Une pu ce au pied pour se laver les mains Revue... · Depuis 2014 le recueil des indicateurs est...

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_14 Comment faire pour que ce système de traçabilité automatisé, développé par la société MediHandTrace, et dont l’objectif est l’amélioration de la qualité des soins, par la diminution des Infections associés aux soins (Infections Nosocomiales), ne soit pas vécu comme une source de stress supplémentaire par les soignants ? La qualité de vie au travail des professionnels de santé au cœur des débats, dans un monde de la santé sous tension. Ces dernières années ont vu évoluer et s’accroître les contraintes pesant sur les établissements sous l’effet de différents facteurs : raréfaction des ressources nancières et recherche d’un nécessaire équilibre économique, renforcement des coopérations et des regroupements inter- établissements, multiplication des normes réglementaires ou professionnelles visant à renforcer la qualité et la sécurité des soins... Ces différentes contraintes ont pu entraîner de fréquents changements d’organisation, une intensication du travail et en corrélation une augmentation du stress et d’un ressenti de mal-être au travail pour les professionnels. Si la qualité de vie au travail demeure une notion complexe, difcile à dénir, ses déterminants peuvent être regroupés en 4 grandes familles de facteurs (1) : Les exigences du travail et son organisation Le management et les relations de travail La prise en compte des valeurs et attentes des salariés Les changements du travail La mise en œuvre du système MediHandTrace renforce la prégnance des exigences du travail car elle va se traduire par : le port obligatoire de chaussures spéciques « sabots équipés d’un tag RFID » ou l’ajout d’une puce électronique dans sa chaussure, l’enregistrement et la conservation de données permettant d’évaluer les pratiques de lavage des mains mais également plus globalement la pratique soignante et le parcours de soins et cela par professionnel : fréquentation des chambres des patients, respect des protocoles, consommation des Solutions Hydro Alcooliques… Dans un tel contexte, comment concilier « Qualité des soins » et « Qualité de vie au travail ». La question de la santé au travail, le « prendre soin » des soignants devient une question centrale. La littérature scientique ainsi que des études empiriques conduites au sein d’établissements sanitaires et médico- sociaux, témoignent de l’existence d’un cercle « vertueux » liant « Qualité de vie au travail/conditions de travail » et « Qualité des soins/bientraitance des patients ». Une puce au pied pour se laver les mains ? Une puce dans la chaussure pour tracer le respect des bonnes pratiques en hygiène hospitalière, et plus spéciquement le lavage des mains des soignants… Une illustration parmi d’autres initiatives pour lutter contre les infections nosocomiales. De même une étude récente a montré qu’il existe un lien entre la mortalité hospitalière et la perception que les inrmières rapportent de la qualité et de la sécurité de leur environnement de travail. « … lorsque l’environnement de travail est considéré comme étant de qualité par les infirmières, les résultats cliniques (ratio normalisé de mortalité hospitalière, récupération des accidents et satisfaction des patients) sont meilleurs » (5) . Cette corrélation est si importante que la HAS s’en est emparée, et l’intègre dans le manuel de certication des établissements, dont l’objectif est l’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins dispensés aux patients, comme un critère spécique. (6) Pour la HAS il ne s’agit pas de mesurer le niveau de qualité de vie au travail dans un établissement, mais de vérier qu’un processus d’amélioration de la qualité de vie au travail est réellement engagé. LA LUTTE CONTRE LES IAS/IN, UNE NÉCESSITÉ ABSOLUE Le dispositif de lutte contre les infections nosocomiales est structuré en France depuis 1988, date de l’obligation faite par décret aux établissements de santé de mettre en place des comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN). La loi HPST 7 , a renforcé le rôle de l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH), en insistant sur son caractère obligatoire et en reprécisant sa composition avec une double compétence médecin/pharmacien et inrmier. C’est désormais sur l’EOH que repose l’expertise en matière de prévention du risque infectieux nosocomial.

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Comment faire pour que ce système de traçabilité automatisé, développé par la société MediHandTrace, et dont l’objectif est l’amélioration de la qualité des soins, par la diminution des Infections associés aux soins (Infections Nosocomiales), ne soit pas vécu comme une source de stress supplémentaire par les soignants ?La qualité de vie au travail des professionnels de santé au cœur des débats, dans un monde de la santé sous tension.

Ces dernières années ont vu évoluer et s’accroître les contraintes pesant sur les établissements sous l’effet de différents facteurs : raréfaction des ressources financières et recherche d’un nécessaire équilibre économique, renforcement des coopérations et des regroupements inter-établissements, multiplication des normes réglementaires ou professionnelles visant à renforcer la qualité et la sécurité des soins...

Ces différentes contraintes ont pu entraîner de fréquents changements d’organisation, une intensification du

travail et en corrélation une augmentation du stress et d’un ressenti de mal-être au travail pour les professionnels.

Si la qualité de vie au travail demeure une notion complexe, difficile à définir, ses déterminants peuvent être regroupés en 4 grandes familles de facteurs (1) :✓ Les exigences du travail et son organisation ✓ Le management et les relations de travail✓ La prise en compte des valeurs et

attentes des salariés ✓ Les changements du travail

La mise en œuvre du système MediHandTrace renforce la prégnance des exigences du travail car elle va se traduire par :• le port obligatoire de chaussures spécifiques «  sabots équipés d’un tag RFID » ou l’ajout d’une puce électronique dans sa chaussure,• l’enregistrement et la conservation de données permettant d’évaluer les pratiques de lavage des mains mais également plus globalement la pratique soignante et le parcours de soins et cela par professionnel  : fréquentation des chambres des patients, respect des protocoles, consommation des Solutions Hydro Alcooliques…

Dans un tel contexte, comment concilier « Qualité des soins  » et « Qualité de vie au travail  ». La question de la santé au travail, le « prendre soin  » des soignants devient une question centrale.La littérature scientifique ainsi que des études empiriques conduites au sein d’établissements sanitaires et médico-sociaux, témoignent de l’existence d’un cercle « vertueux » liant « Qualité de vie au travail/conditions de travail » et « Qualité des soins/bientraitance des patients ».

Une puce au pied pour se laver les mains ?Une puce dans la chaussure pour tracer le respect des bonnes pratiques en hygiène hospitalière, et plus spécifiquement le lavage des mains des soignants… Une illustration parmi d’autres initiatives pour lutter contre les infections nosocomiales.

De même une étude récente a montré qu’il existe un lien entre la mortalité hospitalière et la perception que les infirmières rapportent de la qualité et de la sécurité de leur environnement de travail.

«  … lorsque l’environnement de travail est considéré comme étant de qualité par les infirmières, les résultats cliniques (ratio normalisé de mortalité hospitalière, récupération des accidents et satisfaction des patients) sont meilleurs » (5).Cette corrélation est si importante que la HAS s’en est emparée, et l’intègre dans le manuel de certification des établissements, dont l’objectif est l’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins dispensés aux patients, comme un critère spécifique.(6) Pour la HAS il ne s’agit pas de mesurer le niveau de qualité de vie au travail dans un établissement, mais de vérifier qu’un processus d’amélioration de la qualité de vie au travail est réellement engagé.

LA LUTTE CONTRE LES IAS/IN, UNE NÉCESSITÉ ABSOLUELe dispositif de lutte contre les infections nosocomiales est structuré en France depuis 1988, date de l’obligation faite par décret aux établissements de santé de mettre en place des comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN).

La loi HPST 7, a renforcé le rôle de l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH), en insistant sur son caractère obligatoire et en reprécisant sa composition avec une double compétence médecin/pharmacien et infirmier. C’est désormais sur l’EOH que repose l’expertise en matière de prévention du risque infectieux nosocomial.

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Les limites des indicateurs actuels de lutte contre les infections nosocomiales.

Parmi les indicateurs de qualité et de sécurité des soins, dont les résultats sont publiés et mis à la disposition du public, nous disposons de 5 indi-cateurs composant le tableau de bord de suivi des infections nosocomiales. 8

Depuis 2014 le recueil des indicateurs est réalisé en alternance une année sur deux. Ce tableau de bord des infec-tions nosocomiales est ainsi composé des indicateurs suivants :■ Indicateur composite des activités

de lutte contre les infections nosoco-miales (ICALIN.2),

■ Indicateur de consommation de produits hydro-alcooliques pour l’hygiène des mains (ICSHA.2),

■ Indicateur composite de lutte contre les infections du site opératoire (ICA-LISO),

■ Indicateur composite de maîtrise de la diffusion des bactéries multirésis-tantes (ICA-BMR),

■ Indicateur composite de bon usage des antibiotiques (ICATB.2).

Néanmoins, ces indicateurs, dont l’intérêt est indéniable, ne nous per-mettent pas d’évaluer les pratiques réelles des soignants et en particu-lier le degré d’observance des recom-mandations en matière de lavage des mains.L’indicateur ICSHA.2 est un marqueur indirect de la mise en œuvre effective de l’hygiène des mains. Exprimé en pourcentage, il est le rapport entre le volume de produits hydro-alcooliques (PHA) consommés réellement par l’éta-blissement et l’objectif personnalisé de consommation vers lequel l’établis-sement doit tendre, déterminé à partir d’un référentiel national prenant en compte les types d’activités de l’éta-blissement (capacité et nature des activités).

LE RÔLE FONDAMENTAL DES PERSONNELS DE SANTÉ DANS LA LUTTE CONTRE LES IAS/INÀ l’occasion de la Journée de l’hygiène des mains, le 5 mai 2014, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié un rapport majeur sur la résistance aux antimicrobiens faisant état de taux élevés chez les bactéries respon-sables des infections les plus courantes (par exemple les infections des voies urinaires, les infections postopératoires, les pneumo-nies et les infections du sang) dans toutes les régions du monde.

« Il y a des preuves scientifiques mani-festes que l’hygiène des mains de la part des agents de santé contribue à réduire la fréquence des infections nosocomiales provoquées par des germes résistants, en particulier le MRSA (staphylocoque doré, résistant à la méthycilline) » 10.Le rôle des professionnels de santé est essentiel dans cette lutte contre les infec-tions nosocomiales.

Il repose sur le respect des règles d’hygiène à 5 moments clés, de préférence en utilisant une solution hydroalcoolique ou en se lavant les mains à l’eau et au savon, si elles sont visiblement souillées.

1. Avant le contact avec un patient,2. Avant le geste aseptique (par exemple

l’insertion de dispositifs comme des cathéters),

3. Après le risque d’exposition à un liquide biologique,

4. Après le contact avec un patient,5. Après le contact avec l’environnement

du patient.

Si la notion de CLIN n’est plus obligatoire, les objectifs demeurent et la tendance se confirme de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats.

Cette lutte contre les infections noso-comiales s’inscrit dans un programme national qui vise à prendre en compte les différentes dimensions de la prévention des infections associées aux soins.

Malgré les améliorations apportées en matière d’hygiène hospitalière, la prévalence des infections associées aux soins n’a pas diminué entre 2006 et 2012 9, dans les services de courts séjours (MCO).

LES CHIFFRES

En France, on estime que le nombre de patients victimes d’une infection associé aux soins (nosocomiales) varie entre 5% et 8% selon les modes de calculs et les années : ce taux peut atteindre 13 à 14% en service de réanimation. (2) (3) Le nombre de patients infectés par an s’élève selon les études entre 750 000 et 800 000. (7)

L’estimation du nombre de décès liés aux IN a une variabilité assez grande dans les études : de 4000 à 10 000 par an, selon que l’on intègre ou non les patients dont le pronostic vital était engagé avant la déclaration de la maladie. (9) Les bactériémies aggravent ces chiffres de manière significative.Les infections nosocomiales aux conséquences souvent dramatiques pour les patients représentent un surcoût pour notre système de santé pouvant s’estimer entre 2,4 et 6 milliards d’euros, dont 30% seraient évitables (0,73 à 1,8 milliard d’euros), pour un coût moyen d’une infection nosocomiale de 8000 €. (4)

1 - ANACT et la DGT : http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Les-RPS-c-est-quoi.html2 - http://www.inserm.fr/thematiques/immunologie-inflammation-infectiologie-et-microbiologie/dossiers-

d’information/infections-nosocomiales3 - Réseau REA-Raisin « Surveillance des infections nosocomiales en réanimation adulte. France, résultats 2007 »

[archive], Institut de veille sanitaire, septembre 2009, ii + 60 pp.4 - 22 juin 2006 : Rapport du sénateur Vasselle au Sénat - http://www.senat.fr/rap/r05-421/r05-42113.html5 - Sécurité du Patient & Pratiques – N° 35 – Sept.-oct. 2014 -Dr Jean Brami – HAS

http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1761106/fr/securite-du-patient-pratiques-n-35-sept-oct-2014?portal=fc_10984916 - Manuel de certification V2010 – version Janvier 2014 - Critère 3.d 7 - La loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire (HPST) n° 2009-879 du 21 juillet 2009 (Art. L. 6144-1 et

6161-2 du C.S.P.) - Décret n° 2010-1408 du 12 novembre 2010 relatif à l’organisation de la lutte contre les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé

8 - Arrêté du 20 février 2015 fixant les conditions dans lesquelles l’établissement de santé met à la disposition du public les résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins

9 - INVS : Etude de prévalence 2012, http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Infections-associees-aux-soins/Surveillance-des-infections-associees-aux-soins-IAS/Surveillance-en-prevalence

10 - Professeur Benedetta Allegranzi - Responsable technique du programme OMS «Un soin propre est un soin plus sûr»

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Un point fort  : le logiciel Meditrace peut piloter les deux systèmes séparément ou de manière simultanée et coordonnée.

■ Quels ont été les résultats de l’expé-rience conduite à l’APHM dans le service des maladies infectieuses tropicales ?

L’étude initiale réalisée entre septembre 2013 et mars 2014 a révélé qu’à peine un soignant sur cinq se désinfecte les mains avant d’entrer en contact avec les malades : 22,6 % du personnel soignant se désinfecte les mains avant d’entrer en contact avec les malades et 21 % le font uniquement après, alors même que ce service est un de ceux qui consomme le plus de solutés hydro alcooliques au sein de l’hôpital.

Il est toutefois important de pondérer ces premiers résultats  : une analyse anthropologique et par observation vidéo a été effectuée afin de valider la pertinence des données obtenues, tout en tenant compte des situations réelles. Cette étude, dont les données détaillées sont en cours de publication, démontre que, bien que les données récoltées soient pertinentes, la non-ob-servance des mains est multi-factorielle. Un affinage du paramétrage du logiciel d’analyse MediTrace a permis de redes-siner les contours des critères de valida-tion des parcours, avec un impact sur la moyenne des indicateurs obtenus, qui a progressé.

sans gène ni perte de confort. Le dispo-sitif MediHandTrace se décline également selon une version mobile. Ce kit mobile est une version allégée du dispositif «  à demeure  », puisqu’il n’implique pas de travaux d’installation dans les chambres : le kit est accompagné de «  tapis-an-tennes » amovibles, ainsi que d’un distri-buteur de SHA. Les chaussures du personnel soignant sont « pucées ». L’installation de 3 à 5 kits dans les chambres les plus fréquentées (quelle que soit la taille du service) est re-commandée dans les contextes suivants :

1. Audit temporaire d’un service : le kit permet d’obtenir des résultats d’audit particulièrement détaillés, sur une période suffisamment longue (généralement jusqu’à 3 mois) pour éviter les biais d’ob-servation et recueillir des données repré-sentatives et pertinentes.

2. Dispositif « pompier » : le kit est installé dans un service qui présente une épidémie à maîtriser ; le kit permet d’évaluer la per-tinence de la juste hygiène des mains durant la phase de crise, et d’identifier plus précisément les actions à mener en cas de récidive.

Le dispositif MediHandTrace peut être judicieusement complété par le module Patient Smart Reader, qui permet d’obser-ver plus particulièrement les moments 2 et 3, par la traçabilité des actes de soins.

Interview de Francine Lanceleur-Brenning, Directrice Générale de MediHandTraceLe plus souvent, pour évaluer l’hygiène des mains des soignants et le respect des recommandations, les établissements de santé se basent sur l’étude des volumes de solutions hydro alcooliques consommées, ou sur les résultats d’audit d’observation des pratiques des soignants, réalisée par des personnes étrangères au service étudié. Ces deux méthodes présentent chacune des biais évidents.

■ Francine, comment se présente le dis-positif MediHandTrace ?

La mise en place du dispositif Medi-HandTrace dépend en grande partie de la configuration des chambres à équiper, et l’objectif de traçabilité recherché par le service. Une installation optimale (voir schéma) comporte les éléments suivants :La mise en place d’antennes électro-niques au sol, dont l’implantation permet de dessiner le parcours idéal du soignant auprès du patient selon les 5 moments recommandés par l’OMS. Ces antennes sont installées lorsque la solution Medi-HandTrace retenue reste à demeure dans le service. L’installation de cartes électro-niques sur les distributeurs de solutions hydro alcooliques  ; ces cartes peuvent être paramétrées selon plusieurs configu-rations allant d’un enregistrement simple de l’acte de désinfection, au déclenche-ment d’une alarme sonore ou visuelle en cas de défaut de désinfection avant le contact patient.La traçabilité de l’hygiène des mains sur le parcours soignant ainsi mise en place requiert l’inclusion de puces dans les chaussures des soignants. Ces puces sont insérées de manière définitive lorsque ces chaussures sont exclusive-ment réservées à l’activité professionnelle dans le service ; dans le cas de soignants extérieurs, ceux-ci insèrent des puces mobiles dans leurs chaussures de ville,

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En parallèle, la restitution des indica-teurs par groupe de soignants, mais également à titre individuel pour ceux qui le souhaitaient, a permis de créer une émulation de groupe et une incita-tion personnelle à une amélioration des pratiques de soins. Cette émulation, ainsi que la pondération des données récoltées, a permis de constater une amélioration des indicateurs initiaux, qui sont rapidement passés à une moyenne de 50% et plus.

■ Comment avez-vous amené les soignants à accepter de porter ces puces et d’être ainsi « tracé » dans leurs pratiques quo-tidiennes ?

Il est important de rappeler que nous sommes tous « tracés » dans notre vie de tous les jours, en premier lieu grâce – ou à cause – de nos téléphones portables, gps de voiture, badges d’accès à divers bâtiments (professionnels, sportifs, éducatifs…). La traçabilité est déjà au cœur de notre quotidien.Ces principes de bases étant rappelés, la direction du service de maladies infec-tieuses tropicales a exprimé, avant même la mise en place du dispositif, qu’il n’y aurait aucune sanction, ni individuelle ni collective, quels que soient les résultats obtenus. Cette ligne de conduite ayant été honorée depuis l’installation fin 2012, les soignants, initialement réticents pour certains, ont totalement intégré cette tra-çabilité dans leur travail au quotidien.Par ailleurs, plusieurs infirmières ont été impliquées plus particulièrement dans le projet de mise en place du dis-positif ; elles ont été un élément décisif dans l’acceptation par tout le personnel soignant du service, à l’écoute des questions et critiques. Elles ont joué un véritable rôle d’interface avec le manage-ment (et plus particulièrement du pilote du projet, le Professeur Brouqui, chef de service), pour apporter plus de fluidité au déploiement. De cette manière, la mise en place du dispositif MediHandTrace est devenue le projet de tout le service.

■ Quelles sont les conditions à respecter pour qu’un tel dispositif ne devienne pas pour les soignants une source de stress supplémentaire ?

La mise en place des puces ne procure aucune gêne ni inconfort, le personnel a ra-pidement oublié leur existence. C’est d’ail-leurs tout l’intérêt du dispositif  : il suffit de quelques jours pour que le personnel reprenne ses habitudes de travail, permet-tant ainsi au dispositif de restituer une photographie réelle des habitudes liées à la désinfection des mains, sans effet de bord.

La restitution des indicateurs a été pro-grammée pour être effectuée par groupe de soignants, et non par individu. Un effet intéressant de cette approche a été constaté au travers de la demande de plusieurs soignants d’obtenir un feedback à titre personnel. Afin de rester au plus proche de l’anonymat de chacun, le logiciel MediTrace a été complété afin d’envoyer un SMS sur les portables des soignants acceptant de fournir leur numéro de mobile. L’information envoyée consiste à préciser si la moyenne per-sonnelle du soignant est supérieure à la moyenne de son groupe pour la période passée, ou inférieure (un troisième type de message précise l’absence du soignant s’il y a lieu, pour éviter toute interprétation négative). Chacun est libre de partager ou non cette informa-tion avec ses collègues, sachant que le

SMS ne donne aucune notation, juste une indication.

Cette restitution individuelle, qui de fait constitue une véritable auto-évalua-tion, a contribué également à améliorer les pratiques d’hygiène des mains des soignants, en créant une émulation et mo-tivation personnelle.

Dans le contexte du dispositif Medi-HandTrace, le rôle du management est essentiel pour garantir le respect d’élé-ments importants concourant à la qualité de vie au travail. Une communication claire des objectifs recherchés, de la méthode de gestion et de mise en œuvre du projet, un accompagnement au plus près des professionnels, permettent de lever les doutes et le stress associés. De plus, le dispositif MediHandTrace de traçabilité de l’hygiène des mains est également un outil de protection complé-mentaire pour le personnel, tout autant

concerné par les risques de transmission d’infections nosoco-miales.

Francine Lanceleur-BrenningDirectrice Générale - MediHandTrace

Le schéma d’installation d’une chambre et un sabot