Vibrations Sonores Et Harmonie Universelle

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Vibrations sonores et harmonie universelle In principium erat verbum. Au commencement était le Verbe. Les Egyptiens l’affirmaient déjà, trois millénaires avant l’Evangile selon Saint-Jean. Les bases de la théorie du Son créateur datent en effet de plus de cinq mille ans. Sur toute la surface de la terre, dans toutes les civilisations, le son est associé à la genèse de la création. Pour les Hindous il est d’origine divine et, par l’effet des vibrations rythmiques du son primordial (nadâ), le verbe (Vâk) produit l’univers. De même selon l’esprit pharaonique, le monde et les êtres furent créés par le son originel. Thot et le cri primordial, Ptah et le Verbe divin illustrent la relation entre le Son créateur et la genèse du cosmos. L’énergie créatrice du son Le son, c’est donc le souffle divin, l’énergie inhérente au Verbe, constitué de l’ensemble de toutes les vibrations du cosmos. En Inde, tout ce qui est sonore est shakti, c’est-à-dire Puissance divine. Or, dans la nature, tout émet des sons, que ce soit l’oiseau qui chante, le ruisseau, le vent ou le feu qui crépite. Tout s’harmonise et tout s’accorde au diapason universel. Le son a une origine cosmique et le cri véhicule une partie de l’énergie divine. C’est pourquoi le son et la musique se retrouvent dans tous les rites initiatiques, ainsi que le relate, par exemple, le papyrus De Leiden T32 pour l’Egypte. Les Dieux accomplissent ce qu’ils désirent en utilisant la puissance génératrice du son, le Logos, or l’homme est fait à leur image : il est doué de parole. Heka, « la magie verbale » mise à disposition des humains, conserve un pouvoir sur la marche de l’univers qu’elle a servi à créer. Lorsqu’ils sont prononcés correctement les phonèmes appartenant au langage mystique ont des pouvoirs illimités car ils deviennent les objets qu’ils représentent. Le Corpus Hermeticum précise à ce propos que « la particularité même du son et la propre intonation des vocables égyptiens retiennent en elles-mêmes l’énergie des choses qu’on nomme.» De même, dans son livre Les fondements de la mystique tibétaine, le lama Anagarika Govinda écrit : « Chaque mot, à l’origine, était un foyer d’énergies dans lesquelles la transmutation de la réalité en modulations de la voix humaine, expression vivante de l’âme, se produisait… » Les syllabes mystiques - mantra et dhârani -revêtent une importance capitale pour le tantrisme. Il existe d’ailleurs une correspondance entre les sons mystiques, les organes subtils du corps humain et les forces divines du cosmos. Chaque dieu et chaque degré de sainteté possède un son mystique ; en répétant ce bîja-mantra selon les règles, il est possible de s’assimiler le dieu ou l’état de sainteté évoqués. L’irradiation des mots est encore plus importante lorsqu’il s’agit de Noms propres. Nous accordons l’existence aux êtres en les nommant. Savoir le nom des choses, c’est en être maître. Selon les conceptions égyptiennes, l’intonation d’un nom conférait un grand pouvoir à ceux qui le connaissaient. C’est pourquoi les hommes et les dieux cachaient leur vrai nom. Aussi peut-on lire dans le papyrus magique de Turin : « Formule pour le dieu qui s’est créé lui-même et qui possède des noms multiples que les autres dieux ignorent. » Dans chaque liturgie, il existe différentes appellations de Dieu : chaque nom n’exprime en fait qu’un attribut de la divinité qu’il est impossible de saisir dans sa totalité. Mais, selon Origène, « il

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  • Vibrations sonores et harmonie universelle

    In principium erat verbum. Au commencement tait le Verbe. Les Egyptiens laffirmaient dj, trois millnaires avant lEvangile selon Saint-Jean. Les bases de la thorie du Son crateur datent en effet de plus de cinq mille ans.

    Sur toute la surface de la terre, dans toutes les civilisations, le son est associ la gense de la cration. Pour les Hindous il est dorigine divine et, par leffet des vibrations rythmiques du son primordial (nad), le verbe (Vk) produit lunivers. De mme selon lesprit pharaonique, le monde et les tres furent crs par le son originel. Thot et le cri primordial, Ptah et le Verbe divin illustrent la relation entre le Son crateur et la gense du cosmos.

    Lnergie cratrice du son

    Le son, cest donc le souffle divin, lnergie inhrente au Verbe, constitu de lensemble de toutes les vibrations du cosmos. En Inde, tout ce qui est sonore est shakti, cest--dire Puissance divine. Or, dans la nature, tout met des sons, que ce soit loiseau qui chante, le ruisseau, le vent ou le feu qui crpite. Tout sharmonise et tout saccorde au diapason universel. Le son a une origine cosmique et le cri vhicule une partie de lnergie divine. Cest pourquoi le son et la musique se retrouvent dans tous les rites initiatiques, ainsi que le relate, par exemple, le papyrus De Leiden T32 pour lEgypte. Les Dieux accomplissent ce quils dsirent en utilisant la puissance gnratrice du son, le Logos, or lhomme est fait leur image : il est dou de parole. Heka, la magie verbale mise disposition des humains, conserve un pouvoir sur la marche de lunivers quelle a servi crer.

    Lorsquils sont prononcs correctement les phonmes appartenant au langage mystique ont des pouvoirs illimits car ils deviennent les objets quils reprsentent. Le Corpus Hermeticum prcise ce propos que la particularit mme du son et la propre intonation des vocables gyptiens retiennent en elles-mmes lnergie des choses quon nomme. De mme, dans son livre Les fondements de la mystique tibtaine, le lama Anagarika Govinda crit : Chaque mot, lorigine, tait un foyer dnergies dans lesquelles la transmutation de la ralit en modulations de la voix humaine, expression vivante de lme, se produisait Les syllabes mystiques - mantra et dhrani -revtent une importance capitale pour le tantrisme. Il existe dailleurs une correspondance entre les sons mystiques, les organes subtils du corps humain et les forces divines du cosmos. Chaque dieu et chaque degr de saintet possde un son mystique ; en rptant ce bja-mantra selon les rgles, il est possible de sassimiler le dieu ou ltat de saintet voqus. Lirradiation des mots est encore plus importante lorsquil sagit de Noms propres.

    Nous accordons lexistence aux tres en les nommant. Savoir le nom des choses, cest en tre matre. Selon les conceptions gyptiennes, lintonation dun nom confrait un grand pouvoir ceux qui le connaissaient. Cest pourquoi les hommes et les dieux cachaient leur vrai nom. Aussi peut-on lire dans le papyrus magique de Turin : Formule pour le dieu qui sest cr lui-mme et qui possde des noms multiples que les autres dieux ignorent. Dans chaque liturgie, il existe diffrentes appellations de Dieu : chaque nom nexprime en fait quun attribut de la divinit quil est impossible de saisir dans sa totalit. Mais, selon Origne, il

  • faut prononcer les noms sacrs dans leur langue originelle, car cest le sens lui-mme qui opre et la traduction est inefficace et inutile.

    Les kabbalistes hbreux reconnaissaient soixante douze gnies reprsentant les manifestations angliques de laction divine et ils croyaient, comme les Egyptiens, que les gnies taient obligs dobir lappel de leur nom. Les essniens, de mme, prtaient une vertu magique aux noms des anges et faisaient serment de ne pas les rvler.

    Les mots de pouvoirs , les vocables sacrs, ne vhiculent le plus souvent aucun sens mais ils possdent une nergie phonique, gnralement dveloppe par la rptition. La rptition est une loi commune la magie et la musique ; elle relve en effet de la symbolique du Nombre.

    La symbolique du Nombre

    Les nombres sont le produit du son et du signe. Plus encore que les noms, ils reclent des forces inconnues qui, lorsquon les nonce, tablissent un courant dinfluence sur les tres.

    Le Un est la fois lUnit et le Tout. Il possde un aspect qualitatif et unitaire mais aussi un aspect quantitatif puisquil est lorigine de la srie des nombres, soit par laddition, soit par la division. Selon Silesius, Dieu est en tout comme lunit dans les nombres. Le Un, cest aussi bien un point de lespace musical que lharmonie totale du continuum sonore.

    Si le Deux, sur le plan quantitatif sobtient par laddition de lunit lunit, il correspond, sur le plan qualitatif, une division. De mme que, dans la Gense, le deuxime jour de la cration, Dieu spare les eaux den haut des eaux den bas, la scission de lUnit donne loctave.

    Le Trois rsulte de la conjonction de Un et de Deux. Il symbolise par excellence le Divin. Cest le triangle sacr : Isis-Osiris-Horus, la Sainte Trinit : Pre-Fils-Esprit, etc. Mais surtout Trois est le principe dynamique. En musique, il est lorigine du cycle de quintes.

    La division en trois dune corde qui vibre, donne deux points situs au tiers et aux deux tiers. La longueur de la partie vibrante (2/3) produit la frquence 3/2, soit le rapport de quinte, premier lment de la mlodie.

    Le Quatre est associ au terrestre, la totalit du cr. Il est mme reconnu comme prexistant au Deux et au Trois dans la clbre formule alchimique : Du Un sort le Deux, du Deux sort le Trois et du Trois sort le Un comme quatrime. La signification symbolique du Quatre est lie celles des lments, du carr, de la croix (avec ses quatre bras) plante en terre Du rapport 4/3 nat lintervalle musical de quarte.

    La suite des quatre nombres 1, 2, 3 et 4, dont la somme est 10, constitue la srie appele Tetraktys qui permettait aux pythagoriciens de dfinir tous les intervalles de la gamme.

    Le Cinq (2 + 3), nombre nuptial des pythagoriciens, tablit lunion harmonique du premier nombre pair (femelle) et du premier nombre impair (mle). Il est la fois symbole de lhomme et de lunivers.

  • Le Six est associ au cercle, comme le Trois, mais aussi lhexagone toil, sceau de Salomon, qui est la conjonction de deux triangles inverss, opposant le spirituel au matriel. Le Six (1 x 2 x 3) correspond aussi laccouplement du Trois (gnrateur de quintes) et du Deux (gnrateur des octaves).

    Alors que le Cinq correspond au microcosme, le Six reprsente le macrocosme li une ide de perfection. Ce symbole apparat notamment dans luvre de Jean-Sbastien Bach, qui a compos six Sonates en trio, six Concertos brandebourgeois, six Suites, six Partitas, etc.

    Le Sept exprime la perfection de la cration comme de la crature. Il est en relation troite avec le Trois. Les sept couleurs de larc en ciel sont engendres par les trois couleurs fondamentales ; les sept notes de la gamme traditionnelle sont contenues dans les accords parfaits difis sur la triade des notes tonales. Pour Saint Thomas dAquin, la musique tait le premier des sept arts

    Le Huit implique la transformation, la mutation, le passage du terrestre au cleste, mais aussi la rdemption, la gurison. Ltoile huit pointes, appele en hraldique rai descarboucle, est une figuration classique de la pierre philosophale des alchimistes. Le huitime jour, succdant aux six jours de la Cration et au sabbat, est symbole de transfiguration, de rsurrection. Loctave est renouvellement.

    Le Neuf, le dernier des chiffres, annonce une fin et un commencement ; il exprime galement la plnitude, la force, la totalit des trois mondes : le ciel, la terre et les enfers. Il voque les Muses et la ralisation artistique.

    La loi du Nombre

    La Chine antique considrait la musique comme une harmonie des nombres et du cosmos. De mme, pour les pythagoriciens, le nombre tait le principe de toute chose : leur conception de la nature repose sur lobservation que les mmes harmonies musicales et les mmes formes gomtriques dans des milieux diffrents, avec des grandeurs diffrentes, peuvent tre produites en combinant les mmes nombres. Tout est arrang par le Nombre dit Pythagore dans lIeros Logos (Discours sacr cit par Jamblique). Nous aurons plus dire sur la dimension cosmique de la musique dans le chapitre suivant, consacr linfluence des systmes musicaux.

    Le De musica, trait fondateur de la thorie musicale du Moyen Age, crit par le philosophe Boce au dbut du VIe sicle, considrait la musique comme une discipline mathmatique : les rapports entre les sons correspondent aux rapports entre les nombres. Cette conception de la musique, fonde sur lhritage de la Grce antique, en fait la fois une science, un art et le vhicule de la parole divine. Le trait de Boce, largement influenc par les pythagoriciens, souvre par cette constatation que la musique est allie nous par nature. Pour les pythagoriciens, la musique peut gurir lme parce que lme, comme la musique, est dessence numrique : elles refltent toutes deux la structure de lme du monde, qui est de nature mathmatique selon le philosophe pythagoricien Time.

    Le philosophe Leibniz, dans une lettre Goldbach date du 17 avril 1712, crivait : La musique est un exercice darithmtique secrte, et celui qui sy livre ignore quil manie des nombres.

  • La notion de rythmes cosmiques en rapport avec la structure numrale est associe la musique et larchitecture ; do lutilisation du nombre dor.

    Le nombre dor

    Le nombre dor est une donne mathmatique connue depuis la plus haute antiquit. Il sagit dune proportion idale laquelle est attach un concept de beaut parfaite et qui peut sexprimer par la lettre grecque (phi) allusion au clbre sculpteur Phidias (v. 490 -431 av. J.-C.) sous la forme dun nombre irrationnel : = (1+ 5) soit : 1,61800333

    Cette notion, dabord transmise oralement, fut applique la gomtrie par Euclide, dans ses Elments, puis associe la suite des entiers naturels Fn par Lonard de Pise dit Fibonacci, au dbut du XIIIe sicle dans son Liber Abaci (Livre de labaque). Au XVIe sicle enfin, le moine franciscain Luca Pacioli publia Venise un ouvrage intitul Divina proporzione, illustr par Lonard de Vinci qui appelle cette proportion Section dor pour rendre hommage son harmonie.

    La proportion dfinie par le nombre dor divise un segment en deux parties dont le rapport est le mme que le tout la plus grande des parties. La section dor est respecte dans toute larchitecture sacre, quil sagisse de la grande Pyramide de Chops, du Parthnon de Rome ou du Dme de Milan. Cette proportion irrationnelle a t utilise aussi bien par les corporations sotriques de lpoque gothique ou de la Renaissance que par les potes (Dante, Baudelaire, Valry), les musiciens, les peintres de lantiquit nos jours : citons par exemple les cubistes, ou encore larchitecte Le Corbusier.

    La fonction esthtique du nombre dor se fonde sans doute sur une dcouverte empirique : certains phnomnes naturels sont en effet rgis plus ou moins directement par ce nombre. Dans le rgne vgtal, la pomme de pin, lananas, un grand nombre de fleurs cinq ptales forment, gauche et droite du centre, des lignes spirales dont le nombre correspond la srie de Fibonacci. De mme, dans le rgne animal, ltoile de mer, loursin, le nautile (mollusque des mers chaudes) mais aussi le corps et le visage humain sont en liaison avec le nombre dor. Dans le clbre canon tir dun ouvrage allemand attribu Cornlius Agrippa von Nettesheim (1486-1535), reprsentant le corps humain dans un pentagone rgulier toil inscrit dans un cercle, le rapport de la hauteur totale du corps humain la hauteur du nombril est gal au nombre dor.

    On retrouve ce module dans la forme du violon, dont les proportions de la tte et de la volute, le rapport entre le manche et la caisse ou encore la situation des trous infrieurs des oues correspondent la section dor, parfaitement connue des luthiers comme des thoriciens de la musique, puisque la structure des principales gammes est en relation avec le nombre dor.

  • Le nombre dor dans les gammes et les intervalles

    Ds lAntiquit, la gamme de Pythagore utilisait les proprits de proportion des premiers nombres entiers ; elle tait fonde sur le rap-port le plus simple (3/2) reprsentant lintervalle de quinte (do-sol). La construction de la gamme selon le systme de Pythagore, adopt galement par les chinois, sobtient par le cycle des quintes : en levant une note dune quinte, on multiplie sa frquence par 3/2, en labaissant dune quinte, on multiplie sa frquence par 2/3. La srie ainsi obtenue permet dtablir lchelle des quintes qui engendre la gamme en ramenant les notes dans un intervalle doctave. Dans cette gamme, la tierce majeure est plus grande et la tierce mineure plus petite que dans notre gamme diatonique.

    A la Renaissance, la gamme du compositeur et thoricien vnitien Zarlino (1517-1590), comme celle de plusieurs thoriciens arabes, drive de la srie des harmoniques ramens dans la mme octave. Lacoustique nous enseigne quun son musical est une combinaison de vibrations : nous percevons plus intensment lune dentre elles que lon nomme fondamentale, les autres sont appeles harmoniques. Les frquences des harmoniques sont des multiples simples de la frquence du son fondamental . La srie des harmoniques est thoriquement infinie, aussi peut-on, par comparaison, obtenir tous les intervalles. Dans la gamme de Zarlino, si lon considre les intervalles forms par les diffrentes notes et la tonique, il apparat que certains dentre eux (lunisson, la quinte juste, la sixte majeure, la sixte mineure descendante et loctave) sont mesurables par les premiers termes de la suite Vn = Fn + 1/Fn associe la srie traditionnelle de Fibonacci. La gamme diatonique thorique des musiciens (gamme naturelle ) est emprunte au systme de Zarlino. La transposition rigoureuse de cette gamme est impossible en raison de lingalit des demi-tons rpartis en deux catgories.

    La gamme chromatique tempre, conue selon la thorie de lAllemand Werckmeister (1691), divise loctave en 12 demi-tons gaux quivalant chacun 122 = 1,059463. Il serait possible dtablir une gamme dcaphonique tempre lie au nombre dor, en divisant loctave en dix intervalles gaux de valeur 102 = 0,10715 trs voisine de 7 0,107115.

    Rythmes, structure des compositions et nombre dor

    Il est ais de rattacher les mesures deux temps, trois temps et quatre temps la srie traditionnelle de Fibonacci, car on y rencontre constamment les rapports 2/1 et 3/2. Le rapport

  • 5/3 se trouve dans les mesures cinq temps et le rapport 8/5 dans les rythmes bulgares et orientaux.

    Les grands compositeurs classiques ont utilis, plus ou moins consciemment, la section dor dans la structure de leurs uvres. Par exemple, on trouve un rapport correspondant approximativement au nombre dor dans le premier mouvement de la septime Sonate pour piano de Beethoven (si lon compare la dure du dveloppement et celle de lexposition), de mme que dans le premier mouvement de la 13e Symphonie en sol mineur de Haydn ou encore dans les deuxime et quatrime mouvements de la 40e Symphonie en sol mineur de Mozart.

    Les recherches musicologiques dun universitaire anglais, le Dr Roy Howat (Debussy in Proportion : A musical analysis, Cambridge University Press, 1983), montrent que Claude Debussy utilisa la section dor dans la structure de ses compositions partir des Ariettes oublies (1885 - 1888). Au XXe sicle, Bla Bartok use de la section dor comme dune rgle de construction architecturale dans la plupart de ses compositions, ce procd est notamment remarquable dans le 1er mouvement du trio Contraste, le 1er mouvement du Divertimento pour cordes, ou encore la Musique pour cordes, percussion et clesta et la Sonate pour deux pianos et percussion qui constituent sans doute les sommets de son uvre. Dautres compositeurs utilisent galement la section dor dans llaboration de leurs uvres ; cest, par exemple, le cas de Gyrgy Ligeti dans le premier mouvement de Apparitions pour orchestre.

    La loi de loctave

    Loreille peut normalement transformer en sensations sonores sept octaves de frquences lastiques. Le mot octave est un terme qui recouvre en ralit deux principes : celui de lintervalle entre deux sons dont le rapport de frquences est du simple au double et celui de la gamme heptatonique. Cest selon ce dernier principe que P. D. Ouspensky, dans son livre Fragments dun enseignement inconnu, citant Gurdjieff, fait la remarque suivante : La gamme de sept tons est une formule de loi cosmique qui fut labore par danciennes coles, et applique la musique. Cependant, si nous tudions des manifestations de la loi doctave dans les vibrations dautres sortes, nous verrons que les lois sont partout les mmes. La lumire, la chaleur, les vibrations chimiques, magntiques et autres sont soumises aux mmes lois que les vibrations sonores. Pour illustrer cette observation, nous pouvons voquer la gamme lumineuse des physiciens et tablir des correspondances entre sons et couleurs daprs leurs longueurs donde. Si les phnomnes sonores et lumineux sont de natures diffrentes (les ondes lastiques du son et les ondes lectromagntiques de la lumire ne sont pas perues par les mmes organes), les ractions physiologiques quelles occasionnent peuvent tre identiques. Tout se passe dans lorganisme comme si laction des stimuli tait fonction de leur frquence plutt que de leur nature.

    En comparant la longueur donde des couleurs celle des sons, il est possible dtablir scientifiquement un tableau de correspondances. On obtient la longueur donde dun son en divisant la vitesse par la frquence. La frquence du la3 de notre diapason est de 440 priodes ( 0,5) par seconde et la clrit du son est de 340 m/seconde une temprature de 15 (elle augmente de 62 cm/s par degr Celsius). Voici un exemple de correspondances une temprature de 19 C.

  • SONnote et octave

    Longueur dondeen microns

    COULEUR Longueur dondeen microns

    LA 23 0,74228 infrarouge > 0,75LA dise 23(ou si bmol)

    0,70062 pourpre

    rouge 0,70 > > 0,65SI 23 0,66129 rouge clair

    DO 24 0,62418 orange 0,65 > > 0,60jaune dor

    DO dise 24(ou r bmol)

    0,58915 jaune 0,60 > > 0,55

    RE 24 0,55608 jaune citronRE dise 24

    (ou mi bmol)0,52487 vert 0,55 > > 0,49

    MI 24 0,49541 turquoiseFA 24 0,46760 bleu 0,49 > > 0,45

    bleu foncFA dise 24

    (ou sol bmol)0,44136 indigo 0,45 > > 0,43

    SOL 24 0,41659 violet 0,43 > > 0,40SOL dise 24(ou la bmol)

    0,39321 ultraviolet < 0,40

    La perception des sons ou des couleurs consiste en un processus complexe de transformations nerveuses des informations sensorielles. Les organes des sens (peau, il, oreille, langue et nez) sont des rcepteurs sensibles un excitant dtermin. Cependant, si les transformateurs de frquences en modulations dinflux nerveux sont spcialiss, les ractions physiologiques quils occasionnent peuvent tre en relation. Par exemple, les frquences lastiques des sons se dplacent une vitesse de 1500 mtres par seconde dans lhumeur aqueuse du globe oculaire et ce liquide entre en rsonance avec des ultrasons dune frquence de 40.000 vibrations par seconde. Cest pourquoi, dans certaines conditions, les bruits peuvent dtriorer la vision

    Les sensations (auditives, visuelles ou autres) sont transmises au cortex crbral puis au diencphale qui dclenche des mcanismes nerveux autonomes ou hormonaux. Ce qui importe nest pas tant le stimulus que la raction sur le plan neuro-psycho-physiologique. Nous savons en biomusicothrapie, quun son musical dont la longueur donde est proportionnelle celle dun oligo-lment prsente une action thrapeutique comparable.

    Les organismes vivants ragissent aux vibrations sonores et savent gnralement capter et utiliser leur nergie. Jean-Marie Pelt cite, dans son ouvrage Les langages secrets de la nature (Fayard, 1996), des recherches la charnire de la biologie molculaire et de la physique quantique, menes par Jol Sternheimer, montrant que les plantes sont capables de transformer certaines ondes acoustiques en ondes lectromagntiques elles-mmes sources dondes reliant diffrentes chelles de corpuscules quantiques et facilitant ainsi la synthse des protines utiles leur organisme.

  • Le compositeur italien Agostino Steffani (1653-1728), influenc par lhumaniste florentin Marsile Ficin (1433-1499), affirme quen coutant lintervalle musical de loctave, on prouve une dilatation bnfique de lesprit. Ficin crivait dans son trait De vita clitus comparanda : Le son musical, par le mouvement de lair, dplace le corps : au moyen de lair purifi il excite lesprit arien, qui constitue le lien entre le corps et lme, au moyen de lmotion il agit sur les sens et, en mme temps, sur lme. Dans le mme ordre dides, le philosophe Tommaso Campanella (1568-1639) estime que la musique a une action thrapeutique lorsquelle combine dune faon consonante les sons graves et les sons aigus, notamment intervalle doctave.

    La loi de loctave, sous laspect de lintervalle de frquence de deux vibrations dont lune a une frquence double de lautre, correspond en musique la plus parfaite des consonances, forme par les degrs extrmes de lchelle diatonique de huit sons. Cette consonance est si parfaite quelle donne limpression de doubler le son original. Jean-Philippe Rameau (1683-1764), compositeur franais qui contribua fixer la science de lharmonie, crivait ce propos : Des voix mles et fminines entonnent naturellement loctave, croyant entonner lunisson ou le mme son. Selon la tradition tantrique de lInde, loctave reflte lamour divin de Shiva et de Shakti. Elle est le symbole de lunion sexuelle du mle et de la femelle.

    Deux notes formant un intervalle doctave portent le mme nom ; aussi distingue-t-on les octaves successives en les numrotant partir de do0, correspondant 32,7 Hertz (vibrations par seconde).Ltendue approximative des instruments de musique, des sons les plus graves aux plus aigus, couvre environ sept octaves (du do0 de 32,7 Hz au do7 de 4185,9 Hz). Cependant, la tessiture moyenne correspondant au plus grand nombre dinstruments se situe entre le do1 (65,4 Hz) et le do5 (1046,5 Hz) cest--dire dans la zone correspondant ltendue moyenne des voix humaines.

    A propos de la voix, nous savons que chaque individu possde une empreinte vocale rvlant son tat de sant physique et mentale. Ltre humain vibre comme un corps sonore et le timbre de la voix est en rapport avec cette rsonance. Le corps humain, rcepteur des vibrations, peut lui-mme tre considr comme un axe de frquences, chaque partie du corps correspondant une bande de frquences particulires. P. D. Ouspensky, citant Gurdjieff, crivait aussi : La musique objective tout entire se base sur les octaves intrieures. Elle peut donner des rsultats prcis, non seulement dordre psychologique, mais dordre physique.

    Le milieu ambiant dans lequel nous voluons, transmet nos organes des impulsions ondulatoires qui nous mettent en relation avec les divers lments de lunivers. La loi de loctave, que lon observe le plus facilement au niveau de lharmonie musicale, se manifeste dans tout phnomne vibratoire que nous percevons. La propagation du son, de llectricit, de la lumire, des parfums et des ractions chimiques obit cette loi, que nous pouvons reconnatre comme un principe essentiel de lHarmonie universelle. Ce principe fondamental est respect dans les pratiques thrapeutiques fondes sur lutilisation des frquences vibratoires, comme lauriculothrapie ou lacupuncture.

  • Loi de loctave et auriculothrapie

    Dcouverte en 1951 par le mdecin lyonnais Paul Nogier, la technique de lauriculothrapie drive de lacupuncture mais est fonde sur la stimulation de points rflexes du pavillon de loreille.

    Le pavillon de loreille se divise en sept zones dlimites anatomiquement et physiquement, cest--dire quune partie du corps correspond chacune delles. Grce aux appareils lectroniques qui ont t mis au point, il est facile dobserver que chaque zone entre en rsonance avec une frquence qui lui est propre ; cette frquence spcifique se retrouve la fois au niveau de la zone auriculaire et au niveau du territoire cutan de la partie du corps qui se projette cet endroit de loreille.

    Si lon considre les correspondances sonores aux frquences des sept zones auriculaires, une diffrence dune octave apparat entre chacune delles.

    La zone A, localise la face interne et au rebord du tragus, a une frquence de 2,5 Hz correspondant la note Mi octave - 4 (2,57 Hz). Cette aire est dvolue aux projections des orifices et notamment de lil, qui entrent en rsonance avec la mme frquence.

    La zone B, situe au niveau de la conque, a une frquence de 5 Hz correspondant la note Mi octave - 3 (5,15 Hz). La frquence B se retrouve la partie antrieure du tronc et de labdomen.

    La zone C, dcelable aux faces externe et mastodienne du pavillon, a une frquence de 10 Hz correspondant la note Mi octave 2 (10,3 Hz). On retrouve cette frquence C au niveau des membres et du dos.

    La zone D, localise la face externe du tragus et la base dimplantation intrieure de loreille, a une frquence de 20 Hz correspondant la note Mi octave 1 (20,6 Hz). Cette mme frquence D apparat sur la ligne mdiane du corps.

    La zone E, situe en zone postrieure de lhlix, en bordure de la conque, le long de lavant mur, a une frquence de 40 Hz correspondant la note Mi octave 0 (41, 2 Hz). Le crne, la nuque, le cou et les rgions latrovertbrales ont la mme frquence E.

    La zone F, qui se trouve entre listhme du pavillon et le lobule aux deux faces de loreille, a une frquence de 80 Hz. La note Mi octave 1 a une frquence de 82,4 Hz. La zone F correspond la face.La zone G, situe au niveau du lobule aux deux faces de loreille, a une frquence de 160 Hz. La note Mi octave 2 a une frquence de 164,8 Hz. La zone G correspond au front et au nez.

  • Face externe Face interne

    Les zones dauriculothrapie

    Loi de loctave et acupuncture

    De nos jours, beaucoup dacupuncteurs prfrent utiliser des micro-courants ou des softlasers plutt que les aiguilles traditionnelles. Cest pourquoi le docteur Nogier a dtermin sept frquences pour agir sur les points de commande des mridiens. Nous constatons ici encore que les niveaux daction de ces frquences sont chelonns selon des intervalles doctaves : le point Sortie (73 Hz), frquence la plus basse, correspond la note R octave 1 (73,4 Hz) ; le point Source (146 Hz), renforant la tonification ou la dispersion, correspond la note R2 (146,8 Hz) dans le registre grave ; le point Assentiment (292 Hz), qui a une action dquilibre, de rgulation, correspond la note R3 (294 Hz) dans le registre mdium ; le point Dispersion (584 Hz) qui calme et disperse lexcs dnergie, correspond la note R4 (588 Hz) ; le point Tonification (1068 Hz) correspond loctave 5, le point Hraut ((2536 Hz) loctave 6 et le point Entre (4672 Hz) loctave 7.

    Remarquons laction des diffrents registres : apaisante dans le grave, quilibrante dans le mdium et tonifiante dans laigu. Cest un critre important pour choisir les instruments de musique utiliss dans une uvre ou un fragment programmer en musicothrapie rceptive.

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    La loi de loctave est une formule qui nous permet de mieux comprendre la signification de ce que les anciens appelaient lharmonie universelle. La reconnaissance scientifique de ce lien

  • de connexion entre les sons et les phnomnes priodiques en gnral, constitue la base sur laquelle repose lexplication de laction de la musique sur les tres vivants, mais invite galement mditer sur lunit du macro et du micro cosmos et donc sur la place de ltre humain dans lunivers. Cest pourquoi nous terminerons par une citation de Hermann Hesse (1877-1962), prix Nobel de littrature en 1946, qui crivait dans son livre Das Glasperlenspiel (Le jeu des perles de verre) : Dans lespace dun bref instant, et lors dune vraie contemplation mditative, je remarquais que dans une sonate, chaque passage du majeur au mineur, chaque transformation dun mythe ou dun culte, chaque formulation classique ou artistique ne doit tre rien dautre que le chemin vers le centre du secret du monde, o le sacr se manifeste jamais entre le va-et-vient de linspiration et lexpiration, entre le Ciel et la Terre, entre Yin et Yang.

    Max Mreaux