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Nicolas Communeau Géraud Delloye Charles Gailard Javier Gamallo Analyse de Secteur Le marché de la bière, au profit des 1

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Nicolas CommuneauGéraud DelloyeCharles GailardJavier Gamallo

Analyse de Secteur

Le marché de la bière, au profit des

multinationales, mais en mutation.

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«Un pays n’existe pas s’il ne possède pas sa bière et une compagnie aérienne. Eventuellement, il est bien qu’il possède également une équipe de football et l’arme nucléaire mais ce qui compte surtout c’est la bière. » Le rockeur des années 1970 Frank Zappa met alors en exergue l’importance de la bière dans la culture populaire. Cette boisson alcoolisée survit au temps et à l’espace, à tel point que le marché de la bière aujourd’hui brasse de l’argent en très grande quantité. Nous allons donc nous intéresser au secteur brassicole en France, et aux évolutions qu’il est susceptible d’avoir connu depuis quelques années. Pour cela, il convient dans un premier temps de définir les axes d’analyse du secteur. Nous allons tout d’abord appréhender le produit sous un aspect historique, culturel et plus contemporain. Puis nous définirons les acteurs du marché, ses spécificités, attraits et freins, mais aussi les évolutions récentes et à prévoir. Enfin, nous étudierons deux groupes brassicoles confrontés aux évolutions du marché, et constaterons leur stratégie pour répondre aux problèmes qu’ils rencontrent.

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SommaireI) Le marché de la bière, entre tradition et évolutions......................................................................4

1. Un produit à l’histoire particulièrement riche............................................................................4

a. Une recette inchangée depuis plusieurs milliers d'années.....................................................4

b. La bière à l’épreuve des âges et des lieux...............................................................................5

c. Quelques événements participants à l’évolution du marché de la bière en France...............6

2. Un marché fructueux mais relativement fermé.........................................................................7

3. Vers une segmentation accrue du marché.................................................................................8

a. Une évolution en faveur des bières de spécialités..................................................................8

b. Des facteurs tridimensionnels, d’ordre économique, juridique et social...............................8

II) Le marché brassicole, un avenir doré à nuancer néanmoins..........................................................9

1. Un marché en mutation.............................................................................................................9

a. Un décryptage chiffré du marché de la bière.........................................................................9

b. Un engouement pour les bières de spécialités.....................................................................11

2. Les contraintes que rencontrent les entreprises sur ce marché...............................................12

a. Une marge de manœuvre restreinte....................................................................................12

b. Des réponses ingénieuses à ces obstacles de la part des entreprises...................................13

III) Heineken et Carlsberg : le marché de la bière sous 2 angles différents....................................14

1. Heineken, entre traditions et modernité pour dominer un marché en récente évolution.......15

a. Un groupe à échelle multiple : de l’international à la proximité des clients.........................15

b. Des réponses pertinentes à l’évolution récente du marché.................................................16

2. Carlsberg, la bière innovante qui s’adapte aux attentes...........................................................17

a. Une bière née de l’ingéniosité des chercheurs.....................................................................17

b. Le même problème qu’Heineken, pour des solutions différentes........................................18

Bibliographie........................................................................................................................................20

Le marché de la bière en France est aujourd’hui dominé par 2 grands groupes, Carlsberg et Heineken, propriétaires des marques les plus consommées comme 1664, Kronenbourg ou Amstel. Ces géants dominent d’abord car ce marché est relativement difficile d’accès, à cause des normes en vigueur concernant la publicité et la vente fixées par les lois Evins et Bachelot, mais aussi à cause du contrat de bière, leur réservant la domination du circuit Cafés/Hôtels/Restaurants. Le circuit de distribution Grandes et Moyennes surfaces est plus ouvert, présente moins d’obstacles pour les brasseurs locaux mais reste sous l’égide des firmes multinationales. Néanmoins, l’évolution du marché vers une consommation moindre mais meilleure et la réussite des bières de spécialités pousse ces groupes à réviser leurs plans. En parallèle, les bières locales comme la Pietra en Corse pénètrent le marché avec succès. On a donc affaire à un oligopole sur le déclin mais néanmoins toujours vérifié.

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I) Le marché de la bière, entre tradition et évolutions

1. Un produit à l’histoire particulièrement riche

a. Une recette inchangée depuis plusieurs milliers d'années

La bière est un produit fabriqué à partir de 4 principaux composants : l’orge, la levure, l’eau et le houblon. Sa fabrication suit 4 étapes chronologiques :

Le maltage : c’est le procédé qui permet de reconstituer les conditions idéales développement du grain d’orge de façon industrielle pour qu’il produise les enzymes nécessaires à la fabrication de l’alcool. Le procédé de maltage est décomposable en 4 étapes :

o Le trempage qui consiste à humidifier les grains d’orge pour leur permettre un

développement rapide

o La germination est la période durant le trempage ou le grain arrive a maturité,

produit des enzymes et prend sa couleur verte

o Le touraillage est le procédé qui stoppe la germination de l’orge par le biais d’air

chaud qui sèche le grain. Les arômes et la couleur de la bière sont le résultat de cette étape qui diffère selon la température de séchage du grain ainsi plus la température sera élevée plus la couleur du malt sera pâle pour les bières blondes, caramel pour les bières rousses, et ambré pour les bières brunes

o Le dégermage qui consiste à retirer le malt de ses radicelles

Le brassage : cette étape consiste à broyer le malt séché et à en extraire le contenu du grain. Ce produit va ensuite être mélangé avec 2 à 3 fois son volume d’eau chaude, ce qui s’appelle « l’empattage ». 19kg de malt sont nécessaire pour obtenir un hectolitre de bière à 5° d’alcool. A la suite de cette opération on appelle « moût » le malt qui va être filtré pour en retirer les parties solides. Le moût va ensuite être placé dans une chaudière à houblon qui procure grâce à le houblon l’amertume, la fraicheur et la longue conservation.

La fermentation : le moût est déplacé dans une cuve en présence de levure ce qui permettra la fermentation. C’est durant cette étape que les glucides solubles se transformeront en gaz carbonique et en alcool.

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La garde : elle intervient après la fermentation, on extrait les levures de la bière jeune et on la place au frais en cave de garde, c’est le « traversage ». On passera la bière sous une ultime filtration lui apportant sa brillance et permettant la mise en bouteille ou en fus.

Ainsi la méthode de fabrication de la bière est unique mais elle peut différer selon le talent et l’habitude de certains brasseurs qui laissent une période plus ou moins longue pour la garde ou maturation. C’est ainsi que les bières blondes ne diffèrent que très légèrement au niveau du goût. L’amertume et les arômes peuvent être plus ou moins poussés selon le dosage des ingrédients et le temps consacré à chaque phase énoncé ci-dessus.

Pour assurer au consommateur un bon gout et une certaine sécurité sur le produit, de nombreux contrôles de qualité dont le premier est à l’initiative de Charlemagne font barrière aux brasseurs désireux de limiter leurs coûts en sélectionnant des produits de base comme l’orge de mauvaise qualité.

b. La bière à l’épreuve des âges et des lieux

La bière est le breuvage universel alcoolisé le plus ancien. En effet, il semblerait que la bière fut découverte en Mésopotamie avant les années 4000 AV-JC suite à un hasard. Ainsi, c’est de l’orge alors destiné au pain qui fut ravagé par la pluie et, après avoir séché au soleil en la présence de levure naturellement présente dans l’air, la bière fut découverte « par accident ». Depuis, elle est la boisson alcoolisée la plus vendue dans le monde de par son caractère populaire et son faible coût. En outre, la bière est un élément fondamental d’un certain nombre de sociétés. En Bavière et plus globalement dans toute l’Allemagne, la consommation de bière est une habitude, partie intégrante de la vie des habitants. En France aussi, la consommation de bière est une activité sociale prépondérante, particulièrement chez les jeunes. Cet alcool est associé à un grand nombre d’événements sportifs tels la H Cup, compétition européenne de Rugby, ou la Carling Cup en Angleterre, compétition nationale de football. On trouve ainsi des petites différences de goût et de teneur en alcool selon les populations et les lieux. De plus dans certaines régions la bière avait une connotation religieuse comme avec les gaulois qui l’associait à des divinités, Cérès, déesse des moissons, ou encore Sucellus, dieu de la Cervoise, alcool que l’on pourrait considérer comme ancêtre de la bière.

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Au Xème siècle, la bière est très présente en Allemagne, en Belgique, en Autriche et en France notamment cultivé par des moines qui servent la population locale en constante augmentation. Ceci explique aujourd’hui la présence de la bière dans la culture de ces pays. Cette multiplication du nombre de brasserie va continuer jusqu’à la Seconde guerre mondiale ou l’activité de brasseur va connaitre des changements importants.

c. Quelques événements participants à l’évolution du marché de la bière en France

Le marché de la bière peut être résumé par quelques grandes dates importantes notamment de nombreuses lois qui ont permis au fil des années d’encadrer le marché de la bière. Tout d’abord, en 1516, on a la loi sur la pureté de la bière qui stipule que seul le houblon, l’orge, la levure et l’eau doivent composer la bière. Cette loi a harmonisé les recettes en France, et oblige encore aujourd’hui les brasseurs à respecter une certaine composition de la bière.

En 1840 est fondée l’entreprise danoise Carlsberg. Peu après, en 1863, Gérard Heineken rachète une brasserie à Amsterdam et fonde une brasserie à son nom. Les deux entreprises phare du marché de la bière actuel naissent alors. Nous verrons par la suite qu’elles s’inscrivent dans des logiques différentes tant au niveau de l’identité que de la croissance. Elles partagent toutefois un succès mondial, aux côtés d’autres groupes comme InBev. Bien que concurrents, ces deux groupes que nous analyserons plus en détail entretiennent d’étroites relations, comme le montre le rachat groupé de la firme Scottish & Newcastle, 6ème acteur mondial du secteur brassicole.

Le marché de la bière et plus généralement de l’alcool en France a en outre connu de nombreuses évolutions d’ordre juridique. Ainsi, le 10 janvier 1991, Claude Evin instaure la loi éponyme concernant les restrictions de vente et de publicité pour la consommation d’alcool et de tabac. Le 22 juillet 2009, la loi Bachelot fixe les limites de la vente d’alcool notamment pour les mineurs mais aussi en interdisant le don gratuit et illimité de boisson alcoolique. La loi stipule aussi que les vendeurs de boissons alcoolisées suivent une formation. Ces lois ont participé à rendre le marché de la bière en France toujours plus fermé. On peut aussi ajouter le contrat de bière, datant du Moyen Âge. Celui-ci permet à un brasseur de s’approprier un ou plusieurs « becs » à pression d’un bar, moyennant quoi le barman s’engage à écouler et servir une certaine quantité de bière fournie. Le contrat a évolué avec le temps, et les contreparties des cosignataires aussi, constituant en partie les forces et faiblesses de ce marché atypique.

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2. Un marché fructueux mais relativement fermé

Le marché de la bière est aujourd’hui important dans l’économie française et internationale, et emploie plus de 70.000 personnes. En outre, le chiffre d’affaires total du marché atteint 2 milliards d’euros en 2011, selon l’association des Brasseurs de France. Il reste malgré tout oligopolistique et dominé par quelques grands groupes internationaux comme SAB Miller, InBev, Heineken ou encore Carlsberg.

L’entrée sur un marché si dominé par de puissants groupes devient compliqué. La loi Bachelot restreint en outre le pouvoir de communication et de publicité. Les grands groupes peuvent mobiliser des ressources pour passer outre ces freins, mais les potentiels nouveaux offreurs sont d’emblée écartés devant tant de barrières à l’entrée. Le contrat de bière dont nous avons parlé précédemment est aujourd’hui utilisé par de nombreux barmen afin d’ouvrir leur propre commerce. Ainsi les brasseurs font des apports en nature (locaux, matériels), en numéraire (financements, cautions bancaires), et aident à stimuler ce circuit de distribution. Malheureusement, il va de soit que seuls les grands groupes peuvent se permettre d’apporter de telles aides. Ce contrat de bière a certes tendance à disparaitre, mais permet à un certain nombre de bar de subsister, tout en étant un obstacle à l’entrée de nouveaux brasseurs, du moins sur le circuit CHR (Cafés, Hôtels, Restaurants).

En effet, il existe un autre circuit de distribution que l’on nomme GMS (Grandes et Moyennes Surfaces). Celui-ci consiste à vendre sa bière dans les supermarchés et les magasins de grande distribution. Ce circuit reste soumis à des réglementations telles que les lois Evin et Bachelot les ont définies. Ainsi les supermarchés ne peuvent vendre d’alcool qu’à des personnes majeurs, et sous réserve de posséder une licence autorisant la vente de ces produits. Ce mode de distribution alternatif représente néanmoins une aubaine pour les petits brasseurs, et leur permet d’éviter un grand nombre d’obstacles inhérent à la distribution dans les bars.

L’industrie brassicole et la production de bière nécessite un grand nombre d’outils, techniques et des investissements colossaux que ne possèdent pas toujours les entreprises de ce secteur. Nous pouvons prendre l’exemple de la bière corse, la Pietra, initialement brassée dans le nord de la France, où l’on trouve encore de nombreuses micro-brasseries.

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Chiffre d'affaires du sec-teur brassicole en France

(Milliards €)Chiffre d'affaires (Milliards €)

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Malheureusement, les entreprises sont alors soumises à des contraintes fixées par les propriétaires de ces usines de production, et ne sont pas toujours libres de fixer la recette de la bière ni la quantité à produire.

En résumé, nous constatons que les deux circuits de distribution CHR et GMS ne sont pas incompatibles, au contraire. Alors que le premier cité ne représentait qu’un quart des quantités consommées en France en 2011 avec 5,2 millions d’hectolitres, il est monopolisé par les grands groupes leaders comme Heineken et Carlsberg et leurs marques phares. A l’inverse, le circuit GMS pèse pour près de 15 millions d’hectolitres en termes de consommation, et bien qu’il soit lui aussi dominé par les géants du marché, les brasseurs locaux tirent leur épingle du jeu.

3. Vers une segmentation accrue du marché

a. Une évolution en faveur des bières de spécialités

Le marché de la bière, pourtant frappé d’une relative inertie des années durant depuis la Seconde Guerre mondiale, semble évoluer depuis quelques années. On constatait en 2011 en France, une baisse de la quantité consommée de près de 2% selon France Boissons, filiale du groupe Heineken. Cette baisse vient confirmer une tendance observable depuis 30 ans déjà. Il est en outre intéressant de noter que les modes de consommation

varient à des vitesses différentes, puisque le circuit CHR décline plus vite que la consommation à domicile et le circuit GMS. Enfin, on remarquait en 2011 qu’en termes de quantité consommée, les bières classiques comme la Kronenbourg ou la Heineken ont reculé de 5,3 %. A l’inverse, les bières spéciales, plus fortes en alcool et caractérisée par des origines

géographiques bien précises ont été consommées davantage (5,4%), et représentent aujourd’hui un tiers des bières consommées. Ce phénomène profite à des bières locales comme la Pietre en Corse, ou encore la Cagole de Marseille.

b. Des facteurs tridimensionnels, d’ordre économique, juridique et social

La crise économique de 2008 apparait comme une possible explication à l’accélération de ce phénomène observable depuis quelques années. Le pouvoir d’achat des

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2008 2009 2010 20110

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Part des bières de spécial-ités (en % du volume con-

sommé)Part des bières de spécialités (en % du volume consommé)

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ménages déclinant, il apparait logique que la consommation se fasse davantage en GMS où les prix sont moins élevés, voire diminue. On pourrait dès lors expliquer la baisse du chiffre d’affaires global du secteur brassicole et les évolutions des modes de consommation évoqués ci-dessus. Les habitudes de consommation varient également vers de produits meilleurs, quitte à être consommé moins souvent. On pourrait alors expliquer l’engouement pour les bières spéciales et locales, davantage présentes en GMS.

Par ailleurs, un aspect juridique entre en jeu puisque malgré la législation, la consommation de bière chez les mineurs est réelle, étant donné que la loi Bachelot de 2009 n’indique pas expressément et n’oblige pas à un contrôle systématique de l’âge du consommateur. Ce qui serait donc en faveur de la grande distribution et des supermarchés, où les jeunes s’approvisionnent plus facilement que dans les bars.

Enfin, on observe un changement dans la consommation de bière en Europe. Il y a une montée de l’attrait pour les bières locales par rapport aux bières « classiques » communément consommés comme les Carlsberg, Kronenbourg, et autres Heineken qui sont pourtant parfois moins chères. En effet, les consommateurs prennent de plus en plus en compte dans leurs achats l’image de la bière, une bière ici plus personnelle, car reflétant la culture locale. On peut voir ce phénomène dans de nombreuses capitales et grandes villes d’Europe comme Barcelone avec sa Moritz ou sa Estralla Damm, Londres avec les Young’s Special ou London Pride, ou même New-York avec sa Kelser of Brooklyn.

II) Le marché brassicole, un avenir doré à nuancer

néanmoins

1. Un marché en mutation

a. Un décryptage chiffré du marché de la bière

Le marché de la bière en France est un marché important qui génère d’après l’INSEE un chiffre d’affaires annuel d’environ 13 milliards d’euros pour l’ensemble de la filière, dont 16% pour la vente d’alcool, et emploie environ 80 000 personnes dans le monde. La France est le cinquième producteur de bière en Europe bien que la consommation des français

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199119952000200620070

2000400060008000

10000120001400016000

Bar / Resto (mil-lier hl)GMS ( millier hl

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d’environ 33.4 litres par an par habitant soit relativement faible en comparaison avec nos voisins européens. En effet la France se place en avant dernière position en matière de consommation par habitant. La République Tchèque quant à elle se place comme le premier consommateur de bière avec 160 litres par an et par habitant. En raison de la faible consommation de bière dans l’hexagone, la production française est en partie écoulée à l’étranger ou pas moins de 2.4 millions d’hectolitres de bières françaises ont été vendues et ce principalement en Allemagne et au Royaume-Uni.

En termes de production des composants principaux de la bière, la France est le premier producteur d’orges en Europe et le premier exportateur mondial de malt.

La bière est vendue dans deux types de réseaux de distribution que sont la vente dite en CHR (café, hôtels, restaurants) et GMS (grandes et moyennes surfaces). La vente en circuit GMS représentant presque les trois quarts des ventes de bières en France.

Quelques chiffresLe marché de la bière à travers le monde

Amérique Latine : les ventes ont augmenté de 3%. Le Brésil est désormais le quatrième plus grand producteur de bière dans le monde, ses volumes de ventes ont progressé de 4%.

L’Asie : enregistre une bonne croissance, notamment grâce à la Chine qui représente désormais 70% du marché continental.

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord : sont les régions qui connaissent la plus forte croissance de ventes.

L’Amérique du Nord et l’Europe se partage toujours 45% du marché de la bière mondiale (source 2008 Journal du Net)

 Estimation de la consommation en litres par habitantRépublique tchèque IrlandeAllemagneAutricheDanemark Grande-Bretagne

158154130111109099

 

BelgiqueNouvelle-ZélandeAustralieSlovénieÉtats-UnisFrance

099097090087086038

 

Production par les groupes mondiauxINBEV (Belgique - Brésil)ANHEUSER BUSCH (États Unis)SAB MILLER (Afrique Sud -États Unis)HEINEKEN (Pays Bas)CARSLBERG (Danemark)SCOTTISH & NEWSCASTLE (R.U)

190152135107078052

(Productions 2004 en millions HL) 

Ainsi, nous pouvons remarquer qu’il existe de grandes disparités quant à la consommation et à la production de bières dans le monde.

Bien que le secteur de la bière ai généré un chiffre d’affaire confortable d’environ deux milliards d’euros en 2011, celui-ci accuse toutefois une baisse de près de 30 % sur le marché français depuis une trentaine d’années. La baisse des ventes de bières en France est directement liée à la baisse de la consommation confirmée par les brasseurs français en 2011.

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b. Un engouement pour les bières de spécialités

En 2010, la consommation de bières a diminué d’environ 1.7% en France par rapport à l’année 2009 néanmoins, bien que la consommation ai diminué, nous pouvons souligner une évolution intrinsèque au marché de la bière. En effet, la baisse de la consommation de bières de manière générale s’est faite au profit des bières dites de spécialités comme les bières brunes, blanches, d’abbaye ou aromatisées à l’absinthe par exemple, plus onéreuses à produire. Chez Kronenbourg, leader dans la bière de la catégorie des blondes classiques, les déclinaisons de bières de meilleures qualités au goût plus authentique ont connu une hausse des ventes d’environ 10% en 2010, selon le journal Libération. Ce nouveau segment de bières « de qualités », plus onéreuses pour le consommateur sont mises en avant par les fabricants. La bière étant un produit identitaire, les fabricants soignent l’image que celle-ci renvoie espérant ainsi accroître leurs parts de marché dans les circuits GMS et CHR.

En outre, les petits brasseurs produisant des bières de spécialités insistent sur l’ancrage territorial de leur bière. C’est le cas par exemple des bières martiniquaises, bretonnes ou parisiennes comme la Gallia Paris auprès de qui nous effectuons notre stage.

La bière séduit également de nouveaux pays, grands producteurs de vins comme l’Italie qui a vu sur son territoire un développement exponentiel du nombre de brasseries artisanales. La bière serait même devenue la boisson alcoolisée préférée des moins de 55 ans selon l'Association des producteurs de bière en Italie.

Un autre élément important à souligner concernant les évolutions du marché de la bière est la hausse du prix de celle-ci. En effet, selon une étude de la banque suisse UBS, "un être humain doit travailler durant une vingtaine de minutes pour pouvoir profiter des plaisirs d’un grand verre de bière". Cette hausse est directement liée à la hausse du cours des matières premières causée notamment par la sécheresse, la bière étant un produit très sensible au climat.

Par conséquent, le prix de la bière devrait continuer d’augmenter dans les années à venir tant les ressources disponibles nous sont limités et les changements climatiques importants.

En plus des augmentations du prix de la bière causées par les aléas climatiques, une hausse de la taxe sur la bière devrait voir le jour en 2013 afin de remplir les caisses de l'Etat. Néanmoins, la bière demeure une boisson

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populaire dégustée par toute la population y compris les hommes politiques comme Barack Obama ou Nicolas Sarkozy.

A l’avenir, la consommation de bière devrait se stabiliser toujours au profit des bières dites de qualités dans la mesure où elle est parmi les boissons alcoolisées l'une des boissons qui a la plus faible teneur en alcool et possède des valeurs thérapeutiques et de convivialités. En effet celle-ci stimulerait les reins et demeure l’une des boissons qui entretient les relations sociales dans les bistrots, bars, festivals…

Il convient également de souligner que l’avenir du marché de la bière repose également beaucoup sur les pays émergeants comme en Afrique ou la production a augmenté de 9%, en Asie de 6%, en Amérique de 1,1% tandis que dans le même temps elle baissait de 1,3% en Europe. La France demeure néanmoins le premier exportateur de malt et le deuxième d'orge de brasserie dans le monde.

2. Les contraintes que rencontrent les entreprises sur ce marché

a. Une marge de manœuvre restreinte

D’abord, il convient de rappeler que la distribution des boissons alcoolisées est réglementée en France depuis plusieurs siècles et ce majoritairement depuis que ces boissons sont taxées par l’Etat. En effet, l’Etat, dans le "Code des débits de boisson et de lutte contre l’alcoolisme" en vigueur depuis 1954 est aujourd’hui intégré dans le Code de la Santé Publique règlemente également la vente d’alcool dans les débits de boissons afin de protéger les mineurs et de limiter l’ouverture d’un trop grand nombre de débit de boisson alcoolisées.

En revanche, la santé publique et la lutte contre l’alcoolisme sont des préoccupations plus récentes, la première illustration en est l’interdiction de la production d’absinthe en 1915. La publicité des boissons alcoolisées, comme la distribution est elle aussi réglementée et ce depuis 1941. La consommation d’alcool elle aussi est règlementée, l’alcool au volant ou sur les lieux de travail est par exemple proscrit depuis 1965.Ces préoccupations de santé publique sont souvent en contradiction avec les intérêts économiques et sociaux des producteurs et des distributeurs de bières notamment qui

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constituent un secteur économique important.

La législation de la distribution des boissons alcoolisées inscrite dans le code de la santé publique distingue cinq catégories de boissons alcoolisées que sont les boissons sans alcool, les boissons fermentées non distillées, les vins doux naturels, les apéritifs à base de vin, le rhum, et alcool provenant de la distillation. La bière appartenant aux boissons fermentées non distillées. La loi précise que la teneur en alcool doit être précisée sur l’étiquette et qu’un message préconisant la non consommation d’alcool par les femmes enceintes.

La législation de la publicité des boissons alcoolisées est également un élément pris en compte par les fabricants de bières puisque celle-ci est relativement contraignante.

La loi Evin du 10 janvier 1991 régit la publicité des boissons alcoolisées et stipule que la publicité directe ou indirecte ou les parrainages en faveur de boissons alcoolisées sont interdit bien qu’autorisés dans certains cas précis. En outre, les publicités doivent préciser que « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » (Article L3323-4 du Code de la Santé Publique).

La publicité en faveur de boissons alcoolisées est néanmoins autorisée :

Dans la presse écrite à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse Par l’intermédiaire de certaines radios dans des tranches d’horaires définies par

décret Sous forme d’affiches à l’intérieur des lieux de ventes à caractère spécialisé D’affiches sur les véhicules de livraisons de boissons dès lors que l’inscription ne

comporte par la désignation des produits Dans les fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques

locales

La législation des débits de boisson, elle aussi est très restrictive. En effet, la vente et la consommation d’alcool sont règlementées sous réserve d’attribution de licences. La licence de quatrième catégorie est nécessaire pour proposer l’ensemble des boissons.

b. Des réponses ingénieuses à ces obstacles de la part des entreprises

Ainsi, la législation en matière de production, de distribution et de consommation d’alcool est très stricte ce qui restreint le champ d’action possible des producteurs de bières.

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Une nouvelle loi concernant la bière devrait également voir le jour en 2013 : le gouvernement voudrait doubler le droit d’accise spécifique aux boissons alcoolisées pour financer la sécurité sociale. Le bénéfice attendu serait d’environ un demi-milliard d’euros par an.

Cette taxe aujourd’hui à 2,75 euros par degré d'alcool et par hectolitre pour la bière devrait être doublée par le gouvernement d’ici à 2013. Cette hausse aurait néanmoins un faible impact sur le consommateur puisque l’on estime à 5 centimes pour un demi de bière. Cette taxe devrait entrainer une hausse plus importante en supermarchés que dans les bars.

D’après l’INSEE, le prix du demi de bière blonde devrait augmenter en 2013 de 2% en CHR (cafés, hôtels, restaurants) contre une hausse de 30% dans les grandes et moyennes surfaces. Le syndicat professionnel des producteurs de bière, les brasseurs de France prévoient quant à eux une hausse moyenne de l’ordre de 15% tous circuits confondus.

Pour illustrer les restrictions causées par la loi, nous pouvons citer le fabricant Heineken France qui a du renommer la coupe d'Europe de Rugby, H-Cup et modifier le logo Heineken de façon à ce que le nom ne soit pas directement associés à l'alcool. Le logo a lui aussi été redessiné mais conserve l'étoile rouge et le fond vert pour rester reconnaissable.

III) Heineken et Carlsberg : le marché de la bière sous 2

angles différents

Nous avons vu précédemment que le marché de la bière présentait une certaine inertie certes, mais que des évolutions l’ont frappé particulièrement ces dernières années. Cela dit, toutes les marques et tous les groupes ne vivent pas de la même manière ces changements. Il convient dès lors de distinguer les mastodontes du marché et leur réaction face à ces évolutions d’une part, et les entreprises plus modestes qui subissent les changements plus qu’ils n’y répondent d’autre part. Nous allons donc constater en l’espèce les réactions et comportements des entreprises du marché de la bière à travers des études de cas portant sur Heineken et Carlsberg, les deux groupes leaders du marché, mais aussi à travers l’histoire du groupe Scottish & Newcastle, racheté puis démantelé en 2009 par … Heineken et Carlsberg.

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Quelques marques appartenant au groupe

Heineken :

- Tiger Beer (Singapour)- Bintang (Indonésie)- Fischer- Murphy’s (Irlande)- Amstel- Desperados- Dodo (Réunion)- Prestige (Haiti)

1. Heineken, entre traditions et modernité pour dominer un marché en récente évolution

a. Un groupe à échelle multiple : de l’international à la proximité des clients

Heineken est un groupe multinational brassicole danois, fondé en 1873. Nous choisissons ici ce groupe afin d’illustrer le cas d’une entreprise leader du marché qui le dompte plus qu’il ne le subit. En effet, Heineken est le leader du marché de la bière en France, en termes de chiffre d’affaires. Le groupe est aussi un élément incontournable du marché mondial, avec 115 brasseries. Heineken International possède quelques unes des plus grandes marques de bières telles Heineken, Amstel, Desperados, Panash’ ou encore Volga. La plupart de ces marques ont été rachetées. On peut dès lors constater que le groupe est dans une logique de croissance externe, et plus précisément par adjacence. Le rachat de nombreuses marques localement reconnues afin de récupérer des parts de marché dans chaque pays va dans ce sens.

Le groupe Heineken a su s’adapter et ainsi conserver son leadership dans un marché de plus en plus complexe, mais toujours caractérisé par une relative inertie de fond. Nous entendons par là que le produit, en l’occurrence la bière blonde, se décline surtout par son côté identitaire et son authenticité. Heineken joua sur ces points dès la création de la marque phare éponyme. En effet, depuis 1886, la levure « A » fait de la Heineken une bière unique. La stratégie de la marque s’appuie en partie sur cette continuité, bien que la recette soit adaptée, volontairement ou non, selon les lieux de brassage et les destinataires. Le groupe se distingue en outre en étant le seul acteur du marché à cumuler les activités de brasseur et de distributeur. Ainsi la majeure partie de la filaire, de la production de bière jusqu’à l’acheminement vers le client, est contrôlé par la même entité. La production des matières premières comme le houblon ou l’orge est confiée à des fournisseurs locaux que Heineken qualifie « de confiance », entendez par là qu’ils partagent les mêmes valeurs de qualité. Ainsi, le groupe multinational se veut alors à la fois traditionnel, responsable, d’envergure mais aussi local, moteur des économies où il est implanté (le site Heineken France met en avant son chiffre d’affaires de 1,77 milliard d’euros en France en 2011, ou encore le fait d’avoir payé 286 millions d’euros d’impôts et taxes dans le même temps).

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b. Des réponses pertinentes à l’évolution récente du marché

La bière blonde est un produit difficilement différencié, les recettes ne variant que peu, et surtout sur la quantité d’ingrédients (par exemple, plus de houblons amène plus d’amertume). Heineken a du donc faire un travail identitaire sur l’ensemble de son groupe afin de démarquer son produit des autres, et proposer une offre originale sur la forme et les

valeurs qu’elle porte. On peut prendre l’exemple de la bière Bourbon, appelée Dodo, typique de l’Ile de la Réunion. Heineken, désormais propriétaire de la marque,

n’interfère pas dans la communication sur l’histoire et le logo. Les consommateurs locaux ont donc toujours affaire à la même bière, au moins sur la forme. Comme nous l’avons dit précédemment, le marché évolue en France, déclinant dans sa globalité au profit des niches de marché représentées par les bières de spécialité. Heineken s’inscrit pleinement dans ce sens. Cette stratégie s’étend sur l’ensemble du groupe, avec par exemple le rachat en 2008 de l’entreprise chilienne CCU. Malgré tout, le marché de la bière évoluant depuis quelques années, l’entreprise se distingue aussi par sa capacité à réagir aux faits et gestes de la concurrence. C’est ainsi qu’en mai 2008, la société néerlandaise a communiqué une réorganisation de ses pôles en Europe. En France, Heineken a dû faire face au ralentissement du marché de la bière et à l’augmentation du prix des matières premières. Heineken affirme que « l’entreprise doit également faire face à des concurrents plus agressifs, qui ont su optimiser leurs coûts de production de manière significative ».

Toujours dans le but de s’inscrire dans le cadre de l’évolution de son environnement, le groupe Heineken se met au vert. Entendons par là que l’entreprise développe un aspect écologique important. Ainsi peut-elle se vanter d’être la seule entreprise du secteur à publier un « Rapport Développement Durable », depuis 2008. Cette notion de développement durable intègre plusieurs aspects. Dans un premier temps, Heineken insiste sur l’origine des ingrédients utilisés pour produire la

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bière : ceux-ci sont cultivés dans le respect de l’écosystème, et les producteurs d’orge et de houblons sont minutieusement choisis. Le développement durable concerne aussi la sensibilisation du client, qui plus est dans un marché où la tendance est à la consommation moindre mais meilleure. Heineken a alors crée la « bièrologie », l’art de consommer et servir la bière. Le site de Heineken France fait d’ailleurs de cette création un argument fort à destination des détracteurs du produit : la bière peut être un produit raffiné, et la « culture bière » est un mode de vie. Cette campagne de promotion pour la bière et l’esprit bière a fait de la Heineken, produit phare du groupe, la 9ème boisson la plus consommée en France, particulièrement chez les 18-25 ans.

2. Carlsberg, la bière innovante qui s’adapte aux attentes

Nous avons vu que le groupe Heineken jouait sur la tradition et la proximité pour assoir son hégémonie sur le marché de la bière en Europe, et tout particulièrement en France. Néanmoins, s’il est un groupe et une marque qui concurrence sérieusement le géant hollandais, c’est bien Carlsberg. Il est intéressant d’observer la stratégie du groupe danois, celle là même faisant de lui l’égal de Heineken. Ces deux groupes sont leaders du marché de la bière, mais diffèrent dans leur approche du produit. Il convient alors, après avoir analysé la stratégie du premier groupe, de s’atteler à comprendre ce qui fait le succès de Carlsberg.

a. Une bière née de l’ingéniosité des chercheurs

Jacob Christian Jacobsen, brasseur danois et chercher brassicole, crée en 1847 sa propre bière, après de longues recherches sur la fermentation et l’importance de la levure dans la bière, recherches menées avec son ami Louis Pasteur. En hommage à son fils Carl, cette bière destinée à la famille royale est nommée Carlsberg, littéralement « La Montagne de Charles ». Déjà à l’époque, la qualité de la levure fait de Carlsberg une bière de grande qualité. La création du laboratoire Carlsberg en 1875 s’inscrit dans cette logique, et permet la découverte d’une levure révolutionnaire, rendant la bière stable et lui procurant un goût rare. L’entreprise décide alors de mettre cette levure gratuitement à disposition des brasseurs concurrents. Le groupe Carlsberg aime à rappeler que l’on trouve probablement un peu de Carlsberg dans chaque bière blonde en Europe. C’est en 1904 la consécration nationale, puisque Carlsberg est enfin nommée seule bière officielle de la cour royale. Aujourd’hui encore, le groupe est le leader du marché français en

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termes d’hectolitres brassés, et représente un acteur incontournable du secteur brassicole européen, avec quelques marques reconnues comme Carlsberg, mais aussi plus récemment Kronenbourg, 1664 ou Grimbergen (nous reviendrons sur le rachat de ces marques plus tard).

b. Le même problème qu’Heineken, pour des solutions différentes

Cette mise à disposition d’une levure particulière témoigne d’une stratégie étonnante de Carlsberg, néanmoins efficace compte tenu de sa position sur le marché. La levure devenant la même pour toutes les bières, la différenciation de l’offre pour chaque groupe provient, comme nous l’avons vu avec Heineken, de l’identité de l’entreprise par exemple. Carlsberg a fait le choix de soutenir son offre par des progrès techniques et des innovations de produit ou de procédé à même d’offrir aux consommateurs de nouvelles saveurs. Le groupe a par exemple été le premier acteur de son secteur à utiliser les nouvelles technologies pour suivre les commandes, gérer les retours de la part des consommateurs et des distributeurs. En outre, la firme danoise fait par exemple appel à Comarch, entreprise spécialisée dans l’informatique et les communications, afin de mettre en relation les différents brasseurs et s’assurer d’un contrôle des produits. Ces derniers sont alors les mêmes partout, ou s’en rapprochent au moins.

On peut aussi évoquer la bille d’azote présente dans les canettes de 33cl 1664 qui, une fois percée, produit une mousse onctueuse telle qu’on en trouve à la pression. Ces innovations permettent à Carlsberg de se démarquer et de proposer aux consommateurs des produits innovants, uniques. Leur position et leur capacité de brassage en très grande quantité assure la couverture des coûts fixes et des frais de recherches. La bière Carlsberg inonde le marché aujourd’hui encore en étant la marque la

plus brassée dans le monde.

A la différence du groupe Heineken que nous avons présenté, le groupe Carlsberg n’est pas constitué d’un grand nombre de marque, et n’adopte pas la même stratégie afin de faire face à la baisse de consommation en France. Là où Heineken peut compenser la baisse du chiffre d’affaires d’une de ses marques par la hausse de celui d’une autre, Carlsberg est avant tout centré sur sa marque éponyme et sa déclinaison sous plusieurs formats comme la

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canette, la pression, ou même la bouteille. Les stratégies sont distinctes, mais les résultats de ces dernières années sont comparables : les deux géants sont leaders du marché de la bière en France, mais voient leur chiffre d’affaires diminuer du fait de la baisse de consommation de la bière.

Le groupe Carlsberg a étendu ses marques en 2008 avec le rachat de Kronenbourg, la célèbre bière alsacienne, mais aussi de 1664 et Grimbergen. Plus précisément, le groupe Carlsberg a, en 2008, racheté une partie des actifs et des marques de la firme écossaise Scottish & Newcastle. L’opération s’est faite par consortium entre Carlsberg et … Heineken. L’ensemble du groupe, 8ème acteur mondial du secteur de la bière jusqu’à sa faillite, a été racheté 10 milliards d’euros, puis démantelé entre les deux géants leaders en France. Cette opération prouve à la fois que le secteur de la bière en France est dominé par deux firmes multinationales qui profitent des forces du marché comme les contrats de brasseur, mais démontre aussi que les barrières à l’entrée sont d’origine artificielle : difficile d’intégrer durablement un marché dominé aussi nettement et dont les co-leaders sont aussi alliés.

En conclusion de cette analyse du secteur brassicole, nous pouvons constater que le marché de la bière en France est dominé par des acteurs d’envergure internationale tels Heineken, Carlsberg ou InBeev. Cependant, les mœurs évoluant, les bières suivent et les groupes doivent apprendre à dompter ce marché à la fois exigeant mais aussi porteur. Toutefois, il convient de nuancer le positionnement de ces bières classiques. Nous avons vu que leur consommation déclinait, au profit de bières de spécialité. Il s’agit donc pour les grands brasseurs de s’adapter et de résoudre ces problèmes. Carlsberg mise sur l’innovation, Heineken sur la croissance par rachat de marques. Les deux stratégies sont jusque là efficaces, et confortent leur position dominante. Néanmoins, à l’aune de ces transformations, on peut dès lors imaginer que des bières locales peuvent pénétrer le marché en profitant de l’effet de niche et de l’envie de consommer « local ». Si les exemples à travers les grandes capitales ne manquent pas, il est intéressant de noter que Paris n’a plus sa propre bière depuis bien des années. En effet, la bière parisienne Gallia a disparu en 1969. Mais deux jeunes entrepreneurs ont relancé la marque il y a désormais 3 ans. On ne peut qu’espérer que cette bière puisse pénétrer durablement le marché et exister parmi les géants du secteur grâce aux particularités d’un marché unique.

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Bibliographie

« Le Businesse de la bière », Golden Trade

« La Production de bière en France en 201 », Association des Brasseurs de France

« Le Marché de la bière a diminué de 30% depuis 30 ans », AFP, 15 Juin 2012, L’express

« Les Français boivent de moins en moins de bière », Philippe Lavieille, 15/06/12, Le Parisien.fr

Site France-boissons, filiale du groupe Heineken

« Nos Engagements », Heineken France

« L’histoire du groupe », 2011, Carlsberg.fr

« Décret européen de pureté de la bière de 1516 », Demory Paris

« Le marché de la bière donne lieu à un grand brassage des acteurs mondiaux », Laurence Girard, 27 Septembre 2012, Le Monde

« SABMiller devient le premier brasseur mondial », Le Point

« Vision rapide du marché de la bière en France », Jacques Ferté et Guillaume Roy, Gallia France

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