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- 1 - UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire 2016-2017 Travaux dirigés – 2 ème année Licence Droit FAIT JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN DEUXIEME SEANCE LE DOMMAGE I. PREMIER THEME : LE DOMMAGE REPARABLE Tout dommage causé par une personne à une autre n’est pas nécessairement réparable. La vie en société peut en effet entraîner des dommages ne donnant pas lieu à réparation. On comprend par exemple qu’il faut souffrir les troubles normaux du voisinage, seuls les troubles anormaux pouvant donner lieu à réparation. Dans cette hypothèse, un dommage est donc souffert sans que la victime ait droit à réparation. L’idée, alors, apparaît que certains dommages ne constituent pas des préjudices juridiquement réparables, peu important que moralement ou psychologiquement, la personne ressente un dommage, s’estime victime. Pour être réparable, le dommage invoqué doit être certain, direct mais également légitime. Document 1 : Civ. 2 ème , 22 février 2007, Bull. Civ. II, n° 49 ; RTD civ. 2007, p.572, note P. Jourdain. Contrairement à ce qui existe dans certains droits étrangers, le législateur français n’a pas défini a priori quels étaient les dommages réparables. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de déterminer quels étaient les dommages qui ne devaient pas être réparés. Cela ne veut pas dire pour autant que le législateur se désintéresse de la question. Ainsi, s’agissant de la naissance d’un enfant handicapé, une loi est intervenue afin de briser les solutions de la jurisprudence. L’article 1 er de cette loi a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité qui a été transmise par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel.

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UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire 2016-2017

Travaux dirigés – 2ème année Licence Droit

FAIT JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN

DEUXIEME SEANCE

LE DOMMAGE

I. PREMIER THEME : LE DOMMAGE REPARABLE Tout dommage causé par une personne à une autre n’est pas nécessairement réparable. La vie en

société peut en effet entraîner des dommages ne donnant pas lieu à réparation.

On comprend par exemple qu’il faut souffrir les troubles normaux du voisinage, seuls les troubles

anormaux pouvant donner lieu à réparation. Dans cette hypothèse, un dommage est donc

souffert sans que la victime ait droit à réparation.

L’idée, alors, apparaît que certains dommages ne constituent pas des préjudices juridiquement

réparables, peu important que moralement ou psychologiquement, la personne ressente un

dommage, s’estime victime.

Pour être réparable, le dommage invoqué doit être certain, direct mais également légitime.

Document 1 : Civ. 2ème, 22 février 2007, Bull. Civ. II, n° 49 ; RTD civ. 2007, p.572, note P.

Jourdain.

Contrairement à ce qui existe dans certains droits étrangers, le législateur français n’a pas défini a

priori quels étaient les dommages réparables. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche

de déterminer quels étaient les dommages qui ne devaient pas être réparés.

Cela ne veut pas dire pour autant que le législateur se désintéresse de la question. Ainsi, s’agissant

de la naissance d’un enfant handicapé, une loi est intervenue afin de briser les solutions de la

jurisprudence. L’article 1er de cette loi a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité

qui a été transmise par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel.

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Document 2 : Ass. plén., 17 novembre 2000, Bull. AP, n° 9 ; D. 2001, p. 332, note D. Mazeaud

et P. Jourdain ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, T.II, n° 187.

Document 3 : Art. 1er, I, de la loi du 4 mars 2002, devenu l’art. L. 114-5 du Code de l’action

sociale et des familles.

Document 4 : Civ. 1ère, 24 janvier 2006, Bull. Civ. I, n°31 ; JCP.2006.II.10062 note A.

Gouttenoire et S. Porchy-Simon.

Document 5 : Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010.

II. DEUXIEME THEME : LA DIVERSITE DES DOMMAGES

Les sortes de dommages peuvent être assez diverses dans la mesure où les accidents peuvent être

plus ou moins graves (l’on blesse ou l’on tue ; l’on abîme ou l’on détruit) et où ils peuvent

atteindre des biens ou des personnes (dommage matériel ; purement économique ; corporel :

incapacité de travail, préjudice esthétique, préjudice d’agrément…).

Lorsque le dommage subi cesse d’être corporel ou matériel et revêt un caractère extrapatrimonial,

sa réparation peut susciter des objections, soit d’une manière générale, parce qu’il est alors

singulièrement difficile d’aménager une réparation adéquate, soit de manière plus particulière,

lorsqu’il s’agit d’une douleur morale, car il peut être choquant d’aller en quelque sorte monnayer

ses larmes devant les Tribunaux. A quoi il a été répondu que, de toute façon, et même lorsqu’il ne

s’agit pas de dommage moral, l’octroi de dommages-intérêts tend moins à réparer qu’à

compenser l’irréparable.

Sensible à cette argumentation, la jurisprudence a décidé que le dommage réparable pouvait être

moral.

Document 6 : Georges Ripert, Le prix de la douleur, D. 1948, chron. p. 1 et s.

Document 7 : Ch. mixte 30 avril 1976, (1ère et 2ème espèce) D. 1977, p.185, note M. Contamine-

Raynaud.

Dès lors, la victime peut souffrir aussi bien d’un dommage matériel, économique, corporel ou

moral. Les différents chefs de préjudice donneront lieu à indemnisation.

Le juge, à ce titre, opère une distinction entre les différents chefs de dommages, pour apprécier

l’existence du dommage puis l’évaluer.

La liste des différents chefs de préjudice n’est pas limitative : la jurisprudence n’hésite pas à découvrir de nouveaux préjudices. Ainsi, elle a pu reconnaître l’existence d’un « préjudice spécifique d’anxiété » face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante.

Document 8 : Soc., 11 mai 2010, Bull. V, n° 106.

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Elle a progressivement eu l’occasion d’en affiner le régime :

Document 9 : Civ. 1ère, 3 mars 2015, RDC 2015.473, obs. A. Guégan-Lécuyer.

La possibilité d’obtenir réparation d’un préjudice lié à la crainte ressentie était déjà présente dans

les affaires relatives aux sondes cardiaques.

Document 10 : Civ. 1ère, 19 décembre 2006, pourvoi n° 06-11133.

Plus récemment, l’affaire de l’Erika a conduit à la reconnaissance par la Cour d’appel de Paris,

puis par la Cour de cassation, d’un « préjudice écologique ». Un groupe de travail sur le préjudice

écologique présidé par le Professeur Jegouzo a le 17 septembre 2013, un rapport préconisant

d’inscrire le préjudice écologique dans le Code civil.

Document 11 : Extraits du rapport pour la réparation du préjudice écologique remis au Garde

des Sceaux le 17 septembre 2013.

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité vient de concrétiser

cette proposition en consacrant dans le Code civil une obligation de réparer en nature le préjudice

écologique. C’est là une révolution, car la responsabilité civile ne protège plus les seules atteintes à

la personne et aux biens, mais également les atteintes à l’environnement.

Document 12 : Article 4 VI 1° de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la

biodiversité.

III. TROISIEME THEME : LA DIVERSITE DES VICTIMES

Dès lors que la victime apporte la preuve que le préjudice dont elle se prévaut est direct, certain et

légitime, elle aura droit à réparation.

La qualité de la victime est logiquement sans influence : jeunes ou vieux, hommes ou femmes,

riches ou pauvres ont évidemment et heureusement un même droit à réparation.

Pourtant une difficulté s’est posée à propos des personnes en état de coma ou en état végétatif :

leur situation ne permet pas d’assurer qu’elles souffrent comme si elles étaient conscientes. Faut-il

en tirer argument pour limiter leur droit à réparation ?

Document 13 : Civ. 2ème, 22 février 1995 (2 arrêts) : JCP 1995.II.22570, note Dagorne-Labbé ;

Gaz. Pal. 1996.I.147, note Evadé ; RTD civ. 1995.629, obs. Jourdain ; D.1996.69, note Chartier ;

D. 1995. Somm. 233, obs. D. Mazeaud.

Document 14 : Crim., 26 mars 2013, D., 2013.1064.

On vient de le rappeler : la réparation du dommage est subordonnée au caractère direct de celui-

ci. Mais il ne faut pas en déduire que d’autres personnes que la victime immédiate du dommage

ne peuvent pas, elles aussi, à titre personnel (et non en leur seule qualité éventuelle d’héritiers), se

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prévaloir à l’égard de l’auteur de l’accident des dommages qui en résultent pour elles. Tout en

étant une victime médiate, la personne à charge, par exemple, n’en est pas moins victime, dès lors

que la mort d’un parent la prive de subsides sur lesquels elle pouvait suffisamment compter. Bien

entendu, la difficulté consiste à savoir jusqu’où il convient d’aller dans cette voie.

Longtemps la jurisprudence s’est montrée récalcitrante quand il s’est agi d’admettre le droit à

réparation des victimes « par ricochet ». La résistance de la Chambre civile de la Cour de cassation

se traduisit par l’exigence d’un « lien de droit, de parenté ou d’alliance » entre la victime

immédiate (directe) et la victime par ricochet (médiate). Cela donna lieu à une célèbre divergence

de jurisprudence qui ne prit fin qu’en 1970.

Document 15 : Civ. 27 juillet 1937 et Ch. mixte 27 février 1970, Grands arrêts de la

jurisprudence civile, T.II, n° 185-186.

IV. EXERCICE

Commentez l’arrêt rendu par l’assemblée plénière le 17 novembre 2000 (Document 2).

Quelques rappels de méthode…

Le commentaire d’arrêt a pour objet de commenter une décision de justice, le plus souvent

rendue par la Cour de cassation.

Votre travail doit dans un premier temps consister à reconstituer – sans paraphraser – le

raisonnement de la Cour de cassation (quel raisonnement a-t-elle tenu ? sur quelles règles s’est-

elle fondée ? comment a-t-elle abouti à la solution ?...). Il faut dégager le sens de l’arrêt.

Une fois cette étape achevée, vous devrez, dans un second temps, apprécier la solution retenue.

Apprécier la solution, c’est, d’une part, la comparer avec le droit positif (la solution était-elle déjà

acquise ? est-elle nouvelle ? vient-elle rompre avec une jurisprudence établie ? avec la solution

retenue par une autre chambre de la Cour de cassation ?...). Il faut ici apprécier comment l’arrêt

s’insère dans le droit positif connu et existant, déterminer sa portée.

Apprécier la solution, c’est aussi, d’autre part, s’interroger sur son opportunité : la solution vous

paraît-elle justifiée ? Vous paraît-elle au contraire critiquable ? Quelles en sont les risques ? C’est

alors un jugement sur la valeur de la solution que l’on vous demande.

Une fois ce travail d’analyse effectué, vous devrez le restituer dans un cadre très formalisé. Tout

commentaire d’arrêt obéit en effet à une présentation formelle que vous devrez toujours

respecter.

L’introduction du commentaire d’arrêt comprend plusieurs phases présentées dans un certain

ordre :

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- Une accroche, qui montre immédiatement en une ou deux phrases que vous avez compris

l’intérêt de l’arrêt. Vous devez donc montrer pourquoi la solution est intéressante.

- Les faits, qui doivent impérativement être qualifiés juridiquement (M. X et Mme. Y sont à

bannir du commentaire d’arrêt)

- La procédure

- La solution des juges du fond

- Les arguments du pourvoi

- La question de droit, qui se déduit de la confrontation de la solution retenue par les juges du

fond et des arguments du pourvoi.

- La solution de la Cour de cassation, qui doit être brièvement présentée.

- La justification et l’annonce du plan

Attention : dans l’introduction, vous ne devez restituer que les éléments qui sont en votre

possession. N’inventez pas un déroulement procédural qui n’apparaît pas à la lecture de l’arrêt, ne

supposez pas la solution retenue par les juges de première instance si rien ne vous permet de la

découvrir, ne devinez pas les arguments du pourvoi s’ils ne vous sont pas présentés.

Le plan du commentaire d’arrêt doit se présenter en deux parties (I., II.) et deux sous-parties (A.,

B.). Le cœur de votre commentaire doit se trouver dans les I. B. et II. A., tandis que le I. A doit

être consacré à resituer l’arrêt dans son contexte et que le II. B. peut ouvrir sur les questions qui,

tout en étant liées à l’arrêt, ne sont pas au centre du raisonnement de la Cour de cassation.

La division I. /II. peut parfaitement se déduire de l’arrêt lorsque celui-ci traite de deux questions

distinctes aussi importantes l’une que l’autre, ou encore lorsque l’attendu principal paraît pouvoir

être divisé (principe/exception, domaine/régime…)

Lorsqu’aucune division n’apparaît à la lecture de l’arrêt, il fait alors chercher à ordonner sa

réflexion autour de deux idées. En règle générale, le I. sera alors consacré à l’analyse de la solution

tandis que le II. portera sur l’appréciation de la solution.

Chaque partie et chaque sous-partie devra revêtir un intitulé qualifiant, c’est-à-dire un titre (sans

verbe conjugué) qui permette de se rendre immédiatement compte du contenu de votre

commentaire. Il faut éviter les titres « standards » que l’on pourrait retrouver dans le commentaire

de n’importe quel arrêt (ex : « la portée de l’arrêt » ou « une solution critiquable »).

Cette étape achevée, vous aurez posé les fondations de votre commentaire. Comme pour la

construction d’une maison, c’est le plus important : il n’y a pas de bon commentaire sur des

fondations bancales. Mais il va encore falloir développer votre analyse. Dans ce contexte, il faut

éviter deux écueils opposés. D’une part, le commentaire d’arrêt n’est pas une dissertation : il faut

toujours rattacher vos développements théoriques aux éléments de l’arrêt en prenant soin de

débuter vos sous-parties en partant de l’arrêt. D’autre part, le commentaire d’arrêt n’est pas une

paraphrase de l’arrêt : il faut raisonner, exploiter vos connaissances, mais aussi et surtout laisser

libre cours à votre esprit d’analyse et à votre esprit critique…

C’est à vous !

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Document 1 : Civ. 2ème, 22 février 2007, Bull. Civ. II, n° 49 ; RTD civ. 2007, p.572,

note P. Jourdain.

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : Vu l’article 1382 du code civil ; Attendu qu’une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites; Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... interdit de jeux à sa demande, depuis 1991, a continué à fréquenter le casino de Trouville-sur-Mer, malgré cette interdiction dont il n’a jamais demandé la levée ; que, le 12 avril 2005, il a gagné une somme de 4 000 euros en jouant aux machines à sous ; qu’alors qu’il tentait d’encaisser cette somme par l’intermédiaire d’une tierce personne, le casino, s’apercevant de cette manoeuvre, a refusé de lui payer ses gains ; qu’il a assigné la société du Casino de Trouville-sur-mer (la société) en paiement d’une certaine somme ; que la juridiction de proximité a, par jugement du 1er juillet 2005, ordonné la réouverture des débats pour que les parties produisent toutes pièces pouvant attester de la présence de M. X... au casino de Trouville-sur-Mer dans le courant des années 2002 à 2005 ; que M. X... a versé aux débats des notes d’hôtels qui établissaient sa présence à Trouville-sur-Mer en 2002, 2004 et 2005 ;

Attendu que, pour condamner la société à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts, le jugement retient qu’il est établi par diverses pièces au dossier que M. X... avait séjourné plusieurs fois à Trouville-sur-Mer durant ces dernières années ; que sa présence dans la salle des machines à sous et le fait qu’il ait pu jouer sont révélateurs d’une faute de la société, celle-ci ayant enfreint l’obligation d’interdiction de jeux de certaines personnes qui pesait sur lui ; Qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat de jeu liant M. X... à la société étant nul, celui-ci devait être débouté de sa demande de paiement de son gain, la juridiction de proximité, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a violé le texte susvisé; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 novembre 2005, entre les parties, par la juridiction de proximité de Pont-l’Evêque ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Caen ;

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Document 2 : Ass. plén., 17 novembre 2000, Bull. AP, n° 9 ; D. 2001, p. 332, note D.

Mazeaud et P. Jourdain ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, T.II, n° 187.

Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil; Attendu qu’un arrêt rendu le 17 décembre 1993 par la cour d’appel de Paris a jugé, de première part, que M. Y..., médecin, et le Laboratoire de biologie médicale de Yerres, aux droits duquel est M. A..., avaient commis des fautes contractuelles à l’occasion de recherches d’anticorps de la rubéole chez Mme X... alors qu’elle était enceinte, de deuxième part, que le préjudice de cette dernière, dont l’enfant avait développé de graves séquelles consécutives à une atteinte in utero par la rubéole, devait être réparé dès lors qu’elle avait décidé de recourir à une interruption volontaire de grossesse en cas d’atteinte rubéolique et que les fautes commises lui avaient fait croire à tort qu’elle était immunisée contre cette maladie, de troisième part, que le préjudice de l’enfant n’était pas en relation de causalité avec ces fautes ; que cet arrêt ayant été cassé en sa seule disposition relative au préjudice de l’enfant, l’arrêt attaqué de la Cour de renvoi dit que " l’enfant Nicolas X... ne subit pas un préjudice indemnisable en relation de causalité avec les fautes commises " par des motifs tirés de la circonstance que les séquelles dont il était atteint avaient pour

seule cause la rubéole transmise par sa mère et non ces fautes et qu’il ne pouvait se prévaloir de la décision de ses parents quant à une interruption de grossesse ; Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec Mme X... avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs de l’un et l’autre des pourvois : CASSE ET ANNULE, en son entier, l’arrêt rendu le 5 février 1999, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée

que lors de l’audience du 17 décembre 1993.

Document 3 : Art. 1er, I, de la loi du 4 mars 2002, devenu l’art. L. 114-5 du Code de

l’action sociale et des familles.

I. - Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation.

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Document 4 : Civ. 1ère, 24 janvier 2006, Bull. Civ. I, n° 31 ; JCP.2006.II.10062 note

A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon.

Vu l’article Ier du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ensemble l’article Ier I de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, devenu l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles, les articles 1165 et 1382 du Code civil ; Attendu que Mme X... a donné naissance, le 11 janvier 1996, à une enfant présentant de graves malformations de la colonne vertébrale ; que Mme X... et M. Y..., agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leur fille ont recherché la responsabilité de M. Z..., gynécologue-obstétricien qui avait pratiqué sept échographies ainsi que la réparation de leur préjudice moral et du préjudice subi par l’enfant du fait de son handicap, en faisant valoir que les échographies réalisées par ce praticien auraient dû permettre de diagnostiquer les malformations et d’envisager une interruption de la grossesse ; Attendu que pour décider que M. Z... n’avait pas engagé sa responsabilité à l’égard de l’enfant, l’arrêt attaqué relève que les fautes retenues à l’encontre de ce praticien ne sont pas à l’origine des malformations dont est atteinte l’enfant et qu’il n’existe donc pas de lien de causalité entre ces fautes et le préjudice de cette dernière ; Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin dans l’exécution de son contrat avec Mme X... avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier pouvait, avant l’entrée en vigueur de la loi susvisée, demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ;

Attendu que l’article 1er I de ladite loi, déclarée applicable aux instances en cours, énonce que "nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance, que lorsque la responsabilité d’un professionnel de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice, que ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap et que la compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale" ; Attendu, toutefois, que si une personne peut être privée d’un droit de créance en responsabilité, c’est à la condition, selon l’article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que la loi susvisée, en prohibant l’action de l’enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l’enfant tout au long de la vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap, sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, quand Mme X... et M. Y... pouvaient en l’état de la jurisprudence, applicable avant l’entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur fille serait indemnisée au titre du préjudice résultant de son handicap ; D’où il suit que, ladite loi n’étant pas applicable au présent litige, la cassation est encourue ; PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, (…)

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Document 5 : Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 avril 2010 par le Conseil d’État (décision n° 329290 du 14 avril 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Viviane L. et portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit : ° des premier et troisième alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, ° du 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, […] 1. Considérant qu’aux termes du paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. « La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. « Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. « Les dispositions du présent paragraphe I sont applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation » ; 2. Considérant que les trois premiers alinéas du paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 précité ont été codifiés à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles par le 1 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée ; que le 2 de ce même paragraphe II a repris le dernier alinéa du paragraphe I précité en adaptant sa rédaction ; - SUR LE PREMIER ALINÉA DE L’ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES : 3. Considérant que, selon la requérante, l’interdiction faite à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du fait de sa naissance porterait atteinte au principe selon lequel nul n’ayant le droit de nuire à autrui, un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que cette interdiction, qui prive du droit d’agir en responsabilité l’enfant né handicapé à la suite d’une erreur de diagnostic prénatal, alors que ce droit peut être exercé par un enfant dont le handicap a été directement causé par la faute médicale, entraînerait une différence de traitement contraire à la Constitution ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l’article 61-1 de la Constitution, à l’instar de l’article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

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5. Considérant que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des termes des deux premiers alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles qu’il n’est fait obstacle au droit de l’enfant de demander réparation aux professionnels et établissements de santé que lorsque la faute invoquée a eu pour seul effet de priver sa mère de la faculté d’exercer, en toute connaissance de cause, la liberté d’interrompre sa grossesse ; que ces professionnels et établissements demeurent tenus des conséquences de leur acte fautif dans tous les autres cas ; que, par suite, le premier alinéa de l’article L. 114-5 n’exonère pas les professionnels et établissements de santé de toute responsabilité ; 7. Considérant, en deuxième lieu, qu’après l’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 susvisé, le législateur a estimé que, lorsque la faute d’un professionnel ou d’un établissement de santé a eu pour seul effet de priver la mère de la faculté d’exercer, en toute connaissance de cause, la liberté d’interrompre sa grossesse, l’enfant n’a pas d’intérêt légitime à demander la réparation des conséquences de cette faute ; que, ce faisant, le législateur n’a fait qu’exercer la compétence que lui reconnaît la Constitution sans porter atteinte au principe de responsabilité ou au droit à un recours juridictionnel ; 8. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées ne font obstacle au droit de l’enfant né avec un handicap d’en demander la réparation que dans le cas où la faute invoquée n’est pas à l’origine de ce handicap ; que, dès lors, la différence de traitement instituée ne méconnaît pas le principe d’égalité ; 9. Considérant, par suite, que les griefs dirigés contre le premier alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles doivent être écartés ; - SUR LE TROISIÈME ALINÉA DE L’ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES : 10. Considérant que, selon la requérante, l’exigence d’une faute caractérisée pour que la responsabilité des professionnels et établissements de santé puisse être engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, ainsi que l’exclusion, pour ces parents, du droit de réclamer la réparation du préjudice correspondant aux charges particulières découlant de ce handicap tout au long de la vie porteraient également atteinte au principe de responsabilité ainsi qu’au « droit à réparation intégrale du préjudice » et méconnaîtraient le principe d’égalité ; 11. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en principe, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d’agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu’il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; . En ce qui concerne l’exigence d’une faute caractérisée : 12. Considérant qu’en subordonnant à l’existence d’une faute caractérisée la mise en œuvre de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant

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né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, le législateur a entendu prendre en considération, en l’état des connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au diagnostic médical prénatal ; qu’à cette fin, il a exclu que cette faute puisse être présumée ou déduite de simples présomptions ; que la notion de « faute caractérisée » ne se confond pas avec celle de faute lourde ; que, par suite, eu égard à l’objectif poursuivi, l’atténuation apportée aux conditions dans lesquelles la responsabilité de ces professionnels et établissements peut être engagée n’est pas disproportionnée ; . En ce qui concerne l’exclusion de certains préjudices : 13. Considérant, en premier lieu, que les professionnels et établissements de santé demeurent tenus d’indemniser les parents des préjudices autres que ceux incluant les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap ; que, dès lors, le troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles n’exonère pas les professionnels et établissements de santé de toute responsabilité ; 14. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des travaux parlementaires de la loi du 4 mars 2002 susvisée que les dispositions critiquées tendent à soumettre la prise en charge de toutes les personnes atteintes d’un handicap à un régime qui n’institue de distinction ni en fonction des conditions techniques dans lesquelles le handicap peut être décelé avant la naissance, ni en fonction du choix que la mère aurait pu faire à la suite de ce diagnostic ; qu’en décidant, ainsi, que les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap, ne peuvent constituer un préjudice indemnisable lorsque la faute invoquée n’est pas à l’origine du handicap, le législateur a pris en compte des considérations éthiques et sociales qui relèvent de sa seule appréciation ; 15. Considérant que les dispositions critiquées tendent à répondre aux difficultés rencontrées par les professionnels et établissements de santé pour souscrire une assurance dans des conditions économiques acceptables compte tenu du montant des dommages-intérêts alloués pour réparer intégralement les conséquences du handicap ; qu’en outre, le législateur a notamment pris en compte les conséquences sur les dépenses d’assurance maladie de l’évolution du régime de responsabilité médicale ; que ces dispositions tendent ainsi à garantir l’équilibre financier et la bonne organisation du système de santé ; 16. Considérant, en troisième lieu, que les parents peuvent obtenir l’indemnisation des charges particulières résultant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap lorsque la faute a provoqué directement ce handicap, l’a aggravé ou a empêché de l’atténuer ; qu’ils ne peuvent obtenir une telle indemnisation lorsque le handicap n’a pas été décelé avant la naissance par suite d’une erreur de diagnostic ; que, dès lors, la différence instituée entre les régimes de réparation correspond à une différence tenant à l’origine du handicap; 17. Considérant, en quatrième lieu, que le troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la compensation des charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap relève de la solidarité nationale ; qu’à cette fin, en adoptant la loi du 11 février 2005 susvisée, le législateur a entendu assurer l’effectivité du droit à la compensation des conséquences du handicap quelle que soit son origine ; qu’ainsi, il a notamment instauré la prestation de compensation qui complète le régime d’aide sociale, composé d’allocations forfaitaires, par un dispositif de compensation au moyen d’aides allouées en fonction des besoins de la personne handicapée ; 18. Considérant que, dans ces conditions, la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne revêt pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis ; qu’elle n’est contraire ni au principe de responsabilité, ni au principe d’égalité, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;

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- SUR LE 2 DU PARAGRAPHE II DE L’ARTICLE 2 DE LA LOI DU 11 FEVRIER 2005 SUSVISÉE : 19. Considérant qu’aux termes du 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Les dispositions de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation » ; 20. Considérant que, selon la requérante, l’application immédiate de ce dispositif « aux instances en cours et par voie de conséquence aux faits générateurs antérieurs à son entrée en vigueur » porte atteinte à la sécurité juridique et à la séparation des pouvoirs ; 21.Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; 22. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; 23. Considérant que le paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée est entré en vigueur le 7 mars 2002 ; que le législateur l’a rendu applicable aux instances non jugées de manière irrévocable à cette date ; que ces dispositions sont relatives au droit d’agir en justice de l’enfant né atteint d’un handicap, aux conditions d’engagement de la responsabilité des professionnels et établissements de santé à l’égard des parents, ainsi qu’aux préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée ; que, si les motifs d’intérêt général précités pouvaient justifier que les nouvelles règles fussent rendues applicables aux instances à venir relatives aux situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient, antérieurement à cette date, engagé une procédure en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice ; que, dès lors, le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution, DÉCIDE: Article 1er.- Les premier et troisième alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles sont conformes à la Constitution. Article 2.- Le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est contraire à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

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Document 6 : Georges Ripert, Le prix de la douleur, D. 1948, chron. p. 1 et s.

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Document 7 : Ch. mixte 30 avril 1976, (1ère et 2ème espèce) D. 1977, p.185, note M.

Contamine-Raynaud.

- 1ère espèce :

Vu l’article 1382, du code civil ; ensemble les articles 2, 3 et 10, du code de procedure pénale et les articles 731 et 732, du code civil ; Attendu qu’il résulte de ces textes que toute personne victime d’un dommage, quelle qu’en soit la nature, a droit d’en obtenir réparation de celui qui l’a causé par sa faute ; que le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance physique éprouvee par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers ; Attendu que les epoux y... ont été mortellement bléssés au cours d’un accident de la circulation survenu le 6 septembre 1972 et dont le Petitcorps a été declaré entièrement responsable par la juridiction penale ; que la femme est decédée le 10 octobre 1972, et le mari, le 31 octobre 1972 ; que michel y..., leur fils, a sollicité l’allocation de dommages-intérêts au titre du " préjudice successoral " representé par la souffrance

subie par ses parents entre le jour de l’accident et leur deces ; Attendu que pour rejeter ce chef de la demande de michel y..., l’arrêt attaqué enonce qu’il s’agit d’un " prejudice moral et personnel aux victimes " et que, des lors, ces dernieres n’avaient transmis aucun droit à leur héritier; Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés; Par ces motifs : casse et annule l’arrêt rendu le 4 janvier 1974 par la cour d’appel de Rennes (chambre correctionnelle), mais seulement en ce qu’il a rejété le chef de la demande en dommages-interets de michel y... pour " préjudice successoral " représenté par la souffrance subie par ses parents entre le jour de l’accident et leur décès ;

- 2ème espèce :

Vu l’article 1382 du code civil, ensemble les articles 2, 3 et 10 du code de procédure pénale et les articles 731 et 732 du code civil ; Attendu qu’il résulte de ces textes que toute personne victime d’un dommage, quelle qu’en soit la nature, a droit d’en obtenir l’indemnisation de celui qui l’a cause par sa faute ; que le droit à reparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvee par des parents en raison de la mort de leur fils, victime d’un accident, dont la responsabilité incombe à un tiers, étant né dans leur patrimoine, se transmet à leur décès, à leurs heritiers ; Attendu qu’Alizan a été declaré coupable d’un homicide involontaire commis le 17 janvier 1971 sur la personne de patrick x... par la juridiction penale ; que le père de ce

dernier est décédé le 12 juillet 1972 ; que pour déclarer irrecevable la demande des héritiers du père de patrick x... en ce qu’elle tendait à obtenir l’indemnisation de la souffrance morale qu’il avait subie du fait de la mort accidentelle de son fils, l’arrêt énonce que x... père n’avait introduit aucune action à cette fin avant son décès; attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés; Par ces motifs : casse et annule l’arrêt rendu le 26 octobre 1973 par la cour d’appel de Poitiers (chambre correctionnelle), mais seulement en ce qu’il a declaré irrecevable la demande de dommages-interets formée par les consorts x..., en réparation du préjudice moral causé à leur pere à raison du décès de patrick x...;

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Document 8 : Soc., 11 mai 2010, Bull. V, n° 106.

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et seize autres salariés de la société Ahlstrom ont cessé leur activité professionnelle et présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) en application de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu’ils ont saisi la juridiction prud’homale pour qu’il soit jugé que la rupture du contrat de travail était la conséquence de leur exposition fautive par l’employeur à l’amiante et pour demander la condamnation de la société à leur payer des sommes correspondant à la différence de revenus entre leur salaire et le montant de l’ACAATA ainsi qu’une somme au titre du préjudice d’anxiété ; Sur le troisième moyen : Attendu que la société Ahlstrom fait grief aux arrêts de l’avoir condamnée à verser aux salariés une somme à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété, alors, selon le moyen : 1°/ que l’existence d’un risque non réalisé se confond avec l’anxiété que ce risque peut générer de sorte qu’en allouant une réparation distincte de ce chef, la cour d’appel qui assimile à tort le bénéfice d’une surveillance médicale post-professionnelle facultative à une prétendue «obligation de se plier à des contrôles» et qui ne caractérise pas ainsi l’existence d’un élément objectif distinct de l’angoisse, ne justifie pas légalement sa décision tant au regard de l’article 1147 du code civil que de l’article 81 de la loi du 19 décembre 2005 sur le financement de la sécurité sociale ; 2°/ que si l’anxiété suscitée par l’exposition au risque constituait un trouble psychologique suffisamment caractérisé pour appeler une «réparation spécifique», il ne saurait être pris en charge que dans les conditions prévues par les articles 451-1 et 461-1 et 461-2 du code de la sécurité sociale

; qu’à défaut de la moindre demande formulée par le demandeur au titre d’une quelconque maladie professionnelle, la cour d’appel ne pouvait transférer l’indemnisation d’un tel trouble sur l’entreprise et qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé les textes susvisés ; Mais attendu que, sans méconnaître les dispositions du code de la sécurité sociale visées dans la seconde branche du moyen, la cour d’appel a relevé que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; qu’elle a ainsi caractérisé l’existence d’un préjudice spécifique d’anxiété et légalement justifié sa décision ; Mais sur le premier moyen : Vu l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; Attendu, selon ce texte, qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d’espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l’amiante, qu’une allocation de cessation anticipée d’activité (dite ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparations navales, sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu’ils remplissent certaines conditions ; que le salarié qui est admis au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité présente sa démission à son employeur ; qu’il résulte de ces dispositions que le salarié

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qui a demandé le bénéfice de l’allocation n’est pas fondé à obtenir de l’employeur fautif, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, réparation d’une perte de revenu résultant de la mise en œuvre du dispositif légal ; Attendu que, pour condamner la société Ahlstrom à verser aux salariés une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte d’une chance, l’arrêt retient qu’aux termes des dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive CE n° 89/391 du 12 juillet 1989 concernant la mise en œuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit en assurer l’ effectivité, qu’en l’espèce, il ressort des développements faits ci-dessus qu’en dehors de la situation d’exposition aux risques ayant ouvert le droit à l’ACAATA, les dirigeants de l’usine de Rottersac, en ne mettant pas en œuvre toutes les protections individuelles et collectives préconisées notamment sur les années de 1990 à 1996, n’ont pas exécuté correctement l’obligation

de sécurité qui pesait sur eux, cette violation de leurs obligations étant d’autant plus caractérisée qu’ils ne pouvaient ignorer le danger auquel ils exposaient leurs salariés, que si l’ACAATA par les dispositions législatives qui la créent met obstacle à la perception d’un revenu de complément, en revanche, elle ne peut par elle-même, exonérer l’employeur fautif des conséquences d’une exécution fautive du contrat de travail, que les salariés ont fait le choix de demander la réparation du préjudice que leur causait un départ anticipé à la retraite accompagné d’une diminution de revenus significative, constituant une perte de chance de mener à son terme une carrière professionnelle normale, que ce préjudice est effectivement caractérisé, et l’argumentation de l’employeur soutenant que les salariés ont créé eux-mêmes cette situation et ne peuvent donc en demander réparation ne saurait prospérer ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen : CASSE ET ANNULE, (…)

Document 9 : Civ. 1ère, 3 mars 2015, RDC 2015.473, obs. A. Guégan-Lécuyer.

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M.

X... et trente-trois autres salariés ont été

engagés par la société Stein industries, filiale

de la société Alstom Atlantique, spécialisée

dans la fabrication d'éléments de chaudière,

de centrales énergétiques, d'échangeurs

nucléaires et de parties sous pression ; que le

site implanté à Lys Lez Lannoy a ensuite été

exploité par la société Alstom Power Boilers,

devenue la société Alstom Power Systems ;

que par arrêté du 1er août 2001 ce site a été

classé dans la liste des établissements ayant

fabriqué des matériaux contenant de

l'amiante et susceptibles d'ouvrir droit à

l'allocation de cessation anticipée d'activité

des travailleurs de l'amiante (ACAATA),

pour la période de 1956 à 1997, étendue à

2001 par arrêté du 7 avril 2006 ; que les

salariés ont saisi la juridiction prud'homale

pour obtenir la condamnation de la société

Alstom Power Systems à leur verser diverses

sommes au titre de leurs préjudices

d'anxiété, de bouleversement dans les

conditions d'existence, de perte d'espérance

de vie ; (…)

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail ;

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Attendu que pour allouer aux salariés des

dommages-intérêts en réparation de leur

préjudice lié à la perte d'espérance de vie, les

arrêts retiennent que les intéressés,

particulièrement exposés, voyaient leur

espérance de vie réduite de sorte qu'ils

devaient être indemnisés de ce préjudice qui

englobait notamment le dommage matériel

occasionné par la perte de revenus ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les salariés qui

ont choisi de continuer à travailler ne

subissent pas de perte de revenus et que le

préjudice lié à la perte d'espérance de vie est

réparé par les dommages-intérêts déjà

alloués au titre du préjudice d'anxiété, la cour

d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen propre au pourvoi

n° F 13-21. 838 :

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail,

ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du

23 décembre 1998 ;

Attendu que le salarié, qui a travaillé dans

l'un des établissements mentionnés à l'article

41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998

et figurant sur une liste établie par arrêté

ministériel pendant une période où y étaient

fabriqués ou traités l'amiante ou des

matériaux contenant de l'amiante, et se

trouve, par le fait de l'employeur, dans une

situation d'inquiétude permanente face au

risque de déclaration à tout moment d'une

maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou

non à des contrôles et examens médicaux

réguliers, subit un préjudice spécifique

d'anxiété ; que l'indemnisation accordée au

titre d'un préjudice d'anxiété répare

l'ensemble des troubles psychologiques, y

compris ceux liés au bouleversement dans

les conditions d'existence résultant du risque

de déclaration à tout moment d'une maladie

liée à l'amiante ;

Attendu que pour condamner l'employeur à

verser au salarié une somme à titre de

dommages-intérêts en réparation de son

préjudice résultant du bouleversement dans

ses conditions d'existence, l'arrêt retient qu'il

ressort d'un scanner des poumons effectué

en octobre 2008, que l'intéressé présente des

micronondules nécessitant un suivi médical,

que l'obligation de se soumettre à des

contrôles médicaux réguliers et sérieux

affecte nécessairement l'organisation de la

vie de celui-ci et a un retentissement sur ses

activités ou sur ses projets de vie ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé

les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE,

Document 10 : Civ. 1ère, 19 décembre 2006, pourvoi n° 06-11133.

Attendu que le 23 mars 1992, un stimulateur cardiaque équipé d’une sonde auriculaire de marque Accufix fabriquée par la société Telectronics pacing system (TPLC) a été implanté à Mme X... souffrant d’une insuffisance cardiaque ; que le 1er février 1995, cette sonde, mal positionnée, a été remplacée par une sonde de marque Encor également fabriquée par la société TPLC ; qu’à la suite de ruptures sur certaines sondes

de marque Accufix du fil de rétention susceptibles, en cas de sortie de la gaine de protection, d’entraîner des blessures et parfois un décès et après un retrait du marché de ce type de sonde, Mme X... a sollicité une expertise en référé et recherché la responsabilité de la société TPLC ; Attendu que la cour d’appel a débouté Mme X... de sa demande d’indemnisation d’un

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préjudice moral, sans répondre à ses conclusions invoquant l’existence d’un dommage lié à sa crainte de subir d’autres atteintes graves et à l’impossibilité d’être libérée du risque de rupture présenté également par la sonde de marque Encor et d’envisager ainsi sereinement son existence

et son avenir, méconnaissant ainsi les exigences du texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen : CASSE ET ANNULE, (…)

Document 11 : Extraits du Rapport pour la réparation du préjudice écologique remis au Garde des sceaux le 17 septembre 2013. LA DEFINITION DU PREJUDICE ECOLOGIQUE Certains juges acceptent d’indemniser directement le préjudice écologique pur. En jurisprudence, la réparation du dommage écologique a été « plus ou moins admise dans quelques espèces isolées: à propos des boues rouges en Corse1 ou de la pollution de la baie de Seine2 ». Mais la fixation « d’une indemnité en cas de dommage écologique est toujours très délicate pour le juge.[...] Désormais les juges n’hésitent plus à reconnaître l’existence d’un préjudice écologique3 distinct de tout préjudice matériel ou moral ». Dans l’arrêt ERIKA du 25 septembre 2012, la Cour de cassation reconnaît de manière explicite la notion de préjudice écologique, dans l’acception qui en a été retenue par la cour d’appel (cette dernière ayant reconnu le préjudice écologique pur) : « Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et a ainsi justifié l’allocation des indemnités propres à réparer le préjudice écologique, consistant en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ». Il est précisé que la cour d’appel de Paris avait explicitement qualifié le préjudice écologique de préjudice objectif et l’avait défini précisément en ces termes : « toute atteinte non négligeable à l’environnement naturel, à savoir, notamment, l’air, l’atmosphère, l’eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l’interaction entre ces éléments qui est sans répercussions sur un intérêt humain particulier mais qui affecte un intérêt collectif légitime ». Cependant, comme l’indique le rapport précité du sénateur Alain ANZIANI « en droit, plusieurs personnes entendues ont souligné que l’arrêt de la Cour de cassation méritait une consolidation législative qui, seule, permettrait d’éviter d’éventuels errements ou contradictions de la jurisprudence ». En effet, la Cour de cassation n’a pas tiré toutes les conséquences de cette décision, en ordonnant en quelque sorte la réparation d’un préjudice moral « second » des associations de protection de l’environnement et des collectivités territoriales, évalué de manière identique à leurs préjudices propres alors que le préjudice écologique pur présente un caractère objectif.

1. TGI de Bastia, 8 décembre 1976. 2. CA Rouen, 30 janvier 1984. 3. TGI de Narbonne, 4 octobre 2007 ; TGI Tours, 24 juillet 2008(préjudice subi par une fédération de

pêche du fait d’une usine Seveso).

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A partir de ces données et de ces réflexions, plusieurs options étaient offertes au groupe de travail. La première, retenue par la proposition de loi du sénateur Bruno RETAILLEAU, conduisait à ne pas définir le préjudice écologique pur, en se limitant à en consacrer le caractère réparable. La seconde consistait à reprendre les termes de la LRE mais cela aboutissait à une définition inopportune, dès lors qu’elle était destinée à être intégrée dans le Code civil. Le groupe de travail a donc considéré qu’il était nécessaire à la fois de préciser dans la loi le contenu du préjudice écologique (1) et de mentionner une possible référence à la nomenclature écologique (2). 1. PROPOSITION D’UNE DEFINITION GENERALE DU PREJUDICE ECOLOGIQUE Le groupe de travail propose donc de définir le préjudice écologique comme celui qui résulte d’une atteinte aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement et en excluant explicitement les préjudices individuels et certains préjudices collectifs qui sont réparés selon les modalités du droit commun. La notion d’écosystème est ici privilégiée car elle est, selon les écologues et les économistes, plus pertinente que celle de milieu naturel.

Document 12 : Article 4 VI 1° de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de

la biodiversité.

1° Après le chapitre II du sous-titre II du titre III, il est inséré un chapitre III ainsi

rédigé :

« Chapitre III

« La réparation du préjudice écologique

« Art. 1246.-Toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le

réparer.

« Art. 1247.-Est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice

écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions

des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement.

« Art. 1248.-L'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute

personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l'Etat, l'Agence française pour la

biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est

concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées

depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la

protection de la nature et la défense de l'environnement.

« Art. 1249.-La réparation du préjudice écologique s'effectue par priorité en nature.

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« En cas d'impossibilité de droit ou de fait ou d'insuffisance des mesures de

réparation, le juge condamne le responsable à verser des dommages et intérêts,

affectés à la réparation de l'environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut

prendre les mesures utiles à cette fin, à l'Etat.

« L'évaluation du préjudice tient compte, le cas échéant, des mesures de réparation

déjà intervenues, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre du titre VI du livre

Ier du code de l'environnement.

« Art. 1250.-En cas d'astreinte, celle-ci est liquidée par le juge au profit du

demandeur, qui l'affecte à la réparation de l'environnement ou, si le demandeur ne

peut prendre les mesures utiles à cette fin, au profit de l'Etat, qui l'affecte à cette

même fin.

« Le juge se réserve le pouvoir de la liquider.

« Art. 1251.-Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d'un

dommage, pour éviter son aggravation ou pour en réduire les conséquences

constituent un préjudice réparable.

« Art. 1252.-Indépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi

d'une demande en ce sens par une personne mentionnée à l'article 1248, peut

prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage. »

Document 13 : Civ. 2ème, 22 février 1995 (2 arrêts) : JCP 1995.II.22570, note

Dagorne-Labbé ; Gaz. Pal. 1996.I.147, note Evadé ; RTD civ. 1995.629, obs.

Jourdain ; D.1996.69, note Chartier ; D. 1995. Somm. 233, obs. D. Mazeaud.

- 1ère espèce :

Vu l’article 1382 du Code civil ; Attendu que l’auteur d’un délit ou d’un quasi-délit est tenu à la réparation intégrale du dommage qu’il a causé ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Annick X... qui circulait à bicyclette a été heurtée et blessée par l’automobile de M. Y..., que Mlle Catherine X... agissant tant en son nom qu’en celui de Mme Annick X... sa mère, a assigné M. Y... et son assureur, la compagnie Norwich Union, la caisse primaire d’assurance maladie d’Elbeuf et la société Transport agglomération Elbeuvienne en réparation de son préjudice ; Attendu que pour exclure Mme X... de la réparation de son préjudice personnel l’arrêt relève que, selon l’expert, la victime, réduite

à l’état végétatif, n’est absolument pas apte à ressentir quoi que ce soit qu’il s’agisse d’une douleur, d’un sentiment de diminution du fait d’une disgrâce esthétique ou d’un phénomène de frustration des plaisirs comme des soucis de l’existence ; que la cour d’appel en déduit qu’il n’existe pas la preuve d’un préjudice certain ; Qu’en statuant ainsi, alors que l’état végétatif d’une personne humaine n’excluant aucun chef d’indemnisation son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le préjudice personnel de Mme X..., l’arrêt rendu le 25 juin 1992, entre

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les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient

avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris .

- 2ème espèce :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Colmar, 7 juin 1991 et 15 janvier 1993), que le mineur Eric Z..., qui circulait à bicyclette, a été blessé dans un accident de la circulation par l’autocar que conduisait M. Y..., préposé de la société nouvelle X... (la société) ; que les parents de la victime, tant en leur nom qu’en celui de leur fils, ont assigné ceux-ci en réparation de leur préjudice ; que la Caisse nationale militaire de sécurité sociale militaire a été appelée en déclaration de jugement commun ; Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir indemnisé le préjudice ainsi qu’il l’a fait, alors, selon le moyen, que, d’une part, la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions par lesquelles la société et M. Y... avaient demandé expressément la confirmation du jugement entrepris et soutenu que l’état d’inconscience dans lequel se trouvait la victime ne permettait pas de lui allouer une indemnité dont elle ne tirerait aucun avantage ni amélioration de son état (cf. conclusions d’appel, page 2) et, encore, que l’indemnité de son incapacité permanente partielle reviendrait en l’occurrence à lui verser un salaire dont elle ferait l’économie (cf. conclusions d’appel du 22 mai 1992, page 3) ; que l’arrêt attaqué, qui laisse ces chefs péremptoires sans réponse, a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d’autre part, l’arrêt qui liquide le préjudice corporel de la victime en fonction de son maintien en milieu hospitalier et qui justifie par ailleurs sa décision de mettre en compte une indemnité supplémentaire de 800 000 francs par le fait que l’incapacité permanente partielle a pour but non seulement de réparer les conséquences pécuniaires de la diminution de la capacité physique, mais également les répercussions physiologiques dans la vie

quotidienne réalise un double emploi et a violé ainsi l’article 1382 du Code civil ; alors qu’en outre, la société et M. Y... ayant expressément conclu à la confirmation du jugement entrepris (cf. conclusions d’appel, page 5) du 22 mai 1992, les motifs donnés par le jugement se trouvaient intégrés dans leurs conclusions d’appel et constituaient autant de moyens auxquels la cour d’appel était tenue de répondre ; qu’ainsi, l’arrêt, qui s’abstient de réfuter les motifs suivant lesquels l’état d’inconscience dans lequel se trouvait la victime ne permettait pas, en ce qui concerne le préjudice esthétique et le préjudice d’agrément, de lui allouer une indemnité dont elle ne pouvait tirer aucun avantage ni amélioration de son état (cf. jugement entrepris, page 8 in fine) viole l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu’enfin, l’arrêt, qui alloue réparation d’un préjudice esthétique et d’un préjudice d’agrément dont il n’est nullement établi qu’ils aient été réellement ressentis par la victime, a violé l’article 1382 du Code civil; Mais attendu que l’état végétatif d’une personne humaine n’excluant aucun chef d’indemnisation, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments ; Et attendu que l’arrêt, après avoir relevé l’existence chez la victime de périodes de conscience toute relative même si, par ailleurs, elle reste à l’état purement végétatif, évalue, répondant aux conclusions, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des modalités et du montant de la réparation du dommage, les préjudices esthétique et d’agrément ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

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Document 14 : Crim., 26 mars 2013, D., 2013.1064.

Attendu qu’à la suite de l’accident mortel de

la circulation dont Cassandra X... a été

victime à l’âge de 16 ans, et dont M. Z...,

reconnu coupable d’homicide involontaire, a

été déclaré tenu à réparation intégrale, les

premiers juges ont indemnisé Mme Y..., en

qualité d’héritière de sa fille, du fait, d’une

part, des souffrances physiques et morales

endurées par Cassandra X... avant son décès

du fait de ses blessures ainsi que de la

conscience de l’imminence de sa mort, et,

d’autre part, du préjudice résultant de son

décès prématuré, ce dernier chef étant réparé

par une indemnité égale à celle que la victime

aurait perçue si elle était restée atteinte d’un

déficit fonctionnel total ; que, sur l’appel de

l’assureur du prévenu, la cour d’appel a

réduit l’indemnisation du premier chef et

rejeté la demande du second ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la

violation des articles 1382 et 731 du code

civil, 591 et 593 du code de procédure

pénale, défaut de réponse à conclusions,

défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l’arrêt attaqué, a infirmé le

jugement en ce qu’il avait condamné M. Z...

à verser à Mme Y..., en sa qualité d’héritière

de Mme X..., la somme de 10 000 euros en

réparation du préjudice de la douleur subi

par la victime et a limité la condamnation de

M. Z... au paiement de la somme de 5 000

euros au profit de Mme Y... ;

" aux motifs que, sur la demande fondée sur

le préjudice de la douleur subi par Mme X...,

il est constant que l’indemnisation d’un

dommage n’est pas fonction de la

représentation que s’en fait la victime mais

de sa constatation par les juges et de son

évaluation objective dans la limite de la

demande dont ils sont saisis ; il est acquis en

l’espèce que le décès de la jeune victime n’a

pas été instantané, puisqu’elle a été éjectée

de la voiture lors du choc et que son corps a

été retrouvé plusieurs minutes après par

Mme A..., qui a constaté qu’elle se trouvait

allongée sur le dos avec son bras gauche

désaxé, qui a pris son pouls qui était présent

mais filant, les yeux étant ouverts en

mydriase réactive ; le témoin a en outre

constaté que la blessée émettait un râle et l’a

changé de position, ce qui a entraîné un

crachement de sang ; c’est donc à juste titre,

au vu de ces éléments, que le tribunal a

retenu que l’agonie de la jeune fille avait duré

au moins une dizaine de minutes, que les

derniers moments de sa vie avaient été

particulièrement pénibles et que le principe

de la réparation de la douleur devait être

reconnu ; il convient cependant de limiter

l’appréciation de ce préjudice à la somme de

5 000 euros dans la mesure où la douleur

qu’a pu ressentir la jeune victime, a été

particulièrement brève et très amoindrie par

son absence de conscience provoquée par la

violence du choc ;

" 1) alors que l’auteur d’un délit est tenu à la

réparation intégrale du préjudice qu’il a causé

; que l’état d’inconscience d’une personne

humaine n’excluant aucun chef

d’indemnisation, son préjudice doit être

réparé dans tous ses éléments ; qu’il ressort

des constatations mêmes de l’arrêt que le

décès de Mme X... n’a pas été instantané,

que l’agonie de la jeune fille a duré au moins

une dizaine de minutes et que les derniers

moments de sa vie ont été particulièrement

pénibles ; qu’en affirmant néanmoins, pour

limiter l’indemnisation du préjudice de la

douleur subi par Mme X... à la somme de 5

000 euros, que la douleur avait été amoindrie

par son absence de conscience provoquée

par la violence du choc, la cour d’appel n’a

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pas tiré les conséquences légales qui

s’évinçaient de ses propres constatations ;

" 2) alors que si les juges apprécient

souverainement le préjudice résultant de

l’infraction, il en va autrement lorsque cette

appréciation est déduite de motifs

contradictoires ; que la cour d’appel a limité

la réparation du préjudice né de la douleur

subi par Mme X... à la somme de 5 000

euros au motif que celle-ci avait été

inconsciente à compter du choc violent

causé par l’accident ; que, cependant, elle a

relevé que l’agonie de la jeune fille avait duré

au moins dix bonnes minutes et que les

derniers moments de sa vie avaient été

particulièrement pénibles, ce dont il

s’évinçait que la victime avait été consciente

après l’accident ; qu’en l’état de tels motifs

contradictoires, la cour d’appel n’a pas

légalement justifié sa décision ;

" 3) alors que l’angoisse de l’imminence de la

mort peut apparaître avant le choc causé par

l’accident ; que les consorts X..., Y... et B...

faisaient valoir que Mme X... avait eu

conscience du caractère inéluctable de son

décès bien avant le choc, à savoir au

moment de l’abord du virage et de la perte

de contrôle du véhicule par son conducteur ;

qu’en retenant que la douleur qu’avait pu

ressentir la jeune victime avait été

particulièrement brève et amoindrie par son

absence de conscience provoquée par la

violence du choc, sans rechercher, comme

elle y était invitée, si la victime n’avait pas eu

conscience de l’imminence de sa mort bien

avant le choc, au moment où le conducteur

avait commencé à perdre le contrôle de son

véhicule, la cour d’appel n’a pas légalement

justifié sa décision " ;

Attendu que, pour réduire l’indemnisation

du préjudice subi par la victime entre

l’accident et son décès du fait de ses

blessures et de l’angoisse d’une mort

imminente, l’arrêt retient que l’agonie de la

jeune fille a duré une dizaine de minutes et a

été particulièrement pénible ;

Attendu qu’en statuant ainsi, par des motifs,

procédant de son appréciation souveraine, la

cour d’appel, qui a répondu comme elle le

devait aux chefs péremptoires des

conclusions des parties civiles, a justifié sa

décision ;

(…)

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Document 15 : Civ. 27 juillet 1937 et Ch. mixte 27 février 1970, Grands arrêts de la

jurisprudence civile, T.II, n° 185-186.