UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire...
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UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire 2012-2013
Travaux dirigés – 2ème année Licence Droit
ACTE JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN
PREMIERE SEANCE
LE CONTRAT AU XXIEME SIECLE
I. ORGANISATION DES ENSEIGNEMENTS A. Le cours et les travaux dirigés
Le cours en amphithéâtre et les travaux dirigés forment un tout :
- Le cours est destiné à offrir à l’étudiant un ensemble de connaissances recouvrant
le programme de la matière (en l’espèce l’acte juridique).
- Les travaux dirigés constituent des compléments du cours. Mais cette fois, la
présence est obligatoire. L’assiduité est d’ailleurs un critère de la note finale.
Vous savez désormais que l’une des clés de la réussite – sinon la principale – tient aux
notes que vous aurez en TD. La préparation des séances de TD doit donc être – en
termes d’emploi du temps comme d’investissement intellectuel – votre priorité.
A ce titre, une séance de travaux dirigés ne peut pas être correctement préparée si vous
n’avez pas, au préalable, appris votre cours et compris le thème de la séance. Mais ce n’est
qu’un préalable : le but du TD n’est pas de vérifier que vous avez appris votre cours. Il
s’agit d’approfondir les questions traitées en cours, de raisonner. Vous devez donc, pour
que la séance soit utile, avoir lu et analysé tous les documents qui se trouvent dans la
fiche. Cela vous permettra d’ailleurs d’éviter de mauvaises surprises le jour de l’examen.
Vous devrez également avoir déjà commencé à approfondir les thèmes de la fiche en
allant consulter des notes de jurisprudence ou des articles publiés dans les principales
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revues juridiques. Méfiez vous cependant : conserver votre liberté d’esprit et d’analyse.
Vous ne devez pas recopier ce qui se trouve dans une revue, mais exploiter ce qui s’y
trouve pour vous forger votre propre opinion. En deuxième année, vous devez savoir
raisonner par vous-même, en fonction de considérations techniques (bien fondé d’une
interprétation, portée de la solution par rapport à l’ensemble de la jurisprudence…) mais
aussi de données plus générales (opportunité d’une solution, nécessité d’une réforme,
etc…). Vous êtes désormais des juristes à part entière.
B. Bibliographie indicative
Vous allez avoir besoin d’aller puiser dans des ouvrages. Voici une bibliographie
indicative :
- A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Domat Privé, Montchrestien, 13ème édition,
2012.
- J. CARBONNIER, Droit civil, t. 2, Les biens, Les obligations, PUF, Quadrige, 2004.
- M. FABRE MAGNAN, Droit des obligations, 1 – Contrat et engagement unilatéral, Thémis
droit, PUF, 3ème édition, 2012.
- B. FAGES, Les obligations, L.G.D.J., coll. Manuel, 3ème édition, 2011.
- J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations, tome 1, L’acte juridique, Sirey
Université, 15ème édition, 2012.
- Ch. LARROUMET, Les obligations, le contrat – 1ère partie – conditions de formation, et 2ème partie
– Les effets, Economica, 6ème édition, 2007.
- Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 5ème
édition, 2011.
- Ph. MALINVAUD et D. FENOUILLET, Droit des obligations, Manuel, Litec, 12ème édition,
2012.
- F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 10ème
édition, 2009.
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- H. CAPITANT, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, T. 2, Dalloz, 12ème éd., 2008, par
F. Terré et Y. Lequette.
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II. LA NOTION DE CONTRAT
L’obligation est définie comme un lien de droit entre deux ou plusieurs personnes en
vertu duquel le créancier peut exiger du débiteur une prestation ou une abstention.
L’obligation peut naitre d’un acte ou d’un fait juridique. Il ne sera question, au cours de ce
semestre, que des actes juridiques, ce qui recouvre essentiellement les « contrats ou autres
obligations conventionnelles en général » pour reprendre les termes du Code civil.
Aussi faut-il commencer par préciser ce qu’est un contrat. La notion semble a priori
familière tant l’opération est banale : prendre un taxi, acheter un ticket de métro,
commander un repas, réserver un voyage, c’est, à chaque fois, conclure un contrat.
Pourtant, la notion même de contrat est source de discussion. En témoignent les
controverses autour de la notion de contrat. Pour les uns, c’est la volonté qui explique la
force obligatoire du contrat (conception individualiste et libérale du contrat à laquelle
renvoie la théorie dite de l’autonomie de la volonté). Pour d’autres, c’est la loi qui justifie
que l’accord de volonté produise des effets de droit (conception objective du contrat). La
distinction est fondamentale.
Document 1 : F. Terré, « Le contrat à la fin du XXème siècle », Revue des sciences morales et
politiques, 1995, p. 299 s.
EXERCICE : A la lecture du document, vous essaierez de déterminer quelle conception du
contrat est aujourd’hui retenue et de percevoir les enjeux de la distinction entre ces deux
conceptions du contrat.
III. LES PROJETS DE REFORME DU DROIT DES CONTRATS Le droit des contrats trouve essentiellement sa source dans le Titre III du Livre Troisième
du Code civil, qui n’a pas été profondément remanié depuis son adoption en 1804. La
doctrine ne cesse cependant, depuis quelques années, de stigmatiser une crise du contrat.
Le droit des contrats français ne serait plus adapté à la réalité économique : il serait
devenu archaïque, incertain et peu prévisible. Par suite, les appels à la réforme se
multiplient.
La tendance s’est d’abord manifestée au niveau européen : il se développe en effet, depuis
plusieurs années, un grand mouvement tendant à l’élaboration d’un droit commun des
obligations, qui pourrait conduire à terme à une relative harmonisation du droit des
obligations en général et des contrats en particulier dans les pays faisant partie de l’Union
Européenne.
Trois importants travaux méritent d’être évoqués : les « Principes du droit européen des
contrats », sous l’égide de la « Commission Lando », proposent un ensemble de principes
appelés à régir le droit des contrats. Dans le sillage de la « Commission Lando », une
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« Commission von Bar » prépare un projet de Code civil européen. Parallèlement, un
avant-projet de « Code européen des contrats » a été élaboré par l’Académie des
privatistes européens. Ces différents projets ont suscité des réactions pour le moins
réservées au sein de la doctrine française.
Document 2 : G. Cornu, « Un code civil n’est pas un instrument communautaire », D.,
2002, chron., p. 351 s.
Ils ont en tout état de cause eu le mérite d’attirer l’attention de la doctrine française sur le
vieillissement de notre droit des contrats. En réaction, des projets internes de réforme du
droit des obligations se multiplient aujourd’hui. Après un premier avant-projet de réforme
du droit des obligations et de la prescription rédigé par un groupe d’universitaires placés
sous l’égide du Professeur P. Catala (souvent nommé « l’avant-projet Catala »), l’Académie
des sciences morales et politiques, sous l’égide du Professeur F. Terré, s’est à son tour
saisie de la question pour proposer un projet alternatif de réforme du droit des contrats
(souvent nommé « le projet Terré »). Ces différentes propositions doctrinales ont
contribué à l’élaboration d’un projet de réforme du droit des contrats par la Chancellerie,
qui n’a pas encore abouti.
Document 3 : F. Ancel, « Genèse, sources, esprit, structure et méthode » in La réforme
du droit français des contrats en droit positif, RDC, 2009/1, p. 273 s.
On ne saurait aujourd’hui étudier le droit positif des contrats sans prendre en
considération les propositions formulées par ces différents groupes de travail. Vous
veillerez donc, tout au long du semestre, à observer ce que proposent les différents
projets. Mais il faudra toujours garder à l’esprit qu’il ne s’agit pour l’instant que de
propositions doctrinales dépourvues de toute valeur normative. Ne confondez pas droit
positif et droit prospectif.
IV. LE BOULEVERSEMENT DU DROIT DES CONTRATS
Il n’est guère douteux que notre droit des contrats n’est plus celui du Code civil de 1804.
Il a en effet été profondément bouleversé au XXème siècle par des facteurs économiques,
sociaux ou encore moraux.
Au-delà, on assiste depuis quelques années à un véritable renouvellement du droit des
contrats sous l’influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour
européenne des droits de l’homme. La montée en puissance des normes constitutionnelles
comme conventionnelles bouleverse ainsi en profondeur les sources mais aussi le contenu
du droit des contrats. Le contrat est désormais saisi par les droits fondamentaux. Le
mouvement devrait encore se renforcer avec l’adoption de la question prioritaire de
constitutionnalité.
Document 4 : N. Molfessis, « Le contrat », in L’entreprise et le droit constitutionnel,
RLDA, déc. 2010, suppl. au n° 55, p. 47 s. (extraits)
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Document 5 : Cass. civ. 3ème, 6 mars 1996, Bull. civ. III, n° 60, RTD civ. 1996, p. 580, obs.
J. Hauser, p. 897, obs. J. Mestre et p. 1024, obs. J.-P. Marguenaud.
Document 6 : Cass. civ. 3ème, 18 décembre 2002, Bull. civ. III, n° 262, RTD civ. 2003, p.
290, obs. J. Mestre et B. Fages, p. 382, obs. J.-P. Marguenaud.
Document 7 : Cass. civ. 3ème, 12 juin 2003, Bull. civ. III, n° 125, D., 2003, note Y.
Rouquet, RDC, 2004, p. 231, obs. J. Rochfeld.
Document 8 : Cass. civ. 3ème, 22 mars 2006, Bull. civ. III, n° 73, RDC, 2006, p. 1149, note
J.-B. Seube, RTD civ., 2006, p. 722, obs. J.-P. Marguenaud.
EXERCICE : Commentez l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de
cassation le 22 mars 2006 (Document 7).
Quelques rappels de méthode…
Le commentaire d’arrêt a pour objet de commenter une décision de justice, le plus
souvent rendue par la Cour de cassation.
Votre travail doit dans un premier temps consister à reconstituer – sans paraphraser – le
raisonnement de la Cour de cassation (quel raisonnement a-t-elle tenu ? sur quelles règles
s’est-elle fondée ? comment a-t-elle abouti à la solution ?...). Il faut dégager le sens de
l’arrêt.
Une fois cette étape achevée, vous devrez, dans un second temps, apprécier la solution
retenue. Apprécier la solution, c’est, d’une part, la comparer avec le droit positif (la
solution était-elle déjà acquise ? est-elle nouvelle ? vient-elle rompre avec une
jurisprudence établie ? avec la solution retenue par une autre chambre de la Cour de
cassation ?...). Il faut ici apprécier comment l’arrêt s’insère dans le droit positif connu et
existant, déterminer sa portée.
Apprécier la solution, c’est aussi, d’autre part, s’interroger sur son opportunité : la solution
vous paraît-elle justifiée ? Vous paraît-elle au contraire critiquable ? Quelles en sont les
risques ? C’est alors un jugement sur la valeur de la solution que l’on vous demande.
Une fois ce travail d’analyse effectué, vous devrez le restituer dans un cadre très formalisé.
Tout commentaire d’arrêt obéit en effet à une présentation formelle que vous devrez
toujours respecter.
L’introduction du commentaire d’arrêt comprend plusieurs phases présentées dans un
certain ordre :
- Une accroche, qui montre immédiatement en une ou deux phrases que vous avez
compris l’intérêt de l’arrêt. Vous devez donc montrer pourquoi la solution est
intéressante.
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- Les faits, qui doivent impérativement être qualifiés juridiquement (M. X et Mme. Y
sont à bannir du commentaire d’arrêt)
- La procédure
- La solution des juges du fond
- Les arguments du pourvoi
- La question de droit, qui se déduit de la confrontation de la solution retenue par les juges
du fond et des arguments du pourvoi.
- La solution de la Cour de cassation, qui doit être brièvement présentée.
- La justification et l’annonce du plan
Attention : dans l’introduction, vous ne devez restituer que les éléments qui sont en votre
possession. N’inventez pas un déroulement procédural qui n’apparaît pas à la lecture de
l’arrêt, ne supposez pas la solution retenue par les juges de première instance si rien ne
vous permet de la découvrir, ne devinez pas les arguments du pourvoi s’ils ne vous sont
pas présentés.
Le plan du commentaire d’arrêt doit se présenter en deux parties (I., II.) et deux sous-
parties (A., B.). Le cœur de votre commentaire doit se trouver dans les I. B. et II. A.,
tandis que le I. A doit être consacré à resituer l’arrêt dans son contexte et que le II. B.
peut ouvrir sur les questions qui, tout en étant liées à l’arrêt, ne sont pas au centre du
raisonnement de la Cour de cassation.
La division I. /II. peut parfaitement se déduire de l’arrêt lorsque celui-ci traite de deux
questions distinctes aussi importantes l’une que l’autre, ou encore lorsque l’attendu
principal paraît pouvoir être divisé (principe/exception, domaine/régime…)
Lorsqu’aucune division n’apparaît à la lecture de l’arrêt, il fait alors chercher à ordonner sa
réflexion autour de deux idées. En règle générale, le I. sera alors consacré à l’analyse de la
solution tandis que le II. portera sur l’appréciation de la solution.
Chaque partie et chaque sous-partie devra revêtir un intitulé qualifiant, c’est-à-dire un titre
(sans verbe conjugué) qui permette de se rendre immédiatement compte du contenu de
votre commentaire. Il faut éviter les titres « standards » que l’on pourrait retrouver dans le
commentaire de n’importe quel arrêt (ex : « la portée de l’arrêt » ou « une solution
critiquable »).
Cette étape achevée, vous aurez posé les fondations de votre commentaire. Comme pour
la construction d’une maison, c’est le plus important : il n’y a pas de bon commentaire sur
des fondations bancales. Mais il va encore falloir développer votre analyse. Dans ce
contexte, il faut éviter deux écueils opposés. D’une part, le commentaire d’arrêt n’est pas
une dissertation : il faut toujours rattacher vos développements théoriques aux éléments
de l’arrêt en prenant soin de débuter vos sous-parties en partant de l’arrêt. D’autre part, le
commentaire d’arrêt n’est pas une paraphrase de l’arrêt : il faut raisonner, exploiter vos
connaissances, mais aussi et surtout laisser libre cours à votre esprit d’analyse et à votre
esprit critique… C’est à vous !
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Document 1 : F. Terré, « Le contrat à la fin du XXème siècle », Revue des sciences morales et politiques, 1995, p. 299 s.
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Document 2 : G. Cornu, « Un code civil n’est pas un instrument communautaire »,
D., 2002, chron., p. 351 s.
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Document 3 : F. Ancel, « Genèse, sources, esprit, structure et méthode » in La
réforme du droit français des contrats en droit positif, RDC, 2009/1, p. 273 s.
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Document 4 : N. Molfessis, « Le contrat », in L’entreprise et le droit
constitutionnel, RLDA, déc. 2010, suppl. au n° 55, p. 47 s. (extraits)
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Document 5 : Cass. civ. 3ème, 6 mars 1996, Bull. civ. III, n° 60, RTD civ. 1996, p.
580, obs. J. Hauser, p. 897, obs. J. Mestre et p. 1024, obs. J.-P. Marguenaud.
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu que l’Office public d’aménagement et de construction de la ville de Paris (OPAC) fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 1992) de le débouter de sa demande en résiliation du bail consenti à Mme Mel Z..., pour hébergement de tiers, alors, selon le moyen,
1) que dès lors que le bail stipulait que les locaux ne pouvaient être occupés que par le locataire et ses enfants, ainsi que le relève l’arrêt, les juges du fond ne pouvaient considérer, à défaut d’autres circonstances, que le père des deux derniers enfants de Mme Mel Z... n’était pas un tiers, d’où il suit qu’en statuant comme ils l’ont fait les juges du fond ont violé l’article 1134 du Code civil et, en toute hypothèse, dénaturé les stipulations contractuelles en leur donnant un sens incompatible avec leurs termes ;
2) que dès lors que le bail stipulait que le preneur occupera le logement exclusivement pour son habitation personnelle ou celle de ses enfants, pour ajouter qu’il était interdit au preneur de prendre des initiatives pouvant avoir pour objet ou pour effet de mettre l’Office en présence d’un autre occupant, les juges du fond, en statuant comme ils l’ont fait, ont violé l’article 1134 du Code civil et, en tout cas, dénaturé les termes clairs et précis du bail du 24 mars 1983 ;
3) que si l’hébergement peut être l’exécution d’une obligation alimentaire, il n’a pas été constaté, au cas d’espèce, que Mme Mel Z... ou ses enfants aient été débiteurs alimentaires de M. Y..., de sorte que l’arrêt ne peut être considéré comme légalement justifié au regard des articles 205 à 211 du Code civil ;
4) que faute d’avoir constaté que l’hébergement de Mlle X... était justifié au titre de l’obligation alimentaire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 205 et 211 du Code civil ;
5) que si, en dehors de l’existence d’une obligation alimentaire, le droit à une vie familiale peut autoriser l’hébergement temporaire de tiers, il n’implique pas le droit pour le locataire d’héberger de façon permanente des tiers et ne rend pas illicites les clauses qui interdisent un tel hébergement, d’où il suit que l’arrêt a été rendu en violation des articles 6 et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que les clauses d’un bail d’habitation ne pouvant, en vertu de l’article 8.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avoir pour effet de priver le preneur de la possibilité d’héberger ses proches, la cour d’appel qui, pour écarter l’existence d’un manquement du preneur à ses obligations, a relevé que Mme Mel Z... hébergeait M. Y..., père de ses deux derniers enfants, ainsi que Mlle X..., sa soeur, a, par ces seuls motifs et sans dénaturation, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, REJETTE le pourvoi.
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Document 6 : Cass. civ. 3ème, 18 décembre 2002, Bull. civ. III, n° 262, RTD civ.
2003, p. 290, obs. J. Mestre et B. Fages, p. 382, obs. J.-P. Marguenaud.
Sur le premier moyen :
Vu l’article 1134 du Code civil, ensemble les articles 9-1 et 9-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 6 a et c de la loi du 6 juillet 1989 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2000), rendu en matière de référé, que la Société d’investissement et de gestion de la Caisse centrale de réassurance (SIG de CCR) propriétaire d’une résidence avec trois bâtiments composés d’appartements donnés à bail, a, après avoir avisé les locataires, installé une clôture des lieux, fermant une entrée jusqu’alors restée libre, par un système électrique, avec ouverture par digicode le jour et fermeture totale la nuit, l’accès aux immeubles étant limité à l’autre entrée comportant déjà une ouverture par digicode ou carte magnétique ; que des preneurs ayant fait connaître à la bailleresse que pour des motifs religieux ils ne pouvaient utiliser pendant le sabbat et les fêtes ces systèmes de fermeture, l’ont assignée aux fins de la faire condamner à poser une serrure mécanique à l’entrée de la résidence et à leur remettre des clés pour y accéder ainsi qu’au sas de leur immeuble, équipé lui aussi d’un digicode, avec une serrure mécanique inutilisée ;
Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient qu’au regard de la liberté de culte garantie par la Constitution et des textes supranationaux, le fait pour la bailleresse de refuser l’installation, au moins pour l’un des accès à la résidence d’une serrure mécanique en plus du système électrique et de remettre des clés aux résidents qui en font la demande, leur cause un trouble manifestement illicite ; que les conventions doivent être exécutées de bonne foi, la pose d’une serrure supplémentaire et la confection de clés n’altérant pas l’équilibre du contrat ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les pratiques dictées par les convictions religieuses des preneurs n’entrent pas, sauf convention expresse, dans le champ contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune obligation spécifique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 octobre 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Paris.
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Document 7 : Cass. civ. 3ème, 12 juin 2003, Bull. civ. III, n° 125, D., 2003, note Y.
Rouquet, RDC, 2004, p. 231, obs. J. Rochfeld.
Sur le premier moyen :
Vu l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, et l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 ;
Attendu que toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ; que l’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui, et que le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat ;
Attendu que tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé peut s’en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 30 octobre 2001), que la société Arlatex, preneuse à bail d’un local situé dans un centre commercial, a assigné son bailleur, la société Les Marguerites, en restitution des cotisations qu’elle avait versées au titre de son adhésion à l’association des commerçants du centre en arguant de la nullité de l’article 16 du bail qui oblige le preneur à adhérer à cette association et à maintenir son adhésion pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements successifs ;
Attendu que pour débouter la société Arlatex de sa demande, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le locataire ne peut se soustraire à une obligation conventionnellement acceptée par la signature du bail, cet engagement libre rendant inopérant le moyen tiré de nullité de la clause litigieuse et qu’il n’apparaît pas que le preneur ait de quelque façon été contraint d’adhérer à l’association des commerçants et qu’il n’a depuis cette adhésion jamais sollicité de s’en retirer ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la clause d’un bail commercial faisant obligation au preneur d’adhérer à une association des commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d’une nullité absolue, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 octobre 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes
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Document 8 : Cass. civ. 3ème, 22 mars 2006, Bull. civ. III, n° 73, RDC, 2006, p. 1149, note J.-B. Seube, RTD civ., 2006, p. 722, obs. J.-P. Marguenaud.
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l’article 8-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 23 janvier 2004), que la Société Martiniquaise d’habitations à loyer modéré (SMHLM) a donné en location un appartement à Mme Marie-Josée X... et à M. Y..., le 28 novembre 1980 ; qu’après avoir quitté les lieux, M. Y... a fait assigner Mme Pierrette X..., la fille de sa colocataire, pour obtenir son expulsion et que Mme Marie-Josée X... est intervenue volontairement à l’instance ;
Attendu que pour accueillir cette demande et condamner Mmes Pierrette et Marie-Josée X... au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que Mme Marie-Josée X... est à ce jour cotitulaire du bail, que, sauf enfant mineur, un des cotitulaires ne peut imposer à l’autre la présence d’une tierce personne majeure alors que le bail stipule une clause d’habitation personnelle prohibant toute sous-location, cession et mise à disposition gratuite de l’appartement, et que Mme Marie-Josée X... maintient dans les lieux sa fille majeure dans une situation illicite au regard du bail ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que Mme Pierrette X... avait établi sa résidence chez sa mère qui occupait personnellement le logement et que les clauses d’un bail d’habitation ne peuvent avoir pour effet de priver le preneur de la possibilité d’héberger ses proches, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 janvier 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Fort-de-France.