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- 1 - UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire 2014-2015 Travaux dirigés – 2 ème année Licence Droit ACTE JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN DEUXIEME SEANCE LA PROTECTION DU CONSENTEMENT (I): LES VICES DU CONSENTEMENT I. IDEES GENERALES La présente séance, ainsi que la suivante, portent sur le consentement du contractant. A ce titre, la fiche 2 et la fiche 3 se complètent. L’échange des consentements suffit, dans une approche consensualiste, à la formation du contrat. Encore faut-il que ce consentement ne soit pas vicié. S’il l’est, la loi prévoit que le contrat ne saurait être valable : il ne peut se former dès lors qu’une des volontés a été trompée ou n’a pas été libre (art. 1108 c. civ.). Mais il ne suffit pas d’invoquer, après coup, un vice du consentement pour que la nullité du contrat puisse être obtenue. Alors même qu’ils consacraient une conception subjective du contrat, les rédacteurs du Code civil n’ont en effet pas voulu qu’une quelconque altération du consentement puisse être cause de nullité : admettre que les méprises les plus diverses, tenant à la psychologie et à la personnalité de chaque contractant, puissent être cause de nullité du contrat serait facteur d’une redoutable insécurité juridique. Au surplus, les échanges économiques reposent, par la force des choses et le caractère des êtres, sur les habiletés des uns et les naïvetés des autres, bref sur ce qui fait que l’on choisit de s’engager à certaines conditions plutôt qu’à d’autres. Retenir une conception trop extensive des vices du consentement serait entraver la circulation des biens et des richesses. Aussi bien, les rédacteurs du code civil n’ont retenu que trois vices du consentement : erreur, dol, violence. Les deux premiers sanctionnent l’altération de la lucidité du consentement : le contractant s’est engagé librement, mais sa volonté n’était pas éclairée.

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UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire 2014-2015

Travaux dirigés – 2ème année Licence Droit

ACTE JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN

DEUXIEME SEANCE

LA PROTECTION DU CONSENTEMENT (I): LES VICES DU CONSENTEMENT

I. IDEES GENERALES

La présente séance, ainsi que la suivante, portent sur le consentement du contractant. A ce

titre, la fiche 2 et la fiche 3 se complètent.

L’échange des consentements suffit, dans une approche consensualiste, à la formation du

contrat. Encore faut-il que ce consentement ne soit pas vicié. S’il l’est, la loi prévoit que le

contrat ne saurait être valable : il ne peut se former dès lors qu’une des volontés a été

trompée ou n’a pas été libre (art. 1108 c. civ.). Mais il ne suffit pas d’invoquer, après coup,

un vice du consentement pour que la nullité du contrat puisse être obtenue. Alors même

qu’ils consacraient une conception subjective du contrat, les rédacteurs du Code civil

n’ont en effet pas voulu qu’une quelconque altération du consentement puisse être cause

de nullité : admettre que les méprises les plus diverses, tenant à la psychologie et à la

personnalité de chaque contractant, puissent être cause de nullité du contrat serait facteur

d’une redoutable insécurité juridique. Au surplus, les échanges économiques reposent, par

la force des choses et le caractère des êtres, sur les habiletés des uns et les naïvetés des

autres, bref sur ce qui fait que l’on choisit de s’engager à certaines conditions plutôt qu’à

d’autres. Retenir une conception trop extensive des vices du consentement serait entraver

la circulation des biens et des richesses.

Aussi bien, les rédacteurs du code civil n’ont retenu que trois vices du consentement :

erreur, dol, violence.

Les deux premiers sanctionnent l’altération de la lucidité du consentement : le contractant

s’est engagé librement, mais sa volonté n’était pas éclairée.

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Le troisième sanctionne la contrainte qui a affecté la liberté du consentement : le

contractant ne s’est pas engagé librement mais y a été contraint ; sa volonté n’était pas

libre.

Ces trois vices du consentement correspondent à l’approche classique de la protection du

consentement. On verra que l’approche de la protection du consentement tend à se

renouveler (Séance 3).

II.- L’ERREUR

Le terme d’erreur évoque le fait de se méprendre sur la réalité. Un contractant en est

victime toutes les fois qu’il se trompe sur l’un des éléments qui entrent en considération

dans sa décision de contracter. Dès lors, on comprend que de très nombreuses erreurs

puissent être commises : erreur sur la valeur des prestations (je dépense cinq millions

d’euros pour acquérir cette toile de Matisse car je crois qu’elle les vaut, alors qu’elle n’en

vaut que deux) ; erreur sur la personne avec laquelle on contracte (je choisis de faire

exécuter mon portrait par telle personne, car je crois qu’elle est un peintre de renommée

internationale) ; erreur sur les motifs de mon engagement (j’achète tel appartement à

Paris, car je crois que je vais y poursuivre des études de doctorat de droit). Toutes les

erreurs ne sauraient être cause de nullité, sous peine d’ouvrir grande la voie d’une remise

en cause des engagements conclus.

Selon l’article 1110 du Code civil, « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle

tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet » (al. 1) et « elle n’est point une cause de

nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la

considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention « (al. 2).

Le Code civil stigmatise donc deux types d’erreur l’erreur sur la substance et l’erreur sur la

personne, c’est-à-dire sur l’identité ou sur les qualités essentielles des contractants, lorsque

l’acte est conclu en considération de ceux qui y participent.

A ces deux cas d’erreur, on ajoute l’erreur dite erreur-obstacle, qui consiste en une

altération telle du consentement que les volontés n’ont pas pu se rencontrer et le contrat

valablement se former. Ce qui la caractérise, c’est sa gravité : une des parties s’est trompée

sur la nature même de l’acte – elle croyait acheter un bien alors que l’autre ne voulait que

le louer – ou sur l’objet de l’acte : l’une croyait acheter telle parcelle de terre, l’autre vendre

telle autre parcelle.

Hormis ces trois hypothèses, l’erreur reste indifférente, en ce sens qu’elle n’entraîne pas la

nullité du contrat : c’est le cas lorsque l’erreur ne porte pas sur la qualité substantielle de la

chose ou lorsqu’elle porte sur la personne dans un contrat où sa considération n’est pas

déterminante, lorsqu’elle a trait à la valeur de la chose ou aux motifs non déterminants.

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Document 1 : Com. 11 avril 2012, Bull. Civ. IV, n°77, D. 2012. 1117, obs. X. Delpech;

RTD Com. 2012 p. 381, obs. D. Legeais, et p. 608, obs. B. Bouloc ; JCP, 2012. 1151, obs.

Y.-M. Serinet ; Gaz. Pal., 2 juin 2012, p. 23, obs. C. Houin-Bressand.

Le débat, en ce domaine, a surtout porté sur la question de savoir ce qu’il fallait entendre

par « substance de la chose », dans le cas visé à l’alinéa premier de l’article 1110 c. civ.

Deux conceptions se sont opposées, l’une objective, l’autre subjective. C’est cette dernière

qu’a consacrée la Cour de cassation, puisqu’elle juge que «l’erreur doit être considérée comme

portant sur la substance de la chose lorsqu’elle est de telle nature que sans elle la partie n’aurait pas

contracté ».

Document 2 : Civ.1ère, 5 février 2002, Bull. Civ. I, n° 38 ; JCP 2003. II. 10175, note

Lièvremont.

Moins fondamentale, mais également source de discussions, une autre question s’est

posée consistant à savoir si l’une des parties pouvait invoquer une erreur sur sa propre

prestation. La question fut soulevée dans la célèbre affaire Poussin, la demande

d’annulation du contrat pour erreur ayant été formulée par les vendeurs du tableau.

Au demeurant, cette affaire fameuse soulève bien d’autres questions, en raison des

incertitudes même qui affectent les ventes d’objets d’art. Le vrai et le faux, l’authentique et

la copie, ont des frontières souvent difficiles à tracer et les batailles d’expert viennent

compliquer la recherche de la vérité à partir de laquelle s’apprécie l’erreur. Lorsque le

doute s’insinue sur l’authenticité d’une œuvre d’art, faut-il refouler toute demande visant à

l’annulation du contrat de vente pour erreur ?

Document 3 : Civ. 1ère, 22 février 1978 ; Civ., 1ère, 13 décembre 1983, GAJC, n°147-148.

Document 4 : Civ. 1ère, 24 mars 1987, Bull. Civ. I, n°105 ; D.1987.489, note Aubert.

Document 5 : Civ. 1ère, 30 octobre 2008, Bull. civ. I, n° 246, D., 2009, p. 990, note L.

Mauger-Vielpeau ; Paris, 21 septembre 2010, D., 2011, p. 141, note L. Mauger-Vielpeau ;

Civ. 1ère, 20 octobre 2011, JCP, 2011, 1350, note Y. M. Serinet.

Document 6 : Civ. 1ère, 19 février 2014, pourvoi n°12-14682.

III.- LE DOL

Le dol consiste en une manœuvre provoquée par une personne en vue d’en tromper une

autre. Lorsque le dol est provoqué par une partie dans le but d’induire en erreur son co-

contractant, il s’agit d’un vice du consentement sanctionné par la nullité relative et/ou des

dommages-intérêts.

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Si l’article 1116 du Code civil ne vise que les « manœuvres » d’un contractant, la

jurisprudence a très tôt admis que le silence gardé par un contractant sur un fait qui, s’il

l’avait connu, l’aurait empêché de contracter, pouvait être dolosif.

Document 7 : Civ. 3ème, 2 octobre 1974, Bull. civ. III, n° 330, GAJC, n° 150.

La consécration de la réticence dolosive n’est pourtant pas sans danger : en effet, dès lors

que le dol peut être sanctionné par la nullité indépendamment de la nature de l’erreur qu’il

provoque (et notamment lorsqu’il ne provoque qu’une simple erreur sur la valeur), retenir

une acceptation large de la réticence dolosive pourrait conduire à remettre en cause un

nombre très important de transactions au seul motif qu’elles seraient déséquilibrées. Le

risque est d’alors de porter gravement atteinte à la sécurité juridique.

Dès lors, entre protection de la sécurité juridique et protection de la loyauté, où doit-on

placer le curseur ?

Le débat s’est cristallisé sur l’hypothèse dans laquelle, le vendeur se méprenant par

ignorance sur la valeur du bien vendu, l’acquéreur, sans avoir provoqué l’erreur,

l’exploitait en gardant le silence sur sa valeur réelle.

En ce domaine, après avoir un temps retenu une conception assez large de la réticence

dolosive, la jurisprudence est revenue à plus de rigueur. Elle conditionne désormais la

reconnaissance d’une réticence dolosive à la violation d’une obligation d’information.

Document 8 : Civ. 1ère, 3 mai 2000, JCP, 2000.I.272, obs. G. Loiseau et II.10510, note

Jamin, Defrénois, 2000.1110, obs. D. Mazeaud et Ph. Delebecque, RTD Civ. 200.566, obs. J.

Mestre et B. Fage

Pour le dire autrement, le simple fait de ne pas révéler une information qui aurait conduit

l’autre contractant à ne pas contracter ne suffit pas à constituer une réticence dolosive. Il

faut encore que celui qui a en sa possession une telle information soit tenu d’une

obligation d’en informer son contractant.

Le débat se déplace alors sur le point de savoir quand, au-delà des hypothèses dans

lesquelles la loi le prévoit expressément, un contractant peut-il être tenu d’une telle

obligation d’information ?

Document 9 : Civ. 3ème, 17 janvier 2007, GAJC, n° 151, D. 2007.1051, note D. Mazeaud

et 1054, note Ph. Stoffel-Munck (notes reproduites), JCP, 2007, II, 10042, note C. Jamin,

Defrénois, 2007.443, obs. E. Savaux, RDC, 2007, obs. Y.-M. Laithier, RTD Civ., 2007.335,

obs. J. Mestre et B. Fages.

Document 10 : Cass. com., 27 février 1996, JCP, 1996, II, 22665, obs. J. Ghestin et D.,

1996, 518, note Ph. Malaurie, RTD Civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre.

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Document 11 : Cass. com., 12 mai 2004, RDC, 2004, p. 923, obs. D. Mazeaud, RTD Civ.,

2004, p. 500, obs. J. Mestre.

En réalité, derrière le refus de sanctionner l’exploitation par l’acquéreur de l’erreur du

vendeur sur sa propre prestation, se dessine en creux le refus de la Cour de cassation de

faire jouer à la théorie des vices du consentement un rôle de contrôle objectif de

l’économie du contrat. Elle s’en tient à un contrôle subjectif : la lucidité du consentement

doit avoir été altérée, le seul déséquilibre des prestations ne suffit pas à justifier

l’annulation du contrat. Les vices du consentement ne doivent pas servir de palliatif à la

non admission en droit français de la lésion.

EXERCICES :

1.- Dressez un tableau comparatif de l’erreur et du dol afin de mettre en relief leurs points

de convergence et de divergence.

2.- Commentaire de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le

20 octobre 2011 (Document 5 III).

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Document 1 : Com. 11 avril 2012, Bull. Civ. IV, n°77, D. 2012. 1117, obs. X. Delpech;

RTD Com. 2012 p. 381, obs. D. Legeais, et p. 608, obs. B. Bouloc ; JCP, 2012. 1151,

obs. Y.-M. Serinet ; Gaz. Pal., 2 juin 2012, p. 23, obs. C. Houin-Bressand.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 décembre 2010), que Mme X... a souscrit le 3 juillet 2002, pour financer l'acquisition d'équipements médicaux destinés à l'exercice de son activité d'infirmière libérale deux contrats de crédit-bail auprès de la société BNP Paribas et deux contrats de crédit-bail auprès de la société Lixxbail, ces quatre contrats représentant une charge totale mensuelle de 1 529,82 euros toutes taxes comprises ; que les matériels fournis par la société Formes et performances ont été livrés à Mme X..., qui a signé un procès-verbal de réception ; que cette dernière ayant cessé de payer les loyers à compter du mois de novembre 2003, la société Lixxbail lui a notifié la résiliation des contrats et fait procéder à la saisie des matériels qui ont été revendus pour la somme de 0,18 euro chacun ; que le tribunal d'instance a déclaré recevable l'opposition de Mme X... aux ordonnances d'injonction de payer prononcées à son encontre ; que devant le tribunal de grande instance, Mme X... a demandé l'annulation des contrats de crédit-bail, invoquant une erreur substantielle et recherché subsidiairement la responsabilité du crédit-bailleur pour manquement à ses obligations d'information et de conseil ; Sur le premier moyen : Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation des contrats conclus avec la société Lixxbail, alors, selon le moyen : 1°/ que constitue une qualité essentielle toute caractéristique du bien entrée dans le champ contractuel qui détermine son usage ; qu'en jugeant, pour débouter Mme X... de sa demande de nullité du contrat de crédit-bail que "Mme X... en faisant valoir que la colonne d'électrothérapie et la colonne bilan louées à la société Fores et performances ne répondaient pas à ses besoins dans son activité paramédicale d'infirmière en milieu rural, n'invoque aucune erreur sur les qualités substantielles de ces matériels" sans rechercher si la destination commerciale n'était pas inhérente aux biens donnés à bail et entrée dans le champ contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil ; 2°/ que Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions, que le matériel donné à bail ne pouvait être utilisé que par un médecin ; qu'en se bornant à juger pour débouter Mme X... de sa demande de nullité du contrat de crédit-bail que l'inadéquation du matériel "à ses besoins dans son activité para-médicale d'infirmière en milieu rural" n'était pas une qualité substantielle des biens objet du contrat litigieux, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci n'est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu'une stipulation expresse ne l'ait fait entrer dans le champ contractuel en l'érigeant en condition du contrat ; qu'après avoir énoncé que l'erreur n'est une cause de nullité du contrat que lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles de la chose qui en est l'objet, et que seule l'erreur excusable peut entraîner la nullité d'une convention, l'arrêt retient que Mme X..., en faisant valoir que les équipements litigieux ne répondaient pas à ses besoins dans son activité para-médicale d'infirmière en milieu rural, n'invoque aucune erreur sur les qualités substantielles de ces matériels, mais se borne à constater leur inadéquation à cette activité ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'erreur invoquée par le preneur ne portait pas sur les qualités substantielles des matériels litigieux, mais sur les motifs de leur acquisition, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; […] PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi […]

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Document 2 : Civ.1ère, 5 février 2002, Bull. Civ. I, n° 38 ; JCP 2003. II. 10175, note

Lièvremont.

Attendu que MM. A..., Z..., Y... et B... ont acquis une jument vendue par M. X... lors d’une course dite " à réclamer ", qu’après livraison ils ont su que l’animal était en gestation et ont assigné leur vendeur en annulation de la vente et paiement de dommages-intérêts ; Sur le premier moyen pris en ses trois branches : Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 1999) d’avoir fait droit à leurs demandes alors, selon le moyen : 1° que l’état de gravidité de la pouliche constituait un vice caché ; 2° que dans la vente à réclamer les acquéreurs acceptent un aléa qui s’oppose à toute erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue ; 3° que la cour d’appel s’est abstenue de rechercher si compte tenu de la particularité de l’organisation des ventes à réclamer l’information donnée par le vendeur à l’acquéreur sur l’état gravide de la jument n’était pas de nature à écarter l’annulation de la vente ; Mais attendu d’abord que la cour d’appel a relevé que les acquéreurs avaient eu connaissance de l’état de gestation de la jument postérieurement à la vente et qu’ils avaient eu l’intention d’acquérir une pouliche de course et non une jument de reproduction ; qu’elle a pu ainsi en déduire que leur erreur avait porté, au jour de la vente, sur les qualités substantielles de l’animal vendu, qu’ensuite, la vente à réclamer consistant en l’acquisition d’un cheval juste après le déroulement d’une course ne s’oppose pas à une action en garantie pour vice du consentement, qu’enfin la cour d’appel procédant à la recherche prétendue omise a relevé que les informations données sur l’état de la pouliche avaient été données par le vendeur postérieurement à la vente et que celui-ci avait commis un dol par réticence en n’informant pas les éventuels acquéreurs de l’état de sa jument avant la vente; que le moyen ne peut dès lors être accueilli en aucune de ses branches ; Sur le second moyen pris en ses trois branches : Attendu qu’il est encore fait grief à l’arrêt d’avoir condamné M. X... à payer aux acquéreurs la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1° que la cour d’appel a constaté que le vendeur avait informé l’acquéreur de ce que la jument avait été saillie peu avant la course à réclamer ; 2° que la cour d’appel s’est abstenue d’examiner le fait qu’il était d’usage de faire saillir une jument afin de stabiliser son caractère et de permettre une meilleure utilisation en course ; 3° qu’elle n’a pas constaté la nature et l’étendue du préjudice subi par les acquéreurs ; Mais attendu d’abord que la cour d’appel a relevé que l’information sur la saillie et donc sur la gravidité éventuelle dont se prévalait le vendeur pour réfuter la thèse de l’erreur avait été donnée postérieurement à l’achat de la pouliche, qu’ensuite la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à l’argument tenant à l’usage de faire saillir une jument pour améliorer son caractère, qu’enfin elle a apprécié souverainement le montant du préjudice dont elle a justifié l’existence par l’évaluation qu’elle en a faite, sans être tenue d’en préciser les divers éléments ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ; Par ces motifs, REJETTE le pourvoi.

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Document 3 : Civ. 1ère, 22 février 1978 ; Civ., 1ère, 13 décembre 1983, GAJC, n°147-

148 (affaire du Poussin).

I. Civ. 1ère, 22 février 1978

SUR LE PREMIER MOYEN : VU L’ARTICLE 1110 DU CODE CIVIL ;

ATTENDU QUE, LES EPOUX Z... AYANT CHARGE RHEIMS, COMMISSAIRE-

PRISEUR, DE LA VENTE D’UN TABLEAU ATTRIBUE PAR L’EXPERT X... A

"L’ECOLE DES CARRACHE", LA REUNION DES MUSEES NATIONAUX A

EXERCE SON DROIT DE PREEMPTION, PUIS A PRESENTE LE TABLEAU

COMME UNE OEUVRE ORIGINALE DE NICOLAS Y... ;

QUE LES EPOUX Z... AYANT DEMANDE LA NULLITE DE LA VENTE POUR

ERREUR SUR LA QUALITE SUBSTANTIELLE DE LA CHOSE VENDUE, LA

COUR D’APPEL, ESTIMANT QU’IL N’ETAIT PAS PROUVE QUE LE TABLEAU

LITIGIEUX FUT UNE OEUVRE AUTHENTIQUE DE Y..., ET QU’AINSI

L’ERREUR ALLEGUEE N’ETAIT PAS ETABLIE, A DEBOUTE LES EPOUX Z...

DE LEUR DEMANDE ;

QU’EN STATUANT AINSI, SANS RECHERCHER SI, AU MOMENT DE LA

VENTE, LE CONSENTEMENT DES VENDEURS N’AVAIT PAS ETE VICIE PAR

LEUR CONVICTION ERRONEE QUE LE TABLEAU NE POUVAIT PAS ETRE

UNE OEUVRE DE NICOLAS Y..., LA COUR D’APPEL N’A PAS DONNE DE

BASE LEGALE A SA DECISION ;

PAR CES MOTIFS, ET SANS QU’IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND

MOYEN : CASSE ET ANNULE EN SON ENTIER L’ARRET RENDU ENTRE LES

PARTIES LE 2 FEVRIER 1976 PAR LA COUR D’APPEL DE PARIS.

II. Civ. 1ère, 13 décembre 1983

SUR LE MOYEN UNIQUE : VU L’ARTICLE 1110 DU CODE CIVIL ;

ATTENDU QUE LES EPOUX C... ONT FAIT VENDRE AUX ENCHERES

PUBLIQUES, PAR LE MINISTERE DE MM MAURICE A..., PHILIPPE A... ET

RENE X..., UN TABLEAU QUE LEUR TRADITION FAMILIALE DONNAIT

COMME ETANT DU AU PINCEAU DE NICOLAS Z... MAIS QUI VENAIT

D’ETRE ATTRIBUE A L’ECOLE DES CARRACHE PAR L’EXPERT ROBERT Y...

AUQUEL LES COMMISSAIRES-PRISEURS S’ETAIENT ADRESSES, DE TELLE

SORTE QU’IL A ETE INSCRIT COMME TEL AU CATALOGUE DE LA VENTE

AVEC L’ASSENTIMENT DE SES PROPRIETAIRES ET QU’IL A ETE ADJUGE

POUR 2200 FRANCS LE 21 FEVRIER 1968 ;

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QUE LA REUNION DES MUSEES NATIONAUX A EXERCE SON DROIT DE

PREEMPTION, PUIS A EXPOSE LE TABLEAU COMME UNE OEUVRE

ORIGINALE DE M Z... ;

QUE, LES EPOUX C... AYANT DEMANDE LA NULLITE DE LA VENTE POUR

ERREUR SUR LA QUALITE SUBSTANTIELLE DE LA CHOSE VENDUE, LA

COUR D’APPEL, STATUANT SUR RENVOI APRES CASSATION D’UN

PRECEDENT ARRET, A REJETE CETTE DEMANDE AUX MOTIFS QUE, SI

LES EPOUX C... "ONT BIEN EU , AU MOMENT DE LA VENTE, LA

CONVICTION ( ) QUE LE TABLEAU LITIGIEUX NE POUVAIT PAS ETRE UNE

OEUVRE DE NICOLAS Z...", NI L’AFFECTATION DE CE TABLEAU AU

LOUVRE COMME ETANT DE M Z..., PAR ARRETE DU 20 MARS 1968, NI

L’ARTICLE DE M B... DANS LA REVUE DU LOUVRE, PARU EN 1969, NI

L’EXPOSITION DE L’OEUVRE AU LOUVRE SOUS LE NOM DE Z...

"N’IMPLIQUENT ET NE CONTIENNENT EN FAIT AUCUN ELEMENT

D’APPRECIATION DE L’ORIGINE DE L’OEUVRE QUI SOIT ANTERIEUR A

LA VENTE, OU CONCOMITANT, ET SUSCEPTIBLE COMME TEL D’INFLUER

SUR LE CONSENTEMENT DES VENDEURS S’IL AVAIT ETE CONNU D’EUX

OU DE LEURS MANDATAIRES DES CE MOMENT";

QUE, DE MEME, LA REUNION DES MUSEES NATIONAUX AYANT FAIT

OBSERVER POUR SA DEFENSE QU’EN DEFINITIVE, ET MALGRE SON

PROPRE COMPORTEMENT APRES L’ACQUISITION DU TABLEAU, IL N’Y A

PAS DE CERTITUDE ABSOLUE SUR L’ORIGINE DE L’OEUVRE, LA COUR

D’APPEL A DECLARE "QU’IL N’IMPORTE ( ) QUE LA REUNION DES MUSEES

NATIONAUX AIT MAINTENU - OU PAR LA SUITE CORRIGE - SON OPINION

SUR L’ATTRIBUTION DU TABLEAU A M Z..., L’ERREUR DEVANT ETRE

APPRECIEE AU JOUR DE LA VENTE";

ATTENDU QU’EN STATUANT AINSI, ET EN DENIANT AUX EPOUX C... LE

DROIT DE SE SERVIR D’ELEMENTS D’APPRECIATION POSTERIEURS A LA

VENTE POUR PROUVER L’EXISTENCE D’UNE ERREUR DE LEUR PART AU

MOMENT DE LA VENTE, LA COUR D’APPEL A VIOLE LE TEXTE SUSVISE;

ET ATTENDU QUE LA DEPENDANCE NECESSAIRE EXISTANT ENTRE LA

QUESTION DE LA VALIDITE DE LA VENTE ET CELLE DE LA

RESPONSABILITE DES COMMISSAIRES-PRISEURS ET DE L’EXPERT

ENTRAINE PAR VOIE DE CONSEQUENCE, EN APPRECIATION DE

L’ARTICLE 624 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LA

CASSATION DE LA DISPOSITION DE L’ARRET ATTAQUE CONCERNANT LA

RESPONSABILITE DE CEUX-CI ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L’ARRET RENDU LE 1ER FEVRIER

1982, ENTRE LES PARTIES, PAR LA COUR D’APPEL D’AMIENS.

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Document 4 : Civ. 1ère, 24 mars 1987, Bull. Civ. I, n° 105 ; D.1987.489, note Aubert.

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que, selon les juges du fond, Jean, André Vincent, depuis lors décédé, a vendu en

1933 aux enchères publiques, comme étant " attribué à Fragonard ", un tableau intitulé Le

Verrou ; que, l’authenticité du tableau ayant été ultérieurement reconnue, l’arrêt

confirmatif attaqué a refusé d’annuler cette vente, pour erreur, à la demande des héritiers

de Jean, André Vincent ;

Attendu que ceux-ci reprochent à la cour d’appel (Paris, 12 juin 1985) de s’être déterminée

au motif essentiel que l’expression " attribué à.... " laisse planer un doute sur l’authenticité

de l’oeuvre mais n’en exclut pas la possibilité ; qu’ils soutiennent, d’une part, qu’en

s’attachant seulement à déterminer le sens objectif de la mention " attribué à.... " et en

s’abstenant de rechercher quelle était la conviction du vendeur, alors que leurs

conclusions faisaient valoir qu’il était persuadé, à la suite des avis formels des experts, que

l’authenticité de l’oeuvre était exclue, la cour d’appel a violé à la fois les articles 1110 du

Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu’il est, d’autre part, prétendu

qu’en toute hypothèse, le vendeur commet une erreur quand il vend sous l’empire de la

conviction que l’authenticité est discutable, alors qu’elle est en réalité certaine et que tout

aléa à ce sujet est inexistant ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte des énonciations souveraines du jugement

confirmé " qu’en vendant ou en achetant, en 1933, une oeuvre attribuée à Fragonard, les

contractants ont accepté un aléa sur l’authenticité de l’oeuvre, que les héritiers de Jean-

André Vincent ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que leur auteur a consenti à

la vente de son tableau sous l’empire d’une conviction erronée quant à l’auteur de celui-ci

" ; que le moyen, en sa première branche, ne peut dès lors être accueilli ;

Et attendu, en second lieu, que, ainsi accepté de part et d’autre, l’aléa sur l’authenticité de

l’oeuvre avait été dans le champ contractuel ; qu’en conséquence, aucune des deux parties

ne pouvait alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et

notamment pas le vendeur ni ses ayants-cause en cas d’authenticité devenue certaine ; que

le moyen doit donc être entièrement écarté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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Document 5 : Civ. 1ère, 30 octobre 2008, Bull. civ. I, n° 246, D., 2009, p. 990, note L.

Mauger-Vielpeau ; Paris, 21 septembre 2010, D., 2011, p. 141, note L. Mauger-

Vielpeau ; Civ. 1ère, 20 octobre 2011, JCP, 2011, 1350, note Y. M. Serinet (affaire de

la commode Boulle).

I. Civ. 1ère, 30 octobre 2008

Vu l’article 2, alinéa 2, du décret n° 81-255 du 3 mars 1981 tel que modifié par décret du

19 juillet 2001, ensemble l’article 1110 du code civil ;

Attendu que lors d’une vente aux enchères publiques organisée, le 14 décembre 2004, par

la société Daguerre et dirigée par M. X..., commissaire-priseur, assisté de M. Y..., expert,

les époux François Z... ont été déclarés adjudicataires, au prix de 1 204 347,20 euros, d’un

meuble mis en vente par la fondation des arts graphiques et plastiques (FAGP) et

présenté au catalogue sous les mentions suivantes : "table à écrire en marqueterie Boulle

et placage ébène. Elle s’ouvre à deux tiroirs sur les côtés et repose sur des pieds fuselés.

Riche ornementation de bronze ciselé et doré à décor masques rayonnants, rosaces, frises

de fleurs et de feuilles, sabots feuillagés. Estampillé C.I. Dufour et J.M.E., époque Louis

XVI (accidents et restaurations) H.79 cm. L.93 cm. P.63 cm", mise à prix 60/80 000 euros

; qu’ayant découvert que le meuble avait été transformé au XIX° siècle et non simplement

restauré, les époux Z... ont poursuivi l’annulation de la vente pour erreur sur la substance

et recherché la responsabilité du commissaire-priseur et de l’expert ;

Attendu que pour débouter les acquéreurs de leurs demandes, l’arrêt retient qu’il résulte

du rapport d’expertise, non critiqué, que malgré les restaurations et réparations

intervenues un siècle plus tard, le meuble doit être considéré comme étant de l’époque

Louis XVI, n’ayant pas été reconstitué au XIX° siècle mais seulement réparé pour en

consolider les parties les plus faibles sans que ces interventions remettent en cause son

authenticité ; qu’en mentionnant que le meuble est d’époque Louis XVI, qu’il est signé de

Dufour et qu’il a subi des "accidents" et des "restaurations" le catalogue est conforme à la

réalité ; que les époux Z... "férus de ventes d’objets d’art" et assistés de leur expert

personnel ne pouvaient se méprendre sur la portée de ces mentions et sur la réelle qualité

du meuble alors d’autant plus que la mise à prix était modeste ; qu’ils invoquent en vain le

fait qu’ils n’auraient pas été tenus informés des transformations postérieures au XVIII°

siècle, celles-ci n’ayant été révélées que par recours au démontage complet du meuble

auquel ni le commissaire-priseur ni l’expert qui l’assistait ne pouvait procéder ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait par ailleurs que la table avait été transformée

au XIX° siècle à l’aide de certaines pièces fabriquées à cette époque, qu’il s’agisse

d’éléments des pieds, des chants des tiroirs, du placage du plateau du dessus et de certains

bronzes, de sorte que les mentions du catalogue par leur insuffisance, n’étaient pas

conformes à la réalité et avaient entraîné la conviction erronée et excusable des acquéreurs

que bien que réparé et accidenté ce meuble n’avait subi aucune transformation depuis

l’époque Louis XVI de référence, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS (…) CASSE ET ANNULE (…)

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II. Paris, 21 septembre 2010

Considérant que, le 14 décembre 2001, M. François Pinault et Mme Maryvonne Campbell,

son épouse, ont acquis, au cours d’une vente aux enchères publiques, pour le prix de 7

900 000 francs (1 204 347,20 €), une table à écrire présentée dans le catalogue de la vente

sous le numéro 120 comme étant « en marqueterie Boulle et placage d’ébène. Elle ouvre à deux

tiroirs sur les côtés et repose sur des pieds fuselés. Riche ornementation de bronze ciselé et doré à décor de

masques rayonnants, rosaces, frises de fleurs et feuilles, sabots feuillagés. Estampillée CJ. Dufour et JME

Epoque Louis XVI (accidents et restaurations) ... » et estimée entre 60 000 et 80 000 francs ;

que, faisant valoir qu’ils n’avaient acquis la table à ce prix qu’en considération de sa

facture prestigieuse et qu’ils ont découvert a posteriori qu’elle avait été reconstituée à partir

d’éléments postérieurs, M. et Mme Pinault ont sollicité l’annulation de la vente pour erreur

sur les qualités substantielles ou pour vice caché, recherché la responsabilité de la

Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, venderesse, de la société Daguerre,

organisatrice de la vente, de M. Paul Renaud, commissaire-priseur, et de M. Benoît

Derouineau, expert, qui ont procédé ou apporté leur concours à la vente ; qu’à ces fins,

M. et Mme Pinault ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 13

octobre 2005, les a déboutés de leurs demandes, condamnés à payer à la Fondation

nationale des arts graphiques et plastiques la somme de 1 204 347,20 € (7 900 000 francs)

augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d’adjudication, à M Renaud la

somme de 129 635,94 € (850 356 francs) à titre d’émoluments, frais et taxe sur la valeur

ajoutée, ensemble a condamné la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques à

payer à M. Renaud la somme de 144 521,66 € (948 000 francs) à titre d’émoluments, frais

et taxe sur la valeur ajoutée, et encore a condamné M. et Mme Pinault à verser à chacun de

leurs adversaires la somme de 4 000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de

procédure civile et à supporter les dépens ; que, par arrêt du 12 juin 2007, la Cour a

confirmé le jugement et condamné M. et Mme Pinault payer une somme de 7 000 € à

chacun des intimés et à supporter les dépens ; que, par arrêt du 30 octobre 2008, la Cour

de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l’arrêt prononcé par la Cour

d’appel et renvoyé la cause et les parties devant la Cour autrement composée au motif

qu’en considérant que « le meuble doit être considéré comme étant de l’époque Louis XVI, n’ayant

pas été reconstitué au XIXe siècle mais seulement réparé pour en consolider les parties les plus faibles sans

que ces interventions remettent en cause son authenticité » alors qu’elle « constatait par ailleurs que la

table avait été transformée au XIXe siècle à l’aide de certaines pièces fabriquées à cette époque... de sorte

que les mentions du catalogue par leur insuffisance, n’étaient pas conformes à la réalité... », la Cour a

violé l’article 2, alinéa 2, du décret du .3 mars 1981 modifié par le décret du 19 juillet 2001

et l’article 1110 du code civil ;

(…)

Considérant qu’en vertu de l’article 1110, alinéa 1er, du code civil, « l’erreur n’est une cause de

nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet » ; qu’il

s’infère de ce texte qu’il appartient à l’acheteur arguant de son erreur d’établir le caractère,

pour lui substantiel, des qualités qu’il n’a pas trouvées dans l’objet acheté ; qu’en d’autre

termes, il convient d’imposer à celui qui excipe d’une erreur sur la substance de la chose

vendue l’obligation de justifier de son véritable état d’esprit au moment du contrat et de

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faire clairement ressortir qu’il avait en vue, dans la chose acquise, telles ou telles qualités

objectives qui, formant la cause impulsive de sa volonté, ont déterminé son consentement

; qu’à cet égard, l’époque ou l’ancienneté des œuvres d’art sont généralement considérées

comme des qualités substantielles ; qu’en vertu de l’article 2 du décret du 3 mars 1981 tel

que modifié par le décret du 19 juillet 2001, « la dénomination d’une œuvre d’art ou d’un objet,

lorsqu’elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une

époque, garantit l’acheteur que cette œuvre ou cet objet a été effectivement produit au cours de la période de

référence » ; que « lorsqu’une ou plusieurs parties de l’œuvre ou objet sont de fabrication postérieure,

l’acquéreur doit en être informé » ;

Considérant qu’en l’espèce, la table à écrire en marqueterie Boulle acquise par M. et Mme

Pinault est décrite au catalogue de la vente « Daguerre » du 14 décembre 2001 ainsi qu’il est

dit en tête du présent arrêt; qu’il convient d’ajouter qu’après divers renseignements sur

Charles-Joseph Dufour, la notice descriptive du meuble contient la mention suivante : «

On retrouve les masques rayonnants dans Nouveaux deisseins de Meubles et Ouvrages de

Bronze et de Marqueterie inventés et gravés par André Charles Boulle oublié par Mariette

vers 1707, planche III, sur une écritoire de cabinet qui porte deux chandeliers » ;

Considérant qu’en son rapport d’expertise dressé le 15 juillet 2003, M. Jean-Paul Jouan

commence par noter que « à la réception de la table en mon atelier ... j’ai pu me rendre compte

qu’elle correspondait bien à la description du lot 120 du catalogue (table à écrire estampillée C. J. Dufour

et J.M.E. Epoque Louis XVI, accidents et restaurations) et du procès-verbal de la vente aux enchères

publiques du 14 décembre 2001 à l’Hôtel Drouot par Maître Paul Renaud, commissaire-priseur (table à

écrire, estampille Dufour, maques, en l’état) » ; que, « ce n’est qu’une fois démontée et après lui avoir fait

subir un examen minutieux entrainant des recherches approfondies sur la fabrication de cette table, que

j’ai pu établir le rapport suivant sur sa construction au 18e siècle et sa transformation au 19e siècle à la

suite d’accidents ou de remise au goût du jour, ce qui s’est souvent pratiqué au fil du temps et des modes »

; que, « sans avoir pratiqué le démontage et les recherches décrites ici, il aurait été pratiquement impossible

de dire que cette table a été transformée au 19e siècle » ; que l’examen de la table, pratiqué par

l’expert, fait apparaître que, produite au XIXe siècle, elle est authentique et conçue pour

mettre en valeur des éléments de marqueterie Boulle d’époque Louis XIV et que la

construction de la ceinture de table, des deux tiroirs et du plateau témoignent d’une

ébénisterie de qualité dans des bois de choix du XVIIIe siècle ; que les serrures sont de

bonne qualité, tout comme la marqueterie dont les divers éléments ont assurément été

montés à l’époque de Louis XVI ; qu’en revanche, l’expert relève que le chant des tiroirs

est plaqué d’ébène mince effectué au moyen d’un « sciage mécanique, travail du 19e siècle » ;

que, sur la devanture d’un tiroir, il existe des traces de colle « moderne » provenant d’un «

bricolage maison » et, à l’intérieur, une garniture de velours datant du 19e siècle ; que, de

même, les pieds et leur assemblage témoignent d’un travail grossier qui, relevant d’un «

bricolage », prouve la « transformation » intervenue au XIXe siècle ; que certains bronzes

datent du XIXe siècle et que tous ont été dorés à cette époque, au cours de laquelle le

plateau a été remanié ; qu’en définitive, l’expert est d’avis que la table, qui est en partie du

XVIIIe siècle, présente des manques, des restaurations et une transformation ;

Considérant que, si, in fine, l’expert, opère une distinction entre les éléments du meuble qui

ont été restaurés et ceux qui, selon lui, ont été transformés, il ne s’explique pas plus

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amplement sur cette distinction alors que, d’une part, il a expressément constaté que la

table correspondait à la description du catalogue qui mentionne des « accidents et

restaurations » et que, d’autre part, tout en affirmant que la « transformation » était destinée à

réparer des accidents ou à remettre le meuble au goût du jour, il se réfère aux notions de «

remaniement » en ce qui concerne le plateau et de « montage au 19e siècle » en ce qui concerne

l’assemblage de chaque pied et des bagues et sabots des pieds en n’expliquant point si ce

qu’il regarde finalement comme des « transformations » a modifié ou altéré la forme et le

style originels du meuble ;

Considérant qu’au regard des dispositions de l’article 2 du décret du 3 mars 1981 modifié

par le décret du 19 juillet 2001, la description de la table à écrire, telle qu’elle figure au

catalogue, ne supporte pas la critique dès lors qu’il est exactement indiqué que la

marqueterie Boulle orne une table à écrire estampillée C. J. Dufour et J.M.E., d’époque

Louis XVI, et que ce meuble a subi des « accidents et restaurations », cette mention, exprimée

au pluriel, devant être comprise comme faisant état d’accidents et de restaurations

survenus nécessairement au XIXe siècle puisque la fin de l’époque Louis XVI coïncide,

sur le plan artistique, avec les dernières années du XVIIIe siècle ; qu’en outre, il convient

de souligner que les dispositions susvisées sont applicables lorsque la dénomination d’une

œuvre est « uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une

époque » alors que, comme il est dit ci-avant, la mention « époque Louis XVI » est suivie d’un

avertissement destiné à attirer l’attention d’éventuels acquéreurs sur l’existence d’accidents

et de restaurations qui ne pouvaient être plus amplement décrits, le commissaire-priseur et

l’expert de la vente n’étant pas autorisés à démonter le meuble ; que la dénomination de

l’œuvre et la référence à la période historique portées au catalogue sont donc exactes ;

Considérant qu’au regard des dispositions de l’article 1110 du code civil, M. et Mme

Pinault ne démontrent aucunement qu’ils ont consenti à la vente en considération de la

seule intégrité matérielle de la table prise en son entier et avec la volonté d’acquérir un

meuble conservé dans son état d’origine et que formaient, pour eux, les qualités

substantielles de la chose, non seulement son authenticité mais également l’absence de

toute altération ; que, comme il est dit ci-avant, la notice descriptive du meuble était

assortie de la mention « accidents et restaurations », suffisamment explicite, tout comme

l’expression « en l’état » prononcée par le commissaire-priseur lors de la vente ; que cette

circonstance et la modicité de l’estimation étaient propres à introduire un aléa dans le

champ contractuel et à éveiller l’attention de M. et de Mme Pinault qui ne démontrent pas

que leur seule attente était d’acquérir un meuble restauré par des artistes qui ont « appliqué

les mêmes techniques et utilisé les mêmes matériaux que l’ébéniste ayant construit le meuble » ;

Considérant qu’il ressort tant du catalogue de la vente, que du rapport d’expertise que la

marqueterie Boulle, la circonstance qu’elle a été installée sur un meuble authentiquement

de l’époque Louis XVI et estampillé C. J. Dufour et la présence de « masques rayonnants »

constituaient l’originalité de l’œuvre ; qu’en réalité, M. et Mme Pinault, qui ne prouvent pas

avoir fait d’une prétendue intégrité de la table l’élément déterminant de leur

consentement, se sont décidés à l’acquérir en raison de la qualité et de l’authenticité de la

marqueterie, du renom d’André-Charles Boulle, de l’estampille de Charles-Joseph Dufour

et de l’origine du meuble qui provenait de la collection de la baronne Salomon de

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Rotschild ; qu’il y a également lieu de relever que, lors de la même vente, M. et Mme

Pinault, qui assistés d’un expert choisi par eux, ont notamment acquis, moyennant le prix

de 270 000 francs, le lot n° 105 consistant en un socle en marqueterie Boulle estimé

60/80 000 francs et le lot n° 116 qui consistait en un « Bureau Mazarin en marqueterie Boulle

... Fin de l’époque Louis XIV (accidents et manques) » au prix de 1 400 000 francs pour une

mise à prix de 150/180 000 francs de sorte qu’il est démontré qu’amateurs éclairés, ils

étaient fortement attirés par l’acquisition d’œuvres authentiques de Boulle et, dans une

moindre mesure, de C. J. Dufour ; que, M. et Mme Pinault, qui ont acheté l’œuvre en

considération de ses auteurs, André-Charles Boulle et Charles-Joseph Dufour, et de son

authenticité, ne sont donc pas fondés à exciper d’une prétendue erreur sur les qualités

substantielles de la chose vendue ;

III. Civ. 1ère, 20 octobre 2011

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2010), rendu sur renvoi après cassation

(1re Civ. 31 octobre 2008, Bull. n° 246), que lors d’une vente aux enchères publiques

organisée, le 14 décembre 2004, par la société Daguerre et dirigée par M. X...,

commissaire-priseur, assisté de M. Y..., expert, les époux Z... ont été déclarés

adjudicataires, au prix de 1 204 347,20 euros, d’un meuble mis en vente par la Fondation

nationale des arts graphiques et plastiques (FAGP) et présenté au catalogue sous les

mentions suivantes : "table à écrire en marqueterie Boulle et placage ébène. Elle s’ouvre à

deux tiroirs sur les côtés et repose sur des pieds fuselés. Riche ornementation de bronze

ciselé et doré à décor masques rayonnants, rosaces, frises de fleurs et de feuilles, sabots

feuillagés. Estampillé C.I. B... et J.M.E., époque Louis XVI (accidents et restaurations)

H.79 cm. L.93 cm. P.63 cm, mise à prix 60/80 000 francs" ; que soutenant avoir

découvert que le meuble avait été transformé au XIXe siècle et non simplement restauré,

les époux Z... ont poursuivi l’annulation de la vente et recherché la responsabilité du

commissaire-priseur et de l’expert ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt confirmatif d’avoir rejeté cette demande, alors, selon le

moyen :

1°/ que lorsque le catalogue fait suivre la dénomination d’un objet de la référence à une

époque, il garantit l’acheteur que celui-ci a été effectivement produit au cours de la

période de référence et lorsqu’une ou plusieurs parties de l’objet sont de fabrication

postérieure, l’acquéreur doit en être informé ; que la cour d’appel a rappelé que la table

était décrite avec la mention "Epoque Louis XVI (accidents et restaurations)" puis

constaté que l’expert était d’avis que la table était seulement "en partie du XVIIIe siècle"

dans la mesure où "le chant des tiroirs était plaqué d’ébène mince effectué au moyen d’un

sciage mécanique, travail du 19e siècle", que la devanture d’un tiroir présentait des traces

de "colle moderne", que la garniture de velours datait du 19e siècle, que "les pieds et leur

assemblage témoignaient d’un travail grossier qui, relevant d’un bricolage, prouvait la

transformation intervenue au 19e siècle", que "certains bronzes dataient du 19e siècle et

que tous ont été dorés à cette époque, au cours de laquelle le plateau a été remanié" ;

qu’en décidant cependant que "la dénomination de l’œuvre et la référence à la période

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historique portées au catalogue étaient exactes" la cour d’appel a méconnu les

conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 2 du décret du

3 mars 1981 tel que modifié par décret du 19 juillet 2001 et 1110 du code civil ;

(…)

5°/ que l’inexactitude ou l’insuffisance des mentions du catalogue suffit à provoquer

l’erreur de l’acheteur et justifie l’annulation de la vente ; qu’après avoir constaté que

l’expert était d’avis que la table était seulement "en partie du XVIIIe siècle" dans la

mesure où elle avait été transformée au 19e siècle à l’aide de certaines pièces fabriquées à

cette époque s’agissant notamment du chant des tiroirs, des pieds, du placage du plateau

et de certains bronzes, la cour d’appel ne pouvait rejeter la demande de nullité de la vente

au motif inopérant que les acquéreurs n’avaient pas prouvé avoir fait de l’intégrité de la

table l’élément déterminant de leur consentement, sans violer les articles 2 du décret du 3

mars 1981 tel que modifié par décret du 19 juillet 2001 et 1110 du code civil ;

6°/ que l’inexactitude ou l’insuffisance des mentions du catalogue suffit à provoquer

l’erreur de l’acheteur et justifie l’annulation de la vente ; qu’en déboutant les époux Z... de

leur action en nullité de la vente au motif inopérant que "la modicité de l’estimation était

propre à introduire un aléa dans le champ contractuel et à éveiller l’attention de M. et

Mme Z...", la cour d’appel a violé les articles 2 du décret du 3 mars 1981 tel que modifié

par décret du 19 juillet 2001 et 1110 du code civil ;

7°/ que la qualité "d’amateur éclairé" n’est pas de nature à rendre l’erreur inexcusable ;

qu’ayant retenu, pour débouter les époux Z... de leur action en nullité de la vente, que ces

derniers étaient des "amateurs éclairés" et qu’en conséquence, ils n’étaient "pas fondés à

exciper d’une prétendue erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue", la cour

d’appel a violé l’article 1110 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir constaté que l’installation de la marqueterie incontestée

Boulle sur ce meuble d’époque Louis XVI et l’estampille C.I. B... constituaient son

originalité, la cour d’appel a estimé que les époux Z... s’en étaient portés acquéreurs en

considération de ces éléments, comme de la provenance du meuble issu de la collection

Salomon de Rothschild ; que ces constatations et appréciations souveraines suffisent à

justifier légalement la décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

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Document 6 : Civ. 1ère, 19 février 2014, pourvoi n°12-14682.

Attendu que lors d'une vente aux enchères publiques organisée, le 7 décembre 2002, par Mme X..., commissaire-priseur, assistée de M. Y..., expert, la société Galerie d'art Milmo Penny Fine Art Ltd (la Galerie) s'est portée adjudicataire d'un tableau de Julien Ernest Léon Sonnier intitulé « Soir de Pardon dans la baie d'Audierne, Finistère », propriété de M. A... ; que prétendant avoir été induite en erreur par l'expert de la vente qui, sur la demande expresse d'un rapport sur l'état de conservation du tableau, lui avait assuré que celui-ci était en « très bon état » alors qu'il présentait une tache au dos et de nombreux repeints ainsi que le confirmait l'expertise judiciaire, la Galerie a poursuivie la nullité de cette vente pour erreur sur la substance et sollicité outre la restitution du prix de vente, paiement de dommages-intérêts ; que statuant sur renvoi après cassation, (1° Civ, 25 juin 2009, pourvoi n° 08-11. 226), la cour d'appel a rejeté ces demandes ; Sur le premier moyen : Vu les articles L. 321-4, alinéa 2, et L. 321-31, alinéa 2, du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1109 et 1110 du code civil ; Attendu que pour rejeter la demande en nullité de la vente, l'arrêt énonce que le vendeur qui n'a jamais présenté personnellement la toile comme étant « en très bon état », laquelle était visible à l'hôtel des ventes avant que les potentiels acquéreurs ne portent les enchères, ne saurait être tenu pour responsable de l'indication erronée donnée sur ce point par l'expert ; Qu'en statuant ainsi, quand les informations délivrées par l'expert qui assistait le commissaire-priseur, mandataire du vendeur, à qui la vente aux enchères publiques était confiée, engageaient ce dernier à l'égard de l'acquéreur qui s'était porté adjudicataire dans la croyance erronée que le tableau était en très bon état de conservation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Sur le second moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 1382 du code civil ; Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts formée à l'encontre du commissaire priseur, l'arrêt relève que la description du tableau figurant dans la gazette de l'Hôtel Drouot du 29 novembre 2002 ne comportant aucune autre indication sur le tableau que l'identité du peintre, la nature de la peinture et les dimensions de la toile, il ne saurait être reproché au commissaire-priseur d'avoir commis une faute dans la mission de vendre le tableau aux enchères publiques qu'il avait reçue puisqu'il n'a personnellement, à aucun moment, présenté le tableau qui était visible par toute personne intéressée avant la vente publique, comme état en très bon état ; Qu'en statuant ainsi, alors que le commissaire-priseur, organisateur de la vente répond des agissements de l'expert dont il s'est adjoint les services, la cour d'appel qui a relevé que ce dernier avait commis une faute en indiquant de façon erronée à la Galerie, antérieurement à la vente, que le tableau était en « très bon état », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ; Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 1382 du code civil ;

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Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée à l'encontre du commissaire-priseur et de l'expert, l'arrêt énonce que l'acheteur n'a subi aucun préjudice faute de démontrer que l'état du tableau l'aurait empêché de le vendre dans sa Galerie compte tenu des exigences de sa clientèle ; Qu'en statuant ainsi, quand le préjudice de la Galerie, fût-il uniquement moral, s'inférait des informations erronées que lui avait données l'expert et qui l'avaient conduite à se porter adjudicataire sur la croyance erronée de ce que l'œuvre était en bon état, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, (…)

Document 7 : Civ. 3ème, 2 octobre 1974, Bull. civ. III, n° 330, GAJC, n° 150.

ATTENDU QU’IL RESSORT DES ENONCIATIONS DE L’ARRET ATTAQUE QUE,

PAR ACTE SOUS SEING PRIVE DU 6 OCTOBRE 1970, MARCEL JACOB X... COMME

MANDATAIRE DES EPOUX PAUL A..., A ACHETE A GOUTAILLER ET A DAME Y...

SON EX-EPOUSE, UNE MAISON D’HABITATION ET UN TERRAIN, POUR LE PRIX

DE 95 000 FRANCS SUR LEQUEL IL A VERSE UN ACCOMPTE DE 10 000 FRANCS ;

QUE CET ACCORD, CONCLU NOTAMMENT SOUS LA CONDITION SUSPENSIVE

DE L’OCTROI PAR UN ORGANISME FINANCIER D’UN PRET DE 60 000 FRANCS

AUX EPOUX PAUL A..., DEVAIT ETRE REITERE PAR ACTE NOTARIE AU PLUS

TARD LE 1ER DECEMBRE 1970 ;

QU’IL ETAIT STIPULE QUE LESDITS EPOUX C... LES SERVITUDES PASSIVES DE

TOUTE NATURE POUVANT GREVER LES BIENS VENDUS ET QU’EN CAS DE

DEFAILLANCE DES ACQUEREURS, LES VENDEURS AURAIENT LA FACULTE

D’EXIGER LA REALISATION DE LA VENTE OU DE CONSERVER L’ACOMPTE A

TITRE DE DEDIT ;

QUE LE 22 AVRIL 1971, MARCEL A... FAISAIT CONNAITRE AU NOTAIRE QUE LE

PRET ENVISAGE N’AVAIT PU ETRE OBTENU ET QUE, VENANT D’APPRENDRE

LA PROCHAINE INSTALLATION D’UNE PORCHERIE DE 400 PORCS A CENT

METRES DE LA MAISON, ALORS QUE, S’IL EN AVAIT ETE INFORME, SON Z...

PAUL N’EUT JAMAIS ACCEPTE D’ACHETER UNE TELLE MAISON DE CAMPAGNE

EN RAISON DES INCONVENIENTS ET DES ODEURS, NOTAMMENT EN PLEIN ETE

AU MOMENT DES VACANCES, IL RENONCAIT A SON ACQUISITION ;

QUE CE DESACCORD AYANT PERSISTE ENTRE ACQUEREURS ET VENDEURS,

CES DERNIERS ONT VENDU LA MAISON ET LE TERRAIN A UN TIERS AU PRIX

DE 80 000 FRANCS ;

QUE L’ARRET ATTAQUE A CONDAMNE GOUTAILLER ET DAME Y... A

RESTITUER AUX EPOUX PAUL JACOB B... DE 10 000 FRANCS ;

ATTENDU QU’IL EST FAIT GRIEF AUDIT ARRET D’AVOIR, AU MOTIF D’UNE

RETICENCE DOLOSIVE DES VENDEURS, ECARTE L’APPLICATION DE LA

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CLAUSE DE NON-GARANTIE DES SERVITUDES PASSIVES INSEREE AU

CONTRAT, ALORS, SELON LES DEMANDEURS AU POURVOI, QU’AUCUN

ELEMENT INTENTIONNEL N’A ETE RELEVE A L’ENCONTRE DES VENDEURS,

QUE LA RETICENCE NON ACCOMPAGNEE DE MANOEUVRES DESTINEES A

INDUIRE LE COCONTRACTANT EN ERREUR N’EST PAS CONSTITUTIVE DU DOL

AU SENS DE L’ARTICLE 1116 DU CODE CIVIL, LA CONNAISSANCE PAR LE

VENDEUR DE LA CREATION REGULIERE DE LA PORCHERIE N’IMPLIQUANT NI

L’EXISTENCE DE CES MANOEUVRES NI L’IGNORANCE DE L’ACQUEREUR,

D’AUTANT QUE CETTE PORCHERIE SUR UN TERRAIN VOISIN NE CONSTITUE

PAS UNE SERVITUDE ET N’AFFECTE PAS UNE QUALITE SUBSTANTIELLE DE

L’IMMEUBLE VENDU, QU’EN OUTRE EN S’ABSTENANT DE SE PRONONCER SUR

LE POINT DE SAVOIR SI LES EPOUX A... SE SERAIENT PORTES ACQUEREURS EN

CONNAISSANCE DE LA SITUATION, LES JUGES DU FOND N’ONT PAS

RECHERCHE SI LE COMPORTEMENT IMPUTE AU VENDEUR AVAIT ETE LA

CAUSE DETERMINANTE DE LA SIGNATURE DE L’ACTE ET N’ONT PAS ETABLI

LE RAPPORT DE CAUSALITE ENTRE LA PRETENDUE RETICENCE DOLOSIVE DU

VENDEUR ET LE CONSENTEMENT DES ACQUEREURS ;

QU’IL EST ENCORE REPROCHE A L’ARRET D’AVOIR REFUSE D’APPLIQUER LA

CLAUSE DU CONTRAT QUI, EN CAS DE DEFAILLANCE DES ACQUEREURS,

DONNAIT AUX VENDEURS LA FACULTE DE CONSERVER A TITRE DE DEDIT

L’ACOMPTE VERSE, ALORS, SELON LE POURVOI, QU’AUX TERMES DE LA

PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE SOUS CONDITION SUSPENSIVE, IL

ETAIT EXPRESSEMENT PREVU QUE LES ACQUEREURS PRENDRAIENT LES

IMMEUBLES VENDUS DANS LEUR ETAT ACTUEL ET SUPPORTERAIENT LES

SERVITUDES PASSIVES DE TOUTE NATURE POUVANT GREVER CES

IMMEUBLES ET QUE, SI LA DEFAILLANCE PROVENAIT DES ACQUEREURS, LES

VENDEURS AURAIENT LE CHOIX, SOIT D’EXIGER LA REALISATION DE LA

VENTE, SOIT DE CONSERVER A TITRE DE DEDIT L’ACOMPTE VERSE ;

MAIS ATTENDU QUE LE DOL PEUT ETRE CONSTITUE PAR LE SILENCE D’UNE

PARTIE DISSIMULANT A SON COCONTRACTANT UN FAIT QUI, S’IL AVAIT ETE

CONNU DE LUI, L’AURAIT EMPECHE DE CONTRACTER ;

QUE, DES LORS QU’ELLE A DETERMINE LE CONSENTEMENT DU

COCONTRACTANT, L’ERREUR PROVOQUEE PAR LE DOL PEUT ETRE PRISE EN

CONSIDERATION, MEME SI ELLE NE PORTE PAS SUR LA SUBSTANCE DE LA

CHOSE QUI FAIT L’OBJET DU CONTRAT ;

ATTENDU QUE LA COUR D’APPEL RELEVE QUE DES QU’IL A ETE INFORME DE

LA PROTESTATION DES ACQUEREURS FAISANT ETAT DE LA CREATION DE LA

PORCHERIE, GOUTAILLER, LOIN D’INVOQUER SA PROPRE IGNORANCE, A

INDIQUE LA DATE DE L’ARRETE PREFECTORAL AYANT AUTORISE CETTE

CREATION ET S’EST CONTENTE DE PRETENDRE QUE A... "ETAIT CENSE EN

CONNAITRE L’EXISTENCE" ET AVAIT ACCEPTE DE SUPPORTER TOUTES LES

SERVITUDES PASSIVES GREVANT LES BIENS VENDUS ;

QUE CONNAISSANT LE PROJET DE CREATION DE CET ETABLISSEMENT

INCOMMODE ET INSALUBRE, QUI ALLAIT NECESSAIREMENT CAUSER DES

TROUBLES GRAVES DANS LA JOUISSANCE D’UNE MAISON DE CAMPAGNE

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SITUEE A PROXIMITE IMMEDIATE, GOUTAILLER A NON SEULEMENT GARDE LE

SILENCE DEVANT SON ACQUEREUR MAIS A PRIS SOIN D’IMPOSER, LORS DE LA

CONCLUSION DE LA CONVENTION DU 6 OCTOBRE 1970, L’INSERTION D’UNE

CLAUSE DE NON-GARANTIE QUI PRENAIT TOUTE SA VALEUR "DANS LA

CIRCONSTANCE QU’IL ETAIT LE SEUL A CONNAITRE" ;

ATTENDU QUE, DE CES CONSTATATIONS, LES JUGES D’APPEL ONT PU, SANS

ENCOURIR LES CRITIQUES FORMULEES PAR LE POURVOI, DEDUIRE QUE LA

RETICENCE DU VENDEUR PRESENTAIT UN CARACTERE DOLOSIF ET QU’ELLE

AVAIT INDUIT LES ACQUEREURS, CITADINS A LA RECHERCHE D’UNE MAISON

DE CAMPAGNE, EN ERREUR SUR UN ELEMENT DETERMINANT DE LEUR

CONSENTEMENT ;

QUE CE VICE DU CONSENTEMENT AFFECTANT LA VALIDITE DU CONTRAT,

C’EST A BON DROIT QU’A ETE REFUSE AUX VENDEURS LE BENEFICE DES

CLAUSES DUDIT CONTRAT DONT ILS PERSISTAIENT A SE PREVALOIR POUR

TENTER DE SE GARANTIR DES CONSEQUENCES DE LEUR PROPRE RETICENCE

ET POUR CONSERVER L’ACOMPTE VERSE PAR LES VICTIMES DE LEUR

COMPORTEMENT DOLOSIF ;

D’OU IL SUIT QUE LA COUR D’APPEL AYANT PAR LES SEULS MOTIFS PRECITES

LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION, LES MOYENS NE SONT PAS FONDES ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L’ARRET RENDU LE

1ER MARS 1973, PAR LA COUR D’APPEL DE RIOM.

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Document 8 : Civ. 1ère, 3 mai 2000, JCP, 2000.I.272, obs. G. Loiseau et II.10510,

note Jamin, Defrénois, 2000.1110, obs. D. Mazeaud et Ph. Delebecque, RTD Civ.

200.566, obs. J. Mestre et B. Fage

Vu l’article 1116 du Code civil ;

Attendu qu’en 1986, Mme Y... a vendu aux enchères publiques cinquante photographies

de X... au prix de 1 000 francs chacune ; qu’en 1989, elle a retrouvé l’acquéreur, M. Z..., et

lui a vendu successivement trente-cinq photographies, puis cinquante autres

photographies de X..., au même prix qu’elle avait fixé ; que l’information pénale du chef

d’escroquerie, ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de Mme Y..., qui

avait appris que M. X... était un photographe de très grande notoriété, a été close par une

ordonnance de non-lieu ; que Mme Y... a alors assigné son acheteur en nullité des ventes

pour dol ;

Attendu que pour condamner M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 1 915 000 francs

représentant la restitution en valeur des photographies vendues lors des ventes de gré à

gré de 1989, après déduction du prix de vente de 85 000 francs encaissé par Mme Y...,

l’arrêt attaqué, après avoir relevé qu’avant de conclure avec Mme Y... les ventes de 1989,

M. Z... avait déjà vendu des photographies de X... qu’il avait achetées aux enchères

publiques à des prix sans rapport avec leur prix d’achat, retient qu’il savait donc qu’en

achetant de nouvelles photographies au prix de 1 000 francs l’unité, il contractait à un prix

dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l’art, manquant ainsi à

l’obligation de contracter de bonne foi qui pèse sur tout contractant et que, par sa

réticence à lui faire connaître la valeur exacte des photographies, M. Z... a incité Mme Y...

à conclure une vente qu’elle n’aurait pas envisagée dans ces conditions ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’aucune obligation d’information ne pesait sur

l’acheteur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le

5 décembre 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en

conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,

pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

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Document 9 : Civ. 3ème, 17 janvier 2007, GAJC, n° 151, D. 2007.1051, note D.

Mazeaud et 1054, note Ph. Stoffel-Munck (notes reproduites), JCP, 2007, II, 10042,

note C. Jamin, Defrénois, 2007.443, obs. E. Savaux, RDC, 2007, obs. Y.-M.

Laithier, RTD Civ., 2007.335, obs. J. Mestre et B. Fages.

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Document 10 : Cass. com., 27 février 1996, JCP, 1996, II, 22665, obs. J. Ghestin et

D., 1996, 518, note Ph. Malaurie, RTD Civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 1994), que le 27 septembre 1989, Mme X... a vendu à M. Bernard Vilgrain, président de la société Compagnie française commerciale et financière (société CFCF), et, par l’intermédiaire de celui-ci, à qui elle avait demandé de rechercher un acquéreur, à MM. Francis Z..., Pierre Z... et Guy Y... (les consorts Z...), pour qui il s’est porté fort, 3 321 actions de ladite société pour le prix de 3 000 francs par action, étant stipulé que, dans l’hypothèse où les consorts Z... céderaient l’ensemble des actions de la société CFCF dont ils étaient propriétaires avant le 31 décembre 1991, 50 % du montant excédant le prix unitaire de 3 500 francs lui serait reversé ; que 4 jours plus tard les consorts Z... ont cédé leur participation dans la société CFCF à la société Bouygues pour le prix de 8 800 francs par action ; que prétendant son consentement vicié par un dol, Mme X... a assigné les consorts Z... en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné, à raison d’une réticence dolosive, à payer à Mme X..., une somme de 10 461 151 francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1989 alors, selon le pourvoi,

d’une part, que, si l’obligation d’informer pesant sur le cessionnaire, et que postule la réticence dolosive, concerne les éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la valeur des parts, que ces éléments soient relatifs aux parts elles-mêmes ou aux actifs et aux passifs des sociétés en cause, elle ne peut porter, en revanche, sur les dispositions prises par le cessionnaire pour céder à un tiers les actions dont il est par ailleurs titulaire ; d’où il suit que l’arrêt attaqué a été rendu en violation de l’article 1382 du Code civil, s’il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l’article 1116 du Code civil, s’il faut attacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

alors, d’autre part, que le fait à le supposer établi pour le cessionnaire de s’abstenir d’offrir au cédant de s’associer à lui, dans la négociation qu’il a parallèlement entreprise, pour céder à un tiers ses propres titres, est étranger, par hypothèse, à l’obligation d’informer, et donc à la réticence dolosive, qui n’a pour objet que de sanctionner l’inexécution de l’obligation d’informer pesant sur le cessionnaire ; d’où il suit que l’arrêt attaqué a été rendu en violation de l’article 1382 du Code civil s’il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l’article 1116 du Code civil, s’il faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

alors, en outre, que le cessionnaire est libre d’offrir ou de ne pas offrir au cédant, de s’associer à une négociation qu’il a entreprise pour la cession à un tiers des titres qu’il détient d’ores et déjà dans le capital de la société en cause ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l’article 1134 du Code civil, ensemble le principe de la liberté de contracter ; alors, au surplus, que l’obligation d’informer, que sanctionne la réticence dolosive, suppose premièrement, que le créancier de l’obligation n’ait pas été informé, deuxièmement qu’il n’ait pas eu l’obligation de son côté de mettre en œuvre certains moyens d’être informé ; qu’en lui reprochant de n’avoir pas informé Mme X... de l’existence d’un groupement d’intérêt économique constitué le 30 septembre 1988, sans répondre à ses conclusions faisant valoir que Mme X... dont il est constant qu’elle ait été assistée d’un avocat, professeur de droit, spécialisé en droit des affaires savait, ou aurait dû savoir, notamment par des informations publiées par la presse nationale, qu’un GIE avait été constitué entre la SNCF et la société Les Grands moulins de Paris, pour coordonner les études d’aménagement et de répartition des frais (conclusions signifiées le 16 novembre 1993,

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pages 3 et 4), les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil s’il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l’article 1116 du Code civil, s’il faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive

et alors, enfin, que les liens d’amitié et de confiance que lui-même et Mme X... avaient pu entretenir par le passé, étaient sans incidence sur l’existence ou l’étendue des obligations pesant sur lui, en sa qualité de cessionnaire, dès lors que, ayant pris le parti de ne pas donner suite à sa lettre du 28 janvier 1988, Mme X... avait pris la décision unilatérale de consulter une banque, de se faire assister d’un conseil spécialisé en droit des affaires et d’entreprendre des négociations avec les consorts Z..., par le truchement de ce conseil constitué mandataire ; qu’à cet égard encore les juges du fond ont violé l’article 1382 du Code civil s’il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, l’article 1116 du Code civil, s’il faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu que l’arrêt relève qu’au cours des entretiens que Mme X... a eu avec M. Bernard Vilgrain, celui-ci lui a caché avoir confié, le 19 septembre 1989, à la société Lazard, mission d’assister les membres de sa famille détenteurs du contrôle de la société CFCF dans la recherche d’un acquéreur de leurs titres et ne lui a pas soumis le mandat de vente, au prix minimum de 7 000 francs l’action, qu’en vue de cette cession il avait établi à l’intention de certains actionnaires minoritaires de la société, d’où il résulte qu’en intervenant dans la cession par Mme X... de ses actions de la société CFCF au prix, fixé après révision, de 5 650 francs et en les acquérant lui-même à ce prix, tout en s’abstenant d’informer le cédant des négociations qu’il avait engagées pour la vente des mêmes actions au prix minimum de 7 000 francs, M. Bernard Vilgrain a manqué au devoir de loyauté qui s’impose au dirigeant d’une société à l’égard de tout associé, en particulier lorsqu’il en est intermédiaire pour le reclassement de sa participation ; que par ces seuls motifs, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d’appel a pu retenir l’existence d’une réticence dolosive à l’encontre de M. Bernard Vilgrain ; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait le même grief à l’arrêt alors, selon le pourvoi, qu’à supposer, premièrement, que les consorts Z... aient donné mandat à la maison Lazard frères & Cie de négocier leurs propres titres pour le prix de 7 000 francs, deuxièmement, que Mme X... ait eu connaissance de ce mandat, troisièmement, qu’elle ait su qu’un groupement d’intérêt économique avait été constitué entre la SNCF et la société des Grands moulins de Paris et que ce groupement ait eu pour objet de valoriser l’actif immobilier de cette dernière, les juges du fond n’ont pas constaté qu’à la date des cessions (27 septembre 1989), Mme X... eût préféré attendre la position d’un acquéreur éventuel, pour tenter d’obtenir un prix supérieur, plutôt que d’avoir l’assurance d’encaisser immédiatement 3 000 francs par action et d’avoir la garantie, en outre, d’encaisser un supplément de prix à concurrence de 50 % en cas de plus-value susceptible d’être réalisée grâce aux consorts Z... ; d’où il suit que faute de relever que l’erreur commise par Mme X..., à raison de la réticence dolosive, a été déterminante, l’arrêt attaqué est dépourvu de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil s’il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l’article 1116 du Code civil, s’il faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu qu’ayant retenu qu’informée des négociations en cours, Mme X... n’aurait pas cédé ses actions au prix de 3 000 francs, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ; (…)

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Document 11 : Cass. com., 12 mai 2004, RDC, 2004, p. 923, obs. D. Mazeaud, RTD

Civ., 2004, p. 500, obs. J. Mestre.

Attendu, selon l’arrêt attaqué qu’en 1990, M. Samuel X..., président du conseil d’administration de la société Etablissements X... et fils (la société X...), a constitué, avec d’autres actionnaires de cette société, la société Financière X..., dont il est également devenu président du conseil d’administration ; qu’au cours d’une "réunion de famille" tenue le 23 janvier 1993, M. Samuel X... a proposé aux actionnaires de la société X... de céder leurs actions à la société Financière X... ; que cette proposition a été acceptée par MM. Marc et Philippe X... qui, le 29 mars 1993, ont cédé à la société Financière X..., au prix unitaire de 1 800 francs, respectivement 800 et 686 actions de la société X... ; qu’au mois de mai 1993, la société Former a acquis, au prix unitaire de 4 022 francs, 955 actions de cette même société ;

qu’au mois de juin 1993, la société Former a acquis, également au prix unitaire de 4 022 francs, la quasi-totalité des actions composant le capital de la société Financière X..., qu’elle a ultérieurement absorbée ; que MM. Marc et Philippe X..., estimant avoir été victimes d’un dol par réticence, ont demandé que M. Samuel X... et la société Former, venant aux droits de la société Financière X..., soient condamnés à leur payer des dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu que MM. Marc et Philippe X... font grief à l’arrêt d’avoir rejeté la demande dirigée contre la société Former alors, selon le moyen :

1 ) qu’il résulte des énonciations de l’arrêt et du jugement entrepris que M. Samuel X... était le dirigeant des sociétés X... et Financière X..., dont il était également associé, que le 23 janvier 1993, au cours d’une "réunion de famille", il a proposé aux actionnaires de la société X... de céder leurs actions à la société Financière X... au prix de 1 800 francs chacune, qu’à son instigation, le 29 mars 1993, MM. Marc et Philippe X... ont accepté de céder respectivement 800 et 686 actions de la société X... (soit 6, 30 et 5, 41 % du capital de celle-ci) à la société Financière X..., au prix de 1 800 francs par action, qu’au début des mois de mai et juin suivants, la société Former a acquis, d’abord, 955 actions de la société X... (soit 7% du capital social de celle-ci), au prix unitaire de 4 022 francs l’action - la société Former et M. Samuel X... ayant refusé de produire aux débats les ordres de mouvement correspondants - ensuite, la quasi-totalité du capital de la société Financière X..., le prix de l’action étant également fixé à 4 022 francs ; que MM. Marc et Philippe X... soutenaient que lorsqu’ils avaient cédé leurs actions à la société Financière X..., ils n’avaient pas été informés de l’existence des négociations, alors en cours, entre les sociétés X... et Financière X..., toutes deux représentées par M. Samuel X..., et la société Former ; qu’en les déboutant de leur demande formée à l’encontre de la société Former, venant aux droits de la société Financière X..., après avoir constaté qu’il est "tout à fait vraisemblable qu’à (la) date (du 23 janvier 1993), ou à celle à laquelle (MM. Marc et Philippe X...) ont cédé leurs actions, soit le 29 mars 1993 ... les sociétés X... et financière X... avaient déjà entrepris des négociations avec la société Former", sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si l’existence de ces négociations ne leur avait pas été cachée et si la société Financière X... n’avait pas par là-même commis une réticence dolosive en leur dissimulant une information déterminante de leur consentement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

2 ) que MM. Marc et Philippe X... faisaient valoir, dans leurs écritures, qu’ils avaient vainement "sollicité, par deux sommations de communiquer (puis par ordonnance d’injonction de communiquer) la production des ordres de mouvement en application desquels MM. Y... et Z... étaient devenus actionnaires des sociétés X... et Financière X... (et) des ordres de mouvement

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portant sur les 955 actions de la société X... acquises par la société Former en mai 1993 au prix de 4 022 francs", en invitant la cour d’appel à tirer toutes conséquences de ce refus ; qu’en se bornant à relever qu’il "importe peu que les ordres de virement du mois de mai 1993 n’aient pas été produits car il n’est pas discuté que les actions, dont le nombre pouvait assurer à la société Former le contrôle de la société X..., ont été acquises au prix de 4 022 francs", sans répondre au moyen par lequel elle était invitée à tirer les conséquences du refus manifesté par la société Former et M. Samuel X... de produire les ordres de virement en application desquels MM. Y... et Z... étaient devenus actionnaires des sociétés X... et Financière X..., la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) qu’en retenant également, à l’appui de sa décision, que MM. Marc et Philippe X... "ne sauraient contester qu’on ne peut assimiler la cession d’actions d’actionnaires minoritaires avec l’acquisition de la totalité du capital, qui permet au cessionnaire le contrôle total de la société cédante", sans répondre aux conclusions qui lui étaient soumises dans lesquelles MM. Marc et Philippe X... faisaient valoir que "cette tentative de justification ne résiste pas à l’examen (puisque) ... en mai 1993, la société Former a acquis 955 actions de la société X... (représentant uniquement 7 % du capital) au prix unitaire de 4 022 francs ; cette cession, indépendante de la cession du prétendu "bloc de contrôle" de la société X... par l’intermédiaire de la cession de l’ensemble des actions de la société holding (réalisée en juin 1993), s’est faite au même prix que la cession du prétendu "bloc de contrôle", (cependant) que ces 7 % du capital sont tout à fait équivalents aux 6, 30 ou 5, 41 % du capital (précédemment détenu et cédé par eux)" et que "la société Former n’a (donc) clairement fait aucune distinction entre la cession d’actions minoritaires ou d’un bloc de contrôle majoritaire", la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le cessionnaire n’est tenu d’informer le cédant ni des négociations tendant à l’acquisition par un tiers d’autres titres de la même société ni de celles qu’il conduit lui-même avec ce tiers en vue de lui céder ou de lui apporter les titres faisant l’objet de la cession ; que l’arrêt, qui a répondu en l’écartant au moyen invoqué par la troisième branche se trouve justifié, abstraction faite du motif surabondant que critique la quatrième branche ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur la première branche du moyen : Vu l’article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande formée contre M. Samuel X..., l’arrêt retient que s’il paraît tout à fait vraisemblable qu’à la date de la "réunion de famille" ou à celle de la cession, les sociétés X... et Financière X... avaient déjà entrepris des négociations avec la société Former, rien ne permet d’affirmer qu’ au jour de la cession le prix de l’action avait déjà été fixé ni que l’absorption de la société était acquise, ceux-ci étant conditionnés par la possibilité pour la société Former d’acquérir l’ensemble des actions et donc par l’attitude des actionnaires minoritaires ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’elle constatait que M. Samuel X..., dirigeant et actionnaire des sociétés X... et Financière X..., avait été à l’initiative de la cession des actions de la première au bénéfice de la seconde et sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, s’il n’avait pas caché l’existence des négociations conduites avec un tiers en vue du rachat ou de l’apport de ces mêmes actions, et ainsi manqué à l’obligation de loyauté qui s’impose au dirigeant de société à l’égard de tout associé en dissimulant aux cédants une information de nature à influer sur leur consentement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, (…)