il metport avec le puritanisme calviniste. Cette

~ .•...-\.ation de l'origine du capital par l'épargne du--".•.zalistea sans doute une coloration apologétique

:a distingue radicalement de l'analyseienne des méthodes brutales d'accumulation.tive. Mais quelles sont les divergences

. odologiques?On a souvent dit que cet ouvrage de Weber

- .ine sorte de dialogue avec le fantôme de Marx,t-à-dire, dans un certain sens, une réfutation

térialisme historique. Les positions de MarxWeber sont fréquemment résumées dans les

rmes suivants: pour Marx, toute tenta tiveexpliquer le rationalisme occidental devra.::nettre l'importance fondamentale de

_ onomie, et tenir compte, avant tout, des- nditions économiques; pour Weber, par contre,

prit du capitalisme ne saurait étre que le résultatcertaines influences de Ia Réforme.

Le problême est dair et les différences en-re les deux thêses sont évidentes; mais il y a un

tit fait qui détruit Ia belle harmonie de cebleau clair et évident: ce que nous avonsrésenté ci-dessus comme le «résumé» de Ia

conception de Marx est une citation littéralee ...Max Weber! Dans l'intrdocutions à ses

Gesammelte Aufsãtze zur ReligionssoZiologie (1920) -ont le premier volume indut L'Ethique protes-

"ante -Weber écrit:

"Il s'agira donc, tout d'abord, de reconnaitreles traits distinctifs du rationalisme occidentalet, à l'intérieur de celui-ci, de reconnaitre lesformes du rationalisme moderne, puis d'enexpliquer l'origine. Toute tenta tived'explication de cet ordre devra admettre

l'importance fondamentale de l'économie ettenir compte, avant tout (vor aliem), desconditions éconorniques"."

Et ce n'est pas tout: ce que nous avonsprésenté comme le "résumé" de Ia conception deWeber est en réalité une thêse qu il considérait"déraisonnable et doctrinaire"; je cite:

"D'autre part, il est hors de question desoutenir une these aussi déraisonnable etdoctrinaire, qui prétendrait que 'l'Esprit ducapitalisme' (...) ne saurait être que le résultatde certaines influences de IaRéforme, jusquà affirmer même que le capitalisme en tantque systéme économique est une créationde celle-ci».'

En effet, Weber prend grand soin de ne pasprésenter sa démarche comme une interprétationcausale «spiritualiste» de l'histoire; dansl'introduction de 1920 mentionnée ci-dessus il in-siste sur ce que "nous ne nous occuperons doncque d'un seul aspect de l'enchainement causal», etdans le dernier paragraphe de L 'Ethique protestanteil reconnait qu'il faudrait complêter son travail parune recherche visant à «élucider Ia façon dontl'ascétisme protestant a été à son tour influencé, dansson caractére et son devenir, par l'ensemble desconditions sociales, en particulier par les conditionséconomiques"." Faisantréférence à ce passage dansun ar ticle polémique de 1908, il observeironiquement: "li est bien possible que si jamais jecomplete ma recherche, je serais alors aussirageusement accusé de capituler au matérialismehistorique que maintenant à I'idéologie".?

Dans ce cas là, comment expliquer queL 'Ethique protestante soit si fréquemment présentéecomme Ia grande ceuvre "anti-Marx" de Iasociologie modern e?!" Une des raisons estprobablement le besoin pressant, pour un certainsecteur de l'académie, d'une "réfutationscientifique" du matérialisme historique. Mais,d'autre part, iI y a eJfectivement certains passages

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du livre de Weber qui se présentent explicitementet sans ambigui'té comme un défi au matérialismehistorique et essaient de lui opposer un rapportcausal "spiritualiste". Il s'agit surtout de deuxpassages sur l'Amérique et Benjamin Franklin,ou il présente certains faits historiques quimontrent, à son avis, I'inadéquation du "matéria-lismc historique nai'f". Nous essaierons de situerrapidement ces pages par rapport à ce qui noussemble étre Ia thêse centrale du livre, et, par suite,d'examiner de façon plus détaillée les faitshistoriques eux-mérnes, en utilisant les propressources de Weber. Notre thése est, pour résumer,que ces passages sont à Ia fois non typiques parrapport à l'orientation générale du livre et assezproblématiques du point de vue des faits.

Quelle est, en derniêre analyse, l'orientationgénérale de L'Ethique protestante? La réponse à cettequestion n'est pas facile. Quelquefois, Weberreconnait implicitement Ia primauté destransformations économiques sur les transforma-tions religieuses; par exemple, dans ce passage surles origines du protestantismc cn Allemagne:

"Un grand nombre de régions du Reich, lesplus riches et les plus développées écono-miquement, les plus favorisées par leursituation ou leurs ressources naturelles, enparticulier Iamajorité des villes riches, étaientpassées au protestantisme dês le XVIe siêcle.Sepose alors Iaquestion historique: pourquoiles régions économiquement les plusavancées se montraient+elles en mêmetemps particuliêrernent favorables à uneévolution dans l'Eglise?"!'

Quelle que soit Ia réponse à cette questionhistorique, ce paragraphe implique qu'enAllemagne les capitalistes sont devenus protestantset non les protestants capitalistes. Dans un autrepassage - par ailleurs assez critique envers «l'espritdu capitalisme» Weber suggêre que leprotestantisme a fourni un soutien moral pour unetendance historique déjà existante:

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"L'idée que l'homrne a des devoirs à l'égarddes richesses qui lui ont été confiées etauxquelles il se subordonne comme unrégisseur obéissant, voire comme une'machine à acquérir', pese de tout son poidssur une vie qu'elle glace ... Comme tantd'éléments de l'esprit du capitalismemoderne, par certaines de ses racines,l'origine de ce stylede vie remonte au MoyenAge. Mais ce n'est que dans l'éthique duprotestantisme ascétique qu'il a trouvé sonprincipe moral conséquent"Y

Mais l'orientation méthodologiqueprincipale du livre n'affirme ni Ia primauté dufacteur économique (cmatériel») ni celle dureligieux (espirituel»): elle consiste plutôt enune étude brillante, pénétrante et profonde deIa relation reciproque, du rapport intime, de Iaconnexion projonde entre ces deux structuresculturelles: l'éthique protestante et l'esprit ducapitalisme, sans trop se soucier de Ia questionde Ia primauté. Le terme qui rend compte decette relation est celui d' affinité éléctive (Wahlver-wandtschaft). Je reviendrais plus loin sur l'interêtet Ia portée methodoIogique de ce concept.

Mais (il y a toujours un «rnais»), il existentces deux passages sur l'Amérique et BenjaminFranklin, qui ne peuvent pas être considéréscomme une simple tournure de phrase, et quiproclament clairement et ouvertement Ia primautécausale du «facteur spirituel», Examinons donc Iavéracité de ces passages, en utilisant exclusivementles sources de Weber lui-mérne, c'est+a-dire les li-vres qu'il cite lui-rnéme pour étayer sa thêse.

Le prernier passage est celui-ci:

"Nous parlerons ci-aprés en détail de Iadoctrine du matérialisme historique naífsuivant laquelle de telles idées SOntle reflet,ou Ia superstructure, de situationséconorniques données. Pour notre propos.il suffit de faire remarquer que "l'esprit ducapitalisme" (au sens ou nous l'entendon

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ici) existait sans nul doute dans le pays qui avu naitre Benjamin Franklin, le Massachu-setts, avant que ne se développe l'ordrecapitaliste. Dés 1632, des doléances s'étaientélevéss contre I'excês du calcul dans Iapoursuite du profit, propre à Ia Nouvelle-Angleterre qui se distinguait ainsi des autrescontrées de l'Amérique (...). Dans le casprésent, Ia relation causale est certainementI'inverse de celle que proposerait lematérialisme historique".':'

Tout d'abord, il faut remarquer que mêmete polérnique est moins dirigé contre Marx

ontre "le matérialisme historique naif "; quoien soit, il suggêre, ou plutôt affirme, que

rir du capitalisme dans le Massachusetts au_ de Ia colonisation n'était pas Ia conséquence"ordre capitaliste" mais de l'éthique puritaineolons. Est-ce vraiment si certain?La question qu'on peut légitimément seest Ia suivante: cet esprit capitaliste, ce

cul dans Ia poursuite du profit", "dés 1632",-il vraiment apparu soudainement, ex nihilo,mieux, ex puritanismo, en Amérique, seulement

_ ans aprés l'arrivée du bsteau Mayflower? Ne.t-il pas plus raisonnable de supposer que cet

_ rit n'est pas né mystérieusement en Amériqueque les colons l'ont amené auec eux d'Angleterre?

- ~ d'autres termes, ne serait-il pas possible que'idité pour le profit des habitants de Ia

_·ouvelle-Angleterre en 1632 ne soit pas tombéeciels du puritanisme en Amérique, mais ait

_ ussé dans le sol fertile de l'Angleterre, qui étaitcette époque le pqys le plus capitaliste du monde?

_.e serait-il pas possible que les immigrants aientené dans leurs bagages non seulement le

rotestantisme mais aussi Ia mentalité capitaliste?• '00 seulement Ia Bible, le "Bon Livre" - comme'appellent les puritains - mais aussi des bons li-

vres de comptes? Cette hypothêse est encorerenforcée si nous acceptons Ia théorie de Weberur l'affinité entre capitalisme et puritanisme en

Angleterre : si les puritains avaient un "esprit

capitaliste" calculateur et avide en Angleterre, iln'y a pas de raison pour qu'ils ne continuent pasà l'avoir dans Ia Nouvelle-Angleterre américaine!

Le méme raisonnement est valable pour ledéveloppement concret de l'artisanat dans IaNouvelle-Angleterre; selon Weber "l'existence enNouvelle-Angleterre, dés Ia prerniêre générationqui suivit Ia fondation de cette colonie,d'entreprises sidérurgiques (1643), de filatures(1659), de même que Ia floraison d'un hautartisanat" est, d'un point de vue purementéconornique, tout à fait étonnante, et ne pourraitétre expliquée que par le rôle de Ia religionpuritaine.!" Encore une fois: cet artisanat, cesmanufactures, sont-ils le produit de l'éthique pro-testante ou des métiers hauternent développésd'Angleterre (transportés en Amériquejj'"

Résumons: les remarques ci-dessus n'ont pasIa prétention d'offrir une explication "matérialistehistorique" des origines du capitalisme américain,ni de nier que ]e puritanisme a joué un rôle dansce procês; je veux seulement suggérer que ce n'estpas tellement certain, comme Weber semble lecroire, que "dans le cas présent, Ia relation causaleest ... l'inverse de celle que proposerait lematérialisme historique".

Examinons maintenant le second passagede Weber sur l'Amérique, qui concerne Benja-min Franklin. Weber compare Ia Florenceprospere mais catholique des XfVême et Xvêmesiêcles, qui condamnait ou tolérait à peinel'attitude capitaliste qui conçoit l'enrichissementcomme une fin en soi, avec les "forêts dePennsylvanie" qui ont produit ce prototype del'esprit capitaliste, Benjamin Franklin:

" ... au XVIIIeme siêcle, dans des conditionspetites-bourgeoises, au milieu des forêts dePennsylvanie, ou les affaires menaçaient dedégénérer en troc par simplemanque d'argent,ou 1'0n trouvait à peine trace de grandesentreprises industrielles, ou les banques n'enétaient qu'à leurs tout premiers pas, le mêmefait (Ia recherche du profit comme but en soi

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ML) a pu être considéré par Benjamin Franklin

comme I'essence de Ia conduite morale, et amême été recommandé au nom du devoir.Parler ici de 'reflet' des conditions 'matérielles'sur Ia 'superstructure idéale' serait pur non-senso Que! est donc l'arriêre-plan d'idées quia conduit à considérer cette sorte d'activité,dirigée en apparence vers le seul profit,comme une vocation (Berujj envers laquelleI'individu se sent une obligation morale? Carce

sont ces idées qui ont conférée à Ia conduitede I'entrepreneur "nouveau style" sonfondement éthique et sa justification". Laréponse de Weber est: c'est l'éducationcalviniste que B. Franklin a reçu de son pêre."

Laissons de côté le cas de Florence - il exis-te à ce sujet toute une controverse entre Weber,Sombart et Keller - pour concentre r notreattention sur Benjamin Franklin. L'illustreaméricain ne vivait pas dans «les forêts dePennsylvanie» mais à Pbiiadelpbie, Ia deuxiême outroisiêrne ville d'Amérique, assez prospere auXVl llême siêcle, selon toutes les sources;deuxiêmernent, il est né et a été élevé à Boston(jusqu'à l'âge de 17 ans), Ia prerniêre villed'Amérique et Ia plus «capitaliste» de toutes;troisiêmernent, il a vécu pendant plusieurs annéesà Londres, qui était à cette époque probablement leplus grand centre capitaliste du monde entier.

Pourquoi ne pas considérer l'espritcapitaliste de Franklin, son obsession avecl'acquisition et l'accumulation de l'Argent, avec un«P:» majuscule - un therne récurrent de ses écrits- comme l'expression du milieu social etéconomique typiquement capitaliste ou il a grandiet vécu? D'autant plus que, comme le réconnaitWeber lui-même, on ne trouve guere de référencesà Ia morale puritaine dans ses écrits, d'inspirationplutôt utilitariste. 17

Toutefois, comme nous l'avons souligné plushaut, ces deux passages ne sont pas tellementtypiques de Ia démarche méthodologique généraledu livre, fondée sur l'idée d' aJftnité éléctive entre

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l'éthique calviniste et l'esprit capitaliste. Ce termea son origine dans l'alchimie - qui explique Iafusion des metaux par leurs affinités - mais il estentré dans Ia culture allemande grâce au célebreroman de Goethe, Die Wahlverwwandschcifien (1809),qui traite de deux âmes qui «se cherchent I'unel'autre, s'attirent, se saisissent I'une l'autre etensuite resurgissent de cette union intime dans uneforme (Gesta/~ renouvelée et imprévue». 18 C'estWeber, ce grand alchimiste de Ia science sociale,qui l'a transformé en concept sociologique.

Le locus classicus de cette utilisation du termeest le passage suivant de I'Ethique protestante: «Enface de l'enorme enchevêtrement d'influences re-ciproques entre bases matérielles, formesd'organisation sociales et politiques, teneurspirituelle des époques de Réforme, force nous estde commencer par rechercher si certaines 'affinitéséléctives' (Wahlvenvandtschaften) sont perceptibIesentre les formes de Ia croyance religieuse et cellesde l'éthique professionnelle.t""

Il n'est pas étonnant que cette expressionn'ait pas été comprise par Ia réception angIo-saxonne positiviste de Max Weber. Un exempIepresque caricatural est Ia traduction américaine deI'Ethique protestante par Talcott Parsons (en 1930):Wahlverwandtschaften a été rendu, tantôt par certaincorrelations, tantôt par those relationsbips." Tandis quele concept wébérien renvoie à une relation interneriche et significative entre deux configurations, Ia"traduction" de Parsons le remplace par une banalecorrelation extérieure et vide de senso

Weber n'a jamais essayé de définir I'affinitééléctive. On pourrait suggérer, tentativement, Iaproposition suivante: il s'agit du processus parlequel deux formes culturelles - religieuses,littéraires, poli tiques, économiques, etc - entrent,à partir de certaines anaIogies ou correspondancesstructurelles, en un rapport d'influence réciproque.choix mutuel, convergence, symbiose, et même,dans certain cas, fusion.

Si l'analogie, Ia parenté en tant que telle.releve uniquement du contenu culture.("spirituel") des figures en question, leur mise

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rapport et leur interaction active dependentce circonstances historiques, socio-économiques'!- poli tiques précises. Dans ce sens, une analyse

termes d'affinité éléctive - comme celle:quissée par Weber dans l'Ethique protestante, à

:-art quelques écarts polémiques - est_arfaiternent compatible avec Ia réconnaissance- rôle determinant des conditions économiques_- sociales, et peut être integrée dans le cadre'une approche inspirée par Ia matérialisme

torique."Une derniêre remarque: aussi bien Marx que

eber partagent l'idée d'une irrationalitébstantielle du capitalisme - qui n'est pas

_ ntradictoire avec sa rationalité formelle ou:::u:tielle.Mais leurs méthodes pour rendre compre- cette irrationalité divergent.

Weber insiste, à plusieures reprises, dansEtbique protestante, que, pour l'esprit du capitalisme,'argent est à ce point considéré comme une fin eni qu'il apparait entierement transcendant etolument irrationnel sous le rapport du 'bonheur'

.; l'individu ou de l"avantage' que celui-ci peur_ rouver à en posséder, Le gain est devenu Ia fin_ue l'homme se propose; il ne lui est plus

bordonné comme moyen de satisfaire ses besoinstériels". 11s'agit, souligne-t-il, d'un "renversement

~ ce que nous appellerions l'état de choses naturel".r, c'est l'origine de cet irrationalisme qu'il s'agit

_'expliquer, et il propose de le faire en se référant àune serie de sentiments intimement liés à certaines

_ presentations religieuses": l'éthique protestante."

Marx, par contre, a analysé dans ses écritsce caractêre irrationnel du capitalisme, et l'arésenté comme une forme d'aliénation semblable

s sa structure à l'aliénation religieuse: dans leseux cas les êtres humains sont dominés par leursropres produits: respectivement l'Argent et Dieu.

Le capitaliste, écrit Marx, "dans Ia mesure ou sesctes ou omissions sont seulement une fonctionu capital personnifié en lui avec conscience et

+olonté, considere sa propre consommationcomme un vol contre l'accumulation du capital,

comme dans les livres de comptes italiens, ou lesdépenses privées apparaissent comme une dette ducapitaliste envers le capital".23

Ce tte aliénation du capitaliste, ses"impulsions acquisitives et avarice comme despassions absolues" sont, dans l'opinion de Marx,particuliêrernent caractéristiques des origineshistoriques du mode de production capitaliste, deIa période d'accumulation primitive'". Mais mêmedans le capitalisme mo , le capitaliste estévidemment forcé par les lois de Ia concurrenced'accumuler et d'élargir continuellement son ca-pital, independemment de toute autre consi-dération - ce que réconnait aussi Weber.2S

En conclusion: Marx est, comme Weber,convaincu de l'irrationalité de l'esprit capitaliste maisil considere cette irrationalité - qui a, bien súr, sapropre cohérence et rationalité interne - commeétant, depuis son origine, une caractéristiqueintrinsêque, immanente et essentielle du mode deproduction capitaliste, comme procêssus socialaliéné - un processus qui peut utiliser, à un certainmoment, l'éthique religieuse protestante, mais n'apas besoin d'elle pour s'établir.

Notes

Voir l'interessant ouvrage de Derek Sayer, Capita-lism and Modernuy. An Excursus on Marx and Uí'eber,Londres, New York, Routledge, 1991.

2 M.Weber, Histoire économique. Esquisse d'une bistoireuniversellede I'économieet de Iasociété, traduit par ChristianBouchindhomme, préface de Philippe Raynaud,Paris, Gallimard, 1991, pp. 297-99 et 326.

3 Ibid. p. 74.4 Le Capital, I, pp. 533, 621. L'expropriation des

cloitres et autres terres cultivées par les paysans afavorisé aussi l'appauvrissement et Iaproletarisationdes masses rurales: "11 n'est jusqu'à M. Rogers,ancien professeur d'économie politique àl'Université d'Oxford, siêge de l'orthodoxie pro-testante, qui ne releve...le fait que le paupérismeanglais vient de Ia reformation". (p. 689).

5 K.Marx, Fondements de Ia Critique de I'Economie Politique(Grundrisse), Paris, Anthropos, 1967, p. 174.

Lowy, MlCHAEL: WEBER ET MARX - PROTESTANTISME ET CAPITALlSME. p. 43 a 50 49

DOSSIÊ

6 Max Weber, L'Ethique protestante et I'esprit ducapitalisme, Paris, Plon, 1964, p. 25. Cf. M. Weber,GesammelteAuftâ"tze zur Re/igionssozi%gie, Tübingen,JCB Mohr, 1920, p.12.

7 Weber, Ethique, p. 107.8 lbid. pp. 26, 248.9 M.Weber, "Bemerkungen zu der vorstehende

'Replik''', (1908), in J Winckelmann (ed.), Dieprotestantische Ethik Il. Kritiken und Antikritiken,Gütersloh, GTB, 1978, p. 56.

10 Voir par exemple Talcott Parsons, The Structure rifSocial .Actiçn, N,York, Free Press, 1966, p. 510, etReinhard Bendix, Max Weber,Londres, Heinemann,1960, p. 71.

11 Ethique, p. 35.12 Ethique p. 23013 Etbique, p. 55-56, traduction corrigée d'aprês

l'original allemand, Re/igionssozi%gie, I, p.37.14 L'Ethique, p. 234, note 85.15 Si nous prenons les deux exemples donnés par

Weber, Ia sidérurgie et Ia filature, nous trouveronsles faits suivants:

a) La sidérurgie de 1643 apparút de Ia façonsuivante, selon une des principales sources deWeber, l'historien JA.Doyle (The English inAmerica, Lognmans, Londres, 1887, voI. II, p.37: "En 1643, étant assuré de l'existence du ferJohn Winthrop jr estretourné enAng/eterre (soulignépar moi ML), a formé une compagnie, engagédes travailleurs et s'est procuré toutes les chosesnocessaires pour les travaux".b) La filature pour le marché n'a pas commencéen 1659 mais, selon Doyle, beaucoup plus tôt,avec des tisserands anglais qui avaient émigréen Amérique: "En 1639, un certain nombre detisserands du Yorkshire se sont établis au nordd'Ipswich, en baptisant leur ville d'aprés leurlieu d'origine, Rowley. Ils y ont installé unefilature, et ont élevé leurs enfants dans le métierdu tissage et de Ia filarure". Ce n'était pas un

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phénornêne isolé et cela irnpliquait desentreprises relativement larges er prospéres.

16 Ethique, pp. 80-81.17 Pour une discussion plus détaillé des arguments de

Weber je renvoie à mon essai "Marx et Weber :notes sur un dialogue implicite", in Dia/ectique e:Révo/ution, Paris, Anthropos, 1974.

18 JWGoethe, Die Wahlvenvandschaften, Guttersloh.C.Bertslmann Verlag, 1948, p. 41.

19 M.Weber, Etbique, p.107, traduction revue ecorrigée d'aprês l'original, M. Weber, GesammelttAuftãlze zur Re/igionssozi%gie, p. 83.

20 Max Weber, The Protestant Ethic and the Spirit O'

Capitalism,Londres, Uniwin University Books, 195-.pp. 91-92 (trad. Talcott Parsons).

21 Pour une discussion plus détaillée du concepd'affinité éléctive, je renvoie à mon livre Rédemptior.et Utopie. Lejudai'sme libertaireen Europe centra/e.Ul1-étude d'cifftnitééléctive,Paris, PUF, 1988.

22 Ethique, p. 50. Cf aussi p. 73, 80.23 K.Marx, Das Kapital, I, Werke, Berlin, Dietz Verlag,

1962, voI. 23, p.619.Voir aussi les Manuscrits de 1844: "Moins tumanges, bois, achétes des livres. vas au théâtreou au bal, ou au café ... plus tu seras capabled'épargner et plus grand deviendra ton trésorqu'aucune rouille ne peut corrompre, ton capi-tal. Moins tu es, moins tu exprimes ta vie, plustu as, plus grande est ta vie aliénée et plus gran-de est l'épargne de ton être aliéné". (In K.MarxKleine Oekonomische Schriften, Dietz Verlag, Berlin,1953. Au sujet des rapports entre Ia problé-matique rnarxiste de Ia réification et les analysesde Weher, voir I'article fort intéressant de JosephGabel, "Une lecture marxiste de Ia sociologiereligieuse de Max Weber", Cahiers Internationauxde Sociologie, vol XLVI, 1969).

24 K. Marx, Das Kapita/, pp. 620-621 et M. WeberEthique, pp.51, 224.

25 K. Marx, Das Kapital, p.618.

Lõwy, MlCHAEL: WEBER ET MARX - PROTESTANTISME ET CAPITALlSME. p. 43 a 50